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 TROPHEE TOLKIEN

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Cassiopée
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Cassiopée


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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN - Page 2 Icon_minitimeMer 15 Déc - 20:58

TROPHEE TOLKIEN - Page 2 Ban_to10


Cassiopée défiait Ramrod d’émerveiller ses fils à l’aide d’un conte féérique



Voici les armes qu’elle a choisies :

Le thème : pouvoir lire aux  enfants de Ramrod le conte qu'ils leur auraient eux-mêmes écrit.

Ce conte ne devait pas excéder deux pages word. Il devait entrer dans le monde féérique afin de les endormir sans pour autant laisser la porte fermée à leur imaginaire.





RAMROD a GAGNE LE DUEL en vous proposant le texte N°2 auquel vous avez mis la note de 8,5/10

Citation :

LES NEUFS VIES DE GASPAR

Gaspar était quelqu'un qu'on n'embêtait jamais. Parce que personne n'avait envie de se frotter au grand Gaspar, le terrible guerrier chat.
Il était noir comme la nuit, avait une longue silhouette tout en muscles et des yeux mauvais qui brillaient dans l'obscurité.

Gaspar cherchait la bagarre tout le temps, était tout le temps de mauvaise humeur et n'avait qu'une envie, une seule : mettre à genoux les plus gros, les plus grands de tous les adversaires qu'il pouvait rencontrer. Il avait ainsi participé à de nombreuses batailles, pourchassé dans tout le pays des monstres bien plus gros que lui, tous plus méchants les uns que les autres. Et il gagnait toujours …
Autant dire que Gaspar était imbattable.

Mais imbattable ne voulait pas dire invincible.
Et Gaspar commençait à se dire qu'un jour, il finirait bien par tomber au combat : un jour, un monstre un peu plus gros, un peu plus malin que les autres finirait bien par envoyer le plus grand guerrier chat du monde au paradis des chats ...

Alors, Gaspar décida d'assurer ses arrières et de devenir définitivement invincible. Il alla donc voir le Diable, en enfer, afin de conclure un pacte avec lui.
Le Diable était très puissant et surtout très malin : pactiser avec lui était extrêmement dangeureux. Mais Gaspar s'en fichait : il avait beau être très très fort, il n'était pas très très malin.

Il se présenta donc fièrement devant le Diable, qui se coupait les ongles des pieds, assis sur son trône. Une cape rouge enveloppait son corps, dans l'obscurité et seuls deux pieds fourchus dépassaient au sol. Une odeur de soufre l'entourait : il ne faisait pas bon rester en enfer ...
- "Eh toi, le diable ! Je souhaite passer un marché avec toi ! Et regarde-moi quand je te parle, sinon je réduis tes grandes cornes en poudre !"
Le diable leva la tête, complètement étonné qu'on lui parle sur ce ton.
- "Comment, mais ... Oh, je ne dois guère me tromper en disant que tu dois être ce fameux guerrier chat... Gaspar, n'est-ce pas ? Que veux-tu de moi, grand combattant ?
- A la bonne heure ! Je veux une chose très simple : que personne sur cette terre ne puisse me faire du mal.  En échange, tu pourras prendre mon âme quand je serais très vieux et que ma vieillesse sera trop grande. Pas avant.

- Ton âme, n’est-ce pas? C’est intéréssant, je dois bien l’avouer. Et bien d’accord. Dès que tu sortiras d’ici, aucun être vivant sur cette terre ne pourra te faire de mal. Personne. Et parce que tu es un guerrier exceptionnel, j’ajoute même à cela  une option personnelle: je te donne non pas une vie, mais neuf ! Et c’est au bout  seulement de cette neuvième vie que je pourrai prendre ton âme. Pas avant !"
Le guerrier chat réfléchissait :
- "Eh bien, pourquoi avoir neuf vies, puisque de toutes façons je ne gâcherai jamais la toute première ?"
Le diable sourit … Si Gaspar était intelligent, il aurait compris rien qu’avec ce sourire qu’il ne fallait jamais, vraiment jamais, pactiser avec le Diable.
« Je te donne neuf vies parce que tu es un précieux allié et que pour rien au monde, je ne voudrai que tu arrêtes de m’envoyer des âmes, vois-tu ? Plus tu combats longtemps, plus je suis content.Et tu auras bien besoin de neuf vies, héhéhé …
- Mais … Tu me garantis bien l'invincibilité, n’est-ce pas ?
- Aucun être vivant sur cette terre ne pourra te faire de mal, voilà ce que je te garantis.
- Eh bien … Dans ce cas, je suis d’accord."
Et Gaspar signa avec le Diable.

Dès qu’il fût dehors, Gaspar se jeta sur le premier géant venu : et effectivement, Gaspar ne mourrait pas, même lorsqu’il faisait exprès de perdre. Il était devenu invincible. Le soir venu, le guerrier chat le plus fort de tous les temps s’endormit paisiblement. Rassuré sur son destin, heureux de pouvoir se battre sans jamais succomber. Ce qu’il ne savait pas, c’était que le pacte du diable précisait bien qu’aucun être vivant sur la terre ne pouvait lui faire de mal, mais … Si Gaspar était devenu invincible face à un adversaire en combat, il était devenu extrêmement fragile face à tout le reste, face au monde entier qui l’entourait !

Le premier jour de sa nouvelle vie, Gaspar commanda une pizza. Les anchois avaient un drôle de goût mais il la mangea quand même. Il tomba gravement malade et … Ainsi finit la première vie de Gaspar.

Le premier jour de sa deuxième vie, Gaspar marcha sur un plancher et s’enfonça une écharde dans la patte …
Ainsi finit la deuxième vie de Gaspar.

Le premier jour de sa troisième vie, Gaspar glissa et tomba dans une bassine d’eau froide et …
Ainsi finit la troisième vie de Gaspar.

Le premier jour de sa quatrième vie, Gaspar se lava en frottant énergiquement son dos avec une brosse et …
Ainsi finit la quatrième vie de Gaspar.

Le premier jour de sa cinquième vie, Gaspar marcha à tâtons dans le noir et se cogna …
Ainsi finit la cinquième vie de Gaspar.

Le premier jour de sa sixième vie, Gaspar passa devant une clôture où un chien aboyait et …
Ainsi finit la sixième vie de Gaspar.

Le premier jour de sa septième vie, Gaspar se gratta le front un peu trop fort …
Ainsi finit la septième vie de Gaspar.

Le premier jour de sa huitième vie, Gaspar courrut un peu trop vite pour attraper son taxi et …
Ainsi finit la huitième vie de Gaspar.

Le premier jour de sa neuvième vie, ce fut pire que tout : Gaspar voulut simplement se lever de son lit et …
Ainsi finit la neuvième et dernière vie de Gaspar.

Depuis cette époque, les chats sont devenus très,  très, mais alors très prudents. Même s’ils ont neuf vies, ils font tout pour éviter de les gâcher: ils ne mangent plus jamais de pizza, ont des coussinets pour protéger leurs petites pattes, ils évitent l’eau à tout prix, font leur toilette vraiment très doucement, détestent les chiens, voient parfaitement bien dans le noir, ils marchent très lentement et dorment la plupart du temps.
Quand à affronter un adversaire, ils évitent maintenant tout ce qui est grand et gros pour ne plus se consacrer … qu’aux souris.


CASSIOPEE a PERDU, mais de si peu, avec le texte N°1 qui a reçu la note de 8,4/10



Citation :

Le parfum de la pluie

A la limite du désert, il est des hommes bleus. Bleus de vivre en se cachant du soleil sous de lourds tissus teintés d’indigo. Bleus de ne pouvoir supporter le ciel azur brulé par les rayons d’un astre bien trop violent.

Akli est un homme bleu et il vit aux marches des sables. Sa peau brune s’est teintée de la couleur de la djellaba qu’il ne peut quitter sans être grillé sous le soleil trop ardent.
La sueur a mêlé à son épiderme l’indigo que sa mère a utilisé pour colorer ses habits et comme le reste de sa famille, son corps est devenu plus foncé que le cobalt, sombre comme la nuit.

Mais aujourd’hui, Akli s’est écarté du village et regarde le puits où la noria est pétrifiée. L’eau ne coule plus et les godets restent à présent immobiles. Autour de lui, le paysage est si sec que les quelques arbustes qui réussissaient à pousser sont maintenant racornis et que le sol se fendille. L’eau a quitté Bellaga et la soif tenaille ses frères et sœurs aussi sûrement que sa gorge se craquelle sous sa langue gonflée.

Chaque jour, leur père et mère partent jusqu’au puits de Dranka pour remplir de grandes calebasses d’une eau rougie par les terres. Mais la route est longue et lorsqu’ils rentrent, épuisés d’avoir marché sous le soleil torride, les bouches avides se jettent sur l’eau comme sur le plus grand des trésors.

Akli se penche sur la margelle du puits, en espérant entrevoir un petit filet d’eau, mais le fond est aussi vide que ses espoirs. Alors qu’il sort la tête du trou, il se retrouve nez à nez avec un tout petit oiseau aux plumes ivoire, dont la tête rouge est en parfaite harmonie avec sa longue queue en forme de lyre.
Ne pouvant détacher son regard du si joli volatile, Akli garde les yeux ouverts comme deux immenses soucoupes pleines d’émerveillement.
Soudain, une larme coule des yeux de l’oiseau et celui-ci se met à parler :

-Peut-être devrais-tu rapporter la fleur de pluie à ta tribu.

Akli se redresse de toute sa taille et, le visage avide, questionne l’oiseau :

-La fleur de Pluie ? Elle nous donnerait de l’eau ?

-De l’eau pour l’or de tes yeux, oui.

-Où ? Dis-moi où je dois me rendre ?

-Au-delà du désert de sel se trouve le jardin d’ébène. Il ne faut pas tarder. Le soleil a faim. Je te guiderai si tu le veux.

Le soir même, Akli se charge de toute l’eau dont il peut disposer sans que sa famille n’en souffre trop et part en courant derrière l’oiseau qui égrène des notes comme des perles dans le vent pour ne pas le perdre.

A cette allure, ils pénètrent très vite dans l’immensité dénudée. Les dunes de sable se succèdent aux dunes inlassablement et Akli ralentit tant sa vitesse qu’il leur faut deux jours entiers pour atteindre les portes du désert de sel.

Akli s’arrête alors devant l’étendue de sel, grise comme de la cendre, recouverte de caillasses où rien ne semble pousser. Il prend la gourde entre ses mains et la soupèse. Il lui reste si peu d’eau qu’il se demande comment il pourra atteindre son but. Ses pieds écorchés d’avoir tambouriné dans les sables sont douloureux et son regard est brûlé par le soleil, ses yeux sont rougis par l’éclat trop fort de la lumière.

L’oiseau de larme tourne autour de sa capuche comme un papillon autour d’un feu. Il chantonne une mélopée qui envoute l’homme bleu. Akli se met alors en route à la suite de son guide dont le chant le captive et le lie mieux qu’une corde bien serrée. Il avance comme un fantôme, mettant un pied devant l’autre sans se préoccuper des roches, laissant ses blessures s’ouvrir et se couvrir de sel, sans paraître en souffrir.

C’est ainsi qu’Akli traverse le désert de sel. La gourde vide et la bouche gonflée, il atteint les premiers arbres un peu décharnés qui marquent l’entrée du jardin d’Ebène alors que la nuit tombe.
Le bois noir luit sous le reflet lunaire et les arbres tordent leurs longues branches vers l’astre argenté quant à leurs pieds la végétation s’intensifie au fur et à mesure qu’ils sinuent entre les troncs bossus.
Akli souffre atrocement de la soif et son estomac hurle de faim. Il n’est plus que l’ombre de lui-même. Seul le chant de l’oiseau le pousse encore vers son but.

Soudain, une grande plante tentaculaire vient sinuer près de ses jambes flageolantes. Très vite il se retrouve emmêlé dans les longs appendices et s’étale de tout son long. La plante emprisonne l’homme bleu et il sent la pression des longs bras s’attacher à lui. Il se débat tant et si bien que la plante dessert son étreinte et lui crache au visage un jet qui lui brûle les yeux. Akli hurle d’effroi. Il ne voit plus rien, il est devenu aveugle.

Il se met à courir en tout sens, cherchant son chemin, le regard vide et apeuré. Seul le chant de l’oiseau est un réconfort pour lui. Il s’y accroche et le suit, se prenant les pieds dans les massifs de fleurs, se cognant contre les troncs qui se placent presque volontairement sur son passage.

Pourtant, lui qui ne voit pas sent soudain le parfum de la pluie, il sent l’humidité intense de l’averse qui se prépare. Il sent le sol qui s’offre à l’eau venue du ciel. Il sent la fleur s’épanouir pour recevoir les premières gouttes qui vont l’abreuver.
Il n’a plus qu’à se baisser pour la prendre. La fleur de pluie est à ses pieds, douce et juteuse.

Il pose ses lèvres desséchées sur son cœur et peut y boire toute l’eau dont son corps à besoin. L’oiseau est toujours là, à tourner près de lui et à émettre le doux son qui l’enchante.

Le chemin du retour est plus long encore, mais moins douloureux. Bien-sûr les pieds d’Akli ne sont plus qu’une plaie immense tant les cailloux sont venus les meurtrir. Bien-sûr le soleil continue de griller les moindres êtres vivants. Mais Akli tient la fleur entre ses mains. Il boit à cette source sans fin et ses yeux aveugles ne craignent plus la lumière brûlante.

Son retour à Bellaga est le plus grand évènement de tous les temps, la tribu entière l’encercle, le touche comme on touche un dieu, du bout des doigts, avec vénération et humilité.
Akli creuse de ses mains un trou dans le sol caillouteux et y dépose la fleur. Son humidité s’écoule en une pluie fine qui vient se répandre sur la terre, s’infiltrer vers les roches profondes pour aller remplir le fond du puits, ruisseler en fines rigoles pour former un petit ruisseau dans lequel tous les enfants viennent boire en riant.

Et Akli reste là, assis près du puits, les yeux perdus dans le vague. L’oiseau de Larme sur l’épaule lui chante une chanson merveilleuse et éternelle.





QUI VIENDRA DEFIER MAINTENANT L'INCONTOURNABLE RAMROD ?
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN - Page 2 Icon_minitimeMer 18 Déc - 14:49

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Suite à une série de rebondissements entre décembre 2010 et juin 2012, Aillas et Ramrod n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur les termes de leur duel.

Le trophée était donc transmis au défiant par le tenant du titre, comme le veut la tradition.

Aillas récupérait donc le Trophée.



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Dernière édition par dvb le Jeu 2 Jan - 20:14, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN - Page 2 Icon_minitimeMer 18 Déc - 15:10

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En janvier 2013, le Trophée Tolkien était revendiqué par Bouche Dorée qui défiait Aillas sur ce sujet :




Citation :
"L'auberge frontalière". Le narrateur est un tenancier peu regardant sur la couleur/race/préférence de ses hôtes. l'idée est de raconter un laps de temps court (quelques heures à une journée) de la vie d'une auberge, à la clientèle nécessairement cosmopolite.

je suggère comme condition supplémentaire d'affliger notre narrateur d'un sévère handicap. Xénophobie rampante, stupidité confondante, maladie mentale troublante... L'acceptation de ce point de scénario reste à la discrétion du défié.


dvb se proposait alors comme challenger et troisième homme sur le sujet.

Suite à une seconde série de rebondissements, le trophée était finalement mis en jeu entre dvb et LIS sur le sujet initialement prévu pour Bouche Dorée et Aillas.

Le duel eut lieu en mars 2013





dvb l'emporte avec une note moyenne de 8,6/10


Citation :

Au Dernier Arc-en-Ciel



Le Pays des Arc-en-Ciel. Voilà le nom que l'on donne à cette fichue contrée. C'est joli comme nom. Mais ça ne reflète pas « tout à fait » la vérité sur ce petit coin de paradis boueux.

Pour faire un bel arc-en-ciel, il faut un tout petit peu de soleil, beaucoup de nuages noirs et encore plus de pluie. C'est ce que m'a expliqué un jour un type avec de petites lunettes rondes sur le bout du nez. Un gars qui venait de la Citadelle d'Albâtre. Un grand et beau et blond type de la haute. Avec le Calice brodé sur sa tunique blanche impeccable. J'étais tout môme. Il s'était arrêté à l'auberge, notre auberge, pour une nuit. Lui et sa petite troupe d'humains pur sang, avaient traversé toute la plaine ; il venait de l'autre bout du monde, de la belle Cité toute blanche où un soi-disant Empereur de toutes les Terres les avait expédié en mission. Notre bon monarque du haut de ses tours toutes blanches voulait savoir si notre pays au si joli nom, possédait des gisements de pierres magiques, ou je ne sais quelles autres cochonneries. Pour lui un pays qui pouvait faire naître des arc-en-ciel par dizaines tous les jours, ne pouvait être qu'une contrée où la magie y est puissante. Alors il a envoyé une expédition d'érudits bien habillés patauger dans notre bouillasse du bout du monde. Ils se sont arrêtés une nuit à l'auberge, nous ont expliqué, à moi et aux autres gamins, que la magie était une chose toute relative, et qu'il y avait une autre puissance à l'oeuvre dans le monde. Et qu'ils étaient venus pour la découvrir et la rapporter au Roi des Rois.

Le lendemain ils sont partis vers la montagne. Vers les monts tout noirs, là où l'orage donne en permanence. Et puis ils se sont fait massacrés et décapités comme n'importe quelle autre créature qui méprise le danger et foule le territoire des peaux vertes.

On leur avait dit qu'il ne fallait pas y aller.

Mais eux avaient une mission à accomplir pour l'Empereur. Et puis ils avaient trois archers et une poignée de gus en armure. Comme si ça suffisait pour survivre là-haut.

Quand mon père est devenu trop vieux pour tenir l'auberge, il me l'a confié. Mes frères et sœurs étaient tous déjà morts ou partis à la guerre, ou vendues à des voyageurs. Il restait plus que moi.

Alors la première chose que j'ai faite le jour où on m'a confié les clefs de la boutique, ça a été d'accrocher une nouvelle enseigne au dessus de la porte.

J'ai appelé le rade « Au Dernier Arc-en-Ciel ».

Parce qu'ici, on est exactement à l'extrême limite du monde des humains et des oreilles pointues. Pas un elfe, pas un mage, pas un seul maraudeur ne souhaiterait aller au-delà de cette frontière insurmontable. Il y a la plaine qui s'arrête dans notre flaque humide et puante au si joli nom, et puis il y a la montagne, et le royaume des affreux de l'autre côté.

Et puis entre les deux, aux pieds de la montagne, là où il y a deux petits bosquets et une clairière entre deux défilés de roches, il y a moi et mes quatre murs.

J'ai jamais compris pourquoi, mais ça reste un coin de passage et de rencontre pour aventuriers, expéditions de mercenaires et trafics en tous genres. Moi je suis pas très regardant. Je fais mon beurre et je paie mes taxes à l'Empereur de toutes les flaques boueuses de la Terre. Ce grand con ne s'est plus jamais intéressé à nous après cette histoire d'expédition de recherche sur la magie.

La seule magie qu'on rencontre ici, c'est celle qui vous attrape dans le vent, la pluie et la gadoue et entre dans vos poumons pour vous arracher votre dernier souffle. Faut être né ici pour survivre plus de deux semaines sans commencer à tousser ou suffoquer. L'hiver c'est encore pire.

Voilà pourquoi on est au dernier Arc-en-Ciel. On est sur le bord de la route qui longe la montage et de celle qui mène vers la plaine, à une sorte de carrefour. Mais il n'y a aucun chemin qui mène vers le montagne.

Demain soir, si les soldats de l'Empereur sont partis, il y aura un combat de chiens dans un des box de l'écurie. On fait ça une ou deux fois par mois. Les clients se font un peu d'argent. Quand ils gagnent ils sont généreux et se paient à boire. Quand ils perdent, ils se consolent en se payant à boire aussi. Tout le monde y gagne ! Surtout moi et mes filles qui servent. Des fois on leur donne même un peu d'or pour des câlins. Des fois mêmes le garçon d'écurie n'a pas à dormir dans la paille avec les bourrins. Je crois pas que ça le dérange le bougre. Je sais pas si c'est parce qu'il préfère les draps à la paille, ou les guerriers bourrus aux filles...

Tant que tout le monde y trouve son compte, moi ça me convient.

Je suis là, à mon comptoir, en train de faire un peu de plonge parce que les filles sont pas encore arrivées du village pour le service du soir, et aussi parce que mon cuistot est parti au marché aux bêtes tôt ce matin.

Le gamin d'écurie, Marduk, il s'appelle, est encore en train de roupiller. A cette heure-ci c'est calme généralement. Mais d'ici moins d'une heure, ça va commencer à arriver.

Les travailleurs à la journée, les bêtes de somme des champignonnières, puisqu'il n'y a que ça qui pousse par chez nous, vont venir ce soir oublier pour quelques heures que de tout petits champignons ont déjà commencé à pousser dans leurs seins. La bière du Ponant, celle qu'on me livre par barriques entières chaque mois, suffit à assommer n'importe quel malheur. Mêmes les quelques nains qui ont élus domicile dans le pays, et qui parviennent à survivre sans rouiller, ont appris à l'apprécier.

Je jette négligemment mon torchon sur mon épaule quand la porte s'ouvre sur deux voyageurs en cuir et en manteaux.

Je crache dans mon baquet. Je ne les connais pas, ça fera office de bienvenue. Il se pourrait très bien qu'une fois qu'il m'ait lâché trois ou quatre pièces, ils deviennent des amis de toujours. En attendant, ils me lancent un regard hautain, et vont s'asseoir au fond, près de la cheminée.

Des foutus étrangers tout trempés. Malgré leurs regards fiers et leurs fronts altiers, je voient bien qu'ils ont peur de fondre. Alors ils étalent leurs longs manteaux près de l'âtre, et glissent leurs bottes au plus près du foyer.

« Hey l'ami ! Deux bières tièdes et une ou deux bûches pour relancer ce foyer ! »

Je pose mes deux mains bien à plat sur le comptoir de bois épais. Il est raillé de trop de coups de couteaux et de fourchettes maladroits. Je les regarde un instant de loin avant de soulever mon baquet et de longer l'arrière du comptoir jusqu'à la planche relevée qui ménage un passage vers la salle.

Je laisse un peu traîner ma patte folle. Façon nonchalante. Je m'approche d'eux, pose le baquet d'eau souillée et puante sur leur table, ouvre la fenêtre la plus proche et vide le contenu du seau par dessus bord.

« J'vous apporte ça tout de suite !
- Vous pressez pas ! On a le temps.
- Votre jambe ? C'est la goutte ?
- Y'a de ça Monseigneur ! Y'a aussi encore un peu d'esquilles de bois et de métal !
- Blessure de guerre ?
- Ouais ! Y'a vingt ans. Lors de la dernière tentative d'invasion des peaux vertes. On les a tenus trois jours et trois nuits. Le temps que notre cher Empereur nous envoie ses troupes. On aurait tenu un jour de plus, mais guère mieux. On nous a félicité, nous, les miliciens du pays. Tu parles ! On n'est pas une milice, on est juste une poignée de paysans et de villageois prêts à défendre nos terres !
- Drôle de pays !
- Un beaux pays pourtant ! Des arcs-en-ciels toute l'année.
- Dites-nous mon brave. Vous n'avez pas entendu parler d'un certain demi-orque ? Qui serait connu dans la région ?
- Y'en a quelques uns !
- Celui que nous cherchons est plutôt du genre... bourru !
- Ca doit être à cause de sa moitié orque...
- Vous en connaissez ? Personnellement ?
- A ce qu'il paraît votre village a fait les frais de quelques raids par le passé. Ca aurait laissé des traces dans le sang des humains du pays. »

Les deux gars me regardent avec insistance. Ils examinent ma trogne sans ciller. L'air sûrs d'eux.

« Excusez-moi Messieurs, j'ai à faire. Je m'occupe du feu et je vous apporte vos verres. »

Des fouille-merde ! Ils sont venus mettre leur nez dans mes affaires, ou celle du pays. J'ai ma petite idée sur la raison de leur venue, bien sûr.

Ils peuvent faire leurs chasseurs de primes autant qu'ils voudront. J'en ai croisé des plus coriaces qu'eux.

Marduk entre en coup de vent dans la salle. Il ne prend même pas la peine de fermer la porte derrière lui.

« Hey patron ! La troupe de soldats a levé le camp ce matin ! C'est la Maline qui m'a dit ça à l'instant. Elle les a vu lever le bivouac et faire route vers l'ouest. Elle est passée d'une tente à l'autre pendant trois jours et elle a bien voulu me dire qu'ils allaient...
- Ferme-la ! Tu vois bien qu'on a des clients ! Va t'occuper de leurs montures plutôt !»

Le petit est grande gueule mais il est finaud. Il comprend tout de suite quand il doit la boucler. Et puis surtout, il est bon copain avec la Maline et les autres filles de joies du village. La Maline porte bien son nom. Jolie, douée dans ce qu'elle sait faire et très subtile pour faire parler les officiers ou les marchands. C'est un atout pour la boutique que de l'avoir à portée de bouche et de braguette. Ce qu'elle attrape par l'une ou par l'autre, elle est toujours disposée à le partager avec les amis. Une info utile contre deux ou trois nuits à l'oeil dans un vrai lit, pour les quelques jours où elle ne peut pas oeuvrer à cause de la malédiction de la Lune... autant de petits services qu'on se rend mutuellement.

Elle fait partie de ses filles qui ont toujours une oreille qui traîne en salle. D'ailleurs ça serait pas plus mal qu'elle ramène ses miches ce soir.

« Tiens en parlant de la Maline. Tu lui diras qu'elle me doit toujours trois gamelles de la semaine dernière. Dis lui de passer me voir dès que tu la croises. Et puis tu passeras aussi au puits. »

Passer au puits. C'est un code entre moi et les gamins de l'auberge. Quand on a un truc à se dire à l'abri des indiscrets, on se retrouve dans la réserve le temps de compter jusqu'à cent.

C'est ce qu'on fait. Marduk, sort pas la porte et fait le tour jusqu'à la trappe à barriques, et moi je m'absente en passant par le petit escalier qui mène de la salle au cellier.

« Dis donc gamin : les deux trous du cul en haut... tu les as déjà vu ? Tu peux me dire ce qu'ils sont venus foutre ici ?
- Jamais vu ! J'ai pas entendu parler de leur venue non plus ; Ils étaient annoncés ?
- J'ai pas l'impression. Ils ont pas du être invités par des gens du pays. On les aurait plutôt mandatés... si tu vois ce que je veux dire ?
- Des officiels ?
- Je dirais plus un contrat privé, à mon avis. Va faire un tour au village, ramène les filles et la Maline. - Et dis à tes cousins d'amener leurs dagues. Ce soir je leur offre le souper.
- Ah d'accord ! Les feux follets vont bientôt avoir droit à deux bûches à grignoter !
- J'en sais rien. Vaut mieux prévoir comme qui dirait. Ils ont commencé à poser des questions. Avec un ton que j'ai pas trop aimé.
- Des questions sur quoi ?
- Des questions sur des demi-orques !
- T'es pas un demi-orque toi patron !
- Non je suis moins que ça ! N'empêche qu'ils me reviennent pas les deux. Allez file ! »

Demi-orque ! Ils savent même pas de quoi ils parlent ! Ma grand-mère s'est faite violer pendant un raid. Ca c'est vrai. C'est un lourd fardeau d'avoir à élever un enfant difforme. D'habitude on les tue à la naissance, parce que souvent ces pauvres créatures ne peuvent pas grandir normalement. Mais lorsqu'ils ont un aspect sain, on les élève et on les envoie à l'école comme les autres. En grandissant, ils deviennent forts et bons travailleurs. Ma Mère, ma pauvre mère, a eu la chance de n'être pas trop marquée à la naissance ni durant sa vie de jeune fille. D'habitude les filles n'arrivent jamais à terme. J'ai hérité une trogne marquée, un front étroit et un large nez. Et des mains d'équarrisseur ! On m'a appelé champion pendant la bataille, il y a vingt ans, lorsqu'on défendait notre village. Toute la haine que j'avais contre ces créatures, pour tout ce qu'elles avaient fait à ma famille, à mon pays, à MOI ! J'écrasais les têtes des gobelins entre mes mains ! Entre les mains qu'ils m'avaient offertes avec cette malédiction ! Une belle façon de les punir et de me venger.

Et aujourd'hui, il y a encore deux étrangers ignares et fanfarons, prêts à venir me rappeler ce que je suis ? Prêts à venir parler de ce qui ne les regarde pas !

Il n'y a pas de secret à déterrer. Il y en a par contre beaucoup à enterrer.

On ne creuse pas de tombe dans notre pays. Le sol est trop meuble. Par contre les marais sont gras et abondants. Les spectres et les feux follets se repaissent parfois d'étrangers.


Lorsque je remonte du cellier, une équipe de travail est déjà attablée et rit de bon cœur. Je leur apporte un tonnelet de vin épicé et un jambon cru.

Puis je m'occupe enfin du foyer et de la bière chaude des deux ergoteurs.

Le message de mépris semble être passé.

Je retourne à mon comptoir et je me mets à essuyer les chopes et les cornes que j'ai lavé plus tôt. Je les range ensuite derrière moi. Je prépare les bourses des filles. Elles devraient bientôt arriver et elles auront besoin de monnaie pour le service du soir. Je leur glisse aussi un petit mot à chacune. Ainsi qu'une petite enveloppe de sel alcalin. Ca pourra toujours servir en cas de problème.

Je suis d'un naturel méfiant c'est vrai. Je ne suis pas connu pour être dangereux pour les gens que j'apprécie et qui m'apprécient. Par contre, je peux être un vrai monstre. La bête qui a mordu ma lignée, a laissé de profonde marque en moi. Lorsqu'il lui arrive de s'échapper, je préfère encore la laisser faire son office, loin de tous. Les gens du village comprennent et je les respecte pour ça. Ils partagent ma peine et même s'ils ne souffrent pas de la même affection, ils compatissent, car ce qui m'a rendu malade, c'est ce qui les afflige aussi depuis des générations. Nous sommes le peuple oublié, la frontière pauvre et sacrifiable. Le bel Empereur et sa fière armée n'ont pas besoin de venir souiller leurs belles armures dorées dans la fange, ici aux pieds des arcs-en-ciels. Si les peaux vertes nous envahissent, nous ne pouvons compter que sur nous-même pour nous défendre.

Nous ne sommes que le bout de la plaine, qu'une contrée de marécage, où rien de bon ne pousse, à part nos champignons... des moisissures toxiques qui amusent les mages et les sorciers !

« Hey patron ? Ca va ? Tu as pas l'air en forme aujourd'hui ? »

Les deux petites viennent d'arriver. Vénia et Célia, les deux inséparables. C'est toujours Vénia qui parle. Son amie de toujours, Célia, elle est muette, la pauvresse. Mais elle est loin d'être idiote. Une vieille sorcière lui a un jour appris un pouvoir ancestral. De loin elle peut lire les mots sur les bouches des gens, comme sur un livre ouvert. D'ailleurs elle sait lire les livres aussi. Vénia et Marduk aussi. Quand ils étaient plus jeunes, j'ai donné de l'argent à leurs parents pour qu'ils aillent à l'école et apprennent ces choses là. En échange ils ont travaillé pour moi. Et puis ils sont restés. Un jour peut-être qu'ils se marieront et partiront. Ou peut-être qu'ils resteront. J'ai quand même un doute pour ce qui est de Marduk.

La porte s'ouvre à nouveau, sur un autre groupe de villageois. Par la porte entrebâillée, je vois la Maline et ses deux copines rouquines remonter le chemin. Elles accompagnent les cousins de Marduk.

Je vais donner un coup de main à la petite Célia qui est en train de vider la carriole de l'auberge. Notre cuistot vient de rentrer avec la marchandise. On fait quelques aller-retour entre la grange et le cellier. J'informe la gamine et mon chef au sujet des deux malandrins. Célia me fait comprendre avec ces gestes et ses murmures simples bien à elle, qu'elle va prévenir son amie. A force de passer du temps ensemble, on finit par se comprendre sans mot. Vénia est déjà en salle, elle passe de table en table pour saluer et servir nos habitués.

Machinalement je suis en train d'aiguiser mes couteaux. Je regarde nerveusement en direction de la petite table près de la cheminée.

Mes deux renards sont toujours là. Ils se sont rechaussés. Ils font mine d'aller vers le comptoir pour réclamer leur souper à l'une ou l'autre des filles. Ils s'arrêtent chacun à une table et entament la conversation avec les ouvriers ou les marchands de passage qui reviennent eux aussi du marché aux bêtes.

Une demi-heure plus tard il fait déjà nuit noire.

Toutes les chambrées sont réservées. Les deux rouquines sont déjà assises sur des genoux accueillants, les bras passés autour des cous de mercenaires qui accompagnent un convoi d'esclave. On les a installé dans l'écurie, pour pas qu'ils passent une autre nuit sous la pluie. Leur propriétaire a même demandé à ce qu'on leur donne une gamelle de soupe chaude pour les requinquer un peu. Tout le monde n'est pas aussi généreux. Mais lorsque j'accompagne Marduk à l'écurie pour les servir, je comprends mieux. Ils sont jeunes et beaux. Les garçons sont déjà forts et musclés, et presque toutes les filles sont nubiles. Un très joli lot en effet. Deux mercenaires se relaient en permanence pour surveiller cette marchandise. Dommage qu'ils aient tous la peau si mate. Ils sont beaux, mais viennent d'une contrée lointaine. Leurs corps ne s'adapteraient jamais à la vie vie ici. J'en aurai bien acheté un... Mais on n'a pas d'esclaves ici. Et à vrai dire j'en ai pas besoin. Mes deux filles et les deux garçons me suffisent. Je les paie bien parce qu'ils travaillent bien. J'ai pas souvent à les corriger. Ca n'est pas arrivé depuis des années à vrai dire. Pas depuis que Célia avait failli mettre le feu à la grange, une nuit où elle s'était envoyée en l'air avec deux jeunes ouvriers des champignonnières. On a botté le cul aux garçons le lendemain matin, et ils sont repartis seuls sur le chemin. On ne les a jamais revu. Célia, quant à elle, a eu la joue bien bleue pendant deux semaines. Depuis elle ne va plus jouer dans la grange avec les garçons sans éteindre d'abord sa lanterne.

« Hey patron !
- Mmmh ? »

Guilcan. L'apprenti du forgeron, et aussi un de mes neveux, attire mon attention.

« T'es au courant qu'il y a deux chasseurs de prime qui posent des questions indiscrètes dans la salle ?
- Ouais ! Tu sais ce qu'ils cherchent ?
- Ils parlent aux gens de la plaine et aux autres étrangers surtout. Ils cherchent à connaître des choses sur le village.
- Quoi exactement ?
- A vrai dire... je crois qu'ils te cherchent toi ! Sans savoir exactement qui tu es.
- C'est bien ce qu'il me semblait. Merci gamin. Tiens, prends une choppe. C'est pour moi ! »

La soirée s'avance, tout le monde a déjà bien bu et bien mangé. Les voyageurs et ceux qui travaillent ou reprennent la route demain ce sont déjà presque tous couchés. Il reste encore pas mal de monde en salle, certains jouent, d'autres rigolent avec la Maline et ses rouquines, les filles continuent à servir le vin et la bière. Et mes deux renards ne se sont pas aperçus que toute cette joyeuse communauté se connaît depuis des années, parce qu'ils sont à eux tous réunis, notre pays. Chacun d'eux connaît la menaces de la Montagne, le mépris de l'Empereur et le danger des champignons. Mais toutes et tous sont un arc-en-ciel. Ils se dressent radieux, et font face aux tempêtes, les deux pieds bien ancrés dans la terre humide de ce monde triste et gris.

Les deux chasseurs de primes, se rejoignent à leur table. Toute la soirée chacun a pu constater leur petit manège. Ils sont passés de tables en tables. On offert des choppes de boisson à qui voulait les écouter et leur parler. Ils ont distribuer des piécettes à ceux qui croyaient avoir des informations à leur échanger. Ils ont souri, séduit ou soudoyé. A présent ils confrontent leurs informations.

Quelque part, tout au fond de la salle, un conteur et un musicien raconte l'histoire d'un jeune garçon au pied bot, un flutiau, qui débarrassa une ville légendaire de tous ses rats, grâce à la magie de son instrument. Je connais cette histoire. Je sais comment elle finit.

Autour d'une des plus grandes tables, des rires s'élèvent. Guilcan vient d'emporter la mise aux dés.

La Maline tient la tête d'un jeune homme collée au fond de son corsage.

Célia ouvre un nouveau tonnelet de vin au comptoir, tandis que Marduk a négocié une demie heure de récréation avec l'esclave de son choix en graissant la patte à l'un des mercenaires.

Mon chef a fini son service, et il est parti rejoindre ses amis travailleurs autour d'une autre table plus calme.

C'est un soir comme tous les autres au Dernier Arc-en-Ciel.

Vénia me regarde fixement, un petit sourire au coin des lèvres.

« Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as quelque chose à me demander ?
- Bah à vrai dire, je me disais que...
- Patron ?! »

Elle est interrompue dans sa phrase par l'un des renards. Les deux se sont levés et m'ont appelés. D'une vois très forte. Afin que tout le monde les voit et les entende. Ils sont debout. Ils me font signe d'approcher. Je me traîne jusqu'au centre de salle, au milieu des tables et des clients.

Le silence s'est fait peu à peu. Les dés ont cessé de rouler, et les histoires sont en suspens.

« Demi-orque ! C'est toi ! »

Je les laisse parler.

« Nous avons beaucoup appris sur ton compte aujourd'hui.
- On sait qui tu es !
- Nous avons été mandaté par un seigneur de la Plaine.
- Un puissant et riche propriétaire de la Plaine.
- Un homme bon et puissant.
- Un ami de l'Empereur et un fidèle serviteur de Sa Couronne.
- Cet homme est aussi un père éploré. Un père qui ne se console pas de la perte de son enfant.
- Depuis des années il cherche à savoir pourquoi...
- Oui ! Pourquoi son jeune fils de sept ans n'est jamais revenu du pays des Arcs-en-Ciels.
- Il y a déjà cinq ans de cela, sa femme, la mère de l'enfant et le petit garçon sont venus ici. Dans ce village.
- Et seule la mère en est revenue. Ravagée de colère et de tristesse. Elle a été rouée de coups.
- Et elle a dit à son mari qu'un demi-orque brutal lui avait arraché son enfant.
- Nous savons que depuis des années des histoires comme celles-ci se répètent.
- Il y a quelque chose de pourri dans ce pays !
- Parmi vous se cache un monstre. Un violeur d'enfants !
- Un assassin !
- Nous avons rechercher ta trace depuis de longs mois.
- Nous savons aujourd'hui qui tu es et ce que tu as fait à ces innocents.
- Tu enlèves les enfants des voyageurs étrangers, tu les abuses et tu les égorges avant de les confier à l'oubli des marécages.
- Mais on a retrouvé des corps.
- On les a retrouvés et on les a étudier.
- On a retrouvé les marques de tes souillure.
- Alors ? Qu'as-tu à répondre à cela ?
- Oui ? Oseras-tu nier tout cela devant ton propre village réuni ?
- Devant tes clients ? Tes amis et tes employés ?
- Tu vas payer pour ton crime.
- Au nom de l'Empereur nous allons t'arrêter et t'escorter.
- Tu seras jugé et décapité ! »

Tout le monde a patiemment écouté le laïus des deux héros. Personne n'a bronché. Tous les regards se sont tournés vers moi une fois que la sentence des représentants de l'Empereur est tombée.

Tout le monde guette ma réaction et attend ma réponse.

Quelques uns se sont levés, la main sur la garde de leurs dagues et couteaux. Leurs regards menaçants sont sans équivoque. Je vois les deux cousins de Marduk, pas si étonnés de cette situation finalement, se rapprocher des deux hommes de Justice.

Je tourne mon regard vers Vénia. Elle est si jolie et si vivante. Elle soutient mon regard et attend une réponse.

« Oui tu disais ? Tu avais quelque chose à me demander ?
- Oui je me disais que vu que c'est calme ce soir, je pourrais peut-être rentrer dès maintenant. J'ai promis à ma petite sœur de l'aider pour ses devoirs d'école demain matin. Je voudrais pas rentrer trop tard.
- Ah oui tu as raison ! C'est important les études ! Vas-y ! Tu peux y aller »

Je la regarde prendre ses affaires et se diriger vers la porte.

Pendant ce temps les deux cousins ont fini d'égorger les deux inconnus. Quelques uns de mes amis, les ont aider à les maintenir, alors que leurs lames s'enfonçaient dans leurs chairs. Célia propose aux mercenaires une choppe de bière pour s'excuser de l'incident. Ils acceptent bien volontiers. Une poignée d'hommes transporte les corps vers les marais. Lorsqu'il reviendront je leur offrirai un tonnelet de bière pour leur effort et leur amabilité.

Un soir comme un autre...

LIS s'incline avec note moyenne de 4,9/10

Citation :

Pourquoi est-ce que je retourne dans cette auberge miteuse ? Peut-être parce que je ne m’y sent pas différent, les gens t'acceptent tel que tu es. Mais j'en ais marre de voir toujours les même têtes de cons, raconter le passé, encore le passé, toujours le passé,...

L'auberge frontalière


Et en plus le nom est à chier mais qu'est-ce que je fous la, moi qui m'étais promis de ne plus y retourner, en plus c'est une femme qui tient l'auberge. "La p'tite Josette" comme tout le monde l'appelle, je n'ai jamais compris d'ailleurs pourquoi "La p'tite Josette". Elle se prénomme en réalité Vanessa, elle est grande, le teint légèrement rosé, des vêtements toujours trop court par rapport à la masse graisseuse, forte imposante, de son ventre et de ses cuisses. Elle a une poigne d'homme et fait tourner la baraque d'une main de fer. Au premier abord, on pourrait croire que ses deux serveurs sont maltraités, elle ne leur laissent pas une seconde de répit. Mais pourtant, la p'tite Josette est aimée de tous, son regard inspire à la confiance, le ton de sa voix est toujours jovial...sans elle l'auberge n'aurais plus de sens ! Mais qu'est-ce que tu racontes mon beau Michel ?! Voilà que tu fais dans les sentiments, ressaisis-toi ! Oui, tu as raison ! J'entre dans l'auberge, fièrement, tel un cow-boy entrant dans le saloon du fin fond du Far West. Tout de suite l'odeur et le bruit de la machine à café sont perçus par mes sens aiguisés. L'auberge est spacieuse, chaude, l'odeur du bois y est forte. Au fond on peut voir une porte avec une pancarte WC qui tient par Dieu seul sait quel miracle. Une dizaine de table en bois très lourd sont disposées de manière à pouvoir accéder facilement au bar, les vieux jouent aux cartes comme à leur habitude à côté de l'escalier, collés au bar à rire sur des blagues machistes. Un petit regard à gauche et j’aperçois, juste à côté de la cheminée qui crépite, Jean-Luc et sa femme. Quel étrange couple ! On dirait qu'il parle à un mur, sa femme parait morte, le regard vide, une sorte de fantôme, de mort-vivant affreuse à regarder. Tous les samedis ils viennent s’asseoir dans ce coin de l'auberge mais seul Jean-Luc parle, jamais elle ne décroche mots sans pour autant que cela le dérange, il parle...il parle et elle écoute, elle écoute encore mais ne dit rien...pourquoi ? Quel est le fin mot de l'histoire ? Quel est d'ailleurs l'élément déclencheur d'un tel silence, d'une telle ambiance ?

En tournant le regard vers le bar, siège les trois fidèles piliés de comptoirs, assis sur les grands tabourets. Derrière le bar ce trouve une rangée infinie de bouteille d'alcool divers au milles couleurs resplendissante, jouant avec les lumières des ampoules et de la cheminée qui crépite encore et encore. Tout est en bois ancien, les poutres du plafond, remplis du de toiles d'araignées, en témoigne fichtrement bien ! Les murs sont décorés de vieilles photos d'un homme montrant ses prises de chasses, drôle de décoration pour un bar, tu ne crois pas ? Ouais je l'ai toujours pensé, mais tu devrais peut-être avancé tout le monde te regarde !
"Ah l'bon vieux Michel !!" dit l'un des trois assis devant le comptoir du bar "Une paye qu'on ne t'avais pas vu vieux filou, comment va la grosse ?". Je fais un signe et vait m’asseoir à leur côtés pour discuter du foutu passé...bordel !
"La p'tite Josette, un baby sans glace pour mon ami Michel". J'en suis à mon dixième verre, j'ai la tête qui commence à tourner dangereusement. Combien de temps suis-je ici ? Une heure ? Deux jours ? Quelle merde...Michel ?! Y a quelque chose qui cloche tu ne crois pas ? Qu'est-ce que tu racontes ? Cette odeur...de nougat...non c'est autre chose, qu'est-ce donc ? Il y a quelqu'un d'inhabituel, une personne que je n'ai jamais vu ! Il se rapproche, j'entend ses talons sur le sol en bois sombre et troué par endroit, rongé par des rats peut-être ? On ce retourne ? Non trop dangereux, il pourrait suspecter quelque chose ! Tu es bourré arrête donc...je ne t'ai rien demandé toi, arrête de me parler sans cesse ! Il a le pas léger, trop léger, est-il humain ? La p'tite Josette n'est pas là pour l'accueillir quelque chose ne tourne pas rond, dois-je laisser mon instinct dominer mes actes ?

Tiens de la musique, je n'avais pas fais gaffe ! C'est l'odeur de nougat qui a mis une pièce dans le Jukebox, il a osé...des semaines que je ne reviens pas et ce salop ose toucher au Jukebox, jamais personne n'avais mis de pièce jusqu'à présent, on entend le disque tourner d'ici. Je n'ose pas me retourner...il s'éloigne...ce bruit de grincement mais...c'est l'escalier, il monte ! Je tourne le regard et...il à des chaussures noir très habillé, je n'ai pas eus le temps de l'apercevoir.

Les deux autres me parlent mais je ne les écoutent pas, Jean-Luc est encore la à parler à sont fantôme, j'arrive à entendre certains morceaux de phrases "Tu sais parfois j'ai peur....il ce fais tard tu trouves pas ?...Bon...". Rien de compréhensible, et pis on s'en fiche royalement tu crois pas ? Bois ton verre au lieu de me parler...l'alcool coule dans ma gorge, il réchauffe mes papilles gustatives. Il fais trop chaud d'un coup...foutu cheminée...je ne contrôle plus rien, quelqu'un descend de l'escalier, l'odeur de nougat me fais reprendre un peu conscience. Ou es-tu ?! A l'auberge frontalière...je...tout deviens sombre, je me vois tomber...mon dieu, l'odeur de nougat est une femme, quelle beauté !

Néant.
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN - Page 2 Icon_minitimeVen 3 Jan - 20:40

TROPHEE TOLKIEN - Page 2 Bann_110







A partir de janvier 2014, le trophée Tolkien ne concerne plus que les nouvelles consacrées à la fantasy et ses sous-genres (dark fantasy, récits féériques, fantasy urbaine...).


Les récits dédiés à la science-fiction et au fantastique ont désormais leurs propres trophées : le Asimov et le Poe.

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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN - Page 2 Icon_minitimeJeu 2 Oct - 21:09

TROPHEE TOLKIEN - Page 2 Ban_to10

Début septembre, Earendis a annoncé sa volonté de récupérer le trophée Tolkien à son détenteur, dvb. Mais surgit alors lothindil, bien décidée à ramener sur les terres graphiques la coupe tant convoitée !

Le thème était le suivant : « À la tombée de la nuit, un guerrier éreinté frappe aux portes d'un édifice religieux. »

Avec pour contrainte : « L'un des protagonistes n'est pas ce qu'il prétend. »




dvb a conservé le trophée en obtenant dix voix. Il était le texte n°2 :


Citation :
En ce temps-là, le royaume de Lahon, connaissait troubles et tumultes en son sein depuis deux générations. Romuald Le Terrible, qui avait succédé à son oncle, Bartholomée Aux Dents de Fer, ordonna à ses plus fidèles vassaux de lever armées sur leurs terres et de taire toute rébellion. Sigismond, Baron des Locres et Bailli du Roy, obéit à son seigneur et écrasa les ingrats félons du Val Pierreux.

Notre histoire commence alors que Sigismond, accompagné de son écuyer, Lanterne, ainsi que d'un poignée de gens d'armes, faisait route à travers le plateau brumeux de Basse Locre, au cœur du pays marécageux.

Éreinté par des semaines de guerre, il s'en retournait vers ses domaines, après avoir quitté au matin, ses compagnons d'armes victorieux.

Cherchant un abri pour la nuit, comme il ne souhaitait nullement connaître encore de veillée à même la boue avec pour seul confort l'épaule de son cheval, Sigismond laissa ses gens au bord du chemin caillouteux et s'enquit, flanqué de Lanterne, d'une chaumière où quérir son repos.

La Providence le mena aux pieds d'une antique abbaye toute de pierres grossières édifiée. Il frappa fort de son gant de fer à l'épaisse porte de bois qui semblait fermée depuis des années. Il n'avait d'ailleurs jamais entendu parler d'un tel édifice sur ses propres terres, et s'en trouva fort intrigué.

« Qui hèle à cette heure tardive, répondit une voix bourrue de l'autre côté des planches.
— Je suis Sigismond, Baron de ces landes et Bailli de Romuald. Qu'on m'offre gîte et couvert car j'implore hospice pour la nuit.
— Sigismond, es-tu chevalier du Roy ? lui demanda encore l'inconnu barricadé.
— Bien entendu ! Et je me présente en tant que tel, en arme et accompagné de mon écuyer.
— Seigneur, l'interrogea de nouveau la voix rocailleuse, t'es-tu toujours montré respectueux des préceptes de nos dieux et as-tu toujours bien suivi les enseignement de notre culte ?
— Assurément, répondit le chevalier, agacé par d'aussi veules méfiances.
— Alors nous t'offrirons asile à cette seule condition que tu te montres en cette nuit aussi respectueux et digne de la Loi des dieux que tu prétends l'avoir été ta vie durant.
— Qu'il en soit ainsi, Frère moine, fanfaronna Sigismond tandis que la porte s'ouvrait sur le cloître. »

L'homme qui lui avait parlé puis accueilli prévint l'abbé ; l'on conduisit Lanterne et le cheval de guerre aux écuries où on offrit à l'un gruau et à l'autre avoine, couverture et paillasse.

Le chevalier fut conduit à l'étage supérieur qui surplombait les jardins du cloître et il lui fût confié une cellule particulièrement confortable. Soieries aux tapisseries et aux baldaquins, buffet et vaisselier d'essences sculptées, poêle entretenu et vif, ainsi que nécessaire d'ablutions. Sigismond était ravi que l'on accorde le soin et l'attention mérités par son rang. Un novice qui l'aida à se défaire de ses chausses, plates et effets de guerre, lui précisa qu'il se présentait trop tard pour le dîner, mais que la congrégation se ferait un plaisir de le sustenter, s'il daignait se joindre à eux pour le souper qui serait servi après les vêpres au réfectoire. Les anciens, doctes et curieux, se feraient un plaisir de l'écouter énoncer ses hauts faits en l'honneur du Roy et des dieux. Sigismond promit d'y assister, car il avait lui-même grand hâte de manger.

Le jeune moine se retira de la chambrée et lui indiqua la direction des latrines, des bains et de la chapelle commémorielle, s'il souhaitait prier les Saintes Phylandre et Danaë dans l'attente du dernier repas.

Sigismond le congédia non sans impatience ; il se trouvait fort aise loin de l'obséquiosité de ces ôtes aux intentions trop pieuses à son goût.

Alors qu'il s'était approché de la fenêtre aux fines volutes de fer forgée, il crut apercevoir la silhouette d'une chétive créature. Ces formes rondes, juvéniles et rebondies n'appartenaient en rien au corps d'un moine. Le chevalier, fort surpris de découvrir la présence d'une jouvencelle en ces lieux, se mit aussitôt en cherche de ce mystère. Il descendit les escaliers de pierres taillées qui menaient de l'étage vers le rez de chaussée et se dirigea droit vers le massif fleuri où il avait vu la fine et svelte fille disparaître un instant plus tôt. Un bruissement dans le jardin attira son attention, mais il n'entrevit dans la pénombre que les traits d'albâtre laissées par deux chevilles nues sautillant à la vitesse d'un chat surpris. Sigismond s'enhardit et traversa le potager monacal en direction de la porte entrouverte, là où il crut voir disparaître l'insaisissable apparition.

Sitôt passée l'embrasure de ce qu'il découvrit être un cellier, la bedaine d'un gros moine débonnaire aux joues rosies et à l'haleine fleurant un âpre et capiteux parfum de miel et de vin, manqua le renverser. Sigismond, courroucé de cette irruption, vit néanmoins la frêle créature s'emmitoufler dans un monceau de jutes et de toiles usées. Il demanda au moine ce que faisait telle sournoise dans pareil endroit.

« Ô mon seigneur, ne prenez garde à cette ingénue. Elle est muette et n'a d'autre utilité en ces lieux que les maigres services que peuvent nous rendre ses frêles bras et son obéissance dévouée. Elle fût jadis enfant abandonnée et orpheline, ses parents et tous les vivants de son villages, occis lors de rapines et exactions des rebelles que vous avez punis. Ignorez-la, car elle se montre parfois cruelle et méchante, lorsque son sang se répand dans ses linges. Elle ne parle jamais et je la soupçonne d'être débile. »

Le moine s'enquit du bien être de son ôte et lui offrit de déguster une lichette de la liqueur dont il était bouilleur et qui représentait sa plus grande fierté. Sigismond, ne sut refuser pareille invite et avala de bon cœur le breuvage tendu par la main potelée du moine hilare. Le chevalier failli s'étouffer tant le tord-boyaux l'ébaubit. L'abject et grossier bonhomme de foi éclata aux sanglots de le voir ainsi cracher et tousser. Sigismond maudit l'imbécile et le bouscula tandis qu'il sortait du cellier, la jeune fille ayant profité de l'incident pour se glisser hors de son repaire.

Le Bailli se mit alors en quête de rejoindre son écuyer, voulant savoir si Lanterne ourdissait les mêmes soupçons que lui à l'égard de la probité vacillante de ces ecclésiastes dépenaillés. Il trouva le jeune homme sur sa paillasse, bouleversé par les assauts de violentes quintes et de vomissements aigus. Le pauvre garçon parvint enfin à recouvrer sa plénitude au bout de longues minutes de douleur. Affaibli, il tendit un doigt mal assuré vers l'écuelle de gruau vide et dans un souffle indiqua à son maître que son repas lui avait semblé épouvantable et qu'il crût en mourir.

Sigismond, que trop de guerres et de duels avaient menacés, était devenu coutumier des blessures et des maux du corps. Il ausculta son jeune écuyer, et lorsqu'il eut la conviction que rien de fatal ne le menaçait plus, lui imposa de se reposer jusqu'à son retour prochain ; ils devraient alors quitter sans tarder écurie, traverser cour et portique pour prévenir leurs camarades restés au bivouac et faire ensuite marche vers leur domaine.

Sigismond se promit de faire justice s'il s'avérât que les moines retords étaient rebelles à la cause du Roy, ou pire, s'étaient fourvoyés dans d'audacieux rites impies.

Rongeant sa colère, le Bailli regagna sa cellule et s'arma, prêt à découvrir la vérité sur ce maudit antre et l'engeance qu'il abritait.

Au détour d'un couloir, une main délicate vint se poser sur son torse et le visage clair de la jeune fille lui intima de se taire, d'un doigt sagement posé sur les lèvres. L'intrigante le tira vers une alcôve et se hissa sur la pointe de ses pieds nus pour lui susurrer à l'oreille.

« Seigneur, par pitié, délivrez-moi de cette prison blasphématoire ! Ne croyez en rien les moines qui y vivent, tous sont des menteurs. Ils gardent au plus profond de leurs cryptes un horrible secret ainsi qu'en trésor, les fruits de leurs méfaits. Je n'ai rien à vous offrir en récompense si ce n'est ma vertu et l'assurance de ma docilité reconnaissante. Je vous en supplie, Seigneur, soyez magnanime. »

Sigismond, bouleversé par la détresse de la jouvencelle, ne put retenir l'élan de ses sens ; la jeune fille, offerte et suppliante, se jeta à son cou et pressa son sein contre le sien, l'implorant de la délivrer. Le parfum suave de ses cheveux, la douceur de sa peau contre sa joue, le corsage presque défait de sa tunique trop seyante ne furent que de plus amples raisons de son tourment. Il abaissa sa bouche vers la blancheur de ces jeunes chaires et goûta la langueur de ces lèvres ouvertes. Un jupon se releva et un bruit de pas  dans le couloir le ramena à la raison. Déjà la fille avait disparu de nouveau.

Le chevalier dégaina son épée et d'un geste maîtrisé en plaça la pointe sous le menton de l'importun qui s'avéra être un autre novice. Le garçon mouilla ses chausses de peur et bredouilla alors que Sigismond le menaçait de le soumettre à la question. Il lui ordonna de le guider vers les cryptes ; s'il existait un secret à découvrir et un trésor à ravir des mains des mécréants, alors il devait s'y rendre.

Le jeune homme couina et l'implora de retrouver calme et tempérance. Sigismond le brusqua jusqu'à obtenir soumission. Ainsi il fut guidé jusqu'au temple souterrain où l'attendait le cénacle des moines, aux airs sévères et impitoyables. Une vive douleur derrière le crâne fît choir Sigismond qui perdit équilibre et maîtrise de lui. Il fut tiré au-devant de l'autel et bientôt fermement enchaîné.

L'abbé s'avança alors et se maintint devant lui en ce moment terrible où il prit la parole.

« Sigismond, nous t'avons accueillis à la condition que tu respectasses les préceptes et les enseignements des dieux. Pourtant, dans ta folie et ta fierté tu les as tous violés un à un.
— C'est faux ! Vous êtes des suppôts des Enfers ! Je m'en vais vous défaire et vous livrer à notre bon Roy !
— As-tu jamais trahi ta parole ?
— Jamais !
— As-tu déjà succombé à la tentation de la luxure et du mensonge ?
— Sur ma foi je ne saurai mentir !
— As-tu toujours respecté le faible et jamais usé de violence de manière injuste ?
— Comment le pourrais-je : je suis chevalier du Roy.
— Et n'as-tu, ô grand jamais, convoité le bien ou le droit d'autrui ?
— Sur ma vie j'ai toujours suivi les préceptes !
— Alors pourquoi avoir touché cette fille, menacé ce novice, voulu t'emparer d'un trésor hypothétique et trahi ta promesse ?
— Qu'est-ce donc là cette machination ?
— Sigismond, tu ne t'es montré digne d'aucun enseignement des dieux depuis que tu as pénétré ce lieu saint ! Tu devras donc recevoir le châtiment qui est réservé aux parjures et aux impies. »

Sigismond vit apparaître une dernière fois la silhouette de la soi-disant orpheline muette. Elle se tenait droite et fière et entièrement nue devant lui. Sur son ventre il aperçut les visages tatoués des saintes Phylandre et Danaë, figures de la justice et de la foi aveugle. Avant qu'il ne put hurler sa colère, une lourde hache s'abattit sur son crâne et il entendit vaguement ses os s'effondrer sous la lame alors que sa cervelle liquéfiée s'insinuait dans sa propre bouche. Sa carcasse s'effondra lourdement sur la pierre et des mains le dépouillèrent de ses riches atours. Ses biens furent déposées à l'arrière de l'autel, dans un recoin de la crypte où il était d'usage de remiser les possessions des renégats et des impurs.


lothindil, avec ses quatre voix, est contrainte de s'incliner.


Citation :
Long et pénible a été mon voyage depuis que j'ai quitté Ystaël, la cité divine, quasiment trois semaines auparavant. La nuit tombe sur ce dernier jour de voyage pour le moins humide et boueux. Dans un coin de ma tête, je peste contre le gamin qui m'a indiqué cette route, sachant à mon avis pertinemment que c'est celle des marais. Mais rien de tout ça ne serait arrivé si des malandrins ne m'avaient pas volé carte et laisser-passer il y a dix jours de cela, avant que j'arrive à Nayal. Depuis, à part ce détour par le marais qui m'a fait perdre trois jours et mon cheval, il ne m'est plus rien arrivé de fâcheux, malgré les troupes de bandits que j'ai aperçues ou entendues au loin. Il ne fait pour moi aucun doute que si l'Aynori, l'autorité suprême, fournissait cotte, épée, jupe d'armes et heaume à ses prêtre, comme la Dame Asary de Nayal l'a fait pour moi, nous aurions moins de problème. Certes, j'ai fait le serment de ne pas faire faire de mal aux créatures de la trinité et je ne saurais de toute façon pas utiliser mes équipements, mais ça effraye, c'est le seul but.

J'ai fini par trouver la colline, sortant enfin de la fange qui m'a ruiné définitivement mes chausses et mes bottes. Epuisé, je grimpe cette montée salvatrice, espérant qu'il s'agisse bien de la dernière et non d'une énième butte qui me fera sombrer à nouveau dans l'eau gluante et puante de ce marécage décidément trop grand pour ma patience. A défaut, il a cessé de pleuvoir et j'en remercie Yanor, déesse des vents et du ciel, même si c'est sans doute plutôt à Argor, le soleil, son époux que je devrais plutôt adresser mes prières pour être parvenu à calmer sa divine tristesse. Loin, à l'Ouest, Argor se rapproche de l'horizon et j'espère que Naera, la lune, son amante parviendra à garder les yeux d'Yanor secs encore quelques heures.

La terre devient plus sèche, manifestement, plus détrempée ici par les divines larmes que par l'eau naturelle des marais. Mon soulagement est d'autant plus intense, que, là-bas, j'aperçois enfin une borne de pierre. Je m'en approche, tremblant de froid à cause de l'humidité, mais encore assez vif malgré la fatigue et la frugalité de mes repas ces derniers jours. Un blason orné d'une balance est gravé sur la roche. Je soupire de bonheur, non seulement je ne me suis pas perdu, mais qui plus est, je suis plus proche de ma destination que ce que j'escomptais.

Ramyël, la ville du commerce, ma destination, possède en effet ce blason : balance d'or sur champs de sang. Brusquement ragaillardi par cette découverte pour le moins encourageante, je me hisse au sommet de la colline et découvre, dans le soleil couchant, les remparts de Ramyël. Avec sa coupole d'azur, il est impossible de ne pas repérer le tribunal, juste hors des murs. J’y serais donc à la tombée de la nuit, voilà une bonne nouvelle, du moins s’ils ont été mis au courant de ma venue et que je puisse y trouver le minimum requis pour passer une nuit correcte. D’ailleurs, même si ce n’est pas le cas, un toit sur la tête et un sol de pierre sera toujours mieux que la boue du palus ou l’herbe humide de la route.


Après une bonne heure d’une marche harassante au pas traînant, je parviens à l’entrée de la ville où s’étend un vaste cimetière, le résultat des guerres interraciales dans la région. Je m’y arrête quelques minutes pour prier Yanor d’accueillir toutes ces flammes  en son sein et de faire d’elles des étoiles nous éclairant tout au long de notre vie ici-bas.

Cela fait, je me dirige droit vers les huis du tribunal. Le temple est éclairé et, de surcroît, il y a du bruit à l’intérieur. Je m’approche d’une des fenêtres et constate que la lumière est bien supérieure à celles que produiraient les chemins de feu. Curieux, je prête l’oreille et entends de nombreuses voix, des réprobations pour l’essentiel. Je hausse un sourcil et les épaules avant de frapper à la porte du temple judiciaire.
On vient m’ouvrir la porte. La personne qui se dresse devant moi est vêtue d’une robe blanche avec une ceinture rouge à la taille. Sa profonde capuche tombe sur un masque aussi bleu que la cape qui ceint ses épaules massives. Il est nettement plus courtaud que moi, il ne serait pas aussi large, je parierais pour une jeune braise qui n’a pas encore cramé son premier brasier. Sa tenue est celle d’un prêtre de mon ordre, ce qui attise ma curiosité déjà bien en place, je suis sensé être le seul ici et mon prédécesseur est mort, tué lors d’une offensive des humains.

« Ôtez vos armes avant de pénétrer en ces lieux, chevalier. »

Ainsi, il me prend pour un mercenaire errant venant simplement prier en ces lieux. Je tâche, tant bien que mal, de cacher ma surprise à l’absence de la question et de la salutation rituelle. Bien que physiquement éreinté par mon voyage, mon esprit est désormais aiguisé par cet individu. Si cet homme est un de mes frères, je suis prêt à avaler l’arme prêtée, lame la première.
Je hoche cependant la tête et défais maladroitement mon baudrier auquel pend le fourreau. Ce combat, je le mènerais à la langue plutôt qu’à l’arme, à moi de voir, qui, de lui ou de moi trompera le mieux l’autre. Je tente de voir ses yeux de feu, cherchant la trace d’un quelconque doute en lui, mais l’ombre de la capuche ne le protège que trop bien.
Je dépose mon casque à l’entrée, trop heureux de laisser mes braises s’épanouir en liberté après ces jours cachées dans le métal ignifugé. Cette petite flambée vient me réchauffer et me revigorer comme je ne l’espérais plus après ces longues journées sous le temps maussade dans cette fange puante sous les collines. J’ôte mes gants pour profiter aussi de la douce chaleur de ma peau de feu, je profiterais du spectacle, pour me sécher un peu, même s’il me manque de l’énergie pour le faire confortablement.
Je m’installe sur un des rares bancs de libre au milieu de l’assemblée, c’est à croire que tout le village s’est rassemblé pour écouter et prier. Je me laisserais bien aller à observer mes concitoyens, leurs flammes rouges, jaunes et oranges éclairant les lieux, mais j’ai mieux à faire dans l’immédiat.


« Je disais donc qu’il est fort dommage de ne pas apprendre à les connaître. Sommes-nous des brutes assoiffées de sang pour commettre de tels forfaits ? »

Les termes qu’il utilise ne sont pas ceux présentés dans les séminaires, ce qui ne fait que confirmer mes doutes. Son discours est beaucoup trop engagé, violent. Puis,  on nous apprend à caresser nos disciples dans le sens du poil, tout l’inverse de ce qu’il fait. Mais surtout il y a cet accent, à la fois doux et chantant, mais malgré tout… heurtant, comme s’il butait sur certains mots.

« Que connaissons-nous des humains ? »

Ainsi c’est de cela qu’il parle, voilà qui est intéressant, et qui peut encourager autant de monde à venir l’écouter, dans cette région si proche des conflits armés. Mon prédécesseur officiel n’est-il d’ailleurs pas mort sous les coups d’une épée trop froide pour être tenue par un des nôtres ?

« Leur culture n’est pas la nôtre, mais est-elle moins bonne ? Mérite-t-elle qu’on les tue ainsi ? »

Erreur stratégique de sa part, il laisse un temps de pause, censé permettre à ses ouailles de digérer ses paroles, un délai amplement suffisant pour moi, rôdé au rôle délicat de la dissertation et du débat. Je décide de démarrer en douceur, avec l’argument le plus simple et classique :

« Ils croient qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Ils sont assez stupides pour ne pas voir que la Lune et le Soleil sont deux êtres différents.
- Un enfant à sa naissance ne croit pas, est-ce pour cela que vous le tuez ?
- Nos braises, aussi jeunes soient-elles sont capables de faire la différence entre le soleil et la lune et sont capable de savoir que l’un n’est pas l’autre.  Et non, nous ne tuons pas les idiots. », conclué-je avec un sourire.

Des petits rires sont prononcés dans l’assemblée, qui s’est tournée vers moi pour l’occasion.

« Parce qu’ils sont idiots selon vous ? Est-ce ainsi que vous considérez tous les étrangers, voyageur ? Ou seulement ceux dont la peau est différente de la vôtre ? »

De la mienne ? Pourquoi n’a-t-il pas dit de la nôtre ? Serait-il … ? Non, ce n’est pas possible. Je préfère occulter mes pensées en rapport avec cette dernière question et me concentrer sur la question de l’intelligence humaine en retournant la question. Il y a tellement d'exemple prouvant leur idiotie qu'en entendre sur leur intelligence m'intéresserait presque.

« En passant outre le fait même de la religion et de leur croyance en un seul être supérieur qui pourrait nous diriger tous, en quoi leur trouvez-vous de l’intelligence ?
- Leur architecture, par exemple. Ils savent faire des maisons, de l’agriculture, des routes, dompter des animaux… comme nous finalement. »

Un vague murmure d’assentiment monte de la salle, très vague d’ailleurs. J’ai encore toutes mes chances, il n’a pas encore corrompu l’âme de mes fidèles. Il est temps d’attaquer très fort, ses arguments sont bidons et classiques et même si le jeu est drôle, je voudrais bien faire mes prières et me reposer.

« Ce sont des cannibales aussi. Un de leur "prophète" n’a-t-il pas dit "Manger car ceci est mon corps ?" et "Buvez car ceci est mon sang ?" ? »

Le murmure d’assentiment est ce coup-ci en ma faveur, et un poil plus fort que précédemment, cet argument a toujours fait mouche dans les assemblées, et j’avoue que les cours de théologie humaine m’avaient choqué, ainsi que de nombreux autres étudiants à cause de ce genre d’idées.

« En effet, mais il ne s’agit que d’une image. Ce n’est que du pain et du vin, mais vous devez le savoir, avec vos voyages ?
- Même si ce n’était que du pain et du vin, la volonté n’en est pas moins la même.
- Et vous condamnez quelqu’un pour sa volonté et non pour ses actions, maintenant ? Et c’est eux que vous traitez de sauvages ? »

Là, je me suis fait piéger, et en beauté. En effet, même si leur rite est absurde et est totalement hors de notre foi, leur action, elle, n’est pas répréhensible. Je ne suis plus dans un temple où je prêche notre vérité, mais dans un tribunal où je dois juger les actes et leurs morales.

« L’acte en effet, n’est pas amorale, je vous accorde ce point. Mais leur religion et leur culture ne l’est pas moins pour si peu.
- Leurs commandements sont-ils amoraux ?, me questionne-t-il.
- Je suppose que non, vu la teneur de votre discours. Mais entre la Loi et les Actes, il y a des différences, sinon ce lieu béni n’aurait pas lieu d’exister ! »

Cet être commence sérieusement à m’échauffer les oreilles, au sens le plus littéral du terme.

« En effet, aucun de nos peuples n'est capable de tenir le commandement le plus simple et le seul utile. Tout serait alors tellement simple si nous avions su écouter ce qu’il fallait et non nous concentrer sur le reste ?
- Aucun de NOS peuples ? »

J’insiste sur le « nos », il vient de se trahir et je tiens à ce que tout le monde le sache aussi bien que moi. Ainsi, mes doutes se révèlent parfaitement fondés. Pour la première fois, il relève la tête vers moi, pas de lumière derrière le masque, mais pas non plus d’ombre pour cacher son regard. Ce sont des yeux brillants d’eau, des yeux humains.

« Nos peuples, en effet. »

A ces mots, il ôte capuche et masque, dévoilant une longue chevelure brune, attachée près de la nuque et un visage au teint de cuivre aux yeux bruns, une barbe, légère, brune elle aussi. Je me rassieds sous le choc, c’est le premier humain que je vois en vrai, tandis que des cris d’horreurs parcourent l’assemblée. Il est d’ailleurs vis-à-vis de tous nos critères de beauté, moches. C’est quoi ces poils partout comme les animaux ? Et cette peau lisse, qui ne protège de rien, ne chauffe pas, comme celle du pis des vaches ?

« Oui, je suis un humain, cela change-t-il quelque chose au débat et à mes idées ? »

Manifestement, aux yeux de mes ouailles, oui, ça change beaucoup. Je n’ai jamais vu un temple se vider aussi rapidement, me laissant en moins de cinq minutes en tête à tête avec cet individu qui me regarde avec… désespoir ? Comment peut-il, sans changer de teinte, sans s’éteindre,  être aussi expressif ? Ses yeux se retournent vers moi tandis que je me lève, ne sachant pas si je dois l’aider ou le livrer à la foule.

« Qui êtes-vous vraiment ? »

La question s’est posée des deux coté à la fois, je lui souris, sensible à cet être finalement si différent.

« Je suis prêtre. »

La réponse est sortie de nos deux bouches à la fois, et nous partons dans un éclat de rire.

« Daenyr, prêtre de la divine trinité : Argor, le soleil, Yanor, le ciel et Naera, la lune.
- Aymeric, prêtre de la divine trinité : Père, Fils et Saint Esprit. »

Je soupire, mais reste interdit face à cette révélation d’une autre trinité. Je me rassieds, accusant le coup. Et si l’Aynori se trompait depuis le départ ? Et si ces humains n’étaient pas des déchets ? Et si ces humains avaient eux aussi une âme, et étaient ces fils maudits d’Erna, le premier prophète ? Je me souviens qu’Emari avait posé la question, lors du séminaire. Il avait alors été pris à part par le clergé, procédé nécessaire selon les Aynoris pour lui démontrer à quel point il avait tort. Suite à quoi, et sans un mot, il avait décidé de quitter les études théologiques avant de disparaître.
Je suis interrompue dans mes réflexions par le mouvement de mon vis-à-vis qui se dirige vers moi, jusqu’à s’asseoir sur la chaise devant la mienne.

« Et moi qui croyait avoir plus d’espoir avec mon discours de paix parmi les vôtres. Vos missionnaires nous ont tellement prêchés la beauté de votre culture et votre intelligence. Mais il y a la même haine dans vos cœurs que dans les nôtres. »

Mon cœur se rappelle les tombes devant lesquels j’ai prié, avant de venir ici, et il s’enflamme de désespoir et d’une colère que je ne contiens que difficilement. Je lui renvois sa phrase qu’avec un mépris quasiment craché :
« La haine que ceux de votre peuple sont venus poser quand ils ont ruiné leurs vies et massacré leurs familles.
- Vous nous tuerez donc jusqu’au dernier parce que leurs arrière-grands-pères ont tué vos pères ?
- Parce que vos fils ont tué nos fils et parce que vos Dieux sont une hérésie !
- La cendre appelle le sang, n’est-ce pas ?
- Le ciel appelle le sang pour purifier vos âmes de toutes vos déviations et vos tromperies !
- Et pourtant le message était si simple…»

Il hoche la tête de gauche à droite en soupirant. Il laisse couler une larme, une faiblesse typique de ces êtres misérables. Il se lève et marche jusqu’au voile, séparant la partie publique des autels du temple. Je le vois avancer avec calme, se glisser entre les deux pans du tissu rouge translucide. Parvenu à la croisée mystique, d’où partent les chemins de feu vers nos trois Dieux. Il se retourne vers moi avec un sourire triste :

« Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! »

L’instant d’après, deux projectiles enflammés jaillissent de la porte et le touchent en pleine poitrine alors qu’il se tient droit, les bras écartés. Dehors, Yanor hurle dans un tonnerre de fracas, alors que dedans toutes les flammes s’éteignent brusquement d’un coup de vent qui vient déchirer le voile du temple.
Je tombe à genoux au sol et, pour la première fois, regrette de ne pas pouvoir pleurer comme un humain…
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MessageSujet: Re: TROPHEE TOLKIEN   TROPHEE TOLKIEN - Page 2 Icon_minitimeLun 1 Déc - 19:27

TROPHEE TOLKIEN - Page 2 Ban_to10


Un soir d'Octobre, alors que dvb lustrait son trophée d'or pour 3ème fois de la journée, quelqu'un toqua à sa porte. Ce n'était pas le toc-toc discret d'un voisin, ni le toc-toc insistant de la police. C'était plutôt le toc-toc menaçant qui précède généralement un "Sarah Connor ?".
Aillas était à la porte. Avec la ferme intention d'embarquer le trophée, il défia son détenteur actuel en les termes suivants :

Thème : Le Silence d'un Roi.
Contrainte : Vous allez voir, il y aura des Flash-back. Donc faudra qu'il y en ait. Et j'ai mis ça au pluriel. T'as vu. Si si.

Mais Nicolas était en embuscade, et s'empara du trophée à l'unanimité des huit voix exprimées.
Son texte était le suivant :


Citation :
La truite et le charbon




Un véhicule brinquebalant s'immobilise dans la grande cour. Deux soldats en décadenassent la lourde porte arrière et en font sortir bien plus d'hommes que ce qu'on pourrait croire qu'il puisse contenir. Les misérables sont enchaînés et violemment traînés vers le sinistre chantier dont Anjon est le bâtisseur. Le gnoll géant s'équipe méticuleusement de ses instruments de travail : deux énormes pognes de fer garnies de pointes sur les premières phalanges. Il ricasse bruyamment ; son office de zélote lui est si doux. Il empoigne le premier hérétique de la file par les épaules et avec une délicatesse maniérée le dépose contre l’écœurant édifice en construction. « Tu peux encore renier ta foi et reconnaître le dieu-charbon, petit paysan. » Le jeune homme sue à grosses gouttes et son visage est tordu par la terreur et le dégoût. « Oui, oui, je renie... je renie ! » Anjon le toise avec sérieux, puis découvre ses dents brûlées et administre un chaleureux sourire. « Bien, je vais demander à ce qu'on te relâche. » Le zélote repose à terre le paysan et se dirige vers les gardes de la carriole. Il se retourne subitement et en deux enjambées est sur le pauvre homme, ses poings gantés de fer s'abattent mortellement contre son torse, son crâne, ses membres. Il n'a même pas eu le temps de crier et le voilà à son tour encastré dans la monstrueuse pyramide de chair éclatée, une brique humaine parmi des centaines d'autres. Les autres hérétiques s'effondrent dans le sang des pavés, à la vue du sort qui les attend. Anjon ricasse si fort que les gardes portent leurs mains aux oreilles : son office de zélote lui est si doux. Sur l'estrade au centre de la cour, le roi Madek regarde silencieusement les monuments à la gloire du dieu-charbon se bâtir.


Demetir gravit quatre à quatre les marches qui mènent à la tour nord. « Doucement, mon vieux, je n'ai pas votre verdeur ! » L'Hiérophante halète, s'appuie quelques secondes à la rambarde de l'escalier puis poursuit son ascension. A la porte de la chambre du roi, ils sont annoncés par deux gardes en armure rutilante: « Le Grand Chambellan et l'Hiérophante ! » Le souverain est presque invisible sous la masse des couvertures brodées au motif d'une carpe argentée, le symbole de sa famille depuis quatre générations. Il est amaigri par la maladie et on ne lui donne plus que quelques jours, sinon heures, à vivre. Le roi Wendel tourne vers ses sujets un visage raviné par une existence de malheurs. Demetir prend la main rabougrie dans la sienne. « Monseigneur, des nouvelles désastreuses nous parviennent du Levant. Votre, oncle, le duc Madek, multiplie les exécutions sur ses terres, au nom de son dieu noir. » L'ecclésiastique déglutit, essuie la sueur de son front et prend la parole : « Il fait décapiter les pères puis rendre les carcasses étêtées aux familles... farcies d'un poison volatil. » Le roi presse la main du Chambellan, les yeux envahis de tristesse, écoute les mots de son vieil ami. « Sire, depuis l'exécution... hé bien, à l'heure qu'il est, votre oncle est le seul héritier du trône. Avec votre disparition, le pays tout entier sera soumis à la loi de ce dieu-charbon. Ce n'est pas... Sire ! Vous devez agir ! Vous avez encore le pouvoir de désigner un successeur. Il n'aura pas la légitimité de votre oncle mais entre un boucher vassal de la nuit et quiconque aura votre aval, le peuple suivra votre choix. Si vous ne pouvez écrire, l'Hiérophante recevra votre aveu et le rendra licite. » L'odeur de mort et d'excrément se fait plus prégnante, impose son rôle de quatrième protagoniste. « Sire, nous vous en conjurons ! » Le roi fixe Demetir en silence. Son regard n'est pas vide, il est plein d'un torrent d'émotions : tristesse, rancœur, mais aussi angoisse et colère. Ses lèvres restent closes, sa main desséchée comprime avec une force inattendue celle du Chambellan.


« Au nom du roi Wendel, les individus sont reconnus coupables de vol de chevaux et sanctionnés comme tels. Que le bourreau fasse son office. » Les deux criminels sont poussés sur l'estrade par un garde ridiculement petit qui les fouette aux reins de son étoile du matin. Ils sont introduits dans une cage couverte en son intérieur de pieux métalliques. Sumac, le nouveau Hiérophante du royaume, fait un signe solennel en direction du bourreau. Ce dernier pose ses mains cyclopéennes sur la manivelle et, bandant ses muscles, ébranle le mécanisme. Les parois de la cage se rapprochent au rythme régulier de la rotation des engrenages. Les condamnés poussent d'affreux cris alors que les pics viennent les transpercer de toutes parts puis les écraser l'un contre l'autre. En un ultime effort, le demi-ogre entame le tour qui brise leurs squelettes fragilisés par la disette. Quelques applaudissements courent dans la foule ; l'entrain n'est pas là, ça n'est pas pour ça que les paysans sont venus si nombreux. Sumac déglutit et tamponne son front. Il transpire dans son lourd attirail doré. La raison de la démission de son prédécesseur et de l'impatience populaire s'avance à son tour pour être jugée : Iulot, fils unique de Wendel, héritier du trône, accusé et reconnu d'imprécation contre les dieux. Tout juste vingt-et-un ans. Il a le visage inondé de larmes et deux gardes doivent le soutenir pour qu'il ne s'effondre pas. Il implore des yeux son père le roi trônant au fond de l'estrade. L'Hiérophante guette à son tour une réaction royale. Les faits blasphématoires doivent être jugés avec sévérité mais bien des choses peuvent se soumettre à la discrétion des rois. Les accusateurs, un couple d'aubergistes dévoyés et trois hommes qui jouaient aux cartes, pouvaient finir leurs jours au fond du lac dans une indifférence relative. Un jeune homme apprécié de beaucoup et rendu vulnérable par la mort de sa mère, il pouvait être pardonné. Il peut d'ailleurs l'être encore. Cela s'est déjà vu plus d'une fois : le père du père de Wendel avait publiquement pardonné à une paysanne accusée d'avoir volé de quoi nourrir ses enfants. La clémence est une vertu divine. Ému, l'Hiérophante entame le verdict. « Au nom du roi Wendel... » Il ménage une longue pause, se tourne vers son suzerain, prie pour son intervention. On n'entend que les sanglots du prince. L’ecclésiastique implore les dieux de pardonner l'offense et de desceller les lèvres du roi. Rien. « L'individu est reconnu coupable d'imprécation et sanctionné comme tel. Que le bourreau fasse son office. » Recroquevillé au sol et suppliant qu'on le réveille de son cauchemar, le prince est traîné par les gardes jusqu'à une deuxième cage.


Le prince Iulot a trois ans et rit aux éclats. Sa mère la reine a posé sur sa tête une branche tordue et fait mine d'être un cerf. Une partie de campagne a été organisée à la faveur d'un temps radieux et la famille royale se prend au jeu d'un déjeuner sur l'herbe en comité restreint. Les domestiques sont restés au château et les gardes sont à distance de cri. Le chapon était délicieux et, exceptionnellement, on verse un peu de vin de châtaigne dans la coupe du prince. Le goût sucré le ravit. Le roi Wendel, comme un homme du peuple, va se soulager dans les fourrés à une centaine de mètres. Lorsqu'il franchit la butte qui donne sur le lieu du déjeuner, le bucolisme a fait place à l'abjection. Deux hommes ceinturent et bâillonnent la reine. On a tiré son jupon sur ses chevilles et un troisième lui claque les fesses en gloussant. Iulot est tranquillement assis dans l'herbe, semblant hésiter sur comment réagir à ce désordre. « Oh, mon gros bourgeois, tu tombes à pic ! Mes amis et moi, on allait justement donner une leçon de danse à ta bourgeoise. » Il défait son pantalon, se presse contre le bas-ventre de la reine, avec un râle de satisfaction, puis s'active avec brusquerie. Le roi est comme étourdi et ses grands yeux se perdent dans ceux de sa femme, où se mêlent la honte et le désespoir. « Tu dis rien, mon bourgeois ! Ça te plaît ? Tu as besoin de voir comment on s'y prend. Je sais pas comment ça se passe avec toi, mais là, elle adore. Pas vrai les gars ? » Les brutes acquiescent et rient bruyamment. Wendel presse son fils face contre lui pour lui éviter la vue de cette profanation. « Ben, laisse-le voir ! Au moins, il sera plus dégourdi que son père. » Iulot ne comprend rien sinon qu'un drame intime se joue entre ses parents. Sa mère hurle dans son bâillon. Le chef des vauriens glapit et se relève, prenant son temps pour remonter son pantalon, son vit dressé et suintant en ultime offense. « Madame, monsieur, petit, ç'a été un plaisir. J'espère qu'il a été partagé. » Quand Iulot se retourne, les trois hommes ont disparu et son père rhabille sa mère. Il flotte dans l'air des flammes qui taquinent la nuque du jeune enfant. « Pourquoi tu n'as rien dit, Wendel ? Je suis souillée maintenant !Pourquoi tu n'as rien fait, pourquoi tu n'as pas appelé au secours ? Quelle espèce de roi misérable, tu fais ! » Son père prend sa tête dans ses bras, se recroqueville. « Je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas. » Sa mère virevolte autour d'eux, ses bras s'élèvent et s'abaissent à un rythme infernal. «Lâche ! Tu as laissé faire, tu n'as pas appelé, et devant ton fils ! Wendel, tu ne mérites pas d'être roi ! Ça n'est pas la première fois que tu te montres si pleutre, si ? Quand ton frère... - Tais-toi ! » Elle devient cramoisie. Il répète : « Tais-toi ! » Iulot regarde les mains de son père autour du cou de sa mère, il observe les tendons se bander, les veines se gonfler. Un souffle caresse le visage mouillé du jeune prince.


C'est une lourde nuit d'été. Toute la famille royale est réunie au pavillon d'ambre. Au sommet des coupoles flottent les bannières à la truite argentée et leurs mouvements hypnotisent le jeune prince Wendel, entrant dans sa dixième année. Il a trop mangé de desserts, son ventre est gonflé. Il s'émerveille de la disposition des étoiles selon le plan des dieux. Il sait que c'est de l'orgueil mais il ne peut s'empêcher d'y voir son propre rôle au sein d'une constellation en forme de truite : fils de roi, futur frère et conseiller de roi, l'un des jeunes hommes les plus intelligents du royaume aux dires de beaucoup. Un cliquetis résonne sur le marbre du balcon et le tire de ses rêveries. Intrigué, le prince passe la tête par-dessus la toile de son lit aérien. Grande comme un âne, une créature abominable rôde dans le large couloir qui mène aux chambres. Une chimère ! Une bouche immense, indescriptible, toute en largeur et en dents prolonge une tête étroite où ne brille la lueur d'aucun œil. Le corps, trapu, est rugueux et luisant, comme celui d'un crapaud sorti de sa mare et se perche sur huit longues pattes extrêmement fines, semblables à celles d'un faucheux. Une queue touffue qui traîne sur le sol parachève ce grossier assemblage. Wendel se blottit dans son drap en essayant de se rendre invisible au monstre et l'épie du coin de l’œil. Il ne se sent pas en sécurité, bien qu'en hauteur. L'horreur hésite, tourne sur elle-même, puis s'engage pas la seule porte entr'ouverte, celle de la chambre de Scol, son grand-frère. Le prince est terrorisé. Il veut crier, prévenir ses parents, les gardes, qu'une chimère vient d'entrer dans la chambre de Scol. Mais rien ne sort de sa bouche. Les sons se bousculent contre ses dents, contre ses lèvres, sa gorge le brûle. Il engage toute son âme dans un appel libérateur, un cri d'amour fraternel. Quand il ouvre la bouche, un air corrosif embrase sa langue, l'entrave dans l'atonie. Les larmes lui montent aux yeux. Il voudrait taper dans ses mains à en réveiller tout le pavillon mais il reste paralysé. Conscient mais impuissant, Wendel attend. Un cri d'horreur résonne dans les coursives.


La vieille femme racle de sa cuillère les derniers morceaux de viande restés collés au bol. Son maître, le duc, la regarde avec intérêt dévorer le modeste plat qu'il lui a fait servir, cependant que du plat de la main, il martèle impatiemment la table. « Oh merci, Monseigneur, merci ! J'avions tellement faim ! » Madek lève sa chaise et la déplace pour s'assoir à côté d'elle. « Dites-moi, Ellia, êtes-vous une bonne croyante ? » Sans un soupçon de méfiance, elle lui répond qu'elle se rend quotidiennement au temple ou prie à l'autel lorsqu'il lui est difficile de se déplacer. « Et croyez-vous en le dieu-charbon ? - Oh non, monseigneur, ça, ce sont des balivernes de taverne ! » Un sourire jubilatoire déforme le visage du duc alors que, sous la table, sa dague perfore le ventre de la vieille. De son autre main, il la pousse à terre mais sa chute n'est pas interrompue par le sol, elle est engloutie à travers un carrelage qui a perdu toute substance. Un soupir de satisfaction et une voix aux intonations inhumaines résonnent dans la bibliothèque. « Hummm ! J'adore les hérétiques ! Madek, mon violent petit ministre, que me vaut cette charmante libation ? Ahah ! Non, laisse-moi deviner ! J'aime autant les devinettes que les offrandes. Tu as bien rosi, mon cher Madek. Qui t'a courroucé ainsi ? Ne dis rien, ne dis rien ! Oh oh oh ! Un garnement, ah ah, et de sang royal, évidemment. Sinon, tu te serais arrangé seul. Comme tu dois te sentir impuissant, mon Madek... Ridiculisé par un marmot tout juste torché ! Devant ton frère le roi ! AH AH AH ! Tu veux une réparation, Madek, tu veux la justice ? Ah ah, non, tu veux la vengeance, mon sanguin petit fauve ! J'en fais mon affaire, Madek ! Le petit bâtard va bien vite apprendre le silence. Ça, il continuera à cancaner à tort et à travers, à amuser son monde, mais quand il en aura réellement besoin, ses badines resteront aussi récalcitrantes qu'un con de moniale. Tu peux être réjoui, Madek : le prince Wendel souffrira bientôt plus que n'importe qui de sa condition de truite. »


Scol époussette pour la troisième fois de la soirée son épaule couverte d'une poussière marron. L'éprouvant voyage jusqu'au château de son oncle n'était que l'antichambre de l'enfer compartimenté que constituait cette visite : il faut maintenant supporter le climat abominable du Levant, son atmosphère étouffante et terreuse, la pesanteur inouïe qui se dégage de cette semi-ruine et surtout l'exécrable attitude leur hôte, camouflant son hostilité manifeste dans une gangue d'obséquiosité. Le repas est tellement frugal qu'il soupçonne le duc Madek d'avoir fait servir moins que son ordinaire. « J'espère que vous aviez bien mangé, mon frère. » Le roi Davenel cherche un bon mot, ne le trouve pas. « Disons que nous avons mangé. » Le duc rumine. « Je vous reçois avec joie, Sire, mais vous faire honneur est difficile tant mes terres sont infécondes. » Ses propos trahissent une rancœur profonde, celles d'un drame familial dont le prince ne connaît pas les ressorts. Le duc arpente la salle à manger de sa silhouette élancée. Scol est révulsé par son allure, sans pouvoir mettre le doigt sur la cause exacte de ce dégoût. Madek s'arrête à hauteur de Wendel, qui s'amuse tranquillement avec le contenu du poêle, un tisonnier à la main. L'homme s'agenouille auprès de l'enfant. « Prends garde, mon jeune neveu, en jouant avec les braises et le charbon, on titille les démons. Ils ont leur part au Levant, mais une âme noire, cela fait déjà beaucoup pour une seule famille. » Sans se retourner, le prince Wendel lui répond. « Mon oncle, monsieur le duc, je n'ai que six ans et j'ai pourtant passé l'âge de croire les superstitions de primitifs. Si je voulais l'avis d'un fou, je n'aurais eu qu'à demander à Mère de nous conduire dans les bicoques de nos serviteurs : il y a d'assez beaux cas parmi certains vieux. Je ne saurais dire si c'est le souffre qui émane de vos terres ou si l'âge vous déconvient précipitamment, mais vous devriez songer à moins ébruiter vos coquecigrues. Vous êtes déjà la risée de la famille, épargnez-vous le mal d'être celui de vos gens. »
Les yeux écarquillés, Scol regarde son jeune frère dont la surprenante répartie vient de pétrifier leur oncle. Il est abasourdi par son audace, sa tranquillité mais aussi l'aisance avec laquelle il manie la langue. Le roi Davenel lui aussi est interdit, mais un sourire de fierté apparaît progressivement sur son visage, de pair avec la peine qu'il a de le dissimuler. Madek, estomaqué, fixe son frère, attendant, sinon une cuisante calotte, au moins la réprobation de l'insolent. Un long silence cautionne son humiliation. Victorieusement, effrontément, le prince Wendel sifflote.


dvb s'était défendu avec le texte suivant :


Citation :




Le pauvre ère porta les mains à son ventre. Déjà les crocs de la mort se refermaient sur lui. Il s'écroula contre le mur de la taverne qu'il venait de quitter un instant plutôt.

« Ainsi donc, tel est le prix de la vérité. Traître tu as été, traître tu resteras ! Que les vents t'emportent, sois maudit étranger ! »

Je le regardai rendre son dernier souffle puis essuyai la lame de mon couteau sur le revers de ses frusques. Je rabattis ma capuche et rejoignis l'écurie où mon cheval m'attendais. En scellant ma monture, je me sentais pour la première fois libéré d'un poids. Ce fardeau me sembla soudain plus léger sur mes épaules meurtries.


* * *

La pluie tambourinait contre le toit de l'hôtellerie. J'occupais depuis plusieurs heures une place à une table isolée, tout occupé à rogner mon quignon de pain et à tenter de noyer mon ennui dans une bolée de cidre. L'écuelle de ragoût avait vite été engloutie et je ne souhaitais pas en reprendre, tant les relents âcres de saindoux et de mouton gâté m'irritaient le gosier. À côté de moi, un vieillard hors d'âge sirotait sa pitance, mastiquant du mieux qu'il pouvait avec les trois dents qu'il lui restait. Un peu plus loin, à une autre tablée, un groupe de mercenaires jetaient leurs dés à tour de rôle. Je lorgnais de temps à autres les rondeurs aguicheuses de la rouquine qui vidait sa cruche dans les timbales de grès de ses hôtes. La soirée me semblait d'ores et déjà perdue jusqu'au moment où une troupe de saltimbanques fit son entrée et se mit en tête de divertir le piètre public du local. Quelques rires fusèrent, des pièces furent lancées aux jongleurs qui adroitement escamotaient les plats vides pour les faire réapparaître dans une ronde aérienne d'un bout à l'autre de la salle. Puis lorsque tout ce petit monde eut applaudi, un conteur haussa la voix pour faire taire l'assistance.

« Gentils hommes et gentes demoiselles, connaissez-vous la véritable histoire des rois silencieux ? »

Quelques huées s'élevèrent à l'intention du colporteur. Bien évidement que tout le monde connaissait cette histoire. Il apaisa son auditoire de quelques gestes bienveillants.

« Non, non, Messieurs. Je ne vous parle pas des innombrables ragots qui courent depuis plus de trente ans à propos du geste du Roi Albericht et de la morgue muette du Roi Berthold. Non ! Je suis venu vous révéler la sincère et historique vérité sur le silence d'un roi. »

Ces quelques mots eurent momentanément raison des boutades et des contestations des voyageurs et des paysans du pays.

« En ce temps-là, aimable public, le Roi Albericht était en guerre depuis des années contre ses voisins inféodés. Sa grandeur avisée le poussa à étendre les limites de son royaume et à y apporter la lumière de sa sagesse. Ainsi, au fil des mois et des batailles, la contrée se plia devant les fières lames de ses fidèles guerriers, et une fois conquis, les hommes et les femmes nouvellement attachés à son royaume admirent bien vite les bienfaits et les vertus d'un roi aussi magnanime. Cependant, un dernier roi s'opposait farouchement à Albericht. Ce roi, que nous connaissons tous sous le nom de Berthold, estimait que nul ne devait se soumettre à un roi qui tenait plus du jardinier que du monarque. »

Sur ce bon mot, l'assemblée rit de bon cœur. Le conteur, ravi de sa répartie, reprit son récit.

« Je vois parmi vous, quelques jeunes visages qui ne semblent pas se souvenir de la réputation du bon roi Albericht. Sachez donc, qu'Albericht avait deux trésors inestimables cachés au sein de sa forteresse imprenable. Le premier et le plus magnifique qui soit était son épouse, Cymbeline. Les contes ne sauraient rendre justice à sa beauté, tant sa prestance et sa grâce dépassaient tout ce qui jamais ne foulât cette contrée. Albericht l'aimait d'un amour tendre et féroce, défendant avec une extrême jalousie l'honneur de son mariage. Ainsi il fût dit qu'à plusieurs reprises il ôta la vie de prétendants et d'admirateurs trop empressés de lui ravir sa reine.
» Le second trésor d'Albericht, et le plus étonnant, était un rarissime rosier qui offrait tout au long de l'année des fleurs aux teintes bleutés. Il s'enorgeuillissait lui-même de l'avoir dérobé dans le jardin d'un dragon qu'il terrassa dans sa jeunesse, lorsque, chevalier, il parcourait le pays dans sa quête d'aventure et de hauts faits.
» L'un comme l'autre de ces trésors étaient farouchement abrités dans son domaine, protégé par des centaines d'hommes en armes et par de hautes murailles immuables. Aucun de ses ennemis ne parvint jamais à venir à bout de ses défenses et la place forte qui ceignait son donjon demeura inviolée tout au long de son règne. Sur la plus haute tour, elle-même défendue comme aucune autre, il fit aménager de splendides appartements pour son épouse. Seul les pages et les servantes y avaient accès, eux-mêmes surveillés par les plus fidèles de ses gardiens eunuques. Il avait fait palisser le rosier au balcon de sa belle, et ainsi nul autre que lui ne devait jouir des fleurs secrètes de sa tour. »

De nouveaux sourires parsemèrent les visages du public captivé. Pour ma part, je repensais à ces histoires avec une certaine retenue.

« Au terme de ses guerres, Albericht parvint à vaincre tous ses opposants, y compris les armées de Berthold, pourtant réputées les plus cruelles et les mieux entraînées de toutes les landes qui s'étendent de l'Océan aux Montagnes Éternelles. Ainsi donc, Albericht se présenta victorieux dans la salle du trône du roi Berthold défait. Il arborait un sourire comme on ne lui avait jamais vu jusqu'à ce jour, car il n'avait dès lors plus aucun ennemi et son royaume couvrait désormais tous les pays. Flanqué de ses chevaliers, il pénétra la vaste salle dallée de marbre où l'attendait Berthold et les siens, prêts à attendre leur sentence. Les vaincus savaient qu'ils ne bénéficieraient d'aucune clémence de la part d'Albericht, pas plus qu'aucun des autres opposants du grand roi n'en reçut avant eux. Cependant, ils accueillirent Albericht avec une morgue muette et de mystérieux sourires aux lèvres. Lorsque Albericht s'arrêta devant le trône de son ennemi, il embrassa du regard l'assemblée et se figea. Les deux rois se toisèrent sans mot pendant un long moment ; près d'une heure entière, nous dirent les chroniqueurs et les témoins de la scène. Finalement, Albericht tourna les talons et s'en retourna sur le champ vers sa forteresse. Il cavala toute la nuit et le jour suivant pour retrouver son domaine et ne le quitta jamais plus. Nul ne sut la raison intime qui le poussa à renoncer à son ultime victoire et à laisser la vie sauve à son ennemi. Plus jamais Berthold ne fut menacé ou envahi car... »

Les auditeurs pendus aux lèvres du conteurs attendaient impatiemment la résolution de ce mystère vieux de plus de trente ans. Le barde ôta son chapeau et le tendit en direction de la première tablée au centre de la taverne.

« Allons, allons, Messieurs et Mesdames, la vérité a un prix, et pour vous elle sera bientôt révélée pour quelques piécettes. »

Une vague d'insultes amusées déferla sur le conteur. Il fut chahuté par les clients et ne glana que quelques trognons de pains, lancés à son visage en guise de représailles pour ce mauvais tour éhonté. Il était bien entendu qu'un mécréant de la sorte ne pouvait détenir la moindre parcelle de vérité. Les spectacles de la troupe reprirent après cet intermède misérable. Néanmoins, nombre d'aventuriers et de voyageurs présents, parmi les plus âgés, continuèrent leur soirée en échangeant leurs propres versions des faits sur le mystérieux silence des rois.

Je tendis l'oreille à ces racontars, persuadé qu'aucun ne pouvait se rapprocher de mon expérience personnelle et authentique de ce qui était désormais une légende.

Le vieillard édenté près de moi s'était levé et haranguait ses voisins.

« Moi je connais parfaitement la vérité ! Je peux vous la dire, j'étais clerc dans l'armée d'Albericht, j'étais là lorsque l'oracle lui avait rendu sa prophétie. Écoutez-moi ! »

Le vieux brailla ses souvenirs à qui voulait l'entendre. Il parla de l'époque lointaine, où lui-même était déjà un homme d'âge mûr. Les prêtresses des anciens dieux de l'Empire qu'Albericht était allé consulter quelques semaines après son accession au trône, vivaient encore dans les vestiges d'un temple presque oublié. Ces sorcières impies lui avaient dévoilé, selon l'ancêtre tonitruant, sinon un funeste avenir, comme il était dans leurs habitudes, tout au moins une mise en garde. Il était dit que le règne d'Albericht prendrai fin le jour où il verrait une lance de feu transpercer ses armoiries. Le vieux était ainsi convaincu, que le bon roi Albericht avait aperçu dans le hall de Bertold, un signe lui rappelant ce sinistre présage. D'après le vieux cacochyme, un des vitraux de la salle du trône de Berthold représentait les armoiries de la Maison d'Albericht, puisque leurs familles étaient soi-disant liées depuis des siècles. Lorsqu'il vit le dernier rayon du soleil illuminer le verre coloré de son blason, Albericht fit volte face et se cacha le visage pour se protéger de la prophétie.

Je restai observer le patriarche et guettai les réactions alentours. L'un des mercenaires de la table d'à côté explosa de rire. Son éclat hilare fut aussitôt suivit par ceux de ses compagnons. Le vieil homme vexé ne pipa mot et au moment où il se rasseyait, essoufflé, le capitaine des gens d'armes se leva et prit la parole à son tour.

« Vous voulez la vérité, hein ? Je vais vous la dire, moi ! La seule vérité qui soit à propos de ce fieffé froussard d'Albericht, je la tiens de mon propre père qui fut l'un de ses chevaliers. Il s'avère que notre « bon roi » était déjà sur la pente descendante à cette époque. Et s'il est vrai que sa morue de Cymbeline était un sacré lot, elle était surtout bien plus jeune que lui et ne rechignait pas à goûter un peu de bois vert lorsque son vieux mari battait la campagne pour fesser quelques roitelets voisins et s'emparer de leurs terres. Or, au moment exact où Albericht est en train de faire son entrée fracassante chez ce pouilleux de Berthold, l'un des espions de celui-ci lui rapporte les dernières observations qu'il a pu faire en lorgnant du haut des « murailles imprenables » vers le balcon de Cymbeline. Je vous le donne en mille, la jeunette se faisait monter par l'un des écuyers du roi. Fou de rage, il empoigna les rennes de son cheval et galopa pour rentrer vaille que vaille et espérer arracher les couilles de l'importun avant qu'elles ne soient totalement desséchées par l'avidité de sa Cymbeline.
» Je peux même vous dire que la jeune reine était bien moins douce et vertueuse qu'Albericht voulait laisser croire. Mon père m'a un jour rapporté qu'elle aimait passer ses nerfs sur ses gens et qu'elle poussait régulièrement ses servantes par le balcon lorsqu'elle n'était plus satisfaite de leurs services. Si, si, je vous le jure ! C'est mon père qui me l'a dit ! »

Le soldat de fortune se rassit sous les applaudissements de ses compagnons presque ivres.

Je décidai de laisser cette compagnie insignifiante pour me diriger vers la porte par laquelle je venais de voir le conteur disparaître un instant auparavant. Je n'eus aucun mal à le retrouver, adossé au mur de l'établissement où il comptait sa menue monnaie à la lueur chiche d'une torchère vacillante.

« Dis-moi, le barde, tu veux que je te raconte la vérité sur Albericht et Cymbeline ? lui demandai-je. Pourquoi il a quitté sans mot le domaine de Berthold et qu'il n'a plus jamais abandonné son enceinte fortifiée ?
- Parle-donc, étranger. Bien que je connaisse déjà la plupart des bruits qui se sont répandus depuis lors à ce sujet. Au pire tu auras parlé et m'aura tenu compagnie, au mieux j'aurai une nouvelle version à retransmettre.
- N'oublie pas que toute vérité a un prix, ajoutai-je.
- Je crains de ne pouvoir rien te payer, ma fortune est bien misérable et...
- Ne t'en fais pas pour ta fortune, elle n'en pâtira pas, lui assurai-je en écartant les pans de mon manteau. »

Alors je lui racontai tout ce que je savais. Je lui racontai comment, enfant, je fus enlevé aux miens et battu par les hommes d'Albericht. Comment ils firent de moi un serf et comment je tâchais de m'arracher de ma condition de garçon d'écurie en me rendant indispensable auprès des cuisiniers et des mitrons. Comment à la sueur de mon front, je trimais et m'élevais dans la hiérarchie ingrate des serviteurs et comment j'appris à lire et à parler jusqu'au jour où je fus remarqué par Dame Cymbeline. Elle était très jeune lorsqu'elle arriva mariée au donjon. Elle fit de moi un page et aimait me confier ses tourments et ses désirs. Lorsque je fus en âge de changer de voix et d'arborer mon premier duvet, Albericht commença à poser sur moi des yeux de plus en plus mauvais jusqu'à ce jour où il m'empoigna et me jeta à ses intendants. On me trancha les couilles comme on le fait aux porcs et aux bœufs. Humilié et diminué, Albericht me rendit à ma maîtresse. Dès lors celle-ci n'eut plus que du dédain pour moi et me fouetta régulièrement. Elle me garda cependant à son service, puisqu'elle aimait me rappeler ma condition lorsqu'elle s'ébattait avec la racaille de la cour de son roi quand celui-ci partait en guerre. Elle aimait me regarder dans ses moments d'abandon. Je me souviens des servantes qu'elle faisait précipiter par dessus son balcon si elles avaient le malheur de paraître plus désirable qu'elle.

Je relatai au conteur, ce jour où, j'entendis parler de la défaite imminente de Berthold, celui en qui j'avais placé tous mes espoirs, le seul seigneur capable de tenir tête au « bon roi », celui qui devrait l'abattre et marcher vers la citadelle, celui qui viendrait me délivrer de cette vie infamante. Je lui racontai comment je profitai des ébats de ma maîtresse pour disparaître et chevaucher vers Berthold, pour lui offrir mes services et me rendre coupable de traîtrise envers mon roi.

Je lui racontai tout ceci en même temps que je posai ma main sur la poignée de mon couteau et lui agrippai la gorge.

Et je me souvins. Je me souvins de ce jour où devançant les hommes d'Albericht, je me présentai devant le trône de Berthold et lui offrit une rose bleue.

Quand le bon roi vit la fleur dans les mains de son antagoniste il comprit cette unique vérité : qu'un seul de ses ennemis puisse entrer dans la chambre de son épouse, un ciseau à la main, et il ne pourrait jamais plus vivre en sécurité.

Albericht ne sut jamais qu'il fut vaincu par son propre page. J'avais assisté à la scène silencieuse, caché derrière les soldats de Berthold. Dès que le « bon roi » s'en retourna vers sa forteresse et son épouse, Berthold et moi nous firent cette promesse solennelle : nul ne devrait survivre à cette vérité. Il me confia le couteau avec lequel je devais tuer toutes celles et ceux qui soupçonneraient ma trahison. Il n'y en eut aucun, jusqu'à aujourd'hui, en cette nuit où je devais enfin me délester de ce fardeau qui me pesait depuis toute une vie.

Albericht était mort depuis longtemps et son fils lui avait succédé. Cymbeline avait vieilli et était devenue une bien triste créature.

Je fis avancer mon cheval vers les murailles du donjon. Avant de rejoindre ma minuscule chambre je devais récupérer mes ciseaux chez le maître d'arme. Lui seul savait bien les aiguiser. Demain je taillerai une nouvelle rose bleue pour l'anniversaire de Dame Cymbeline.


* * *


« Où étais-tu ? Albericht est rentré hier soir et s'est précipité dans ma chambre sans m'adresser la parole. Il a fait pendre toutes mes servantes et les autres pages. Je t'ai fait cherché partout, tu étais introuvable, misérable ! Il ne me reste plus que toi, maintenant ! Alors ? Où étais-tu, petit insolent ?
- J'avais à faire dans mon village natal, Madame.
- Ah... Je croyais qu'il ne te restait plus de famille là-bas.
- Il me restait un seul parent éloigné, Madame. Je suis allé le visiter une dernière fois.
- Bon. Et bien, ne disparaît plus ainsi sans mon accord. À partir d'aujourd'hui tu resteras à mes côtés.
- Madame, je n'aurai plus aucune raison de quitter ses lieux désormais. »


Aillas, quant à lui, avait présenté le texte suivant :

Citation :


Jorrig pose sa main sur le sable humide, sa vision se trouble alors que le sang empli ses paupières et trempe son visage. A genoux sur la plage, il ferme les yeux, sa douleur se muant en créature palpable dans son esprit. Ses griffes lacèrent son crâne, ses mâchoires se referment sur sa gorge tandis que le monstre s'enroule autour de son cœur pour l'étreindre. Jorrig sait qu'il ne mourra pas, pas aujourd'hui, pas encore, mais son âme est réduite à peau de chagrin, étendard déchiré battant le vent. Ses doigts s'agrippent au sable tandis qu'il s'écroule en pleurant, secoué de spasmes, misérable. Autour de lui, gisent les corps inanimés de guerriers en armure, les vagues rinçant les plaques métalliques, faisant scintiller le soleil de cette fin de matinée. Ces vagues teintées de rouge. La même couleur qui court telle une source délicate du torse de son fils.


XXX


La nuit tombe à peine, les derniers éclats solaires se perdent dans les montagnes, donnant aux hommes rangés en colonnes impeccables une aura resplendissante de puissance. Pourtant, ces personnages en armes sont le fruit d'une imagination fébrile, l'illusion d'un sentiment de solitude. Yeux vides et lèvres scellées, les fantassins attendent dans un silence effrayant un ordre pour les libérer de leur torpeur. Les arbres enclavent la vallée comme autant de renforts pour la sinistre armée, leurs branches déployées vers le ciel comme pour masquer son existence, faire disparaître au regard du Divin les innombrables. Mais au loin retentit le croassement d'un oiseau pâle qui, dans l'obscurité s'étirant, se perpétue dans un triste écho contre les monts. Ce cri sonne comme un cor pour les soldats figés et leur immobilité cesse alors qu'ils se tournent dans une même direction pour entamer leur marche. Quand le pied de cette multitude frappe le sol pour la première fois, la vallée fait résonance et l'air explose d'un battement violent, suivi de nombreux autres. Ils sont en route.


XXX


Une tête roule sur la terre, foulant l'herbe et teintant les tons ocres d'un cramoisi sirupeux. C'est le hurlement des mourants qui retentit avec le plus de force, dominant le fracas des lames et les courses effrénées d'hommes et de femmes terrifiés. Les bras se lèvent et abattent sur leur victime une colère impersonnelle, tranchant à cœur sans raison, taillant la chair. Rien ne stoppe cette marée brutale de corps sans âme, vouée à une tâche étrange et sordide, la destruction impitoyable et aveugle. Bientôt, le râle d'agonie s'étouffe pour ne laisser place qu'au sourd roulement de tonnerre des bruits de pas. Il ne reste rien que des ruines, des flammes vives, des braises ardentes prenant place sur les reliefs d'un peuple civilisé.

Soudain, le vacarme cesse, l'armée s'immobilise. Les instants passent sans qu'un murmure ne vienne perturber cette absence de mouvement, cette absence d'existence. Mais là où les guerriers auraient pu s'arrêter à jamais, un éclair déchire le ciel et pointe d'un index pernicieux le nouvel objectif. Vers la houle saline, les dunes revêches, la horde muette se retourne et entame sa procession.


XXX

Dans ses appartements, un jeune homme joue à dieu, tourné vers le monde, un monde qu'il ne comprend pas, il agite les doigts pour faire se muer à mille lieux des forces qui le dépassent. Dans son château bien à l'abri, la guerre se joue, unilatérale et dans l'inégalité la plus totale, sans mission ni pitié. Le garçon traite de la magie comme il traite la vie, sans égard ni compassion, pourtant il a reçu une longue et fastueuse éducation. Mais quand l'ennui arrive, automne déprimant dans la vie de l'adolescent, celui-ci s'est pris en affection son pouvoir de destruction, s'alimentant de la satisfaction de mener sans vergogne les villes à la charogne. Entre ses cours, entre ses nuits, ils alimente le feu de la folie, déversant sur la terre des enfers irréels. Peu lui importe le mépris des autres, sa frustration se sublime en massacres colorés, il s'en nourrit jusqu'à l'engourdissement.

Le jeune homme arpente sa chambre à la recherche de nouveaux horizons à conquérir, de nouveaux espaces à saccager, de nouveaux terrains de jeu à développer. C'est là que lui vient l'idée d'amener son armée aux pieds même de son château, poussant le vice jusqu'à faire le pari de qui entre lui et sa création possède le plan grand potentiel.


XXX


Jorrig pose sa main sur le sable humide, sa vision se trouble alors que le sang empli ses paupières et trempe son visage. A genoux sur la plage, il ferme les yeux, sa douleur se muant en créature palpable dans son esprit. Ses griffes lacèrent son crâne, ses mâchoires se referment sur sa gorge tandis que le monstre s'enroule autour de son cœur pour l'étreindre. Jorrig sait qu'il ne mourra pas, pas aujourd'hui, pas encore, mais son âme est réduite à peau de chagrin, étendard déchiré battant le vent. Ses doigts s'agrippent au sable tandis qu'il s'écroule en pleurant, secoué de spasmes, misérable. Autour de lui, gisent les corps inanimés de guerriers en armure, les vagues rinçant les plaques métalliques, faisant scintiller le soleil de cette fin de matinée. Ces vagues teintées de rouge. La même couleur qui court telle une source délicate du torse de son enfant.

Jorrig est un Roi. Un Roi aveugle et sourd, dont le Silence envers son fils, envers ses caprices, a mis fin au règne paisible d'une terre prospère. Car un Roi s'occupant davantage de ses ouailles que de sa progéniture, crée le spectre des tyrans.
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