Résurrection [RP confrérique (2)]

La neige tombait drue en cette nuit agitée à Echoriath. Les tourbillons de flocons dessinaient d'étranges silhouettes dans le cimetière, spectres anonymes qui disparaissaient aussi promptement que le vent leur donnait naissance.

L'une de ces ombres blanches, cependant, semblait persister malgré la tempête : tornade gelée au visage pensif, Cordelia avançait de tombe en tombe, ignorant le sage sentier tracé entre les pierres. Son corps n'était que neige et vent ; il dégageait pourtant une énergie hahurissante, pleine de vitalité et de chaleur. Et si nul sourire ne se dessinait sur le visage de la métamorphe, esquissé par les flocons en mouvement, son aura n'en était pas moins joyeuse.

Cordelia fredonnait une légère complainte tandis que ses doigts jouaient avec les statues et les croix.

Un jour, mon Prince viendra
Un jour, il m'emmènera
Sur son dragon... lalala

Dans la froidure hivernale une dragon noir volait tranquille au dessus des tombes. Ses longues ailes masquaient parfois la lune dans un miroitement inquiétant. Sur son dos un Prince fixait l'étrange métamorphe de ses yeux brûlés. Juché sa monture, il observait le ménage de Cordelia. Puis semblant se lasser de la distance il fit atterrir Shyon non loin d'elle dans une bourrasque de vent glaciale. Son air dur accueillit les mimiques imitatrice de l'enfant. Ses habits vestes voletaient dans l'air dans un claquement régulier.Devant la mimesis enfantine, il n'émit aucun commentaire. Dans le vent Anwen apparut, fragile fillette aux cheveux blonds si lumineux qu'elle semblait porter avec elle une étoile fugitive.

Secrète transformation et toujours aussi jolie, Mademoiselle Cordelia.

Elle vint tapoter l'être inconsistant mêlé au temps et à la nuit d'une main hésitante avant de sourire à pleine dent.

Sanz...tu sais le monsieur la.. le Prince avec son dragon...devant toi... voudrait te parler... . N'ai pas peur hein! Il n'est pas méchant, il prend soin de toi tu sais... .

Un sourire se dessina furtivement sur le visage mouvant de Cordelia lorsque l'ombre de Shyon s'étendit sur le cimetière. Elle attendit aussi patiemment qu'il lui était possible que le Dragon se pose - autrement dit, elle virevolta de plus belle. Des couleurs irisées apparaissaient par moments dans le tourbillon de neige : rose électrique, bleu libellule, vert "écaille de dragon", rouge sang...

Secrète transformation et toujours aussi jolie, Mademoiselle Cordelia.

Cordelia sourit à l'entité.
Tu as toujours un joli mot pour moi, Anwen.

Sanz...tu sais le monsieur la.. le Prince avec son dragon...devant toi... voudrait te parler... . N'ai pas peur hein! Il n'est pas méchant, il prend soin de toi tu sais... .

Je n'ai pas peur de lui, que crois-tu ?! Quant à prendre soin de moi... ses attentions sont aléatoires, je dirais. Mais soit, je vais lui parler !

Elle se tourna vers l'homme assis sur le Dragon et murmura d'une voix posée :
Descends donc de Shyon et viens te mêler avec moi aux ombres des morts. Il n'y a pas plus douce compagnie pour ce que nous avons à nous dire.

Elle n'avait de toute manière même pas besoin de parler pour se faire entendre du Prince.

Shyon baissa sa nuque et laissa glisser le Prince Sanz au sol, il se réceptionna en silence puis fixant Cordelia eut un léger soupir comme si la situation allait l'ennuyait déjà. Il n'aimait pas les jeux de l'enfant, probablement car il les considérait comme une perte de temps. Ses métaphores alambiquées, ses formes instables, pourquoi ne pouvait-elle pas se poser une seconde. Il enleva les gants de soie qu'il avait mis pour le voyage et tout en les rangeant murmura à l'âme de son interlocutrice.

Tu as échoué à la Citadelle. Tu as perdu face a eux... .

Il marchait lentement tout en effleurant les tombes. Lentement il traçait un chemin de poussière et d'ombre dans son sillage qui semblait aussi inconstant que Cordelia.

Et tu viens encore à me regarder comme si tu ne ressens rien et que l'envie de rire prend le pas sur la considération de ta propre situation.

Prenant une pause, il se tourna vers elle.

Je déteste les échecs, COrdelia.

Il appuya les derniers mots dans un cri d'orage. Au sol les ronces et autres végétaux se ployait sous un vent qui croissait en force dans le cimetière. Et peu à peu la température chutait aux rhytmes des échos des ombres qui l'on diraient gémissaient au fond de leur tombe.

Cordelia, un petit sourire aux lèvres, regardait Sanz aller et venir au milieu des tombes. Elle savait par coeur ce qu'il avait à lui dire : elle avait passé tellement de temps à l'observer. La métamorphe, contrairement à son habitude, ne changeait pas d'apparence. Elle semblait tout juste chercher à conserver une allure vaguement humaine : visage à peine esquissé sur un tourbillon de neige. Son corps n'était que pur mouvement.

Je déteste les échecs, Cordelia.

Cordelia pencha sa tête et ferma son sourire. Ses yeux s'allumèrent d'une étincelle énervée.

Oh, je le sais ! Je le sais bien ! Mais qui es-tu pour me donner ainsi des ordres ? Je n'ai jamais été ta vassale, tout juste ton associée. Tu ne peux m'asservir comme tu sembles le souhaiter si ardemment...

Les yeux de la métamorphe s'adoucirent à ces derniers mots. Une main se dessina parmis les flocons qui la composait et se tendit vers le Prince.

Et tu me parles de sentiments... toi qui me connais le mieux en ce monde. Je peux feindre, certes. Mais tu sais ce qui m'anime en vérité... Allons, range ta colère et réjouis-toi de ce qui nous attends avec cette histoire de Confréries : nous allons nous affronter ! Voilà qui sera intéressant !

Le visage de Cordelia se précisa et s'illumina de joie.

Sanz caressa le museau de SHyon dans une nonchalance mesurée. Il ne servait a rien de l'affronter. Ils n'étaient pas fait pour s'affronter, mais pour déterminer cette nouvelle race qui allait défier les anciens Dieux. Cordelia... Elle n'était que l'erreur naturelle comme il s'en produit des millions dans les cycles universels, devenu anomalie essentielle dans son propre monde. Sans âme, l'on est si riche d'une immortalité inviolable... . Coment pouvais t'on nommer le sans âme, quelle image derrière Cordelia? Rien sinon...

Des essences emmêlées, tel des roseaux brisés et qui jonchent une mer houleuse... . Et le courant pour décider de les assembler au hasard, dans l'ordre chaotique du remou... Puis l'hiver brûlant d'une détermination tierce.. Que crois tu Cordelia...

Les mains du Prince s'embrasèrent tandis que le Cimetière se transformait peu à peu à un désert de tombe givrées, sous lesquelles un Empire se réveillait. Anwen reculait pas à pas devant le pouvoir de son Autre, jamais rassasié, toujours à la limite d'une explosion essentielle.

Que tu n'as plus rien à apprendre et que tu peux sortir tes griffes... . Quel être indocile pourrait recevoir le don d'une âme... qu'est tu toi... pour parler d'affrontement...as tu un vrai nom, des vraies origines, une vrai foi pour vouloir " affronter" quelqu'un... .

Es tu vraiment vivante Cordelia ou juste l'objet figé dans la une gange de glace, a jamais immortelle, a jamais impuissante?

Les derniers mots furent comme un écho de montagne qui venait fondre en un roulement de tonnerre dans le cimetière. Sanz tendit sa main et forma autour de la rebelle un cone de glace semblable à celui qui les avait séparé lors de leur première rencontre.

Nombres Dieux sont si éternels qu'on finit par les enfermer pour qu'ils ne reviennent pas. Et c'est bien pire que la mort que de ne plus rien pouvoir faire durant des cycles entiers, Cordelia. Pire que les souffrances et les déchirures qui ne peuvent te toucher, te brûler. Je ne sais pas te toucher?

Je sais au moins... te bannir..

Le conne se renforça d'une aura noire tandis que du sol sortait des masses sombes d'âmes damnées et qui entourèrent le Prince. Shyon regardaient ces morts relevés avec des yeux avides.

Nous n'avons pas à nous affronter. Ce qui nous retient l'un et l'autre va au delà de bêtes conflits de confrérie... . Il faut t'en souvenir. Cordelia.

Dans un souffle de feu glacial Shyon absorba tout ce qui pouvait être essentiel dans le Cimetière. Sanz posa sa main sur la prison transparente fixant les efforts irrationnels de sa proie pour changer de forme.

Le Froid ralentit et glace n'importe quel processus... Même ceux de l'infini. Ne te demandes tu pas pourquoi il n'y a que si peu de vie au fond de néant qu'elle est en supposée, et qu'elle n'existe réellement qu'après en être sorti? Il faut.. .

Cordelia, prisonnière du cône de glace ouvragé par Sanz, se mit à s'agiter comme rarement. Une furieuse tempête d'élements faisait rage : des lianes s'agitaient en tous sens pour devenir tentacules gluantes, bras décharnés, cheveux en furie, lames de vent ou encore éclairs et pierres en bourrasques.

Au centre de toute cette agitation, un visage de glace flottait, à deux mètres du sol. Son expression n'était que colère et hargne. Il se mit à hurler en réponse au Prince.

Tu aimerais, n'est-ce pas ? Pouvoir dire que je ne suis pas vivante ! Mon existence remet en question tout ce que tu as fait, tout ce que tu rêves. Elle remet en question l'utilité même de ton Âme ! Ah, l'âme ! Qu'en ai-je besoin, au final ? Tu me vois, je suis là, bien plus humaine et bien plus vivante que toi. Ton obsession d'éternité a forgé ton propre cône glacé, autour de ton coeur...

Puis, doucement, Cordelia se calma.

Nous n'avons pas à nous affronter. Ce qui nous retient l'un et l'autre va au delà de bêtes conflits de confrérie... . Il faut t'en souvenir. Cordelia.

Sur ce point là, au moins, tu as raison. N'accordons pas plus d'importance à ces Confréries que ce qu'elles méritent : il s'agit d'un jeu, rien de plus. Mais... tu sais l'intérêt que je porte au jeu...

Alors que Sanz posait sa main sur la gangue de glace, abaissant ainsi la température jusqu'aux limites extrêmes, gelant presque le temps, Cordelia se pris elle-même au jeu. Elle abaissa sa vélocité tout en s'approchant de la paroi qui l'enfermait. Elle n'avait plus de traits et c'était à peine si sa silhouette rappelait encore un corps humain. Elle était telle une statue de glace déformée par le soleil. Son seul mouvement était celle d'une fonte lente vers le cône de glace.

Le Froid ralentit et glace n'importe quel processus... Même ceux de l'infini. Ne te demandes tu pas pourquoi il n'y a que si peu de vie au fond de néant qu'elle est en supposée, et qu'elle n'existe réellement qu'après en être sorti? Il faut.. .

Cordelia avait maintenant fusionné avec la prison gelée : elle faisait corps avec cet élément qui la retenait. Durant tout le processus, une lente complainte stridente s'étirait dans l'air glacial. Jamais le cimetière d'Echoriath n'avait entendu pareille souffrance.

Enfin, la métamorphe ressortit de l'autre côté du cône, libre : goutte à goutte de l'eau suintait de la prison de glace pour venir former une flaque aux pieds du Prince. La flaque s'anima et Cordelia reprit forme, silhouette animée faite de courants aquatiques. Une phrase épuisée fut lâchée :

Tu vois, j'ai encore gagné...

Lentement, la glace fondait dans sa main. Le Prince aux yeux brûlés sentit l’évaporation former des bulles sur ses paumes. Il se dégagea, essuya l’eau avec un mouchoir tiré de sa poche et retourna près de Shyon. Sa puissance faiblissait, son corps hésitait. Il ne pourrait plus tenir longtemps dans un trop vieux corps.

Hezeriel Shinobi doit mourir…

C’était ce qu’il se répétait sans cesse tout en retardant l’échéance. SHinobi. Son dragon grogna pour l’appeler à s’en aller. Bientôt les villes alentours fleuriront et verseront les flots d’éveils des peuples crispés de sentir un dragon noir si proche. Il tourna sa tête vers Cordelia.

Crois que cet un jeu…tout cela...tu finira s par grandir toi aussi, tôt ou tard… .

Il grimpa sur sa monture et collant ses mains aux écailles de son compagnon émit un bref soupir.

Il n’y a pas de pardon à l’échec.

D’un coup d’aile le Prince s’envola tandis qu’au sol s’élevait une eau noire comme une masse informe d’ombres entremêlés et qui venaient se mêler insidieusement au corps de Cordelia. Des mains noires comme des lianes impalpables étreignirent ses formes comme pour l’obliger a ne plus jamais se mouvoir. Peu à peu du lieu sépulcral s’étendit une mer d’âmes aveugles, aspirant toute énergie à leur portée. Et dans le grouillement informe du flot, Cordelia l’inconstante vivait dans le chaos des morts.

Anwen mêlé au courant gémissait sous sa forme de Lion. Elle voyait l’enfant se débattre avec elle-même. Tendant une patte comme si elle eut espéré qu’on s’y accrocha, elle la retira.

L’Eau à l’eau, les âmes aux âmes. Puisque tu n’en as pas…je t’en offre cent. Quand tu comprendras, reviens donc…

Cordelia, l'oeil brillant, regardait Sanz s'éloigner du sol avec son Dragon. Le cimetière passait peu à peu dans une autre réalité, possédée par les âmes errantes des morts : des volutes sombres et épaisses montaient des tombes, envahissant le monde des vivants.

L’Eau à l’eau, les âmes aux âmes. Puisque tu n’en as pas…je t’en offre cent. Quand tu comprendras, reviens donc…

Ces âmes, la grande quête de Cordelia, son objet de fascination... peut-être était-il temps pour elle de chercher à les connaître, dans toute leur pureté.
Aux cris d'Anwen, la métamorphe se tourna vers la lionne, un tendre sourire aux lèvres.

Ne lutte pas, ma soeur, laisse toi aller, tu n'as rien à craindre : tu es au milieu des tiens.

Elle ajouta, pensive :

Contrairement à moi... j'ai sûrement beaucoup à perdre. Mais tellement à gagner, si j'en reviens !

Puis elle leva la tête au ciel et cria contre le ventre écailleux de Shyon :

Sanz, tu m'offres cent âmes ? Je m'en vais à leur rencontre ! Et je peux te jurer que la Cordelia qui en sortira n'aura plus rien d'une enfant !

Enfin, elle se liquéfia, ruisseau noir, épais et tumultueux qui se mêla à la danse macabre des âmes des macchabés. Cordelia s'en allait les rencontrer...

Retrouve la!

L'elfe ouvre les yeux. C'était comme un rêve mais...

Elle se souvient le chateau branlant, le corps vide, et Nolëwen qui la guide. Elle se souvient, sa main serrée sur des âmes avant qu'elles ne s'éparpillent dans les airs. C'est son corps qu'elles colonisent, tout doucement, à présent. Mais qu'ont-elles dit? "Retrouve la."

Cordélia...

Tàranis se relève dans la nuit sans lune et suis des pas qui ne sont pas les siens. Elle sens dans ses veines les pulsations de son coeur en lutte, dans sa tête un dialogue fou, des négociations pour garder le contrôle.

Elle s'arrête quand elle réalise où elle se trouve. Une grille entrouverte, des pierres tombales et le gardien endormit dans son fauteuil.

Le cimetière?

Elle se faufile discrètement pour ne pas réveiller le vieil homme. Au milieu des tombes, scrutant la nuit, elle entend les murmures des morts et sent un frisson parcourir son dos. Avec qui parlent-ils? Peut être ont-ils de la visite.

Qu'est ce que Cordélia ferait ici?

Sa voix n'est qu'un murmure qui semble gêner, les morts se taisent.

Cordelia n'était qu'une ombre parmi les âmes - spirale de fumée - seulement observer, simplement.

Elle avait eu beau s'évertuer à leur ressembler, sa nature était bien trop éloignée de ces âmes qui la fascinaient : elle ne pouvait communiquer avec elles. Ce n'est qu'en admettant sa défaite que la métamorphe réussit enfin à ouvrir une brèche entre son essence en mouvement et les âmes damnées. Elle cessa de chercher une forme à copier et ne fut plus que vélocité pure... le tourbillon de ténèbres qu'elle était maintenant parvint alors à ressentir ce monde Autre où évoluaient les âmes sans corps. Et Cordelia comprit qu'elle n'avait rien à faire ici : elle était mouvement, matière et changement. Rien d'autre.

Et puis... des voix lancinantes l'appelaient à retourner vers le monde où elle avait vu le jour. Il était temps de rentrer

***

Alors que Tàranis errait dans le cimetière d'Echoriath, ne sachant par où commencer ses recherches, une pierre tombale s'anima. Le granite s'enroula sur lui-même sans heurts et se redressa, prenant forme humaine. Devant l'elfe se tenait maintenant une statue de femme dont les traits peu à peu se précisaient.

Tàranis... est-ce ton âme qui m'a appelée, réclamant mon aide ?

Une pierre qui bouge, c'est pas commun. C'est ce que se dit Tàranis en contemplant, l'air quelque peu ahuri, Cordelia reprendre forme humaine. Pendant un instant, elle en oublia même de lutter contre les âmes de Sanz qui en profitèrent pour se répandre un peu plus dans son corps, la ramenant à la réalité. Secouant la tête pour retrouver ses esprits, elle fixa son regard à celui de la métamorphe et réalisa que celle-ci venait de lui poser une question.

Je te cherchais! Mais si une âme t'as appelée, ce n'est pas la mienne mais l'une de celles de Sanz.

Nolewën s'épuisait à contenir les fragments d'âmes et l'elfe peinait à tenir sur ses jambes. Elle se laissa tomber assise sur un tombe sans quitter des yeux celle qui lui apparaissait comme la seule aide accessible. Elle passa sa main valide sur ses yeux fiévreux avant de reprendre, un léger tremblement dans la voix.

Son contrôle augmente à chaque seconde, il m'a dit de te retrouver. Je ne sais pas ce que tu peux faire mais...

Elle avait saisi le bras de Cordelia de sa main blessée et sentit les âmes refluer vers celle-ci, comme aspirée par la métamorphe.

Sanz respirait lentement la chair qui l’enfermait, le retenait dans ce monde. Étreint par une force de dispersion insatiable, il s’accrochait à la moindre fibre du corps de Taranis, parasitant peu à peu ses organes dans l’étrange frayeur de disparaître et de ne pas pouvoir se recomposer. Peu à peu ses essences infiltraient les veines et le cœur de sa cible, imprimant une succion toujours plus violente de son énergie. Il voulait vivre encore, emporté par une volonté rageuse d’arriver à ses fins ; il voulait regagner un nouveau corps jeune, solide, loin de ce qu’était devenu Hezeriel, l’enfant possédé. Et dans cet accès de survie, sa mémoire lui revint lentement. Hezeriel. Il est mort aujourd’hui.

Il avait été sa première âme conquise, le premier fragment de sa lente métamorphose. Sanz n’était qu’un sombre appel de puissances enfouies, cachées, maudites – un appel comme une vague de vengeance sanglante, né de ces époque que le Règne des Anges a effacé des livres et des mémoires ; né du néant lui-même dans lequel le jeune et révolté Archange, Hezeriel Shinobi, tomba dans sa disgrâce. L’Ombre fantasque et morcelée du Sanz fixa ces images du passé qui lui revenaient : l’enfant de Dieu avait été sa première revanche sur sa propre déchéance : une victoire étrange quelque milliers d’années après l’effondrement des anciens royaumes et le bannissement des anciens Dieux. Chassé puis comprimé dans un espace sans nom, le néant recouvrait un visage dans la matière des vivants. Extrait d’une cosse plus dure que les gangues de glaces qui enferment encore nombre de ses frères, Il rouvrait à nouveaux ses yeux dans ceux d’Hezeriel Shinobi. Ils ont oublié de nous tuer murmurèrent les essences dans l’âme de Taranis, ils nous ont oubliés et nous revenons lentement… dis lui… dis à Cordelia qu’il est temps de se souvenir, qu’il est temps de revenir. Nous ne sommes pas mort, nous dormons dans le ventre de nos assassins, tels des vers qui attendent leur heure. Et notre soif est devenue sans limite, nous avons faim, petite, nous avons faim… . Offre moi un corps..un corps vide…

Peu à peu des longues arabesques brûlantes couvrirent le corps de la jeune fille au renard, comme si une maladie la consumait peu à peu et l’emportant dans une transe insoutenable. Elle ouvrit des yeux balayés d’un feu bleu plus aveuglant que le soleil. Fixant Cordelia elle tendit ses mains pour faire apparaître en suspension une ombre sanglante dans lequel on pouvait discerner un visage dont les orbites étaient brulées :

Cordelia. Ils m’ont tué. Regarde ce que je suis devenu. Regarde leur crime, votre crime. La lune a honte de ses enfants. Souviens toi, moi qui t’accordai un nom, une vie, et qui te promis des âmes pour exister. C’est l’heure aujourd’hui de se souvenir.

Peu à peu l’image flamboyante embrasa l’air tout autour de la métamorphe comme pour l’entourer et l’étreindre.

Je pourrais t’offrir un bout de mon âme mon enfant et tu sentirais alors ce qu’est la vie, dans tes veines… Je pourrais tellement désormais que mes essences sont libres… Sens tu mon ombre inspirer ta matière.. Cordelia… l’heure est peut être venue, pour toi aussi… .

A côté d’elle une autre forme se définit, Anwen chargé d’un trait d’Orion qui rendait sa silhouette comme un fantôme doré, murmura à côté des paroles de son Autre :

Il est temps de nous rejoindre, Petite, l’Appel résonne partout… . Désormais, nous ne voulons faire qu’un dans l’ombre du Sanz… . l’Appel… écoute le, Cordelia . Il t’appartient aussi… .

D’un doigt évanescent, elle toucha ce qui pouvait être le front de l’apparence humaine de la jeune enfant.
Les Âmes crient au Maître et les Armées de Légion se soulèvent. Il est temps de purifier ce Monde des longues blessures qui l’ont souillé. Le Sanz… nous appelle, Cordelia Melicerte.

Invictus

Et lentement toutes les âmes longtemps retenues dans la terre sacrée se levèrent comme pour répondre au cri du Néant, des courants d’airs violents gorgés de la mémoire du Monde oublié. Les Mondes endormis, les réminiscences, tout ce qu’était l’Ancien Royaume hurlait dans le cimetière les complaintes trop longtemps muettes d’un Empire damné.

Mes âmes… Azraäel… nos âmes… .

Une épée noire, dentelée par le Temps, entouré d’un nuage de pétales, se forma dans les mains de feu bleues du Sanz et la lame noire Shyonesque traversa Cordelia comme dans un épais brouillard, sans bruit et sans déchirure.

Rejoins nous… Cordelia… . Nous t’aimons, nous avons tellement besoin de toi.

Ah. C'était donc ça. Les âmes du Prince n'avaient plus de corps à habiter. Mais que s'était-il donc passé durant le voyage de Cordelia dans le monde des Âmes ? Qui avait pu ? Par quel moyen ? Tuer ainsi le corps d'Hezeriel Shinobi...

La métamorphe regardait, intriguée, le corps de Tàranis s'animer sous la contrainte de la présence étrangère de Sanz en son sein. Le Prince attendait visiblement quelque chose d'elle.

Je pourrais t’offrir un bout de mon âme mon enfant et tu sentirais alors ce qu’est la vie, dans tes veines… Je pourrais tellement désormais que mes essences sont libres… Sens tu mon ombre inspirer ta matière.. Cordelia… l’heure est peut être venu, pour toi aussi… .

Elle ne réagit pas à son discours, laissant les ectoplasmes d'Hezeriel et d'Anwen jouer autour de sa silhouette. La métamorphe avait gardé le granite de la tombe pour sculpter son corps. Mais le bloc qu'elle était auparavant s'était maintenant décomposé en une multitude de minuscules cailloux qui roulaient sans cesse de haut en bas et de bas en haut, dessinant un corps aux formes brutes et mouvantes. Seul son visage était immobile, les paupières baissées et un léger sourire gravé dans la pierre.

Elle s'amusait de voir ainsi le Prince exiger d'elle ce qu'il ne pouvait de toute manière pas l'obliger à lui donner : il voulait qu'elle lui cède une part de son essence afin de s'y forger un corps

Rejoins nous… Cordelia… . Nous t’aimons, nous avons tellement besoin de toi.

Sanz plongea une épée de feu fantôme dans le corps de Cordelia, établissant un lien puissant entre les deux entitées : les âmes d'un côté et la matière en mouvement de l'autre.

La métamorphe prit alors la parole, sa voix résonnant directement sans l'esprit de Tàranis qui abrittait le Prince.

As-tu bien conscience de ce que tu me demandes, Sanz ? Si je mets à ta disposition un peu de ma véloce essence, tu seras contraint d'habiter un corps qui ne sera jamais totalement le tien. À tout instant je pourrais reprendre ce que je t'ai donné, pour peu que je le juge bon - ou simplement amusant. Et s'il te prenait l'envie de couper le pont qui relierait ton avatar à mon corps, tes âmes se retrouveraient une fois de plus isolées. Supporterais-tu d'habiter un corps qui se veut fils de la Lune, cette changeante Dame ? Car si ce que tu me dis est vrai, ce sont mes frères et soeurs qui sont à l'origine de ta mort. Comment gèreras-tu cette dualité ? Ce nouveau paradoxe entre tes âmes et ton futur corps ?

Car, est-ce nécessaire que je le précise, mais ma place n'est pas aux côtés du Sang.

Cordelia se changea alors en une furieuse fumée dansante qui s'enroula autour de l'épée désincarnée. Un noeud, relié par un simple fil ténu, flottait à la pointe de l'arme et semblait narguer le Prince. La voix de la métamorphe retentit à nouveau parmi les ombres du cimetière.

Si tu es certain de ce que tu veux, alors viens. Viens et prend ce que je t'offre. Viens et joue avec la matière pour t'en faire une belle enveloppe.

Le rire du Sanz explosa soudainement dans le cimetière comme un orage brusque. Les âmes apeurées couraient en tous sens dans un grand désordre tandis que les essences du Prince quittèrent peu à peu son enveloppée empruntée.

Dépendance... A qui crois tu parler Cordelia Melicerte... . A un vieillard sénile sans corps ou à l'Appel Sombre... Que crois tu que nous sommes, que nous voulons... . Nous connais-tu, nous somme si discret... . Cordelia, mon enfant...

Peu à peu le chaos s'affaiblit et les âmes s'ordonnèrent. Leur silhouette s'affinèrent et ce fut une véritable armée qui apparut sous les yeux des personnes présentes. Dans chacun d'eux un feu sombre les éclairait comme mu par une même.

J'ai trop longtemps dormi, la nuit est bien basse. Tes conditions me sont indifférentes, jeune fille. Cette matière... je ne la connais que bien trop. Elle est mon enfant, ma chair. Elle danse avec moi depuis tellement de temps avant qu'ils ne viennent me la déchirer et s'en emparer... . Tu parles de ma mort, elle n'est que celle d'un corps. Tu n'as bien pas d'âme, je n'ai pas de corps. Quelle heureuse chance!

Le rire reprit de plus belle alors que les flux stabilisés d'Azräel rougeoyaient.

Heureusement que tu n'a pas d'âme, tu pourrais bien mourir.

Il sembla un instant qu'une immense gueule de dragon déchira l'air et emporta le paysage dans un souffle sombre. Puis le vent , l'orage, les âmes: tout disparut et il ne reste qu'un cimetière dans lequel gisait le corps sans vie de Taranis. Puis sortant de la terre dans léger bruit de feuille froissée, un corps de terre se forma, affinant peu à peu ses traits pour figurer l'image du Prince. Des ailes naquirent dans son dos et sur son front la marque du Triple rayonnait comme un soleil. A sa taille Azräael dormait dans son fourreau. Une brume noire vint l'envelloper et masquer l'éclat violet irradiant de ses yeux. L'image recomposée du Prince murmura:

Cela est étrange de voir de nouveau...le monde est si lumineux... . Je sens ma puissance si nouvelle, si jeune... . Et je comprend tellement mieux désormais... .

L'Enfant Prince passa sa main sur son arme enveloppée d'une lumière aveuglante.

Cordelia, ton corps est une âme.

Les mots résonnèrent comme une Prophétie.

Cordelia buvait les mots du Prince, improvisant sur leur violente mélodie une chorégraphie de couleurs et de vif. La verve de Sanz l'amusait toujours autant.

Cordelia, ton corps est une âme.

La métamorphe était maintenant auprès du corps de Taranis, silhouette incertaine agenouillée auprès de la jeune fille inconsciente. Elle lui chuchota tendrement :

Chuut. Relève-toi ma belle. Ton heure n'est pas venue. Regarde donc ce que ta fidélité a permis : ton Prince peut à nouveau se mouvoir. Lève toi. Lève toi et sois fière de ce que tu as fait.

Puis Cordelia se redressa, impressionnante femme vêtue d'une longue robe d'un rouge profond. Ses yeux carmins luisaient, encadrés par de foisonnants cheveux cuivrés. Sa peau était grise et presque brillante.

Sanz ! Te voilà à nouveau complet. Du moins... autant que tu peux l'être. Elle baissa la voix. Le creux dans ta poitrine ne se comblera pas aussi facilement, je le crains. Puis ses yeux scintillèrent, son menton se leva un peu plus et elle ajouta en fixant le jeune Prince ailé droit dans les yeux : Vis. Sois digne de mon essence.

Résurrection [RP confrérique (2)] Lathie10

Attirée par une odeur familière, la louve s'était approchée avec prudence des deux femmes. Pourtant l'odeur n'était pas l'une des leurs et elle ne comprenait pas comment c'était possible. Perplexe, Lùthien s'était posée entre deux tombes, ombre parmis les ombres de la nuit, observant avec intérêt l'explosion d'Essences et la renaissance de Sanz, ou tout autre nom que portait cet être étrange aux pouvoirs aussi nombreux que ses âmes.

L'elfe était attirée par le Prince sans qu'elle sache à quoi cela pouvait bien être dû. Il n'avait pas besoin d'elle. Mais dans son corps, dans cette partie où se tapissait le Démon, un étrange écho s'éveillait en sa présence. Sans se l'expliquer, la louve savait qu'elle devait suivre Sanz et ses compagnons.

Pour le moment, elle restait couchée dans l'odeur riche de la terre du cimetière, suivant le rituel en cours.

Le vide s'était fait dans le corps de Tàranis. Les âmes ne parlaient plus, ne luttaient plus, même le renard semblait évaporé et le silence régnait, cotonneux, dans son esprit. Sanz n'était plus là, la paix pouvait reprendre le contrôle de ses sens, mais ceux-ci semblaient inhibés. C'était comme si le monde n'existait plus, comme si le départ des essences étrangères avait détruit les liens fondamentaux entre le corps de la jeune fille et son âme.

Chuut. Relève-toi ma belle. Ton heure n'est pas venue. Regarde donc ce que ta fidélité a permis : ton Prince peut à nouveau se mouvoir. Lève toi. Lève toi et sois fière de ce que tu as fait.

La voix était un souffle qui ranimait peu à peu ses perceptions endormies. Ses pensées se remirent à tourner doucement.

Mon heure?

Non, son heure n'était pas venue mais sans liens elle peinait à raccrocher sa conscience. Egarée elle cherchait, et égarée elle trouva un support où se poser, un fil solide auquel se lier qui semblait avoir toujours été là, à l'attendre. Et lorsque le noeud se fit elle entendit sa voix. N'aie crainte petite soeur, je veille sur toi. Viens, nous avons tant de choses à faire.

Qui?

Toi. Je suis toi, petite soeur. Tu es moi. Sirona.
A ces mots le corps de la jeune fille se glaca et son âme se révulsa, refusant d'être liée à cette chose qui l'appelait petite soeur et, comme une chair à vif, l'intérieur de son être brûlait. Sirona, en consolidant le lien répandait en elle un souffle de vie qui calma la douleur. Alors elle laissa sa résistance battre en retraite et tu sa rancoeur.

Sous les yeux du Prince et de la Métamorphe se dressa un Dragon d'argent qui prit doucement Tàranis entre ses pattes avant de s'envoler.

La brûlure du Sanz évaporé fit frémir le corps de la jeune fille comme un mauvais souvenir alors que les arabesques noires s'étaient à peine effacées. Elle était loin, déjà, mais il lui fallait revenir. Elle avait des choses à faire.

Ma Poitrine...

Sanz baissa la tête et fixa le trou essentiel dans son corps. Une faille étrange qui contenait l'imperfection de la matière: la rupture. Son regard se voilà tandis qu'il tourna son attention vers le Dragon d'Argent prenant son envol

Sirona... Issac et Shyon t'attendent... . Ne les fais pas s'impatienter.

Puis retirant son arme du courant il fixa lentement les fibres lieuses s'éteindre peu à peu. Autour de lui il sentit des présences d'étrangers mais il ne bougea pas. Son nouveau corps trop jeune percevait avec difficultés les variations essentielles ; il devait se reposer et retrouver peu à peu ses faculté, il devait prendre ce temps là. Mais l'Histoire semblait se presser, l'exhortant toujours plus loin, plus rapidement. Les pulsations de son cœur augmentèrent jusqu'à sentir brusquement, associer une couleur à son.

Le cri du Loup et la chair d'une femme...

Malgré cette association soudaine il n'arrivait pas à se dire s'il avait déjà croisée cette empreinte.

La salle commune des Enfants de l'Unique était située dans la commanderie, derrière la cathédrale, non loin des quartiers privés du Culte. Il s'agissait d'une longue salle occupée par plusieurs rangées de tables et de bancs, aux murs couverts de tapisseries votives, chacune représentant soit un aspect de l'enseignement de l'Unique à l'Humanité soit une scène de conversion célèbre, telle qu'elle était décrite par les Archivistes dans leurs écrits. A intervalle régulier s'ouvraient de larges vitraux colorés qui laissait filtrer de jour une douce lumière dans la salle, créant de superbes mosaïques multicolores sur le sol. Le plafond était de son côté constellé de fresques et de portraits d'hommes et femmes illustres, peint à l'or fin par les artiste les plus fervent du Culte. Située à l'opposé de la porte, une large cheminée diffusait une lumière et une chaleur bienvenues, la nuit venant juste de tomber sur Bethil.

Malgré l'heure déjà avancée, Exodus ne trouva pas l'endroit vide, ce à quoi il s'attendait. Quelques frères Jurés étaient installés ça et là, jouant au dé en l'absence momentanée du Primat, savourant un repas chaud ou juste se reposant en attendant leur prochain ordre. Mais ceux qui intéressait le répurgateur étaient assis au fond de la salle, au plus près de la cheminé, les frères semblants se tenir à l'écart d'eux malgré le fait qu'ils soient aussi Enfants.
Face à la lueur des flammes, accordant son instrument par automatisme plus que par nécessité, Sharah'In fixait intensément les braises, affichant paradoxalement un air absent. Elle portait la longue robe couleur sang, parsemé d'or, symbole des Enfants de l'Unique, la capuche rabattue laissant apercevoir une coupe mi-long. Elle ne semblait rien avoir sur elle en dehors de sa guitare mais un œil exercé pouvait voir des renflements sous les manches, au niveau de ses poignets, présageant la présence de lames fines mais efficaces.
Assis à une table de là, le dos et les bras posés sur la table, la tête jetée en arrière, Laylay contemplait le plafond sous la lumière vive du foyer, admirant les techniques utilisées pour rendre vie, le temps d'une image, aux doyens du Culte partis rejoindre l'Unique depuis longtemps. Sur la table étaient étalés plusieurs ouvrages épais, preuve qu'il avait encore passé une partie de sa journée à s'instruire sur l'histoire des Enfants. Arborant lui aussi la longue robe rouge et or, il laissait ses katars pendre ostensiblement à sa ceinture, comme un avertissement sur sa nature et ses talents.
Exodus approcha d'abord de sa consœur, en essayant d'être le plus discret possible.
- Que me vaut le plaisir de ta venue?
Elle n'avait même pas eu à détacher son regard des flammes pour deviner l'arrivée du répurgateur, qui resta surpris quelques secondes avant de se reprendre.
- Tu es décidément impossible à surprendre. Tes pouvoirs te permettraient-ils de voir dans ton dos?
- Non, mais je dispose d'un nez encore assez fin pour sentir quand l'équivalent d'un banquet tente de se rapprocher dans le sens du vent. Rajoute à cela que l'heure du mess est passée depuis longtemps et la suite est facile à deviner.
- Et je vois que tu dispose toujours de ton humour, répondit Exodus sur un ton faussement contrarié, en se reprochant d'être passé par les cuisines avant de rejoindre la salle commune. Il n'avait pas besoin de voir son visage pour deviner son sourire, tandis que ses doigts dansaient maintenant le long de sa guitare, effleurant les cordes sans donner la moindre note.
- Mais pour répondre à ta question, sache que j'étais venu pour te proposer une petite sortie... A toi et à Anamorphose, si la chose t'intéresse.
Les doigts arrêtèrent leur mouvement le temps d'une seconde, avant de reprendre encore plus rapidement leurs inaudibles accords. Cette fois elle tourna sa tête en direction de l'Enfant, le visage affichant une mine réjouie.
- Tu veux parler de ce genre de sortie? Oh oui, ça m'intéresse, et elle aussi.
Cette façon de parler de son instrument comme d'une personne mue par des émotions le gênait toujours un peu, mais la réponse étant celle qu'il désirait entendre, il n'y prêta pas plus attention que ça.
- Et pour ce qui est des détails: lieu et intervenants?
Exodus ne pu s'empêcher de sourire alors qu'il s'apprêtait lui répondre.
- Le lieu? Un splendide cimetière, situé quelque part à Echoriath, emplie de corrompus et d'hérétiques. Les intervenants? Disons que je verrais bien une tête de dragon empaillé, dans la salle des trophées... Partante?
- Tu veux rire? Bien sûr que je viens, répondis Sharah'In en se levant rapidement, sa guitare passé dans son dos.
- Parfait! Dans ce cas, il ne nous reste plus qu'une chose à régler... Puis, se tournant vers le mystique en pleine contemplation: Laylay!
L'intéressé tourna nonchalamment la tête dans la direction du duo, avant de répondre, un œil toujours sur le plafond.
- Oui?
- J'aimerais savoir: que te dit-Il sur les dragons et leurs maîtres du Sang?
- Ah, vaste question... répondit l'Enfant en affichant un air amusé, se redressant sur son banc mais fixant toujours au dessus de lui. Il me dit des vérités, horribles quand on sait que certains sont pourtant des hommes... Mais surtout Il me dit qu'ils ne méritent nulle compassion, nul pardon et que seule la mort lavera les atrocités commises par ces êtres.
Parfait songea Exodus. Les mains du peintre descendaient toute seules en direction de ses katars, les doigts jouant sur leur poignée.
- Et toi, que dis-tu?
Laylay les regarda cette fois droit dans les yeux, une expression de joie malsaine inscrite sur son visage.
- Je dis que je m'imagine très bien en train de contempler l'agonie de l'un de ces hérétique, les ailes tranchées, un katar planté dans le dos et gémissant dans son sang si précieux... Oui, je pense que la scène embellirait la pièce, une fois mise en peinture.
- Alors prépare toi, nous partons dans l'instant leur rendre une petite visite, lui annonça Sharah'In.
A la vue de l'expression de l'Enfant, elle aurait aussi bien pu lui dire que l'Unique lui-même venait leur rendre visite. Il se leva promptement avant de se diriger vers la sortie. S'apprêtant à le suivre, Exodus fût arrêté au dernier moment par Sharah'In.
- Je suppose que le Primat est au courant de ton projet?
- Tu sais bien que j'ai sa bénédiction dans tout ce que j'entreprends, lui répondit-il avec un sourire qui se voulait charmeur, non?
Elle lui répliqua avec le visage marqué de malice:
- Et je sais surtout qu'il t'arrive d'être un fieffé menteur, et qu'il ne t'accorde pas sa confiance au point que tu voudrais faire croire.
- Tu me blesse, ma sœur, fit-il en feignant un air d'indignation, geste à l'appui. Et je suppose que savoir cela va remettre en cause ta participation.
Elle partit alors en direction de la porte, apparemment amusé.
- Non, disons que c'était pour ma satisfaction personnelle.

__________

Bien plus tard, dans le cimetière d'Echoriath, le trio avançait aussi discrètement que possible, circulant entre les tombes et les mausolées. Exodus marchait à même hauteur que Sharah'In, tentant de se fondre le plus possible dans l'obscurité malgré sa propre robe rouge et or, en dessous de laquelle il avait essayé de ranger son harnachement habituel (la plus dure concession pour lui avait été de laisser a Bethil son précieux couvre chef). De son côté, Laylay était presque invisible et ce malgré sa tenue, une ombre à peine perceptible longeant la pierre froide. A intervalle plus ou moins régulier, il était possible d'apercevoir des flashs lumineux successifs, des courants de magie perceptible jusqu'à leur position. Puis survint un phénomène horrible, une masse de ténèbres, presque palpable, qui envahit progressivement le cimetière. Le cri de millier d'âmes retentit, faisant écho dans cette bulle noir. Exodus s'entendit réciter à haute voix les Textes, tenant à conserver sa raison malgré les cris qui lui compressaient le crâne. La puissance émanant des ténèbres était écrasante, terrifiante par sa puissance brute. Les âmes virevoltaient maintenant devant le trio qui se tenait au sol, la tête entre les mains, à hurler de douleur, même si leurs propres cris ne parvenaient pas à percer la tempête. Exodus avait l'impression que son être tout entier cherchait à quitter son corps pour aller crier avec les autres. Puis tout disparu. Avec une violence inouïe, toute les âmes furent soufflés, la tempête avec, laissant les trois Enfants prostrés, tentant de reprendre leur souffles.
- Ces âmes... commença Sharah'In, ces âmes ont été aspiré, transformé et anéanti... Il s'en est fallu de peu pour que nous ne subissions le même sort.
Près d'elle, Laylay se mit à énoncer avec une voix calme mais épuisée.
- "Une âme n'est la propriété qu'un d'un seul à la fois, et Il sait protéger celles qui Lui sont confiées, gardant jalousement Ses élus de l'influence du Mal".
Exodus de son côté respirait bruyamment, regardant tour à tour Laylay et Sharah'In. L'Unique avait évidemment aidé ses Enfants, mais au vu des gouttes de sueurs qui perlaient le visage de la musicienne, il est était tout aussi certain qu'elle et sa capacité à jouer avec les âmes les avaient tout autant aidé, sinon plus.
Ils se relevèrent après quelques instants, puis reprirent la marche en direction du centre du cimetière, bien décidé à faire payer cette épreuve au Sang.

Après quelques minutes de marche, il leur semblait déjà avoir recouvré toute leurs forces, tandis qu'ils se rapprochaient toujours un peu plus du centre. Quand un Dragon d'argent pris soudain son envol depuis un espace à quelques dizaines de mètres d'eux, ils comprirent qu'ils étaient arrivés à destination. Exodus fit encore quelques pas avant de stopper net, après avoir entendu pour la première fois une voix, portée par la brise. Se retournant vers ses camarades, il leur chuchota:
- Les dragonniers sont juste devant nous. Vous vous sentez près?
Les deux opinèrent lorsque Laylay se redressa soudains, le visage tourné vers une autre direction que les membres du Sang.
- Il y a quelqu'un d'autre ici... Il me le montre: une autre personne, tapie entre les pierres. Elle observe et semble attendre...
- Et te dit-Il si cette personne est amie ou ennemie, le questionna Sharah'In?
- …
- On le découvrira bien assez tôt. Maintenant,on doit avancer.
Ils parcoururent les derniers mètres le plus discrètement possible, puis se mire à couvert derrière l'avant-dernière rangée de tombe précédant le centre du cimetière. Là, au milieu d'un espace dépourvu de sépultures, se tenaient les membres de la Confrérie du Sang: une jeune femme, à la silhouette changeante, accompagnée d'un être dont le corps ne semblait pas être fais de chair. En les voyant, Exodus se demanda ce qui valait le mieux: se révéler maintenant, ou bien attendre encore un peu que la présence tierce ne se dévoile? Le choix risquait de ne pas leur appartenir.

Les oreilles du loup s’agitèrent brusquement. Trois nouvelles odeurs venaient de lui parvenir, empestant la piété et l’envie de meurtre. Lùthien n’avait que trop bien connu ce genre de fanatiques pour ne pas savoir qu’elle, mais aussi Sanz nouvellement reformé, était en danger. L’air lui confirma que Shyon n’était pas dans les parages immédiats et le Prince avait l’air encore maladroit dans son corps. Bien sûr, elle aurait plus de chances de s’en sortir toute seule. Mais malgré les pouvoirs qu’elle savait en Sanz, elle répugnait à le laisser face à ces trois là.

En une fraction de seconde, la métamorphe puisa profondément dans ses ressources, transformant la louve noire en un monstre de puissance de la taille d’un poney. D’un bond, elle se plaça devant Sanz, lui parlant en esprit ses cordes vocales n’étant pas adaptées. Elle n’accorda pas un regard à Cordelia, qui ne l’intéressait en aucun cas. De la Confrérie, seuls la nymphe et le Prince avaient éveillés sa curiosité.

*Monte, je ne crois pas que l’heure du combat soit encore venue. Tu as d’autres choses à accomplir avant.*

Le ton était urgent mais aucune peur ne se faisait sentir. Au besoin, elle combattrait.

Aveuglement... Je reste fixé à ma chaises, mes longues ailes blanches dormaient dans mon dos. Une présence, cette Présence, me fixait de son air vieux et sage. J'entendais respirer mes frères autour de moi. Ils attendaient que ce Père laisse entendre son Verbe sous la voute. Archange Hezeriel, votre mission est si simple, si belle: exterminer une civilisation hérétique, versée dans la divination païenne, prenez votre légion et que votre succès vous illumine. Des applaudissement et une vague lueur. Il me sourit, Il m'éprouve, Il me sait. Ma main tremble légèrement en prenant de Ses mains le Sceptre de commandement. Père, je suis votre dévoué.

Père. Le vent tourna, révélant les traces essentielles des étrangers, et leur histoire avec. Sanz leva Azräael vers le ciel, un éclair la foudroya et soudainement l'espace s'embrasa de lumière. L'obscurité vola en éclat dans un tressaillement du ciel. Sur chaque présence un feu doré les traquait, les révélant à chaque seconde. Puis un loup étrange s'approcha et lui proposa de s'en aller. Le Prince sourit.

Ne t'en fais, Louve. Ce sont de jolis frères. Mais reste ici.

Et tandis que la lumière déclinait, un ange superbe au front cerné d'une étoile de feu couvait d'un regard tendre plus bleu que les cieux divin trois observateurs. Des ailes lumineuses battaient lentement au rhytme d'un vent absent dans son dos. Lentement il rabaissa son arme au rythme de la nuit qui revenait. Son aura de lumière suffisait pour éclairer le cimetière tandis que les feux d'acier continuaient de coller de près Exodus, Sharah 'In, et Lalay. l'Animosité lui piqua au nez.

Grand Dieu vous rêvez d'empaler un Archange, c'est un peu idiot comme attitude, non? Empaler un frère.

Tout en caressant le museau de la Louve, il affichait une attitude nonchalante.

Décidément, Celui-Là, il en perds pas une... . ( puis reprenant son ton vers eux) Je venais purifier l'espace et les pauvres âmes du cimetière. Quelle bêtise de s'y trouver à ce moment là, vous auriez bien pu mourir. On vous a donc rien appris, tss.. Décidément, décidément, les jeunes d'aujourd'hui, purs inconscients... .

Sa voix se ralentit, pour finir dans un murmure. Une seconde ses yeux s'allumèrent d'un feu étrange avant de recouvrir leur couleur.

Vous êtes censé abattre des démons, pas des Anges, je me trompe? Oui, oui..je sais bien, je porte le sceau d'une Confrérie sur mon avant bras. Et oui oui, Laylay a du vous dire des choses horribles. N'est ce pas? La Confrérie du Sang, des tarés qui ont le goût du sang sur les lèvres, qui massacrent à tour de bras. Mon Dieu, préserve nous... . Ce sont des hérétiques.

Au dernier mot lancé, l'Archange s'esclaffa. Puis adoptant une sombre voix, il leur murmura directement dans leur âme:

Vous vous trompez de combat.

Un éclair perça le ciel encore encombré par d'étranges nuages, celui-ci tomba à quelques mètres des trois enfants, juste là ou ce trouvait l'hérétique. Laylay n'eut aucune réaction au moment où l'explosion sourde accompagna le flash lumineux, il n'avait aucune raison d'avoir peur, L'Unique guidait les éclairs et jamais il n'aurait pris le risque de blesser un de ses enfants.

La lumière avait été si forte qu'en déclinant elle laissa une tâche noir ancrée dans la rétine de Laylay. Au bout de quelques secondes, Laylay pu enfin discerner les ailes illuminées de la créature. Qui à part un despote hérétique, un suppôt de satan, pouvait se prétendre archange? Seul LUI, l'Unique, pouvait dire ce qui était angélique ou non, et d'après ses dires Sanz était bien plus proche du démon et de l'ignominie que de la beauté angélique.

- Laylay a du vous dire des choses horribles. N'est ce pas? La Confrérie du Sang, des tarés qui ont le goût du sang sur les lèvres, qui massacrent à tour de bras. Mon Dieu, préserve nous... . Ce sont des hérétiques.

Laylay eu un geste de dégout en voyant l'ensanglanté dragonnier blasphémer de la sorte, ce prendre pour un ange était une chose, rire de l'Unique en était une toute autre qui n'était en aucun cas acceptable par les enfants !

- Vous vous trompez de combat.

S'en était trop pour Laylay, cette fois-ci il devenait impossible de se contenir, ses nerfs n'allez pas tarder à lâcher devant de telles paroles. Il connaissait l'ennemi, il était allez le sonder jusque dans son antre, les secrets de la confrérie du sang lui avait déjà été révélés, les rites démoniaques et maléfiques lui étaient familiers. Cet ennemis était tout aussi infidèle que dangereux. Il avait beau n'avoir aucune connaissance de l'Unique, il n'en demeurai pas moins puissant.

Plus les secondes s'égrainaient et plus la tension montait, les muscles des avants bras et des poignets de Laylay commençaient à se contracter, ses veines commençaient à se gonfler et à bleuir les unes après les autres. Ses dents se plantèrent dans ses lèvres pour éviter de crier, un goûts de sang parvint jusqu'à son palais. Son coude frappa instinctivement dans la stèle sur laquelle il était adossé comme pour faire redescendre un trop plein de pression. La pierre se fendit dans un bruit sourd et une lueur traversa le regard de laylay.

** C'est lui qui ce trompe, notre combat et le seul qui en vaille le prix, et c'est par le sang qui lui est si cher que cet homme doit payer. **

En un instant Laylay attrapa ses deux katars pourtant encore fixés à sa ceinture. Exodus et Sharah'In se rendirent réellement compte à ce moment à quel point Laylay savait manier ses instruments forgés pour l'art du meurtre. Un souffle froid parcouru l'ensemble du cimetière, quelques feuilles mortes s'envolèrent, tout semblait étrangement calme, cela n'était jamais bon présage, surtout en présence de membres de confréries ennemis.

Laylay se redressa accroupie sur ses jambes, prêt à bondir tel un félin. Il restait là sans mouvement tapis dans l'ombre de la stèle prêtent à s'effondrer. Il surveiller le vent et la lumière tel un prédateur, réfléchissant à tout les signes pouvant le vendre ou le tromper. Des années de chasses à l'homme avait aiguisées ses sens, il ne comptait pas se laisser duper si facilement. Puis une fois le vent retomber, il se tourna vers son frère et sa sœur de L'Unique pour s'adresser à eux, ses mots étaient prononcés si doucement qu'il dût les accompagner de geste afin de se faire comprendre.

- L'Unique ne me permet pas de le laisser blasphémer de la sorte, le moment est rêvé pour faire ce que nous avons à faire.

Laylay esquissa un geste de la tête et se faufila à travers le cimetière contournant Sanz et Lùthien et se dirigeant dans une zone recouvert par une épaisse ombre. Sa capuche bien fixée sur sa tête, sa cape flottant fluidement derrière lui sa silhouette et sa discrétion n'était pas sans laisser douter sur l'éventuel apparition d'un fantôme dans l'enceinte du cimetière.

Vous vous trompez de combat

La voix était une lente rengaine, dans une vague persistante. Elle irriguait peu à peu une quiétude qui affectait les perceptions. Sanz ne bougeait pas, les yeux fermés, il poursuivait mentalement les feux d'aciers qui poursuivaient les trois enfants de l'Unique, et tandis qu'une lente géographie mouvante s'écrivait, son coeur pulsait un peu plus rapidement.

Tu n'as pas compris Laylay.

Il prononça ses mots brièvement comme si finalement il percevait déjà une lassitude l'étreindre. La flamme d'acier qui poursuivait le Peintre dans ses déplacement saute et embrasa brusquement sa capuche.

Ceci est un cimetière. Cela aurait été une cathédrale, il y aurait eu un certain équilibre... . Mais ici...il y a tellement de failles.. et tellement d'âmes.

Pas d'ombre et danse des morts, effacement d'une chair au vent, au silence. Effacement discret. Comptine d'enfant. Pas d'ombre, et l'Ange se confond lentement au Temps. Il n'est plus qu'une supposition d'existence dans l'espace, comme partout et nulle part. Un point, plusieurs endroit ; un seul endroit plusieurs points.

Du Lieu ou Sanz fixait ses feux poursuiveurs, ne restait plus qu'Azräel, la lame Du Dévoreur d'Ame, plantée profondément dans le Sol. Et cette voix qui les frappa tous en même temps, a divers degré de puissance

Vous vous trompez de combat.

Elle se tenait en retrait depuis le début, observant ce qui se passait. La moindre des choses était d'en apprendre un peu plus avant de créer quelque illusion que ce soit. De plus, le cimetière était un lieu qu'elle affectionnait particulièrement. Surtout dans le cas présent : il était habité par tant d'âmes... chacune lourde de rêves, de regrets...

Ceci est un cimetière. Cela aurait été une cathédrale, il y aurait eu un certain équilibre... . Mais ici...il y a tellement de failles.. et tellement d'âmes.

*Tu ne crois pas si bien dire* songea la jeune femme avec un léger sourire.

Doucement, délicatement, elle commença à pincer les cordes d'Anamorphose. Celle-ci émit une plainte de plaisir alors que Sharah'In accélérait le rythme, de plus en plus rapide, de plus en plus soutenu. Devant elle, Sanz sembla se dissoudre dans l'espace, cédant la place à une magnifique et ô combien dangereuse épée.

Vous vous trompez de combat.

Peut-être était-ce ce qu'elle attendait depuis le début. Elle n'aurait su le dire. Ses notes se firent de plus en plus aiguës, arrachant une légère grimace à Exodus, qui se tenait quelques pas devant elle. les notes s'enchainèrent rapidement, selon un ordre connu d'elle seule. Lentement, des stries sombres lacéraient le sol du cimetière, se dirigeant vers la guitariste. Rêves. Regrets. Espoirs. Imaginations. Tout ce potentiel que portait les âmes habitants encore les lieux allaient lui servir de matière à créer un autre type de songes. Plus dangereux, si cela s'avérait nécessaire.

Elle était prête.