L'envers d'eux deux

Nombre de messages : 5651 Date d'inscription : 22/11/2007

Les ruelles étaient d'un gris sombre ...
La pénombre avançait au rythme de leurs pas.

Ramrod marchait à allure forcée, à couvert.

De temps à autre, il reconnaissait violemment tel bâtiment, telle arcade.
Il se mit à murmurer à lui-même.

Damné Graal ... Comme c'est semblable et différent à la fois ...
Jamais je n'aurai cru ...

Avance, Gardien d'en haut ... rapidement. Ne nous faisons pas repérer, je t'en prie ...
Si tu me disais au moins où nous allons ...
AVANCE !

Une pointe métallique entre ses omoplates appuya ses dires.
Telles deux ombres mouvantes, le Gardien et son curieux hôte
filaient au travers de la ville, empruntant des ruelles descendantes.
Descendre, toujours descendre ...

Il se retourna une enième fois vers la silhouette encapuchonnée
qui le poussait en avant et le guidait dans le dédale.
Ramrod n'arrivait pas à percevoir de traits derrière l'obscurité de la cagoule.
Mais il connaissait cette voix féminine, il en était certain.

Soudain, elle lui empoigna le bras et le tira violemment dans un renfoncement.
Ramrod retint un gémissement lorsque son dos, meurtri par la chute vers ce monde, heurta la pierre du mur.

...

Quatre gardes cuirassés passèrent devant eux, le visage fermé, la hallebarde haute. Leurs pas résonnèrent dans la ruelle.
Ils ne les avaient pas vus.

La mystérieuse ravisseuse de Ramrod lui chuchota à l'oreille :
Si SA Garde te tombe dessus ... Tout est perdu.

Dounette était complètement perdue. L'écureuil bleu, lui, semblait au spectacle, il ne lui manquait que les pop corns : la situation semblait le réjouir au plus haut point.

- Tu ne sais donc absolument pas où tu es, charnue ?

Dounette, sans prêter attention au rongeur goguenard, laçait à toute vitesse ses sandales. Après avoir remis sa toge en place - car dans toutes les situations, une femme se doit d'être élégante, n'est ce pas - elle s'avança résolument vers la porte d'entrée qu'elle ouvrit d'un coup sec ...

...

ou pas.

Enfermée..Elle était prisonnière d'un écureuil bleu dans une chambre inconnue !

La fenêtre ! Dounette se jeta vers l'étroite ouverture, et poussa les volets. Elle ressemblait plus à une meurtrière qu'à une baie vitrée, mais...en se contorsionnant un peu... Mmmuuurf

Dounette, une jambe dans le vide, se pencha précautionneusement. La chute serait rude...mais certainement préférable, à bien y regarder, au sort qui l'attendait à rester enfermée dans cette chambre avec un écureuil lubrique !

- Halte là ! On ne bouge plus !

De surprise, Dounette faillit tomber, jusqu'à ce qu'elle soit rudement empoignée par deux gardes d'aspect patibulaire. Tout résistance serait vaine...sans compter que cette intervention lui enlevait le poids non négligeable de devoir volontairement se jeter dans le vide. C'est donc avec un très léger sentiment de soulagement qu'elle se laissa porter jusqu'à un fauteuil où on la jeta rudement.

- Tout doux mes mignons..." sussura une voix dans l'ombre du couloir. Des pas, lents, se rapprochèrent, jusqu'à ce qu'un visage apparaisse dans l'encadrement de la porte.

- Il ne faudrait quand même pas trop l'abimer..."

- Ramrod !!!!" De joie, Dounette s'était levée et arrachée de l'étreinte des gardes qui n'avaient manifestement pas prévu ce soudain regain d'énergie.

- Ramrod, j'étais folle d'inquiétude ! Tu étais où ? Et où on est, nous ? Et...Et..."

La jeune fille s'était pelotonnée dans les bras de son ami, soulagée. Intriguée devant son silence, Dounette releva lentement la tête, puis recula soudainement devant l'éclat métallique des yeux de l'homme qu'elle avait prit pour son ami. Son mouvement la fit trébucher, et elle s'étala de tout son long sur le parquet de la pièce.
Là, désemparée, chiffonnée et malheureuse, Dounette baissa la tête devant ce nouveau coup du sort...

Ce n'était pas Ramrod...

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Descendre ... Toujours descendre.

L'obscurité d'un début de nuit laissait place maintenant à la pénombre de murs trop hauts.
Ramrod se demandait s'ils se trouvaient dans une ruelle trop petite, ou dans une gorge étroite.

Ca ne ressemble plus à ce que je connais ... On descend trop.
Par là. Vite.

L'inconnue indiqua une lourde porte entrouverte.
Ramrod y pénétra, elle se faufila derrière lui et bloqua l'issue par une grande poutre appuyée.
Elle patienta quelques secondes, écoutant le moindre bruit, puis se détendit :

Nous sommes à l'abri ici. Très bien.

Le Peintre avisa les lieux rapidement : sombres, humides. Un escalier descendait, apparemment taillé dans la roche. Une faible lumière émanait d'en bas ... Une torche sans doute.

Très bien pareil. Dis-moi où tu m'emmènes.
Non. Avance.
Elle le menaça de sa lame, le front de Ramrod se barra instantanèment.

Ca suffit, ma belle inconnue. Je n'avancerai pas plus loin.
Dis-moi qui tu es, et pourquoi tu m'as contraint à te suivre jusqu'ici.
Dis-moi pourquoi je serai recherché par la Garde.

Ramrod planta un regard menaçant vers qui se trouvait derrière cette obscure cagoule. Il poursuivit froidement.

Je sais que cette cité ressemble trop à Aëringor.
Je sais que tout est inversé ici.
Je sais qu'Aëringor est bâtie en hauteur ...
Ici nous ne faisons que descendre.

J'ai bien peur que si tout est inversé ici ...
Ses yeux se plissèrent à la lumière d'une déduction soudaine.

J'ai laissé une amie.
Il faut la retrouver, elle peut se trouver en danger.
Il faut remonter ...

Trop tard. C'est trop tard pour elle.

D'un geste élégant, elle rabaissa sa cagoule. Un visage souriant apparut dans la semi-obscurité.
Ramrod écarquilla les yeux. Son cœur cogna soudainement dans sa poitrine. Il comprit pourquoi il connaissait cette voix.

Sacré Graal ...

Zal' ?

Ce n'était pas Ramrod...

L'homme qui ressemblait tant à son ami partit d'un immense éclat de rire, profond et moqueur, auxquels s'ajoutèrent les couinements suraïgus du petit roquet bleu. "Un guide hein...j'm'faire un manchon de fourrure d'écureuil déjanté moi, avant la fin de cette aventure..."

- Oui, il parait qu'on a...quelques points communs, lui et moi, à ce qu'on m'a raconté ! "

Son rire se coupa net, sa physionomie changea, et sur ce visage aimé, Dounette vit apparaitre le masque froid de la cruauté.

- Et ça ne m'étonne plus du tout, maintenant que je te vois, ma petite gardienne." Il prononça ces derniers mots avec une grimace de dédain.

Dounette serra les poings, pâle de rage.

- Et quand à ton...ami, c'est lui qui t'a livré à moi", susurra le double de Ramrod, avec un grand sourire. "N'est ce pas lui qui t'a abandonnée dans cette chambre ? Dans mon ancienne chambre ?"

- Menteur !" hurla Dounette, qui en un bond se jeta sur l'infâme copie de son ami. Vif comme l'éclair, Ramrod lui attrapa les poignets, et la stoppa net dans son élan furieux. Puis, approchant tout prêt son visage de celui de la jeune fille, en un rictus mauvais, il chuchota :

- Vive comme l'éclair...Tu as la fougue et la rage fascinante, petite gamine. Tu me plais, mais n'abuse donc pas. Certains ont été livrés à la forêt pour bien moins que ça. Certaine même..."ajouta t il avec un regard plus qu'explicite...

- Où...Où est il ? Qu'avez vous fait de lui ?"

- Moi ?" demanda Ramrod d'un air faussement innocent, les sourcils montant exagérément haut dans sa chevelure immaculée. "Rien. Ce n'est pas moi qui irait à lui...C'est lui, qui viendra à moi !"

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Zaliara ... Incroyable.

Qu'il y a t-il d'incroyable, Ramrod ? Ta présence est nettement plus incroyable, lorsqu'on sait qui tu es ici.
Les anciens avaient déjà parlé de cette légende comme quoi ...

Attends, attends ... QUI suis-je ici ?
.. Hm ... je veux dire qui est Ramrod pour toi ?

Depuis peu de temps, ni plus ni moins que le Doyen,
lui lança t-elle d'un sourire franc.

Ramrod sentit ses jambes le lâcher.
Il s'assit mollement sur les premières marches de l'escalier, hagard.

Mais ... Qui est Elvia alors ?

Il y a peu de temps, ni plus ni moins que la Doyenne.
Tu as cherché à la tuer. Elle s'est enfuie.

Le Peintre eut un rire nerveux. Il prit sa tête dans ses cheveux,
puis leva un index à l'attention de Zaliara qui l'observait en silence.

BoooOooOoon ...
je récapitule, hein, tu ne m'en veux pas ...

Il se mit à compter lentement sur ses doigts, les yeux clos ...

1, des arbres à l'envers,
2, des écureuils carnivores et bleus,
.. J'oubliais, ce petit monde parle comme toi et moi, hm ?

je reprends ... Hm ... Ne me trouble pas :
1, des arbres à l'envers,
2, des écureuils carnivores et bleus,
3, Aëringor inversée, hein ... celle-ci est bonne aussi
... Et pour clore le tout,
4, chaque Aeringorien a un double ... inversé... ici.

Il ouvrit les yeux, les planta dans ceux de la jeune femme.

Ici, les cerisiers sont donc noirs, produisent des cerises vertes MAIS mûres ...
Ici, la Taverne du Paon ne doit servir que des limonades ...
Ici, le Parc doit être rempli de ronces et de chienlit ...
Ici, l'école doit être un vaste foutoir d'ignorants ...
... Ici, je suis un despote assassin qui a cherché à dégommer sa chère et
tendre, et qui a pris sa place.

J'ai bon, là ? Je suis logique ?

Zaliara hocha avec frénésie la tête, un sourire aux lèvres.

Y'a un bouton pour que tout s'arrête ? Ou est la caméra ?

"Pas possible, je dois être dans un très mauvais film..."

En suivant, un peu contrainte et forcée, il faut bien l'avouer, le Ramrod qui-ressemble-à-ram-mais-qui-n'est-pas-ram " Pas pratique, faudrait que je lui trouve un sobriquet à celui-là, de Ram..." Dounette sentait une irrésistible envie de rire remonter le long de son ventre.

"S'il était une femme, on dirait Cruella des 101 Dalmatiens...ou Kuzco, d'ailleurs...De toute façon, on se dirait dans un film de Walt Disney..."

L'écureuil bleu les avait suivit, et fidèle à ses mauvaises habitudes, inculquées, très certainement, par une mère trop laxiste et un père quasi absent, entre l'alcool de noisette et la construction du nid, qui figurez vous, n'est toujours pas fini, depuis le temps quand même...mais oui, comme je vous le dis ma bonne dame...une vraie famille de casse noisette, comment voulez vous que le petit dernier tourne bien ensuite...

AHEM !

Excusez moi, instant d'égarement typiquement féminin.

Donc ! L'écureuil bleu les avait suivit, et s'évertuait à passer entre les jambes des gardes de façon tout à fait idiote. Il avait l'air de s'amuser comme un fou, et Dounette ne put s'empêcher d'avoir une pensée affectueuse pour cet étrange compagnon à poil bleu. Il semblait si "cartoonien" dans sa manière d'être que la gardienne s'étonnait de ne pas avoir encore vu ses yeux sortir de leurs orbites à la vue d'une jolie poupée, ou de ne l'avoir entendue hurler : "Nooooon pas la trempette ! pas la trempeeeeette !"

Prise dans ses pensées, la gardienne avait légèrement décroché du monde extérieur, qui, de toute manière, était somme toute assez déprimant : du gris, du gris et...devinez quoi? du gris. Point. Nul doute que l'architecture, les ruelles et les habitations ressemblaient à Aeringor...mais un Aeringor passé du coté obscur de la force, apparament. " Du coté déprimant de la force oui..." pensa, désabusée, Dounette. Elle eut un bref fou rire : elle n'osait imaginer la tête de Ramrod - le vrai - devant ce triste tableau...Lui qu'on surnommait le roi des couleurs, devait avoir un mal de crane pas possible devant cette tristoune uniformité...

Elle fut brusquement ramenée à la réalité par un bruit fracassant, et un juron bien senti.

- Aïe aïe aïe...ca va faire mal..."

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Les questions avaient fusées dans ce long corridor terreux par lequels descendaient un Ramrod médusé et une Zaliara prequ'hilare à l'écoute des propos du premier ...

... Bé tu sais, Zaliara ... en haut, les mentors corrigent les devoirs des élèves et ...
MOUHAHAAAAHAAA .... Arrête, arrête ...!!

Devant l'incompréhension hilare de son ex-ravisseuse, Ramrod haussa les épaules et se demanda si l'escalier qu'ils descendaient continuait encore longtemps.
Mais il y eut un curieux bruit, rauque et grave, qui râcla les parois en plus du son caverneux de leur pas sur le sol.
Qui se répércuta le long du tunnel.

Euh ... C'était ce que je crois, ça ? Rassure-moi Zal' ...

Elle prit un air exaspéré autant qu'inquiet :
Oui oui, c'était un rot.
... Enfin SON rot, à lui ... Personne ne peut faire pire, hein ?
C'est lui qui garde les quartiers de la résistance.
Un pas commode, A ne pas le regarder dans les yeux. Fais attention.

... l'atroce ... l'effroyable ... Mido.

La résistance ... Mido, atroce ?

Mais alors que la longue marche descendante se terminait, ils arrivèrent dans une vaste grotte éclairée, qui distribuait encore d'autres tunnels plus petits.
Au centre, tronaît une grossière chaise, où s'était posé une masse impressionnante.
Deux bras dodus reposaient sur ses larges genoux, et on pouvait discerner un regard brillant et des oreilles pointues derrière sa kyrielle de cheveux en bataille.
Il les avait regardé arriver, sans bouger.

Damné Graal ... c'est pas vrai ...
Mon Ramrodounet !!!!

- Aïe aïe aïe...ça va faire mal..." murmura Dounette, hésitante entre être totalement catastrophée par l'ubuesque situation ou se plier de rire. Dans l'expectative, elle jeta un coup d'oeil à ses gardiens, choisissant de suivre leur instinct de survie, qui, dans cet environnement hautement dangereux, devait être considérablement plus développé que le sien. Devant leurs mines attérées, la gardienne compris qu'elle avait bien fait de s'abstenir de rire.

Elle reporta rapidement les yeux sur l'étrange scène qui semblait figée en un comique terrifiant. Et les acteurs n'étaient autres que l'écureuil bleu, qui, à force de passer entre les jambes de tout le monde, avait réussi à faire tomber quelqu'un, et Ramrod, qui était justement la seule personne à ne surtout pas faire tomber, et ceci d'autant plus le jour où la précipitation lui avait faire mettre des dessous tout à fait indécents...

Puis la scène se défigea, au ralenti. Un garde se précipita pour aider son doyen à se relever, et poussa un gémissement étouffé lorsque Ramrod se vengea en lui marchant lourdement sur les pieds. Son regard passa en revue chaque spectateur de la scène, et s'arrêta un instant sur Dounette qui étouffait tant bien que mal -plutôt mal d'ailleurs- un rire nerveux.

Lorsque son regard se posa enfin sur Julius - qui semblait fort absorbé par un taillage minutieux de griffes, griffes légèrement tremblantes, certes - il hurla :

- Toi ! Petit monstre poilu ! C'est de ta faute ! C'est de ta faute ! Ta faute !"

Dounette était médusée. là, devant ses yeux ébahis, Ramrod venait de se transformer en un moutard colérique en pleine crise de caprice. "Pour un peu, il se roulerait par terre en tapant des pieds..."

- Au pilori ! Je-ne-veux-plus le voir !!!"

Avant qu'elle n'ai pu faire un seul geste, l'écureuil bleu était noir de chaines. Dans un couinement lamentable, il se laissa trainer hors de la vue de la jeune fille.

Ramrod semblait avoir un peu repris ses esprits, et tourneboulait, légèrement gêné, le bas de sa toge. Se rengorgeant, il intima l'ordre à la petite troupe, réduite de deux gardes et d'une touffe de poils remuante, de le suivre.

C'est ainsi que Dounette pénétra dans la tour rouge.

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Mido ...

Mido ?

La silhouette qui se présentait à Ramrod ne lui rappellait en rien son ami.
Massivement trapu et sale, des bras gros comme des jambons,
un teint grisâtre, des yeux dorés miroitant sous des cheveux en bataille sur son front.
Et surtout ...
... un sourire carnassier lorsque "Ramrodounet" arriva face à lui.

Tu as bien fait de venir, mon poussin ...

L'étrange elfe se souleva péniblement de sa chaise, alors qu'un bruit métallique qui râclait le sol, indiqua à Ramrod que Mido n'était pas denué d'avantages ...
Une hache cyclopéene apparut de derrière son dos.
Il se mit à la tapoter contre son autre paluche, comme si c'était un cure-dent, un sourire satisfait affiché fièrement.

Zaliara, sentant l'orage arriver, commença à s'esquiver sur la pointe des pieds :
Heu ... Mido ? Sois gentil avec lui quand même, il peut nous servir, d'accord ?

Elle ne reçut qu'un regard mauvais en échange, qui la fit se précipiter dans un tunnel noir.
Ramrod déglutit péniblement, il se mit à agiter les mains devant lui, un faux sourire forcé aux lèvres.

Hm ... Mido ... C'est moi, hein ... Je sais que tu m'en veux, parce que je vais pas assez souvent te voir, ok, mais ...
Tu as bien fait de venir ...
A part ça ? ça mousse chez toi ? Tu t'es décidé à lâcher tes cheveux, c'est co ...
Le colosse se mit à avancer rapidement sur Ramrod, d'un pas lourd.
La hache se leva rapidement,
elle fendit l'air.

Le Peintre écarquilla les yeux, et plongea de côté sans réfléchir.
L'arme du géant se ficha dans les premières marches d'escalier, dans un grincement métallique sourd.
Mido orienta la tête, et regarda sa proie à travers ses cheveux jetés devant lui. Il souriait toujours.

Ramrod se releva vite, reculant de quelques mètres.
Il ne souriait plus.

Lui, il arracha la hache du sol, sans ciller, et se redressa.
Il se mit à marcher lentement vers sa proie,
ses pas ferreux résonnant sur le sol.
Son sourire jaune ne l'avait pas quitté.

Ramrod réfléchissait à toute vitesse.
Il faillit s'emparer de la chaise, mais ce n'aurait servi à rien.
Une seule solution ...

BIEN !
Tu m'as l'air sympathique. Tu danses ?
Ramrod ouvrit les bras, et éxécuta deux petits pas de danse, le sourire inviteur.

Mido stoppa. Ses yeux s'arrondirent, ses épaules s'afaissèrent.
GRMF ??

Le peintre prit ses jambes à son cou, et détala vers le premier tunnel à sa gauche. Il s'engouffra dedans à toute allure.
JE L'SAVAIS JE L'SAVAIS JE L'SAVAIS JE L'SAVAIS ... Ne jamais tirer les oreilles à un elfe ... JAMAIS JAMAIS JA-MAIS !!!!

Quand il entendit derrière lui, le pas de course lourd et le souffle de bœuf, Ramrod se mit à prier ...

"Chamarré...."

Ce fut le premier mot qui vint à l'esprit de la gardienne lorsqu'elle entra dans les couloirs de la tour rouge. Elle qui s'attendait à y trouver la même grisaille qu'à l'extérieur, ou, à la limite, du rouge - cela aurait été plus ou moins logique - quelle ne fut pas sa surprise lorsque sa vision fut assaillie par des couleurs toutes plus criardes les unes que les autres. Le bon goût devait se retourner dans sa tombe "Et y faire plusieurs tours de suite m'est d'avis..."

- Entre entre ! Sois la bienvenue dans ma casbah personnelle, Dounette !"

Ramrod faisait de grands gestes, très excité, apparemment très fier de la déco, pendant que Dounette regardait, ahurie, l'amoncèlement hétéroclite qui s'étalait devant ses yeux, figée dans une expression que Ramrod n'interpréta pas tout à fait correctement...Minaudant, il sussura :

- Et j'ai tout fait moi-même...

Prudemment, Dounette contourna des objets et des meubles qui n'avaient à priori rien à faire à l'endroit où on les avait placés, et qui semblaient bien ennuyés de se trouver là : une commode, en travers d'un couloir, encombrée de toutes sortes de bibelots, breloques et autres attrapes poussière, un tapis, roulé dans un coin, et qui avait l'air de guetter l'innocent promeneur pour lui tomber traitreusement dessus, des babouches, clouées au mur, une assiette, posée au milieu d'une salle...Absolument rien ne semblait être à sa place.

"On se dirait dans une immense salle de jeux pour gosse turbulent et capricieux..."
Levant les yeux sur le doyen de cet Aeringor déjanté, Dounette comprit que c'était effectivement ça.

Après avoir trébuché maintes fois, et avoir maudit tous les Dieux de ce coté-ci du gouffre, la jeune fille arriva dans une salle légèrement moins chargée en couleurs, doreries et autre moulures de plafonds : un réel soulagement pour ses yeux fatigués. Ramrod semblait soudain très affairé, farfouillant sans délicatesse aucune, une grande malle posée, étrangement, exactement là où la gardienne s'attendait à ce qu'elle soit, c'est à dire contre un mur.

- Installe toi, ne fais pas attention, je n'ai pas encore eu le temps de m'occuper de cette pièce, l'ancienne propriétaire n'était vraiment pas une femme de gout". Ramrod se redressa avec une grimace. "Vraiment aucun style la pov' fille..."

Dounette eut une pensée reconnaissante envers cette fameuse inconnue, puis fronca les sourcils. Quel mauvais coup préparait encore Ramrod ?

- Aaaaaaaah !" Ramrod se retourna vers Dounette, triomphant, avec...un pinceau à la main ! "On m'a rapporté que l'autre là...le Ramrod de ton monde, l'usurpateur...ce petit freluquet de rien du tout était...disons...doué pour la peinture. Si lui l'est, alors je peux faire deux fois mieux, il me semble?"
- Euh..."
- Si !" Ramrod semblait prêt à éclater - de fureur ou en sanglots ? - tant son visage était congestionné sous la contrariété. "Mets toi là, je vais faire ton portrait !"

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• APARTÉ GASTRONOMIQUE ELFIQUE •

Couper en dés ...
NON
Débiter en tranches fines ...
NON
Je détaille les morceaux principaux, je fais revenir dans une marmite.
On ajoute des oignons, des tomates. Je couvre ... Heu ...
Ah oui, je goûte ... J'ajuste l'assaisonnement si besoin, et on sert chaud accompagné de nimporte quel féculent.

Ouais ... N'importe quoi peut accompagner un bon Ragoût de Peintre Humain. HMPF !

Le colosse elfique se pourlécha les babines, sourit et tapota sa lourde hache.
Il avançait à pas lents au travers d'un tunnel bas et étroit.
Une quasi-pénombre régnait. Mais l'elfe avançait en terrain parfaitement connu.
Il savait que sa proie était passée ici très récemment.

Avec les tomates, faut pas oublier un bouquet garni, tiens ...

Mido stoppa, huma l'air ambiant, les narines frémissantes.
Il n'était pas loin. Vraiment pas loin.

Humpf ... J'allais oublier de le scalper avant. Les cheveux, ça colle entre les dents ...

Un petit bruit attira l'attention de l'elfe, devant lui. Le tunnel semblait gagner en clarté, plus loin.
Son sourire s'agrandit, et il reprit sa marche furtive, la tête rentrée dans les épaules.

MMMM ... le Ramounet sauce Mido, huhuhu ...

Ce fut l'ombre passante que vit tout d'abord Mido.
Ensuite, seulement, il sentit l'impact sur sa mâchoire.
Il ne comprit que bien plus tard ce qui l'avait frappé.
Ce qui avait fait ce bruit.
Le petit bruit que fait quelqu'un lorsqu'il soulève quelquechose de lourd.
La masse de l'elfe s'effronda, sa tête heurta le sol rocheux.

Durant son court moment d'inconscience, Mido entendit malgré tout sa voix essouflée :
Hmpf ... Dis donc mon Midounet ...
Hmpf ... Faudra te mettre au régime, hein ..
Hmpf ... C'est pas que ... mais si t'étais moins gros ...
Hmpf ... on se permettrait de t'envoyer des cailloux moins gros aussi,
Hmpf ... ... Tu vois ?

...

Hmpf ... Bon, je te laisse lécher le sol, je vais plus loin, d'ac' ?
Hmpf ... Si le cœur t'en dit, je te laisse ma carte, hein ?
Hhhmmmppppffff ...

...

'Toute façon, il dort, Bisounours ... Partons vite, mon Ram'.

- Biiiiiiien...On va pas non plus le contrarier, le gros bébé...Il a des jouets dangereux", ajouta mentalement la gardienne en jetant un coup d'œil circonspect vers l'un des gardes, qui, fier comme Artaban, se tenait en faction devant la porte, le regard droit vers lui. Une mouche aurait trouvé un terrain d'atterrissage sur son nez qu'il n'aurait certainement pas moufté.

Dounette regarda autour d'elle, repéra rapidement un tabouret, et le traina devant la toile que dressait maladroitement Ramrod. Hilare - à l'intérieur bien sûr - elle regarda le petit dictateur de ces lieux se battre avec un chevalet rebelle qui, de toute évidence, n'avait aucune envie de coopérer, et faisait sa petite résistance personnelle.

Après quelques minutes d'onomatopées diverses, et de quelques doigts pincés, le chevalet était en place, la toile aussi, et Ramrod, tirant une langue rosie par l'intense concentration, leva en l'air un pinceau humide.

- Attention...Bouge plus !"

Le pinceau s'abaissa avec une infinie lenteur... Ramrod jetta un coup d'œil... releva le pinceau... fronca un sourcil... se racla la gorge... réhumidifia son pinceau - on ne sait jamais qu'il ai séché hein - pour finalement, enfin, commencer à peindre.

"Eh bien, on est pas rendu..." soupira la jeune fille.

La séance promettant d'être longue, et le doyen semblant légèrement plus détendu qu'au moment des présentations, Dounette décida d'en profiter pour tirer de lui tous les renseignements qui pourraient s'aviser utiles pour -au hasard et par exemple - prendre la fuite.

- Et...euh...ça fait longtemps que vous êtes ici, vous ?
...Coup d'œil distrait du chevalet. Pas convainquant.
- Ainsi donc vous êtes Doyen. C'est un métier d'avenir il parait.
...Nouveau coup d'œil, dubitatif.
- Et...euh...vous vivez seul ici ?

"Touché", pensa Dounette, en entendant le pinceau s'arrêter de gratter la toile.

- Oui...maintenant", maugréât Ramrod, de soudaine méchante humeur.
Il jetta un regard mauvais à sa muse, puis ajouta, un rictus satisfait sur le visage :
- Elle est partit se promener dans les bois."

Sous l'énigmatique réponse, Dounette devina la menace sous jacente. Faut dire que les bois de ce pays n'étaient pas exactement le paradis champêtre dans lequel les élèves faisaient régulièrement des sorties botaniques.

Le silence s'installa, soudain lourd de menaces.

- Terrrrrrrrrrminé !" s'exclama soudain, ravi, Ramrod.

Dounette eut un sourire en s'approchant de la toile : ce double commençait presque à ressembler à son ami perdu, tant son visage était recouvert de taches de peinture multicolores. Cependant, la jeune fille constata rapidement que toute ressemblance s'arrêtait là :

- Ah oui...euh...intéressant..."tousotta Dounette, face à ce qui aurait dû être son portrait.

Impressionnisme? Cubisme ?
Pointillisme ?

Abstrait?
...

Gribouillis...?

- AU CACHOOOOOOT !!"

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Ramrod était revenu sur ses pas, retrouver l'entrée des tunnels où tronaît encore la chaise de son accueillant Mido.
Il avait cette fois emprunté le tunnel par lequel Zaliara s'était enfui.
Bien lui en a pris.

Au bout de quelques minutes, le Gardien des Arts perçut une lumière valliçante poindre à l'extrémité du petit couloir.
Ce tunnel-ci était chaud, alors que l'autre dans lequel il avait laissé Mido était froid et humide. Il était sur une bonne piste.

S'approchant, il entendit des voix au loin.
Ramrod se plaqua contre la paroi, maîtrisant son souffle et le bruit de ses pas.
Le sol rocheux semblait être plus plat, ici, comme martelé.
Mais il stoppa quand il vit de drôles de petits orifices qui perçaient les parois de part en part, à hauteur du sol.
Plus gros que des trous de souris.
D'une vingtaine de centimètres de diamètre ...

Ils ont des rats géants, ici ? des rats ... carnivores ?

Le Peintre s'accroupit lentement, et amena son regard empli de curiosité, au niveau d'un des trous.
Deux yeux ronds l'observaient, dans la pénombre.

Ramrod ne put empêcher un réflexe de recul.
D'accroupi, il passa à assis par terre, médusé.
INTRUS INTRUS ??
INTRUS INTRUS ??

Il regarda autour de lui.
A chaque trou une paire d'yeux le dévisageaient.
Damné Graal !!

Ramrod se releva en hâte, et détala quand il perçut les "choses" sortir de leur cachette. En rythme, synchronisées.

Sans réfléchir, Ramrod courut devant lui, vers la lumière qui se faisait plus forte. Les voix plus présentes.
Il déboula à toutes jambes dans un vaste hall circulaire.
Point de rocher, mais de la pierre taillée.
Un sol pavé, régulier.
Une foule rassemblée, au centre ...

Ramrod pila net. Son visage se liquéfia de surprise.

Ils se retournèrent tous sur l'intrus. Tous.

Le Peintre n'eut pas le temps de réagir à l'idée qu'ils connaissait certains de ceux qui se trouvaient ici.
A peine arrivé, il se retrouva encerclé par une armada de pingouins albinos, dodelinant gaiement, tous armés d'une lame.

INTRUS !! INTRUS !! INTRUS !! INTRUS !!
MAÎTRESSE !! MAÎTRESSE !! MAÎTRESSE !!

Ramrod se frappa le front.
Ca y est .. ça recommence.

- AU CACHOOOOOOT !"

Oooooups...

Dounette se sentit instantanément soulevée de terre, soutenue par une flopée de bras puissants - ce qui, en soit, aurait pû faire penser à certains rêves de la gardienne dans lesquels une armée de chippendales court vétûs...

AHEM ! Reprenons...Ou en étions nous ? Ah oui !

Se sentit instantanément soulevée de terre par une armée de gardes, sans scrupule aucun pour les restes de sa dignité - les restes oui, parce que après une simili chute d'un sapin, une envolée vertigineuse dans un gouffre sans fin, un évanouissement, un rapt par un Ramrod plus rouge qu'il ne devrait et un reluquage par un écureuil bleu de lubricité, Dounette ressentait comme une légère pointe de lassitude, tout de même.

Le chemin vers les cachots de la tour rouge fût étonnament court. "Toutes les routes menent aux cachots, à défaut de Rome..." soupira Dounette.

Un claquement sec, des bruits de pas s'éteignant dans le couloir pavé et humide, la lumière s'éloignant à leur rythme...Dounette se retrouva rapidement plongée dans une pénombre déprimante à souhait.

L'inventaire de la cellule fût rapide : une paillasse, preuve que son séjour dans cet hôtel particulier s'annonçait assez long, une écuelle et...rien d'autre.

- Bien...comme ça le ménage sera vite fait !"

Le son de sa voix se répercuta sous les voutes humides, ricochant longuement, se déformant jusqu'à s'éteindre.

- Hummmf ! Y en a qui dorment ici hein !"

Dounette se figea sur place.

- Y a quelqu'un ?" demanda - très stupidement d'ailleurs - la gardienne d'une micro petite voix.

S'en suivit la réponse logiquement attendue à ce genre de question, aussi intelligente en soit que le très classique "tu dors?".

- Non ce sont les murs qui te parlent. Hummmf. "

Dounette se jeta sur les barreaux, et tenta de percer l'obscurité opaque par la seule force de sa volonté. Un peu plus loin, une forme bougea, dans une autre cellule. Dounette resta un instant sans pouvoir distinguer grand chose d'autre qu'une vague silhouette. Puis le visage se tourna vers elle. Des yeux percèrent l'espace séparant les deux cellules, et Dounette retint son souffle, sous le choc de la surprise.

- Le Vag ? Vagabond, c'est bien toi ? Mais ... Mais qu'est ce que tu fais là ?
- Je pourrais t'en dire autant...Dounette..." La voix était plus que glaciale.
- Ah ba ça ! C'est une sacrée longue histoire. Mais toi aussi tu es tombé dans le gouffre ? En tout cas, le rigolo là haut, c'est pas notre Ramrod, ça tu peux en être sûr..."

Un grand silence s'abattit soudain. Pas de réaction. L'atmosphère était...frigorifique.

- C'est un piège, c'est ça ? Traitresse ! Tu as déjà trahi ta doyenne, et maintenant Ramrod t'envoie pour me faire parler ? Dire que l'on pensait tous que tu avais été livrée à la Forêt...Tu nous as bien eu, toi et tes faux airs de duchesse ! RAMROD !" hurla soudain le Vagabond, "tu ne m'auras pas comme ça ! Je ne dirais rien ! Rien !"

Dounette était éberluée. Un pays de fous. C'était la seule explication un tant soit peu logique. Un pays de grands malades. Tous siphonnés. Débranchés. A l'ouest.

- Bon bon...reprenons...doucement hein? Je fatigue un peu là...Donc...petit un, Ramrod n'est pas Ramrod...petit deux, tu n'es pas le Vag - sisi j'insiste - petit trois, en vrac, je suis dans les cachots de la tour rouge qui n'est pas rouge mais grise, dans une ville qui ressemble à Aeringor mais qui, de toute évidence, ne l'est pas, et petit quatre, et non des moindres, quelque part erre le vrai Ramrod, estampillé et copyrighté, lui.

Ok.
Pas de panique. Aucun soucis, je gère.

Vais quand même m'assoir tient....

...

Mais alors, on est où, ici ?"

- Rog Nirea, évidemment."
- Oui...Evidemment, suis-je sotte." Dounette haussa les épaules.
Rog Nirea...
Rog .... Nirea ...

Tilt !

Rog Nirea...! Aeringor ! Rog Nirea, c'est le mot Aeringor, prit à l'envers !"

Dounette battit des mains, toute excitée d'avoir décodée enfin une partie du mystère de ces dernières heures. Rog Nirea était donc l'inverse d'Aeringor !

- Et donc toi tu es le Vag...Le Vag de Rog Nirea ! Pourquoi es tu emprisonné toi ?
- Ces derniers temps, depuis que le Félon a pris le pouvoir ici, et qu'Elvia a dû fuir, il ne fait pas bon pour un Malveillant de se faire prendre par la Garde Doyenne. Les temps n'étaient déjà pas faciles pour nous autres voleurs, avant...Alors maintenant, c'est carrément de l'éradication..."

Le Vag s'interrompit soudain. Un léger petit cliquetis résonnait doucement dans la pénombre.

- Ah ? Notre séjour ici va bientôt prendre fin. Tu devrais prendre ton souffle, qui que tu sois.
- Prendre mon souffle ? Mais pourquoi ? AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

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L'assemblée encerclait maintenant le Gardien des Arts, qui était également entouré par une vingtaine de petits manchots aux yeux mauvais.
ils prenaient malin plaisir à le faire avancer contre son gré, par petits pics de leur poignards dans ses mollets.
AVANCE ! AVANCE !! PLUS VITE ! PLUS VITE !!

Ramrod esquissa un sourire de convenance. Il déviseaga lentement les personnes qui le regardaient.
Il reconnut nombre d'Aeringoriens. Mais ... trop de différences physiques ou comportementales martelaient au Peintre que ce n'étaient pas les personnes qu'il connaissait.

Il voulut parler, mais une voix puissante força l'attention. Impérieuse.
Enfin ... Le voilà ce double !

La foule se fendit devant lui.
Une femme s'avança.
Toute de noir vêtue, de longs cheveux ébènes lui descendaient le long du dos. Un regard imposant et curieux. Splendide.

Ramrod eut un serrement de cœur. Il avait reconnu, malgré les différences ... Elvia.

Elle avança vers lui. Marchant près d'elle, Zaliara chuchotait en le montrant du doigt. Puis, un curieux chaton ... aux ailes de chauve-souris apparut, voletant hystériquement derrière elles.

Ainsi ... tu serais donc l'inversion du monstre qui règne ici.
Tu serais Ramrod, Gardien des Arts d'Aeringor, n'est ce pas ?

Oui, Elvia. Je suis celui-là.
L'ancienne doyenne fut un instant déstabilisée par la voix du Peintre.
Elle lui rappellait horriblement certains moments.
Elle s'avança près de lui, souriante, ses yeux le détaillant.

On m'a rapporté l'existence de votre "monde".
On m'a rapporté votre venue ici.
Pourquoi et comment vous êtes là, ça, je ne le sais pas.
Mais ...
Je pourrai le savoir rapidement, cela ...

Elvia approcha sa main du visage de Ramrod, qui n'osait bouger.
Les yeux de la prêtresse se mirent à vibrer de lumières.
Le Peintre sentit un désagréable fourmillement intrusif dans sa tête.
Elle fouillait.

Arrête ça. Immédiatement.
Tu n'es pas celle que je connais. Tu n'es pas ... Elle.
Tu n'as aucun droit.
Sers toi de tes "capacités" pour retrouver celle qui m'a accompagnée.
Pas ça.
ARRÊTE.

Elvia sursauta, son visage se contracta. Elle éloigna sa main, les vibrations cessèrent dans l'esprit du Peintre.

Je ne suis pas ... certes.
Contrairement à ta blonde compagne, je suis capable de bien pires choses.
Je n'ai pas fait le choix d'une magie protectrice et dérisoire.
Et mes capacités dépassent les limites de la magie ...
Celle qui t'a accompagnée ?

ASTRIEL !!!

Au son cinglant de son nom, le chaton se figea en l'air un instant.
Ses yeux tourneboulèrent, et il traversa l'assemblée en exécutant des loopings qui se terminaient régulièrement contre une paroi ou une colonne. Repartant de plus en belle, il chantonnait comme si de rien n'était :

"C'était un bien pauvre étudiant
Qui s'préparait pour la méd'cine
L'argent n'étant pas son client
Ça sentait plutôt la débine.

*BOM* - Aïe ...

L'soir, il rencontrait sur son ch'min
En revenant de l'Amphithéâtre
Une brunett' à l'air câlin
Qui lui f'sait un' offre folâtre

*BOM* - AïeOula ... "

L'objet volant cahouteux s'arrêta sur une longue corde pendante, près d'un mur adjacent. S'y aggripant toutes griffes dehors, il tira violemment dessus. Un léger cliquetis se fit entendre.

Chaud devant, les gens ! CHALUEZ L'ARRIVÉE !!!!

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

Devinez ce que c'est ?
Allez un petit effort ! C'est pas dur !
Oui oui ! Vous le tenez !
C'est ... le ... hurlement hystérique ... d'une gardienne ... en train de tomber ! oui !

...

Encore.

AAAAAAAAAAAAAAAAAAh ! AAAAAAAAAAAAAAAAAH ? Ah ????

Après les gouffres sans fin, le toboggan infernal !
Rog Nirea aurait pu passer pour une fête foraine pour siphonnés déprimés.

Dounette glissait le long d'une gouttière sombre, à une vitesse hallucinante, les pieds en avant, sans que rien ne lui permette de freiner sa descente aux enfers.

Ziiiup !

Le toboggan prit fin de manière tout à fait inattendue, et brutale, par...du vide. Le temps d'un battement de cœur, et Dounette atterrissait dans des bras rassurants.

"Ouch ! Pourquoi personne m'a rattrapé moi ?"

Un visage souriant, des yeux pétillants, un juron bien connu sous le choc de la chute de la jeune fille....

"Ramrod !...Enfin je veux dire...MON Ramrod !"

Toujours dans ses bras, Dounette se jeta au cou du Maitre des Arts, soulagée, heureuse.

Ramrod ! Tu étais où?...
Je ne savais pas, je te jure, que tu ne serais pas en sécurité !...
..J'ai eu peur, tu n'étais pas là !
..J'aurais voulu te chercher, mais Zaly m'empêchait !
..Et puis un autre Ramrod est arrivé, je te jure !
..C'est dingue ici, ce sont tous des clones !
..Julius est au pilori, et j'ai vu le Vag en prison !
..Et j'ai même failli me faire tuer par Mido !
..Ram' ! Je sais où on est !
..Tu l'aurais vu, un vrai monstre, énooorme !
..Raaaaaaaam' ! Ecoute moi !!
...
Ram', je sais où on est...On est à Rog Nirea, le monde d'Aeringor inversé !

Dounette, très fière de son information de première main, avait ménagé son petit effet.

- Dounette, je présume ..."

Ramrod leva vivement les yeux. Dounette put y lire un bref éclat d'admiration et de crainte.

- Elvia..." Dounette en eut le souffle coupé. Sa doyenne...Certe, ce n'était pas la bonne. La sienne était nettement plus rouge que ça, et un tantinet plus blondinette. Mais tout de même ! Sa doyenne !

- Repose moi, Ram'"

Ramrod semblait tétanisé, figé devant Elvia.
Dounette s'agita dans ses bras, histoire de le ramener à la réalité.

- Ram' ! Repose moi !"

Ramrod sembla refaire surface, et posa délicatement la jeune fille à terre, qui se tourna immédiatement vers la sombre Elvia.

- Ma doyenne ! Je suis si contente de ...
- Doyenne ? tempêta soudain Elvia, menaçante.
Dounette sentit se rapprocher Ramrod, protecteur.
- Je ... Enfin chez nous ...Pour moi...
- Dounette, ne t'avais je pas promis un châtiment à la hauteur de ta trahison si tu osais réapparaitre devant mes yeux ?!
- Elvia ... Je ne suis pas ...
- Gardes ! Emparez vous de cette imprudente !

Un couack sec retentit, suivit quelques secondes après d'une dizaine d'autres. Des couacks sur tous les tons. Mais tous à peu près accordés sur le même registre : la fureur.

Effarée, Dounette vit ce qui se cachait dans l'ombre à sa brutale arrivée : des pingouins...albinos...et au dessus de leurs petites têtes mécontentes et menaçantes, un chat chauve-souris.

Logique. Normal. Bizarre, vous avez dit bizarre, comme c'est bizarre !

- Non non ! Elvia, fais pas ça ! Je suis pas ta Dounette ! Enfin si, suis Dounette, mais pas Dounette quoi ! Tu comprends ? Elvia !"

Elvia s'était soudain approchée de la jeune fille pétrifiée, et lui saisit le menton de manière impétueuse. Les yeux plantés dans ceux de la gardienne, ses lèvres se mirent à bouger, formant des mots silencieux et terribles. Dounette sentit ses jambes la lâcher, lorsque l'esprit d'Elvia quitta sa tête, après en avoir exploré sans précaution ni douceur le moindre recoin.

Elvia posa sur la jeune fille agenouillée un regard indéfinissable...perplexe...surpris...gêné ?

- Bien...Laissez-la. Elle est comme ce Ramrod. Etrangère à tout ça. "

Elvia sembla hésiter un instant, puis ajouta, les yeux plantés dans ceux de Dounette :

- Laissez-les partir."

Nombre de messages : 5651 Date d'inscription : 22/11/2007

Le revirement de comportement d'Elvia avait laissé Ramrod pantois.
Néanmoins, effectivement, les mini-manchots s'étaient écartés.
Il prit Dounette par la main, prudent.

Je te suggère que nous nous absentions avant qu'ils changent d'avis, ok ?

Mais alors qu'ils reculaient, les omoplates du peintre s'écrasèrent sur quelquechose de mou et chaud. Il se retourna.
Son visage devint livide, celui de Dounette se mua en une stupeur affolée ...
Il part déjà, mon plat principal ? Rhôoooo ....

Les mâchoires souriantes du colosse Mido clinquaient devant le regard de Ramrod.
Moins que la bosse qu'il avait sur le crâne, tout de même.
Mido ... Allez, je rigolais avec mon petit gravier, hein ? Je ...

Par là, Ramounet ... On se reverra, toi et moi.
L'elfe indiqua du bras une porte boisée au fond du hall, au-dessus de laquelle voletait Astriel, décrivant des cercles serrés, à toute vitesse.
MEEEEMMMMMEEEMMEMMEEMMEMEEEEEEEEEEEEEEMMMMM .... BRRAAAAAAAOOOOOOOOOMMMMM .... MMMMEMMEMMEMEMEMEMEMMEEEEEEEEEMMMMM!!!!

...

Ramrod et Dounette parcoururent un tunnel plus qu'étroit, puis gravirent un escalier faiblement éclairé par la lueur de torches mal entretenues.
Au bout de longues minutes où ils hésitèrent à parler, ils arrivèrent devant une toute petite porte, bien plus large que haute.
Il fallait s'accroupir pour la passer.

Il regarda sa voisine de tunnel, légèrement inquiet, et lui chuchota :

Boon .. Je vais jeter un œil. Je regarde juste ce qu'il ya là-derrière. Si tu m'entends crier, tu me chopes aux mollets et tu tires violemment, ok ?

Bah .. Il fait noir, suis pas sûre de t'attraper qu'aux mollets, moi, t'es drôle.
Les mollets !
... Strictement, seulement, les mollets. Je t'en prie.
Je tiens au reste, hein ...

Vivi ... allez faufile-toi, monsieur l'inquiet !

S'aplatissant du mieux qu'il pouvait, l'ex Gardien des Arts passa la tête, puis le buste, par la porte entrouverte, le reste de son corps restant derrière.
Il ouvrit de grands yeux medusés. Autour de lui, trônaient nombre de tonneaux, barriques, en bois ancien, disposés en enfilade. L'ambiance humide et tamisée, les odeurs persistantes de vins finirent de lui faire comprendre où il était. Et pas un chat à l'horizon ...

WAAAOOUH ! Doun ! Tu devineras jamais où ...
HAN !
Hm ? Quoi, Han ? Hé, lâche ...
Zzzzzzzzziiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuuuuuuuuuupppppppppppppp ....

Le tunnel était vraiment pas bien large, mais après les multiples péripéties de ces dernières heures, Dounette préférait largement être tout contre Ramrod que trop loin. Dans la pratique, tout contre lui était un euphémisme. Dans le noir, les deux gardiens n'arrêtaient pas de se cogner l'un sur l'autre.

- Aieuh ! Mon pied Ram' ! T'es pas tout léger tu sais !
- Oui ba écoute t'a qu'a pas me coller comme ça !
- Ah non hein ! Je reste pas derrière, y a des pingouins sadiques !
- Ba passe devant alors, je te file la torche.
- Bé t'es pas fou non ? Tu sais dans quel pays on est ?!
- Aie ma tête, me suis cogné !
- Foutus tunnels...

Dounette parvint à se faire une petite place, en enfonçant fourbement un coude dans une partie chanue du corps de son compagnon, le noir ambiant ne lui permettant pas de choisir exactement laquelle.

Et c'est ainsi que deux gardiens se chamaillant, et de fort mauvaise humeur, arrivèrent devant un porte digne de ce lieu : petite, basse, biscornue. Normale pour Rog Nirea quoi.

Dounette jetta un coup d'œil à son compagnon et prévint immédiatement :
-Je-ne-rentre-pas-la-dedans !"

Avec inquiétude, elle regarda se faufiler son ami à travers le petit trou de souris, les mains sur ses mollets, prête à parer à toute éventualité. Elle serait à la hauteur. Le filet de sécurité de son ami. Quelqu'un sur qui compter. Une pro. Scout toujours. Go !

Avec toute la force dont elle était capable, elle raffermit sa prise en main des mollets, arracha au passage quelques poils malchanceux, et tira.
Ramrod glissa comme une savonnette dans un bain de mousse.

- Nameho ça va pas non de faire des choses pareilles ?
- Ba je voulais te sauver et..
- Mais t'es folle hein ! Tu imagines la trouille que je viens d'avoir ?
- Mais tu as crié et comme tu avais dit...et moi j'ai cru que...mais ...Et tu sais quoi? ba la prochaine fois, tu te sauveras tout seul !

Furieuse, la gardienne planta là un Ramrod ébahi et s'enfonça résolument dans la petite ouverture, sa juste fureur ayant chassée toute trace de peur, pour se retrouver...dans une cave.

Rien que ça.

Nombre de messages : 5651 Date d'inscription : 22/11/2007

Bon.
Bon.
C'est une cave ...
Oui c'est une cave.
Avec du vin.
Bah oui patate, si tu vois des tomates pousser toi ...
On avance plus loin ? On visite ?
Ba ? J'attendais qu'un taxi passe, tu vois là ..
Rhooo ... Le doyen, ici, a systématisé les rues piétonnes ... tu viens ?

Ils avancèrent prudemment, le long des barriques dormantes et pleines.
La cave était grande, déserte. Ils discernaient au-dessus de leurs têtes quelques lointains bruits de pas laissaient deviner que ...

Hm ... C'est peuplé au-dessus.
On a dû arriver dans ce qui doit être la Taverne du Paon en Aëringor.
Doun' ... Il faut retrouver Julius. Avant toute chose.

Oui, je sais.
Il doit connaître la raison pour laquelle nous sommes ici, oui.
Mais au pilori ... ça va être compliqué de le déloger, le petit économe lubrique ... Attends ...

Dounette s'immobilisa un instant.
Un détail avait attiré son attention, elle saisit le bras du Peintre pour l'inciter à la suivre. Ils passèrent entre quelques tonneaux, traversèrent la cave, pour arriver dans un petit recoin où de curieuses caisses étaient entreposées.

Tiens ... Curieux, dit un Ramrod interloqué, en soulevant la première à sa portée.
La caisse contenait des armes de poing : coutelas, dagues, saï et autres poignards courbés s'entassaient sans ordre.

Tiens ... Rigolo, dit une Dounette eberluée en ouvrant une autre caisse.
Celle-ci contenait plusieurs vêtements, roulés et entassés. De tous horizons.

Hihi ... Y'a vraiment de tout là-dedans. Regarde ça, sérieux !
La Gardienne brandissait un bustier rose fuschia décolleté jusqu'aux genoux, un pantalon ample et aussi transparent qu'une moustiquaire, ainsi qu'une paire de babouches étoilées.

Ramrod faillit pouffer de rire, puis réfléchit un instant. Il se gratta la tête, le front soucieux.

Oulà ... J'aime pas quand tu fais ça, Ram', ça veut souvent dire que ...
J'ai une idée. Tu vas enfiler ses vêtements. On a besoin de passer incognito là-haut.
QUOI ? Non, mais tu me vois là-dedans ??? Ca va pas ?
Voyooons, tu en meurs d'envie, ma poulette.
Tu seras radieuse ... ou irradiée de vulgarité, au choix ...

Quoi ? T'as dit quoi ?
Rien. Je cherche un vêtement pour moi.
... espèce de ... ouOuuuuh ....

Nan
Nan nan nan
Niet. Pas possible. Hors de question.
Je-ne-peux-pas.
Et si ma mère me voyait ?
...
Qu'est ce que je porte sous ma toge...
Gloups...pas grand chose non plus.
Donc non.
Et on va voir mes g'noux cagneux. Sic.

...

Et je commence à monologuer toute seule. Pas bon signe ça. Du tout.Allo Sainte Anne? "

Ramrod farfouillait encore dans le coffre, dont il extirpa, ravi, un magnifique ciré de marin, ainsi que le bonnet assorti, pour faire bonne mesure. Fort heureusement, les bottes étaient aux abonnées absentes. En quelques secondes, il enfila l'imperméable douteux, et camoufla ses cheveux immaculés, signe ô combien reconnaissable, sous les mailles grossières rayées blanches et bleues.
Souriant comme un gamin à la veille d'halloween, il fit quelque pas, les mains enfoncées dans les poches, une grimace peu convaincante sur le visage, tentant d'adopter sa démarche habituelle à celle, chaloupée, des vieux loups de mer. On aurait dit un canard boîteux.

- Bien...visiblement, le ridicule ne tue pas..."

Dounette soupira profondément, puis chercha un petit coin reculé où se changer.

- Tourne toi Ram' ! Et ne t'avise surtout pas de te faire pousser des yeux derrière la tête, j'te préviens..."

Mais le matelot Ram' était déjà parti dans l'exploration minutieuse de la cave, à la recherche de quelque trésor pirate caché, ou d'une bouteille de rhum. Il ne lui manquait que la pipe, décidément ...

Consternée, Dounette commença -difficilement- à enfiler le bustier rose "Ca passe paaaaaas...ouch ! Vala maintenant, tacher de respirer...Mal parti..." ...

... tiens, qu'est ce que c'est que ça ?

... puis le pantalon au tissu translucide "Zut ! Dernière épilation qui commence à dater..."...

... 1948 ... une bonne année parait il ... voyons voir ...

... disposa de manière artistique un foulard autour de ses hanches "Pour cacher la misère, comme disait Grand Mère...j'l'savais, qu'un ti régime s'imposait..." ...

... belle couleur ... une robe profonde ... bouquet boisé ...

... glissa ses pieds dans des babouches au style tout à fait baroque ...

... hip ... pas maaaal ... un peu vert peut être ... faut réessayer ... in vinas veritas ... ou qu'que chose comme ça ...

- Bon, ça y est. Rigole pas hein ? Sinon je t'étripe, et à mains nues, ça fait plus mal. Bon en tout cas, si on retrouve l'écureuil, ça c'est sûr qu'il va pas me louper, parce que, hein, quand même, je suis pas tout à fait ... Ram...? Ram ????

- EEEEEeeeeeeeeh !!! Une pépée !!! (hip) Mais c'est Dounette ! Ba ma vieille...(hip) Pas mal finalement hein ...(hip) ... 'part les g'noux cagneux, p'etre..."

Nombre de messages : 5651 Date d'inscription : 22/11/2007

Mais tu .. mais tu ...

Rhôooooo booh hé ... ça va hein ... tu vas pas me .. namého ...
et pis arrête de trembler si vite, déjà que le sol est pas droit dans cette cave ...

Hips ...

Boh allé ma tite poulette ... on monte, tous les deux ? Hihihihihihi ...

Ramrod s'approcha d'elle, d'une marche peu assurée et virevoltante, lui adressa un sourire complètement niais, et ...
vraisemblablement pour la faire avancer plus vite, claqua franchement les fesses de la Gardienne du plat de la main.

Une fois la surprise passée, Ramrod connut la suite, par l'intermédiaire du plat de la main de la gardienne ...

'spèce de ...
PLAF! !

Après avoir rencontré (par le plus pur des hasards) le bois cerclé d'un barril en pleine mâchoire,
le Gardien eut un retour anticipé à la sobre réalité ... en même temps qu'un mal de crâne.

Il se releva, tenant à la fois sa tête à sa mâchoire, le front barré,
n'osant pas regarder la furie bouillonante à côté de lui, qui serrait les poings.

Bon .. Hm ... Oulàlàcavapaaaaa ...
Bon ... tu oublies et j'en fais de même, ok ?
...
Disons que j'ai eu un dysfonctionnement psychomoteur qui a fait évoluer ma main dans des zones troubles et inconnues, ok ?

Troubles et Inconnues ? Mes f...
j'ai rien dit j'ai rien dit j'ai rien dit j'ai rien dit ...

Le Peintre planta son regard dans ses bottes, vissa son bonnet sur sa tête,
et se dirigea vers le fond de la cave, d'où montait un escalier, en même temps que des bruits plus vivants et présents.
Sans même regarder si elle le suivait, il se retrouva en haut.
La porte devant lui ne filtrait plus le brouhaha d'une foule qui se contenait derrière.
Ramrod inspira du courage, il entendit les babouches feutrées de sa "poulette" derrière lui.
Ils entrèrent.

L'envers d'eux deux - Page 2 Chapiiiaelisoklv9

- Ba quand faut y aller ...." pensa Dounette, les mains légèrement tremblantes, à l'unisson des breloques de sa tenue de danseuse dévoilée.

Et elle grimpa le court escalier qui les ramenait au niveau du sol, juste derrière Ramrod. L'envie lui démangea de se venger par une claque bien sentie sur les parties rebondis brusquement amenées à sa portée, mais l'instant était trop grave, et elle renonça rapidement à sa facétie : Ramrod venait d'entrebâiller la porte menant à l'établissement.

- On débouche sur l'arrière cour, je crois."
- On fonce !"

Et c'est ainsi qu'un marin, arborant une mâchoire légèrement violacée - probablement une énième bagarre pour le contrôle des quais, allez savoir avec cette engeance-là - et une fille de peu de vertu - voir plus du tout si l'on fait un rapport proportionnel avec la surface de peau dénudée - entrèrent, bras dessus bras dessous, dans la petite salle enfumée de la taverne la plus célèbre et mal famée de la région et de ses environs : la Taverne du Coq, lieu de rendez-vous de la racaille champêtre et boisée et QG secret des Malveillants...

- Eh bé c'est pas trop tôt !"

Dounette se sentit tirée en arrière, sans ménagement aucun, par un bras velu.

- On l'avait commandé pour seize heure ! Une demie heure de retard ! J'ai une boutique à faire tourner moi ! Heureusement que l'sieur Mido a dû s'absenter une paire de temps, parce que j'aurais pas donné cher du côté non abimé de ta mâchoire, mon gars...
- Ah tiens ... Ramalok ... quelle surprise, vraiment.... Tu fréquentes les troquets toi maintenant ?
- Allez, en piste, ma belle, montre nous les étoiles !" Ramalok éclata d'un rire gras, pendant que la jeune fille commençait doucettement à être le centre d'attention de la salle.
- Oui...Non...C'est à dire qu'il y a erreur sur la personne...Voyez vous je ne suis PAS vraiment danseuse...Attendez que je vous raconte, vous allez rire, c'est une histoire très cocasse...L'habit ne fait pas la danseuse, n'est ce pas ? Et...."

Trop tard. Dounette se sentit propulsée sur la mini-scène de la taverne, et fut prise d'une violente quinte de toux en respirant soudainement une bouffée d'air un peu plus polluée que les autres.
Un rire gras partit dans la salle.
- Ba tu vois que tu sais danser, petite ! Allez allez !"
- Ramalok ? Spèce de cachotier, vieux bandit, où as tu donc dégoté une danseuse aussi timide à Rog Niréa ? C't'une espèce en voie de disparition, dans nos régions !" Heureux de son bon mot, le client s'affala encore un peu plus sur le comptoir.

Dounette échangea un regard douloureux avec Ramrod, en contrebas. Il n'y avait rien à faire, il fallait se lancer. Le pot aux roses ne devait pas être découvert, ou c'était la fin des carottes - ou les haricots seraient cuits, si vous préférez.

Boooon....Bien...Ba...Puisque vous avez l'air d'y tenir vraiment...Euh...ba je sais danser un ti truc, hein, mais ça date, faudra pas m'en vouloir, c'est ma maman qui m'avait appris pour le spectacle de fin d'année et...

Un immense éclat de rire général interrompit les bafouillements gênés de la Gardienne. Ramrod eut un regard consterné, et leva les yeux au ciel, dans un signe de dénégation impuissante.

Bon ok...ok...Alors...pas chassé...pas chassé...une, deux, pas sur le côté, je me retourne...On plie les jambes, bras tendus, on relève la tête, et on recommence...Pas chassé...pas chassé..."

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Sacré nom d'un foutu Graal ... , jura intérieurement Ramrod, en pleine consternation admirative.
Il jeta un regard circulaire autour de lui. La Taverne, ou la plupart de la Taverne, avait les yeux fixés sur les gambettes de Dounette.

Booon .. ça, c'est fait. Voyoons voir ...

Il se dirigea négligeamment vers le comptoir, et s'y accouda. Un poignard bizarrement planté dans le bois et une flaque fraîche de sang empêchaient de poser tranquillement ses coudes.
Bien. Ils doivent pas faire de la dentelle et du crochet ici ...

Tavernier ! Un truc bien frais !!
A la moue dubitative du sus-nommé, Ramrod se rendit compte que sa commande habituelle ne passait pas ici.
Hm ... Un truc sans alcool, peu importe, alors. J'ai déjà mal à la tête.

Hé, le marinier ... Ta tête me dit quelquechose .. Tu viens d'où ?
Ramrod se raidit, mais son visage restait impassible. Le déguisement ne suffisait peut-être pas finalement.
Il regarda son acolyte de bar, vautré, la tête dans ses bras croisés. Il avait pris de l'avance, vu son teint.

Hm ... Je viens des mers opposées au Vent de l'Est, d'un pays nord équatorial, à la jungle gelée ..AHEM.
Je me nomme ... Liardh. Liardh Stoker. J'arrive avec de la ... marchandise sympa.
Ramrod désigna du menton la danseuse qui commençait vraiment à se prendre au jeu.
Ouaais ... la pouliche, là .. Tu me diras combien elle coûte pour une petite heure, je la .. enfin héhé tu m'as compris.
Elle me rappelle la maîtresse d'école, là, qu'on avait avant ... euh ... Souplette ? Poupette ? Dounesse ? Rhoooo !

Les yeux du Peintre brillèrent un instant. Il se rapprocha du soiffard, baissa d'un ton.
Puisque tu en parles, mon ami ... J'ai cru entendre qu'elle avait .. disparue ? Tu en sais mieux ?

Ooouuu .. ben c'est qu'en fait, je crois bien qu'elle a trempée dans un truc louche ... Genre elle s'est opposée à ... peux pas trop dire son nom ici, hein ? les murs ont des appareils auditifs ... et il a dû s'arranger pour la faire disparaître.
Les eaux du Lac sont pleines de pas contents, ici. Faut faire gaffe ...

Ah. Il est si puissant que ça, ce ..., alors ?

Héhé .. Puissant, oui, mais pas indéboulonnable.
Hihi.
Faudrait pas qu'on lui balance ça sous le nez, ça le contrarierait sérieux !!

De son doigt, le pilier montra prudemment une table plus loin derrière eux.
Ramrod avisa la direction donnée.
Une table vide ... La seule table vide de la Taverne, tout le reste était bondé.
Mais celle-ci était bizarrement vide. En son centre, était posé un petit collier, roulé sur lui-même.

Le Peintre fronca les sourcils.
Personne n'y touchait et pourtant il n'y avait pas beaucoup d'enfants de chœur sur la place.
Bizarre. On aurait presque cru qu'il était protégé, vu le nombre de gros bébés armés adjacents à la table ...
Il se retourna vers son informateur.

Et c'est censé faire quoi ça ??

L'ivrogne avait plongé sa tête dans le comptoir, d'où s'échappait un bruyant ronflement.
Raté pour les éclaircissements. Mais l'information était trop importante pour être négligée.

Ramrod se leva d'un bond et planta son regard dans celui de Dounette,
qui présentait sur sa table, une version originale du French Cancan en babouches ... Pourvu qu'elle comprenne ...

Dounette ne comprenait plus-rien !

Ramrod avait tout d'abord paru totalement abasourdi par ses talents - inexploités - de danseuse émérite - sinon pourquoi avait-il levé les yeux ainsi au ciel ? Il l'avait longtemps suivit des yeux, d'admiration sans doute, avant de se diriger vers le comptoir d'un pas légèrement chancelant - le choc de sa prestation, évidemment.

Mais à présent, il semblait .... chasser une mouche inopportune ? Danser la danse de la pluie ?
Crise d'épilepsie ?
Ou bien...lui faire des signes ?
Oui, vu les grimaces que le gardien lui lançait, elle était bien censée comprendre quelque chose. Le hic, c'était bien de savoir quoi.

Le problème, dans ce genre de situation - c'est à dire, danser sur un podium enfumé, en babouches et très petite tenue, dans une salle pleine à craquer de clients grivois et rieurs, c'est bien la concentration. Sisi ! Essayez, vous verrez bien.

Ceci étant dit, au bout de longues minutes de gesticulations frénétiques de la part de son ami, et après quelques savants entrechats pour tenter de se rapprocher un peu de lui, Dounette comprit qu'il essayait d'attirer son attention sur...quelque chose...

Aiguisant sa vue, la gardienne réussi à percer les brumes épaisses qui planaient au-dessus des tables. Une seule semblait vide, et justement, c'était celle que Ramrod désignait, tel un pantin désarticulé et en pleine perdition. Cette table n'était pas à proprement parler vide. Il y avait dessus comme un globe en verre qui semblait protéger quelque chose de hautement précieux, puisque quelques malveillants puissamment armés l'entouraient, protecteurs.

- V'la aut' chose...L'est en plein délire ! Il veut qu'on vole ce machin ?"

Ramrod continuait sa petite danse des signes, à l'autre bout de la salle. Par quelques savantes reptations, il avait réussi à se glisser contre les murs et à se rapprocher de la table fatidique. Avec de grands gestes, qui n'étaient pas sans rappeler un nageur en train de couler, il lui fit signe de trouver le moyen d'éloigner les bouledogues de la table.

- Ba voyons, j'ai qu'ça à faire ! Je suis en pleine représentation moi !"

Elle lança un clin d'œil dévastateur à l'un des soiffards les plus proches, qui s'étouffa dans sa bière de surprise, et repris ses petits sautillements.

- Les éloigner...les éloigner...mais comment ?"

Dans la salle, un joueur de carte perdit brusquement une main tout à fait prometteuse, et signifia bruyament à ses collègues son mécontentement, ainsi que sa très nette envie de se faire rembourser ses pertes. En gros hein. En épuré, surtout.
Les interjections indignées du joueur offensé provoquèrent un léger mouvement de foule, et l'attention de la taverne se détourna un instant de la danseuse pour se porter vers une bagarre qui semblait tout à fait prometteuse.

- La voilà, l'idée ! Je suis un génie ! " Puis plus haut, de sa claire voix de maitresse d'école, Dounette pointa un doigt accusateur vers un joueur tranquillement en train de compter ses gains de la soirée.

"Il a triché !"

Nombre de messages : 5651 Date d'inscription : 22/11/2007

"Il a triché !"

La salle entière s'était tue et tous fixait maintenant le doigt accusateur de Dounette.
Le silence était tel qu'on entendit déglutir bruyamment l'homme qu'elle désignait.
Les regards mauvais étaient sur lui.

Son voisin de table lui empoigna le col, le poing brandi, un autre se leva pour attraper le poing,
qui fut arrêté par les épaules par un quidam d'à côté, frappé ensuite au ventre par la tablée d'à côté,
qui se mit à cogner ce qui l'entourait. Très vite, un poids plume vola plus loin, et les balèzes de la table que visait Ramrod commencèrent à se mêler à l'échauffourée (surtout lorsqu'un ivrogne avait traité un des gros bébés de : "Poireau à manches courtes").

le marin Ramrod, plaqué au mur, attendit que la pagaille soit générale, évitant de peu l'aller simple d'une bouteille sur le mur, et une fourchette perdue.

Allez, hein ... 1,2 ... 3 !

Il se jeta d'un bond sur la table, souleva la cloche qui protégeait le ...
... Ramrod eut une curieuse et rapide sensation, au toucher du collier.
Comme si ... Curieux.

Il le serra fort dans sa main, se mit à quatre pattes, traversa trois tables en mode "chien qui cherche des miettes", et se retrouva vers l'estrade où Dounette applaudissait, espiègle, les costauds qui tenaient encore debout après avoir degusté leurs restes.

Il lui empoigna le bras, la tira vers lui pour qu'elle descende. Elle était presque contrariée de perdre sa position imprenable sur la bagarre. Il la fixa sérieusement.

J'ai du gros, là ... Important.
Je crois que ça peut faire mal, si on s'en sert bien. Eclipsons-nous.

Dounette eut un éclair de compréhension de travers.
Ses yeux brillèrent de surprise mal contenue, et elle lui fit un sourire mutin.

Raaaaaam !!! ... dis dooonc ... Je ne savais pas que je te faisais cet effet ...
C'est le déguisement, c'est ça ? Le transparent ? Non, parce qu'il faut que je te dise ...

Le visage du Peintre se fit blafard, ses yeux s'écarquillèrent.
nonononnonnonnonnon ...cépaça, cépaça, cépaça DU TOUT !
Oulalalalalala ... nonnonnon ... Allez viens vite, partooons !

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