Résurrection [RP confrérique (2)]

L'avantage et le désavantage d'Azräael. Elle était aussi indestructible, aussi rapide qu'une âme puisqu'elle en était le prolongement baigné de la puissance de Shyon. Le Prince ne cherche pas à l'éviter, quelque fut la danger et la force il avait toujours accepté les coups sans broncher. Il se contenta de parer encore une fois et dans le choc, l'Ange sentit comme si l'on frappait violemment sa tête et sous la pression lâcha Azräel. Sanz n'en ressentit aucune douleur, gagné par l'Appel l'impression physique s'était effacée. Il mit un genou à terre le sourire aux lèvres. Son arme tomba dans une chute lente sur le sol.

Peut être le Primat crut-il pouvoir devant son adversaire une seconde étourdi asséner un second coup mais il n'y eut qu'un sifflement de vent et le bruit de la terre sous ses pieds qui se fendille sous la lame.

Shyon...

Ce n'est pas mon combat.

Une forme d'ombre apparut dans le dos de De Vaanne et un éclair fusa comme le tintement d'un combat qui reprenait. Conscient de sa faiblesse physique comparé a son adversaire, il adopta une attitude de furie vengeresse, l'obligeant à augmenter la cadence de ses parades ce au détriment de la force brute. L'âme encore heurtée il arrivait parfois que des saignements mêlés au tissu déchiré apparaissait irrégulièrement sur le corps du Prince. La fatigue gagnant, ses déplacement se faisaient de moins en moins nécessaire. Pour un observateur il semblait qu'il se téléportait tout autour de son adversaire mais il ne faisait que replier le temps dans sa course, et le contractant réduisait sa course.

*Mais il commence à me canuler, celui-là, pensa le Primat devant la soudaine célérité de son ennemi. Il ne va pas me faire croire qu'avec son physique, il peut se déplacer plus vite qu'un éclaireur !*

Comme pour y répondre, Sanz apparut juste derrière lui et Azräel laissa une longue rayure sur le flanc de l'armure dorée. un cri de surprise s'échappa de la ouche du primat, qui pivota pour porter un grand coup de taille de la seule main droite. Comme il fallait s'y attendre, pourtant, Sanz avait une fois encore disparu.
Une alarme se mit à résonner dans son esprit, et il n'eut que le temps de se baisser avant de voir une épée fendre l'air à la hauteur où il se trouvait un instant plus tôt.
Profitant de sa chance et de l'instant de déséquilibre de Sanz, il partit en arrière et se sentit heurter ses jambes. Déséquilibré, celui-ci bascula et les adversaires se retrouvèrent enchevêtrés durant quelques secondes. La situation finit par se résoudre à grands coups de poing et de ruades, et chacun s'écarta à peu près intact.

*Cette fois c'est décidé. il est aussi insupportable en combat qu'en rhétorique.*

Le primat réussit à se remettre debout le premier et leva sa zweihänder au dessus de sa tête.

- Cette fois, Sanz, j'ai fini de jouer, dit-il en commençant à tourner sur lui-même.

Antienne, dans le même temps, s'abaissait graduellement et son poids entraînait l'inquisiteur dans un tourbillon effréné qui se mouvait de plus en plus vite. Lorsque son arme arriva à l'horizontale, De Vaanne se mit en mouvements : par légers bonds pour éviter de déraper sur une ronce mal placée, la trombe d'acier se rapprocha inexorablement de Sanz.

Si dans le ciel les étoiles veillent, Orion, lui, sait que son rôle va venir, il est la voie des cieux qui protège, celui que l’on sertit sur son front quand le combat devient nécessaire.

Le sang toujours versé par l’ignorance.

Cassiopée n’ébaucha pas un geste, ne bougea pas un cil, elle écoutait la brume et entendait. L’homme isolé s’était à présent levé et s’apprêtait à agir. Elle le sentait dangereux comme le serpent qui quitte son trou.
Autour de lui le vacarme s’était assourdi, comme un bruit de fond dans lequel les éclats et les chocs ne faisaient qu’amplifier les silences qui l’entouraient. Une bulle de réviviscence enveloppait Shara’n telle une accalmie de regain. Luthien et Exodus entraient dans un ballet nuptial qui les lierait peut-être dans la mort, alors que le Primat des Enfants de l’Unique s’évertuait à fermer sa conscience et à emprisonner son âme.

La brume avait senti les pouvoirs cachés, elle s’imprégnait du moindre sourcil froncé, de la peau effleurée ou du froissement de l’étoffe.
Alors les sons se mêlèrent. Cassiopée souffla à l’homme les mots étranges qu’elle susurre à son tour. Des mots venus d’Ailleurs à la tonalité obscure, aussi ténébreuse qu’Issac l’inverse. Issac l’agent Harmonique.

Susurrer sans cesse dans le souffle… S’entrelacer au sinueux sortilège du vent qui s’étend en sifflant la sourde symphonie du Sang.

Ses mots se glissèrent et serpentèrent, puis vinrent se tresser à ceux que l’homme avait voulu prononcer, ils leur donnaient formes et déguisaient leurs sens.

L'acier raye l'espace, et de courbes en courbes, les choix prennent lentement des formes de résignation. Sanz n'aime pas le combat rapproché, les grands coups, le crissement des pas sur la terre encombrée. Son visage se durcit, il se contente peu à peu d'éviter en observant le Primat jusqu'à ce que les vents ombreux de Shyon lui interdisent d'aller plus en arrière. Une seconde il maudit ce casque qui l'empêchait d'entendre correctement le chant des essences. Puis d'un geste bref il planta l'arme devant lui et concentra ses forces dans le lien qui l'unissait à son arme. A défaut de répandre son vent tout autour de lui, il le canalisait peu à peu pour offrir à Azraäel une résistance indomptable. Le tourbillon déferla brusquement et ce fut un combat de force qui se mêla dans la sueur des corps : l'orage contre un arbre incliné. Et l'arbre tenait, les racines ancrées dans le Monde face à la tempête noire. La voix du Prince résonna encore dans l'esprit de Shyon

Shyon...

Ce n'était pas notre guerre. Ni la tienne, ni la mienne. Il ne se passera rien aujourd'hui. La mer aura roulé sa houle pour des quolibets. Que veux tu que l'on fasse?

Rien effectivement. Si cela doit se finir ainsi.

Une seconde son arme trembla, un seconde les yeux bleus marins fixèrent la furie infernale et céda subitement. Dans l'élan il sentit en quelque endroit ce corps se déchirer, quelques os craquer probablement, et ce fut une longue chute vingt mètres plus loin. Azräel vola plus loin encore. Il se releva et ses jambes le lâchèrent. Il n'éprouvait aucune douleur sinon que ce corps emprunté semblait avoir du mal de le tenir. Un sourire sanglant aborda ses lèvres tandis qu'une pensée s'engageait en lui.

Cordelia, qu'est ce que cette matière en soie, qui s'effeuille dans un bruissement de vent?

Rampant jusque vers son arme, sa seule main gauche en état, la droite n'étant plus qu'un monceau de lambeau, il tira la garde à lui et forçant son corps il cracha vers le Primat qui s'avançait.

Quel bond brusque? Aurais-je malencontreusement quitté votre aura de déni? C'est bien dommage.

Sentant en lui une haine froide embraser sa folie, les Réminiscences l'emportèrent. Anwen surgit du brouillard et d'un saut précis sauta à la gorge de son adversaire alors que la lame ombreuse du prince s'assombrit dans un ballet de pétales et de vent violent. Les contours s'effacèrent et un arc richement sculpté prit place dans sa main. Bien sur, il n'avait plus qu'un bras, et ses jambes ne l'étaient que dans un étrange effort intérieur qui le maintenait presque debout. Sur ses genoux des saillies béantes crachaient des filets de sang en cohorte. Et c'est dans ce sang qu'il baigna l'arme lumineuse, puis il redressa son geste. Le temps s'était contracté dans son geste. Un temps les yeux fermés pour définir une trajectoire dans le tissu harmonique, il se demanda si Anwen avait put retenir la marche du Primat assez longtemps, puis dans un souffle dirigea les pétales solidement liés par des fils d'âmes pour qu'elles forment une flèche fine en direction de celui qui l'avait écharpé.

J'ai fait ce choix de ne pas céder, Shyon.

Ce n'est qu'une histoire d'homme tout cela.

Mais de ces hommes que l'on tient en vie tant qu'ils peuvent servir encore.

La voix d'Issac siffla dans leur obscur langage. Et ce fut comme si l'Orion glissait sa main de brume lumineuse pour tendre la corde.

Tire, même si cela ne sert déjà plus à rien.

Cordelia, qu'est ce que cette matière en soie, qui s'effeuille dans un bruissement de vent?

Ah !

Un souffle. La réponse se fait attendre.

La matière est matière. Simplement. Tu joues avec elle comme bon te semble, Poète à l'épée. Ton âme pour fixer ton regard, et te voilà prêt à tourner, tourner et tourner encore. Tu virevoltes sans perdre le Nord et, d'Est en Ouest, ton corps se délace. En un battement, tu es ailleurs.

Grâce à moi, ton âme a revêtu la trame des vents. Et elle en joue, la fileuse !

Un visage dans la poussière du combat. Cordelia sourit.

Qu'elle est triste votre violence. Je n'ai pas pu m'empêcher d'y goûter : tu as été le pont. Je... je ne sais quoi en penser. Car en détruisant, vous créez tellement ! C'est une puissance que je pourrais aisément faire mienne ; un tourbillon effrayant de vitesse, né des chutes et des séparations.

Étrange cadeau que tu me fais là...

De Vaanne sentit le raclement familier de l'acier trempé contre l'os et vit Sanz décoller dans une magnifique parabole rehaussée d'une corole pourpre. Son adversaire à terre, il n'était plus utile de continuer cette trombe et le primat la laissa lentement mourir, faute d'accompagner suffisamment l'inertie de la lame.
Sanz était à terre, ou, plus précisément, il essayait à grand peine de se relever. La victoire, pour la plus grande gloire de l'Unique, était acquise. Du moins elle l'était jusqu'à ce qu'une forme rugissante surgie de nulle part le jette à terre violemment, continue sa course quelques mètres puis revienne lui rugir à la figure.
Le primat tâta doucement sa gorge et en ramena une main tachée de sang. Un peu plus haut, un peu plus fort, et on aurait parlé du Primat des Enfants de l'Unique au passé simple. Le répit fut de courte durée car un instant après, les mâchoires du lion confortablement campé au dessus de lui claquèrent à quelques centimètres de sa joue gauche.
Poussant un rugissement digne de concurrencer celui du félin, il saisit son adversaire à la gorge, espérant l'étrangler avant de se faire éviscérer. Malheureusement, le lion était bien plus fort que lui et toutes ses forces réunies ne suffisaient pas à empêcher le lion d'approcher ses crocs centimètre par centimètre. Tentant le tout pour le tout, il dégagea sa main droite qui plongea à sa ceinture pour en récupérer sa dague, qu'il enfonça dans le corps du lion.

Celui-ci poussa un rugissement de douleur et se dégagea, la dague toujours plantée de le flanc. La blessure semblait grave et De Vaanne vit que l'envie d'attaquer lui était passée. Ramassant Antienne, il s'avança vers Sanz, prêt à apporter la mort à l'abomination. Celui-ci, dans une dernière gesture de folie, tenait un arc de la main gauche, tendu vers lui. Sa main droite, pourtant, n'était plus qu'un souvenir. Comment pourrait-il le bander ? Le primat ricana et continua à avancer en balançant doucement son épée devant lui.

Pourtant, quelque chose l'inquiétait. Qu'était cette lumière autour de l'arc ? Écartant cette pensée de son esprit, il continua à avancer, tendu vers un seul but : séparer la tête de Sanz de son corps. La lumière, soudain, sembla se condenser en une main qui banda l'arc puis relâcha la corde. Par delà l'intense lueur de la flèche, De Vaanne aperçut le visage haineux de Sanz se tordre en un sourire. Trop tard pour se protéger, et trop tard pour esquiver...

Décidé à regarder la mort en face, De Vaanne manque d'avoir les yeux lui sortir hors de la tête quand la flèche s'immobilisa à un pouce de sa gorge.

- Décidément, mon Primat... il est temps de t'apprendre la modération.

- Qui a parlé ? demanda De Vaanne en tourannt sur lui-même sans voir personne.

- Quelqu'un qui a intérêt à te voir survivre et qui est assez puissant pour figer le temps. Je crois que cela limite les choix ? répliqua la voix, amusée.

- Seigneur... dit le primat en s'agenouillant.

- En effet...J'interviens, car, vois-tu, ton initiative m'ennuie... il est des choses qui ne sont pas précisées dans le Fide Luminis, et les acolytes de Sanz en font partie.

- Pardon, Seigneur ?

- Pour faire simple, je ne suis pas la seule force d'importance ici. je n'ai pas envie de te voir trépasser, car tu seras encore très utile, mais si j'interviens plus avant, je ne serai pas le seul.... et le temps d'une confrontation n'est pas venue.

- Ne seriez-vous donc pas omnipotent ? demanda le Primat, interloqué.

- Si, sans doute.... mais je ne régnerais plus sur grand chose et le règne des Hommes serait un peu plus.... limité. Pourquoi d'ailleurs dois-je t'expliquer tout ça ? Quitte cet endroit, mon Primat, et quitte le vite.

- Mais, j'ai Sanz à portée de ma zweihänder. Encore quelques pas et une grande partie de nos ennuis sur cette terre sont terminés !

- Si seulement c'était aussi simple.... dois-je donc me répéter ?

Sans attendre de réponse, la voix disparut et le temps revint à la normale. La flèche lumineuse passa en sifflant au dessus de De Vaanne, toujours agenouillé. Celui-ci se releva et, sans un regard pour Sanz, courut vers Teclis.

- Récupère un cheval, on s'en va, lui cria-t-il.

- Mais pourquoi ?

- J'ai reçu des ordres du grand chef, alors récupère tes carnet et on décampe. J'vous jure, ajouta-t-il sans s'adresser à personne mais sans pour autant baisser la voix, il y a des fois où on a envie de se dire athée et de les envoyer paître !

Elle était épuisée. A bout de force. Seules quelques notes et l'étrange magie que lui envoyait Cassiopée la retenait encore debout. Pourquoi faisait-elle cela, d'ailleurs ? Sharah'In l'ignorait. Et elle était en train de se demander si ce n'était pas mieux comme cela. Depuis quelques temps déjà, Sanz s'était détourné d'elle, s'occupant du Primat qui semblait avide d'en découdre. Mais elle n'osait pas lâcher Anamorphose, elle ne voulait pas que l'arrêt de sa musique soit significatif de sa défaite, ou simplement de sa reddition. Car ce n'en était pas une.

Sa vue était depuis longtemps brouillée, ses sens ne répondant qu'aux seuls gestes de ses mains, et surtout du sang. Le goût du sang, dans sa bouche, qui lui indiquait qu'elle était toujours vivante ; l'odeur du sang du carnage du cimetière ; sa vision, tachée du rouge sanguinolant de ses propres blessures ; le sang dans ses tempes qui bâtait la mesure, sorte de métronome naturel dont le son résonnait dans sa tête ; et enfin ses mains, dont les doigts n'étaient que blessures, d'avoir trop jouée, ou simplement dont les blessures avaient été accélérées par les maléfices de Sanz.[i]

- Récupère un cheval, on s'en va ! Cria une voix au loin.

[i]Sans s'en rendre compte, Sharah'In avait fermé les yeux. La voix, familière, la tira de son esprit, dans lequel elle était petit à petit en train de se perdre. Dans un flou rougeâtre, elle vit De Vaanne, qu'elle reconnu uniquement au brillant de son armure, faisait signe à une autre personne, l'apostrophant en ces mots. Elle ne chercha pas plus longtemps à savoir ce qu'il se passait et pourquoi. Elle lâcha les cordes de sa douce compagne, mettant fin à toute mélodie.

La rupture fut brutale. Comme si tout son être se rebellait de cette rupture, ses jambes se mirent à trembler, refusant de la porter. Son esprit, lui, s'accrochait coute que coute aux chemins en ruines qu'elle avait visité quelques instants plus tôt. Ni son corps, ni son âme ne voulait quitter l'illusion de la musique. Elle se sentait défaillir et ne pouvait rien contre cela.

Autour d'elle, les ronces déjà fanaient, reliquat d'une musique désormais évanouit. A son tour, Sharah'In se sentit partir. Trop violemment pour esquisser le moindre pas. Trop rapidement pour demander de l'aide.

Teclis avançait dans la brume, récitant des pages et des pages de son carnet. Certaines étaient remplies d'écritures saintes, d'autres ne contenaient qu'une poignée de notes, voire étaient totalement blanches. Les langues employées variaient du tout au tout. Certains symboles paraissaient incohérents.
L'archiviste lisaient les feuilles sans ordre apparent, sautant d'un bout à l'autre du carnet, occultant des phrases ou des mots.
Cependant, cette étonnante anarchie ne donnait aucun résultat. Au bout de trois minutes, l'Enfant de l'Unique s'arrêta, poussa un long soupir et lança un regard profondément énervé vers le ciel. La chose qui s'y tapissait jouait contre lui.

- Je sais pertinemment que tu peux m'entendre, démon, fit-il à voix basse. Mais pourquoi te sens-tu obligé de t'entourer d'illusions si tu es si puissant, tout comme ton compère Sanz le maudit ? Vous n'osez pas apparaître sous votre visage, car alors, vous seriez désignés par la malédiction que l'Unique fait peser sur des êtres aussi vils. Néanmoins...

Teclis s'empara d'un des stylets, puis d'une des loupes accrochées au carnet.

- ... si je semble démuni face à vous, je reste un archiviste. J'ai ma foi, et le pouvoir d'y voir clair.

Et à nouveau, le religieux se remit à lire à travers la loupe. Néanmoins, la litanie en était toute transformée. Les pages précédemment recouvertes d'écritures étaient vierges, ou avaient changé. Des glyphes étaient apparus par endroits, ou avaient disparu.
Le bibliothécaire changea de loupe alors que quelque chose -enfin- était perceptible. Un infime changement dans l'air, qui le contentait. Il ajusta un morceau de verre blanc à son œil gauche, et ce qui ressemblait à un cristal saphir sur son œil droit, avant d'y superposer une troisième loupe couleur ocre.
Cependant, Teclis ne put finir sa lecture. Le Primat fonça sur lui en criant.

- Récupère un cheval, on s'en va.

Sur le coup de l'étonnement, l'archiviste referma son livret.

- Mais pourquoi ?

- J'ai reçu des ordres du grand chef, alors récupère tes carnets et on décampe. J'vous jure, il y a des fois où on a envie de se dire athée et de les envoyer paître !

Il fallut un instant à Teclis avant d'intérioriser ces dernières paroles. L'inquisiteur De Vaanne qui désirait non seulement rompre le combat face à l'hérétique, mais qui blasphémait en plus ! De retour à la cathédrale, il faudrait plus à même mener de sérieuses investigations. Néanmoins, il était peu probable que le Primat fut possédé ou victime d'une quelconque perturbation psychique : il portait la Coiffe du Pénitent.

- Diantre ! Au moins n'ai-je pas perdu ma journée, grogna Teclis en faisant demi-tour et en rassemblant son matériel et ses instruments de mesure.

Il trouva rapidement un cheval qu'il chargea de tout son bardas. Il allait partir lorsque trois pensées lui traversèrent l'esprit. La première se nommait Laylay : où donc pouvait-il bien se trouver en cet instant ? La deuxième portait le nom d'Exodus : ce ne serait pas pieu de le laisser seul face à l'immense louve ! Enfin, la dernière était appelée Sharah'In. Nulle part dans le cimetière, l'on entendait plus le son d'Anamorphose, que lui était-il donc arrivée ?
Faisant faire demi-tour à son cheval, l'archiviste rejoignit le Primat.

- Il faut retrouver les autres enfants, ne serait-ce qu'à l'égard de l'Unique...

L'inquisiteur eut un regard perçant.

- Ce sont trois mutins. Ils n'ont pas respecté les ordres, avec ton aide involontaire d'ailleurs...

- Justement. Mieux vaut les ramener à Belthil pour qu'ils rendent des comptes devant l'Unique, et, heu... devant vous, fit Teclis après réflexion.

Le Grand Archiviste faillit regretter ces derniers mots. Il préférait dix mille fois lire le "Tome sans fin des repentirs" ou avaler un repas à la taverne des Dix Asticots de Galvorn plutôt que d'affronter l'ire du Primat. Il se tourna alors vers le ciel.

- Nous n'en avons pas fini dans l'avenir, bougonna t-il en fixant les nuages. Quant à vous, il regardait non plus la tempête mais la voûte céleste, sans vouloir vous offenser, un peu plus de conviction dans les cœurs n'aurait pas été de refus.

Les attaques répétées de son adversaire obligeaient Exodus à esquiver autant que possible crocs, griffes et décharges d'aura s'il ne voulait pas finir en un petit cratère fumant ou pire, en un tartare de répurgateur. La louve ne lui laissait aucun temps mort pour placer une attaque efficace aussi ne pouvait-il que parer les assauts du mieux qu'il pouvait, tout en restant le plus mobile possible.

Tenant toujours sa lame qui brillait de mille éclats et son pistolet modifié, il tenta de diriger la louve vers un endroit beaucoup plus riche en pierre tombale et en mausolée, dans l'espoir de lui échapper ou du moins de la ralentir. N'ayant aucun intention de le laisser filer, la louve ne quitta pas sa proie d'une semelle, bien que sa masse l'obligeait soit à défoncer les sépulture à coup d'épaule, soit à sauter par dessus les plus solide, tandis qu'Exodus creusait peu à peu la distance entre eux, poursuivit par les décharge d'aura qui frappait tout autour de lui. C'est au moment même où elle bondissait par dessus une lourde plaque de marbre couverte de mousse derrière laquelle avait disparu le répugateur qu'elle s'aperçut de son erreur.
Exodus avait profité du bref répit accordé pour se retourner et pointer son pistolet dans la direction d'où viendrait la louve. Lorsque le corps de cette dernière passa la tombe, il pressa sur la détente et maintint la pression aussi longtemps qu'il le pouvait, libérant ainsi grâce à la fiole installé sous les canon un cône de flamme rouge orangé de plusieurs mètres qui engloutit entièrement le démon.
Ce dernier fini sa course au sol en hurlant de rage et de douleur, dans une horrible odeur de brulé, se roulant par terre dans un réflexe animal pour étouffer les flammes. La louve souffrait, elle était blessée, mais certainement pas morte.
Voyant cela, Exodus profita du répit momentané qui lui était accordé pour appliquer la tactique N°3 du Corps des Répugateurs, aussi connu sous le nom de "Retraite tactique rapide vers le couvert le plus proche", laquelle succédait logiquement aux tactiques N°1 et N°2, respectivement "Demande ferme mais polie de reddition de la cible avec garantie d'absence de souffrance" et "Charge fanatique au nom de l'Unique" (Détail amusant: 99% des répugateurs n'usent jamais de la tactique N°1, les 1% restant ne survivant jamais assez longtemps pour promouvoir son emploi). Il se jeta derrière un mausolée de grande taille au moment même où la louve libéra une colossale décharge d'aura autour d'elle, dissipant les flammes dans le néant. Son poil était roussi en de nombreux endroit mais on pouvait la sentir humer l'air avec force pour retrouver la piste d'Exodus. D'ici quelques secondes, l'odeur infecte de brulé serait assez dissipé pour qu'elle le repère et le déchiquète avec soin et beaucoup d'amusement.

- Nom de Dieu, jura Exodus depuis son couvert, le dos contre la pierre. Elle est increvable cette saleté... Si seulement je pouvais me risquer au corps corps sans prendre une de ses maudites décharges.

Il contemplait les nombreuses lignes noirs qui parcourait son habit, là où les décharges l'avaient frôlé. L'une d'elle attira sont attention: une large déchirure dans sa robe exposait une plaie sombre et malodorante au niveau de la cuisse. La blessure aurait dut être douloureuse bien que légère et pourtant il ne sentait rien... Elle aurait très bien pu lui couper la jambe sans qu'il s'en aperçoive. Et le même type de blessure lui courrait le long de l'omoplate, bien qu'il n'en eu pas conscience.
Il entendis le hurlement de la louve qui venait de retrouver sa piste et se mit à réfléchir aussi vite qu'il lui était permis. Mais ces réflexions furent interrompues lorsqu'il sentit son bras droit trembler de plus en plus, tendis qu'une lumière se faisait de plus en plus intense le long de sa rapière. L'éclat de lumière qui se chargeait depuis trop longtemps en la lame commençais à vivre sa propre vie, menaçant de se libérer à tous moment!

- Hôôô, par l'Unique, tout Ses Saints et Sa batterie de casseroles!

Il se releva aussi vite que possible de derrière son couvert et fit effectuer à la rapière un mouvement horizontale le plus ample possible, libérant l'éclat qui fila en direction des tombes. Le hasard fit bien les choses (bien qu'un zélote comme Exodus ne crois pas au hasard mais en Sa volonté) car la projection de lumière fonça droit sur la louve qui chargeait elle même le répurgateur. L'éclat, rendu aussi fin qu'un rayon de soleil sous sa forme la plus pure, fila à une telle vitesse que la louve ne put que dresser aussi vite que possible une barrière de son aura pour atténuer l'attaque. L'explosion qui s'en suivit fut impressionnante, même aux yeux d'Exodus qui y était pourtant habitué. Sur plus de quinze mètres de diamètre, un cratère de flammes dorées, presque bleues à leur bases, avait remplacé les nombreuses sépultures et au milieu de ce brasier luttait une orbe d'énergie noire étrangement enflammée par endroit.

Une voix résonna alors plus loin dans le cimetière, un timbre qu'il pouvait reconnaître entre mille.

- Récupère un cheval, on s'en va.

Exodus était sous le choc de voir son Primat user si ouvertement de la Tactique N°4 du Corps des Répurgateur ("Fuite rapide et ordonnée vers l'abri le plus proche, abandonnez les blessés") vu qu'il savait tout le peu de crédit qu'accordait habituellement son supérieur à son ordre combattant. Il eu envie de crier au plagiat mais le fait qu'il se retrouvait maintenant en net infériorité, Sharah'In sans doute dans un état comateux (la musique s'était arrêté, un très mauvais signe) et Laylay... quelque part mais sans doute hors combat.

Il détestait ça, mais il devait quitter le combat lui aussi, sans quoi il ne tarderai pas à se retrouver au plus près de l'Unique, et pas franchement en situation de grâce. De toute manière, voir un Primat quitter le champs de bataille équivalait à dire dans la garde que l'Unique lui-même se détournait de l'affrontement et que de toute façon il y avait mieux à faire ailleurs. Il hurla alors du plus fort qu'il pouvait en direction de ce qu'il estimait être la dernière position connue de Lay:

- Lay! On décroche! Fait comme tu peux mais quitte le cimetière, on se retrouvera au temple!

Il lui fallait maintenant s'assurer que Sharah'In et lui parviendrait à quitter l'endroit mais, juste avant de tourner talon, il posa une dernière fois les yeux sur la forme noire au milieux des flammes. Il salua en plaçant sa lame devant son visage, celle-ci étant fracturée de toute part et prête à rompre au moindre choc.

- Beau combat, dit-il à voix basse, certains qu'elle l'entendrait malgré tout. La prochaine fois devra, je l'espère, nous départager. Puis, il rajouta avec une révérence un brin moqueuse: mes respects à la dame.

Ensuite de quoi il fila le plus rapidement possible vers le musicienne mystique.

L'air était lourd, le souffle du vent pesant, l'atmosphère oppressante. Laylay sentait le moindre muscles de son corps appuyer sur ses os, faisant bouillir son sang et écartant ses plaies. Laylay ne parvenait pas à comprendre ce qu'il s'était passé, Sanz était-là, à portée de ses armes. L'Unique lui avait ordonné et il avait faillit, cela était impardonnable. Il était pourtant certain d'avoir senti ses lames pénétrer la chaire du démon, le poison qu'elles renferment aurai dû avoir raison de lui, il faut croire que certaines règles ne s'appliquent pas aux être surnaturels.
Laylay était perdu, ignorant tel un nouveau né, il redécouvrait son corps, il pouvait identifier chaque molécule de sa peau tant la douleur était forte. Il ne parvenait pas à se remémorer ce qui s'était passé. Son cerveau avait dû instinctivement oublier cet épisode pour lui épargner les souffrances les plus horribles. Il savait pertinemment qu'il s'en remettrait, son corps a toujours eu cette fâcheuse habitude à se régénérer étrangement rapidement, cela n'était qu'une question de temps. Ce dont avait toujours surpris son entourage ... surpris vous dîtes ? Ce dont les avait plutôt répugnés et effrayés diront-nous.
D'ailleurs, déjà les premiers signes de régénération firent leur apparition, Laylay senti sa paupière cligner à nouveau, encore plus qu'auparavant la douleur était insoutenable. Il parait que tout ce paye en ce bas monde, il faut croire qu'un soin Divin et au prix de souffrances atroces. La douleur ce fit si forte que Laylay, aussi résistant puisse t-il être à la douleur, finit par tomber dans un coma aussi lourd que profond.

- Lay! On décroche! Fait comme tu peux mais quitte le cimetière, on se retrouvera au temple!

C'est la seule phrase dont Laylay pu se souvenir en sortant de son sommeil guérisseur, il parvenait à peine à se remettre debout, la douleur était encore forte, son corps peinait tant à se remettre du choc que du soin miraculeux. Laylay fit un effort, serrant les dents de toutes ses forces, pour se mettre à genoux, il sortie un carnet de sa poche et entama une prière en griffonnant dans celui-ci.
Laylay semblait en transe, ses yeux étaient fermés et sa main dessinait à une vitesse incroyable tandis que ses lèvres continuaient de disséminer les lambeaux d'une prière faite à l'Unique. Une fois celle-ci terminée, Laylay scruta l'horizon tout autour de lui, puis les yeux rivés dans son carnet il se dirigea dans une direction dont la destination semblait connue seulement de l'Unique.

Elle oscillait entre ombre et lumière, conscience et inconscience, silence et... silence profond. Epuisée, Sharah'In ne savait plus trop où elle était, n'ayant plus aucun repères, que ce soit dans le temps ou dans l'espace. Avait-elle réussi ? Que signifiait même ce "réussi" ou cette "victoire" qui lui paraissait si terne ? Ne lui restait plus que la fuite, si tant est qu'elle réussisse à bouger au moins l'un des muscles de son corps.

Mais ce qui l'imprégnait le plus en cet instant précis, c'était le silence. Un silence lourd, oppressant, opaque. Il semblait avoir la consistance d'une gelée translucide, figeant les sons avant même leur naissance. Le cimetière lui paraissait brouillé, figé, ou simplement au ralentit. Etait-ce la réalité ? Ou bien ses sens lui jouaient-ils un mauvais tour ? Un effet secondaire de son immersion trop profonde dans le monde de l'Esprit ?

Mais jusqu'où sa musique l'avait-elle emmené, cette fois ?

***

Toujours ce silence, cette absence de bruit, de sons, même de sensations. Sharah'In avait finalement réussi à se relever, à tituber quelques pas au milieu de ce lieu de paix qui était devenu champ de bataille. Petit à petit, avec difficulté et souffrance, son esprit regagnait son corps, réintégrant les limites trop restreintes de l'humanité, du solide, qu'elle avait abolie, l'espace d'une mélopée. Dans son poing serré, Anamorphose se tait, muette comme sa maîtresse est sourde. Ne lui reviennent en mémoire que les vibrations, lentes ou saccadés, de l'affrontement.

Sans trop vouloir l'admettre, et sans trop en être capable de prime abord, elle avait pris un certain plaisir à ce combat. A se mesurer à quelqu'un d'autre que les chimères qu'elle crée de toute pièce pour s'entrainer ou pour vagabonder un peu. Mais là... Peut-être avait-elle dépassé les bornes, qui sait ? Elle récupérait petit à petit des sensations, l'odeur de la terre qu'elle foulait lentement, alors qu'elle aussi prenait le chemin de la sortie. Puis les couleurs revinrent, tintant le noir et gris du cimetière de rouge sang.

Sur sa droite, Laylay et Exodus qui s'en vont. Elle les suit, faisant des deux compagnons ses poissons pilotes, le temps qu'elle récupère toute ses facultés. Le plus importants, pour l'instant, c'est de retrouver un endroit calme pour s'allonger, et dormir. Juste sombrer, une nouvelle fois, dans les limbes de l'oubli, mais de la manière la plus naturelle qui soit.

L'incident. C'est ainsi qu'on appelle l'intrusion du divin au sein des sphères humaines. L'empreinte dissimulée révélée brusquement. La souffrance physique annihilée par l'état du Prince, celui-ci exultait. L'embrasement fulgurent de ses yeux exprimait cette victoire enfin à portée de main. Il était devant lui, impression de puissance infinie, de Mémoire retrouvée. De l'autre côté du cimetière, Shyon fixait de ses yeux gourmands le Miracle. Ensemble, ils savouraient la fin d'une long bannissement. L'Unique se présentait enfin.

Sanz s'approcha promenant de sa main valide l'arc essentiel. Proche de la lumière, il s'inspira du divin, le respira comme pour en garder une trace immémoriale.

Enfin, je te retrouve. Je t'ai cherché trop longtemps. Parfois j'ai cru n'avoir que rêvé. Mais tout cela a bien commencé un jour, et nous revoilà ensemble. Tu aurais mieux fait de me laisser dans ces limbes, dans ces néants improbables. Moins d'anges seraient mort, ne crois tu pas?

Il ne s'attendait pas à une réponse. Il n'en voulait pas. Le jeune Archange laissa l'Appel en lui exalter ses sens. Et quand tout disparut, qu'il se retrouva devant rien, il murmura :

Nous pourrons enfin... nous retrouver bientôt.

Ses pupilles se radoucirent et et fixant la fuite des trois enfants de l'Unique, il releva son arme. Un long fouet se dessina qui vint claquer l'air. Au loin Sharah tomba au sol.

Je me souviens que j'étais venu pour toi, Sharah.

Relevant la tête de son carnet Laylay s'arrêta net, droit comme un i, il semblait avoir retrouvé le parfait contrôle de son corps. Il avait senti la chute de Sharah'In et c'était retourné dans sa direction. Il se rapprocha d'elle et posa un genou au sol. Lui tendant sa main il l'aida à se relever et lui proposa de s'appuyer sur son épaule. Toute en relevant la musicienne, qui elle portait encore les stigmates du combat passé il plongea son regard dans celui de Sanz comme un lion plonge le sien dans celui de la proie qu'il est en train de traquer, plein de mépris et de prétention et il murmura, remuant suffisamment les lèvres pour que Sanz puisse tout au moins lire ses paroles :

-Tu n'as donc toujours pas compris Sanz ... Je ne te pensais pas si stupide ... Nous ne fuyons pas ce combat, l'Unique t'épargnes! Mais ce n'est que pour mieux te tuer, alors méfie toi, ne joue pas avec la patience de l'Unique ou bien de mes mains coulera ton sang et cette fois-ci tu ne te relèveras pas, que l'Unique en soit témoin !

Laylay sorti une dague et s'entailla l'épaule droite, frémissant à peine, surmontant la douleur, encaissant le coup comme une punition bien méritée. Puis tournant le dos à Sanz de manière insultante, surveillant à peine les gestes de ce dernier. Puis avant de partir il décida d'adresser un ernier regard à Sanz, juste histoire de bien ancrer son visage dans sa mémoire. Un son à peine udible sorti de sa bouche tant ses dents étaient serrées :

- On se retrouvera Sanz ...

-Le jour où tu retrouveras Sanz, tu feras face à Cassiopée, Laylay le traître.

La voix de la Dame des étoiles avait résonné dans le dos de Laylay, alors qu’il s’éloignait, laissant trainer sur ses épaules un frisson de menace.

-Aujourd’hui, je n’avais pas songé à toi mort. Tu as sans doute un rôle à jouer dans la grande danse que le destin nous promet. Mais qu’en sera-t-il demain ?

Si la voix s’adressait à Laylay, ses yeux suivaient les mouvements lourds et hésitants de Sharah’In qui tentait de rejoindre l’assassin.
La musicienne attirait son attention plus que tout autre être encore présent sur le cimetière. Cassiopée avait découvert chez la femme un monde qu’elle désirait explorer. Aussi, laissait-elle souffler une brise chaude qui l’enveloppait de langueur ainsi que le font les vents marins quand ils ont traversé des déserts et qu’ils se répandent sur les corps avec une douceur tiède.
Par l’air elle attirait l’air musical, par la douceur elle évoquait un refrain chaleureux. Peu à peu elle recouvrait Sharah’In d’une peau aux parfums de sables chauds qui freinait ses mouvements pour l’unique raison que ses sens répondaient à la caresse solaire.

Sur le champ de bataille, cimetière de désolation, alors que les prémices d’une aube nouvelle se levait enfin, Issac veillait…