Ouverture

- Le hasard, mon très cher frère, le hasard. Mais j’ai nombre de gens sur qui je me doit de veiller, et j’espères sincèrement que tu tiendra au secret les information sur les fils de la lune.

Teysa souriait a son frère tandis qu’il marchait tout deux tranquillement vers la taverne qui avait vu naitre se désordre.

- j’aimerais beaucoup que l’on ne se croise pas forcement pour se battre ensemble, que dirais tu donc d’une bonne pinte de bière ? Je te l’offre bien sur.

Même s'il était attaché à son frère de sang, il ne pouvait s'empêcher de rester méfiant à son égard. Ses actes parfois étranges et imprévisibles, du moins en apparence, le lui avaient montré maintes et maintes fois que l'ange déchu était un être versatile. Et il ne lui faisait pas vraiment confiance pour certaines choses. A première vu leur relation fraternelle pouvait paraître calme et pérenne, mais au fond ils avaient toujours gardé des liens plus ou moins tendus volontairement. Chacun savait ce que valait l'autre, chacun aimait cette approche plus ou moins conflictuelle. Elle était venue naturellement de part leurs caractères respectifs, et aucun des d'eux ne s'en plaignait. Il en résultait donc une entente profonde et paradoxalement méfiante et parfois agressive.

- Le hasard, ben voyons. Ou une simple coïncidence fortuite et inopportune ? Me prendrais-tu pour un simple idiot ?...

Il s'arrêta à quelques mètres de l'entrée de la taverne bruyante.

- Nos chemins se sont rarement croisés sous de saines hospices, et les temps qui viennent n'y arrangeront rien. Mais je te l'accorde, je n'ai nullement l'envie de me battre contre toi. Merci de l'invitation cher frère, mais je dois d'abord m'occuper de certaines choses qui me rattrapent. La prochaine sera sur mon ardoise promis. En espérant ne pas te revoir sous une vague sanglante que sera la prochaine guerre qui couve déjà et est prête à éclore.

Puis il s'éloigna après avoir enlacé l'ange déchu. Quelques pas plus tard, il se retourna un instant pour lui dire :

- Quant au secret que je couve, crois moi mon frère, je le dénicherais bien un jour. Qui sait, il ne me sera plus utile à ce moment là. Je ne puis te dire de l'usage que j'en ferais malheureusement. Nous verrons bien.

Il lui sourit.

- Et que la mère lune t'offre son doux regard et son voile apaisant.

Astriel finit par disparaître dans le dédale de ruelles aux bouches d'égouts fumantes et crachant leur écume qu'était Galvorn.

Sanz puisait en elle sans retenue, il accélérait sa guérison au détriment des forces vitales qui l'animaient. Le Prince s'en fichait, elle n'avait pas d'importance pour lui et l'elfe ne trouvait plus l'énergie nécessaire pour se débattre ou résister. Idrial basculait lentement. A mesure que Sanz régénérait, elle sombrait et perdait conscience de son environnement tout entier. L'elfe ne percevait plus que la présence du Prince car il continuait de lui voler son énergie mais même là, il ne s'agissait que d'images qui s'imposaient à elle, ou plutôt des souvenirs mais pas les siens.
Il ne les lui communiquait pas volontairement, elle y avait accès car ils étaient liés en cet instant mais dès lors qu'il fut complètement rétabli, il l'abandonna. Le lien se brisa et Idrial s'affaissa au sol. Les images s'estompèrent et elle ne vit plus rien.

Le reste fut très vague, confus. Elle gardait le souvenir d'une femme et d'une très grande bâtisse, elle n'aurait su dire quoi exactement, puis une chambre.
Elle dormait, refaisait ses forces, ce qui était beaucoup plus long quand on ne les vole pas à quelqu'un. De temps à autre, elle semblait refaire surface assez longtemps pour se rendre compte qu'elle était seule dans un endroit inconnu mais trop peu pour essayer d'appeler quelqu'un.

Teysa embrassa son frère, gardant toujours son sourire évocateur sur le visage.

- Le hasard suffit amplement, surtout quand on contemple notre famille, il y a assez de prophétie tissé autour de nous pour que ce ne soit pas la peine que j'en rajoute encore et encore, rappelle toi les paroles de notre père.

Teysa fit demi-tour, s'éloigna doucement dans la ruelle, invariablement cerner de ses brumes bleutées qui le suivait depuis le pays des rêves.

- Je suis le prince solitaire, le prince des rêves.

Il leva la main, exprimant ainsi son départ.

Dans la nuit sombre, des pas filaient en silence, tel des ombres parmi toutes les ombres de Galvorn. Tenant sur ses épaules le corps épuisé d'Idrial, Sanz accompagné d'Erylie traversait les longues rues de la ville portuaire pour essayer de rejoindre les extérieurs de la ville. Mais son état et les efforts qu'il avait puisé pour se régénérer commençaient à se faire sentir. Sa marche était plus bruyante, ses déplacements imprécis. Il jeta un coup d'oeil vers la vampyre avant de murmurer.

Nous allons nous arrêter ici. Nous reprendrons dans deux heures. Nous ne pourrons tenir longtemps cette marche rapide. Nous alternerons les gardes. Je tiens la première.

Dans l'appartement dans laquelle ils avaient trouvé refuge, Sanz installa dans un coin de la pièce Idrial puis alla vers la fenêtre. AU loin les feux de la ville semblaient étouffer peu à peu, laisse l'ombre gagner du terrain. Il contempla longtemps le paysage sombre tout en sentant le regard fixe et impassible de sa confrère.

Tu devrais dormir un peu. Nous allons mettre un peu de temps pour rentrer. Avec elle...nous ne pourrons utiliser les moyens usuels. Et j'ai la vague impression qu'un nous suit.

La vague idée qu'ils n'étaient pas seul, et qu'il n'y avait pas vraiment d'aide avant d'être au dehors des murs de la Cité. Il s'appuya contre le mur en caressant le bois du cadre de la fenêtre. Il se demanda une seconde pourquoi il avait cédé à l'emmener avant d'éprouver une nouvelle fois les pulsations du Sang qui étreignaient le corps d'Idrial. Elle possédait l'Appel en elle sans qu'il puisse en comprendre la source. Elle était marqué du Sceau de l'Harmonie et pourtant ce n'était qu'une elfe. Il soupira, dispersant un peu de poussière. La nuit pouvait être longue.

Dans la pénombre de l'appartement, Erylie regarda longuement le Prince du Sang, une lueur amusée dans les yeux. Elle s'avança vers le lit ou reposait la jeune femme évanouie. Elle s'assit près d'elle et lança au Prince.

Les vampyres ne dorment pas... vraiment.

Avec un sourire incertain elle le rejoint à la fenêtre, essayant de deviner ce qu'il cherchait dans l'obscurité du dehors. Il se sentait suivi. Elle n'avait pas préter attention a cette possibilité, toute occupée qu'elle était à refouler la soif qui déferlait en elle avec tous ce sang versé. Il avait l'air épuisé et gêné. La vampyre lui lança un regard en coin.

Je vais surveiller ce qui se passe dehors, si tu veux récupérer un peu. D'ailleurs je ne sais pas où tu veux aller avec elle alors il serait bon que tu ais les idées assez claires pour nous mener à bon port.

Sur ces mots elle lui indiqua le lit d'un mouvement de la tête. Puis elle tira un fauteuil qu'elle positionna de manière à voir la fenêtre et la porte, et s'y installa. Et sans un regard pour Sanz, elle fixa son attention sur la nuit au dehors. Ses yeux flamboyaient dans le noir. Ses iris comme irritées semblaient voir ce qui restait caché. Elle était immobile, comme statufiée dans l'observation. Aucune respiration ne venait soulever sa poitrine. Elle était la, silencieuse et inébranlable, guettant.

A l’angle de la rue où s’étaient réfugiés Sanz et Erylie, se tenait un homme, hésitant sur la conduite à tenir. D’un côté, Elle l’avait suivie de son plein gré mais, de l’autre, Elle n’était plus en mesure d’assurer sa sécurité seule. Ce qui était très inquiétant. Toutefois, si le Sang avait voulu la tuer, il l’aurait fait depuis longtemps.
Elle n’avait pas l’air en danger mais il hésitait. Qui sait ce le Sang pourrait bien lui faire s’il ne faisait rien pour l’arracher à leurs griffes ?
De toute façon, ils étaient déjà repérés.

- Ils savent que nous sommes là, soyez rapides.

A ces mots, des ombres se déployèrent autour de la bâtisse et l’homme y pénétra.
Le Prince était resté adossé au mur, comme s’il ne craignait rien. La vampyre s’était levée mais ne semblait pas prompt à leur sauter à la gorge.
L’assassin du Zénith traversa la pièce jusqu’au lit où reposait l’elfe.

- Je ne suis pas seul. Un seul geste suspect de votre part et les conséquences pourraient être désastreuses pour vous.

Les deux êtres ne réagirent pas, comme si la menace qui pesait sur leurs têtes ne les affolait pas le moins du monde.

Elle sentit des bras l’entourer puis la secouer, doucement. L’elfe se débattait encore avec son inconscient. Elle ouvrit grand les yeux et chercha à se dégager mais sa prise était ferme.

- Du calme. Nous allons te ramener. Décidément, on ne peut vraiment pas te laisser seule une minute.

Idrial se sentait lasse, très fatiguée. Elle n’avait récupérée que très peu de force, elle n’avait qu’une envie c’était de se rendormir. L’elfe n’était pas en danger ici, quoiqu’il en pense et elle n’avait nul besoin de son intervention.

- Va-t-en, dit-elle, tout bas. Va-t-en.

L’incompréhension se lisait sur son visage mais il ne pouvait s’opposer à un ordre direct de sa part. Elle le regarda droit dans les yeux.

- Va-t-en, répéta-elle.

Idrial articulait péniblement mais elle était catégorique. L’élève devait obéir.
Il la reposa délicatement et s’en alla, sans piper mot. Arzenia l’avait envoyé ou il l’avait suivi volontairement mais il n’avait rien à faire là. Pourtant, l’elfe était loin d’agir de manière rationnelle. Un appel sourd grondait en elle, était-ce sa marque ? Le Sang s’exprimait-il à travers la marque de Cassiopée ?

Sans piper, les deux confrères observèrent la scène d'un regard amusé - les humains étaient d'étranges personnages -puis le Prince tira de sa poche un médaillon qui semblait changer progressivement de couleur, passant d'un rouge clair à un rouge sombre flamboyant. Il fit un commentaire lent dans un murmure:

L'escorte se rapproche du point de chute. Nous aurons un peu d'aide au lever du jour. Ca risque juste d'être un peu bruyant.

Puis retournant a contempler le paysage au dehors par la fenêtre il se laissa divaguer vers des rêves étranges ou des peuples entiers disparaissaient. Des rêves habituels aux allures de cauchemar, qu'il tenait les yeux ouvert et la respiration lente. Des vieux souvenirs oubliés imprimés dans sa peau. Lentement il revint à la surface. Il jeta un regard indifférent vers la jeune elfe qui s'était rendormie. Elle risquait de ne pas apprécier le voyage.

Cassiopée n’était pas endormie, seulement allongée sur le dos, les yeux ouverts, le corps reposé. Ses pensées se pressaient les unes contre les autres, immondes conglomérats de sentiments embrigadés et de libertés choisies. La responsabilité qui était sienne activait les pulsations de son cœur.
Alors que le souvenir intense d’une rencontre inopinée lui revenait en mémoire, l’appel se propagea dans tout son corps, irradiant ses membres d’une présence légère et inquisitrice qui se propagea du cœur vers le cerveau afin de l’obliger à se lever malgré la fatigue.
Issac fut le premier à formuler clairement la demande dont ils étaient l’objet :

- Nous sommes attendus. Partons sur l’instant.

Ce fut Cassiopée qui grogna avant de soupirer avec force.
Issac s’était tout naturellement dissocié d’elle et attendait devant la grande porte qui ouvrait son espace de vie aux espaces aériens.
Elle se revêtit d’un lourd manteau tissé de rayons de lune et de ouate à nuages, avant de monter sur le dos de son dragon :

-As-tu prévenu les dragons du Chaos ?

La réponse fut instantanée dans l’esprit de Cassiopée et bientôt trois dragons s’élevaient au-dessus des Tours de l’Orgueil.
Le passage dans le Néant fut de courte durée. La liaison avec l’appel était claire et nette et les dragons réapparurent en haute altitude au dessus de Galvorn.
Désireux d’agir en toute discrétion, les trois dragons se posèrent derrière un dock déserté à cette heure. Alors qu’Issac s’évanouissait pour se lover sur le sein de Cassiopée, elle s’engagea sans hésitation vers le bâtiment proche.
Elle percevait la présence du Prince du Sang et celui d’Erylie, mais alors qu’elle touchait à son but, elle fut surprise de constater qu’ils étaient en compagnie d’une personne qu’elle ne s’attendait pas à retrouver de sitôt.

Elle sentait que quelque chose se rapprochait. L'appel se faisait plus pressant mais sa source était toute particulière.
Peu de temps s'était écoulé depuis que son disciple était parti. Tout juste quelques heures durant lesquelles elle dormait sans vraiment récupérer ses forces. Le sommeil trop agité, elle ouvrit grand les yeux lorsqu'elle comprit qui était sur le point d'arriver. Elle inspira profondément et se coucha sur le côté. Son regard se posa sur la vampyre, immobile, et le Prince, égal à lui-même.
Son corps ne la faisait pas souffrir mais elle était bien incapable de se lever ou même s'asseoir. Elle observait le responsable de son état, il ne trahissait aucune émotion.

- Cassiopée. Arrive-t-elle bientôt ? Je la sens qui approche.

Frustrant. C'était là le sentiment qui dominait en cet instant. L'utilité d'avoir ces secrets s'en retrouvait quasi-nulle. Quel intérêt de les conserver si ce n'est pour les utiliser. Il avait bien joué, et il lui en voulait pour ça, beaucoup. Jusqu'à quand n'était pas important, la seule notion à prendre en compte était le degré de rancune qu'il lui dévouait. Et là, il en avait gros. Astriel pesta silencieusement contre son frère.

La rue dans laquelle il était tombé le laissait perplexe. Il venait de faire un bon bout de chemin sans en avoir eu conscience, prit dans ses pensées. Ce verrou mental n'avait pas affecté que les secrets qu'ils étaient sensé protéger. D'autres parties de lui même étaient prisonnières de cette prison, totalement ou en partie. Effets secondaires ? Ou volontaires ? Peu importe, il le lui demanderait la prochaine fois. Travail mal fait ou méticuleusement soigné, le constat était là, il n'était plus totalement lui même, il n'avait pas accès à tout ses souvenirs et sa personnalité. En espérant que le processus n'était pas expansif...

Un mouvement furtif en coin, une essence proche mais paraissant lointaine flottait comme le vent sur les toits de Galvorn. Il le connaissait. Et il avait justement envie de faire un brin de causette avec eux. ça ne pouvait être que lui, et son affinité avec le Zénith était certaine. Peut-être qu'ils pourraient l'aider. Mieux, ils seraient forcément intéressé par la proposition qu'il leur ferait. L'information est une forme de pouvoir, et la confrérie du Zénith était bien du genre, de réputation, à appliquer ce dogme avec zèle.

Astriel déploya ses ailes et prit son envol pour atterrir sur le toit voisin, se plaçant comme un obstacle dans la course de l'ombre.

D'une manière ou d'une autre il lui fallait briser ces chaînes. Et il le ferait, le temps était juste la grande variable.

Eux étaient l'une des clés, un chemin vers elles.

- Nous avons à parler il me semble, indiqua-t-il d'un ton neutre.

Cassiopée avait ouvert la porte avec sa discrétion accoutumée et sa maîtrise des airs. Seuls des êtres sensibles à d’autres signes que les mouvements d’ondes eurent l’intuition de sa présence.
Erylie tourna la tête un court instant dans sa direction mais replongea rapidement son attention dans le noir de la nuit.
Sanz ne détourna pas la sienne. Cassiopée était là où elle devait être.
Pourtant, la Dame des Etoiles fronça fortement les sourcils en voyant l’elfe endormie.

-Que lui as-tu fait ?

Sans attendre de réponse qu’elle savait ne pas recevoir, elle s’approcha de cette jeune amie qui portait comme un feu sa marque au front.
Posant sa main sur sa poitrine, elle la sentit respirer, apaisée et lasse. Vidée de toute énergie et si pauvre en sang. Sans plus se préoccuper de Sanz qui attendait les bras croisés, elle la fit boire longuement.

Mais Erylie interrompit la scène par un murmure :

-Ils sont proches. Partons.

Cassiopée prit Idrial dans ses bras et sans rien ajouter sortit sans un bruit. Suivie de Sanz et d’Erylie, ils contournèrent le pâté de maisons. Erylie, qui avait sorti son arme fermait la marche en menaçant le moindre mouvement étranger aux leurs.

Dans le rayon de lune, on discernait à peine les deux dragons aussi noirs que la nuit qui les attendaient.
Il ne fallut qu’une seconde pour qu’ils soient enfourchés par le Prince du Sang et la Vampyre pendant qu’Issac se matérialisait sous Cassiopée.

Alors que la Dame du Sang enveloppait sa protégée d’un manteau de chaleur, les trois dragons s’évanouirent dans la nuit.

Au contact délicat de Cassiopée, sa marque redoubla d'intensité. Le dragon qui parcourait sa chair était la trace visible du lien qui unissait la Nymphe et l'elfe.
Sa présence était un soulagement. Elle se sentait plus calme et confiante. Cassiopée lui rendit une partie de l'énergie qu'on lui avait prise.
Sa simple essence et la bienveillance qu'elle lui apportait suffisait à l'elfe. Elle s'en entoura comme dans un cocon et se laissa emporter.

Quant à la raison de leur départ, Idrial ne comprenait pas bien mais s'en fichait. Cependant, malgré l'entière confiance qu'elle avait en Cassiopée, le voyage à travers le Néant lui rappela de mauvais souvenirs. Heureusement, il fut de courte durée.
Alors que les dragons réintégraient Ter Aelis, le palais du Sang s'étendait sous leurs ailes.
L'elfe avait finit par l'atteindre. Dans quel but ? Elle l'ignorait encore. Elle s'agita sur le dos d'Isaac, se redressant légèrement, alors que les dragons entamaient leur descente. Idrial allait bientôt être fixée.
Pour l'heure, il lui restait encore à recouvrer entièrement ses forces et à montrer à Sanz que l'on ne disposait pas de sa force vitale ainsi.

- Nous avons à parler il me semble, indiqua-t-il d'un ton neutre.

Arzenia Prengt émergea soudainement de l'ombre. Il s'était tenu là, non pas dissimulé derrière quelque chose, mais si sombre et immobile, qu'on le confondait avec un élément du décor, en cette nuit. Son pas de côté brisa le sortilège. Il était debout à contre-jour du clair de lune, de manière on ce que l'on ne pût distinguer son visage masqué. Il restait un long moment silencieux, calculateur, sa cape battant au vent. Cette situation de statu quo devait convenir à l'inconnu, qui ne bougeait pas davantage, et semblait attendre. Il était tard maintenant, et la ville n'émettait plus que quelques râles d'ivrognes de temps à autre. La bête s'endormait peu à peu. Du bâtiment où ils se trouvaient, la vue des toits était ravissante, typique des cités du sud, les tuiles flamboyantes baignées par le bleu du ciel étoilé.
Finalement, le temps repris sa course, et très lentement, Arzenia amorça un mouvement en avant, et entama la dizaine de mètres qui séparait les deux hommes. Arrivé à mi-chemin, il se figea, puis entreprit une série de mouvement très rapide avant de se jeter à terre. Il fit une vive roulade et d'une formidable détente, jaillit au dessous de l'ange, qui avait déjà dégainé son sabre. Les lames s'entrechoquèrent dans un bruit majestueux, tandis qu'Arzenia passait au dessus de son adversaire. Il se réceptionna parfaitement quelque mètre plus loin, faisant sauter plusieurs tuiles qui allèrent s'écraser dans une rue en contre-bas. Cette fois, les deux protagonistes étaient en position de combat.

- Allez viens, souffla l'homme du Zénith sur un ton de défi.

Le combat qui eut lieu était d'une rare grâce. Chaque geste était léger et meurtrier, sans faille, les lames brillait sous la Lune, des étincelles illuminaient la nuit à chaque rencontre des épées. Chacun avait une parfaite maîtrise de ses armes, et pas un ne parvenait à prendre le dessus, même en usant l'un après l'autre de ses meilleure ruses. Chaque attaque était anticipée et trouvait une efficace parade.
Enfin, à la suite d'un terrible échange, les combattants se retrouvèrent chacun d'un bout à l'autre du toit. Arzenia rangea alors sa lame, et détacha une petite flûte de sa ceinture. Il en joua quelques accords mélodieux, avant d'en orienter la sortie vers l'homme. Une fléchette siffla dans l'air en sa direction, mais il la para d'une main comme s'il avait chassé un insecte. Arzenia approuva d'un hochement de tête.

- Il me semble également, que nous avons à parler.

Astriel soufflait d'un air hautain, toujours son regard sur cet individu masqué. Sa lame toujours prête à trancher scintillant sous le regard de la lune. Il attendit un moment, l'air se décontractait lentement par une brise plutôt fraîche pour la saison. Il fit un quart de tour et quelques pas pour de nombreux aller-retour piétinant sur les toits de Galvorn, sans détacher son regard de l'homme qui se perchait devant lui, son instrument encore à portée de bouche.

- Chaleureux accueil, froid et limpide comme la rosée cristalline. Ombres et vents obscures tournant autour de leur proie et par delà le visible. Bottes et subterfuges pour chaque finalité.

Il croisa les bras et s'arrêta, se postant en face à face. Un sourire se profilait en bout de lèvres.

- Votre réputation vous précède, j'ose espérer que vous n'avez d'office de recrutement officiel, cela ne marcherait pas très bien, enfin si vous chercher des personnes utiles. Néanmoins...il pointa son index vert l'individu et traça quelques cercles, votre petit bout de couplet de la mort était convainquant vraiment, musicalement parlant. J'avoue en avoir eu froid dans le dos et en même temps...chaud au coeur.

L'ange aperçu un sourire, faux ou pas, les prémices d'une conversation adéquate s'instauraient peu à peu. Il rengaina sa lame après un bref mouvement de poignet et une courbe d'une rondeur gracieuse. L'ange s'approcha sans une once d'hésitation et se porta à la limite de leur champ d'attaque respectif qui s'étendait de trois bon mètres et demi. Peu n'était moins dangereux que de s'introduire dans cette espace mortel face à un sombre inconnu armé et doué en ballet mortel.

- Et bien, je vous attends. Je suis sûr que me présenter ne serait que futile. Vous m'avez sans doute espionner, fouiller mon histoire - obscure n'est-ce pas, rien avant la fondation d'Aelis, et encore - connaissez nombre de mes proches et de mes contacts, voir même plusieurs de mes opinions et idées. Bref, l'oeil que vous avez garder sur moi est bien utile, point de temps perdu pour ma présentation.

Il marqua une pause, semblait chercher quelque chose, une idée peut être ? Lui seul le savait.

- Contrairement à moi qui ne sais pas beaucoup de chose sur vous. Un vrai réseau fantôme qui m'a bien l'air d'avoir de longues tentacules. Sans parler de vous, vous l'individu. Alors je vous écoute, une proposition à me faire ? Des éclaircissements seraient le bienvenue assassin.

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