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 TROPHEE TOLKIEN

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Cassiopée
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MessageSujet: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeDim 9 Nov - 21:51

TROPHEE TOLKIEN Tolkie10



Amateurs de Fantasy et de récits féériques, à vos plumes ! Med-fan, dark-fantasy ou encore fantasy urbaine seront à l'honneur dans ces duels.

Vous pensez que vos écrits méritent de recevoir le trophée Tolkien ? Seuls les aelissiens en seront juges. Les votes sanctionnant vos duels auront lieu sur ce topic.



Pour lancer un duel :
Citation :
Moi, XXXX(nom du challenger)
Je défie XXXXX (nom du champion).
Le trophée TOLKIEN doit me revenir.

Je le défie d'écrire un texte sur le thème XXXX
Il aura pour contrainte : XXXX
Nos textes devront être remis à l'arbitre avant XXXX(date)
S'il refuse mon défi, je deviendrai détenteur du trophée!!

Pour voter :

Citation :
Il vous suffit d'indiquer dans votre réponse à quel texte va votre préférence.

Vous pouvez bien entendu développer votre vote et l'accompagner d'un commentaire pour mettre en valeur les qualités et défauts du texte au niveau stylistique, lexique, orthographique ou en fonction de son originalité, son respect des contraintes et du thème demandés.



Jusqu'ici les duels qui ont lieu pour le Trophée Tolkien ont vu s'opposer :


décembre 2008
Aspharoth vs aillas

victoire de Aillas


décembre 2008
Aillas vs Teysa le Sombre

victoire de Aillas


janvier 2009
Aillas vs Plumo

victoire de Aillas


avril 2009
Aillas vs Uranium Fuchsia

quatrième victoire consécutive de Aillas


juin 2009
Aillas vs Franz

victoire de Franz


septembre 2009
remise en jeu du trophée
Tr0n revendique le Tolkien


septembre 2009
Aillas vs Tr0n

victoire de Tr0n


décembre 2009
Tr0n vs Ramrod

victoire de Ramrod


avril 2010
Ramrod vs Teclis

victoire de Ramrod


décembre 2010
Ramrod vs Cassiopée

troisième victoire consécutive de Ramrod


juin 2012
remise en jeu du Trophée
Aillas revendique le Tolkien


janvier 2013
remise en jeu du Trophée


janvier 2013
LIS vs dvb

victoire de dvb

septembre 2014
dvb vs Earendis vs lothindil

seconde victoire consécutive de dvb

novembre 2014
dvb vs Aillas vs Nicolas

victoire de Nicolas


Dernière édition par Cassiopée le Sam 3 Jan - 22:04, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeSam 6 Déc - 3:59

TROPHEE TOLKIEN Ban_to10

Désireux de s'accaparer du trophée Tolkien, Aspharoth défiait Aillas
Avec ces armes :

Faire une description d'un endroit naturel (forêt ou plaine ou montagne ou etc...) mais qui est féerique.
Le texte devait montrer ce qu'un personnage voyait en découvrant ce lieu, ainsi que les sensations qu'il ressentait. Hormis des animaux, aucun autre signe de vie ne devait être présent.






Le trophée reste entre les mains d'Aillas

Le texte N°1
se défend avec la note de 7,3/10


Citation :
Il posa sa main sur le tronc qui se trouvait à sa gauche, sur sa surface on pouvait encore y lire les anciens glyphes de bienvenue, entre le lierre et le lichen. Shimrod émit une pression sur le bois et celui-ci s’affala à terre dans un craquement sourd. Pourri. En soulevant les feuilles mortes, il pénétra dans la pièce végétale au ton automnal en laissant passer son regard sur tout ce qu’il avait jadis connu.

On pouvait difficilement faire un rapprochement entre l’ancienne salle du trône de Pujalas le roi des lutins et ce qu’il avait à présent sous les yeux. Des pans entiers des murs faits de branches et de troncs avaient pourri  et béaient sans retenue de larges raies lumineuses. Le parterre, jadis mousseux et feutré, avait été retourné par les sangliers et faisait maintenant penser à un décor douloureux de champs de bataille. La fontaine qui faisait le tour de l’endroit était brisée et la pierre blanche paraissait à présent maculée de myriades de tâches vertes.

Shimrod appuya sa paume sur l’accoudoir de trône et ferma les yeux pour mieux sentir ce qui avait été. Il cessa de respirer et, en s’asseyant là où Pujalas s’asseyait, il se coupa de ce que ses sens lui communiquaient et s’installa dans le souvenir qu’il avait.

Il promena sur le décor qui se trouvait en face de lui ses paupières closes. C’était des années auparavant et il semblait qu’un voile s’était déchiré pour eux. Dans sa tête apparaissaient comme avant sur l’écorce charnue des chênes les visages taquins des anciens. Drôlesques devantures qui malmenaient à force de mots les passants tout en prodiguant à la fois menaces et conseils. Les fleurs chantaient d’une seule et même voix toute la journée un doux hymne qui berçait et donnait au cœur un souffle apaisé. Il ne voulait plus ouvrir les yeux. Ne plus voir. Plus voir ce qu’il restait de la féérie défigurée d’une nature morte. Shimrod se souvenait des sourires, des danses et des bruissements enjôleurs des feuilles et des branchages. Même la rocaille de la fontaine offrait un rire grésillant à qui savait l’écouter. Une larme s’échappa de sous sa paupière close et perla sur sa pommette rugueuse.

Il rouvrit les yeux sur ce qu’il restait d’une époque révolue. Une douleur brève lui enserra le cœur lorsque la vision lui revint, n’offrant que des vestiges de ce qui aurait dû rester. Un collier de souffrance le rongea lorsque sa respiration  lui apporta le goût froid et âpre de la nature en décomposition. Une soudaine hargne le prit enfin lorsqu’il accepta la disparition du monde qu’il avait connu pour celui qu’il côtoyait à présent.

Assis là où Pujalas l’était des années plus tôt, Shimrod pleura, les dents plantées dans sa lèvre inférieure. Plus jamais elle ne danserait pour lui. Jamais.






Le texte N°2 reçoit la note de 4/10
mais Aspharoth se relève et se prépare au prochain combat !




Citation :
Il grimpait, montant toujours plus. Après cette rude ascension il arriva à la hauteur d’un petit plateau. Cette coupure dans la montagne était entouré de grands sommets enneigé, quand à lui il y avait tout juste une fine couche blanche, laissant apparaître quelques touffes d’herbes. L’ambiance était calme et sereine, juste le sifflement du vent qui venait lui titiller les oreilles. Il s’avança guider par le son de la neige qui craquelait sous ses pas. Le froid lui mordait la chair l’obligeant à se frictionner les bras. Il avait en lui une drôle de sensation, un nœud dans son ventre, attentif à chaque détails, intrigué par les formes qui se déployait sous ses yeux. Mais il y avait autre chose… Quelque chose qu’il n’avait jamais ressentit encore, une émotion étrange, comme si la nature qu’il était en train de visiter, pénétrait dans son corps pour explorer de l’intérieur, celui qui la dérangeait dans son sommeil hivernal. Un frisson le parcoura, lui dressant les poils sur la peau. Malgré cela sa curiosité le poussait à aller toujours plus loin. Comme si mère nature l’appelait à elle.

Il piétina la neige pendant quelques minutes puis il tomba nez à nez avec ce qui ressemblait à des vestiges d’un ancien conseil secret. D’imposant fauteuils de marbres formaient un cercle autour d’un amas de neige qui ressemblait à une simple table. Il fit le tour des trônes, bien que tous constitué du même matériel, chacun était unique. Ils variaient par la taille mais aussi par les symboles qui étaient gravé sur le haut du dossier. Les plus petits portaient des inscriptions aux bords dur, certainement runiques. Les sièges les moins large étaient orné d’une écriture très calligraphié. D’autre portaient des lettres qui ressemble au notre. Cette zone, à l’abris des regards indiscret, était donc le point de rendez-vous des dirigeants des différentes races, venant de tout point du monde. Malheureusement aujourd’hui cet endroit était désert, pas âmes qui vive hormis celle de notre voyageur.

Toujours aussi curieux il se dirigea au centre du cercle, là où se trouvait l’amoncellement de neige. Une fois qu’il eût enlevé la couche blanche, de nombreuses gravures se dévoilèrent à ses yeux. Il ne s’agissait pas d’une simple table mais d’une stèle, circulaire posé sur un socle de pierre. Elle était ornée de multiples arabesques mêlé à d’étrange symbole. Au centre triompher un grand pentacle derrière lequel s’étendait un arbre. Il effleura ce dernier avec ses doigts, l’autel en entier se mit à émettre des vibrations. Un grondement s’éleva du sol. Tout à coup les ciselures se mirent à rougeoyer, la lumière partait de la base suivant les impressions pour monter progressivement le long de la table de pierre et finir par parvenir au pentacle, l’illuminant lui aussi. L’ensemble de l’autel était parcourut par ce rayonnement de feu. Attiré par la singularité du phénomène qui l’éblouissait, il retoucha la fresque central. Le faisceau lumineux pénétra en lui, lui traversant totalement le corps.

Pris de convulsions, il fût transporté dans un état secondaire. Ses yeux étaient ternes et opaque, comme si il avait perdu la vue. Son esprit se brouilla et il eût des vision du passé. Des visions des réunion d’antan, où nains, hommes, elfes et autres créatures peuplant se monde comme les centaures, discutaient, débattaient sur les grandes décisions. Au cours de ses visions la tristesse l’envahissait. En effet à chaque nouvelle réunion le conseil perdait un membre. Puis viens le jour de la grande guerre, il revécu ces moments de souffrance. La lumière rougeâtre quitta son corps et s’éteignit peu à peu, parcourant le chemin inverse que lors de son apparition.

Vide de toute vigueur, il décida de rentrer chez lui à contre cœur. Il ne voulait pas partir comme si quelque chose voulait le garder ici. Ainsi il redescendit le long des pierres froides et monotones. La magie du plateau lui manquait déjà et il se jura de revenir ici, lors d’une autre saison. Au printemps pourquoi pas, il voulait en savoir plus sur se conseil, il espérait être un jour de nouveau emplit par cette lueur si étrange. Depuis se jour il ne rêve plus que de cette coupure dans la montagne, s’imaginant la parcourant lorsque les premiers bourgeons écloront sous un doux éclat de soleil. Cependant il ne retrouvera jamais le chemin pour y retourner…


MERCI AUX DEUX CONCURRENTS D'AVOIR OSE L'AFFRONTEMENT !!!


Dernière édition par Cassiopée le Dim 14 Déc - 3:19, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeSam 20 Déc - 2:15

TROPHEE TOLKIEN Ban_to10

Désireux de s'accaparer du trophée Tolkien,Teysa le sombre a fait face à Aillas Taunt.

Le faux frère a attaqué la plume



Le texte devait décrire la création d'un groupe d'aventuriers

et se situer forcément dans l'héroïc-fantasy




Le trophée reste entre les mains d'Aillas






 Le texte N°1 écrit par Teysa le sombre
se défend avec la note de 6,5/10



Citation :

A deux jours de marche de Tul-Nar, dans la célèbre auberge de la Souris verte, tenue par l’ex soldat Arfard, quatre personnages plus ou moins douteux passaient le temps.
Un prêtre, du nom de Dorn, essayait d’allonger le tavernier, à grands coups de verres d’alcool. C’était un personnage massif, s’approchant des deux mètres de haut. Il avait pour seul vêtement une longue bure marron. Son visage était grave, il avait le crâne chauve et n’arborait pour seule pilosité qu’un bouc brun.
Une elfe, aux allures des plus excentriques, jouait aux dés contre un personnage qui faisait penser à un chasseur. Elle était habillée de vêtements amples, de couleur noire et blanche. Ses cheveux, de la même teinte, lui descendaient jusqu’aux cuisses. De sinueux tatouages marbraient sa peau d’albâtre, l’alliant à de sombres divinités.
Le chasseur, quant à lui, avait un aspect assez rustre ; ses manières montraient quelqu’un qui avait l’habitude de vivre loin de la société. Le grand arc poser près de lui le classait déjà loin des enfants de cœur.
Le dernier personnage, lui, était un être mystérieux, habillé d’une bure noire dont la capuche cachait les orbites vides. Un serpent, enroulé autour de son cou, semblait lui parler. Il était assis loin des autres et profitait du feu de cheminée pour réchauffer son corps froid.
L’auberge semblait avoir gagné un certain cycle jusqu’à l’arrivée de deux personnages bruyants et irritants. Un noble arrogant fit d’abord son entrée, archétype du mage : grande cape verte et longue barbe ; il commença son entrée par une longue diatribe narrant sa supériorité sur les autres. Il était suivi par un nain dont la courte barbe trahissait la jeunesse et l’inexpérience. L’aubergiste leur servit alors à chacun un verre qui étala le nain dans un coma… éthylique. Tout le monde regardait d’un œil noir le noble qui narrait de long en large son passé pour le moins ennuyeux, jusqu’à ce que, brusquement, l’elfe se lève, demandant au mage de se taire. Celui-ci, vexé, la pria de lui parler sur un autre ton, avant de sentir son nez exploser, puis l’elfe sortit précipitamment, suivie du rodeur et du prêtre, pour revenir avec une personne criblée de flèches. L’aveugle s’avança alors avec une mallette d’où il sortit plusieurs instruments qui faisaient autant penser à des outils de torture, qu’à ceux de chirurgien. Le soldat s’agrippa alors à l’elfe :
-Tul-nar… des barbares… prévenir Rock-est…



Le texte N°2 écrit par Allias
se défend avec la note de 8,2/10




Citation :

Carmin souleva le battant qui lui empêchait le passage de la porte, celui-ci laissa entendre un crissement rouillé avant de retomber, ballant et inutile. Elle poussa un soupir, face au fer de la porte.  Un pas de plus et elle abandonnerait tout ce qu’elle suivait jusqu’à aujourd’hui, sa mère, son frère, Grand-petit et les autres, elle devrait vivre à l’écart de sa forêt natale, des élevages et des champs de charzëe. Carmin essuya une larme dans un gargouillis rauque, elle tortilla maladroitement une de ses longues mèches auburn et se racla la gorge pour se redonner espoir et courage. Elle avança.

La culasse du fusil émit un claquement sonore. Porteur sourit brièvement en rangeant dans son étui dorsal l’arme, elle était en bon état et prête à fonctionner. Il se leva et enfila ses protections de bras et de jambes, pour finir de se vêtir. Sortant de sa poche une vieille photo usée aux couleurs passées, Porteur regarda encore une fois le visage de sa Vanëa, elle lui manquerait. Il rangea la photo précautionneusement dans sa cuirasse avant, proche de son cœur, après avoir passé ses lèvres sur les lèvres de la femme. Porteur se redressa fièrement, inspira largement, et poussa la porte métallique.

Usé passa sa main dans ses cheveux en maugréant, le temps était électrique et il n’avait nulle envie de rester dehors, pourtant, plein d’appréhension, il n’avait nulle envie de passer le seuil de la porte non plus. Il restait là, incertain, courbé sous le poids de son interrogation. N’avait-il donc vraiment plus rien à perdre ? Etait-il prêt à donner jusqu’à sa vie ? Usé jeta un bref regard autour de lui, il était invisible tellement les gens le jugeaient inintéressant. Que lui restait-il finalement, à part la possibilité de choisir lui-même sa façon d’assembler ses cartes ? Absolument rien. Sa main poussa le pan de fer comme sa pensée avait poussé son résonnement.

Levant haut son coude, Cador vida sa pinte et reposa sa chope. Il sortit de sa poche un paquet de cigarettes et s’en alluma une. Les yeux rivés en face de lui, sur la pendule du bouge, il regardait au-delà de l’heure, au-delà du mur, au-delà de la ville. Il songeait, perdu dans un tumulte de désirs inaccomplis et de défaites inavouées. Seul. Cador était seul au milieu d’une foule pleine d’alcool et de plaisir, pas à sa place avec la fange désordonnée de la ville basse. Il se leva, repoussant sa chaise bruyamment, et se dirigea vers la sortie en inspirant longuement sur sa clope. Une fois dans la rue, il tourna à droite, encore à droite, puis continua tout droit, suivit une route transversale par la gauche, traversa un pont et un fleuve froid et bouillonnant, monta plusieurs escaliers aux pierres humides et arriva devant la porte de fer blanc. Il écrasa sa cigarette sous sa semelle, retira la sécurité de son pistolet avant de le glisser dans sa gaine de cuisse, et entra.

Le chien tirait fort au bout de la laisse, émettant un sifflement rauque là où le collier perturbait sa respiration. Neuvers ramena davantage à lui la corde de chanvre tressée, provocant un grognement de la part du canidé. Il gratta distraitement la tête de ce dernier dans un geste affectueux, effaçant la sècheresse du geste précèdent. Neuvers était préoccupé, il se trouvait devant le seuil fatidique. Sans qu’il n’y pense vraiment, ses pas l’avaient amené là où il avait juré qu’il ne mettrait pas les pieds. Et pourtant, il brûlait d’envie de poser sa main sur la poignée gelée et entrer dans le bâtiment. Inexorablement il savait qu’il finirait par le faire. Peut-être parce qu’il n’avait rien d’autre ? Peut-être parce que c’était ça ou rien et que rien était pire que tout ? Peut-être qu’il avait épuisé ses excuses ? La laisse se tendit de nouveau, le chien profita d’un entrebâillement de la porte pour passer, faisant passer Neuvers à sa suite, coupé dans ses pensées.



Bravo à Aillas d'avoir une nouvelle fois conservé le trophée et bravo à Teysa d'avoir osé tenter de le lui ôter.
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeMer 14 Jan - 18:24

TROPHEE TOLKIEN Ban_to10


Plumo faisait face à Aillas Taunt.
Le plumo s'attaquait à la plume


Plumo a défié Aillas pour s'emparer du trophée Tolkien.
Voici les armes choisies :

Ecrire une texte sur le thème :  d'écrire sur le thème de la de la mort d'une créature fantastique quelle qu'elle soit: dragon, elf, orc, livre vivant, etc...

leurs contraintes: Cette créature peut être le produit de son imagination à condition
qu'elle comporte néanmoins en elle des caractéristiques surréalistes
(un livre qui pense, un chat qui parle, etc). En dehors de cela, l'auteur est totalement libre. Il doit simplement se concentrer sur l'agonie et la mort définitive de sa créature.

Il peut conseiller une musique à écouter en parallèle de la lecture du texte.




Aillas a fort bien convaincu et la foule l'a encouragé démoralisant son adversaire.

Il conserve le trophée Tolkien.
Plumo n'a pas gagné par la force le prix des exquises excuses tant désirées, les gagnera t-il par le charme ?



Aillas est vainqueur avec la note de 8/10 pour le texte N°1


Citation :

Bande sonore


Ce fut un jour de silence qu’elle naquit, un jour de silence parmi la science. Dans les frondaisons d’une forêt sans nom, à l’orée de grands monts, couchée sur le sol, sa mère expulsait avec difficulté les souffrances de la mise en enfance. Dans la pénombre d’un arbre feuillu, le père restait fermé, de visage et d’esprit. La scène, noyée dans un halo d’ombre, contrastait vivement avec la lumière douce et sereine qui l’environnait pourtant. Il n’y avait ni vent, ni parent, ce fut sans bruit, sans ami.

Par un violent à-coup, elle débuta le long ballet qui la sortirait des entrailles maternelles. Son centaure de père vint poser ses deux mains sur le ventre chaud et distendu de sa femme, appliquant de son mieux les doigts sur le bébé à venir. Sa compagne planta ses serres antérieures dans la terre humide et poussa par de brèves saccades pour exhaler du mieux possible sa douloureuse progéniture. Mais l’enfant n’arrivait pas, malgré les heurts et les secousses.

C’était les yeux révulsés sur sa face putride et puante que la harpie donnait lentement vie à sa fille bâtarde. Les plumes de son abdomen étaient couvertes de sueur et de sang, collées à la peau et disgracieuses, ses serres labouraient le sol en de long raclements essoufflés, ses griffes s’ouvraient et se refermaient au rythme de sa respiration hachée. C’était les sourcils froncés et les dents serrées que le centaure aidait sa femme du mieux qu’il le pouvait, son poitrail enflant et s’affaissant à la musique de ses efforts pour tenter de mettre la future née dans une position convenable. En nage et en rage, ils luttaient pour offrir au monde une fille mutante, issue de deux lignées de chimères en guerre. Ce serait le présent de l’union entre l’indécence et l’innocence, la fusion entre la cruauté et la sagacité, la fonte de la méfiance et de la constance.

Il y avait caché là, sous les bras d’un arbre complice, l’accomplissement d’un acte improbable né du mariage d’une harpie et d’un centaure. La mise en enfance de l’art impie et non sans tort, là, dissimulée aux yeux du tout puissant par les ramures pernicieuses d’un végétal capricieux. Volonté commune de deux être de mettre fin à une guerre ancestrale en mettant bas à une enfant porteuse du visage de ses parents. Elle était mi-fugue, mi-raison, dans un univers fantasque et malgré toutes les dissidences, rien n’avait pu subtiliser au couple les tenants de leur aboutissant. D’une double envolée, ils avaient mis au défi la nature même par la fécondation d’une passion vouée à la perte, et enjambaient sans remords les obstacles qu’elle leur dressait.

Dans la lumière fuyante d’un après-midi agonisant, l’univers fut témoin de l’apparition du premier appendice de l’enfant si étranger. Une patte recourbée, gluante de liquide, jaillit des cuisses de la mère comme un affront vers le ciel. Dressée ainsi qu’elle était, pliée de manière incongrue, ne sachant pas si elle devait se couvrir d’écailles ou de fourrure et se contentant d’un semblant de l’un pour une imitation de l’autre.  Mais malgré l’horreur de sa parure, le père de cette créature vit dans cet essai de sortie comme la promesse d’une joie assortie, celle de la naissance de sa fille. Saisissant le membre ostentatoire d’une poigne vigoureuse, il entreprit d’amener à lui celle qu’il avait contribué à mettre au monde.

Ce furent les yeux d’un bois muet qui devint témoin de l’abject accouchement d’une enfant née de deux parents trop différents. Succédant à la patte première dehors, les autres appendices firent irruption avec un fracas silencieux dans la froideur du soir. La bête tomba du corps de sa mère comme un coup de tonnerre sourd et puissant, faisant trembler le sol et crier les os. A la vue du spectacle qu’elle leur offrit, les feuilles bruissèrent de terreur, rendues folles par l’immonde créature qui apparu d’un coup à leur vue.
Le corps humide et flasque, l’être nouveau irradiait la souffrance. Ses courbes tortueuses paraissaient sinuer à des endroits improbables, pourtant, des os saillants enflaient de grinçants chapiteaux. La peau était lâche et tendue, terne et brillante, couverte de plaques éparses de croute solide et noire à mi chemin entre la corne et la plume. Sur son visage anguleux et vide, pointaient des myriades de tâches blanches, semblables à une armée de vers prête à effacer de la terre l’avilissement qu’elle subissait.

Et tout cela dans le froid et le silence rauque de deux chimères retenant leur souffle. Le regard braqué vers le fruit de leur amour, contemplant l’enfant qu’ils avaient arraché aux limbes interdits pour introduire contre toute sagesse dans la vie. L’univers même s’était figé en une stupeur d’angoisse, conscient de l’énormité qui se produisait dans la lumière effacée d’un début de nuit. Au fond du ciel, la lune cachait ses yeux derrière les montagnes froides, craignant de poser son regard sur la béante affliction de ces cuisses ouvertes face au retord rebut. L’océan cessa ses marées, stoppant son oscillation par peur de perdre un moment de ce qui venait d’être, effrayé jusqu’à ses plus profondes abysses.

Mais, dans la moiteur fraiche, rien ne bougea. La poitrine tordue de l’enfant ne se soulevait pas, son cœur immobile battait du tic tac de l’horloge arrêtée. Stoppée en pleine lancée, la révolution des espèces cessa, bloquée dans son plus intime accomplissement. Ce fut une nuit de silence qu’elle naquit mort-née, une nuit de silence parmi la science.



Plumo s'est bien défendu puisque le texte N°2 a reçu la moyenne de 7.3/10

Citation :
Conseil de lecture: A lire de préférence avec la musique suivante: Moonlight Sonata - Beethoven





.L.






-Je ne veux pas ! Lâchez-moi !


Peine perdue. Son étreinte ne se desserre pas, il ne se passe rien. Ses doigts moites pressent mon corps noir et tâchent ma chaire blanche. Je suis impuissante et il me traîne avec lui sur cette place sinistre. J’aimerais pouvoir ramper, le ralentir, le forcer à sentir que je résiste. J’aimerais qu’il ait à me traîner, qu’il ait à sentir les chocs du corps qu’il traîne contre les pavés. Qu’il s’en rappelle et qu’il soit bien convaincu d’avoir tué quelqu’un.


Un immense bûcher illumine la place de l’Hôtel de ville et jette sur la foule qui l’entoure une ombre difforme. Ils se pressent contre le feu, s’entassent sur ses côtés, hurlent d’autant plus fort qu’ils en sont proches. Je sens qu’ils attendent quelque chose. De part et d’autre de la foule c’est un hurlement d’impatience qui retentit, comme si l’on attendait un signe, un ordre.


Je suis brandie au bout du bras de mon tortionnaire. Il me soulève et me tient dans sa main droite comme un trophée. Je sens dans sa paume les frissons qui le parcourent et les aboiements qu’il profère. Il me serre ! Il me serre si fort que mon  corps se tord. Son bras se balance de bas en haut au rythme d’un « Heil Hitler ! ».


-Arrêtez ! Par pitié !


Et il arrête. Un silence s’est écrasé sur cette foule. Ils se tournent vers le balcon de la mairie, chuchotent à peine. Moi, il me laisse pendre au bout de son bras ballant, suspendue par
une gorge qui pour lui n’est qu’un coin, un rebord. J’agonise en silence, certaine de ne pas mourir mais condamnée à être une pitoyable chose ballotant au bras d’un être méprisable.


Son poignet s’agite et sa poigne m’étrangle un peu plus alors qu’une voix retentit avec une force incroyable. Si je souffre, je ne peux m’empêcher pourtant de la trouver belle et forte. Elle me donne de l’espoir et j’ai à mon tour envie de hurler ! Les instants passent vite et mes blessures sont endormies par cet obsédant enchaînement de mots.


Et pourtant. Et pourtant on parle de mort, on parle de moi. On dit qu’il faut me brûler, qu’il faut me jeter dans les flammes avant que ce ne soit moi qui consume leur âme. La voix m’a trahit. Ignoble petite chose perfide, comment peux-tu être aussi séduisante si tu es aussi pourrie ?


La voix s’estompe d’un coup et est engloutie par la foule qui hurle. La main s’agite. Mon bourreau se presse soudain contre les autres corps, essaye de percer un passage dans cette flaque gluante et noire. Peu à peu nous nous rapprochons du grand feu. A nouveau il pointe son bras vers le ciel avec au bout une boule noire et difforme : moi. Cette fois il me brise en entier, me presse le corps au point de joindre mes deux épaules...Puis me relâche.


Autour de moi j’aperçois des ombres qui sont vomies par la foule et avalées par l’énorme bûcher. On y jette des êtres vivants, on y jette des boules noires et difformes, et bientôt...On m’y jette. Lancée comme une pierre qui frappe, comme un enfant qu’on chasse, comme un cri qu’on pousse. Je vole et m’ouvre en deux, mes pages s’écartent comme autant de bouches qui hurlent au secours. Mais je tombe et m’affale dans ces flammes, contre ce bois qui brûle. Des cendres brûlantes s’envolent puis se posent sur ma couverture de cuir, s’immiscent entre mes pages pour les brûler lentement. Voilà que maintenant je glisse le long de la pente du bûcher, trébuche contre des livres brûlés vifs, dévale cette pente de cadavres condamnés à mourir en silence. Miraculeusement je suis rejetée hors du bûcher, portée par les moignons de livres à l’agonie.


Une main gantée de cuir m’attrape alors puis me tapote, éteint les flammes qui me brûlent. Elle me porte contre un blouson froid et m’éloigne de ce lieu d’horreur. Cette main, cet homme m’a sauvé. J’aimerais pouvoir lui hurler ma gratitude, mon bonheur tandis qu’il court à travers la foule. Mais le voilà qui s’arrête et lentement se retourne pour faire de nouveau face à l’immense bûcher. Lui aussi me serre maintenant dans son poing jusqu’à me tordre affreusement. Lui qui pourtant m’avait retirée des flammes, lui qui m’apparaissait comme mon sauveur, lui qui...Prenait de l’élan pour me jeter à nouveau dans mon bûcher.



Je brûle.




Aillas a déjà combattu 3 fois. Il est toujours vainqueur. Qui viendra défier le champion ?


Dernière édition par Cassiopée le Mar 3 Fév - 0:49, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeVen 16 Jan - 13:14

Bravo à mon adversaire pour m'avoir donné des sueurs froides jusqu'au bout. Sa ténacité serait bien mieux exploitée dans une Confrérie. C'est certain.

Comme c'est ma troisième victoire consécutive -et non deuxième-, je me permet de me vanter quelque peu. Après tout, c'est pas dit que cela dure éternellement et c'est pour le moment le record toute catégorie confondue. Du coup...

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La gloire s'acquiert en accomplissant ce qui mérite d'être écrit et en écrivant ce qui mérite d'être lu.
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeVen 16 Jan - 16:28

Bien joué Aillas Dance

Ah, j'ai eu tort d'avoir voulu faire dans l'inattendu. Pour moi un livre était suffisamment fantastique et suffisamment inattendu pour plaire mais je me suis raté. Tant pis.

Une confrérie? C'est une idée.


Enfin ne t'inquiètes pas: la prochaine fois, je te chope ton trophée et je récolte une moyenne de 8,5/10, c'est dit! Namého ^^
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeMar 7 Avr - 0:04

TROPHEE TOLKIEN Ban_to10

Uranium Fuchsia attaque Aillas Taunt. du bout de sa plume effilée.


Uranium Fuchsia a défie Aillas pour s'emparer du trophée Tolkien.
Voici les armes choisies :

Il l’a provoqué afin d'écrire un texte sur le thème suivant :
Un type découvre que le temps n'a plus cours à l'intérieur de son réfrigérateur.
Ils auront pour contrainte de se clore sur un putain de suspense.

Aillas Taunt a résisté à l’attaque très difficilement, ce n’est qu’aux dernières joutes que le combat fut perdu par Uranium Fuchsia qui n’a pas vu venir le coup bas.
Ils sont cumulés 17 votes et seul un petit point d’écart les sépare au final, soit seulement 0,06 point sur la note moyenne.
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeMar 7 Avr - 0:07

Le texte N°1, écrit par Aillas, gagne avec la note de 8,13/10

Citation :

J’entre dans l’appartement, je verrouille derrière moi et je laisse la clé sur la porte. Une fois dans le salon je branche mon ordinateur au poste central et j’attends. Il est deux heures treize et je m’apprête à faire la déclaration scientifique la plus improbable de ma vie. Il existe à ce jour trois cent sept mille neuf cent vingt-huit postulats de recherche, celui que je vais envoyer au Conseil International de la Recherche Scientifique est sans doute le plus important.

Non. Je me trompe, ce n’est pas ça. Ce que je veux raconter ne se limite pas à un postulat, c’est bien plus que ça. Il faut que j’y mette tout, tout depuis le début.


...


-Il y a un début à tout, Sébastien. Toi tu as choisis de débuter dans la science et la recherche, moi j’ai choisi de débuter dans la destruction de la science.

Je rigole, me sert deux cafés au distributeur mural et lui en tends un.

-Car vois-tu, je vais révolutionner les lois de ce monde par l’invention la plus géniale et la plus modeste. Nulle autre personne n’y aura pensé avant et j’entre en pionnier dans une dimension nouvelle pour la physique, la chimie et les mathématiques.

Je prends une gorgée de café et j’attends la suite, curieux.

-Le monde tel que tu le connais et que tu le perçois est fini, Sébastien. Même les choses que nous ne comprenons pas encore sont finies. Dans son regard je sens une amertume, son ton gagne en intensité. Et c’est notre faute. Nous avons mis un point à la ligne sur la première page du livre de l’existence. Nous avons bâclé les sciences pour l’achever, et nous avons réussi.

Il vide son gobelet d’un seul trait, sans même faire une grimace.

-Aussi, je vais effacer le point et effacer tout ce qui a été écrit jusque là pour que l’on puisse redémarrer sur une feuille vierge. Sans les bavures de tout ce que nous avons étalé ces derniers millénaires. Nous allons entamer une existence saine.

Je tente de plaisanter pour apaiser ce que je commence à percevoir chez lui, un brin d’hystérie.

-Tu veux mettre l’humanité à cinq fruits et légumes par jour ?

Il s’arrête net, se retourne vers moi et me souffle, le plus sérieusement du monde.

-Mieux encore. Nous allons manger froid jusqu’aux restants de nos jours.

Je souris. Jonas a toujours été un peu excentrique, avec des idées farfelues qu’il arrive à peine à coucher sur papier tellement elles sont complexes et incompréhensibles. C’est peut-être ça qui m’a poussé à le prendre comme tutélaire, un mec aussi rationnel et terre à terre que moi doit avoir besoin de se trouver un pendant radicalement opposé pour grandir. Je le rapporte au sujet de ma visite.

-Tu m’avais dit vouloir me montrer quelque chose.

-En effet oui. Il désigne du doigt une pile de feuillets et de classeur embarrassant son bureau. Je viens de concevoir deux choses. L’une est théorique, basée essentiellement sur la perception de la structure de l’univers. L’autre est purement pratique, je suis en train d’élaborer un réfrigérateur capable d’arrêter le temps.

Je recrache tant bien que mal le café qui entrave ma gorge.

-Un réfrigérateur capable d’arrêter le temps ? Tu veux dire que tu veux atteindre le zéro absolu ? Les chercheurs du CIRS en ont déjà plusieurs. Je me racle la gorge pour continuer sur ma lancée mais il m’interrompt.

-Non, je veux dire qu’il arrête totalement le temps, qu’un matériau le pénétrant cesse toute activité temporelle pendant son séjour à l’intérieur.

-Mais comment est-ce possible ?

-C’est possible parce que j’ai effacé le point qui borne la science et la délimite à un territoire connaissable et appréhendable. Il prend un feuillet sur son bureau et me le tend. J’ai noté là dedans l’expression vulgarisée du phénomène de compréhension de l’univers. Tu verras et comprendras au fur et à mesure de ta lecture.

Au fond de moi je suis déçu, je m’attendais à autre chose. Je ne sais pas exactement quoi mais je pensais que Jonas serait le vecteur de quelque chose de grand. Pas un concepteur de frigo. J’essaie de m’intéresser.

-Et tu comptes le construire où ?

-Je l’ai commencé ici même. Il fait un tour avec son doigt en montrant la petite pièce. Mais en réalité je l’ai presque terminé. Il ne me manque que quelques petites finitions et tout sera fini.

-Ah. Fais-je, dépité. Je me lève et le salue pour signifier mon congé. Je rentre, prendre une bonne tisane et lire ceci. J’agite le feuillet qu’il m’a donné.

Il me sourit et je pars. Une fois arrivé chez moi je pose la thèse de Jonas sur la table de la cuisine, me prépare ma tisane et vais m’asseoir dans le divan en allumant la télévision. Je n’ai aucune envie de lire ses griffonnages séniles, j’en oublie rapidement l’existence et me plonge dans l’actualité d’un journal télévisé guère passionnant.

Le lendemain, mon réveil me lève de bonne heure, je me sers un café. Je m’habille et je peste contre ces fiches montres à quartz qui se dérèglent quand même. Je vais à mon labo plancher sur mon étude en cours. J’effectue en ce moment toute une série de tests pour régler les stabilisateurs d’un vaisseau de manière autonome lors d’un cas de collision avec un artefact à trajectoire constante. Même si je me doute que ce genre chose finira plutôt intégré au programme de la flotte spatiale comme rééquilibrage pendant une bataille dans l’espace. Je passe presque tout le jour dans la révision d’un calcul vraiment complexe et finis par m’accorder avec le fait que ma journée étant bien avancée j’ai mérité de prendre l’air. Je vais retrouver Jonas, il a toujours la réponse à tout et même s’il s’est embrigadé sur une voie bizarre, j’aime bien l’écouter m’expliquer que je n’en suis qu’au début. Après cinq ans de travail commun, c’est un comble.

J’arrive à son bâtiment, Saclay s’est drôlement agrandie depuis que je suis arrivé, il m’a fallu près d’une demi-heure de busway pour passer de mon labo au sien. Comme toujours, sa porte n’est pas fermée, je la pousse donc et entre dans son bureau.

Je bloque un peu en constatant les changements qu’il y a eu depuis la veille. L’intérieur est intégralement recouvert de plaques métalliques, le sol est jonché de bouts de plastiques et ferrailles en tout genre. Sur le bureau s’empilent des boîtes de pizzas alors que les poubelles sont remplies de canettes de soda. Mon ami est quant à lui en train de souder une grosse caisse métallique sur le mur, à côté du distributeur de café dont l’état indique clairement qu’il a été utilisé très souvent sans que personne n’ai eu le souci de le nettoyer. Jonas ne m’a pas vu entrer, il porte un masque pour se protéger de la chaleur de la flamme qu’il manipule ainsi que de son éblouissante lumière. Je reste là, au milieu de ce capharnaüm monumental, à attendre qu’il finisse par me voir. Après dix minutes qui me paraissent interminables je me mets à fouiner dans le bureau. A en croire ce que je vois, on dirait que toute une équipe est venu l’aider pendant les dernières vingt quatre heures. J’éprouve comme un pincement au cœur en comprenant que Jonas a fait appel à des inconnus sans même m’avertir ou me demander de l’aide.

-Ah, te voilà. Quelle heure est-il ?

Jonas a fini de souder et est en train de retirer son masque de l’autre côté de la pièce.

-Il est dix-huit heure pourquoi ? Mais tu vas me dire ce que tu fiches ici ?

-Tout doux Sébastien. Sers nous de la pizza, il y en a dans le cagibi.

Je ne sais pas exactement pourquoi mais je m’exécute. Il est si calme et si tranquille que ça me rend moins nerveux. J’ouvre la porte du cagibi et trouve une pile complète de pizza préchauffées et froides, j’en sors une et la découpe méthodiquement. Par rapport au désordre du bureau, cet acte simple et droit me donne un contre-point apaisant. Je ne sais même pas pourquoi je suis aussi troublé.

-C’est le temps qui veut ça Sébastien. Il me tend sa réponse alors que je lui tends sa part. J’ai réaménagé la pièce, ça te plaît ?

-Pas vraiment non. Pourquoi ne m’as-tu pas prévenu ? J’aurais pu t’aider aussi bien qu’eux.

-Eux ? Il reste perplexe un instant et puis éclate de rire. Bien sûr ! Ne t’en fais pas, si ça te tient vraiment à cœur sache que tu es le premier à entrer dans cette pièce depuis que tu es venu… hier.

Je mâche ce que j’ai dans la bouche avec force.

- Explique-moi, Jonas.

-Bien bien. Il s’assoit à demi sur son bureau et pose son reste de pizza à côté de lui. Tu sais que je construis un réfrigérateur capable d’arrêter le temps. Je hoche la tête. Bon et bien considère que tu es à l’intérieur en ce moment même. Pas trop froid ?

-Mais… Non, je ne sens rien. Il fait même bon.

-Parce que ce réfrigérateur est bien plus puissant que tous ceux qu’on aurait pu imaginer. Laisse-moi te faire comprendre ça. Il réfléchit. Un frigo standard utilise le froid pour faire cesser au mieux les interactions moléculaires et les réactions chimiques de façon à pouvoir conserver en l’état les choses qui y pénètrent. Le froid est donc un vecteur de ralentissement du temps. Ici… Il montre la pièce de ses mains. C’est légèrement différent. Je supprime peu à peu la valeur temps elle-même, me permettant de ne pas passer par le froid. J’atteins donc le même but mais par une manière détournée.

Il prend une canette qui traine sur le bureau et la fait tomber au sol.

-Dans le cas de la gravité, il s’agit d’une force qui entraîne tout objet à être attiré par un objet de densité plus élevée. Mais avec le phénomène d’apesanteur, on contre la gravité et on arrive à un statut quo qui ignore donc l’existence de la pesanteur. Maintenant, si je rapporte ça au temps, je suis en train de mettre en place l’atemporalité et donc le monde tel qu’il est à l’intérieur du réfrigérateur va se retrouvé émancipé de la notion de temps. D’ailleurs, sais-tu ce qu’est le temps ?

-Ce qui note le passage des évènements ?

-Non. Le temps c’est ce qui empêche tous ces évènements de se dérouler de manière simultanée. Il est difficile d’appréhender le temps justement parce que tous les moments du temps existent au même moment lorsque le temps est supprimé. D’où le fait que rien ne soit réellement en mouvement.

Je prends le temps de réfléchir justement. J’ai le ciboulot qui vacille un peu mais je crois comprendre un bout de la pensée de Jonas. Je l’intime de continuer.

-Ce qui signifie que lorsque j’aurais actionné le réfrigérateur à sa puissance effective, il n’y aura plus rien à la place de ce bureau. Tout va disparaître. Parce qu’il y aura à la fois tout et à la fois rien. J’arrive moi-même à cerner avec peine le sujet que j’essaie de te faire comprendre. Sache ça, quand l’atemporalité sera mise en action, je serais toujours présent ici, inchangé et tel que tu me verras au moment où je déclencherais le processus, mais par le même fait, je serais aussi celui que tu aurais pu connaître dans dix ans ou vingt ans tant est que je tienne jusque là.

-Mais, comment comptes-tu sortir ?

-Je ne compte pas sortir, Sébastien. J’ai bien l’intention de vivre mes derniers instants au cœur même de mon invention. C’est à toi de la rendre publique et de réapprendre aux gens à manipuler les forces qui siègent dans notre univers.

Je me trouble, j’ai toujours eu des bases sûres dans ma vie, un père, un ami, un tutélaire. Là je viens de perdre d’un seul coup deux choses que je tenais pour des valeurs accomplies. D’une, que Jonas allait être mon mentor pendant toute la durée de ma carrière, de deux, que le temps que je pensais immuable, n’était qu’une loi comme la constitution en est une. Je bafouille quelque chose.

Je suis dehors et pourtant cela fait à peine quelques secondes que je suis entré dans le bâtiment. J’ai fait mes adieux à Jonas et je laisse couler quelques larmes en me mouchant dans ma manche. Je rentre chez moi pour y lire ce qui me paraît le plus proche d’un testament ; le feuillet de Jonas.

J’entre dans l’appartement, je verrouille derrière moi et je laisse la clé sur la porte. Une fois dans le salon je branche mon ordinateur au poste central et j’attends. Il est dix-neuf heures treize et je m’apprête à faire la déclaration scientifique la plus improbable de ma vie. Il existe à ce jour trois cent sept mille neuf cent vingt huit postulats de recherche, celui que je vais envoyer au Conseil International de la Recherche Scientifique est sans doute le plus important.

Je m’empare fébrilement du feuillet et l’ouvre, prêt à taper sur le clavier la moindre parcelle de savoir que m’a légué mon mentor. Mais les pages sont vides, les unes après les autres je les tourne et elles sont blanches, sans aucun mot ni rien, aucune explication. A part la toute dernière où je lus ceci.


Bonne chance pour tes débuts dans la recherche. J'ai effacé le point et les lignes précédentes comme promis.
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeMar 7 Avr - 0:11

Le texte N°2, écrit par Uranium Fuchia reçoit la note de 8,07/10


Citation :


Péremption



13



Sept heures quarante. Station République. Un connard de mendiant à guitare entre dans la rame et finit de saturer l’espace vital des autres passagers alors qu’il entame une version massacrée du Wonderwall d’Oasis. Charlotte n’a plus d’ongle à portée alors c’est la peau du bout des doigts qu’elle attaque à coups de dents. Les acariens se dissolvent dans la salive en d’inaudibles cris. And after all… Charlotte n’a dormi que deux heures cette nuit. A cause du compte-rendu des prospections Huysmans que ce gros enculé de Marin voulait im-pé-ra-ti-ve-ment voir sur son bureau ce matin. You’re my wonderwall… Mais Charlotte sait que c’est juste pour la faire chier, que le mercredi Marin étale son cul d’ours des Pyrénées sur son siège sur mesure et passe la journée entière au téléphone avec le siège, à Zurich. Cette saloperie de guitare n’est même pas accordée correctement. Charlotte n’a pas pu terminer le compte-rendu, alors ce matin c’est le tout pour le tout ; les quinze premières pages sont tapées et imprimées, les trente qui suivent, ce sont des feuilles vierges – il y a eu un moment d’hésitation sur la possibilité d’intercaler la liste des animaux charognards à laquelle son chef faisait penser, mais ça fait déjà un certain temps que l’héroïsme est indexé sur le SMIC. Putain de matin et putain de mendiant. Alors Charlotte va foutre le dossier l’air de rien sur le bureau de l’autre con et Marin ne le regardera certainement pas avant demain : ça lui laisse du temps pour taper le reste aujourd’hui et intervertir le tout discrètement. Il lui rappelle quelqu’un, vaguement. Charlotte pense que ce mercredi sera le pire depuis longtemps ; fatiguée, stressée et obligée de travailler dans l’urgence pour un  fils de pute d’obèse obséquieux dont les seuls rapports sexuels ne devaient relever que d’un onanisme acrobate. Et ce putain de mendiant incapable de jouer correctement ! Antoine ?

Le guitariste s’interrompt et un son hideux, entre deux notes, se dissout dans le brouet de transpirations mêlées qui gonfle l’air de la rame. Mêmes les moins mélomanes sont soulagés. Des yeux, il cherche qui l’a appelé.



12



Un monstre moussu dont les excroissances membraneuses, distorsions pourrissantes et/ou infectieuses, rampent contre la gravité jusqu’aux derniers refuges immaculés de la prison de gel où il était reclus, une marée verdâtre qui étend sa contagion écœurante jusqu’au sol, offrant une seconde vie sulfureuse aux chairs décomposées ; les premières carcasses s’extirpent de leur cloître et exhortent leurs benjamines à rejoindre les rangs de la révolte cadavéreuse, la floraison incontrôlable des condamnés à la dévoration ; la Vraie Grosse Pourriture, dont les germes nécrosés s’infiltrent au cœur de la moindre particule, empestant pour toujours l’espace de son odeur et du souvenir de cette odeur ; une flaque d’anciens poissons.

C’était ce à quoi s’attendait Antoine depuis que Gérald, le voisin de pallier SMPT – sympa mais pas trop –, l’avait informé de la panne de courant dont avait été frappé le quartier pendant près de quarante-huit heures. Lui, il avait appelé juste pour savoir si Candice avait refait surface. Et, non, elle n’était pas réapparue. Antoine avait demandé à Gérald d’aller sauver les nombreux restes du repas organisé par la famille de Candice, dans son super nouveau frigo américain ; mais le voisin avait répondu un ouais ouais des moins rassurants et depuis n’avait décroché le téléphone que pour faire semblant d’être confronté à un problème de ligne. Tu passes sans doute dans un tunnel avec ton fixe, sale con.

Mais rien de tout ça. Ni odeur, ni moisissure. Dans le landau, Nathan beuglait car il sentait que c’était bien le moment de faire chier le monde, un monde actuellement focalisé sur l’absence incongrue de champignoïdes. Les restes avaient résisté à deux jours de canicule ? Le Zdàva paraissait plus propre que jamais. Ça ne semblait pas très cohérent ; quelque chose clochait sérieusement. Nathan, mon chéri, ferme ta gueule cinq secondes ou je te défenestre. Le bac à légumes contenait une salade apparemment encore ferme qu’il aurait de toute manière dû manger avant de partir. Enfin, s’il avait su que l’autre connasse se barrerait sans rien dire à personne ; sans se soucier de son fils. Longtemps il avait culpabilisé lorsque – de nuit, toujours, quand la lucidité complotait en compagnie d’un onirisme réconfortant – lui venait l’idée indigne de laisser Candice en plan, avec Nathan. S’il avait seulement imaginé qu’elle le ferait la première ! On ne pouvait décidément pas faire confiance à une punkette à chienne, comme elle aimait s’appeler, parfois, en évoquant l’errance de ses débuts de vie adulte, image qui lui recollait maintenant parfaitement, libérée d’une éventuelle prévisibilité dans l’errance clocharde et les piercings crado.

Pas de lumière ! C’était ça : le Zdàva était plongé dans l’obscurité relative d’un début d’après-midi sans ombre. Et, maintenant qu’il y pensait, Antoine ne sentait pas non plus le moindre souffle de fraîcheur sur son visage alors que ça faisait presque deux minutes qu’il avait la tête à moitié enfoncée dans le réfrigérateur. La sueur lui offrait de petites larmes tièdes : le stress. Et peut-être aussi la canicule.

Un aller-retour vers l’interrupteur confirma ses craintes : il n’y avait pas eu une coupure d’électricité pendant son absence, mais deux. L’une accidentelle, qui avait concerné tous ses riverains ; l’autre volontaire, orchestrée par un cadre inférieur de chez EDF qu’il n’aurait pas eu de scrupules à être, et qui avait concerné un certain Antoine Siguier, endetté notoire.

Et Nathan beuglait comme au jour de sa naissance, que tous les trois en étaient venus à regretter.



11


« Et alors t’as démissionné de chez Lait’nor’ ?
_ Oui, Candice voulait qu’on s’installe à Paris, tu vois. Son taf est ici et, de toute façon, j’en avais marre des Laiteries Normandes. On a grandi à Caen tous les deux ; on sait qu’on souhaite pas ça à Nathan.
_ Je comprends, ouais. »

Charlotte sourie au bébé, qui joue des sourcils sur un rythme propre aux moins de deux ans. On dirait des essuie-glaces déréglés. Son landau est d’un motif gris poussière et le gosse semble complètement à la ramasse, comme atteint d’un autisme précoce. Ça et l’ambiance glauque et sale du trois-pièces : tout lui fait penser à un reportage de Strip-tease, et cette pensée la dégoûte d’elle-même.

Antoine a posé sa guitare dans un coin. Il déguste un couple de yaourts dont l’étiquette présente un ananas tout sourire sur fond vert – le fruit est au choix cannibale ou follement réjoui du sacrifice de ses pairs.

«  Je peux t’en piquer un ? »
Non ! Antoine a presque rugi, comme s’il fallait à Charlotte de quoi valider son sentiment que l’appartement fleure la déficience mentale.
«  Ne te fâche pas.
_ Oui. Heu… désolé. »
Il ne semble même pas vouloir se donner la peine d’expliquer son comportement d’abruti. « Les hommes sont des ours tarés », sentence habituelle exprimée par Coralie, sa collègue lesbienne, lui semble pour la première fois pouvoir être le réel sujet d’une thèse scientifique. Il paraît complètement perdu, aussi. Mais entre pitié et colère, Charlotte fait le choix de ses nerfs, dûment éprouvés par la semaine.

«  Je vais devoir y aller, Antoine. On m’attend (ah ouais, qui ça ?), et j’ai… (quelques courses à faire ?) quelques courses à faire.
_ D’accord. Je… ok. »
Ce fut aussi un plaisir de te revoir, Antoine.

Une bise sur une joue hirsute ; une autre, veloutée. Et un courant d’air brûlant claque la porte, gentille catharsis estivale.


10


« Zdàva ?
_ Ouais, c’est tchèque. Tu le prends ou tu le prends pas ?
_ C’est bien un frigo américain, ça ?
_ Le plus américain des frigos tchèques, Tony. Capa de trois mètres-cubes, quatre bacs étanches, un congélo avec six compartiments, de quoi contenir une quinzaine de bouteilles, la machine à faire de la glace pillée devant…
_ Putain, mais j’ai pas besoin d’ça, moi.
_ C’est ce que tu m’as demandé. Décide-toi. Tu le prends ou pas ?
_ C’est Candice qui veut un frigo comme ça. Je sais pas pourquoi ; elle me tape des crises. J’ai vraiment l’impression que y’a que ça pour la calmer. »
Antoine parlait pour lui-même, le regard inconsciemment accroché à un chien qui jouait avec un gros mille-pattes encore vivant bien que tranché en deux, dans l’arrière-cour. La camionnette était pleine de matériel électroménager en plus ou moins bon état.
«  C’est Candice qui veut ça.
_ Ouais, d’accord. C’est une fille qui a besoin de luxe. Tony, il faut vraiment que tu te décides, là.
_ D’accord. Est-ce que… est-ce que je peux avoir une garantie avec ?
_ Une garantie ? Une garantie ? Mais oui, Tony. Même un bonus environnemental et un doigt dans l’cul si tu veux. »


9


Dix-huit heures trente. Station République. Charlotte sort de son petit sac Hello Kitty la cuillère à café chipée à la cantine. Denis est venu la voir aujourd’hui et tous les regards, même Sauvez Willy, se sont tournés dans leur direction alors qu’il se penchait vers elle et que Charlotte faisait semblant d’être toute entière plongée dans les bilans prévisionnels – mais les giclées de sang d’un cœur en délire inondaient des zones peu propices à la réflexion, au détriment des chiffres turquoises du croisé-dynamique. On est très content de ton travail chez les DK. Tu nous mâches vachement le travail en amont. Charlotte extirpe du sac le yaourt à l’ananas confisqué en douce à celui qui lui faisait à l’époque l’effet actuel de Denis et qui est maintenant devenu une épave caractérielle. Le mot mâches avait été prononcé à contretemps des autres, comme pour en dégager un double-sens – pur fruit de son imagination, voyons –, figeant un instant les lèvres en un rictus irrésistible. C’est triste que tu doives te taper Jabbah le Hut dans ce département. Elle avait pouffé, sans bien évidemment savoir qui était Jabbah le Hut – un hobbit ? – et Marin, qui était con sans être idiot, avait capté le regard en coin qu’on lui avait jeté. Elle le paierait naturellement une fois que le sumotori serait redevenu le mâle dominant de l’open-space, en l’absence du responsable DK et sa carrure d’athlète. Charlotte porte à ses lèvres le mélange lacté avec de « vrais morceaux d’ananas » et son imagination fait le reste. Magalie part à la DG Vierzon en septembre ; si tu le souhaites… je récupère son poste. Et le chef le plus craquant sur terre. Chef qui avait clôt l’entretien informel par un clin d’œil. C’est doux. Sucré. Charlotte quitte un instant la compagnie des anges, son regard tombe benoitement sur la date de péremption notée sur l’étiquette et elle recrache bruyamment la dernière cuillerée, tachant la chaussette multicolore d’une touriste japonaise.



8



20 août. Plus d’électricité. Les restes de rôtis de porc témoins entament leur seconde semaine d’incubation caniculaire dans l’inutile carcasse du Zdàva.
23 août. Toujours pas de nouvelles de Candice. Le rôti se porte bien.
25 août. Nathan fait profiter son père de sa nuit blanche. Le rôti est au top de sa forme.
28 août. Le numéro que vous avez composé n’est pas attribué.
1er septembre. Rôti, ô rôti, comme au premier jour.
2 septembre. Nathan crie ce qui semble être ses premiers mots. Cette découverte l’enthousiasme jusque tard dans la nuit.
4 septembre. Antoine est licencié. Le rôti, lui, pète le feu.



7


Sylvie Graham
Chef-adjointe de projet marketing
Laiteries Normandes
Caen 14000
+332.31.27.23.63
sylviegraham@laitnor.com

Salut Charlotte,

La fabrication des yaourts Crème & Fibres à l’ananas a bien été stoppée il y a un an, en février. Les six premiers mois de commercialisation n’ont pas été concluants et nous nous sommes recentrés sur les produits « plaisir » accrédités bio, comme les assortiments Fruits des bois. J’espère que ça te sera utile, grande mystérieuse. On se téléphone. Bises.


6


« Ça fait bizarre de te revoir, tu sais. »

Nathan, ne sachant que répondre à cette déclaration d’amour paternelle en demi-teinte, rétorqua un mot-cri qui ressemblait désagréablement à maman.
« Elle est partie il y a déjà un certain temps, Maman. »
(Enfin pour toi, ça doit faire moins longtemps ; je suppose.)
Candice était barrée avant qu’il ne sorte son premier mot, et ce n’était certainement pas lui qui lui avait appris celui-là. Une seule possibilité : ce gosse jouait la provocation. D’ailleurs, il persista en une nouvelle occurrence bruitesque.
« Nathan, je veux PLUS EN ENTENDRE PARLER, ok ?! »
(Ou je te remets au… coin.)

Dans l’urgence de la venue de Charlotte, qui s’était plus ou moins invitée de force, il avait ressorti tout le matériel du placard qui servait auparavant pour les affaires de Candice. Le landau était encore plein de poussière ; quel con ! En plus d’être pris en flagrant délit de mendicité par une ancienne copine – et les excuses improvisées à propos d’un quelconque pari fait avec des collègues n’avaient pas l’air d’avoir convaincu –, en plus de l’avoir accueillie dans un appartement sans électricité, sans doute vétuste d’un point de vue, hum, objectivement neutre… il avait dû passer pour un père indigne – et faire croire qu’il était toujours avec Candice avait sans doute été un autre échec.

Le joli petit merdeux qu’il était...

« Il me faut un yaourt. »
Nathan beugla, pour rester dans un registre laitier.
« Tu… tu en veux un aussi, c’est ça ? »
Antoine frotta énergiquement son menton mal rasé.
« D’accord, Nathan, juste un alors. Parce que tu as été (bien sage ?) un petit garçon… très courageux. Mais après, il faudra… tu sais… (y retourner) je ne peux pas te nourrir. J’ai pas les moyens, Nathan. Plus tard… oui, plus tard, j’aurai de l’argent… Et alors. »
Comment un visage juvénile pouvait-il à ce point se contracter, former un tel masque de haine ?
« Ok… ok…alors, deux yaourts. »

Le Zdàva s’ouvrit sur sa pénombre habituelle. Soigneusement empilés dans leur emballage cartonné, quelque chose comme un demi-millier de pots, rescapés de la demi-palette que lui avait fait passer en douce Jamel avant de se faire lourder des Laiteries, le dominaient de leurs ombres. Et les ananas avaient troqué leur sourire ahuri contre un regard culpabilisateur.

« Allez tous vous faire foutre. »


5


« Qu’est-ce que tu fous, Charlotte ? Il est même pas six heures. »

Les yeux plissés vers l’affichage digital du réveil, Denis grommelle.
« Viens te recoucher. » Il sourit. « C’est un ordre. »
Mais tu n’es pas encore mon chef, aurait-elle répondu si elle n’était pas si préoccupée. Ils auraient alors sans doute joué au boss intransigeant et à la subordonnée coquine pendant une petite heure avant de se préparer à partir (j’ai un dossier brûlant dont je vous voudrais que vous vous occupiez.). Charlotte ne dit rien, se contente de renverser sur le sol le contenu de ses tiroirs à souvenirs.
« Mais qu’est-ce que tu fouuus ? »
Ah, les voilà ! Les souvenirs de Caen. Beaucoup de photos, des cartes postales, des lettres. Et, au milieu, une petite souris illustrée, entourée de dentelle beige. Un phylactère s’élève du rongeur.

Candice et Antoine sont heureux de vous annoncer la naissance de Nathan, un magnifique bébé de deux kilos tout rond.

La date la fait hoqueter. C’était il y a quatre ans.


4


La porte fut refermée et les cris cessèrent instantanément.

Antoine eut subitement envie d’un autre yaourt mais il ne voulait plus s’approcher. L’appartement sombre était plongé dans le silence inconstant d’un immeuble isolé au siècle dernier. Assis sur l’unique chaise de la cuisine, il se dit qu’il ne fallait pas pleurer. Mais comme les larmes ne lui venaient de toute façon pas, il trouva la situation plus honteuse encore ; même dans son échelle de valeurs cabossée par deux années à vivre en ermite en plein Paris, dans un logis qui ne lui appartenait plus mais dont on ne semblait pas prendre la peine de l’expulser.

Il ne sortait que pour mendier, un peu, et guetter le remplissage des poubelles du Monoprix, ce qui lui permettait d’éviter de taper systématiquement dans le stock de yaourts. Depuis quand lui avait-on adressé la parole, outre la politesse forcée des caissières et les interpellations policières ? Depuis quand avait-il un contact corporel avec un autre humain, même pas sexuel, juste toucher une main autrement que fortuitement ? Charlotte avait mis fin à cet affreux chronomètre de réclusion. Mais il lui avait fait peur. Il aurait voulu parler, dire autre chose que des mensonges qui ne rassuraient personne. Si elle avait pu le prendre dans ses bras, là encore sans le moindre sous-entendu, juste comme une mère son enfant ; il aurait pu se confier, lui parler de toutes ces choses : de Candice, de son licenciement,… du Zdàva. Il avait eu peur, peur de son jugement, que son tourment ne soit pas compris. Puis peur d’être découvert. À découvert. Nu. Comme un enfant. L’enfant qu’il niait en lui-même. Et celui qu’il niait en l’enfermant.

Son pied se souleva sans même son consentement et sa rage éclata sur la table, qui s’affaissa, avant d’être presque coupée en deux. Il pleurait pour de bon maintenant. Et c’était de la faute de cette pute. Qui les avait abandonnés tous les deux. Pour quoi ? Pour retourner cracher du feu dans la rue avec ses copains ivrognes ? Et quand ils étaient définitivement bourrés, ils devaient s’allonger dans les jardins publics, leurs chiens autour d’eux et faire ça mollement entre deux régurgitations de bière forte. Antoine eut la nausée, peut-être aussi parce qu’il prit conscience de l’odeur indigne qui enveloppait son antre.


3


Six heures quarante-et-une. Station République. Charlotte bat inconsciemment une mesure imaginaire avec son pied. Elle revoit Nathan dans son berceau. Quel âge semblait-il avoir ? Dix-huit mois, tout au plus.

Au grand maximum.


2


La chaleur dans la pièce doublait la gravité et Antoine avait retrouvé un semblant de calme. Il avait peut-être bien parlé tout seul pendant quelques heures ; il ne s’en souvenait que vaguement – à part d’un moment bien précis où il avait remporté le quarté trois fois de suite, mais c’avait été une hallucination, sans doute, car on ne gagne pas le quarté sans sortir de son appartement et en discourant avec soi-même. Candice s’était faite prendre par un labrador borgne et un berger allemand et Nathan parlait à haute et intelligible voix depuis son bac à légumes : j’apprécierais que tu me sortes de là. Ces ananas n’ont rien d’inoffensif.

Et lui était un petit enfant. Qui n’avait pas demandé à vivre ça. Il rêvait d’évasion. Et jamais Zdàva le Grand ne lui avait semblé si attrayant. Comment cela faisait ? Une fois le blindage clôt, on était cryogénisé par l’absence de froid générée par un réfrigérateur tchèque et on parcourait le temps perceptible de façon aussi indolore que si l’on était un glacier millénaire ? Hibernatus ? Austin Powers ? Ou bien s’engageait-on dans une dimension parallèle où la dégénérescence cellulaire n’était que l’apanage de drogues extraterrestres que s’offraient les Saturniens friqués…

Il devait bien faire trente degrés dans l’appartement mais Antoine grelottait. Il se vit poser la main sur la poignée blanche et tira vers lui l’épaisse porte, jusqu’à pouvoir contempler l’édifice architectural yaourtier dans son ensemble – habituellement, il gardait l’engin ouvert le moins longtemps possible, pour éviter de voir remuer ou chouiner le bac à légumes. Nathan, reprenant le cours de sa pénible existence, poursuivit le cri entamé des heures auparavant.

« Chhht, mon chéri. »

Les produits laitiers furent intégralement balayés par deux revers du bras, transformant le sol en un amoncellement de ferments brusqués. Quelques pots éclatèrent, rejoints par les grilles et socles en plastique séparant les compartiments.

L’espace était immense. Antoine prit son fils dans les bras, dans un geste de tendresse paternelle inédit. Il ne pleurait plus ; les deux se souriaient.
« Est-ce que tu crois qu’il y aurait de la place pour papa ? »


1


« Antoine, Antoine, tu es là ? »

Charlotte tambourine sur la porte de l’appartement. Dans la cage d’escalier derrière elle, quelqu’un a inscrit au feutre indélébile sauter, en six lettres ? En dessous, deux réponses, de deux mains différentes : baiser ! ; bondir ?
Charlotte, peu férue de délinquance cruciverbiste, continue de marteler. La sonnette du perron indique, en lettres défraîchies Antoine Siguier et Candice Helm.

Une main manucurée de frais se pose sur son épaule et une voix féminine l’interpelle, sèchement.
« Pourquoi est-ce que vous tapez comme ça chez moi ? »


0



Ce défi était si serré et les résultats si proches de l'ex eaquo qu'il mériterait d'être relancé !!!
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeLun 1 Juin - 20:59

TROPHEE TOLKIEN Ban_to10



Franz a défié Aillas pour s'emparer du trophée Tolkien.

Voici les armes qu’elle avait choisies :

Le thème : Un homme, un autre monde.
Aucune contrainte. Une musique d'ambiance était acceptée.


Franz a atteint son but de justesse, mais elle remporte le trophée avec la note de 7/10 pour le texte n°1

Citation :

CAELUM


I






- Angèle, par ici !
Cette intervention venait de gâcher une lecture passionnante. Je me suis attardé quelques instants sur cette Angèle, le temps d'une réflexion existentielle en tout cas. Elle semblait être dans sa septième année, la jeunesse pure sur le visage, la joie des prémices de la vie où l'amusement nait de tout et ne se complique qu'à l'adolescence matérialiste. Nous n'avions rien en commun hormis l'art de vivre. Pour elle, je figurais comme l'élément étranger ou "l'inconnu aux bonbons" à qui il ne faut pas adresser la parole. La seule certitude que j'avais était son prénom, Angèle. Ma pensée devint futuriste : peut-être nous reverrions-nous au cours d'une fête qu'organiserait un fils dont je rêvais et qui en me la présentant, ne se douterait pas que je la connaisse déjà.
Je sortis de cette imagination et repris ma lecture journalistique. Un article avait saisi mon attention, autant que le mystère qui caractérisait son intitulé : Le scorpion.

Nous sommes en plein été, dans les derniers jours de Juillet en Méditerranée, dominés par de fortes chaleurs. Klaus et Evita Levitz étaient à la recherche d'un chat errant ayant fait office d'invité dans leur maison lorsque la porte d'entrée fut ouverte. Se dirigeant immédiatement vers le jardin où leur bébé était allongé, ils entrèrent dans une terreur lorsqu'ils découvrirent à quelques centimètres de l'enfant, la présence d'un scorpion. Le chat assista à la scène et au bout de quelques minutes aux allures d'infini pour les jeunes parents, l'animal prit une position de défense : il courba l'échine, puis de la patte éjecta l'intrus empoisonné. Selon Klaus Levitz, le chat aurait anticipé les projets du scorpion comme doué de télépathie. Le lendemain, les jeunes parents adoptèrent ce chat et demandèrent officiellement l'adhésion du chat sur les papiers familiaux en tant que membre."

J'étais incapable - comme poussé par la Providence divine - de m'empêcher un constat après cette lecture : "C'est dingue, on aura tout vu." M'accommodant à la forme du siège où j'étais installé, je posai le journal sur la partie vide. Puis, piégé par l'ennui destructeur que cause l'attente, je me laissai choir comme un mort sur le banc de la gare ferroviaire, la tête en arrière, les paupières ne pouvant survivre. J'attendais dans cette position mortuaire que la voix off introduise la venue du prochain train. Je pensais trop vite : Le train en partance de Paris va entrer en gare. Merci de vous éloigner de la bordure du quai, disait la si belle, suave et distinguée voix de la standardiste à qui l'on a probablement demandé d'effectuer cent enregistrements vocaux avant de trouver le bon. Je tenais fermement mon sac dans le souci d'un vol potentiel ; celui-ci renfermait l'essentiel vital lorsque je voyageais. De mémoire, comme une rétrospective, je visionnais tout ce que j'avais pu y mettre - et accessoirement oublier de faire.
- La lettre !

La veille, j'avais écrit à Monica, une amie de longue date que les études avaient séparée de ma sphère d'existence. Recherchant cette lettre de nouvelles, je me rendis compte niaisement que sans timbre, celle-ci ne quitterait pas le coin. Par inadvertance, j'avais collé mon timbre à l'envers et la hantise de manquer le train était placé sous le signe de la hâte; je l'avais posté ainsi. Après avoir composté mon billet, les portes automatiques s'ouvrirent d'elles-même. Je souriais à faire le lien entre cette automatisme high-tech et la traversée de la Mer Rouge par Moïse.







I

*


Une brume inattendue venait de maquiller le paysage ferreux, je ne voyais plus distinctement : dioptrie brouillée. Un froid accompagnait cette forte brume; je m'embrassais, convaincu que je pouvais me réchauffer de ce froid, martelant mes bras nus. Qu'était devenue cette chaleur estivale ? Que se passait-il ? Ces questions restaient sans réponse puisque je m'étais aperçu que le brouhaha de la foule disparaissait à mesure que l'aiguille du temps faisait sa route. De nombreuses conjectures mêlaient mon esprit, toutes invraisemblables : Marco avait drogué ma boisson aux fruits à midi, aussi je partais dans un voyage sous LSD, dans lequel je croiserais des moucherons géants en pleine rixe. Pourtant, ce décor de nuées laiteuses semblait réel, puis il se désintégrait comme pour m'indiquer un chemin. Un chemin aussi lourd que le doute. Immobile, je n'osais élever la parole, je me contentais de garder les yeux ouverts comme un tarsier affolé et d'attendre que la danse de ces nuées se finisse. Ma vue s'éclaircissait : j'étais débout sur un sol qui ressemblait à du verglas, dans un espace qui semblait s'étendre sur des milliards de lieues : je n'en savais rien. Je faisais l'inventaire de mon corps, peut-être m'avait-on blessé au point que mon cerveau se fasse un trip en Technicolor ? Aucune blessure, j'étais intact. Le sac à mes pieds, je tentais d'avancer le pas. Consternant : en avançant, je reculais ! Mon sac était à soixante centimètres devant. Je recommençais cette expérience autant de fois qu'il ne m'en fallait pour m'en assurer. De la même façon, je me déplaçais vers une gauche qui devenait une droite.
- Sainte Marie, mère de Dieu ! C'est quoi ce bordel ?
Après une réflexion géniale, je levai les yeux vers le Ciel. Ce n'en était pas un : pas de bleu ou de gris orageux, aucune forme nuageuse qui ressemblait à tante Arielle. Ce que je voyais était une vue satellite de ma ville, en Audiovisuel, on appelle cela un contre-plongé. C'était le monde à l'envers.

Le Mal devenait-il le Bien ici ? Une quantité de choses étaient remises en question, cela m'entraînait sur les voies de l'incertitude, bien loin de la vérité stable que j'avais toujours connue. Je reculais afin d'avancer, c'était très particulier de se déplacer ainsi. A quelques mètres, j'aperçus une silhouette filiforme, sans nul doute, un corps de femme. A mesure qu'une proximité entre elle et moi se formait, je remarquais sa beauté. Elle irradiait le ciel; je ressentais une présence si puissante que j'avais l'impression qu'elle me lacérait les intestins. Elle m'étudiait. C'était une évidence puisque d'une façon concentrée, elle me détaillait des yeux. Ce regard d'un bleu azuré et cette peau diaphane tranchaient avec cette chevelure de jais qui au contact du vent ondoyait comme un drap que l'on secoue. Une beauté pareille n'avait rien de naturel, elle me faisait peur à sourire continuellement comme si elle paradait à un concours de Miss. Un pendentif en forme de scorpion ornait son cou d'albâtre.
- Par tous les saints, qui êtes-vous ? Que se passe-t-il ?
Je n'avais pas relevé cela lors de ma première vocifération : j'avais la voix vocodée. Elle s'élevait comme un écho. Nous sommes restés l'un en face de l'autre en silence. Elle continuait de sourire sans daigner répondre à mes questions. Cette absence d'échange me rendait nerveux.
- C'est bien un scorpion que vous portez autour du cou, n'est-ce pas ? Pourquoi un scorpion ? Est-ce censé faire peur à cause du danger qu'il représente ?
L'article du journal me venait soudainement à l'esprit. Tout cela avait-il un lien qui se dérobait à mon jugement ? Je faisais l'examen attentif de ma situation et je savais par cet examen que l'exercice d'une certaine lucidité était possible. L'altération de la raison n'était que partielle, intermittente. Cette femme était ma Folie : je me souvins avoir trouvé l'article sur le scorpion complètement fou. J'avais la preuve d'être dans un monde inversé, alors si la personnification de ma Folie, cette folle mijaurée se tenait en face de moi, celle de ma Raison existait également. Il fallait que je puise dans les mémoires de ses dernières heures afin d'identifier ce qui pouvait être ma raison.
- Angèle ! M'écriais-je, Angèle, sus-dénommée, avait sept ans : l'âge de raison.




Dernière édition par Cassiopée le Lun 1 Juin - 21:49, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeLun 1 Juin - 21:08

Aillas n'était pas loin avec la note de 6,7 sur le texte N°2

Citation :


Bande sonore




Lettre envoyée par Regean Bleck à Grégorh Antavh.
Lue et corrigée par le Departmento Munitorum.


Cher camarade,

Depuis que j’ai intégré le 12ème régiment Cadien les choses m’apparaissent clairement. Je ne pense pas être un guerrier dans l’âme. Même si j’ai passé avec succès les épreuves pour quitter notre escouade de cadets pour intégrer la 4ème Compagnie je ne trouve aucun plaisir à faire la guerre. /// Passage censuré \\\.

Nous sommes finalement assigné à établir une tête de pont sur le monde de Chalco III situé à proximité de Noltan. Il y a une sacrée tripotée de gardes ici. D’après ce que j’ai vu des gars de la 9ème Compagnie nous ont rejoins, on doit être près d’un demi millier sur place maintenant. On vient à peine de finir les baraquements et les défenses élémentaires qu’on doit déjà effectuer des patrouilles dans les environs du site.

Comme tu sais, les orks sont déjà ici. J’ai demandé au sergent Thérence de mon escouade s’il savait combien ils étaient mais il ne m’a pas répondu. J’imagine que même lui n’en sais rien. Toujours est-il que je tâcherais de t’envoyer des nouvelles dès que je pourrais. /// Passage censuré \\\. J’espère que tout se passera bien pour toi chez les cadets, j’ai entendu dire que vous étiez envoyés sur Cadia. Je croise les doigts.

Que l’Empereur te garde.





_________________




-Tiens, fume ça.

C’est Marco qui me tend son joint, il a réussi à dénicher du Lho même sur cette foutue planète. Je tire dessus sans trop avaler, j’aime vraiment  mais c’est vrai que ça détend un peu à petites doses. Je lui rends après qu’il ait hoché la tête en signe d’approbation. Lui c’est un vrai, même s’il dit qu’il a jamais touché à l’Obscura et que « C’est de la grosse daube pour savlar » d’après lui. Un salvar c’est un drogué, ça fait partie du jargon, on apprend ça chez les cadets par les gardes qui viennent apporter à notre instruction « l’expérience du combat ». Il a de la chance, Marco, que le sergent soit pas très regardant sur ces choses là.

Je me lève et sors du coin de mur où j’étais assis.

-On va devoir aller en patrouille. T’arrives ?

Il écrase son mégot.

-Ouais ouais.

Je m’approche de la barricade 2 pour y retrouver les autres membres de l’escouade. Il y a déjà cinq des gardes et le sergent dos à eux qui lit consciencieusement son ordre de mission à voix basse. Je l’aime bien Thérence, c’est pas un de ces gradés qui aime se la jouer et qui tyrannise ses troupes. Non, Thérence c’est un brave gars qui a juste passé quelques années à creuser des tranchées sur Noltan et quelques autres à chasser de l’ork sur Chalco I.

Je me poste avec les autres et on attend l’heure. Marco, Chiev et Sannith rejoignent le rassemblement juste à temps pour se mettre au garde à vous alors que le sergent se retourne. Il fait souvent ça notre sergent. Il attend patiemment en nous ignorant et dès qu’il est l’heure il se retourne et là on a intérêt à tous être présent. S’il y a un absent par contre…

-On y va mes agneaux. On doit faire une promenade du côté du viaduc 53 jusqu’à midi et revenir tous en un seul morceau pour faire notre rapport au sergent chef du peloton. Vous me suivez ?

La question est toute rhétorique ; bien sûr qu’on le suit. On va quand même pas se faire exécuter pour éviter une simple patrouille. N’empêche qu’on répond tous par l’affirmative et que ça lui fait plaisir.





_________________





++ Suite à l’écoute de l’enregistrement des micro-émetteurs ainsi qu’à la visualisation des données vidéos nous certifions la présence dans le secteur V-53 jusqu’à V-56 des xénos. Les analystes tablent sur une estimation allant de 50 à 200 individus, ce chiffre étant brouillé par la disparité des espèces présentes. En recoupant avec les rapports des patrouilles des zones C-92 et F-608, il semble évident qu’il y a là une forte concentration d’orks. L’estimation allant de 210 à 940 nous suggérons une prise de position en haut niveau d’alerte ainsi que la demande de renforts à la 9ème Compagnie. ++

++ Au vu des récentes pertes, une restructuration des escouades s’impose. Le garde Regean Bleck a fait ses preuves dans son secteur de patrouille et sera donc promu au grade de sergent. Il intègrera le rang d’officier de l’escouade reconstituée chiffrée 053, les fichiers correspondants sont d’ores et déjà transférés au Departmento Munitorum. La compagnie a subi 17 morts et 4 blessés sur les trente gardes envoyés en mission, les blessés ont été transférés au casernement médical. ++

++ Transmission du sergent commandeur Portos Yvanoh au commandant Rortich Trent. ++






_________________





Je reste droit dans mes bottes alors que le commandant de la 4ème s’arrête devant moi pour me remettre officiellement mon nouveau galon. C’est un bel honneur que je reçois là et je n’ai pas vraiment envie de tout gâcher par du laisser aller. C’est mon moment de gloire à moi. Les gars de l’escouade m’ont félicité et, bizarrement, j’ai la sensation que le respect dont me témoignent les autres gardes n’est pas uniquement dû à ma nouvelle position dans la hiérarchie.

-Garde Regean Bleck, fantassin de l’escouade 328, en récompense de votre courage et de l’héroïsme dont vous avez fait preuve lors de l’affrontement avec l’ennemi vous voici promu sergent de l’escouade 053.

Il me fixe du regard et j’essaie de ne pas le regarder dans les yeux et de garder la tête droite, formel. Il finit par détourner les yeux et s’en va. Le sergent commandeur de la 9ème vient me voir pour me transmettre mes ordres de mission pour la journée ainsi que les matricules des membres de mon escouade.

Je découvre qu’il s’agit des rescapés des diverses missions de patrouille effectuée le jour précédent. A part Marco et un type que je ne connaissais pas trop, présenté sur le papier sous le nom de Mandred, il n’y a aucun survivant de mon escouade. Marco est en soins intensifs à cause de deux balles reçues dans la jambe et le ventre, mais Mandred s’en était assez bien tiré pour n’avoir que, comme moi, quelques contusions et coupures. Contrairement aux autres escouades composées de dix gardes, la mienne n’en est qu’à neuf. Mais le document m’indique que lorsque les blessés les moins graves seront remis de leurs blessures ils intègreront ma section.

Je suis désormais sous les ordres directs des officiers supérieurs. Je ne m’étais jamais trop posé de questions sur l’organigramme de ma compagnie mais maintenant je sais que je suis l’égal de trente-six autres sergents, que nous sommes tous les subordonnés des six sergents chefs de la 4ème compagne et de celui de la 9ème, qui sont eux-mêmes les subordonnés du sergent commandeur Portos Yvanoh qui suit les directives du commandeur même de ma propre compagnie.

Tout ça c’est un beau merdier et maintenant je suis dedans.
Comme quoi tout peut arriver.






_________________






++ Transmission du QG de la base avancée de Chalco III au Departmento Munitorum. ++

++ Les forces xénos en présence sur la planète sont largement plus conséquentes que nos estimations initiales laissaient à penser. La mission première visant à établir une tête de pont et d’installer une main mise sur le continent septentrional est par ailleurs devenu obsolète. Nos troupes sont maintenues dans le périmètre de largage et la tension que les orks effectuent sur cette zone monte en intensité chaque jour. La 4ème Compagnie a déjà subi 53 morts ainsi que 78 blessés dont 21 ont déjà pu reprendre le combat. La 9ème Compagnie a, elle, essuyé 14 morts et 25 blessés dont 7 se sont remis. Le bilan des pertes va en s’aggravant. ++

++ Votre dernier message promettait un appui aérien ainsi que l’intervention du reste de la 9ème Compagnie ainsi que de la 8ème. Nous sommes contraints soit d’abandonner la position, soit d’avoir recours à la totalité des troupes désengagées du 12ème Régiment Cadien. Nous souffrons par ailleurs du manque de ravitaillement ; les casernements médicaux n’ont à disposition que quatre-vingt (80) lits et déjà ce seuil est dépassé, les mécaniciens de l’Adeptus Mechanicus ne peuvent actuellement pas réparer les blindés de transport et de reconnaissance de façon de façon optimale par manque de matériel, nos troupes disposent actuellement de trois (3) batteries standards pour fusils lasers. Les munitions viennent à manquer aussi pour les armes lourdes, nous ne disposons plus que de dix mille (10.000) cartouches de bolter lourd ainsi que de cinquante-deux (52) missiles. J’ai joins à ce message une liste des fournitures élémentaires pour pouvoir poursuivre l’affrontement. ++

++ Le croiseur Chronus Impero est parvenu à prendre une large vue d’ensemble des activités orks sur ce monde, Chalco III est bel et bien sous l’emprise des peaux-vertes. Les estimations actuelles font état de près d’une centaine de milliers d’individus xénos ainsi que d’une forte concentration de vaisseaux. Tout ceci nous laisse croire à une nouvelle croisade verte parvenue à proximité. ++

++ Que l’Empereur vous garde. ++






_________________





Je m’écrase au fond de ma tranchée. De l’autre côté de l’étendue herbeuse qui sépare notre base de la forêt, je viens d’apercevoir une chiée d’orks fonçant droit sur nous. Collé à la paroi je crie aux gardes de mon escouade de choper tirer à vue. Les plus proches m’entendent et les autres prennent rapidement exemple sur eux. Je me relève à demi pour identifier nos cibles, ils sont une bonne cinquantaine à courir de trou d’herbe en trou d’herbe. J’arme mon fusil laser et met en joue le plus proche, il s’écroule au sol alors que je m’acharne sur la gâchette. La mort, de loin, c’est toujours moins horrible ; on appuie sur un bouton et l’autre tombe sans qu’on ne voit vraiment quelque chose.

A nos côtés l’escouade 723, 117 et 150 font un carton dans les peaux-vertes, deux bolters lourds crachent leurs plombs meurtriers à une vitesse affolante, traçant dans la meute assaillante des sillons rougeâtres. On entend les hurlements des mourants et des blessés, ils sont de plus en plus près, la terre tremble un peu du martèlement des bottes.

-Tous à vos grenades, comptez jusqu’à vingt et lancez les. Les verts arriveront pas jusqu’ici !

Je m’empare d’une des grenades que j’ai attachées à mon gilet, et je commence à compter. Pendant les vingt secondes où chaque garde de la tranchée compte mentalement, s’installe une ambiance étrange dans un semi silence seulement perturbé par les rafales que nous tirent les orks. Dans un mouvement circulaire je me retourne vers l’ennemi en criant « Maintenant ! » et lance ma grenade. Des dizaines d’autres suivent en vol. L’explosion est conséquente  et projette une aura de fumée sur le champ de bataille, le gros de la charge a été stoppé et les quelques silhouettes titubantes cherchant leurs repères se font littéralement couper en deux par des tirs de bolter lourd bien placés.
Je souffle un peu puis lève une main.

-Vox-op ! Vox-op à la 053 !

Un type avec un lourd matériel radio s’approche de moi en courant et s’accroupi à mes côtés.

-Dis au QG qu’on vient de repousser une cinquantaine de verts dans les tranchées 2-17 à 2-25. Nous n’avons pas eu de pertes mais l’ennemi pourrait bien revenir en plus grand nombre la prochaine fois. Nous demandons…

-Putain, sergent, là !

C’est Mandred qui montre l’orée du bois avec frénésie, je regarde dans la direction et vois une masse de xénos revenir à la charge. Mais ce qui inquiète le plus Mandred je crois, c’est la présence de deux boit’ ki tu, les marcheurs blindés des orks. Un soldat ironise.

-On dirait une grosse boîte de conserve avec des pointes et des bras mécaniques de loin. Va nous falloir de l’appui lourd, hein sergent ?

-On dirait…

Je claque deux fois des doigts devant les yeux du vox-op alors qu’il a le regard fixé sur ce qui nous arrive dessus. Il finit par tourner la tête dans ma direction en bafouillant des excuses.

-Dis leur qu’on a un besoin urgent d’appui feu anti-char. Dis leur qu’on a besoin de plusieurs autocanons sur la zone et que je veux au moins trois escouades supplémentaires sur cette tranchée.

Il est encore tout confus et articule difficilement un « Oui, compris monsi.. sergent. » avant de trotter quelques pas plus loin pour pouvoir effectuer sa communication sans trop de perturbations. Je saisi mon fusil laser et la baïonnette accrochée sur ma jambe de pantalon avant de m’écrier.

-Fixez les baïonnettes, on va les avoir dans la tranchée !

Tout le monde s’exécute et s’affale sur le pan de tranchée pour tirer. Bientôt, il n’existe plus comme son que celui du laser brûlant l’air ainsi que celui du plomb fusant sur l’ennemi. Mais je vois une traînée de fumée siffler vers nos positions ainsi qu’un des gardes hurler « Ils ont des roquettes ! ».
Et merde.






_________________






++ Transmission codée du sergent Regean Bleck au Departmento Munitorum. ++

++ Mes généraux, la situation à terre est plus que critique. Nous vous informons que la 4ème Compagnie a été réduite à 8% de ses effectifs et qu’il ne reste à la 9ème que 13% des siens. Suite à l’attaque survenue il y a cinq jours sur notre base nous avons été séparés du reste du corps d’armée. Nous n’avons pas d’informations claires à ce sujet mais il semblerait que nous soyons les derniers sur place. Je suis à présent le plus haut gradé de notre peloton reconstitué après la mort de nos supérieurs respectifs. ++

++ Nous sommes désormais contraints de mener une guérilla délicate contre les forces xénos. Le matériel dont nous disposons se restreint à deux (2) véhicules de transport blindés de type chimère, d’un (1) autocanon disposant de six cent (600) munitions, de deux (2) ressuscitrex ainsi qu’une (1) batterie standard de fusil laser par garde. Le matériel radio dont nous disposons a été subtilisé hier lors d'une frappe éclair sur un convoi ork. Nous craignons des représailles dans les prochains jours sinon la semaine prochaine. ++

++ Sans renforts, l’effort de guerre que nous maintenons sur place est inutile. L’ennemi est bien trop nombreux et peu souciant des pertes qu’il encourt pour s’inquiéter d’une force de trente-quatre (34) fantassins. Nous demandons le soutien de plusieurs Compagnies dans leur ensemble ou une évacuation immédiate. ++

++ Puisse l’Empereur nous guider. ++






_________________






++ Transmission codée du Departmento Munitorum au sergent Regean Bleck. ++

++ Nous apprécions vos actions sur Chalco III à leur juste valeur sergent Regean, c'est pourquoi le Departmento a décidé de vous promettre sergent commandeur de la 4ème Compagnie. Vous avez désormais toute autorité sur vos hommes et nous sommes confiants en vos capacités à les gérer au mieux. Le nom de chaque garde posté sur Chalco III sera notifié dans les annales du Régiment. ++

++ Cependant, les activités dans le secteur de Noltan et Armageddon nous mettent dans l'impossibilité de vous envoyer les renforts demandés. Le 12ème Régiment ne peut pas se mobiliser pour une planète de moindre importance comme Chalco III. Le croiseur de débarquement en orbite a été sollicité d'urgence pour le transport des troupes sur Noltan rendant votre rapatriement impossible. Nous vous suggérons de combattre au mieux. ++

++ Que l'Empereur vous garde. ++


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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeMer 23 Sep - 16:27

TROPHEE TOLKIEN Ban_to10


Aillas Taunt, voulant défier la Belle Franz s’est retrouvé face à tr0n le drôle de troll


Aillas a défié tr0n car il souhaitait s'emparer du trophée Tolkien.
Il avait choisi les armes suivantes :
Thème : Une invasion se produit dans un pays.
Contrainte : Suivre trois personnages dont les histoires devront se croiser.




MAIS SEUL tr0n A REPONDU A L’APPEL ! Suite à cet abandon, il reste le seul détenteur du trophée Tolkien à ce jour !






Texte de tr0n pour lequel un petit commentaire sera le bienvenu


Citation :

I



Le fjord.

Un vent glacial traversait la ravine, lacérant son visage. Froid, il avait épouvantablement froid. Soif, il avait atrocement soif. Les joues creusées. Le regard vide égaré dans l’horizon. Les pupilles brûlées par les reflets d’une neige éblouissante. Cette réverbération, qui calcine les prunelles, le rendait sourd à l’immense beauté du paysage. Il était encerclé par de gigantesques falaises oppressantes, entouré par de larges pitons rocheux, de vastes apiques. Le contraste de l’éclat d’un divin panorama, et d’un endroit garni de périls, chargé de dangers pour l’homme, lui échappait. C’était exquis pour les yeux. Une délicieuse vision céleste. Il entendait sa solitude, l’écho de ses propres pas, étouffé par ce linceul d’ivoire aveuglant. Ce silence assourdissant, tonitruant de quiétude et d’apaisement : il marchait depuis trois jours. Il errait, divaguant au gré de l’appel des géants sur le pont arc-en-ciel. Le pays des Dieux n’était guère loin : les vastes forêts luxuriantes de Jorund, l’abondance de l’eau de vie chauffant ses tripes, tempérant la morsure des glaces, les crânes du banquet d’Odin, et le trône de la délivrance au combat. Le soulagement ? Non… Sa cicatrice à la joue droite décomposait son faciès d’une abominable douleur. Elle transperçait sa pommette, pénétrait son crâne, l'angoissante souffrance. Ankylosé, des hématomes étaient apparus sur son corps : violets. Lentement son sang comme son coeur fusionnaient avec le fjord. Paisiblement l’interminable processus de mortification s’épanouissait dans sa conscience, et dans son corps. Mais non, il n’était pas mort. Malheureusement et désespérément, non.

La lumière du jour s’estompait cédant sa place à la nuit noire. Le piège glacé refermait ses griffes sur sa chair et sa raison. D’extravagantes élucubrations fleurissaient dans son esprit ; il délirait ; la suave névrose guettant, consumant les miettes de sa lucidité. L’entendement s’évadait dans l’ailleurs. Il n’imaginait plus, il ne rêvait plus. Il inventait. Il inventait désormais sa dépouille gisant dans le blanc manteau. Il se voyait mort, là, parmi les défunts d’une glorieuse bataille, la mâchoire fracassée par un coup de masse. La dernière épreuve des Dieux avant de sombrer dans l’éternelle folie. Sous ses pieds pourtant, la poudreuse crissait toujours, seul lien vers une réalité fugitive. Il n’entendait que le sifflement fugace de l’air glacial et de sa démarche vacillante. Il avançait vers l'infini néant blafard, nébuleux, songeant aux propres circonlocutions de son âme, expirant d’un souffle vers une fin salvatrice.

Mais… Mais il vit l’espoir.

Épuisé, il arrivait enfin dans un village. Exténué, il rejoignait les Hommes. Brisé, il avait échoué. Les larmes figées par le gel ne coulaient plus le long de ses yeux. Transi par le givre, déséquilibré comme un pantin, il manqua de choir sur du verglas. La cheminée, l’âtre, les tisons : tangibles, presque palpables. Un songe qui redevenait patent. Il entra dans la bâtisse. Immédiatement, il fût pris d’un haut le cœur, d’un malaise. Il était étourdi par cette soudaine chaleur. Aussi brièvement qu’un homme trépasse d’un coup de hache s’abattant sur son visage, il tomba, tétanisé par le changement. Paralyser, foudroyer. Ses muscles étaient engourdis, endoloris, cristallisés par le froid. Vertige. Le bruit d’une auberge Viking, la moiteur humaine, l’alcool à flot, les femmes, la femme.

Oui la femme.

Comme dans un rêve.

Avait-il enfin rejoint Midgard ?

Exquise. Elle avait pris sa main de sa forte poigne pour le relever. Il ne se souvient encore que de cette femme et de cette nuit. Le fjord : de vieilles et lointaines réminiscences ; un bond dans le temps. Cette femme blonde aux cheveux longs comme la douce Freyja, au regard bleu comme l’azur turquoise éternel, universel et absolu de l’océan. Ces pupilles chatoyantes, resplendissant d’une fascinante gentillesse. Elle incite au sourire, espiègle. Une prunelle rarissime, unique, surprenante à faire pâlir le plus résistant des sbires de Loki. La divine, d’un soubresaut des cils, badine. Enjôleuse, cajoleuse. Elle empestait les volutes d’eau de vie.

Gracieuse malgré la robustesse de sa carrure, avec vigueur elle l’avait mené, lui, le puissant guerrier, dans une chambre. Elle le contemplait d’un œil biaiseur ; se connaissaient-ils ? Elle estimait sa valeur, évaluait sa force, et scrutait sa dureté. Oui, sa dureté. Ils firent l’amour toute la nuit. Et toute la nuit, la sueur par gouttelettes dégoulina le long de son front. L'excessive chaleur. Le désir insatiable de la posséder, de connaître les moindres détails de son corps. Ses lèvres le happèrent dans ses propres fantasmes. Il tremblait d’envie, embrasé par la douceur de la moindre caresse. Son corps renaissait, le froid fuyait, fuyait loin. Elle le chevauchait telle une Walkyrie, dominant l’acte d’un regard, d’un œil débauché. Elle se nourrissait de sa sève, de son âme, du peu qu’il lui restait de force, comme un strige dans la plus obscure des nuits. Vorace elle croquait le fruit interdit, prenant son dû de l’avoir ainsi sauvé. Son corps consumait par l’ardente passion dévorante du sexe, hurlait d’un désir lubrique. Avec la concupiscence maudite des ignobles démons des abysses, ses hanches jouaient comme la pire des putains. La violente pénétration lui soutirait des cris d’une immonde volupté. La jouissance charnelle d’avoir et la richesse de l’érotisme. Lascive elle lui offrait ses seins, gémissant d’un plaisir infernal. Les mouvements de ses hanches, calculés, cherchaient à faire rugir le mâle, à dévorer le moindre fragment sexuel refusé. Un succube des religions chrétiennes, la diablesse n’en voulait qu’à son apex, jouant de ses atours pour en disposer selon son bon vouloir. Elle l’avalait goulûment à chaque relance, insatisfaite de l’endurante faiblesse de son amant. Inassouvie et boulimique du masculin. Affamé par la convoitise, il était réduit à l’état de simple objet. Il revoyait la blanche étendue des terres de son clan, l’au-delà. Dans la satisfaction nocturne jaillit la source de vie comme la fontaine recouvrant Loki de l’étoffe du mensonge.

La guerre était définitivement perdue, une seconde fois.
Il était l’un des rares survivants.

Un corbeau regarda par la fenêtre.
Dernier souvenir, expire de plaisir.

Un chien hurle à la mort.


II


Je suis Amon. Je suis Amon, le molosse du forgeron. Un cerbère oui. Oh non je ne suis pas humain ! Oh non je ne suis pas mythologique ! Je suis juste le vulgaire gardien de la forge, l’âme de notre village, compagnon fidèle des Hommes.

Cela fait déjà trois jours qu’ils sont tous partis à la guerre. Trois jours paisibles où placide j’écoute le son de la plaine. Scrupuleusement je tends mes oreilles en ce jour béni par Odin, comme chaque jour, et au loin je perçois enfin le vacarme assourdissant du fer contre le fer, du fer contre les os, du fer voleur d’âme. A l’aube, le calme a cédé la place à la furie. Quand la nuit poindra, le vainqueur désigné sera et dominera de la hauteur de sa force, le glacier de la région, la terre de nos ancêtres communs. La fraîcheur de ces matins d’hiver aux nuits si courtes glace le cœur des Hommes. Le mien, terne, animal, éculé ne fait qu’attendre avec patience son nouveau maître… Ou l’ancien. Dans notre village il ne reste plus que la fumée de l’auberge et l’armateur surveillant les deux Drakkars : la fortune dont souhaite s’emparer les ennemis, les « Autres Hommes ». Faible dans leur chair, faible dans leurs esprits. Idéalistes, individualistes. Sectaires.

La nuit tombe. Peu sont rentrés vivants, peu sont rentrés estropiés et la victoire est amère. Le forgeron a perdu son épaule et une partie de sa jambe. Il n’est pas mort mais ce n’est qu’une question de lunes, ce sera peut être même pour cette nuit. Ce sera pour cette nuit. Vidé d’une partie de son sang, ils ont du faire un garrot, c’est une sale blessure. La lance a perforé la cuisse, les ligaments sont arrachés et l’artère touchée. Il est nécessaire de l’amputer pour éviter l’infection. Sur une paillasse, ils l’ont traîné jusqu’à sa chaumière. Je l’ai regardé dans les yeux, mon ami, mon maître. Il a compris. Ce soir je chanterais pour son âme, en gardien.

Son épouse pleure. Elle part noyer son chagrin dans la fête, le festin en l’honneur des morts et de ceux qui les rejoindront bientôt, comme pour le jour de ses noces. La joie des vivants, la peine des survivants, les morts. Moi, ma place est auprès de mon maître, mourant. Je suis Amon. Je suis Amon le chien du forgeron.


III


Le glacier.

Tout se déroulerait sur la plage sur une minuscule bande de terre large de quelques dizaines de mètres encadrée par des collines enneigées. Au beau milieu de la troupe, elle entendait le son des cornes vikings de la tribu des Drakvrh et de leur redoutable chef dévorant le cœur de ses ennemis vaincus, se servant des crânes pour construire sa renommée. Serrée contre son époux, la peur la saisissait à la gorge depuis quelques instants, au rythme des ronflements des cors. Lentement, comme un murmure lancinant, ils s’insinuaient dans l'esprit, accablant le cœur. La mélopée du désespoir. La rumeur se propageait et l’anxiété semait le doute au creux de ses boyaux. La crainte de la mort, l’inquiétude pour sa tribu, l’appréhension. L’ennemi invisible se jouait de leur moral, tapis dans les collines, attendant patiemment l’heure du combat. L’initiative stratégique. Elle n’y pense pas. Les sons sont une véritable horreur et la nausée l’emporte. Un instant elle s’appuie sur lui, vomissant ses tripes. Elle n’est pas la seule terrorisée à l’idée du combat. Non. Ce murmure… Le bruissement des feuilles. Le ressac. Il la fixe d’un regard réprobateur mais avec cette douceur dont il est le seul capable. Le courage revient, son œil et son sourire suffisent à lui réchauffer le cœur. Peut être le dernier.

Une prémonition.

La horde derrière une colline.

L’assaut.

La bataille faisait rage. Dans le tumulte de la première charge, les têtes avaient volé, les bras tranchés souillaient la neige si pure, et le sang inondait le sable opalin. La cuisse de son compagnon venait de voir ses tendons et muscles sectionnés par un coup de lance, son épaule fractionnée en deux avec une précision chirurgicale par un adversaire. Tous tombaient les uns après les autres. Avec la rage du désespoir, elle, elle frappait, sans cohésion. Incohérence de l’esprit, embué par les larmes de la vengeance, elle frappait de toutes ses forces. Le fracas des armes, le vacarme des hurlements. Les cors s’étaient tus et la clameur de la bataille se répandait crescendo sur le rivage. Les cris giclaient des glaives. Aspergée par cette couleur étrange et surprenante du sang mélangé à la neige, sa colère imprégnait le moindre de ses gestes. Vociférant Thor son amour, en Walkyrie, elle envoyait cette viande saoul boire au banquet d’Odin. Elle cognait de ses modestes poings, de son bouclier, de sa hache, de son casque, sans l’ombre d’un remord. Tuer. Tuer. L’engeance ennemie s’écroulait sous la pluie de coups. Combien en avait-elle occis ou abattu ? La nature était déchirée par les hurlements des Hommes, les gémissements des mourants et le chuintement du métal. La marée sanguinolente était montante. Tuer ou être tué. Telle était l’issue. L’affrontement lui, allait être de courte durée…

Un instant elle trébucha. Vertige. Sa colère et sa haine s’estompèrent. Le combat touchait à sa fin, incapable d’en évaluer la durée. Elle trébucha sur un cadavre. Vertige. Non, il respirait encore. C’était un ennemi. Il avait du être assommé par l’un de ses moulinets. Elle était tombée sur son torse, elle ne voulait plus bouger dans cette position sereine, fœtale, calme après la tempête. Un corps de jeune homme si musculeux, elle n’était plus dans son état normal. Elle réussit un instant à se relever, toisa brièvement l’homme d’un sourire cynique. Il était beau comme un Dieu. Son sourire s’adoucit, sa haine s’apaisa aussi furtivement qu’elle était venue. Tâtant chaque parcelle de son corps, elle se rendit compte d’une estafilade sur sa gorge, un liquide saumâtre dans la plaie purulente : du poison… Quel venin ? Elle se releva, marqua le visage de son adversaire d’une entaille dans la joue droite avec sa lame empoisonnée. Son époux ? Où était-il ?


« Toi aussi tu mourras. »



***


Elle s’appelait Frieda.
Il s’appelait Rubben.
Il était Amon.

Seuls les chiens sont des Hommes.
Seuls les chiens ont le cœur suffisamment fidèle.


QUI DEFIERA TR0N ?
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeMar 1 Déc - 22:22

TROPHEE TOLKIEN Ban_to10



Ramrod a défié tr0n pour s'emparer du trophée Tolkien.
Voici les armes choisies :


Citation :
Tr0n et Ramrod s'affronteront donc sur la thématique :
"Les quatres cavaliers du jugement avant-avant-dernier"
Prose & interprétation du sujet total libre.
Texte limité à 5000 caractères (avec espaces inclus).


Mais, malgré les appels incessants de Ramrod, ses soupirs d’homme déçu…. Tr0n a refusé de s’affronter au sommet. Il n’a même pas montré le plus petit bout de son nez et Ramrod est resté le bec dans l’eau.
Il avait, pourtant, rédigé de quoi lutter à arme égale contre le troll.


Ramrod devient donc l’unique détenteur du trophée Tolkien par abandon de son adversaire.


Dernière édition par Cassiopée le Mar 1 Déc - 22:25, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeMar 1 Déc - 22:24

Voici le texte concocté par Ram:


Citation :
Relents de cuirs et de sueurs. Coudes posés sur le bois, feuilles froissées.
La salle oblongue se dessine mal dans la pénombre, où seule une longue table d'ébène permet d'affirmer une présence. Quatre paires de mains attendent.
Alors une voix centrale s'élève :
"Messieurs, ouvrons ce conseil d'administration.
Avant de débuter la lecture des derniers chiffres. quelqu'un souhaite-il prendre la parole ?"
Un tour de table circonspect, on décèle bien vite une main levée, large comme une planche, massive comme le visage qui s'avance. Les autres reculent par symétrie.
"Ouais. A quand l'holocauste, merde ?"
Chape de plomb sur l'assemblée, les fronts s'affaissent. La voix centrale résonne, puissante :
"Cela n'est pas encore d'actualité. Les derniers mouvements dans nos filiales laissent à entendre ..."
"Qu'ils vont échapper à l'hécatombe ? Putain, réveillez-vous quoi !"
La rage déborde sur le visage déformé, les poings se referment en craquant et il se jette en arrière. Furie au creux de son fauteuil.
"... Ce que veut sous-entendre mon collègue, ajoute une autre voix haut perchée et tremblante, c'est que l'inévitable est là, monsieur. Les pandémies des derniers semestres tendent à prouver que différents secteurs de notre entreprise sont maintenant en lent déclin ...", une toux grasse et chevrotante termine la phrase. La maladie a parlée à son tour, et la voix s'élève encore une fois après un soupir, après un répit :
"Je ne suis pas dupe : les chiffres rapportés ne sont effectivement pas brillants. Devons-nous cependant céder au défaitisme ? Ou bien pouvons-nous concevoir un avenir hors le marasme ? Je le crois."
A l'opposé de la parole, à l'autre bout de la table, une silhouette s'est penchée. Bras croisés, épaules arquées, l'imposture est dans la posture comme son regard hypocrite qui se dresse face à la voie centrale. Le silence, effrayé, s'envole.
"Croire ? Est-ce bien là le mot que vous employez ? A quoi, à qui pensez-vous qu'il faut croire, alors que plus personne ne croit en vous ?". Son fauteuil grince sous ses gesticulations, un doigt accusateur se fige en direction de la voix qui ne répond pas : déstabilisation, renversement, elle connaît déjà tout cela. C'est écrit.
"Croire en votre vision n'est peut-être plus d'actualité, justement. Où sont vos résultats ? Où est la croissance ? Tout cela est périmé, votre direction a périclité. Il est temps maintenant de changer de cap, d'insuffler du sang neuf dans le sang versé. De déplacer la couronne de tête. Et conquérir."

De lourdes senteurs de panique soufflent sur la réunion : la foi centrale s'effrite, l'ambiance délétère encourage à la rébellion comme au doute du pouvoir en place. Et le dernier présent à la table peut alors parler : peser le pour et le contre et trancher les décisions d'un coup sec, comme l'on fauche. La voix le sait par avance. C'est écrit.
Mains jointes sur un menton osseux, sa voix funeste s'impose à tous, sans volume excessif, comme une confidence malsaine. Et les cuirs des fauteuils cessent alors de grincer.
"Tant d'animosité contre vous, Directeur. Tant d'agitation. Cela ne va pas dans votre sens, et en même temps, cela me semble tellement juste. A moi, comme à mes collègues. Ce cher Usurpateur a même réclamé votre départ. Ses ambitions étant aussi anciennes que claires, il brigue là votre place et vous n'avez que des chiffres qui votent contre vous comme bouclier. La fin de votre direction ne me semble pas encore là, mais celle de l'entreprise est néanmoins inévitable. Je vous conseille de ne plus hésiter ou tergiverser, vous devez des comptes à vos associés de longue date. Dois-je vous rappeler d'où vous vient votre capital ? Je ne crois pas ..."
Les quatre regards s'appuient sur la voix centrale, qui plie sous leur poids. Leurs silhouettes dominantes s'élèvent autant que leur soif de finir, sur cette réunion impériale. Au milieu de tous, la voix sait qu'elle doit abandonner. Elle les a trop fait attendre, trop fait miroiter ce qu'ils voulaient sans jamais leur donner. Trop gardée la main sur ce qui était leurs.
Elle doit annoncer la fin.
"Bien, chers amis, vous m'avez convaincus. A part vous révoquer, je vois mal comment vous résister cette fois. Alors ... Laissez-moi quelques heures avant d'appeler le moment que vous attendez. Que je m'organise avec mon cabinet. Ensuite, l'entreprise sera à vous. Jusqu'à ce qu'elle ne soit plus."

La voix comme le ton est grave, le silence se fait paisible : ils tiennent finalement ce qu'ils voulaient.
Quatre sourires zèbrent l'obscurité et les regards s'entrecroisent, échangeant fierté et exultation.
La voie reprend alors, ironique, comme si elle avait déjà oubliée :
"Finalement ... la destruction amène toujours la reconstruction, et après tout cela, il faut bien l'avouer, les salariés qui seront restés auront bien du mal à se plaindre, ma foi !
Allons, entérinons ces dissensions devant un bon verre.
Une chartreuse pour tout le monde ?"



Qui défiera Ramrod notre Damné ?
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeJeu 29 Avr - 23:18

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Teclis a défié Ramrod




Quand Teclis, chien de l’Unique, a défié Ramrod l’Ame Damnée de Ter Aelis

pour s'emparer du trophée Tolkien, il a choisi de se confronter à lui sous ces termes :



Citation :
Un récit orienté science-fiction, mais narré à la manière d'un conte.
L'humour, dans le sens large, doit être présent.


Mais il n'a pas réussi à suffisamment dérider les aelisséens qui ont préféré le texte de Ramrod.




Ramrod a gagné avec le texte N°1 et la note de 6,7/10


Citation :

En des temps lointains, en un pays aussi désolé que morne,
Il fut un matin froid où un petit homme franchit le seuil du cabinet médical où officiait un éminent spécialiste de l'implant cérébral.
Apeuré, le petit homme lui demanda :
"Docteur, je suis harcelé par mes collègues, je ne remplis pas mes quotas : je me sens idiot et lent.
Tout le monde vante vos services : je vous en prie, posez-moi une carte neuro-cérébrale de forte capacité, je veux devenir intelligent, très intelligent. Je veux prendre ma revanche, je veux prendre le dessus. Docteur ! Je n'en peux plus."
Mais le docteur, moins philanthrope qu'un distributeur de billets, lui demanda à son tour s'il avait de quoi le payer.
Car le médecin était connu,  extrêmement connu. Et il ne souffrirait de travailler gratuitement.
Le petit homme fut bien malheureux lorsqu'il lui annonça qu'il n'avait rien : pas un crédit, ni une carte bleue, pas même une pièce pour l'horodateur qu'il n'avait pas payé non plus.
Le médecin réfléchit un instant, puis lui proposa un marché :
"Bien. Je vais alors vous demander un service : allez donc me chercher plusieurs mécamouches des ambassades corporatistes, ces joyaux de green technology qui éclairent les nuit semestrielles pour ces technocrates."
Le petit homme blêmit. Il n'avait jamais commis de vol.
"Ca n'est pas tout, ramenez-moi également du vanadium liquide, que secrètent les chimères, ces drones animales gardiennes des geôles psychiques du quartier Holfër."
Le petit homme gémit. Il n'avait jamais approché ces étranges machines.

"Voici mon marché.
Ce sont là des objets de très grande valeur, si vous me les procurez, votre dette sera effacée, et votre implant je vous poserai. Gracieusement. Ainsi, vous deviendrez l'homme le plus malin que cette ville aie portée."

Et le petit homme s'en fut, inquiet mais soulagé, vers la zone des ambassades où il trouva rapidement un nid de mécamouches, en veille pour la journée. L'homme poussa un soupir, soucieux de commettre un acte répressible.
Les mouches anodisées s'illuminèrent tout à coup et s'agitèrent immédiatement autour de lui, le dévisageant de leurs optiques nyctalopes. D'une voix mutuelle et grésillante, elles lui demandèrent : "Mais que nous veux-tu, homme ? Ne sais tu pas que nous âbimer est passible d'emprisonnement, nous toucher d'amende ?"
Le petit homme bredouilla lentement, reculant sous la peur :
"Rien de tout ça, mes toutes belles. Oh, rien de punissable. Mais, voyez-vous, j'ai fait le pari que jamais vous ne tiendriez dans ce petit compartiment-ci. Vous êtes trop grosses, trop nombreuses".
Il avança un petit gobelet, qu'il ouvrit en tremblant.
Les mécamouches grésillèrent de mécontentement : le pari était grossier et la solution toute trouvée ! Elles qu'on comparaient à des nanomachines, elles qui pouvaient se glisser dans tout orifice ! Une telle méprise devait être éclaircie. Et elles s'engouffrèrent toutes dans le gobelet, que l'homme s'empressa de refermer aussitôt.

Pas peu fier de lui, le petit homme s'en fut vers les geôles psychiques, au sein du quartier Hölfer.
A l'approche des portes, il fut entouré deux immenses chimères aux cuirasses chromées, grognant et bavant.
Arquées sur leurs pattes biomécaniques à injecteurs, griffes déployées ...
Le petit homme partit soudain d'un rire sonore, se tordant en deux et se tapant sur la cuisse.
Les chimères, décontenancées par une réaction si improbable et inappropriée, lui demandèrent alors :
"Question 1 : Qu'avez-vous à rire ?"
"Question 2 : Que faites-vous ici ?"
L'homme se redressa pour leur répondre, hilare : "Excusez-moi, excusez-moi. Mais voyez-vous, je n'en reviens pas de ma bêtise, mon effroyable bêtise. J'ai parié très cher qu'un décimètre cube de vanadium liquide tiendrait dans cette bouteille. Or, je viens de me souvenir, honte sur moi, qu'il était corrosif comme l'acide et que bien sûr il rongerait ce contenant de toutes les manières qui soient avant même d'y rentrer et ... et ... Excusez-moi de vous avoir importunés, je m'en vais."
Les chimères se redressèrent elles aussi de stupeur : elles ne pouvaient laisser dire une telle erreur !
"Réponse 1 : Le vanadium n'est nullement corrosif, il est tout simplement inaltérable, ce qui en fait l'alliage le plus résistant qui soit"
"Réponse 2 : Nous fournissons toujours la preuve de ce que nous avançons. Toujours."

Et l'une des chimères ouvrit sa gueule bien au-dessus de la bouteille vide que tendait l'homme.
Le vanadium coula lentement à l'intérieur, la remplissant comme c'était prévu : les drones parurent s'enorgueillir d'avoir rectifié cette vérité, et l'homme les remercia poliment tout en refermant son précieux contenant.

Le lendemain, il retourna voir le médecin et lui présenta fermement ses deux éminents trophées :
"Voilà. Maintenant que j'ai tenu promesse, greffez-moi cet implant : je veux être intelligent, le plus intelligent."
Mais le médecin se prit à rire, à n'en plus se retenir. L'homme n'y comprenait plus rien : s'était-il donc trompé, avait-il mal compris ? N'était-ce donc pas cela qu'il lui avait demandé ?
"Mais monsieur, mon cher monsieur :  je ne puis vous satisfaire !
Regardez ce que vous avez accompli, vous êtes la personne la plus maligne et intelligente que je connaisse. Nul doute là-dessus, vous n'avez pas besoin de ces implants, aucunement !
Maintenant, laissez-moi, j'ai à faire, notre marché est caduque. Sortez."


Moralité de cette histoire :
Contentons-nous toujours de ce qu'on nous a donné.



TROPHEE TOLKIEN 36-75

Teclis a perdu avec le texte N°2 et la note de 5,9/10


Citation :
Ce qui m'encadre est un miroir.





Il était 01 fois... oui, car tous les contes de science fiction débutent par cette phrase... un individu, une personne quelconque, un peu comme vous, un peu comme moi, qui possédait une belle petite vie.
Certes, cette vie était parsemée de minuscules déboires, d'accrocs. Parfois, il arrivait à notre individu, qu'on appellera... tenez : « Vou »... de déprimer un peu. Vou se prenait pour une personne modeste, intelligente -pas d'un intellect hors norme mais relativement correct- et pensait posséder un léger talent. Peut-être était-ce vrai, ou non, je laisserai au lecteur le soin d'en juger par lui-même.
Bref, sachez que Vou entretenait sa petite vie tranquille et pépère avec ses petits « accrocs ». Vou déprimait parfois pour de légers soucis amoureux, des bouffonneries sociales et ses études, son travail ne le contentaient pas.
Se croyant singulièrement unique, et tout ceci conjugué à son petit « talent », Vou flânait sur la « toile » internet. Ce que les anciens auraient nommé « la conscience collective non assumée de l'humanité ». Prudemment, il s'était introduit dans l'antre de cette terrifiante créature sans se rendre compte que, derrière son écran, se tapissait une bête invisible aux multiples facettes. Un monstre dont pour l'instant, Vou n'avait vu que le trésor ; et y avait plongé les bras.
Il lui arrivait d'écouter de la musique, de s'adonner à son talent, de converser avec un tas de personnes que Vou connaissait à peine, prisonnières dans des mondes lointains. Vou  avait trouvé aussi un étrange cristal qui lui avait permis de se créer un « profil » sur un quelconque réseau social, mais pas parce qu'il suivait la mode -s'il vous plait ! Non, Vou avait rejoint, prenons au hasard : Fesse-bouc, parce que Vou désirait montrer au monde entier ses humeurs, et faire partager son talent. D'ailleurs, Vou avait un avis bien tranché sur ces réseaux sociaux : non seulement ils permettaient à des gouvernements de plus en plus insidieusement totalitaires  de récolter des informations sur les citoyens, mais en plus, ils donnaient l'impression aux gens de médiocre qualité d'être réellement exceptionnels. Bref, Vou aurait tout aussi bien pu me ressembler, que vous ressembler.

Sachez cependant que contrairement à la majorité d'entre nous, Vou détenait un secret. Le genre de petit secret qui fait la différence dans ce qui est de la culture d'un petit talent ; fictif ou non, rappelons le aimablement.
En effet, Vou avait découvert au milieu de tous les trésors de la créature une petite représentation miniature d'un continent, plus précisément un forum. Pour les néophytes, sachez que les forums sont des lieux d'attroupements pour divers esprits intéressés par une même passion : un pré où des individus broutent les connaissances, le talent ou la stupidité des autres. Le lecteur devrait avoir une petite idée de ce que je veux dire.
Mais revenons-en à nos moutons : Vou. Ce dernier ne fréquentait pas n'importe quel forum : il passait son temps sur Aer Telis. Lieu fabuleux, cet espace cybernétique offrait de quoi se détendre, de quoi se cultiver, de quoi exister à Vou ; et à plein d'autres individus. Parmi toutes les personnes qui s'étaient aventurées dans la tanière de l'hydre internet, notre ami avait eu la chance d'y trouver un des plus beaux joyaux qui pusse exister. On avait pu s'émerveiller devant les textes d'auteurs talentueux, face aux œuvres de graphistes géniaux, en regardant des sections plus drôles les unes que les autres.  Cette découverte était tellement irréelle, improbablement magnifique pour quelque chose qu'on ne pouvait palper, caresser, embrasser ou choyer  que le lecteur ne peut avoir aucune idée de ce dont je parle. Par commodité, je cesserai donc de le faire baver.
Il faudra juste savoir que Vou avait fini par se lasser un peu de Aer Telis ; ce n'était plus l'extase des premiers jours. Le diamant avait perdu de son éclat. Néanmoins, il y passait souvent, par habitude, même s'il ne désirait pas reconnaître que le forum faisait partie intégrante de sa vie. A dire vrai, et sans vous mettre à la place de Vou, il serait judicieux de penser que Aer Telis était un petit « + » dans la vie de Vou. On y lisait des choses drôles, attendrissantes, passionnantes et régulièrement, on y trouvait de bonnes surprises... Sans s'en rendre compte, Vou était devenu le captif de son propre talent, de son émerveillement modéré pour ce petit lopin de terre inconsistant et par la même, de la méduse internet.
Or, dans un futur proche... pardon... il était 01 fois dans un futur proche, une section particulière de ce forum se nommant « Alkhazzar, L'apparition des Hautes Tourmentes » qui contenait un nouveau message. Point d'inquiétude, on n'y lisait pas de vieilles B.D des temps post-coloniaux au fox-terrier démodé. Par contre, on pouvait y trouver un chien, et un administrateur.

En effet, Vou vient de remarquer un nouveau sujet. Par instinct, il clique sur ce que les autochtones nomment un « duel à mots ». Il atterrit alors devant un choix crucial : il doit voter pour élire le meilleur texte entre deux.  Vou regarde rapidement les pseudos -dénomination virtuelle d'un forumer- du duo qui s'affronte. Tamrod et Reclis.
L'un est une Âme Damnée, un graphiste pour le moins talentueux (un vrai talent) et un bon écrivain. Il affiche un avatar classieux et sobre. L'autre, plus jeune, est un habitant un chouïa foufou arborant une image de chien dans son profil. Vou n'aurait jamais à l'idée de penser que c'est un caniche, et y reconnaît bien un cocker. N'est-ce pas cher lecteur ?
Vou possède une petite préférence secrète pour l'un des deux protagonistes, mais qui, il se le jure, n'influencera pas son vote. En général toutefois, il apprécie la paire de duellistes. Continuant sur sa lancée, notre cher Vous lit le thème :


Citation :

D'un récit orienté science-fiction, mais narré à la manière d'un conte.
L'humour, dans le sens large, doit être présent.


« Bande de barges » pense t-il affectueusement, le sourire aux lèvres. Un soupçon de désespoir tenaille le cœur de Vou lorsqu'il voit la longueur respective des deux textes : « fais chier ». Cependant, Vou n'est pas le genre de personne à se décourager pour si peu. Après tout, ce sera sûrement vite lu, et potentiellement plaisant. Et puis, Vou rend un petit service aussi, sans se l'avouer.
Vou débute donc sa lecture, une boisson à portée de main. Il reconnaît rapidement l'auteur d'un des deux textes, au moins par quelques indices. Les manies qui affublent les écritures sont aisées à détecter : le choix des couleurs, la longueur des phrases, le vocabulaire, les fautes d'orthographe...  Tamrod engage le duel avec une pointe d'humour que Reclis pare d'un astucieux revers de métaphore incompréhensible. Le cocker d'une botte épithète attaque l'introduction de son adversaire. Heureusement pour ce dernier, une narration digne des académiciens lui vaut de tracer d'un coup de plume un T sur la bedaine poilue de l'autre. Celui-ci, toutes canines dehors arrache un bout de phrase qui comble de malheur, ne se finit plus que par une virgule !
Une fois passée la lecture du texte qui côtoie celui-ci, Vou lit les lignes qui composent cette œuvre. Vous aime ça : ça paraît un minimum original... et puis non finalement... ça donne une impression de déjà vu. Qui plus est, Vou s'y reconnaît sans s'y reconnaître : bah oui ! Il y a forcément des choses qui diffèrent entre Vou et le « Vou » de ce récit, ne trouvez-vous pas cher lecteur ? L'auteur ne maitrise pas à fond son sujet, et qui est-il pour se permettre de juger Vou ?

En vérité, Vou ne sait pas que l'auteur ne juge personne. Quelle idée ! Reclis ou Tamrod, l'un des deux, n'a que pour objectif d'emporter le plus de votes positifs pour sa prestation. Je suis sûr que contrairement à Vou, le lecteur comprendra.
A travers « Vou » qui ne fait que voter, l'un des deux duellistes s'adresse directement au lecteur. L'un des deux duellistes d'adresse directement à... vous !
Et vous êtes peut-être blessé dans votre égo, en train de rire, d'apprécier ces lignes, de n'y piger cure : qu'importe. Vous vous y êtes reconnu un minimum, sans pour autant que ces mots puissent retracer la complexité de votre être. Qu'importe encore. Rien n'est important, et il n'y a aucune inquiétude à avoir.
Pourquoi ? Car tout ceci n'est pas réel : c'est de la science fiction. N'y voyez pas une ruse de l'auteur d'ailleurs, juste le moyen de finir en beauté. Car tu n'es pas « Vou ».

Et c'est ainsi que se clôt cette histoire... Quoi ? Qu'est il arrivé à « Vou » ? Le lecteur aimerait être informé...
Il doit juste savoir que Vou vota et qu'il eut beaucoup d'enfants. Le reste ne regarde personne.

Vous voulez savoir qui gagna ce duel, entre Tamrod et Reclis ? Il vous suffit de lire ce qui suit -et tous les messages postés à la suite, dans l'antre de la bête...





Spoiler:


QUI VIENDRA MAINTENANT DEFIER RAMROD ?
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeMer 15 Déc - 20:58

TROPHEE TOLKIEN Ban_to10


Cassiopée défiait Ramrod d’émerveiller ses fils à l’aide d’un conte féérique



Voici les armes qu’elle a choisies :

Le thème : pouvoir lire aux  enfants de Ramrod le conte qu'ils leur auraient eux-mêmes écrit.

Ce conte ne devait pas excéder deux pages word. Il devait entrer dans le monde féérique afin de les endormir sans pour autant laisser la porte fermée à leur imaginaire.





RAMROD a GAGNE LE DUEL en vous proposant le texte N°2 auquel vous avez mis la note de 8,5/10

Citation :

LES NEUFS VIES DE GASPAR

Gaspar était quelqu'un qu'on n'embêtait jamais. Parce que personne n'avait envie de se frotter au grand Gaspar, le terrible guerrier chat.
Il était noir comme la nuit, avait une longue silhouette tout en muscles et des yeux mauvais qui brillaient dans l'obscurité.

Gaspar cherchait la bagarre tout le temps, était tout le temps de mauvaise humeur et n'avait qu'une envie, une seule : mettre à genoux les plus gros, les plus grands de tous les adversaires qu'il pouvait rencontrer. Il avait ainsi participé à de nombreuses batailles, pourchassé dans tout le pays des monstres bien plus gros que lui, tous plus méchants les uns que les autres. Et il gagnait toujours …
Autant dire que Gaspar était imbattable.

Mais imbattable ne voulait pas dire invincible.
Et Gaspar commençait à se dire qu'un jour, il finirait bien par tomber au combat : un jour, un monstre un peu plus gros, un peu plus malin que les autres finirait bien par envoyer le plus grand guerrier chat du monde au paradis des chats ...

Alors, Gaspar décida d'assurer ses arrières et de devenir définitivement invincible. Il alla donc voir le Diable, en enfer, afin de conclure un pacte avec lui.
Le Diable était très puissant et surtout très malin : pactiser avec lui était extrêmement dangeureux. Mais Gaspar s'en fichait : il avait beau être très très fort, il n'était pas très très malin.

Il se présenta donc fièrement devant le Diable, qui se coupait les ongles des pieds, assis sur son trône. Une cape rouge enveloppait son corps, dans l'obscurité et seuls deux pieds fourchus dépassaient au sol. Une odeur de soufre l'entourait : il ne faisait pas bon rester en enfer ...
- "Eh toi, le diable ! Je souhaite passer un marché avec toi ! Et regarde-moi quand je te parle, sinon je réduis tes grandes cornes en poudre !"
Le diable leva la tête, complètement étonné qu'on lui parle sur ce ton.
- "Comment, mais ... Oh, je ne dois guère me tromper en disant que tu dois être ce fameux guerrier chat... Gaspar, n'est-ce pas ? Que veux-tu de moi, grand combattant ?
- A la bonne heure ! Je veux une chose très simple : que personne sur cette terre ne puisse me faire du mal.  En échange, tu pourras prendre mon âme quand je serais très vieux et que ma vieillesse sera trop grande. Pas avant.

- Ton âme, n’est-ce pas? C’est intéréssant, je dois bien l’avouer. Et bien d’accord. Dès que tu sortiras d’ici, aucun être vivant sur cette terre ne pourra te faire de mal. Personne. Et parce que tu es un guerrier exceptionnel, j’ajoute même à cela  une option personnelle: je te donne non pas une vie, mais neuf ! Et c’est au bout  seulement de cette neuvième vie que je pourrai prendre ton âme. Pas avant !"
Le guerrier chat réfléchissait :
- "Eh bien, pourquoi avoir neuf vies, puisque de toutes façons je ne gâcherai jamais la toute première ?"
Le diable sourit … Si Gaspar était intelligent, il aurait compris rien qu’avec ce sourire qu’il ne fallait jamais, vraiment jamais, pactiser avec le Diable.
« Je te donne neuf vies parce que tu es un précieux allié et que pour rien au monde, je ne voudrai que tu arrêtes de m’envoyer des âmes, vois-tu ? Plus tu combats longtemps, plus je suis content.Et tu auras bien besoin de neuf vies, héhéhé …
- Mais … Tu me garantis bien l'invincibilité, n’est-ce pas ?
- Aucun être vivant sur cette terre ne pourra te faire de mal, voilà ce que je te garantis.
- Eh bien … Dans ce cas, je suis d’accord."
Et Gaspar signa avec le Diable.

Dès qu’il fût dehors, Gaspar se jeta sur le premier géant venu : et effectivement, Gaspar ne mourrait pas, même lorsqu’il faisait exprès de perdre. Il était devenu invincible. Le soir venu, le guerrier chat le plus fort de tous les temps s’endormit paisiblement. Rassuré sur son destin, heureux de pouvoir se battre sans jamais succomber. Ce qu’il ne savait pas, c’était que le pacte du diable précisait bien qu’aucun être vivant sur la terre ne pouvait lui faire de mal, mais … Si Gaspar était devenu invincible face à un adversaire en combat, il était devenu extrêmement fragile face à tout le reste, face au monde entier qui l’entourait !

Le premier jour de sa nouvelle vie, Gaspar commanda une pizza. Les anchois avaient un drôle de goût mais il la mangea quand même. Il tomba gravement malade et … Ainsi finit la première vie de Gaspar.

Le premier jour de sa deuxième vie, Gaspar marcha sur un plancher et s’enfonça une écharde dans la patte …
Ainsi finit la deuxième vie de Gaspar.

Le premier jour de sa troisième vie, Gaspar glissa et tomba dans une bassine d’eau froide et …
Ainsi finit la troisième vie de Gaspar.

Le premier jour de sa quatrième vie, Gaspar se lava en frottant énergiquement son dos avec une brosse et …
Ainsi finit la quatrième vie de Gaspar.

Le premier jour de sa cinquième vie, Gaspar marcha à tâtons dans le noir et se cogna …
Ainsi finit la cinquième vie de Gaspar.

Le premier jour de sa sixième vie, Gaspar passa devant une clôture où un chien aboyait et …
Ainsi finit la sixième vie de Gaspar.

Le premier jour de sa septième vie, Gaspar se gratta le front un peu trop fort …
Ainsi finit la septième vie de Gaspar.

Le premier jour de sa huitième vie, Gaspar courrut un peu trop vite pour attraper son taxi et …
Ainsi finit la huitième vie de Gaspar.

Le premier jour de sa neuvième vie, ce fut pire que tout : Gaspar voulut simplement se lever de son lit et …
Ainsi finit la neuvième et dernière vie de Gaspar.

Depuis cette époque, les chats sont devenus très,  très, mais alors très prudents. Même s’ils ont neuf vies, ils font tout pour éviter de les gâcher: ils ne mangent plus jamais de pizza, ont des coussinets pour protéger leurs petites pattes, ils évitent l’eau à tout prix, font leur toilette vraiment très doucement, détestent les chiens, voient parfaitement bien dans le noir, ils marchent très lentement et dorment la plupart du temps.
Quand à affronter un adversaire, ils évitent maintenant tout ce qui est grand et gros pour ne plus se consacrer … qu’aux souris.


CASSIOPEE a PERDU, mais de si peu, avec le texte N°1 qui a reçu la note de 8,4/10



Citation :

Le parfum de la pluie

A la limite du désert, il est des hommes bleus. Bleus de vivre en se cachant du soleil sous de lourds tissus teintés d’indigo. Bleus de ne pouvoir supporter le ciel azur brulé par les rayons d’un astre bien trop violent.

Akli est un homme bleu et il vit aux marches des sables. Sa peau brune s’est teintée de la couleur de la djellaba qu’il ne peut quitter sans être grillé sous le soleil trop ardent.
La sueur a mêlé à son épiderme l’indigo que sa mère a utilisé pour colorer ses habits et comme le reste de sa famille, son corps est devenu plus foncé que le cobalt, sombre comme la nuit.

Mais aujourd’hui, Akli s’est écarté du village et regarde le puits où la noria est pétrifiée. L’eau ne coule plus et les godets restent à présent immobiles. Autour de lui, le paysage est si sec que les quelques arbustes qui réussissaient à pousser sont maintenant racornis et que le sol se fendille. L’eau a quitté Bellaga et la soif tenaille ses frères et sœurs aussi sûrement que sa gorge se craquelle sous sa langue gonflée.

Chaque jour, leur père et mère partent jusqu’au puits de Dranka pour remplir de grandes calebasses d’une eau rougie par les terres. Mais la route est longue et lorsqu’ils rentrent, épuisés d’avoir marché sous le soleil torride, les bouches avides se jettent sur l’eau comme sur le plus grand des trésors.

Akli se penche sur la margelle du puits, en espérant entrevoir un petit filet d’eau, mais le fond est aussi vide que ses espoirs. Alors qu’il sort la tête du trou, il se retrouve nez à nez avec un tout petit oiseau aux plumes ivoire, dont la tête rouge est en parfaite harmonie avec sa longue queue en forme de lyre.
Ne pouvant détacher son regard du si joli volatile, Akli garde les yeux ouverts comme deux immenses soucoupes pleines d’émerveillement.
Soudain, une larme coule des yeux de l’oiseau et celui-ci se met à parler :

-Peut-être devrais-tu rapporter la fleur de pluie à ta tribu.

Akli se redresse de toute sa taille et, le visage avide, questionne l’oiseau :

-La fleur de Pluie ? Elle nous donnerait de l’eau ?

-De l’eau pour l’or de tes yeux, oui.

-Où ? Dis-moi où je dois me rendre ?

-Au-delà du désert de sel se trouve le jardin d’ébène. Il ne faut pas tarder. Le soleil a faim. Je te guiderai si tu le veux.

Le soir même, Akli se charge de toute l’eau dont il peut disposer sans que sa famille n’en souffre trop et part en courant derrière l’oiseau qui égrène des notes comme des perles dans le vent pour ne pas le perdre.

A cette allure, ils pénètrent très vite dans l’immensité dénudée. Les dunes de sable se succèdent aux dunes inlassablement et Akli ralentit tant sa vitesse qu’il leur faut deux jours entiers pour atteindre les portes du désert de sel.

Akli s’arrête alors devant l’étendue de sel, grise comme de la cendre, recouverte de caillasses où rien ne semble pousser. Il prend la gourde entre ses mains et la soupèse. Il lui reste si peu d’eau qu’il se demande comment il pourra atteindre son but. Ses pieds écorchés d’avoir tambouriné dans les sables sont douloureux et son regard est brûlé par le soleil, ses yeux sont rougis par l’éclat trop fort de la lumière.

L’oiseau de larme tourne autour de sa capuche comme un papillon autour d’un feu. Il chantonne une mélopée qui envoute l’homme bleu. Akli se met alors en route à la suite de son guide dont le chant le captive et le lie mieux qu’une corde bien serrée. Il avance comme un fantôme, mettant un pied devant l’autre sans se préoccuper des roches, laissant ses blessures s’ouvrir et se couvrir de sel, sans paraître en souffrir.

C’est ainsi qu’Akli traverse le désert de sel. La gourde vide et la bouche gonflée, il atteint les premiers arbres un peu décharnés qui marquent l’entrée du jardin d’Ebène alors que la nuit tombe.
Le bois noir luit sous le reflet lunaire et les arbres tordent leurs longues branches vers l’astre argenté quant à leurs pieds la végétation s’intensifie au fur et à mesure qu’ils sinuent entre les troncs bossus.
Akli souffre atrocement de la soif et son estomac hurle de faim. Il n’est plus que l’ombre de lui-même. Seul le chant de l’oiseau le pousse encore vers son but.

Soudain, une grande plante tentaculaire vient sinuer près de ses jambes flageolantes. Très vite il se retrouve emmêlé dans les longs appendices et s’étale de tout son long. La plante emprisonne l’homme bleu et il sent la pression des longs bras s’attacher à lui. Il se débat tant et si bien que la plante dessert son étreinte et lui crache au visage un jet qui lui brûle les yeux. Akli hurle d’effroi. Il ne voit plus rien, il est devenu aveugle.

Il se met à courir en tout sens, cherchant son chemin, le regard vide et apeuré. Seul le chant de l’oiseau est un réconfort pour lui. Il s’y accroche et le suit, se prenant les pieds dans les massifs de fleurs, se cognant contre les troncs qui se placent presque volontairement sur son passage.

Pourtant, lui qui ne voit pas sent soudain le parfum de la pluie, il sent l’humidité intense de l’averse qui se prépare. Il sent le sol qui s’offre à l’eau venue du ciel. Il sent la fleur s’épanouir pour recevoir les premières gouttes qui vont l’abreuver.
Il n’a plus qu’à se baisser pour la prendre. La fleur de pluie est à ses pieds, douce et juteuse.

Il pose ses lèvres desséchées sur son cœur et peut y boire toute l’eau dont son corps à besoin. L’oiseau est toujours là, à tourner près de lui et à émettre le doux son qui l’enchante.

Le chemin du retour est plus long encore, mais moins douloureux. Bien-sûr les pieds d’Akli ne sont plus qu’une plaie immense tant les cailloux sont venus les meurtrir. Bien-sûr le soleil continue de griller les moindres êtres vivants. Mais Akli tient la fleur entre ses mains. Il boit à cette source sans fin et ses yeux aveugles ne craignent plus la lumière brûlante.

Son retour à Bellaga est le plus grand évènement de tous les temps, la tribu entière l’encercle, le touche comme on touche un dieu, du bout des doigts, avec vénération et humilité.
Akli creuse de ses mains un trou dans le sol caillouteux et y dépose la fleur. Son humidité s’écoule en une pluie fine qui vient se répandre sur la terre, s’infiltrer vers les roches profondes pour aller remplir le fond du puits, ruisseler en fines rigoles pour former un petit ruisseau dans lequel tous les enfants viennent boire en riant.

Et Akli reste là, assis près du puits, les yeux perdus dans le vague. L’oiseau de Larme sur l’épaule lui chante une chanson merveilleuse et éternelle.





QUI VIENDRA DEFIER MAINTENANT L'INCONTOURNABLE RAMROD ?
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeMer 18 Déc - 14:49

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Suite à une série de rebondissements entre décembre 2010 et juin 2012, Aillas et Ramrod n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur les termes de leur duel.

Le trophée était donc transmis au défiant par le tenant du titre, comme le veut la tradition.

Aillas récupérait donc le Trophée.



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Dernière édition par dvb le Jeu 2 Jan - 20:14, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeMer 18 Déc - 15:10

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En janvier 2013, le Trophée Tolkien était revendiqué par Bouche Dorée qui défiait Aillas sur ce sujet :




Citation :
"L'auberge frontalière". Le narrateur est un tenancier peu regardant sur la couleur/race/préférence de ses hôtes. l'idée est de raconter un laps de temps court (quelques heures à une journée) de la vie d'une auberge, à la clientèle nécessairement cosmopolite.

je suggère comme condition supplémentaire d'affliger notre narrateur d'un sévère handicap. Xénophobie rampante, stupidité confondante, maladie mentale troublante... L'acceptation de ce point de scénario reste à la discrétion du défié.


dvb se proposait alors comme challenger et troisième homme sur le sujet.

Suite à une seconde série de rebondissements, le trophée était finalement mis en jeu entre dvb et LIS sur le sujet initialement prévu pour Bouche Dorée et Aillas.

Le duel eut lieu en mars 2013





dvb l'emporte avec une note moyenne de 8,6/10


Citation :

Au Dernier Arc-en-Ciel



Le Pays des Arc-en-Ciel. Voilà le nom que l'on donne à cette fichue contrée. C'est joli comme nom. Mais ça ne reflète pas « tout à fait » la vérité sur ce petit coin de paradis boueux.

Pour faire un bel arc-en-ciel, il faut un tout petit peu de soleil, beaucoup de nuages noirs et encore plus de pluie. C'est ce que m'a expliqué un jour un type avec de petites lunettes rondes sur le bout du nez. Un gars qui venait de la Citadelle d'Albâtre. Un grand et beau et blond type de la haute. Avec le Calice brodé sur sa tunique blanche impeccable. J'étais tout môme. Il s'était arrêté à l'auberge, notre auberge, pour une nuit. Lui et sa petite troupe d'humains pur sang, avaient traversé toute la plaine ; il venait de l'autre bout du monde, de la belle Cité toute blanche où un soi-disant Empereur de toutes les Terres les avait expédié en mission. Notre bon monarque du haut de ses tours toutes blanches voulait savoir si notre pays au si joli nom, possédait des gisements de pierres magiques, ou je ne sais quelles autres cochonneries. Pour lui un pays qui pouvait faire naître des arc-en-ciel par dizaines tous les jours, ne pouvait être qu'une contrée où la magie y est puissante. Alors il a envoyé une expédition d'érudits bien habillés patauger dans notre bouillasse du bout du monde. Ils se sont arrêtés une nuit à l'auberge, nous ont expliqué, à moi et aux autres gamins, que la magie était une chose toute relative, et qu'il y avait une autre puissance à l'oeuvre dans le monde. Et qu'ils étaient venus pour la découvrir et la rapporter au Roi des Rois.

Le lendemain ils sont partis vers la montagne. Vers les monts tout noirs, là où l'orage donne en permanence. Et puis ils se sont fait massacrés et décapités comme n'importe quelle autre créature qui méprise le danger et foule le territoire des peaux vertes.

On leur avait dit qu'il ne fallait pas y aller.

Mais eux avaient une mission à accomplir pour l'Empereur. Et puis ils avaient trois archers et une poignée de gus en armure. Comme si ça suffisait pour survivre là-haut.

Quand mon père est devenu trop vieux pour tenir l'auberge, il me l'a confié. Mes frères et sœurs étaient tous déjà morts ou partis à la guerre, ou vendues à des voyageurs. Il restait plus que moi.

Alors la première chose que j'ai faite le jour où on m'a confié les clefs de la boutique, ça a été d'accrocher une nouvelle enseigne au dessus de la porte.

J'ai appelé le rade « Au Dernier Arc-en-Ciel ».

Parce qu'ici, on est exactement à l'extrême limite du monde des humains et des oreilles pointues. Pas un elfe, pas un mage, pas un seul maraudeur ne souhaiterait aller au-delà de cette frontière insurmontable. Il y a la plaine qui s'arrête dans notre flaque humide et puante au si joli nom, et puis il y a la montagne, et le royaume des affreux de l'autre côté.

Et puis entre les deux, aux pieds de la montagne, là où il y a deux petits bosquets et une clairière entre deux défilés de roches, il y a moi et mes quatre murs.

J'ai jamais compris pourquoi, mais ça reste un coin de passage et de rencontre pour aventuriers, expéditions de mercenaires et trafics en tous genres. Moi je suis pas très regardant. Je fais mon beurre et je paie mes taxes à l'Empereur de toutes les flaques boueuses de la Terre. Ce grand con ne s'est plus jamais intéressé à nous après cette histoire d'expédition de recherche sur la magie.

La seule magie qu'on rencontre ici, c'est celle qui vous attrape dans le vent, la pluie et la gadoue et entre dans vos poumons pour vous arracher votre dernier souffle. Faut être né ici pour survivre plus de deux semaines sans commencer à tousser ou suffoquer. L'hiver c'est encore pire.

Voilà pourquoi on est au dernier Arc-en-Ciel. On est sur le bord de la route qui longe la montage et de celle qui mène vers la plaine, à une sorte de carrefour. Mais il n'y a aucun chemin qui mène vers le montagne.

Demain soir, si les soldats de l'Empereur sont partis, il y aura un combat de chiens dans un des box de l'écurie. On fait ça une ou deux fois par mois. Les clients se font un peu d'argent. Quand ils gagnent ils sont généreux et se paient à boire. Quand ils perdent, ils se consolent en se payant à boire aussi. Tout le monde y gagne ! Surtout moi et mes filles qui servent. Des fois on leur donne même un peu d'or pour des câlins. Des fois mêmes le garçon d'écurie n'a pas à dormir dans la paille avec les bourrins. Je crois pas que ça le dérange le bougre. Je sais pas si c'est parce qu'il préfère les draps à la paille, ou les guerriers bourrus aux filles...

Tant que tout le monde y trouve son compte, moi ça me convient.

Je suis là, à mon comptoir, en train de faire un peu de plonge parce que les filles sont pas encore arrivées du village pour le service du soir, et aussi parce que mon cuistot est parti au marché aux bêtes tôt ce matin.

Le gamin d'écurie, Marduk, il s'appelle, est encore en train de roupiller. A cette heure-ci c'est calme généralement. Mais d'ici moins d'une heure, ça va commencer à arriver.

Les travailleurs à la journée, les bêtes de somme des champignonnières, puisqu'il n'y a que ça qui pousse par chez nous, vont venir ce soir oublier pour quelques heures que de tout petits champignons ont déjà commencé à pousser dans leurs seins. La bière du Ponant, celle qu'on me livre par barriques entières chaque mois, suffit à assommer n'importe quel malheur. Mêmes les quelques nains qui ont élus domicile dans le pays, et qui parviennent à survivre sans rouiller, ont appris à l'apprécier.

Je jette négligemment mon torchon sur mon épaule quand la porte s'ouvre sur deux voyageurs en cuir et en manteaux.

Je crache dans mon baquet. Je ne les connais pas, ça fera office de bienvenue. Il se pourrait très bien qu'une fois qu'il m'ait lâché trois ou quatre pièces, ils deviennent des amis de toujours. En attendant, ils me lancent un regard hautain, et vont s'asseoir au fond, près de la cheminée.

Des foutus étrangers tout trempés. Malgré leurs regards fiers et leurs fronts altiers, je voient bien qu'ils ont peur de fondre. Alors ils étalent leurs longs manteaux près de l'âtre, et glissent leurs bottes au plus près du foyer.

« Hey l'ami ! Deux bières tièdes et une ou deux bûches pour relancer ce foyer ! »

Je pose mes deux mains bien à plat sur le comptoir de bois épais. Il est raillé de trop de coups de couteaux et de fourchettes maladroits. Je les regarde un instant de loin avant de soulever mon baquet et de longer l'arrière du comptoir jusqu'à la planche relevée qui ménage un passage vers la salle.

Je laisse un peu traîner ma patte folle. Façon nonchalante. Je m'approche d'eux, pose le baquet d'eau souillée et puante sur leur table, ouvre la fenêtre la plus proche et vide le contenu du seau par dessus bord.

« J'vous apporte ça tout de suite !
- Vous pressez pas ! On a le temps.
- Votre jambe ? C'est la goutte ?
- Y'a de ça Monseigneur ! Y'a aussi encore un peu d'esquilles de bois et de métal !
- Blessure de guerre ?
- Ouais ! Y'a vingt ans. Lors de la dernière tentative d'invasion des peaux vertes. On les a tenus trois jours et trois nuits. Le temps que notre cher Empereur nous envoie ses troupes. On aurait tenu un jour de plus, mais guère mieux. On nous a félicité, nous, les miliciens du pays. Tu parles ! On n'est pas une milice, on est juste une poignée de paysans et de villageois prêts à défendre nos terres !
- Drôle de pays !
- Un beaux pays pourtant ! Des arcs-en-ciels toute l'année.
- Dites-nous mon brave. Vous n'avez pas entendu parler d'un certain demi-orque ? Qui serait connu dans la région ?
- Y'en a quelques uns !
- Celui que nous cherchons est plutôt du genre... bourru !
- Ca doit être à cause de sa moitié orque...
- Vous en connaissez ? Personnellement ?
- A ce qu'il paraît votre village a fait les frais de quelques raids par le passé. Ca aurait laissé des traces dans le sang des humains du pays. »

Les deux gars me regardent avec insistance. Ils examinent ma trogne sans ciller. L'air sûrs d'eux.

« Excusez-moi Messieurs, j'ai à faire. Je m'occupe du feu et je vous apporte vos verres. »

Des fouille-merde ! Ils sont venus mettre leur nez dans mes affaires, ou celle du pays. J'ai ma petite idée sur la raison de leur venue, bien sûr.

Ils peuvent faire leurs chasseurs de primes autant qu'ils voudront. J'en ai croisé des plus coriaces qu'eux.

Marduk entre en coup de vent dans la salle. Il ne prend même pas la peine de fermer la porte derrière lui.

« Hey patron ! La troupe de soldats a levé le camp ce matin ! C'est la Maline qui m'a dit ça à l'instant. Elle les a vu lever le bivouac et faire route vers l'ouest. Elle est passée d'une tente à l'autre pendant trois jours et elle a bien voulu me dire qu'ils allaient...
- Ferme-la ! Tu vois bien qu'on a des clients ! Va t'occuper de leurs montures plutôt !»

Le petit est grande gueule mais il est finaud. Il comprend tout de suite quand il doit la boucler. Et puis surtout, il est bon copain avec la Maline et les autres filles de joies du village. La Maline porte bien son nom. Jolie, douée dans ce qu'elle sait faire et très subtile pour faire parler les officiers ou les marchands. C'est un atout pour la boutique que de l'avoir à portée de bouche et de braguette. Ce qu'elle attrape par l'une ou par l'autre, elle est toujours disposée à le partager avec les amis. Une info utile contre deux ou trois nuits à l'oeil dans un vrai lit, pour les quelques jours où elle ne peut pas oeuvrer à cause de la malédiction de la Lune... autant de petits services qu'on se rend mutuellement.

Elle fait partie de ses filles qui ont toujours une oreille qui traîne en salle. D'ailleurs ça serait pas plus mal qu'elle ramène ses miches ce soir.

« Tiens en parlant de la Maline. Tu lui diras qu'elle me doit toujours trois gamelles de la semaine dernière. Dis lui de passer me voir dès que tu la croises. Et puis tu passeras aussi au puits. »

Passer au puits. C'est un code entre moi et les gamins de l'auberge. Quand on a un truc à se dire à l'abri des indiscrets, on se retrouve dans la réserve le temps de compter jusqu'à cent.

C'est ce qu'on fait. Marduk, sort pas la porte et fait le tour jusqu'à la trappe à barriques, et moi je m'absente en passant par le petit escalier qui mène de la salle au cellier.

« Dis donc gamin : les deux trous du cul en haut... tu les as déjà vu ? Tu peux me dire ce qu'ils sont venus foutre ici ?
- Jamais vu ! J'ai pas entendu parler de leur venue non plus ; Ils étaient annoncés ?
- J'ai pas l'impression. Ils ont pas du être invités par des gens du pays. On les aurait plutôt mandatés... si tu vois ce que je veux dire ?
- Des officiels ?
- Je dirais plus un contrat privé, à mon avis. Va faire un tour au village, ramène les filles et la Maline. - Et dis à tes cousins d'amener leurs dagues. Ce soir je leur offre le souper.
- Ah d'accord ! Les feux follets vont bientôt avoir droit à deux bûches à grignoter !
- J'en sais rien. Vaut mieux prévoir comme qui dirait. Ils ont commencé à poser des questions. Avec un ton que j'ai pas trop aimé.
- Des questions sur quoi ?
- Des questions sur des demi-orques !
- T'es pas un demi-orque toi patron !
- Non je suis moins que ça ! N'empêche qu'ils me reviennent pas les deux. Allez file ! »

Demi-orque ! Ils savent même pas de quoi ils parlent ! Ma grand-mère s'est faite violer pendant un raid. Ca c'est vrai. C'est un lourd fardeau d'avoir à élever un enfant difforme. D'habitude on les tue à la naissance, parce que souvent ces pauvres créatures ne peuvent pas grandir normalement. Mais lorsqu'ils ont un aspect sain, on les élève et on les envoie à l'école comme les autres. En grandissant, ils deviennent forts et bons travailleurs. Ma Mère, ma pauvre mère, a eu la chance de n'être pas trop marquée à la naissance ni durant sa vie de jeune fille. D'habitude les filles n'arrivent jamais à terme. J'ai hérité une trogne marquée, un front étroit et un large nez. Et des mains d'équarrisseur ! On m'a appelé champion pendant la bataille, il y a vingt ans, lorsqu'on défendait notre village. Toute la haine que j'avais contre ces créatures, pour tout ce qu'elles avaient fait à ma famille, à mon pays, à MOI ! J'écrasais les têtes des gobelins entre mes mains ! Entre les mains qu'ils m'avaient offertes avec cette malédiction ! Une belle façon de les punir et de me venger.

Et aujourd'hui, il y a encore deux étrangers ignares et fanfarons, prêts à venir me rappeler ce que je suis ? Prêts à venir parler de ce qui ne les regarde pas !

Il n'y a pas de secret à déterrer. Il y en a par contre beaucoup à enterrer.

On ne creuse pas de tombe dans notre pays. Le sol est trop meuble. Par contre les marais sont gras et abondants. Les spectres et les feux follets se repaissent parfois d'étrangers.


Lorsque je remonte du cellier, une équipe de travail est déjà attablée et rit de bon cœur. Je leur apporte un tonnelet de vin épicé et un jambon cru.

Puis je m'occupe enfin du foyer et de la bière chaude des deux ergoteurs.

Le message de mépris semble être passé.

Je retourne à mon comptoir et je me mets à essuyer les chopes et les cornes que j'ai lavé plus tôt. Je les range ensuite derrière moi. Je prépare les bourses des filles. Elles devraient bientôt arriver et elles auront besoin de monnaie pour le service du soir. Je leur glisse aussi un petit mot à chacune. Ainsi qu'une petite enveloppe de sel alcalin. Ca pourra toujours servir en cas de problème.

Je suis d'un naturel méfiant c'est vrai. Je ne suis pas connu pour être dangereux pour les gens que j'apprécie et qui m'apprécient. Par contre, je peux être un vrai monstre. La bête qui a mordu ma lignée, a laissé de profonde marque en moi. Lorsqu'il lui arrive de s'échapper, je préfère encore la laisser faire son office, loin de tous. Les gens du village comprennent et je les respecte pour ça. Ils partagent ma peine et même s'ils ne souffrent pas de la même affection, ils compatissent, car ce qui m'a rendu malade, c'est ce qui les afflige aussi depuis des générations. Nous sommes le peuple oublié, la frontière pauvre et sacrifiable. Le bel Empereur et sa fière armée n'ont pas besoin de venir souiller leurs belles armures dorées dans la fange, ici aux pieds des arcs-en-ciels. Si les peaux vertes nous envahissent, nous ne pouvons compter que sur nous-même pour nous défendre.

Nous ne sommes que le bout de la plaine, qu'une contrée de marécage, où rien de bon ne pousse, à part nos champignons... des moisissures toxiques qui amusent les mages et les sorciers !

« Hey patron ? Ca va ? Tu as pas l'air en forme aujourd'hui ? »

Les deux petites viennent d'arriver. Vénia et Célia, les deux inséparables. C'est toujours Vénia qui parle. Son amie de toujours, Célia, elle est muette, la pauvresse. Mais elle est loin d'être idiote. Une vieille sorcière lui a un jour appris un pouvoir ancestral. De loin elle peut lire les mots sur les bouches des gens, comme sur un livre ouvert. D'ailleurs elle sait lire les livres aussi. Vénia et Marduk aussi. Quand ils étaient plus jeunes, j'ai donné de l'argent à leurs parents pour qu'ils aillent à l'école et apprennent ces choses là. En échange ils ont travaillé pour moi. Et puis ils sont restés. Un jour peut-être qu'ils se marieront et partiront. Ou peut-être qu'ils resteront. J'ai quand même un doute pour ce qui est de Marduk.

La porte s'ouvre à nouveau, sur un autre groupe de villageois. Par la porte entrebâillée, je vois la Maline et ses deux copines rouquines remonter le chemin. Elles accompagnent les cousins de Marduk.

Je vais donner un coup de main à la petite Célia qui est en train de vider la carriole de l'auberge. Notre cuistot vient de rentrer avec la marchandise. On fait quelques aller-retour entre la grange et le cellier. J'informe la gamine et mon chef au sujet des deux malandrins. Célia me fait comprendre avec ces gestes et ses murmures simples bien à elle, qu'elle va prévenir son amie. A force de passer du temps ensemble, on finit par se comprendre sans mot. Vénia est déjà en salle, elle passe de table en table pour saluer et servir nos habitués.

Machinalement je suis en train d'aiguiser mes couteaux. Je regarde nerveusement en direction de la petite table près de la cheminée.

Mes deux renards sont toujours là. Ils se sont rechaussés. Ils font mine d'aller vers le comptoir pour réclamer leur souper à l'une ou l'autre des filles. Ils s'arrêtent chacun à une table et entament la conversation avec les ouvriers ou les marchands de passage qui reviennent eux aussi du marché aux bêtes.

Une demi-heure plus tard il fait déjà nuit noire.

Toutes les chambrées sont réservées. Les deux rouquines sont déjà assises sur des genoux accueillants, les bras passés autour des cous de mercenaires qui accompagnent un convoi d'esclave. On les a installé dans l'écurie, pour pas qu'ils passent une autre nuit sous la pluie. Leur propriétaire a même demandé à ce qu'on leur donne une gamelle de soupe chaude pour les requinquer un peu. Tout le monde n'est pas aussi généreux. Mais lorsque j'accompagne Marduk à l'écurie pour les servir, je comprends mieux. Ils sont jeunes et beaux. Les garçons sont déjà forts et musclés, et presque toutes les filles sont nubiles. Un très joli lot en effet. Deux mercenaires se relaient en permanence pour surveiller cette marchandise. Dommage qu'ils aient tous la peau si mate. Ils sont beaux, mais viennent d'une contrée lointaine. Leurs corps ne s'adapteraient jamais à la vie vie ici. J'en aurai bien acheté un... Mais on n'a pas d'esclaves ici. Et à vrai dire j'en ai pas besoin. Mes deux filles et les deux garçons me suffisent. Je les paie bien parce qu'ils travaillent bien. J'ai pas souvent à les corriger. Ca n'est pas arrivé depuis des années à vrai dire. Pas depuis que Célia avait failli mettre le feu à la grange, une nuit où elle s'était envoyée en l'air avec deux jeunes ouvriers des champignonnières. On a botté le cul aux garçons le lendemain matin, et ils sont repartis seuls sur le chemin. On ne les a jamais revu. Célia, quant à elle, a eu la joue bien bleue pendant deux semaines. Depuis elle ne va plus jouer dans la grange avec les garçons sans éteindre d'abord sa lanterne.

« Hey patron !
- Mmmh ? »

Guilcan. L'apprenti du forgeron, et aussi un de mes neveux, attire mon attention.

« T'es au courant qu'il y a deux chasseurs de prime qui posent des questions indiscrètes dans la salle ?
- Ouais ! Tu sais ce qu'ils cherchent ?
- Ils parlent aux gens de la plaine et aux autres étrangers surtout. Ils cherchent à connaître des choses sur le village.
- Quoi exactement ?
- A vrai dire... je crois qu'ils te cherchent toi ! Sans savoir exactement qui tu es.
- C'est bien ce qu'il me semblait. Merci gamin. Tiens, prends une choppe. C'est pour moi ! »

La soirée s'avance, tout le monde a déjà bien bu et bien mangé. Les voyageurs et ceux qui travaillent ou reprennent la route demain ce sont déjà presque tous couchés. Il reste encore pas mal de monde en salle, certains jouent, d'autres rigolent avec la Maline et ses rouquines, les filles continuent à servir le vin et la bière. Et mes deux renards ne se sont pas aperçus que toute cette joyeuse communauté se connaît depuis des années, parce qu'ils sont à eux tous réunis, notre pays. Chacun d'eux connaît la menaces de la Montagne, le mépris de l'Empereur et le danger des champignons. Mais toutes et tous sont un arc-en-ciel. Ils se dressent radieux, et font face aux tempêtes, les deux pieds bien ancrés dans la terre humide de ce monde triste et gris.

Les deux chasseurs de primes, se rejoignent à leur table. Toute la soirée chacun a pu constater leur petit manège. Ils sont passés de tables en tables. On offert des choppes de boisson à qui voulait les écouter et leur parler. Ils ont distribuer des piécettes à ceux qui croyaient avoir des informations à leur échanger. Ils ont souri, séduit ou soudoyé. A présent ils confrontent leurs informations.

Quelque part, tout au fond de la salle, un conteur et un musicien raconte l'histoire d'un jeune garçon au pied bot, un flutiau, qui débarrassa une ville légendaire de tous ses rats, grâce à la magie de son instrument. Je connais cette histoire. Je sais comment elle finit.

Autour d'une des plus grandes tables, des rires s'élèvent. Guilcan vient d'emporter la mise aux dés.

La Maline tient la tête d'un jeune homme collée au fond de son corsage.

Célia ouvre un nouveau tonnelet de vin au comptoir, tandis que Marduk a négocié une demie heure de récréation avec l'esclave de son choix en graissant la patte à l'un des mercenaires.

Mon chef a fini son service, et il est parti rejoindre ses amis travailleurs autour d'une autre table plus calme.

C'est un soir comme tous les autres au Dernier Arc-en-Ciel.

Vénia me regarde fixement, un petit sourire au coin des lèvres.

« Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as quelque chose à me demander ?
- Bah à vrai dire, je me disais que...
- Patron ?! »

Elle est interrompue dans sa phrase par l'un des renards. Les deux se sont levés et m'ont appelés. D'une vois très forte. Afin que tout le monde les voit et les entende. Ils sont debout. Ils me font signe d'approcher. Je me traîne jusqu'au centre de salle, au milieu des tables et des clients.

Le silence s'est fait peu à peu. Les dés ont cessé de rouler, et les histoires sont en suspens.

« Demi-orque ! C'est toi ! »

Je les laisse parler.

« Nous avons beaucoup appris sur ton compte aujourd'hui.
- On sait qui tu es !
- Nous avons été mandaté par un seigneur de la Plaine.
- Un puissant et riche propriétaire de la Plaine.
- Un homme bon et puissant.
- Un ami de l'Empereur et un fidèle serviteur de Sa Couronne.
- Cet homme est aussi un père éploré. Un père qui ne se console pas de la perte de son enfant.
- Depuis des années il cherche à savoir pourquoi...
- Oui ! Pourquoi son jeune fils de sept ans n'est jamais revenu du pays des Arcs-en-Ciels.
- Il y a déjà cinq ans de cela, sa femme, la mère de l'enfant et le petit garçon sont venus ici. Dans ce village.
- Et seule la mère en est revenue. Ravagée de colère et de tristesse. Elle a été rouée de coups.
- Et elle a dit à son mari qu'un demi-orque brutal lui avait arraché son enfant.
- Nous savons que depuis des années des histoires comme celles-ci se répètent.
- Il y a quelque chose de pourri dans ce pays !
- Parmi vous se cache un monstre. Un violeur d'enfants !
- Un assassin !
- Nous avons rechercher ta trace depuis de longs mois.
- Nous savons aujourd'hui qui tu es et ce que tu as fait à ces innocents.
- Tu enlèves les enfants des voyageurs étrangers, tu les abuses et tu les égorges avant de les confier à l'oubli des marécages.
- Mais on a retrouvé des corps.
- On les a retrouvés et on les a étudier.
- On a retrouvé les marques de tes souillure.
- Alors ? Qu'as-tu à répondre à cela ?
- Oui ? Oseras-tu nier tout cela devant ton propre village réuni ?
- Devant tes clients ? Tes amis et tes employés ?
- Tu vas payer pour ton crime.
- Au nom de l'Empereur nous allons t'arrêter et t'escorter.
- Tu seras jugé et décapité ! »

Tout le monde a patiemment écouté le laïus des deux héros. Personne n'a bronché. Tous les regards se sont tournés vers moi une fois que la sentence des représentants de l'Empereur est tombée.

Tout le monde guette ma réaction et attend ma réponse.

Quelques uns se sont levés, la main sur la garde de leurs dagues et couteaux. Leurs regards menaçants sont sans équivoque. Je vois les deux cousins de Marduk, pas si étonnés de cette situation finalement, se rapprocher des deux hommes de Justice.

Je tourne mon regard vers Vénia. Elle est si jolie et si vivante. Elle soutient mon regard et attend une réponse.

« Oui tu disais ? Tu avais quelque chose à me demander ?
- Oui je me disais que vu que c'est calme ce soir, je pourrais peut-être rentrer dès maintenant. J'ai promis à ma petite sœur de l'aider pour ses devoirs d'école demain matin. Je voudrais pas rentrer trop tard.
- Ah oui tu as raison ! C'est important les études ! Vas-y ! Tu peux y aller »

Je la regarde prendre ses affaires et se diriger vers la porte.

Pendant ce temps les deux cousins ont fini d'égorger les deux inconnus. Quelques uns de mes amis, les ont aider à les maintenir, alors que leurs lames s'enfonçaient dans leurs chairs. Célia propose aux mercenaires une choppe de bière pour s'excuser de l'incident. Ils acceptent bien volontiers. Une poignée d'hommes transporte les corps vers les marais. Lorsqu'il reviendront je leur offrirai un tonnelet de bière pour leur effort et leur amabilité.

Un soir comme un autre...

LIS s'incline avec note moyenne de 4,9/10

Citation :

Pourquoi est-ce que je retourne dans cette auberge miteuse ? Peut-être parce que je ne m’y sent pas différent, les gens t'acceptent tel que tu es. Mais j'en ais marre de voir toujours les même têtes de cons, raconter le passé, encore le passé, toujours le passé,...

L'auberge frontalière


Et en plus le nom est à chier mais qu'est-ce que je fous la, moi qui m'étais promis de ne plus y retourner, en plus c'est une femme qui tient l'auberge. "La p'tite Josette" comme tout le monde l'appelle, je n'ai jamais compris d'ailleurs pourquoi "La p'tite Josette". Elle se prénomme en réalité Vanessa, elle est grande, le teint légèrement rosé, des vêtements toujours trop court par rapport à la masse graisseuse, forte imposante, de son ventre et de ses cuisses. Elle a une poigne d'homme et fait tourner la baraque d'une main de fer. Au premier abord, on pourrait croire que ses deux serveurs sont maltraités, elle ne leur laissent pas une seconde de répit. Mais pourtant, la p'tite Josette est aimée de tous, son regard inspire à la confiance, le ton de sa voix est toujours jovial...sans elle l'auberge n'aurais plus de sens ! Mais qu'est-ce que tu racontes mon beau Michel ?! Voilà que tu fais dans les sentiments, ressaisis-toi ! Oui, tu as raison ! J'entre dans l'auberge, fièrement, tel un cow-boy entrant dans le saloon du fin fond du Far West. Tout de suite l'odeur et le bruit de la machine à café sont perçus par mes sens aiguisés. L'auberge est spacieuse, chaude, l'odeur du bois y est forte. Au fond on peut voir une porte avec une pancarte WC qui tient par Dieu seul sait quel miracle. Une dizaine de table en bois très lourd sont disposées de manière à pouvoir accéder facilement au bar, les vieux jouent aux cartes comme à leur habitude à côté de l'escalier, collés au bar à rire sur des blagues machistes. Un petit regard à gauche et j’aperçois, juste à côté de la cheminée qui crépite, Jean-Luc et sa femme. Quel étrange couple ! On dirait qu'il parle à un mur, sa femme parait morte, le regard vide, une sorte de fantôme, de mort-vivant affreuse à regarder. Tous les samedis ils viennent s’asseoir dans ce coin de l'auberge mais seul Jean-Luc parle, jamais elle ne décroche mots sans pour autant que cela le dérange, il parle...il parle et elle écoute, elle écoute encore mais ne dit rien...pourquoi ? Quel est le fin mot de l'histoire ? Quel est d'ailleurs l'élément déclencheur d'un tel silence, d'une telle ambiance ?

En tournant le regard vers le bar, siège les trois fidèles piliés de comptoirs, assis sur les grands tabourets. Derrière le bar ce trouve une rangée infinie de bouteille d'alcool divers au milles couleurs resplendissante, jouant avec les lumières des ampoules et de la cheminée qui crépite encore et encore. Tout est en bois ancien, les poutres du plafond, remplis du de toiles d'araignées, en témoigne fichtrement bien ! Les murs sont décorés de vieilles photos d'un homme montrant ses prises de chasses, drôle de décoration pour un bar, tu ne crois pas ? Ouais je l'ai toujours pensé, mais tu devrais peut-être avancé tout le monde te regarde !
"Ah l'bon vieux Michel !!" dit l'un des trois assis devant le comptoir du bar "Une paye qu'on ne t'avais pas vu vieux filou, comment va la grosse ?". Je fais un signe et vait m’asseoir à leur côtés pour discuter du foutu passé...bordel !
"La p'tite Josette, un baby sans glace pour mon ami Michel". J'en suis à mon dixième verre, j'ai la tête qui commence à tourner dangereusement. Combien de temps suis-je ici ? Une heure ? Deux jours ? Quelle merde...Michel ?! Y a quelque chose qui cloche tu ne crois pas ? Qu'est-ce que tu racontes ? Cette odeur...de nougat...non c'est autre chose, qu'est-ce donc ? Il y a quelqu'un d'inhabituel, une personne que je n'ai jamais vu ! Il se rapproche, j'entend ses talons sur le sol en bois sombre et troué par endroit, rongé par des rats peut-être ? On ce retourne ? Non trop dangereux, il pourrait suspecter quelque chose ! Tu es bourré arrête donc...je ne t'ai rien demandé toi, arrête de me parler sans cesse ! Il a le pas léger, trop léger, est-il humain ? La p'tite Josette n'est pas là pour l'accueillir quelque chose ne tourne pas rond, dois-je laisser mon instinct dominer mes actes ?

Tiens de la musique, je n'avais pas fais gaffe ! C'est l'odeur de nougat qui a mis une pièce dans le Jukebox, il a osé...des semaines que je ne reviens pas et ce salop ose toucher au Jukebox, jamais personne n'avais mis de pièce jusqu'à présent, on entend le disque tourner d'ici. Je n'ose pas me retourner...il s'éloigne...ce bruit de grincement mais...c'est l'escalier, il monte ! Je tourne le regard et...il à des chaussures noir très habillé, je n'ai pas eus le temps de l'apercevoir.

Les deux autres me parlent mais je ne les écoutent pas, Jean-Luc est encore la à parler à sont fantôme, j'arrive à entendre certains morceaux de phrases "Tu sais parfois j'ai peur....il ce fais tard tu trouves pas ?...Bon...". Rien de compréhensible, et pis on s'en fiche royalement tu crois pas ? Bois ton verre au lieu de me parler...l'alcool coule dans ma gorge, il réchauffe mes papilles gustatives. Il fais trop chaud d'un coup...foutu cheminée...je ne contrôle plus rien, quelqu'un descend de l'escalier, l'odeur de nougat me fais reprendre un peu conscience. Ou es-tu ?! A l'auberge frontalière...je...tout deviens sombre, je me vois tomber...mon dieu, l'odeur de nougat est une femme, quelle beauté !

Néant.
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeVen 3 Jan - 20:40

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A partir de janvier 2014, le trophée Tolkien ne concerne plus que les nouvelles consacrées à la fantasy et ses sous-genres (dark fantasy, récits féériques, fantasy urbaine...).


Les récits dédiés à la science-fiction et au fantastique ont désormais leurs propres trophées : le Asimov et le Poe.

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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeJeu 2 Oct - 21:09

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Début septembre, Earendis a annoncé sa volonté de récupérer le trophée Tolkien à son détenteur, dvb. Mais surgit alors lothindil, bien décidée à ramener sur les terres graphiques la coupe tant convoitée !

Le thème était le suivant : « À la tombée de la nuit, un guerrier éreinté frappe aux portes d'un édifice religieux. »

Avec pour contrainte : « L'un des protagonistes n'est pas ce qu'il prétend. »




dvb a conservé le trophée en obtenant dix voix. Il était le texte n°2 :


Citation :
En ce temps-là, le royaume de Lahon, connaissait troubles et tumultes en son sein depuis deux générations. Romuald Le Terrible, qui avait succédé à son oncle, Bartholomée Aux Dents de Fer, ordonna à ses plus fidèles vassaux de lever armées sur leurs terres et de taire toute rébellion. Sigismond, Baron des Locres et Bailli du Roy, obéit à son seigneur et écrasa les ingrats félons du Val Pierreux.

Notre histoire commence alors que Sigismond, accompagné de son écuyer, Lanterne, ainsi que d'un poignée de gens d'armes, faisait route à travers le plateau brumeux de Basse Locre, au cœur du pays marécageux.

Éreinté par des semaines de guerre, il s'en retournait vers ses domaines, après avoir quitté au matin, ses compagnons d'armes victorieux.

Cherchant un abri pour la nuit, comme il ne souhaitait nullement connaître encore de veillée à même la boue avec pour seul confort l'épaule de son cheval, Sigismond laissa ses gens au bord du chemin caillouteux et s'enquit, flanqué de Lanterne, d'une chaumière où quérir son repos.

La Providence le mena aux pieds d'une antique abbaye toute de pierres grossières édifiée. Il frappa fort de son gant de fer à l'épaisse porte de bois qui semblait fermée depuis des années. Il n'avait d'ailleurs jamais entendu parler d'un tel édifice sur ses propres terres, et s'en trouva fort intrigué.

« Qui hèle à cette heure tardive, répondit une voix bourrue de l'autre côté des planches.
— Je suis Sigismond, Baron de ces landes et Bailli de Romuald. Qu'on m'offre gîte et couvert car j'implore hospice pour la nuit.
— Sigismond, es-tu chevalier du Roy ? lui demanda encore l'inconnu barricadé.
— Bien entendu ! Et je me présente en tant que tel, en arme et accompagné de mon écuyer.
— Seigneur, l'interrogea de nouveau la voix rocailleuse, t'es-tu toujours montré respectueux des préceptes de nos dieux et as-tu toujours bien suivi les enseignement de notre culte ?
— Assurément, répondit le chevalier, agacé par d'aussi veules méfiances.
— Alors nous t'offrirons asile à cette seule condition que tu te montres en cette nuit aussi respectueux et digne de la Loi des dieux que tu prétends l'avoir été ta vie durant.
— Qu'il en soit ainsi, Frère moine, fanfaronna Sigismond tandis que la porte s'ouvrait sur le cloître. »

L'homme qui lui avait parlé puis accueilli prévint l'abbé ; l'on conduisit Lanterne et le cheval de guerre aux écuries où on offrit à l'un gruau et à l'autre avoine, couverture et paillasse.

Le chevalier fut conduit à l'étage supérieur qui surplombait les jardins du cloître et il lui fût confié une cellule particulièrement confortable. Soieries aux tapisseries et aux baldaquins, buffet et vaisselier d'essences sculptées, poêle entretenu et vif, ainsi que nécessaire d'ablutions. Sigismond était ravi que l'on accorde le soin et l'attention mérités par son rang. Un novice qui l'aida à se défaire de ses chausses, plates et effets de guerre, lui précisa qu'il se présentait trop tard pour le dîner, mais que la congrégation se ferait un plaisir de le sustenter, s'il daignait se joindre à eux pour le souper qui serait servi après les vêpres au réfectoire. Les anciens, doctes et curieux, se feraient un plaisir de l'écouter énoncer ses hauts faits en l'honneur du Roy et des dieux. Sigismond promit d'y assister, car il avait lui-même grand hâte de manger.

Le jeune moine se retira de la chambrée et lui indiqua la direction des latrines, des bains et de la chapelle commémorielle, s'il souhaitait prier les Saintes Phylandre et Danaë dans l'attente du dernier repas.

Sigismond le congédia non sans impatience ; il se trouvait fort aise loin de l'obséquiosité de ces ôtes aux intentions trop pieuses à son goût.

Alors qu'il s'était approché de la fenêtre aux fines volutes de fer forgée, il crut apercevoir la silhouette d'une chétive créature. Ces formes rondes, juvéniles et rebondies n'appartenaient en rien au corps d'un moine. Le chevalier, fort surpris de découvrir la présence d'une jouvencelle en ces lieux, se mit aussitôt en cherche de ce mystère. Il descendit les escaliers de pierres taillées qui menaient de l'étage vers le rez de chaussée et se dirigea droit vers le massif fleuri où il avait vu la fine et svelte fille disparaître un instant plus tôt. Un bruissement dans le jardin attira son attention, mais il n'entrevit dans la pénombre que les traits d'albâtre laissées par deux chevilles nues sautillant à la vitesse d'un chat surpris. Sigismond s'enhardit et traversa le potager monacal en direction de la porte entrouverte, là où il crut voir disparaître l'insaisissable apparition.

Sitôt passée l'embrasure de ce qu'il découvrit être un cellier, la bedaine d'un gros moine débonnaire aux joues rosies et à l'haleine fleurant un âpre et capiteux parfum de miel et de vin, manqua le renverser. Sigismond, courroucé de cette irruption, vit néanmoins la frêle créature s'emmitoufler dans un monceau de jutes et de toiles usées. Il demanda au moine ce que faisait telle sournoise dans pareil endroit.

« Ô mon seigneur, ne prenez garde à cette ingénue. Elle est muette et n'a d'autre utilité en ces lieux que les maigres services que peuvent nous rendre ses frêles bras et son obéissance dévouée. Elle fût jadis enfant abandonnée et orpheline, ses parents et tous les vivants de son villages, occis lors de rapines et exactions des rebelles que vous avez punis. Ignorez-la, car elle se montre parfois cruelle et méchante, lorsque son sang se répand dans ses linges. Elle ne parle jamais et je la soupçonne d'être débile. »

Le moine s'enquit du bien être de son ôte et lui offrit de déguster une lichette de la liqueur dont il était bouilleur et qui représentait sa plus grande fierté. Sigismond, ne sut refuser pareille invite et avala de bon cœur le breuvage tendu par la main potelée du moine hilare. Le chevalier failli s'étouffer tant le tord-boyaux l'ébaubit. L'abject et grossier bonhomme de foi éclata aux sanglots de le voir ainsi cracher et tousser. Sigismond maudit l'imbécile et le bouscula tandis qu'il sortait du cellier, la jeune fille ayant profité de l'incident pour se glisser hors de son repaire.

Le Bailli se mit alors en quête de rejoindre son écuyer, voulant savoir si Lanterne ourdissait les mêmes soupçons que lui à l'égard de la probité vacillante de ces ecclésiastes dépenaillés. Il trouva le jeune homme sur sa paillasse, bouleversé par les assauts de violentes quintes et de vomissements aigus. Le pauvre garçon parvint enfin à recouvrer sa plénitude au bout de longues minutes de douleur. Affaibli, il tendit un doigt mal assuré vers l'écuelle de gruau vide et dans un souffle indiqua à son maître que son repas lui avait semblé épouvantable et qu'il crût en mourir.

Sigismond, que trop de guerres et de duels avaient menacés, était devenu coutumier des blessures et des maux du corps. Il ausculta son jeune écuyer, et lorsqu'il eut la conviction que rien de fatal ne le menaçait plus, lui imposa de se reposer jusqu'à son retour prochain ; ils devraient alors quitter sans tarder écurie, traverser cour et portique pour prévenir leurs camarades restés au bivouac et faire ensuite marche vers leur domaine.

Sigismond se promit de faire justice s'il s'avérât que les moines retords étaient rebelles à la cause du Roy, ou pire, s'étaient fourvoyés dans d'audacieux rites impies.

Rongeant sa colère, le Bailli regagna sa cellule et s'arma, prêt à découvrir la vérité sur ce maudit antre et l'engeance qu'il abritait.

Au détour d'un couloir, une main délicate vint se poser sur son torse et le visage clair de la jeune fille lui intima de se taire, d'un doigt sagement posé sur les lèvres. L'intrigante le tira vers une alcôve et se hissa sur la pointe de ses pieds nus pour lui susurrer à l'oreille.

« Seigneur, par pitié, délivrez-moi de cette prison blasphématoire ! Ne croyez en rien les moines qui y vivent, tous sont des menteurs. Ils gardent au plus profond de leurs cryptes un horrible secret ainsi qu'en trésor, les fruits de leurs méfaits. Je n'ai rien à vous offrir en récompense si ce n'est ma vertu et l'assurance de ma docilité reconnaissante. Je vous en supplie, Seigneur, soyez magnanime. »

Sigismond, bouleversé par la détresse de la jouvencelle, ne put retenir l'élan de ses sens ; la jeune fille, offerte et suppliante, se jeta à son cou et pressa son sein contre le sien, l'implorant de la délivrer. Le parfum suave de ses cheveux, la douceur de sa peau contre sa joue, le corsage presque défait de sa tunique trop seyante ne furent que de plus amples raisons de son tourment. Il abaissa sa bouche vers la blancheur de ces jeunes chaires et goûta la langueur de ces lèvres ouvertes. Un jupon se releva et un bruit de pas  dans le couloir le ramena à la raison. Déjà la fille avait disparu de nouveau.

Le chevalier dégaina son épée et d'un geste maîtrisé en plaça la pointe sous le menton de l'importun qui s'avéra être un autre novice. Le garçon mouilla ses chausses de peur et bredouilla alors que Sigismond le menaçait de le soumettre à la question. Il lui ordonna de le guider vers les cryptes ; s'il existait un secret à découvrir et un trésor à ravir des mains des mécréants, alors il devait s'y rendre.

Le jeune homme couina et l'implora de retrouver calme et tempérance. Sigismond le brusqua jusqu'à obtenir soumission. Ainsi il fut guidé jusqu'au temple souterrain où l'attendait le cénacle des moines, aux airs sévères et impitoyables. Une vive douleur derrière le crâne fît choir Sigismond qui perdit équilibre et maîtrise de lui. Il fut tiré au-devant de l'autel et bientôt fermement enchaîné.

L'abbé s'avança alors et se maintint devant lui en ce moment terrible où il prit la parole.

« Sigismond, nous t'avons accueillis à la condition que tu respectasses les préceptes et les enseignements des dieux. Pourtant, dans ta folie et ta fierté tu les as tous violés un à un.
— C'est faux ! Vous êtes des suppôts des Enfers ! Je m'en vais vous défaire et vous livrer à notre bon Roy !
— As-tu jamais trahi ta parole ?
— Jamais !
— As-tu déjà succombé à la tentation de la luxure et du mensonge ?
— Sur ma foi je ne saurai mentir !
— As-tu toujours respecté le faible et jamais usé de violence de manière injuste ?
— Comment le pourrais-je : je suis chevalier du Roy.
— Et n'as-tu, ô grand jamais, convoité le bien ou le droit d'autrui ?
— Sur ma vie j'ai toujours suivi les préceptes !
— Alors pourquoi avoir touché cette fille, menacé ce novice, voulu t'emparer d'un trésor hypothétique et trahi ta promesse ?
— Qu'est-ce donc là cette machination ?
— Sigismond, tu ne t'es montré digne d'aucun enseignement des dieux depuis que tu as pénétré ce lieu saint ! Tu devras donc recevoir le châtiment qui est réservé aux parjures et aux impies. »

Sigismond vit apparaître une dernière fois la silhouette de la soi-disant orpheline muette. Elle se tenait droite et fière et entièrement nue devant lui. Sur son ventre il aperçut les visages tatoués des saintes Phylandre et Danaë, figures de la justice et de la foi aveugle. Avant qu'il ne put hurler sa colère, une lourde hache s'abattit sur son crâne et il entendit vaguement ses os s'effondrer sous la lame alors que sa cervelle liquéfiée s'insinuait dans sa propre bouche. Sa carcasse s'effondra lourdement sur la pierre et des mains le dépouillèrent de ses riches atours. Ses biens furent déposées à l'arrière de l'autel, dans un recoin de la crypte où il était d'usage de remiser les possessions des renégats et des impurs.


lothindil, avec ses quatre voix, est contrainte de s'incliner.


Citation :
Long et pénible a été mon voyage depuis que j'ai quitté Ystaël, la cité divine, quasiment trois semaines auparavant. La nuit tombe sur ce dernier jour de voyage pour le moins humide et boueux. Dans un coin de ma tête, je peste contre le gamin qui m'a indiqué cette route, sachant à mon avis pertinemment que c'est celle des marais. Mais rien de tout ça ne serait arrivé si des malandrins ne m'avaient pas volé carte et laisser-passer il y a dix jours de cela, avant que j'arrive à Nayal. Depuis, à part ce détour par le marais qui m'a fait perdre trois jours et mon cheval, il ne m'est plus rien arrivé de fâcheux, malgré les troupes de bandits que j'ai aperçues ou entendues au loin. Il ne fait pour moi aucun doute que si l'Aynori, l'autorité suprême, fournissait cotte, épée, jupe d'armes et heaume à ses prêtre, comme la Dame Asary de Nayal l'a fait pour moi, nous aurions moins de problème. Certes, j'ai fait le serment de ne pas faire faire de mal aux créatures de la trinité et je ne saurais de toute façon pas utiliser mes équipements, mais ça effraye, c'est le seul but.

J'ai fini par trouver la colline, sortant enfin de la fange qui m'a ruiné définitivement mes chausses et mes bottes. Epuisé, je grimpe cette montée salvatrice, espérant qu'il s'agisse bien de la dernière et non d'une énième butte qui me fera sombrer à nouveau dans l'eau gluante et puante de ce marécage décidément trop grand pour ma patience. A défaut, il a cessé de pleuvoir et j'en remercie Yanor, déesse des vents et du ciel, même si c'est sans doute plutôt à Argor, le soleil, son époux que je devrais plutôt adresser mes prières pour être parvenu à calmer sa divine tristesse. Loin, à l'Ouest, Argor se rapproche de l'horizon et j'espère que Naera, la lune, son amante parviendra à garder les yeux d'Yanor secs encore quelques heures.

La terre devient plus sèche, manifestement, plus détrempée ici par les divines larmes que par l'eau naturelle des marais. Mon soulagement est d'autant plus intense, que, là-bas, j'aperçois enfin une borne de pierre. Je m'en approche, tremblant de froid à cause de l'humidité, mais encore assez vif malgré la fatigue et la frugalité de mes repas ces derniers jours. Un blason orné d'une balance est gravé sur la roche. Je soupire de bonheur, non seulement je ne me suis pas perdu, mais qui plus est, je suis plus proche de ma destination que ce que j'escomptais.

Ramyël, la ville du commerce, ma destination, possède en effet ce blason : balance d'or sur champs de sang. Brusquement ragaillardi par cette découverte pour le moins encourageante, je me hisse au sommet de la colline et découvre, dans le soleil couchant, les remparts de Ramyël. Avec sa coupole d'azur, il est impossible de ne pas repérer le tribunal, juste hors des murs. J’y serais donc à la tombée de la nuit, voilà une bonne nouvelle, du moins s’ils ont été mis au courant de ma venue et que je puisse y trouver le minimum requis pour passer une nuit correcte. D’ailleurs, même si ce n’est pas le cas, un toit sur la tête et un sol de pierre sera toujours mieux que la boue du palus ou l’herbe humide de la route.


Après une bonne heure d’une marche harassante au pas traînant, je parviens à l’entrée de la ville où s’étend un vaste cimetière, le résultat des guerres interraciales dans la région. Je m’y arrête quelques minutes pour prier Yanor d’accueillir toutes ces flammes  en son sein et de faire d’elles des étoiles nous éclairant tout au long de notre vie ici-bas.

Cela fait, je me dirige droit vers les huis du tribunal. Le temple est éclairé et, de surcroît, il y a du bruit à l’intérieur. Je m’approche d’une des fenêtres et constate que la lumière est bien supérieure à celles que produiraient les chemins de feu. Curieux, je prête l’oreille et entends de nombreuses voix, des réprobations pour l’essentiel. Je hausse un sourcil et les épaules avant de frapper à la porte du temple judiciaire.
On vient m’ouvrir la porte. La personne qui se dresse devant moi est vêtue d’une robe blanche avec une ceinture rouge à la taille. Sa profonde capuche tombe sur un masque aussi bleu que la cape qui ceint ses épaules massives. Il est nettement plus courtaud que moi, il ne serait pas aussi large, je parierais pour une jeune braise qui n’a pas encore cramé son premier brasier. Sa tenue est celle d’un prêtre de mon ordre, ce qui attise ma curiosité déjà bien en place, je suis sensé être le seul ici et mon prédécesseur est mort, tué lors d’une offensive des humains.

« Ôtez vos armes avant de pénétrer en ces lieux, chevalier. »

Ainsi, il me prend pour un mercenaire errant venant simplement prier en ces lieux. Je tâche, tant bien que mal, de cacher ma surprise à l’absence de la question et de la salutation rituelle. Bien que physiquement éreinté par mon voyage, mon esprit est désormais aiguisé par cet individu. Si cet homme est un de mes frères, je suis prêt à avaler l’arme prêtée, lame la première.
Je hoche cependant la tête et défais maladroitement mon baudrier auquel pend le fourreau. Ce combat, je le mènerais à la langue plutôt qu’à l’arme, à moi de voir, qui, de lui ou de moi trompera le mieux l’autre. Je tente de voir ses yeux de feu, cherchant la trace d’un quelconque doute en lui, mais l’ombre de la capuche ne le protège que trop bien.
Je dépose mon casque à l’entrée, trop heureux de laisser mes braises s’épanouir en liberté après ces jours cachées dans le métal ignifugé. Cette petite flambée vient me réchauffer et me revigorer comme je ne l’espérais plus après ces longues journées sous le temps maussade dans cette fange puante sous les collines. J’ôte mes gants pour profiter aussi de la douce chaleur de ma peau de feu, je profiterais du spectacle, pour me sécher un peu, même s’il me manque de l’énergie pour le faire confortablement.
Je m’installe sur un des rares bancs de libre au milieu de l’assemblée, c’est à croire que tout le village s’est rassemblé pour écouter et prier. Je me laisserais bien aller à observer mes concitoyens, leurs flammes rouges, jaunes et oranges éclairant les lieux, mais j’ai mieux à faire dans l’immédiat.


« Je disais donc qu’il est fort dommage de ne pas apprendre à les connaître. Sommes-nous des brutes assoiffées de sang pour commettre de tels forfaits ? »

Les termes qu’il utilise ne sont pas ceux présentés dans les séminaires, ce qui ne fait que confirmer mes doutes. Son discours est beaucoup trop engagé, violent. Puis,  on nous apprend à caresser nos disciples dans le sens du poil, tout l’inverse de ce qu’il fait. Mais surtout il y a cet accent, à la fois doux et chantant, mais malgré tout… heurtant, comme s’il butait sur certains mots.

« Que connaissons-nous des humains ? »

Ainsi c’est de cela qu’il parle, voilà qui est intéressant, et qui peut encourager autant de monde à venir l’écouter, dans cette région si proche des conflits armés. Mon prédécesseur officiel n’est-il d’ailleurs pas mort sous les coups d’une épée trop froide pour être tenue par un des nôtres ?

« Leur culture n’est pas la nôtre, mais est-elle moins bonne ? Mérite-t-elle qu’on les tue ainsi ? »

Erreur stratégique de sa part, il laisse un temps de pause, censé permettre à ses ouailles de digérer ses paroles, un délai amplement suffisant pour moi, rôdé au rôle délicat de la dissertation et du débat. Je décide de démarrer en douceur, avec l’argument le plus simple et classique :

« Ils croient qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Ils sont assez stupides pour ne pas voir que la Lune et le Soleil sont deux êtres différents.
- Un enfant à sa naissance ne croit pas, est-ce pour cela que vous le tuez ?
- Nos braises, aussi jeunes soient-elles sont capables de faire la différence entre le soleil et la lune et sont capable de savoir que l’un n’est pas l’autre.  Et non, nous ne tuons pas les idiots. », conclué-je avec un sourire.

Des petits rires sont prononcés dans l’assemblée, qui s’est tournée vers moi pour l’occasion.

« Parce qu’ils sont idiots selon vous ? Est-ce ainsi que vous considérez tous les étrangers, voyageur ? Ou seulement ceux dont la peau est différente de la vôtre ? »

De la mienne ? Pourquoi n’a-t-il pas dit de la nôtre ? Serait-il … ? Non, ce n’est pas possible. Je préfère occulter mes pensées en rapport avec cette dernière question et me concentrer sur la question de l’intelligence humaine en retournant la question. Il y a tellement d'exemple prouvant leur idiotie qu'en entendre sur leur intelligence m'intéresserait presque.

« En passant outre le fait même de la religion et de leur croyance en un seul être supérieur qui pourrait nous diriger tous, en quoi leur trouvez-vous de l’intelligence ?
- Leur architecture, par exemple. Ils savent faire des maisons, de l’agriculture, des routes, dompter des animaux… comme nous finalement. »

Un vague murmure d’assentiment monte de la salle, très vague d’ailleurs. J’ai encore toutes mes chances, il n’a pas encore corrompu l’âme de mes fidèles. Il est temps d’attaquer très fort, ses arguments sont bidons et classiques et même si le jeu est drôle, je voudrais bien faire mes prières et me reposer.

« Ce sont des cannibales aussi. Un de leur "prophète" n’a-t-il pas dit "Manger car ceci est mon corps ?" et "Buvez car ceci est mon sang ?" ? »

Le murmure d’assentiment est ce coup-ci en ma faveur, et un poil plus fort que précédemment, cet argument a toujours fait mouche dans les assemblées, et j’avoue que les cours de théologie humaine m’avaient choqué, ainsi que de nombreux autres étudiants à cause de ce genre d’idées.

« En effet, mais il ne s’agit que d’une image. Ce n’est que du pain et du vin, mais vous devez le savoir, avec vos voyages ?
- Même si ce n’était que du pain et du vin, la volonté n’en est pas moins la même.
- Et vous condamnez quelqu’un pour sa volonté et non pour ses actions, maintenant ? Et c’est eux que vous traitez de sauvages ? »

Là, je me suis fait piéger, et en beauté. En effet, même si leur rite est absurde et est totalement hors de notre foi, leur action, elle, n’est pas répréhensible. Je ne suis plus dans un temple où je prêche notre vérité, mais dans un tribunal où je dois juger les actes et leurs morales.

« L’acte en effet, n’est pas amorale, je vous accorde ce point. Mais leur religion et leur culture ne l’est pas moins pour si peu.
- Leurs commandements sont-ils amoraux ?, me questionne-t-il.
- Je suppose que non, vu la teneur de votre discours. Mais entre la Loi et les Actes, il y a des différences, sinon ce lieu béni n’aurait pas lieu d’exister ! »

Cet être commence sérieusement à m’échauffer les oreilles, au sens le plus littéral du terme.

« En effet, aucun de nos peuples n'est capable de tenir le commandement le plus simple et le seul utile. Tout serait alors tellement simple si nous avions su écouter ce qu’il fallait et non nous concentrer sur le reste ?
- Aucun de NOS peuples ? »

J’insiste sur le « nos », il vient de se trahir et je tiens à ce que tout le monde le sache aussi bien que moi. Ainsi, mes doutes se révèlent parfaitement fondés. Pour la première fois, il relève la tête vers moi, pas de lumière derrière le masque, mais pas non plus d’ombre pour cacher son regard. Ce sont des yeux brillants d’eau, des yeux humains.

« Nos peuples, en effet. »

A ces mots, il ôte capuche et masque, dévoilant une longue chevelure brune, attachée près de la nuque et un visage au teint de cuivre aux yeux bruns, une barbe, légère, brune elle aussi. Je me rassieds sous le choc, c’est le premier humain que je vois en vrai, tandis que des cris d’horreurs parcourent l’assemblée. Il est d’ailleurs vis-à-vis de tous nos critères de beauté, moches. C’est quoi ces poils partout comme les animaux ? Et cette peau lisse, qui ne protège de rien, ne chauffe pas, comme celle du pis des vaches ?

« Oui, je suis un humain, cela change-t-il quelque chose au débat et à mes idées ? »

Manifestement, aux yeux de mes ouailles, oui, ça change beaucoup. Je n’ai jamais vu un temple se vider aussi rapidement, me laissant en moins de cinq minutes en tête à tête avec cet individu qui me regarde avec… désespoir ? Comment peut-il, sans changer de teinte, sans s’éteindre,  être aussi expressif ? Ses yeux se retournent vers moi tandis que je me lève, ne sachant pas si je dois l’aider ou le livrer à la foule.

« Qui êtes-vous vraiment ? »

La question s’est posée des deux coté à la fois, je lui souris, sensible à cet être finalement si différent.

« Je suis prêtre. »

La réponse est sortie de nos deux bouches à la fois, et nous partons dans un éclat de rire.

« Daenyr, prêtre de la divine trinité : Argor, le soleil, Yanor, le ciel et Naera, la lune.
- Aymeric, prêtre de la divine trinité : Père, Fils et Saint Esprit. »

Je soupire, mais reste interdit face à cette révélation d’une autre trinité. Je me rassieds, accusant le coup. Et si l’Aynori se trompait depuis le départ ? Et si ces humains n’étaient pas des déchets ? Et si ces humains avaient eux aussi une âme, et étaient ces fils maudits d’Erna, le premier prophète ? Je me souviens qu’Emari avait posé la question, lors du séminaire. Il avait alors été pris à part par le clergé, procédé nécessaire selon les Aynoris pour lui démontrer à quel point il avait tort. Suite à quoi, et sans un mot, il avait décidé de quitter les études théologiques avant de disparaître.
Je suis interrompue dans mes réflexions par le mouvement de mon vis-à-vis qui se dirige vers moi, jusqu’à s’asseoir sur la chaise devant la mienne.

« Et moi qui croyait avoir plus d’espoir avec mon discours de paix parmi les vôtres. Vos missionnaires nous ont tellement prêchés la beauté de votre culture et votre intelligence. Mais il y a la même haine dans vos cœurs que dans les nôtres. »

Mon cœur se rappelle les tombes devant lesquels j’ai prié, avant de venir ici, et il s’enflamme de désespoir et d’une colère que je ne contiens que difficilement. Je lui renvois sa phrase qu’avec un mépris quasiment craché :
« La haine que ceux de votre peuple sont venus poser quand ils ont ruiné leurs vies et massacré leurs familles.
- Vous nous tuerez donc jusqu’au dernier parce que leurs arrière-grands-pères ont tué vos pères ?
- Parce que vos fils ont tué nos fils et parce que vos Dieux sont une hérésie !
- La cendre appelle le sang, n’est-ce pas ?
- Le ciel appelle le sang pour purifier vos âmes de toutes vos déviations et vos tromperies !
- Et pourtant le message était si simple…»

Il hoche la tête de gauche à droite en soupirant. Il laisse couler une larme, une faiblesse typique de ces êtres misérables. Il se lève et marche jusqu’au voile, séparant la partie publique des autels du temple. Je le vois avancer avec calme, se glisser entre les deux pans du tissu rouge translucide. Parvenu à la croisée mystique, d’où partent les chemins de feu vers nos trois Dieux. Il se retourne vers moi avec un sourire triste :

« Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! »

L’instant d’après, deux projectiles enflammés jaillissent de la porte et le touchent en pleine poitrine alors qu’il se tient droit, les bras écartés. Dehors, Yanor hurle dans un tonnerre de fracas, alors que dedans toutes les flammes s’éteignent brusquement d’un coup de vent qui vient déchirer le voile du temple.
Je tombe à genoux au sol et, pour la première fois, regrette de ne pas pouvoir pleurer comme un humain…
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN Icon_minitimeLun 1 Déc - 19:27

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Un soir d'Octobre, alors que dvb lustrait son trophée d'or pour 3ème fois de la journée, quelqu'un toqua à sa porte. Ce n'était pas le toc-toc discret d'un voisin, ni le toc-toc insistant de la police. C'était plutôt le toc-toc menaçant qui précède généralement un "Sarah Connor ?".
Aillas était à la porte. Avec la ferme intention d'embarquer le trophée, il défia son détenteur actuel en les termes suivants :

Thème : Le Silence d'un Roi.
Contrainte : Vous allez voir, il y aura des Flash-back. Donc faudra qu'il y en ait. Et j'ai mis ça au pluriel. T'as vu. Si si.

Mais Nicolas était en embuscade, et s'empara du trophée à l'unanimité des huit voix exprimées.
Son texte était le suivant :


Citation :
La truite et le charbon




Un véhicule brinquebalant s'immobilise dans la grande cour. Deux soldats en décadenassent la lourde porte arrière et en font sortir bien plus d'hommes que ce qu'on pourrait croire qu'il puisse contenir. Les misérables sont enchaînés et violemment traînés vers le sinistre chantier dont Anjon est le bâtisseur. Le gnoll géant s'équipe méticuleusement de ses instruments de travail : deux énormes pognes de fer garnies de pointes sur les premières phalanges. Il ricasse bruyamment ; son office de zélote lui est si doux. Il empoigne le premier hérétique de la file par les épaules et avec une délicatesse maniérée le dépose contre l’écœurant édifice en construction. « Tu peux encore renier ta foi et reconnaître le dieu-charbon, petit paysan. » Le jeune homme sue à grosses gouttes et son visage est tordu par la terreur et le dégoût. « Oui, oui, je renie... je renie ! » Anjon le toise avec sérieux, puis découvre ses dents brûlées et administre un chaleureux sourire. « Bien, je vais demander à ce qu'on te relâche. » Le zélote repose à terre le paysan et se dirige vers les gardes de la carriole. Il se retourne subitement et en deux enjambées est sur le pauvre homme, ses poings gantés de fer s'abattent mortellement contre son torse, son crâne, ses membres. Il n'a même pas eu le temps de crier et le voilà à son tour encastré dans la monstrueuse pyramide de chair éclatée, une brique humaine parmi des centaines d'autres. Les autres hérétiques s'effondrent dans le sang des pavés, à la vue du sort qui les attend. Anjon ricasse si fort que les gardes portent leurs mains aux oreilles : son office de zélote lui est si doux. Sur l'estrade au centre de la cour, le roi Madek regarde silencieusement les monuments à la gloire du dieu-charbon se bâtir.


Demetir gravit quatre à quatre les marches qui mènent à la tour nord. « Doucement, mon vieux, je n'ai pas votre verdeur ! » L'Hiérophante halète, s'appuie quelques secondes à la rambarde de l'escalier puis poursuit son ascension. A la porte de la chambre du roi, ils sont annoncés par deux gardes en armure rutilante: « Le Grand Chambellan et l'Hiérophante ! » Le souverain est presque invisible sous la masse des couvertures brodées au motif d'une carpe argentée, le symbole de sa famille depuis quatre générations. Il est amaigri par la maladie et on ne lui donne plus que quelques jours, sinon heures, à vivre. Le roi Wendel tourne vers ses sujets un visage raviné par une existence de malheurs. Demetir prend la main rabougrie dans la sienne. « Monseigneur, des nouvelles désastreuses nous parviennent du Levant. Votre, oncle, le duc Madek, multiplie les exécutions sur ses terres, au nom de son dieu noir. » L'ecclésiastique déglutit, essuie la sueur de son front et prend la parole : « Il fait décapiter les pères puis rendre les carcasses étêtées aux familles... farcies d'un poison volatil. » Le roi presse la main du Chambellan, les yeux envahis de tristesse, écoute les mots de son vieil ami. « Sire, depuis l'exécution... hé bien, à l'heure qu'il est, votre oncle est le seul héritier du trône. Avec votre disparition, le pays tout entier sera soumis à la loi de ce dieu-charbon. Ce n'est pas... Sire ! Vous devez agir ! Vous avez encore le pouvoir de désigner un successeur. Il n'aura pas la légitimité de votre oncle mais entre un boucher vassal de la nuit et quiconque aura votre aval, le peuple suivra votre choix. Si vous ne pouvez écrire, l'Hiérophante recevra votre aveu et le rendra licite. » L'odeur de mort et d'excrément se fait plus prégnante, impose son rôle de quatrième protagoniste. « Sire, nous vous en conjurons ! » Le roi fixe Demetir en silence. Son regard n'est pas vide, il est plein d'un torrent d'émotions : tristesse, rancœur, mais aussi angoisse et colère. Ses lèvres restent closes, sa main desséchée comprime avec une force inattendue celle du Chambellan.


« Au nom du roi Wendel, les individus sont reconnus coupables de vol de chevaux et sanctionnés comme tels. Que le bourreau fasse son office. » Les deux criminels sont poussés sur l'estrade par un garde ridiculement petit qui les fouette aux reins de son étoile du matin. Ils sont introduits dans une cage couverte en son intérieur de pieux métalliques. Sumac, le nouveau Hiérophante du royaume, fait un signe solennel en direction du bourreau. Ce dernier pose ses mains cyclopéennes sur la manivelle et, bandant ses muscles, ébranle le mécanisme. Les parois de la cage se rapprochent au rythme régulier de la rotation des engrenages. Les condamnés poussent d'affreux cris alors que les pics viennent les transpercer de toutes parts puis les écraser l'un contre l'autre. En un ultime effort, le demi-ogre entame le tour qui brise leurs squelettes fragilisés par la disette. Quelques applaudissements courent dans la foule ; l'entrain n'est pas là, ça n'est pas pour ça que les paysans sont venus si nombreux. Sumac déglutit et tamponne son front. Il transpire dans son lourd attirail doré. La raison de la démission de son prédécesseur et de l'impatience populaire s'avance à son tour pour être jugée : Iulot, fils unique de Wendel, héritier du trône, accusé et reconnu d'imprécation contre les dieux. Tout juste vingt-et-un ans. Il a le visage inondé de larmes et deux gardes doivent le soutenir pour qu'il ne s'effondre pas. Il implore des yeux son père le roi trônant au fond de l'estrade. L'Hiérophante guette à son tour une réaction royale. Les faits blasphématoires doivent être jugés avec sévérité mais bien des choses peuvent se soumettre à la discrétion des rois. Les accusateurs, un couple d'aubergistes dévoyés et trois hommes qui jouaient aux cartes, pouvaient finir leurs jours au fond du lac dans une indifférence relative. Un jeune homme apprécié de beaucoup et rendu vulnérable par la mort de sa mère, il pouvait être pardonné. Il peut d'ailleurs l'être encore. Cela s'est déjà vu plus d'une fois : le père du père de Wendel avait publiquement pardonné à une paysanne accusée d'avoir volé de quoi nourrir ses enfants. La clémence est une vertu divine. Ému, l'Hiérophante entame le verdict. « Au nom du roi Wendel... » Il ménage une longue pause, se tourne vers son suzerain, prie pour son intervention. On n'entend que les sanglots du prince. L’ecclésiastique implore les dieux de pardonner l'offense et de desceller les lèvres du roi. Rien. « L'individu est reconnu coupable d'imprécation et sanctionné comme tel. Que le bourreau fasse son office. » Recroquevillé au sol et suppliant qu'on le réveille de son cauchemar, le prince est traîné par les gardes jusqu'à une deuxième cage.


Le prince Iulot a trois ans et rit aux éclats. Sa mère la reine a posé sur sa tête une branche tordue et fait mine d'être un cerf. Une partie de campagne a été organisée à la faveur d'un temps radieux et la famille royale se prend au jeu d'un déjeuner sur l'herbe en comité restreint. Les domestiques sont restés au château et les gardes sont à distance de cri. Le chapon était délicieux et, exceptionnellement, on verse un peu de vin de châtaigne dans la coupe du prince. Le goût sucré le ravit. Le roi Wendel, comme un homme du peuple, va se soulager dans les fourrés à une centaine de mètres. Lorsqu'il franchit la butte qui donne sur le lieu du déjeuner, le bucolisme a fait place à l'abjection. Deux hommes ceinturent et bâillonnent la reine. On a tiré son jupon sur ses chevilles et un troisième lui claque les fesses en gloussant. Iulot est tranquillement assis dans l'herbe, semblant hésiter sur comment réagir à ce désordre. « Oh, mon gros bourgeois, tu tombes à pic ! Mes amis et moi, on allait justement donner une leçon de danse à ta bourgeoise. » Il défait son pantalon, se presse contre le bas-ventre de la reine, avec un râle de satisfaction, puis s'active avec brusquerie. Le roi est comme étourdi et ses grands yeux se perdent dans ceux de sa femme, où se mêlent la honte et le désespoir. « Tu dis rien, mon bourgeois ! Ça te plaît ? Tu as besoin de voir comment on s'y prend. Je sais pas comment ça se passe avec toi, mais là, elle adore. Pas vrai les gars ? » Les brutes acquiescent et rient bruyamment. Wendel presse son fils face contre lui pour lui éviter la vue de cette profanation. « Ben, laisse-le voir ! Au moins, il sera plus dégourdi que son père. » Iulot ne comprend rien sinon qu'un drame intime se joue entre ses parents. Sa mère hurle dans son bâillon. Le chef des vauriens glapit et se relève, prenant son temps pour remonter son pantalon, son vit dressé et suintant en ultime offense. « Madame, monsieur, petit, ç'a été un plaisir. J'espère qu'il a été partagé. » Quand Iulot se retourne, les trois hommes ont disparu et son père rhabille sa mère. Il flotte dans l'air des flammes qui taquinent la nuque du jeune enfant. « Pourquoi tu n'as rien dit, Wendel ? Je suis souillée maintenant !Pourquoi tu n'as rien fait, pourquoi tu n'as pas appelé au secours ? Quelle espèce de roi misérable, tu fais ! » Son père prend sa tête dans ses bras, se recroqueville. « Je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas. » Sa mère virevolte autour d'eux, ses bras s'élèvent et s'abaissent à un rythme infernal. «Lâche ! Tu as laissé faire, tu n'as pas appelé, et devant ton fils ! Wendel, tu ne mérites pas d'être roi ! Ça n'est pas la première fois que tu te montres si pleutre, si ? Quand ton frère... - Tais-toi ! » Elle devient cramoisie. Il répète : « Tais-toi ! » Iulot regarde les mains de son père autour du cou de sa mère, il observe les tendons se bander, les veines se gonfler. Un souffle caresse le visage mouillé du jeune prince.


C'est une lourde nuit d'été. Toute la famille royale est réunie au pavillon d'ambre. Au sommet des coupoles flottent les bannières à la truite argentée et leurs mouvements hypnotisent le jeune prince Wendel, entrant dans sa dixième année. Il a trop mangé de desserts, son ventre est gonflé. Il s'émerveille de la disposition des étoiles selon le plan des dieux. Il sait que c'est de l'orgueil mais il ne peut s'empêcher d'y voir son propre rôle au sein d'une constellation en forme de truite : fils de roi, futur frère et conseiller de roi, l'un des jeunes hommes les plus intelligents du royaume aux dires de beaucoup. Un cliquetis résonne sur le marbre du balcon et le tire de ses rêveries. Intrigué, le prince passe la tête par-dessus la toile de son lit aérien. Grande comme un âne, une créature abominable rôde dans le large couloir qui mène aux chambres. Une chimère ! Une bouche immense, indescriptible, toute en largeur et en dents prolonge une tête étroite où ne brille la lueur d'aucun œil. Le corps, trapu, est rugueux et luisant, comme celui d'un crapaud sorti de sa mare et se perche sur huit longues pattes extrêmement fines, semblables à celles d'un faucheux. Une queue touffue qui traîne sur le sol parachève ce grossier assemblage. Wendel se blottit dans son drap en essayant de se rendre invisible au monstre et l'épie du coin de l’œil. Il ne se sent pas en sécurité, bien qu'en hauteur. L'horreur hésite, tourne sur elle-même, puis s'engage pas la seule porte entr'ouverte, celle de la chambre de Scol, son grand-frère. Le prince est terrorisé. Il veut crier, prévenir ses parents, les gardes, qu'une chimère vient d'entrer dans la chambre de Scol. Mais rien ne sort de sa bouche. Les sons se bousculent contre ses dents, contre ses lèvres, sa gorge le brûle. Il engage toute son âme dans un appel libérateur, un cri d'amour fraternel. Quand il ouvre la bouche, un air corrosif embrase sa langue, l'entrave dans l'atonie. Les larmes lui montent aux yeux. Il voudrait taper dans ses mains à en réveiller tout le pavillon mais il reste paralysé. Conscient mais impuissant, Wendel attend. Un cri d'horreur résonne dans les coursives.


La vieille femme racle de sa cuillère les derniers morceaux de viande restés collés au bol. Son maître, le duc, la regarde avec intérêt dévorer le modeste plat qu'il lui a fait servir, cependant que du plat de la main, il martèle impatiemment la table. « Oh merci, Monseigneur, merci ! J'avions tellement faim ! » Madek lève sa chaise et la déplace pour s'assoir à côté d'elle. « Dites-moi, Ellia, êtes-vous une bonne croyante ? » Sans un soupçon de méfiance, elle lui répond qu'elle se rend quotidiennement au temple ou prie à l'autel lorsqu'il lui est difficile de se déplacer. « Et croyez-vous en le dieu-charbon ? - Oh non, monseigneur, ça, ce sont des balivernes de taverne ! » Un sourire jubilatoire déforme le visage du duc alors que, sous la table, sa dague perfore le ventre de la vieille. De son autre main, il la pousse à terre mais sa chute n'est pas interrompue par le sol, elle est engloutie à travers un carrelage qui a perdu toute substance. Un soupir de satisfaction et une voix aux intonations inhumaines résonnent dans la bibliothèque. « Hummm ! J'adore les hérétiques ! Madek, mon violent petit ministre, que me vaut cette charmante libation ? Ahah ! Non, laisse-moi deviner ! J'aime autant les devinettes que les offrandes. Tu as bien rosi, mon cher Madek. Qui t'a courroucé ainsi ? Ne dis rien, ne dis rien ! Oh oh oh ! Un garnement, ah ah, et de sang royal, évidemment. Sinon, tu te serais arrangé seul. Comme tu dois te sentir impuissant, mon Madek... Ridiculisé par un marmot tout juste torché ! Devant ton frère le roi ! AH AH AH ! Tu veux une réparation, Madek, tu veux la justice ? Ah ah, non, tu veux la vengeance, mon sanguin petit fauve ! J'en fais mon affaire, Madek ! Le petit bâtard va bien vite apprendre le silence. Ça, il continuera à cancaner à tort et à travers, à amuser son monde, mais quand il en aura réellement besoin, ses badines resteront aussi récalcitrantes qu'un con de moniale. Tu peux être réjoui, Madek : le prince Wendel souffrira bientôt plus que n'importe qui de sa condition de truite. »


Scol époussette pour la troisième fois de la soirée son épaule couverte d'une poussière marron. L'éprouvant voyage jusqu'au château de son oncle n'était que l'antichambre de l'enfer compartimenté que constituait cette visite : il faut maintenant supporter le climat abominable du Levant, son atmosphère étouffante et terreuse, la pesanteur inouïe qui se dégage de cette semi-ruine et surtout l'exécrable attitude leur hôte, camouflant son hostilité manifeste dans une gangue d'obséquiosité. Le repas est tellement frugal qu'il soupçonne le duc Madek d'avoir fait servir moins que son ordinaire. « J'espère que vous aviez bien mangé, mon frère. » Le roi Davenel cherche un bon mot, ne le trouve pas. « Disons que nous avons mangé. » Le duc rumine. « Je vous reçois avec joie, Sire, mais vous faire honneur est difficile tant mes terres sont infécondes. » Ses propos trahissent une rancœur profonde, celles d'un drame familial dont le prince ne connaît pas les ressorts. Le duc arpente la salle à manger de sa silhouette élancée. Scol est révulsé par son allure, sans pouvoir mettre le doigt sur la cause exacte de ce dégoût. Madek s'arrête à hauteur de Wendel, qui s'amuse tranquillement avec le contenu du poêle, un tisonnier à la main. L'homme s'agenouille auprès de l'enfant. « Prends garde, mon jeune neveu, en jouant avec les braises et le charbon, on titille les démons. Ils ont leur part au Levant, mais une âme noire, cela fait déjà beaucoup pour une seule famille. » Sans se retourner, le prince Wendel lui répond. « Mon oncle, monsieur le duc, je n'ai que six ans et j'ai pourtant passé l'âge de croire les superstitions de primitifs. Si je voulais l'avis d'un fou, je n'aurais eu qu'à demander à Mère de nous conduire dans les bicoques de nos serviteurs : il y a d'assez beaux cas parmi certains vieux. Je ne saurais dire si c'est le souffre qui émane de vos terres ou si l'âge vous déconvient précipitamment, mais vous devriez songer à moins ébruiter vos coquecigrues. Vous êtes déjà la risée de la famille, épargnez-vous le mal d'être celui de vos gens. »
Les yeux écarquillés, Scol regarde son jeune frère dont la surprenante répartie vient de pétrifier leur oncle. Il est abasourdi par son audace, sa tranquillité mais aussi l'aisance avec laquelle il manie la langue. Le roi Davenel lui aussi est interdit, mais un sourire de fierté apparaît progressivement sur son visage, de pair avec la peine qu'il a de le dissimuler. Madek, estomaqué, fixe son frère, attendant, sinon une cuisante calotte, au moins la réprobation de l'insolent. Un long silence cautionne son humiliation. Victorieusement, effrontément, le prince Wendel sifflote.


dvb s'était défendu avec le texte suivant :


Citation :




Le pauvre ère porta les mains à son ventre. Déjà les crocs de la mort se refermaient sur lui. Il s'écroula contre le mur de la taverne qu'il venait de quitter un instant plutôt.

« Ainsi donc, tel est le prix de la vérité. Traître tu as été, traître tu resteras ! Que les vents t'emportent, sois maudit étranger ! »

Je le regardai rendre son dernier souffle puis essuyai la lame de mon couteau sur le revers de ses frusques. Je rabattis ma capuche et rejoignis l'écurie où mon cheval m'attendais. En scellant ma monture, je me sentais pour la première fois libéré d'un poids. Ce fardeau me sembla soudain plus léger sur mes épaules meurtries.


* * *

La pluie tambourinait contre le toit de l'hôtellerie. J'occupais depuis plusieurs heures une place à une table isolée, tout occupé à rogner mon quignon de pain et à tenter de noyer mon ennui dans une bolée de cidre. L'écuelle de ragoût avait vite été engloutie et je ne souhaitais pas en reprendre, tant les relents âcres de saindoux et de mouton gâté m'irritaient le gosier. À côté de moi, un vieillard hors d'âge sirotait sa pitance, mastiquant du mieux qu'il pouvait avec les trois dents qu'il lui restait. Un peu plus loin, à une autre tablée, un groupe de mercenaires jetaient leurs dés à tour de rôle. Je lorgnais de temps à autres les rondeurs aguicheuses de la rouquine qui vidait sa cruche dans les timbales de grès de ses hôtes. La soirée me semblait d'ores et déjà perdue jusqu'au moment où une troupe de saltimbanques fit son entrée et se mit en tête de divertir le piètre public du local. Quelques rires fusèrent, des pièces furent lancées aux jongleurs qui adroitement escamotaient les plats vides pour les faire réapparaître dans une ronde aérienne d'un bout à l'autre de la salle. Puis lorsque tout ce petit monde eut applaudi, un conteur haussa la voix pour faire taire l'assistance.

« Gentils hommes et gentes demoiselles, connaissez-vous la véritable histoire des rois silencieux ? »

Quelques huées s'élevèrent à l'intention du colporteur. Bien évidement que tout le monde connaissait cette histoire. Il apaisa son auditoire de quelques gestes bienveillants.

« Non, non, Messieurs. Je ne vous parle pas des innombrables ragots qui courent depuis plus de trente ans à propos du geste du Roi Albericht et de la morgue muette du Roi Berthold. Non ! Je suis venu vous révéler la sincère et historique vérité sur le silence d'un roi. »

Ces quelques mots eurent momentanément raison des boutades et des contestations des voyageurs et des paysans du pays.

« En ce temps-là, aimable public, le Roi Albericht était en guerre depuis des années contre ses voisins inféodés. Sa grandeur avisée le poussa à étendre les limites de son royaume et à y apporter la lumière de sa sagesse. Ainsi, au fil des mois et des batailles, la contrée se plia devant les fières lames de ses fidèles guerriers, et une fois conquis, les hommes et les femmes nouvellement attachés à son royaume admirent bien vite les bienfaits et les vertus d'un roi aussi magnanime. Cependant, un dernier roi s'opposait farouchement à Albericht. Ce roi, que nous connaissons tous sous le nom de Berthold, estimait que nul ne devait se soumettre à un roi qui tenait plus du jardinier que du monarque. »

Sur ce bon mot, l'assemblée rit de bon cœur. Le conteur, ravi de sa répartie, reprit son récit.

« Je vois parmi vous, quelques jeunes visages qui ne semblent pas se souvenir de la réputation du bon roi Albericht. Sachez donc, qu'Albericht avait deux trésors inestimables cachés au sein de sa forteresse imprenable. Le premier et le plus magnifique qui soit était son épouse, Cymbeline. Les contes ne sauraient rendre justice à sa beauté, tant sa prestance et sa grâce dépassaient tout ce qui jamais ne foulât cette contrée. Albericht l'aimait d'un amour tendre et féroce, défendant avec une extrême jalousie l'honneur de son mariage. Ainsi il fût dit qu'à plusieurs reprises il ôta la vie de prétendants et d'admirateurs trop empressés de lui ravir sa reine.
» Le second trésor d'Albericht, et le plus étonnant, était un rarissime rosier qui offrait tout au long de l'année des fleurs aux teintes bleutés. Il s'enorgeuillissait lui-même de l'avoir dérobé dans le jardin d'un dragon qu'il terrassa dans sa jeunesse, lorsque, chevalier, il parcourait le pays dans sa quête d'aventure et de hauts faits.
» L'un comme l'autre de ces trésors étaient farouchement abrités dans son domaine, protégé par des centaines d'hommes en armes et par de hautes murailles immuables. Aucun de ses ennemis ne parvint jamais à venir à bout de ses défenses et la place forte qui ceignait son donjon demeura inviolée tout au long de son règne. Sur la plus haute tour, elle-même défendue comme aucune autre, il fit aménager de splendides appartements pour son épouse. Seul les pages et les servantes y avaient accès, eux-mêmes surveillés par les plus fidèles de ses gardiens eunuques. Il avait fait palisser le rosier au balcon de sa belle, et ainsi nul autre que lui ne devait jouir des fleurs secrètes de sa tour. »

De nouveaux sourires parsemèrent les visages du public captivé. Pour ma part, je repensais à ces histoires avec une certaine retenue.

« Au terme de ses guerres, Albericht parvint à vaincre tous ses opposants, y compris les armées de Berthold, pourtant réputées les plus cruelles et les mieux entraînées de toutes les landes qui s'étendent de l'Océan aux Montagnes Éternelles. Ainsi donc, Albericht se présenta victorieux dans la salle du trône du roi Berthold défait. Il arborait un sourire comme on ne lui avait jamais vu jusqu'à ce jour, car il n'avait dès lors plus aucun ennemi et son royaume couvrait désormais tous les pays. Flanqué de ses chevaliers, il pénétra la vaste salle dallée de marbre où l'attendait Berthold et les siens, prêts à attendre leur sentence. Les vaincus savaient qu'ils ne bénéficieraient d'aucune clémence de la part d'Albericht, pas plus qu'aucun des autres opposants du grand roi n'en reçut avant eux. Cependant, ils accueillirent Albericht avec une morgue muette et de mystérieux sourires aux lèvres. Lorsque Albericht s'arrêta devant le trône de son ennemi, il embrassa du regard l'assemblée et se figea. Les deux rois se toisèrent sans mot pendant un long moment ; près d'une heure entière, nous dirent les chroniqueurs et les témoins de la scène. Finalement, Albericht tourna les talons et s'en retourna sur le champ vers sa forteresse. Il cavala toute la nuit et le jour suivant pour retrouver son domaine et ne le quitta jamais plus. Nul ne sut la raison intime qui le poussa à renoncer à son ultime victoire et à laisser la vie sauve à son ennemi. Plus jamais Berthold ne fut menacé ou envahi car... »

Les auditeurs pendus aux lèvres du conteurs attendaient impatiemment la résolution de ce mystère vieux de plus de trente ans. Le barde ôta son chapeau et le tendit en direction de la première tablée au centre de la taverne.

« Allons, allons, Messieurs et Mesdames, la vérité a un prix, et pour vous elle sera bientôt révélée pour quelques piécettes. »

Une vague d'insultes amusées déferla sur le conteur. Il fut chahuté par les clients et ne glana que quelques trognons de pains, lancés à son visage en guise de représailles pour ce mauvais tour éhonté. Il était bien entendu qu'un mécréant de la sorte ne pouvait détenir la moindre parcelle de vérité. Les spectacles de la troupe reprirent après cet intermède misérable. Néanmoins, nombre d'aventuriers et de voyageurs présents, parmi les plus âgés, continuèrent leur soirée en échangeant leurs propres versions des faits sur le mystérieux silence des rois.

Je tendis l'oreille à ces racontars, persuadé qu'aucun ne pouvait se rapprocher de mon expérience personnelle et authentique de ce qui était désormais une légende.

Le vieillard édenté près de moi s'était levé et haranguait ses voisins.

« Moi je connais parfaitement la vérité ! Je peux vous la dire, j'étais clerc dans l'armée d'Albericht, j'étais là lorsque l'oracle lui avait rendu sa prophétie. Écoutez-moi ! »

Le vieux brailla ses souvenirs à qui voulait l'entendre. Il parla de l'époque lointaine, où lui-même était déjà un homme d'âge mûr. Les prêtresses des anciens dieux de l'Empire qu'Albericht était allé consulter quelques semaines après son accession au trône, vivaient encore dans les vestiges d'un temple presque oublié. Ces sorcières impies lui avaient dévoilé, selon l'ancêtre tonitruant, sinon un funeste avenir, comme il était dans leurs habitudes, tout au moins une mise en garde. Il était dit que le règne d'Albericht prendrai fin le jour où il verrait une lance de feu transpercer ses armoiries. Le vieux était ainsi convaincu, que le bon roi Albericht avait aperçu dans le hall de Bertold, un signe lui rappelant ce sinistre présage. D'après le vieux cacochyme, un des vitraux de la salle du trône de Berthold représentait les armoiries de la Maison d'Albericht, puisque leurs familles étaient soi-disant liées depuis des siècles. Lorsqu'il vit le dernier rayon du soleil illuminer le verre coloré de son blason, Albericht fit volte face et se cacha le visage pour se protéger de la prophétie.

Je restai observer le patriarche et guettai les réactions alentours. L'un des mercenaires de la table d'à côté explosa de rire. Son éclat hilare fut aussitôt suivit par ceux de ses compagnons. Le vieil homme vexé ne pipa mot et au moment où il se rasseyait, essoufflé, le capitaine des gens d'armes se leva et prit la parole à son tour.

« Vous voulez la vérité, hein ? Je vais vous la dire, moi ! La seule vérité qui soit à propos de ce fieffé froussard d'Albericht, je la tiens de mon propre père qui fut l'un de ses chevaliers. Il s'avère que notre « bon roi » était déjà sur la pente descendante à cette époque. Et s'il est vrai que sa morue de Cymbeline était un sacré lot, elle était surtout bien plus jeune que lui et ne rechignait pas à goûter un peu de bois vert lorsque son vieux mari battait la campagne pour fesser quelques roitelets voisins et s'emparer de leurs terres. Or, au moment exact où Albericht est en train de faire son entrée fracassante chez ce pouilleux de Berthold, l'un des espions de celui-ci lui rapporte les dernières observations qu'il a pu faire en lorgnant du haut des « murailles imprenables » vers le balcon de Cymbeline. Je vous le donne en mille, la jeunette se faisait monter par l'un des écuyers du roi. Fou de rage, il empoigna les rennes de son cheval et galopa pour rentrer vaille que vaille et espérer arracher les couilles de l'importun avant qu'elles ne soient totalement desséchées par l'avidité de sa Cymbeline.
» Je peux même vous dire que la jeune reine était bien moins douce et vertueuse qu'Albericht voulait laisser croire. Mon père m'a un jour rapporté qu'elle aimait passer ses nerfs sur ses gens et qu'elle poussait régulièrement ses servantes par le balcon lorsqu'elle n'était plus satisfaite de leurs services. Si, si, je vous le jure ! C'est mon père qui me l'a dit ! »

Le soldat de fortune se rassit sous les applaudissements de ses compagnons presque ivres.

Je décidai de laisser cette compagnie insignifiante pour me diriger vers la porte par laquelle je venais de voir le conteur disparaître un instant auparavant. Je n'eus aucun mal à le retrouver, adossé au mur de l'établissement où il comptait sa menue monnaie à la lueur chiche d'une torchère vacillante.

« Dis-moi, le barde, tu veux que je te raconte la vérité sur Albericht et Cymbeline ? lui demandai-je. Pourquoi il a quitté sans mot le domaine de Berthold et qu'il n'a plus jamais abandonné son enceinte fortifiée ?
- Parle-donc, étranger. Bien que je connaisse déjà la plupart des bruits qui se sont répandus depuis lors à ce sujet. Au pire tu auras parlé et m'aura tenu compagnie, au mieux j'aurai une nouvelle version à retransmettre.
- N'oublie pas que toute vérité a un prix, ajoutai-je.
- Je crains de ne pouvoir rien te payer, ma fortune est bien misérable et...
- Ne t'en fais pas pour ta fortune, elle n'en pâtira pas, lui assurai-je en écartant les pans de mon manteau. »

Alors je lui racontai tout ce que je savais. Je lui racontai comment, enfant, je fus enlevé aux miens et battu par les hommes d'Albericht. Comment ils firent de moi un serf et comment je tâchais de m'arracher de ma condition de garçon d'écurie en me rendant indispensable auprès des cuisiniers et des mitrons. Comment à la sueur de mon front, je trimais et m'élevais dans la hiérarchie ingrate des serviteurs et comment j'appris à lire et à parler jusqu'au jour où je fus remarqué par Dame Cymbeline. Elle était très jeune lorsqu'elle arriva mariée au donjon. Elle fit de moi un page et aimait me confier ses tourments et ses désirs. Lorsque je fus en âge de changer de voix et d'arborer mon premier duvet, Albericht commença à poser sur moi des yeux de plus en plus mauvais jusqu'à ce jour où il m'empoigna et me jeta à ses intendants. On me trancha les couilles comme on le fait aux porcs et aux bœufs. Humilié et diminué, Albericht me rendit à ma maîtresse. Dès lors celle-ci n'eut plus que du dédain pour moi et me fouetta régulièrement. Elle me garda cependant à son service, puisqu'elle aimait me rappeler ma condition lorsqu'elle s'ébattait avec la racaille de la cour de son roi quand celui-ci partait en guerre. Elle aimait me regarder dans ses moments d'abandon. Je me souviens des servantes qu'elle faisait précipiter par dessus son balcon si elles avaient le malheur de paraître plus désirable qu'elle.

Je relatai au conteur, ce jour où, j'entendis parler de la défaite imminente de Berthold, celui en qui j'avais placé tous mes espoirs, le seul seigneur capable de tenir tête au « bon roi », celui qui devrait l'abattre et marcher vers la citadelle, celui qui viendrait me délivrer de cette vie infamante. Je lui racontai comment je profitai des ébats de ma maîtresse pour disparaître et chevaucher vers Berthold, pour lui offrir mes services et me rendre coupable de traîtrise envers mon roi.

Je lui racontai tout ceci en même temps que je posai ma main sur la poignée de mon couteau et lui agrippai la gorge.

Et je me souvins. Je me souvins de ce jour où devançant les hommes d'Albericht, je me présentai devant le trône de Berthold et lui offrit une rose bleue.

Quand le bon roi vit la fleur dans les mains de son antagoniste il comprit cette unique vérité : qu'un seul de ses ennemis puisse entrer dans la chambre de son épouse, un ciseau à la main, et il ne pourrait jamais plus vivre en sécurité.

Albericht ne sut jamais qu'il fut vaincu par son propre page. J'avais assisté à la scène silencieuse, caché derrière les soldats de Berthold. Dès que le « bon roi » s'en retourna vers sa forteresse et son épouse, Berthold et moi nous firent cette promesse solennelle : nul ne devrait survivre à cette vérité. Il me confia le couteau avec lequel je devais tuer toutes celles et ceux qui soupçonneraient ma trahison. Il n'y en eut aucun, jusqu'à aujourd'hui, en cette nuit où je devais enfin me délester de ce fardeau qui me pesait depuis toute une vie.

Albericht était mort depuis longtemps et son fils lui avait succédé. Cymbeline avait vieilli et était devenue une bien triste créature.

Je fis avancer mon cheval vers les murailles du donjon. Avant de rejoindre ma minuscule chambre je devais récupérer mes ciseaux chez le maître d'arme. Lui seul savait bien les aiguiser. Demain je taillerai une nouvelle rose bleue pour l'anniversaire de Dame Cymbeline.


* * *


« Où étais-tu ? Albericht est rentré hier soir et s'est précipité dans ma chambre sans m'adresser la parole. Il a fait pendre toutes mes servantes et les autres pages. Je t'ai fait cherché partout, tu étais introuvable, misérable ! Il ne me reste plus que toi, maintenant ! Alors ? Où étais-tu, petit insolent ?
- J'avais à faire dans mon village natal, Madame.
- Ah... Je croyais qu'il ne te restait plus de famille là-bas.
- Il me restait un seul parent éloigné, Madame. Je suis allé le visiter une dernière fois.
- Bon. Et bien, ne disparaît plus ainsi sans mon accord. À partir d'aujourd'hui tu resteras à mes côtés.
- Madame, je n'aurai plus aucune raison de quitter ses lieux désormais. »


Aillas, quant à lui, avait présenté le texte suivant :

Citation :


Jorrig pose sa main sur le sable humide, sa vision se trouble alors que le sang empli ses paupières et trempe son visage. A genoux sur la plage, il ferme les yeux, sa douleur se muant en créature palpable dans son esprit. Ses griffes lacèrent son crâne, ses mâchoires se referment sur sa gorge tandis que le monstre s'enroule autour de son cœur pour l'étreindre. Jorrig sait qu'il ne mourra pas, pas aujourd'hui, pas encore, mais son âme est réduite à peau de chagrin, étendard déchiré battant le vent. Ses doigts s'agrippent au sable tandis qu'il s'écroule en pleurant, secoué de spasmes, misérable. Autour de lui, gisent les corps inanimés de guerriers en armure, les vagues rinçant les plaques métalliques, faisant scintiller le soleil de cette fin de matinée. Ces vagues teintées de rouge. La même couleur qui court telle une source délicate du torse de son fils.


XXX


La nuit tombe à peine, les derniers éclats solaires se perdent dans les montagnes, donnant aux hommes rangés en colonnes impeccables une aura resplendissante de puissance. Pourtant, ces personnages en armes sont le fruit d'une imagination fébrile, l'illusion d'un sentiment de solitude. Yeux vides et lèvres scellées, les fantassins attendent dans un silence effrayant un ordre pour les libérer de leur torpeur. Les arbres enclavent la vallée comme autant de renforts pour la sinistre armée, leurs branches déployées vers le ciel comme pour masquer son existence, faire disparaître au regard du Divin les innombrables. Mais au loin retentit le croassement d'un oiseau pâle qui, dans l'obscurité s'étirant, se perpétue dans un triste écho contre les monts. Ce cri sonne comme un cor pour les soldats figés et leur immobilité cesse alors qu'ils se tournent dans une même direction pour entamer leur marche. Quand le pied de cette multitude frappe le sol pour la première fois, la vallée fait résonance et l'air explose d'un battement violent, suivi de nombreux autres. Ils sont en route.


XXX


Une tête roule sur la terre, foulant l'herbe et teintant les tons ocres d'un cramoisi sirupeux. C'est le hurlement des mourants qui retentit avec le plus de force, dominant le fracas des lames et les courses effrénées d'hommes et de femmes terrifiés. Les bras se lèvent et abattent sur leur victime une colère impersonnelle, tranchant à cœur sans raison, taillant la chair. Rien ne stoppe cette marée brutale de corps sans âme, vouée à une tâche étrange et sordide, la destruction impitoyable et aveugle. Bientôt, le râle d'agonie s'étouffe pour ne laisser place qu'au sourd roulement de tonnerre des bruits de pas. Il ne reste rien que des ruines, des flammes vives, des braises ardentes prenant place sur les reliefs d'un peuple civilisé.

Soudain, le vacarme cesse, l'armée s'immobilise. Les instants passent sans qu'un murmure ne vienne perturber cette absence de mouvement, cette absence d'existence. Mais là où les guerriers auraient pu s'arrêter à jamais, un éclair déchire le ciel et pointe d'un index pernicieux le nouvel objectif. Vers la houle saline, les dunes revêches, la horde muette se retourne et entame sa procession.


XXX

Dans ses appartements, un jeune homme joue à dieu, tourné vers le monde, un monde qu'il ne comprend pas, il agite les doigts pour faire se muer à mille lieux des forces qui le dépassent. Dans son château bien à l'abri, la guerre se joue, unilatérale et dans l'inégalité la plus totale, sans mission ni pitié. Le garçon traite de la magie comme il traite la vie, sans égard ni compassion, pourtant il a reçu une longue et fastueuse éducation. Mais quand l'ennui arrive, automne déprimant dans la vie de l'adolescent, celui-ci s'est pris en affection son pouvoir de destruction, s'alimentant de la satisfaction de mener sans vergogne les villes à la charogne. Entre ses cours, entre ses nuits, ils alimente le feu de la folie, déversant sur la terre des enfers irréels. Peu lui importe le mépris des autres, sa frustration se sublime en massacres colorés, il s'en nourrit jusqu'à l'engourdissement.

Le jeune homme arpente sa chambre à la recherche de nouveaux horizons à conquérir, de nouveaux espaces à saccager, de nouveaux terrains de jeu à développer. C'est là que lui vient l'idée d'amener son armée aux pieds même de son château, poussant le vice jusqu'à faire le pari de qui entre lui et sa création possède le plan grand potentiel.


XXX


Jorrig pose sa main sur le sable humide, sa vision se trouble alors que le sang empli ses paupières et trempe son visage. A genoux sur la plage, il ferme les yeux, sa douleur se muant en créature palpable dans son esprit. Ses griffes lacèrent son crâne, ses mâchoires se referment sur sa gorge tandis que le monstre s'enroule autour de son cœur pour l'étreindre. Jorrig sait qu'il ne mourra pas, pas aujourd'hui, pas encore, mais son âme est réduite à peau de chagrin, étendard déchiré battant le vent. Ses doigts s'agrippent au sable tandis qu'il s'écroule en pleurant, secoué de spasmes, misérable. Autour de lui, gisent les corps inanimés de guerriers en armure, les vagues rinçant les plaques métalliques, faisant scintiller le soleil de cette fin de matinée. Ces vagues teintées de rouge. La même couleur qui court telle une source délicate du torse de son enfant.

Jorrig est un Roi. Un Roi aveugle et sourd, dont le Silence envers son fils, envers ses caprices, a mis fin au règne paisible d'une terre prospère. Car un Roi s'occupant davantage de ses ouailles que de sa progéniture, crée le spectre des tyrans.
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