Chants psalmodiques résonnent en morceaux dans mon coeur, formant un tout parfait, venu du Ciel, en un mot : divin.
En regardant et ressentant ces beautés effrayantes, les églises, les immenses cathédrales érigées vers les cieux, les arts picturaux sublimés et les chants sacrés des anges, je comprends mieux comment la religion a ralié tant de fervents serviteurs : il est en effet difficile de résister à ces choses surhumaines, qui semblent encouragées par une volonté venue d'en haut, une volonté divine. Leur caractère exacerbé subjugue le minuscule être humain, et d'autant plus s'il présente quelques faiblesses particulières.
C'est ainsi que j'ai cru sombrer au milieu de ces chants cristalins, succomber à leur volonté plutôt qu'à mes convictions; la croyance inspire de si belles choses, si belles que j'ai cru un instant à leur véracité. Mais la véracité ne se mesure guère à la grandeur des choses ni à leur beauté, c'est l'élan du coeur qui les inspire. Et il a été suffisamment démontré que le coeur ne nourrit pas ses plus grands élans pour le vrai, mais a d'autres critères qui guident son choix. J'ai donc cru sombrer dans l'âbime des croyances, mais mon brin de raison me retenait toujours; j'ai toujours eu un certain goût pour les choses mystiques, voulant à tout prix y croire mais ne le pouvant point, tant ma raison gouvernait (en ce point tout du moins) la machine. La seule passion qui puisse m'envahir totalement à m'ôter la raison est celle qu'inspire l'amour; et c'est précisément ce qui m'a sauvée de la volonté de placer ma vie en la main d'un être qui me serait supérieur et nous gouvernerait tous.
Tout mon être résonnait en effet de ces sons divins, je frémissais, et de nombreuses images me submergeaient, comme des images subliminales qui seraient assez longues pour que j'en prenne conscience, même si je ne les comprenais pas instantanément. Les yeux, la vue, m'ont vite empêchée de me concentrer : je les ai occultés. Seule l'ouïe comptait, et les images devenaient folles, ou plutôt je le devenais. Et c'est toi que j'ai vu, toi et moi. Plus fortement encore qu'à d'autres appels auditifs et des sens, j'ai compris que le seul Dieu en lequel je pourrais jamais placer ma foi était toi et toi seul. Le divin c'était et cela serait toujours toi, et le divin étant inaccessible, je ne t'aurais jamais. Voilà tout ce que j'ai compris, ou plutôt ces idées se sont renforcées en moi, prenant une coloration religieuse.
Roméo et Juliette l'avaient vu avant moi.
What if God was one of us
Just a fool like one of us...