Réminiscence [Rôle Play sur la digue de Saint-Adobe en Ter Aelis]

Armée d’une armure corporelle capable de la protéger des traits maladifs de son filleul, Cassiopée se sentait plus à même de comprendre la situation. Elle écouta Kyara laisser place à Silissia qui essayait d’adoucir la colère de l’être maléfique à qui son filleul avait donné vie.
Ses derniers mots l’étonnèrent :

- « J'ai mis un peu de temps à me présenter face à toi... Je m'en excuse. Mais faut dire que tu n'as pas perdu de ton sang chaud Hezeriel. »

Qui était donc cet être à qui elle avait porté son aide ? Cet individu méritait-il vraiment la peine que toutes ensemble elles fournissaient ?
Sentant sa volonté faillir, Shyon émit un appel lointain, comme pour lui rappeler qu’elle était là pour lui, que leur lutte le sauverait, lui…
Alors Cassiopée, recula pour se porter vers Grendelor et Nahis. S’approchant d’elles, elle fut soudain envahie d’une myriade de guirlandes de couleurs et de sensations enchevêtrées, une paix sans précédent la ravit. Ainsi, les deux femmes ne cessaient de l’aider, mais leurs efforts fantastiques ne portaient pas encore suffisamment loin pour atteindre le métamorphe.
Elle unit sa main à celle de Nahis et de Grendelor et accrocha l’air qui les entourait libérant les petits souffles ; elle étendit les ondes lumineuses pour y laisser glisser les ondes bienfaitrices et apaisantes de ses amies.
Un formidable morceau de calme, de sérénité et d’amitié fut lancé aux quatre coins du vent, résonnant avec force et couleurs sur le lieu même où était posé Sang Zoltan.

Le loup noir tourna ses yeux cendrés vers Kyara. Les poils dressés il la fixait longuement. Les vagues d'apaisement filtraient ses hésitations sans pour autant arriver à le calmer vraiment. Replié sur lui même Shyon tremblait un peu. Des vents froids couraient sur le paysage et l'onde troublée attrapait la digue puis se retirait brutalement. Une langue d’eau jaillit brusquement et frappa Sang. Dans le choc réapparut le jeune Chevalier. A son front l’opale brillait faiblement. Un courant d’air tourmentait ses cheveux en bataille.

Puis ce fut l’étrange vision d’une lumière descendant des cieux et formant un halo d’une pureté sans pareille. Dans les mains de sang naquit un Arc luminescent qu’il tendit en direction de Shyon. Une flèche ainsi qu’un rayon d’or se forma et fila dans le cœur de son compagnon. Les ondes d’influence de Cassiopée, Grendelor, Nahis et Taranis restèrent autour a voleter en pétales roses. Sang voulait retrouver son tendre éclat d’âme et mu par un instinct il œuvrait en ce sens. Shyon étendit ses vastes ailes et s’embrasa au contact du trait. Des trainées de poussières se dispersèrent puis rejoignirent le cœur de Sang. Une aura puissante s’insuffla dans ses poumons et tout son corps plia sous l’infiltration de sa Mémoire disparue.

Alors il tourna sa tête et ses cils battirent une seconde. Dans sa tempête il portait un léger sourire. Il se tourna d’un quart pour être face à Silissia et retendit la corde céleste de son Arc. Dans sa tête un long fleuve de Mémoire, l’Ame grise de Shyon fleurissait peu à peu. Les Flots de sensations du monde autour de lui s’accrurent. Il sentait au fond de lui tous les mouvements de la nature et les déplacements d’air, sentait les présences de chaque être dans la configuration spatiale. Chaque respiration rencontrait son oreille et y chantait une harmonie particulière.

Et l’Enfant de Dieu retrouva ses sens… alors que le Pardon embrassait son front…

Hezeriel Shinobi, l’Ange aux deux Ames l’une dans le cœur de Dieu et l’autre dans le Néant tira son épée et la plaça ainsi qu’une flèche de jais sur la corde. Et tandis que ses doigts la tiraient une pointe de lumière naissait au bout de son épée. Alors le vent hurla d’un coup, comme arraché de ses molles rêveries et des nuées de poussières s’élevèrent du ciel. Hezeriel concentrait son énergie dans l’arc et en lent flux l’envoyait courir dans l’épée jusqu’à l’extrême pointe.

Cela faisait longtemps également… Ange Silissia… Depuis que vous avez eu la tendre envie de me crucifier au fronton de toutes vos Eglises...

Sa voix était douce et mélodieuse. Elle semblait flotter dans l’aura apaisante qui régnait par la force des personnes présentes.

Qu’êtes vous devenu….

Dans un instant étrange, il sembla qu’un loup dormait aux pieds d’Hezeriel. Puis l’épée encochée se gonfla d’une lumière corrompue d’air noir.

Il n’y a pas d’Avenir pour les Hérétiques.

Et la lame se fondit dans le feu d’Orion pour filer droit vers Silissia.

Hérétique... La langue de feu s'approchait dangereusement de cette inconnue qui avait pris possession de Kyara.

- Je suis morte Hezeriel... Le murmure se dissipa avec l'atroce bruit que cette attaque produisait. Oui... morte.

L'ange tendit la main, une boule d'un métal incroyablement clair vint la protéger de la déflagration qui se perdit dans l'océan. Doucement, la protection de Silissia se forma en lame dangereuse autour de son bras, alors que dans sa main, un large cristal sortait pour prendre la forme d'une épée. Elle s'inquiétait pour les personnes autour, ce n'était pas vraiment la réaction qu'elle attendait. Pourtant pendant un bref instant elle l'avait réellement aperçu. Tout espoir n'était pas perdu mais pour cela il lui faudrait replonger dans un passé que Kyara aurait voulu découvrir. L'arme toucha le sol pour montrer qu'elle ne l'attaquerait pas.

- Hezeriel. Je te trouve bien froid finalement. Silissia prit une grande respiration. Je vois que tu ne te souviens que des mauvais moment que l'on a passé ensemble. Au risque de me répéter une énième fois, à cette époque j'étais une mercenaire à la recherche d'une existence. Et tu étais ma proie. Seulement je ne suis pas allée au bout du contrat... Dois-je aussi te rappeler pourquoi ?

L'âme glacé, meurtrie part des souvenirs brûlant, des braises aux allures de poison. Ainsi donc il avait préféré oublié cette partie de l'histoire, la détestait-il tant ? Une sphère lumineuse jaillit de ses doigts et se transforma en loup.

- Pourquoi ne me regardes-tu plus avec tes yeux d'enfant ? Je peux sentir ta haine rôder autour de moi comme un chasseur traque sa proie. C'est injuste. J'ai tout autant souffert que toi mon Petit Loup.

Il fallait qu'elle le dise... Mais à présent il était bien trop tard, on ne peut jamais revenir sur le passé et c'était mieux ainsi. Le loup se transforma en un jeune couple au pied d'un arbre, lui endormie sur les genoux de sa belle. La jeune femme baissa les yeux.

- Très bien... Je te demande juste d'épargner cet endroit, il est sacré pour ses habitants. Son regard de jade croisa celui de l'homme. Au fait, as-tu toujours tes cauchemars ... cher fiancé ?

Appuyant sur les derniers mots, Silissia se laissa tomber contre le rocher derrière elle. Peut être le Louveteau viendrait-il encore lui rendre visite.

Hezeriel Shinobi fixait Kyara, l’arc tendu. Un moment il hésita. Il pensait que le feu d’Orion pouvait traverser les murailles de l’Ange. Son pouvoir avait considérablement augmenté, il ne l’avait pas senti. Le Rayonnement qui l’entourait l’empêchait de cerner les degrés d’énergies avec assez d’acuité. Il soupira et baissa son arme. Le feu trembla un peu puis s’éteignit.

Les volutes d’apaisement glissaient encor dans sa tête. Il laissa les échos de musiques l’enivrer un peu. Il n’éprouvait qu’une haine froide, sans émotion. Sa quiétude annihilait les éventuelles angoisses. Inconsciemment il renvoya même dans les Ames environnantes une mélodie douce et entêtante. Les échos pesèrent ainsi qu’une poudre de Morphée. Il sentait les cœurs autour ralentir peu à peu et voler dans les zone nébuleuses du Sommeil. Le sien battait d’un rythme imperceptible dan s une harmonie lancinante.

Sang essayait de se souvenir vaguement de ses cauchemars mais son Ame Mémoire n’avait pas encor recouvert son corps de tous ses souvenirs. Il hésitait un instant sur l’attitude à adopter.

Les Voyages dans le Néant ont une sale habitude…ils vous démontent un peu l’esprit…

Les mélopées oniriques prirent plus d’ampleur et se diffusaient de plus en plus vite. Sang était comme figé dans le paysage

Et qui parle donc de fiancé…quand vous êtes déjà marié.. ?

Sa voix était devenue plus grave. Et dans l’instant qui suivit son déplacement parut ne pas exister. Ce ne fut que quand ses ailes se durcirent pour former des lames acérées et vinrent traverser l’épaule droite de Kyara que l’ont pu sentir sa présence a deux centimètres d’elle. Il se tenait droit, dans la même position, le visage grave. Son opale au front brillait d’un feu obscur et ses yeux s’étaient voilés d’une couleur pourpre. Il regardait l’Ange fixé au rocher par l’une des ailes de Sang. La deuxième trancha l’air et lui perfora le ventre.

Je t’ai aimé…

Une larme naquit dans le coin de son œil droit, tel un crystal aveuglant.

Ne fléchis pas devant Dieu.

Ce murmure, tel l’écho d’un souvenir lointain vibrait dans l'air ambiant. Le sifflement aigu du vent à travers les créneaux de la digue stoppa abruptement, comme suspendu par les envolées lyriques et enivrantes d'une sirène. Le temps n'était qu'un mince filet d'eau s'écoulant lentement d'une cruche renversée par les actes dérisoires de l'Homme.

Les protagonistes ici présents furent tout aussi stoppés dans leurs actes que le poisson innocent est frappé par le bec avide du goéland. Figés, leurs regards se dirigèrent unanimement vers une brume disparate à l'horizon. Elle arrivait à grande vitesse, attirée à eux comme la mouche par le miel, et il ne fallu que quelques secondes avant qu'elle ne fut tout à fait visible de tous. Voluptueuse, opaque, on distinguait tout de même sur ses contours quelques formes typiques de l'être humain. Des têtes sortaient alternativement de l'être volatile, jamais la même, mais toutes avaient une expression torturée, souffreteuse, agonisante...

Puis la brume rétrécit, comme comprimée sur elle-même. Agitée de soubresauts grotesques, elle fut bientôt réduite à la taille d'un homme, et en comportait tout les aspects. C'est un jeune mâle au teint blafard vêtu simplement qui sortit de ce nuage gris comme on passe à travers une porte.
Bonjour résonna dans toutes les têtes.

Koran émit un sourire chaleureux qui contrastait étrangement avec ses yeux vides et laiteux à demi ouverts.

J'ais gravis les plus hauts sommets, plongé dans les plus profonds océans, traversé les plus grandes plaines, vagabonder dans les plus infectes taudis, visiter les villes les plus peuplées… J'ais vu tant de choses dans ma vie que ma mémoire en est presque saturée, asphyxiée. Tout en disant ceci, l'aveugle marchait en direction de Sang, le fixant de son regard sans vie. Son sourire s'élargissait au fur et à mesure de son monologue.

On pourrait même dire que mon esprit ne m'appartient plus, qu'il est l'unique œuvre du Tout Puissant tellement il est surchargé des souvenirs de ce Monde. Mais voilà, toutes ces années de voyage solitaire sont aujourd'hui récompensées par une merveilleuse trouvaille, Toi. Et c'est en finissant sa phrase qu'il pointa son doigt devant le nez de Sang. Koran ne souriait plus.

Il est dis que l'homme fier et courageux connaîtra milles souffrances mais jamais ne fléchira devant les œuvres impies de l'hérétique, qu'il n'aura pour seule compagnie que son épée, et son esprit pour faire face aux épreuves divines que Dieu lui imposera pour atteindre le Sanctuaire de l'Immortalité.

Il prit une inspiration et hurla, Foutaises !

Puis le silence. Tout se passa très vite, une seconde s'était écoulée, le rouge fleurissait déjà. L'épée de Sang faisait jaillir un flot pourpre de part et d'autre de Koran. Plus rien ne bougeait, si ce n'est le sang de ce-dernier qui, une fois au sol, s'évaporait à une vitesse folle, créant un épais brouillard autour des deux individus. Le regard blanc de Koran était plus éteint que jamais.

Mais sa bouche reprit vie soudainement.

Quelle merveilleuse expérience que la mort ! S'exclama l'aveugle grandiloquent.

Son visage se réanima, comme une poupée dont les fils se retendaient aléatoirement. Le spectacle était étrange, dérangeant, presque glauque. Ses mains vinrent s'accrocher le long de la lame, tirant sa figure atroce toujours plus près de celle de Sang.

Arrivé à la garde, il murmura à l'oreille de l'Ange, Ça fait un mal de chien, et ça me coûte beaucoup de faire ça, mais le jeu en vaut la chandelle.

Le torse de Koran se transforma alors en brouillard compacte et ses bras, deux énormes serpents grisonnants, vinrent s'enlacer autour du cou de Sang. L'Homme de Brume plaça son regard directement en face de celui de l'être ailé et prononça ces quelques mots tout en serrant de plus en plus fort, Je me présente, Koran le Brumeux. Humble défenseur de l'Homme et des ses droits, nuage autodidacte à temps partiel.

Un battement de cil. Si vite et si soudain avait été le changement que les quatre demoiselles n'avaient pu bouger. N'avaient pressenti le futur esquissé. Terrible.

****

La bouche entrouverte d'espoir, les mains serrées dans celles de ses amies, Nahïs souriait dans la tempête des événements. Les rubans colorés naissaient de son esprit, aussi facilement que le vent sème ses graines de folie. Elle se sentait transportée, tout à la joie du changement qui s'opérait en Sang. L'Ange noir devenait Innocent. Mais... les échos d'une histoire sombre revenaient à la surface, comme le témoignait à présent la posture agressive des deux protagonistes, face à face. Rien d'innocent. Kyara et Sang. Sang et Kyara. Les tempes bourdonnantes, la lutine tentait de comprendre le passé lourd qui semblait les lier. Et tout s'accéléra.

****

Le temps d'un battement de cil.

Nahïs rouvrit les yeux. Sa bouche, d'arrondie, se fana. Ses yeux rieurs s'agrandirent de stupeur. La scène peinte devant elle lui semblait sortie tout droit des légendes de l'Académie. Kyara clouée au roc, Sang aux prises sifflantes de serpents. Enfin, un nouvel être effrayant. L'étrangeté s'installait sur la digue...
Le souffle de la lutine s'affola d'un seul coup. Il fallait agir. Mais quoi faire? Comment? Fébrile, Nahïs se détacha de la chaîne d'Amour. Ses pieds volant, elle virevolta vers l'ange femme, agonisante. Les ailes coupantes plantées dans les côtes. Aussitôt, elle s'agenouilla délicatement près de la jeune femme, faisant abstraction du combat qui se déroulait près d'elle. Caresses papillonnantes sur les ailes de Sang... caresses ensorcelantes... les ailes se modelaient... lentement. Caresses pressantes, pressées et appréciées. Sous le doux effleurement de la lutine, elles s'émoussèrent, tranquilles... libérant un fleuve de sang, mais laissant fuir leur proie : l'ange Kyara. Les yeux constellés des couleurs éparpillées au vent tout à l'heure, Nahïs contempla alors la vie qui fuyait la moribonde. Doucement, elle avança sa fine main pour épouser le contour de la joue livide. Des perles de larmes chatoyantes roulèrent, se détachèrent, puis glissèrent sur le visage de l'Ange, traçant un chemin de couleur jusqu'à la naissance du cou. Voie vers l'Espérance...
Nahïs murmura :

-Il n'y a pas de vie là où il n'y a pas d'espoir...

Puis,regardant Grendelor et Tàranis, elle leur sourit. Peu de personnes les supplantaient dans l'Art de la guérison...

Choc. L'esprit ouvert en grand, laissant s'échapper des flots d'Amour, Grendelor subit de plein fouet l'attaque de Kyara. Seul le contact des mains de ses amies l'empêcha de quitter son corps sous l'impact. Le cours du temps s'était encore accéléré. Brume mortelle contre ange assoiffé, le monde tournait à la folie. La lutine quitta le cercle protecteur, défaisant de sa douceur les méfaits de la noirceur. Kyara s'effondra, inerte, parcourue de flots rubiconds auxquels se mêlèrent les larmes colorées de Nahïs.

Agir. Se coupant du monde, noyau d'airain qui rien ne saurait arrêter, la dame turquoise se précipita au chevet de l'agonisante. Vite, vite. Le temps fuyait, fol oiseau. Sang et sang. Sauver l'un mais ne pas perdre l'autre. Une orbe d'un rose lumineux fit son apparition dans les mains de la guérisseuse. Le regard perdu dans ses volutes irisées, main légère sur la blessure, plus rien n'existait que les flux de magie parcourant le corps de l'ange. Couper ici, passer par là, tissage complexe et profond. Trop d'énergie. Pas un bruit, pas un mouvement, l'univers avait cessé de tourner, retenant son souffle. Un mince filet d'esprit toucha l'elfe Tàranis. Puissance. Besoin intense. L'orbe pulsait, se teintait de violet orageux, rubans tournoyant à sa surface. Le flot de sang se tarissait, lentement.

Les choses allaient si vite, Tàranis ne les suivait plus, elle les constatait alors qu'elles étaient passées. Une attaque, du sang sur un roc, sang d'ange gâché par la folie d'un autre. La lutine, sans hésiter, s'était élancée vers la blessée pour lui venir en aide, mais seul un miracle pouvait la sauver. Un miracle? Evidemment, de la magie! Ses yeux s'étaient aussitôt tournés vers les seules en mesure d'agir.

Grendelor s'était aussitôt mises à l'œuvre tandis qu'un homme de brume, un homme étrange, était arrivé, accaparant l'attention de l'ange maudit. Ils les aidaient. Tàranis ne savait pas qui il était mais la situation était critique.

L'elfe sentit l'appel de Grendelor, penchée sur Kyara. Elle n'avait pas encore lâché sa flûte, ce qu'elle fit enfin en rejoignant la blessée. Elle s'agenouilla alors aux côtés de Grendelor et entonna un chant. Mais pas n'importe quel chant. Il pénétrait les chairs pour chasser la douleur. En même temps, l'elfe posa une main sur l'épaule de Grendelor, lui donnant accès à son énergie si elle en avait besoin.

Les yeux horrifiés de Cassiopée regardait la scène. L’embrasement de Shyon avait brisé le lien mental qui les reliait. En un moment de lucidité aveuglante, elle avait aperçu l’âme profonde de Sang dans laquelle plongeait celle de Shyon. Elle avait failli la suivre attirée par l’âme dragonne qui ne l’avait lâchée qu’au moment de la fusion totale.

Lorsque Sang avait voulu utiliser le feu d’Orion contre Kyara qui s’était dressée seule pour l’affronter, la Dame des Etoiles s’était rigidifiée d’effroi. Le feu d’Orion était un feu protecteur, il ne pouvait être utilisé pour détruire sans conséquences célestes. Toute son âme s’était opposée à cet acte destructeur, si bien qu’elle n’avait pas senti la transformation brutale des ailes en arme et que Kyara se retrouvait percée de part en part.
Elle se retrouvait érigée, tranchante et dure face aux éclats de vie. Kyara mourait et elle était incompétente pour l’aider.

C’est alors qu’elle perçut la brume autour d’elle. Un être venait les aider, un être d’une puissance incomparable...

Alors que Cassiopée tentait de retrouver pied et de ne pas perdre son âme encore si attirée par Shyon, Nahis réagissait quittant le groupe pour libérer Kyara. Cassiopée la suivit tel un bouclier brandi contre les assauts des anges exterminateurs. A son tour, elle utilisa le feu d’Orion et enveloppa Kyara, Nahis, Grendelor et Tàranis d’une aura tissée de la nuit stellaire. En son sein le feu d’Orion grondait lançant ses langues mauvaises vers le lieu de l’affrontement.

Hezeriel Shinobi sentit des frissons le parcourir quand les serpent l'étreignirent. Il ne connaissait pas cet être et n'arrivait pas à le définir. Ses ailes se défirent peu à peu de sa proie par l'intervention de Nahis. Il restait immobile l'épée dans le corps de l'inconnu.

Qui es tu...?

Ses lèvres avaient tremblé. Il avait presque balbutié les mots. Son front s'était incliné. Puis ses ailes libres claquèrent. Ses pointes effilées fixèrent les montres sur place. AU même moment il sentit les langues d'Orion le lécher.

Ils croient que tu vas les aider...

D'une main il attirait le feu d'Orion à lui, comme dans une sorte d'attirance incompressible. Son visage se transmuait dans une tristesse évasive. Il n'avait pas un ange en face de lui, ni un homme. Des vents doux câlinèrent ses joues. Sang s'enfonçait dans une tendresse enfantine et les éléments l'accompagnaient. Il goûtait à la musique de Taranis, se réfugiait dans l'innocence de Nahis et ressentait les effets calmants de Grendelor. Il avait l'impression que toutes ces ondes faiblissaient l'oppression que lui imposait le dénommé Koran.

Ils croient que tu vas les aider...

Le Feu d'Orion l'embrasait complètement. Des courants de flamme divin parcouraient tout son corps.

Alors...aide les...

Dans l'incendie les fibres du corps d'Hezeriel Shinobi se désagrégèrent peu à peu. Jusqu'à ce qu'l n'y ait plus rien de lui. Seulement une trace d'incandescence au sol et un air de souffre dans l'air. Peu à peu sa présence s'effaça et il ne resta plus aucune trace de l'Ange Noir.

La tempête se calmait. Haine diluée, retour à l’enfance. Changement subtil, rapide.
Profitant du répit, Grendelor s’appuya sur la force de Tàranis. Elle ne quittait pas des yeux sa « patiente ». Elle ne vit pas la disparition de Sang mais la ressentit au plus profond d’elle-même. Occupée comme elle l’était, le phénomène fut simplement noté et rangé dans un coin de son esprit.

Accaparée, plongée au plus profond du corps de l’ange/fée, sa belle-sœur et amie, la jeune femme manipulait les flux de magie et d’énergie. L’hémorragie était endiguée. Cependant le danger guettait encore. Les tissues déchirés se nécrosaient rapidement et le corps de Kyara faiblissait. D’une constitution fragile, la perte de sang conséquente, l’effort de la bataille ainsi que sa transformation avaient vidé les forces de la jeune femme. La guérisseuse se battait avec ténacité sur deux fronts, insufflant de l’énergie pour soutenir le corps défaillant de Kyara et réparant les dégâts causés par les ailes noires.

Malgré l’aide de son orbe, d’un bleu nuit presque noir à présent, et de Tàr qui, en préservant de la douleur, réduisait les pertes d’énergie, Grendelor s’épuisait, luttant contre le temps.

Danger. Koran ne put s’écarter à temps des flammes venues lécher ardemment ses molets et ses cuisses. Douleur. Sang disparu, la brume de Koran commença à s’évaporer sous l’influence du brasier toujours présent autour de ses jambes. Une fois revenu à ses dimensions normales, le feu s’attaqua au torse de Koran qui du faire appel à ses dernières ressources pour faire taire la souffrance qui sourdait de sa peau. Un vent violent provenant du fin fond des poumons du brumeux vint souffler le brasier, mais l’aveugle était bien trop épuisé pour réparer les dégâts qu’avait subi son derme. Etrangement, les brûlures parcourant son corps n’étaient pas d’une gravité absolue mais étaient tout de même assez profondes pour nécessiter plusieurs jours d’alitement.

Elles se soigneront par elles-mêmes... pensa-t-il.

Il s’aperçu soudainement que ses chausses avaient disparu lors de l’incendie, et cacha prudemment sa nudité en enserrant son manteau autour de ses hanches, ou ce qu’il en restait. Torse nu, ses cheveux blancs pendaient négligemment sur ses épaules, dissimulant à moitié des inscriptions aux allures aériennes sur son dos.

Koran, sans force, regarda, ou tout du moins dirigea son visage vers les différentes personnes présentes à quelques mètres de lui. Il senti une étincelle de vie en péril, une autre qui tentait tant bien que mal de la raviver en puisant dans les forces d’une troisième, ainsi qu’une muse redonnant espoir, courage et volonté. Une autre âme était présente, calme et apaisante personne. Mais ce qui intrigua le plus les perceptions de Koran, c’était les deux esprits véhiculés en un seul corps. L’un était gracieux, agréable aux sens, vivifiant, tandis que l’autre était le siège du désespoir acculé par la soif de vengeance. Rage et haine s’entremêlaient douloureusement pour expulser le légitime occupant hors de son emprise charnelle.

Se concentrant sur ce fait étrange, l’aveugle doué d’un troisième œil identifia les deux essences se battant pour le contrôle d’un seul et même corps. Le premier avait un nom, Cassiopée, et était aux prises avec... Avec Lui !

La folie reprend ses droits.

Disparues les brûlures, disparues les autres vies autour de lui, plus rien n’avait d’importance.

Koran se rua sur l’abomination qui venait de prendre place dans une nouvelle dépouille, dans ses yeux les micro-vaisseaux rompaient les uns après les autres, injectant le blanc de ses yeux d’un rouge vif, un rouge qui ne présageait rien de bon, un rouge Sang.

Sa main transperça violemment la chair, déchirant les muscles et autres organes au passage.

La folie reprend ses droits !

Du fond des éléments, mélangé à l'air ainsi qu'une âme arrachée de ses liens physiques, il était une force qui allait ainsi qu'un vent. Sang s'était évaporé, revenu aux valeurs premières de sa création. Une pensée de Dieu vaporeuse. Son corps éthéré trainait en rosée fragile et dans un effort extrême il avait tu tous les cris de son essence. Jusqu’à ce que sa condition d’ange damné l’oblige à se raccrocher au réel. Il s’était évaporé pour fuir le combat rapproché contre l’Étranger, mais il savait pertinemment qu’il ne pouvait rester indéfiniment dans cet état. Il ne connaissait pas cet homme et cela l’angoissait. Il aimait encore moins cette incapacité à le définir. Koran le brumeux lui échappait. Avec prudence il ne recouvrit pas son apparence. Il voulait l’observer.

Shyon avait percé dans l’âme de Cassiopée une faille à travers leur attachement brusque. Un détail sentimental pour certain, une brèche pour Sang. Il concentra son énergie en un seul point et avec lenteur se fondit dans les entrailles spirituelles de sa marraine. Peu à peu son âme s’insinuait dans chaque fibre jusqu’à rentrer en conflit avec l’esprit même de Cassiopée. Il n’y eut pas de conflit. Les consciences se reconnurent et il sembla que tacitement elles convinrent de se côtoyer. Face à cette facilité surprenant l’âme double d’Hezeriel Shinobi échappa trop d’afflux essentiel et une aura triple embrasa Cassiopée. Il fallut peu de temps avant de voir Koran s’abattre sur eux avec une rage meurtrière. Le coup porté ébranla le fragile équilibre et les essences multiples tressaillirent. L’harmonie naissante explosa littéralement. L’énergie de Sang augmenta brusquement. Cette explosion satura les veines, inonda la chair et la modela sous les vagues ravageuses de forces libérées. La double Âme de l’Archange Hezeriel Shinobi s’imbriqua dans une absolue nécessité à celle de Cassiopée. Et le néant, comme un monstre caché emporta le corps. Au fond des runes sacrées qui définissent les auras des êtres une combinaison mystérieuse s’agençait. Ombre et Lumière se fondirent en une Synthèse inespérée. Et dans la fracture, les iris de Cassiopée se scindèrent en trois. A chaque part sa couleur, son intensité, sa nuance. La Triple Âme venait d’achever une Métamorphose déchirante. Était né d’un hasard un monstre qu’on nommera un jour l’Archange Triple.

Le feu d’Orion brûlait… Enveloppant les femmes comme un manteau de flammes célestes. Dans la voix lactée, Orion le Géant grondait de mille feux. Chasseur amoureux, il surveillait la Reine Cassiopée dont le trône restait vide depuis bien longtemps.

Cassiopée se concentrait sur le bouclier ainsi tendu mais la proximité de Shyon encore présente dans son esprit l’empêchait d’entendre les grondements d’Orion.
L’âme dragonne résonnait encore dans les pensées de la Dame des étoiles.

Elle fut, soudain, comme envahie d’un flux vital d’une force telle que son âme s’écrasa, concentrée d’énergie en un coin de son corps. Sa conscience lutta pour reprendre sa place se glissant parmi les voix et les murmures. C’est alors que Cassiopée cessa de résister. Elle venait de reconnaître l’âme dragonne qui l’enjoignait de l’accueillir. Sur ses gardes, Cassiopée étudiait le comportement de Sang. Son esprit prit conscience du changement violent qui s’était opéré en eux. L’âme dragonne détentrice de la Mémoire avait tracé son chemin dans celle de l’ange noir.

Orion combiné aux trois énergies cumulées grogna de plus bel jusqu’à atteindre la brume qui guettait, à l’affut de Sang Zoltan. Koran le brumeux les cherchait. Koran le brumeux les chassait… Mais Cassiopée n’eut pas le temps d’agir avant que ses chairs soient lacérées. La douleur fut si violente qu’un ouragan s’engouffra en elle, fracassant ses pensées sous les rafales de souffrance. Dans son délire, elle ne perçut l’expansion de l’âme double en son corps que comme un baume venant apaiser son mal. Pourtant, sa haine à l’égard du chasseur se gonfla de la rage de Sang.

Les blessures alimentaient l’énergie de l’ange noir. Et sous la pression spirituelle, le visage de Cassiopée se couvrit lentement d’arabesques sombres qui au contact de ses yeux en pourprèrent la prunelle divisant l’iris en trois afin de donner la vue aux trois âmes qui habitaient le corps unique. Sous l’afflux sanguin et vital, Cassiopée sentit sa puissance décupler pour s’allier à celle de l’ange du Néant.

Sur la digue, un maelström régnait. Les lames tourbillonnaient, drainant le ressac et la houle en une onde de force qui s’abattit avec violence sur Koran, l’entrainant vers les fonds colossaux des fosses ancestrales d’Atalante.
Alors que Koran se perdait dans les flots, Cassiopée sentit une main fraîche et douce lui prendre la sienne.
L'innocence de Nahis venait de l'atteindre, gagnant son âme... Elle serra plus fort la main tendue, sentant toute la douleur et la peur qui envahissaient peu à peu sa conscience.

Koran était plongé dans la plus complète stupéfaction. Plus rien n’avait de sens, les événements passés comme présents s’assemblaient difficilement dans sa Mémoire, comme un casse tête que l’on force pour arriver à une solution qui nous échappe totalement. Ni haut, ni bas. En avait-il jamais eu, ce monde ordurier dans lequel il vivait ? Vivre ? Ce détail lui apparut subrepticement.

Ses poumons s’ouvrirent en sursaut et reçurent des torrents d’eau salée qu’ils aspirèrent comme deux piliers de bars se soutenant l’un l’autre. Le cœur ne resta pas désœuvré, sa fonction de nouveau mise à l’épreuve, il recommença à pompé avec force et zèle le liquide chaud dont l’aveugle dépendait, si bien que dans ses yeux le sang coagulé craquela et lui fit l’impression qu’on arrachait ses globes oculaires. Il hurla, mais dans l’océan son cri ressemblait plus à un écho qu’à une expression innée de la douleur.

Il se noyait. Pris de panique, il fit mine de nager vers la surface, seulement... Où était-elle, cette surface salvatrice ? Son cerveau souffrait-il déjà du manque d’oxygène ? Aucune importance, Il allait mourir ici, il le savait désormais. Âme damnée de la mer, à jamais prisonnier de ses flots il errerait tel un fantôme à la recherche de marins pouvant étancher sa soif de vitalité... Sa prochaine existence lui apparaissait claire et inévitable tandis que la précédente lui revenait en pleine figure.

La Folie. Elle était toujours là, dansant inlassablement en son sein mais la fatigue tant corporelle que mentale de Koran avait fissuré la volonté de cette jeune femme attirante, superbe perle ambrée, piquante et tendre à la fois... Son esprit lui appartenait maintenant, il n’était plus entravé par cette douce tentation qu’était sa Folie... Mais pour combien de temps encore ? La mort pointait le bout de son nez, sa fauche se baladait tout près, à l’affut du moindre éclat de désespoir.

Je dois vivre ! Tant que je suis libre, je dois vivre ! Son inflexion mentale résonna si fort dans crâne que son désir de vivre en fut décuplé. La voix traitresse et venimeuse vint perturber son équilibre mais Koran put repousser ses assauts par la force que confère le dernier espoir.

Quand l’homme se sait perdu, la vérité refait surface et s’offre à lui.

Cette phrase s’accordait étrangement très bien à la situation, seulement lorsque Koran l’avait rencontré dans une conversation avec un prêtre durant son enfance, elle avait un bien autre concept.

Tu avais raison saint homme, la vérité m’apparait maintenant claire comme de l’eau de roche.

Explosion de joie devant cet état de plénitude que l’on acquiert en ayant découvert le sens de sa vie... Sa joie de vivre fut telle qu’il osa penser tout haut ce qu’il venait de comprendre... Et comme à chaque fois, sa douce attirance pour Elle fut trop grande.

Le doute, pensa-t-il, c’est l’essence même de la libre pensée. C’est pourquoi je doute encore et toujours de ma raison d’être. Mais dans ce cas-là, devrais-je douter de ce que je viens d’apprendre à l’instant ?

Le serpent se mordait la queue et tournait en rond.

Le dialogue entre Koran et lui-même se passa dès lors de parole explicites et ne dura pas plus que le temps d’une envolée de goélands fuyant un danger sans nom. Le ton montait, Koran ne savait plus qui il était. Celui qui voulait tuer ? Celui qui voulait aimer ? Les pensées s’enchainaient violemment, les idées fusaient dans son esprit, ravageant son âme et perçant son cœur de rage et de haine.

La Folie reprend ses droits.

Une fois de plus, cette phrase réapparaissait aux lèvres de Koran. La confusion de ce dernier fit une nouvelle fois place à la Folie, meurtrière et implacable, bien décidée à en finir de ses adversaires. En résumé, ce court épisode ne fut qu’un entracte dans la vie tumultueuse de Koran, maigre espoir de renouveau, mais espoir tout de même. Juste assez pour ne pas sombrer entièrement...

Je suis un aveugle aveuglé par ma propre vision des choses... Cette phrase, suivie d’un rire jaune, fut le dernier soubresaut du Koran qui venait à nouveau de mourir sous les pieds de sa Folie.

Surgissant de nulle part, le corps désarticulé du brumeux apparut derrière Cassiopée. Ou Sang, qui sait ? Toujours est-il qu’il se pencha sur leur épaule et s’exclama d’une voix fluette Rebonjour !

Et là-dessus, il attendit avec impatience la moindre de leur réaction, savourant à l’avance la surprise qu’il occasionnerait.

Toujours penchée sur Kyara, Grendelor avait pâli, son teint déjà blanc était devenu crayeux. Un sourire illumina pourtant son visage alors que disparaissaient les dernières traces de l'affrontement sur l'épaule de l'ange. Son amie était toujours inconsciente mais désormais son destin reposait entre ses mains et sa volonté. La guérisseuse avait fait tout son possible et, si rien d'autre n'intervenait dans le processus, sa vie ne devait plus être en danger. Toutefois il lui faudrait beaucoup de repos.

La jeune femme se releva en chancelant, s'appuyant sur Tàranis sans qui elle n'aurais jamais pu aller jusqu'au bout. Epuisée, elle porta un regard détaché sur ce qui l'entourait. Jusqu'à ce que le choc de ce qu'elle voyait la ramène durement à la conscience. D'un coup, son cerveau analysa tout ce qu'il avait enregistré pour recomposer ce qui s'était passé pour arriver à cet état de fait : Cassi était attaquée, intérieurement comme extérieurement. Le monde sombrait dans la folie.

Ilôt perdu au milieu des flots rageurs, Nahïs tenait la main de la nymphe.

Stupéfaction. Fatigue excessive. Les barrières mentales de la jeune femme faiblissaient grandement. La folie ambiante tentait de la contaminer, profitant de sa faiblesse. Luttant contre vents et marées, Grendelor tituba vers Cassiopée, s'effondrant contre sa poitrine, face au visage moqueur de Koran. Elle tendit un bras par dessus l'épaule de la nymphe et attrapa celle de Koran.

Contact établi. Esprits noués.

*Que cesse la folie et que s'apaisent les esprits !*

L'injonction résonna à travers les corps liés.

Voyage dans l'inconscient, voyage dans le non-dit.
Songe étoilé, douce étreinte dans le pays du calme et de la plénitude retrouvée.
La vision se trouble, les yeux piquent. Le temps de les fermer et la réalité est oubliée, perdue dans les méandres de l'esprit.
Deux flots de pensées s'entremêlèrent, se rencontrant pour la première fois, s'examinant mutuellement. Contact fébrile de deux entités indistinctes.

Peut-être était-ce pour faciliter l'assimilation des événements pour leurs esprits qu'apparu autour de Koran et de Grendelor une plaine infinie dont ils étaient l'unique ameublement, intrus dans un monde troublant.

Invités involontairement dans cet espace indistinct, ils restèrent un long moment à se fixer de leurs yeux insouciants. Rien ne bougeait, tout était figé dans cette dimension immensément nue. La communication de leurs consciences liées allait plus vite que n'importe quel mot jeté à tout va. Eux-mêmes n'avaient plus aucune prise sur ce qu'ils partageaient. Avaient-ils souhaité cela ? Peut-être pas, mais peu importait désormais.

Connaissances… Souvenirs… Ressentis… Plaisirs… Déceptions… Espoirs…
L'échange était si rapide que la pluie d'information qui s'abattait sur leurs têtes fut comme une douche froide pour eux, désagréable mais détentrice d'une certaine jouissance.

Prenant une inspiration, Koran se dégagea lentement de l'âme de Grendelor. Cela faisait longtemps que je n'avais pas remis les pieds ici. Il regarda le paysage vide autour de lui, rompant ainsi le lien qui l'unissait avec la jeune humaine.

Il posa sa main sur la sienne. Contact chaud et ennivrant. Son regard toujours vacant, vint se poser sur cette petite chose agréable et pleine de vie qu'il avait en face de lui.

C'est magnifique. Mais je n'ai pas le choix, je ne peux l'obtenir. L'absolu est hors de ma portée. Que je veuille être Tout, ou Rien, je ne suis digne ni de l'un ni de l'autre. Mais c'est ma raison d'être, tu peux… tu dois comprendre !

Ta raison d'être est-elle donc de tout détruire sur ton passage? Trop de sang a déjà coulé, continuer ne ferait qu'à aggraver les conséquences des actes insensés qui se déroulent ici. Vengeance divine, ange contre ange, chaine impitoyable qui broie ceux qui veulent simplement vivre. Grendelor plongea son regard bleu dans celui fuyant de Koran. Elle voulait sauver, aimer et jouir de la vie, non plus se battre.

Pourquoi vouloir l'Absolu alors que l'imparfait est tellement merveilleux? Pourquoi ne pas accepter cette vie pour ce qu'elle est, moment d'éternité, étincelle futile mais puissante ? Elle s'était approchée doucement de lui. Raison contre Folie. Joie contre Mélancolie. Vie contre Mort.

Koran sourit. Encore. Tu… n'as pas compris… Aucune importance… Pensa-t-il. Il posa ses lèvres sur le front de cette jeune femme déroutante. La réalité leur revint soudain comme un rêve disparaît aux tintements de la cloche matinale. Brutalement, avec douleur et accompagné d'un sentiment de perte. Rien n'avait changé, le temps était resté figé lors de leur escapade dans le monde des Songes.

Le brumeux n'avait pas quitté son masque de Folie, tout comme Elle ne l'avait pas quitté. Il tomba à Terre, soudain mu par de courts mais violents soubresauts qui faisaient exploser son corps en myriades de petites gouttelettes jusqu'à ce qu'il ne reste de lui qu'une humidité collante. Il laissa dans cette rosée persistante un murmure à l'intention de Sang.

Mon humeur, ainsi que mes actes, dépendent de mon entourage. On dirait bien que je suis trop sensible au sexe opposé… Tu as eu de la chance cette fois-ci, mais nous nous reverrons, sois-en sûr. Je crois que nos chemins sont si intimement liés que même le plus doué des marins n'arriverait pas à en défaire les nœuds…

Une dernière pensée pour Grendelor fusa , subtil regard en arrière, puis la présence de Koran disparut.

Sang contemplait l'étrange collaboration qui se tissait entre Grendelor et Koran. Une humeur sauvage le remplit peu à peu. L'opposition furieuse se contrastait. Elle perdait peu à peu de son sens. Mais il ne pouvait admettre que Koran s'effacerait ainsi, laissant sa rage seule face à aller même. Sa double ame grogna. Le triple iris de Cassiopée vacilla. Sang mêla Shyon à aux Essences de Cassiopée. Dans la douceur et la tendresse, l'Ame animale apaisa l'effroi de sa Marraine et la convainc de laisser l'étrange flot d'énergie la gagner.

Koran...Récolte...

Alors ainsi q'un vampire, Sang aspira toute l'essence de Cassiopée à travers Shyon et pliant le corps selon sa volonté la main de Cassiopée se tendit. Des vents glacés naquirent de l'onde. La température chuta à une vitesse vertigineuse. L'eau dans sa globalité et tout élément vaporeux et liquide se trransforma pour ne devenir que des étenudues de glaces à perte de vue. alors Sang força le Corps de Cassiopée a plier le genou et toucher le sol de ses deux mains. La température chuta encore, rendant plus difficle la respiration et les suspension des particules.

A quelle température, Sir Koran, vos celllules meme vaporeuses explosent... .

La fuite de Koran se lut alors comme dans un livre. Tous son corps brumeux avait laissé une trace dans les strates de l'atmosphère et le froid forma le chemin qui le séparait du Monstre. Sang à travers sa Marraine alluma le Feu d'Orion et embrasa avec le peu d'oxygène qui restait la route qui les séparait.

Dans la zone, Grendelor, Taranis et Nahis, semblaient n'être devenu que des Statues de glace; Et le corps de Kyara dormait dans une alcove d'un blanc pur.

Je n'aurai jamais assez d"ampleur pour le suivre.

La vision des limites des êtres revint à la Memoire de Sang. Il devait se défaire du corps qu'il habitait. Sa double ame conceva alors une énième scission et le Triple iris impolsa littéralement. Des flots de sang jaillirent des lèvres de Cassiopée tandis qu'on eut cru qu'on l'avait transpercé d'un pieu. Elle chancela et mu par une froce invisible fit quelque pas avant de s'effondrer contre la glace. Une lumière nacrée apparut au dessus d'elle, qui se concentra et fila vers le chemin enflammé ainsi qu'une étoile filante.

Une lumière qui s’éteint. Une partie de son âme est brutalement plongée dans la pénombre, une respiration saccadée, c’est la voix de Cassiopée qui résonne au fond de son crâne à ce moment. Une froideur insoutenable l’envahit, celle qui était la sienne d’entant, il ne s’en souvenait plus. Le confort d’un rayon de soleil sur son cœur terreux s’en est allé, il s’en rend compte formidablement.
Il ne lui en faut pas plus pour traverser Ter Aelis en courant, à perdre haleine, à la limite de la vitesse que son demi sang de vampire lui permet d’atteindre il rejoint la digue, ce lieu maudit par les intempéries, qui vient d’être la scène d’un combat défiant toutes les lois du monde et de l’esprit. Un désastre. Âcre odeur de folie, la mort et la douleur réunies.
Une étendue de glace, Smirtnoff dérape, glisse sur un genoux, dans son élan perd l’équilibre et parvient jusqu’au corps étendu de sa dame d’étoiles. Pour s’arrêter à l’endroit voulu il plante dans le sol gelé la Gauchère, s’y tient fermement. Il peut maintenant saisir Cassiopée des yeux et mains, il la tourne. Elle gît dans sa robe du soir où le jour ferme les yeux, où les constellations se sont tues. Un vide immense comme le ciel, son âme est brisée. Le sang a coulé de sa bouche et il coule encore de son nez, trace un nouveau sillon sur son visage où tous les blancs défilent.
-Ma dame...
Un regard circulaire sur la digue il ne peut que constater les dégâts. Un roc translucide se dresse tout près d’eux, à l’intérieur le corps figé de Nahïs, encore une âme qui lui est inconnue. D’autres femmes sont prisonnières de la glace dans les environs, le vampire n’a pas grand-chose à y faire, le froid est son élément mais il n’a aucune option spéciale pour réchauffer, pas de four à micro-ondes intégré, rien d’utile en cette situation.
À croire qu’il n’a pas de vocation pour être un James Bond, déception…
Que lui reste-t-il pour opérer ?
Hm.
L’amour. Arh. Comment ça marche, ça ? Où se trouve le mode d’emploi ?

-…Qu’est-ce que je dois faire ?
Désarroi. Il passe un bras par-dessous elle, la ramène contre lui. L’éloigner de ce sol plus que trop froid.
-Ma dame répondez-moi.
L’âme de Cassiopée semble sombrer dans l’infini, elle tire avec elle quelques parcelles de la sienne, comme des longs cheveux de soie dont la racine est malmenée, plantée à l’intérieur de la poitrine. A quatre doigts Smirtnoff saisit les fils, les roule, tend l’autre main pour ramener vers lui le poids qui bascule, qui s’en va. C’était donc cela. Ce lien que la nymphe a tissé en lui comme une corde de rappel et maintenant il la hisse, bien campé sur le haut de la falaise. Il ne peut pas la lâcher, c’est un peu elle qui porte les provisions. Non, l’amour ce n’est pas ça, cherche encore.
Traction de la corde, c’est à son tour de brandir un sol ferme où s’appuyer. Il affermit sa prise mais la corde s’amincit. En dernier recours il est forcé de donner, donner de son âme pour récupérer celle de Cassiopée. Tâche difficile, son mur intérieur bloque, respiration interrompue. Rien ne passera si il ne le fait pas tomber. Il tient contre ses doigts la joue ensanglantée, ses paupières closes. Par-là, il aperçoit de la colère, le goût d’une trahison. Cassiopée existe encore, elle est toute proche de lui. Si il pouvait lui ouvrir la porte et l’accueillir, si il trouvait la clef des vieux cadenas rouillés. Comme elle avait pu le faire, elle avait réussi à coucher la muraille, un instant.
Il revient à cet instant, pour elle, il devient l’être d’eau et de papier qu’il avait été, fragile comme une aquarelle et comme elle se déversant dans les reliefs légers, les touches mélancoliques de bruns et de noir viennent épouser les gouttes de rouge, de jaune, de lumière, d’éclats de verre pilé. Cassiopée retrouve son âme à travers les mailles d’une toile délicate.

Cassiopée a failli, Cassiopée a sombré.
Son corps disloqué, gelé et de son sang vidé parait plus vigoureux que son âme brûlée.
Elle touche le Néant maintenant, sans peur, sans vie. Seul un sursaut de colère la maintient aux vivants, faible, si chétif débris d’esprit.

Mais un fil est tiré. Son âme si tenue et légère n’est rien à soulever.
Les fils s’entortillent, se nouent, tressant autour de l’éclat de survie un entrelacs de fatalité.
Cassiopée sent la douceur, un instant fugitif, l’atteindre en plein cœur. Un rayon de fortune trame son parcours dans son être en sursis. Smirtnoff la serre contre lui. Pantin misérable aux reflets de géant.
La délicatesse doucement en son être s’insinue, moelleux velouté d’un amour sans atours.
Tant de bonté rentrée file vers ses pensées et docile, Cassiopée reçoit la bienveillante caresse qui lentement élève la lumière en son sein.

Il lui faut retrouver le chemin des étoiles. Smirtnoff détient la clé qui la ménera…
Un murmure, un chuintement s’évade de ses lèvres :

-Le cristal de Cassiop…

Mais l’effort trop violent la brise et sous la glace son sang rougit une nouvelle fois.

Au fond de tous les êtres nait l’ombre et la lumière, fragment d’essence de toute Création. Dans l’antithèse claire obscure du Monde, se hisse le souffle de Dieu et embrase la Matière. Et c’est de cette loi mystérieuse que se forma dans les paysages glacées l’esquisse d’une forme.

Apparût comme une image hésitante les formes d’un dragon, qui s’évanouit aussitôt formulée pour laisser place au corps d’une jeune femme au regard bleu-nuit. Ses longs cheveux noirs couvrent ses épaules et à son visages des arabesques blanches décorent ses pommettes et le contour de ses yeux. Ses pas ne laissent aucune trace sur la glace et dans l’air et ses gestes semblent être rêvés plus que faits. A son front une étoile scintille ainsi qu’Orion au front des Constellations. Au fond de ses pupilles un unique iris semble briller tel des feux éternels aux reflets purpurins. Elle se penche en avant et ses genoux se plient pour la laisser toucher de ses mains diaphanes le sol glacé. Au loin les fils ténus de l’Existence se délient un peu dans le corps de Cassiopée. Autour figés en des Statues silencieuses, Nahis, Grendelor, Tara et Kyara dorment au fond de leur gangue de glace.

L’Image pressa ses mains contre la glace et débuta une longue mélopée. Ses cheveux volaient au rythme de bourrasques invisibles et des vapeurs légères recouvraient son corps.

A l’Hiver naissent les fleurs d’Automnes, jeunes et rêveuses, qui s’élèvent aux cieux telles des promesses ivres, quelque étoile échappée d’un sein divin. Et nous, ouvrage du temps et de l’espoir, recevons en nos cœurs tout l’Amour qu’un Dieu bienveillant à laissé fuir vers nous…

Au fil de chaque mot les vapeurs s’épaississaient et les déserts de glace semblaient devenir plus fragiles. Peu à peu plusieurs cassures se firent entendre. Le paysage se modifiait encore dans une progression lente de la température. L’essence de l’Etrangère perçait les murailles et l’esprit Shyonnesque, Lumière sacrée d’une Race divine, ébranla l’ouvrage de Sang. Des filets d’airs embrasèrent à nouveau toutes les poitrines et la vie refleurissait en chaque fibre, en chaque âme glacée. C’était le jour sorti des profondeurs qui venait briser le silence mortifère. Les craquements de la glace offraient les symphonies des Mondes Obscurs qui reculent en gémissant sous chaque astre éveillé.

Puis dans une ultime révolte, l’onde envahit la digue et inonda l’espace. Le flot libéré couvrait les corps et de sa chaleur bénie rallumait les membres. Les langues d’eaux infiltraient les corps ainsi qu’un appel ressassé de la Vie dans la Matière.

Il y eut des étouffements et des crispations, des cris natifs ; l’eau avait purifié le Monde de Saint Adobe.
Dans un dernier regard, l’Etrangère releva ses mains et son corps, et offrant un regard comme une vague lueur sourit à Smirtnoff. Tout près de Cassiopée poussait des fleurs de cristal que l’onde effleurait avec délicatesse.

Ne nous suivez pas… et prenez soin d’Elle…

Sa voix fut une mélodie d’ange et de sagesse entremêlée.

Ne nous suivez pas… .

L’être étrange dans les vapeurs légères s’effaça peu à peu et il ne resta plus de l’endroit qu’un havre de paix et de Réminiscence. Un Ilot ou l’eau venait embrasser la digue, jeté ainsi qu’un pont vers l’infini. Et le temps reprenait son droit sur la Digue de Saint Adobe.

Égarée entre les mailles d’un monde en construction, Cassiopée se disperse, insaisissable lueur d’un esprit qui se meurt tout en tentant l’impossible.
Son âme, infime parcelle de vie, vagabonde vers les sommets, attirée par la lumière offerte par Smirtnoff. Bribes de souvenirs, éclats dérisoires de savoirs s’enflamment au contact de la moindre étincelle. Mais l’âme éparpillée peine à s’assembler. La peur l’empêche de se retrouver.

Elle sent son corps, durci sous la glace, tenter de ne pas se vider. Mais un flux lent s’insinue hors d’elle et sa chair blanche mute doucement vers le marbre, statufiant peu à peu son corps encore chargé de lueurs, pâles opalescences de survie.

De son âme en lambeaux un long fil est à présent tiré, le long lien d’or d’une âme déchue. L’ombre d’un ange émanant de l’âme shyonnesque l’appelle. L’essence double a laissé son empreinte de cendre et de poussière, scories fertiles aux étincelles du hasard, et Cassiopée sent la chaleur d’Orion venir soutenir les efforts du vampire. Orion le protecteur ne l’a pas abandonnée et combat l’effroi dans l’esprit émietté.

L’âme disloquée peu à peu se ressoude, prend de l’assurance et soutient la pensée. Une colère terrible voudrait y prendre part pour nettoyer, laisser la place vide là où demeurent les traces d’une infâme traitresse. L’incompréhension se mêle à la bataille et veut arracher le lien qui luit des mille connaissances qui défient l’obscurité perlée de lueurs de vérités.

Mais l’essence divine, ondoyante, rayonne de velours et prononce les mots salvateurs, les mots d’amour capables de réchauffer les vies que l’ange noir avait durcit.
Et Cassiopée sent son corps submergé, alors que tout près d’elle Smirtnoff la tient toujours, la chargeant de beauté. Les flots les plongent dans l’instant ancestral où la Terre naissait, dépouille d’eau vêtue, avant de naître et révéler la vie.
Quand s’assèchent les eaux, Cassiopée, l’âme en sursis mais le corps démoli sent lentement s’enfuir son sang qui coule des plaies encore béante laissées par Koran le brumeux.

Elle pleure. La glace rétractée s'est insinuée en son cœur et les larmes brûlantes creusent en son âme un fleuve d'espoirs incohérents. Ses mains se perdent sur son instrument inutile à présent. Agenouillée, tombée là comme un tissus envolé, ses yeux fixés sur le rouge dégoulinant, ses lèvres dans un murmure laissent échapper des mots inexistants. Sa main doucement relevée, tendue là devant elle, ne cherche qu'à saisir la douleur évaporée.
Les étoiles de ses yeux grandissent, couvrant ses iris d'un doré lumineux. Ses pupilles s'affinent, et son esprit n'est plus.

Et là, entre la main tendue de l'elfe et les plaies de la dame des étoiles apparaît un mince filet doré qui pénètre les chairs. Comme un crépitement sur le sang coulé, et la voie s'élève, les mots deviennent existants et s'emmêlent au filet venu aider l'amour.

Les plaie, lentement se referment, et tandis que la vie reprend ses droits en cet être, les yeux de l'autre se ferment. La voie s'éteint alors, comme la fin d'un étoile. Le filet d'or quitte la main pour finir en Cassiopée et, vidée, épuisée, Tàranis s'écroule sur le côté.

Au fond de sa fuite, comme un oiseau rageur porté par le vent, Sang manqua un battement. Il sentit dans les confus éveils de la digue comme les échos de douleurs échappées. La poussière d’étoile se suspendit dans l’air. Elle sembla attendre un peu, puis murmurer :

Ooh Dieu..

D’une vive réaction, elle fit demi-tour, laissant filer le monstre qu’elle pourchassait. Revenant sur les contrées apaisées elle découvrit un spectacle étrange ou certains semblaient respirer à nouveau, d’autres non. Les poussières s’approchèrent des corps étendues et frôlant la flutiste sentit la vie hésiter. Une vague de tristesse et de remord perfora l’être. Sang se métamorphosa une image de lui, vague, incertaine. Il n’était qu’une esquisse de lui-même à défaut d’avoir un corps quelque part. Ses mains glacées se posèrent sur le front de Taranis et il tenta vainement de rallumer en lui ses essences. Le déchirement l’avait fatigué, et ses facultés étaient amoindries par le climat. Il s’agenouilla, l’air dépité.

Que sont ces hommes que le Destin pousse à les rendre criminel… Reviens nous Etrangère… Il y a encore des Espoirs au fond des cœurs… .

Sa main s’embrasa. C’était là peut être ses dernières forces. Sang la déposa sur le front de Taranis en laissant une vapeur légère atténuer la morsure du feu. Ses yeux se voilaient peu à peu. La haine qu’il éprouvait était un vague souvenir, une désagréable pression au fond de ses entrailles. Elle l’appelait encore. Mais cette force surprenante, ce cri d’humanité né des plaies qui se refermaient un peu, l’avaient éveillé. Son regard chercha vaguement un autre regard et il ne trouva rien. Son enfer était de ne retrouver ni compassion ni pardon en tout endroit.

Tout près gisait une flute brisée. Tendant son autre main l’objet brisé vint à lui. Il remodela l’instrument. Et retirant sa main enflammée du front de Taranis se mit à murmurer une douce mélopée. Elle était un air mélancolique, une dérive lente vers des Suppliques d’Amour et de tristesse. Une à une les notes s’égrenaient et envahissaient le paysage, tel des éclats d’étoiles dispersés en tout vent.

Congelée alors qu'elle voyait Cassiopée s'effondrer, Grendelor n'avait pu esquisser un mouvement, sombrant dans le néant. L'éternité qui l'avait avalée, la recracha, pauvre chose sans force. La glace ne la retenant plus, la jeune femme s'affaissa, se retrouvant à genoux face à Smirtnoff serrant sa dame sur son coeur. Un peu plus loin, Tàranis elle aussi était à terre, un fantôme de Sang près d'elle jouant doucement de sa flûte. L'air était impregné d'une atmosphère lourd, apocalyptique.

La dame turquoise ferme les yeux et se laisse bercer, dérivant dans les limbes de son esprit, prenant la mesure des dégâts. Kyara allait aussi bien que possible suite à ses soins. Nahïs ne semblait pas avoir souffert de l'effet de la glace et était celle qui était le plus en forme. Avec Smirtnoff. Son esprit était étrangement ouvert et se mêlait à l'essence de Cassiopée. La nymphe avait été soignée et ne semblait pas en danger immédiat.

L'esprit de Grendelor sauta alors jusqu'à celui de Tàranis. L'elfe était faible, vidée de toute énergie malgré les efforts de Sang. Souriant en pensant qu'il était revenu, la jeune femme rouvrit les yeux, rassénérée par l'état des lieux qu'elle venait de faire. Rassemblant ses forces, elle se leva, rejoignit l'ombre de l'ange et l'elfe. Posant une main sur le bras de Tàranis, l'autre sur le genou du fantôme de Sang, elle accompagna les notes de la flûte. A l'Amour et la Tristesse, elle ajouta son propre amour et sa joie de vivre, rallumant les flammes vacillantes de la vie. Flottant dans les airs, Chaleur et Espoir, Vie et Délice, Joie et Pardon.