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 Le Gambit de la Reine

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De Vaanne
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De Vaanne


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MessageSujet: Le Gambit de la Reine   Le Gambit de la Reine Icon_minitimeSam 7 Aoû - 19:02

Ceci est la suite de la guerre des Confins présentée dans la même section, ici pour être précis. A l'inverse du précédent je n'ai pas tout écrit, et j'espère que le transfert de ce qui en existe, du board jusqu'ici, me redonnera la motivation.
Par ailleurs, j'ai décidé de tout laisser en blanc, en tant que ballon d'essai et devant els remarques de certains. A vous de me faire des remarques de formes : on comprend pas qui parle, s'trop pavé, s't'illisible, bref toussa.
Sur ce, le plus important tout de même : bonne lecture Cool






Le Gambit de la Reine Chapitre1confinsoccups





Espace des Confins, près d’un an après la retentissante défaite de sa flotte à Altéris. Ceux-ci, pressés à la paix par une alliance contre nature des pirates spatiaux et d’Ehlermann, signèrent sans discuter un armistice qui fit grincer les dents des citoyens des Confins même les moins nationalistes (espèce fort peu nombreuse). Voilà donc un an que les planètes des Confins étaient occupées par des « forces de maintien de la paix » qui faisaient elles-mêmes fort peu pour œuvrer vers une paix souhaitable sinon souhaitée, se conduisant en soudards lorsqu’elles en avaient l’occasion, en chicaneurs dans le cas contraire.

Rassemblements politiques et syndicaux étaient interdits, en réalité tout ce qui pourrait avoir une influence sur le sacro-saint Ordre Public républicain, notion large, floue et fourre-tout. L’Assemblée des Représentants avait du suspendre ses séances, ses membres étant cependant maintenus sur Valcyria, à portée de main du Haut Commandement des forces d’occupation, pour les appeler par leur véritable nom. La vie politique, culturelle, associative était réduite à sa plus simple expression : le néant. La jeunesse elle-même, grande amatrice de plaisirs illégaux et de lois à briser, se tenait tranquille, les unités chargées d’appliquer les couvre-feux ayant reçu l’ordre de tirer à vue sur tout ce qui ne portait pas un marquage ehlermannien ou un laissez passer bien visible.


Sur le plan militaire lui-même, la situation était délicate : Ehlermann voulait des Confins faibles, les pirates, tant qu’ils étaient payés, suivaient aveuglément les ordres. De la flotte des Confins rassemblée sur Altéris, les flottes ennemies en avaient détruit une part immense et tué ou capturé les équipages. Ceux-ci, après plusieurs mois de détention, avaient été relâchés sur Valcyria sans rien d’autre que les vêtements qu’ils portaient sur le dos. Les moins chanceux, simples hommes du rang ou officiers sans famille influente pour s’inquiéter de leur sort, étaient allés grossir les rangs des miséreux et des mendiants affamés par le drastique rationnement ehlermannien. Les rares unités qui s’étaient échappées et étaient revenues dans les Confins ou n’avaient pas pris part à la bataille avaient reçu l’ordre de désarmement contresigné par le Princeps en exercice (le Caldan, élu quelques heures avant l’armistice).

L’Association des Libres Marchands avait vu son rôle révélé par une République d’Ehlermann vindicative : elle fut mise en accusation devant le Tribunal des Représentants et les Honorables Juges, sujets à des pressions ahurissantes, ne purent faire autrement que la dissoudre et donner l’ordre de saisir l’intégralité de son parc navigant.

Seule poussière lumineuse dans ce tableau bien sombre, l’amiral Delervis. Son Coriolan avait réussi à fuir avant qu’il ne soit trop tard en emportant avec lui une bonne partie de son groupe. Delervis s’était découvert sur le tard un instinct de guérillero et, avec l’aide des caches d’armement et de munitions disséminées dans l’espace « au cas où » par l’Amirauté, il harcelait, harassait et exaspérait les convois ehlermanniens qui ressemblaient de plus en plus à des forteresses escortées par les meilleurs vaisseaux de guerre disponibles.


Tout cela était assez loin dans l’esprit de la femme qui, sur Kasr Gareth, regardait sans mot dire la tempête de Coriolis se lever sur les plaines cendreuses uniquement habitées de minuscules mousses rachitiques et d’insectes ultra-spécialisés. D’ici à deux heures, des vents soufflant à des vitesses ahurissantes s’écraseraient comme des vagues en furie sur les parois spécialement étudiées de la cité. Toutes personne surprise dehors n’aurait guère de chance de survivre et, de sa position, la femme voyait de nombreuses formes, à pied ou motorisées, se hâter vers les sas. Tout cela annonçait un exécrable début de voyage, les passagers ballottés comme du linge dans le tambour d’une machine à laver.

Il fallait faire contre mauvaise fortune bon cœur, l’alternative étant de rester sur cette planète, certes riche mais inhospitalière et battue par les vents, durant encore plusieurs mois. Et cela, elle ne pourrait le supporter, tout comme son agenda.

Un léger bruit ramena son esprit au présent : quelqu’un toquait à la porte. Après un instant, la porte s’ouvrit pour laisser entrer une dame de compagnie.


- Tout est prêt, Madame. Nous n’attendons plus que votre ordre pour nous mettre en route. Je me permets de vous signaler qu’avec les contrôles…


- Je sais. J’arrive.


Les contrôles. Cette nouvelle plaie d’Egypte inventée par les Ehlermanniens pour fliquer, tracer et brimer toute personne des Confins voulant faire un déplacement interplanétaire. Les bagages vérifiés trois fois, les questions indiscrètes, les vols annulés pour le moindre soupçon et tous les passagers mis en prison, tout cela était devenu monnaie courante, presque normal en à peine un an. C’était à douter du légendaire esprit individualiste des citoyens des Confins.

En tournant la tête vers la fenêtre une fois de plus, la femme vit les premières volutes de sable et de poussière atteindre la base de l’immense tour qui était la cité-capitale de Kasr Gareth. Encore un peu et il serait impossible de voir le bout de son nez, dehors. La navette qui allait rejoindre le clipper resté en orbite basse aurait à grimper le plus vite possible en priant pour que l’horizon artificiel (et les moteurs, soit dit en passant) fonctionnent au meilleur de leurs capacités.


- Madame ?


Le ton, cette fois, était pressant, et masculin. Elle savait que cette voix appartenait officiellement à son garde du corps personnel, et officieusement son chef de maisonnée et bien d’autres titres encore. Si quelqu’un pouvait la forcer à se presser, c’était bien lui.


- Je vous suis, Radu, dit-elle en se retournant et en se dirigeant vers la porte.


Ce qu’elle vit alors ne manquait jamais de l’étonner. Incliné comme il l’était pour saluer, on n’aurait pas donné à Radu plus de vingt-cinq ans. De petite taille, avec des cheveux bouclés lui encadrant le visage et drapé dans ses vêtements amples mais pratiques, il était une vision rassurante, même maintenant alors que plus personne ne pouvait s’estimer complètement en sécurité. Cette sensation s’effaça lorsqu’il releva la tête pour laisser place à un frisson irrépressible. Ses yeux, de telles agates noires comme la nuit, ne pouvaient être complètement humains : ils ne reflétaient que froideur et absence de vie, une insensibilité que seul vétéran des pires horreurs pouvait avoir.


Arrivée en bas de la résidence, prête à monter dans un des véhicules qui l’emmèneraient au spatioport, elle put en profiter pour se regarder dans une vitre teintée. Le corps mince et désirable d’une jeune femme la toisait d’un air méprisant, ode aux succès de l’esthétique. Voilà bien longtemps en effet que ses cheveux auraient du blanchir, et des rides apparaître sur son visage : ils restaient pourtant inchangés, les cheveux d’un noir brillant portés longs entourant un visage ovale, aux pommettes hautes et avec une bouche magnifique. Cependant ni celle-ci, ni les yeux gris acier n’étaient habitués à sourire. Sans être au niveau de ceux de Radu, ils reflétaient bien toute la morgue d’une noblesse qui contrôlait un territoire gigantesque depuis des millénaires. En vérité, ils étaient cette noblesse.



Après une bonne heure de trajet, dont une partie non négligeable à attendre sur le bas côté que l’un des innombrables convois blindés ehlermanniens finisse de les dépasser, le groupe atteignit enfin le spatioport, où ses ennuis ne faisaient que commencer. La fouille complète des bagages les laissa exténués et considérablement plus légers : de tout l’arsenal destiné à protéger sa maîtresse contre tout ce qui ne dépassait pas l’envergure d’un bombardier stratosphérique (et pour lequel il était dûment accrédité), les soldats n’autorisèrent Radu qu’à garder un simple blaster de poche, « par mesure de sécurité ».

Ils purent enfin se présenter au contrôle d’embarquement où un jeune fat en uniforme de la douane ehlermanienne les regardait d’un air méprisant. Il jeta à peine un coup d’œil aux papiers du groupe et attaqua de but en blanc.


- Pourquoi souhaitez-vous vous rendre sur Valcyria ?


La femme frémit de rage sous la double insulte faite à son rang : l’indiscrétion de la question et l’absence de formule de politesse.


- Pour… raisons personnelles et non point pour affaires, dit-elle en se reprenant.


- Cela ne me suffit pas ! s’emporta l’autre. D’un mot je peux vous empêcher d’embarquer sur ce vaisseau et j’en ai en charge la sécurité. J’exige donc de connaître vos raisons ! Quand donc comprendrez-vous que vous êtes les vaincus ici, idiots des Confins ?


La femme étendit rapidement un bras vers sa gauche, bloquant ainsi Radu qui faisait mine de vouloir se jeter sur l’Ehlermannien et de le déchirer à mains nues.


- Je ne le répéterai qu’une seule fois. Pourquoi voulez-vous vous rendre sur Valcyria ?


Elle lui jeta un long regard venimeux puis répondit :


- J’en ai tout d’abord assez de cette planète qui n’est pas mon lieu de résidence habituel. Ensuite, je souhaite aller me recueillir sur la tombe de mon époux.


- Loin de moi l’idée de vous contredire, mais il me semble que Silvestri est mort à quelques parsecs d’ici et de façon assez violente pour qu’on n’en retrouve rien à enterrer.


- Vous avez bonne mémoire, mais vous ne connaissez pas les Confins et vous ne pouvez pas comprendre. Il existe sur Valcyria un mémorial qui accueille, où qu’ils soient morts, tous les héros qui ont donné leur vie pour les Confins et pour ce qu’ils représentent. Je doute que vous en fassiez de même en Ehlermann.


Le fonctionnaire ricana ouvertement de mépris.


- Silvestri, un héros ? Un lâche qui a préféré mourir comme un lâche, au milieu des décombres de sa flotte !


- Mort d’une façon telle, après une résistance qu’un observateur impartial qualifierait d’acharnée, que votre président en eut la crise de sa vie…


Domitia Silvestri vit les yeux de son interlocuteur s’étrécir et se mordit les lèvres. Les Ehlermanniens, et surtout les petits crétins fanatiques comme celui qu’elle avait en face d’elle, appréciaient peu qu’on leur rappelle que leur bien aimé président pouvait avoir la bave aux lèvres et se mettre à mâchonner les tapis lorsqu’on le contrariait. Elle pouvait imaginer les rouages rouillés de son esprit pesant le pour et le contre d’un refus pur et simple de la laisser partir malgré ses billets et l’autorisation de principe accordée par le Gouverneur. Car il le pouvait réellement : en tout qu’officier des douanes, il y avait peu de choses qu’il n’avait pas le droit de faire.


- Sachez garder votre place, madame, dit-il finalement. Cela pourrait vous desservir à l’avenir. En attendant…


Il se tut, attendant visiblement que Domitia s’abaisse à prendre l’initiative. Celle-ci refusa de mordre à l’hameçon et resta coite jusqu’à ce que le jeune homme reprenne la parole.


- J’ai souvenir que la Gens Silvestri s’enorgueillissait de sa sollicitude envers les classes inférieures. Est-ce toujours exact ?


- Oui, répondit-elle, un instant désarçonnée par le brusque changement de sujet.


- Parfait. Vous allez donc pouvoir faire votre bonne action de la semaine. Je vous saurai gré de ne garder que trois personnes de votre suite et de distribuer le reste à la populace dehors qui en attend désespérément.


- Qu… quoi ? Vous n’êtes pas sérieux ?


- Mais bien sûr que si, voyons. Si vous aviez l’obligeance de me dire que de votre suite va vous accompagner, je pourrais faire le nécessaire…



Quelques minutes plus tard, une Domitia très calme en apparence mais en réalité ivre de fureur menait une petite procession enchantée vers le sas du clipper à destination de Valcyria. De sa suite n’avaient pu l’accompagner que Radu et deux dames de compagnie, l’extrême minimum pour quelqu’un de sa position.

Le début du voyage fut aussi désagréable qu’elle l’avait prévu, à tel point que ce ne fut qu’après de longues et intenses négociations que son estomac accepta de revoir sa position sur la localisation du haut et du bas. La suite fut beaucoup plus longue et ennuyeuse, rythmée par les horaires des repas, beaucoup moins variés depuis la victoire d’Ehlermann. Ce fut donc presque avec plaisir que le petit groupe accueillit l’arrivée en bordure du système de Valcyria, siège du Haut-Commandement d’occupation et d’un détachement non négligeable de la flotte républicaine. Le clipper resta bloqué là de nombreuses heures avant que le contrôle spatial accepte de lui ouvrir un accès à la planète par les sas du dôme ceinturant l’astroport. Plus d’une fois, des capitaines de frégates un peu joueurs décidèrent d’entrainer leurs équipages en leur faisant cibler le long vaisseau, à la consternation de son équipage et de ses passagers pour qui se voir frôler par une frégate bardée d’armement n’était pas une perspective particulièrement réjouissante.

A peine sortis dans l’atmosphère en grande partie recyclée de Valcyria, Domitia se sentit libérée d’un grand poids : elle savait que ce voyage ne serait pas de tout repos, mais il fallait avouer qu’il avait dépassé toutes ses espérances.


- Plus jamais un si horrible voyage, dit-elle d’un ton renfrogné. Autant y aller à pied.


Ce pauvre trait d’humour ne daigna même pas dérider le visage mortellement neutre de Radu, qui observait les alentours.


- Madame, les véhicules nous attendent. Il faut nous hâter.


- Ils vont être étonnés de voir la taille de notre groupe, je crois.


C’est en effet dans un convoi prévu pour transporter confortablement une Silvestri avec toute sa suite ainsi qu’avec armes et bagages que se retrouvèrent les quatre rescapés. Respect des convenances oblige, les dames de compagnie prirent place dans une autre voiture tandis que Radu montait à l’avant de celle qui transportait sa maîtresse. Celle-ci ne pouvait se départir d’une sourde appréhension, comme une anticipation d’ennuis à venir. Le trajet fut pourtant particulièrement calme : de la voiture, elle pouvait voir défiler les rues désertes, elles qui étaient pourtant grouillantes de vie en temps ordinaire. Il n’y avait un peu d’animation qu’autour des magasins et au pied des tours de bureau, signe que l’économie continuait de tourner, certes au ralenti. Pourtant une tour, immense, restait vide et silencieuse : celle de l’Association des Libres marchands, l’ex toute-puissante Guilde, démantelée de force. Son Conseil Dirigeant, Albaréos le premier (capturé lors de la bataille d’Altéris), se morfondait en prison. En attendant, l’orgueilleuse Tour n’avait plus d’autre intérêt que de servir de point de repère et d’épouvantail à moineaux inexistants.

Peu de temps après, les véhicules s’engouffrèrent sous le porche d’une autre tour, bien plus petite quoique de dimensions honorables, et où flottait le blason Silvestri : c’était là que les membres de la Gens prenaient officiellement leurs quartiers lorsqu’ils étaient de passage sur Valcyria. Ces temps-ci, à part les serviteurs placés là à demeure, personne n’y habitait plus tant l’atmosphère locale apparaissait délétère à quiconque doté d’un minimum de sens commun. Cela rendait le voyage de Domitia Silvestri d’autant plus étrange et les membres de la Gens auraient beaucoup à en dire et peu à approuver lorsqu’ils l’apprendraient. Elle espérait seulement, pour le salut de ses oreilles, que ce serait le plus tard possible.


- Dame Silvestri, vos quartiers ont été installés dans les appartements du Représentant, lui annonça un serviteur cassé en deux par sa courbette.


- Je vois. Quand est-il parti ?


- Deux jours avant que les Ehlermanniens ne bloquent les départs, madame. Il est retourné sur Silvestri.


- C’est donc l’un des rares de l’Assemblée à l’avoir fait ?


- Exact, madame. Les autres Représentants n’ont pas cru, ou pu croire que les Ehlermanniens les assigneraient à résidence.


- C’est tant mieux qu’il soit parti. Il serait désagréable d’avoir une garde rapprochée à toutes les entrées. Même si, ajouta-t-elle après une pause, je n’ai pas l’habitude que cet immeuble ressemble à un sanctuaire. Tout est mort, depuis l’arrivée d’Ehlermann…


Après une montée sans histoire dans les étages, en n’ayant rencontré en tout et pour tout qu’une équipe de sécurité là où le brouhaha habituel rendait difficile la tenue d’une conversation normale, Domitia prit enfin possession de ses nouveaux quartiers avec une vue panoramique sur le dôme Vert, loin à l’horizon. S’absorbant dans la contemplation de la mégalopole planétaire qui s’étendait à ses pieds, elle laissa ses pensées dériver quelques minutes, puis revint à la réalité avec un soupir.


- Sont-ils prêts ?


- Ils sont arrivés et vous attendent, madame.


Entrant dans le grand salon de réception à la suite de Radu, elle découvrit, confortablement installés sur les divans, fauteuils et sofas, cinq hommes en uniforme légèrement défraichis de la marine des Confins, quatre avec les galons d’enseigne ou de lieutenant et un portant les insignes de capitaine avec l’uniforme gris des canonnières. Ils se relevèrent immédiatement à sa vue et s’inclinèrent gravement.


- Je pense ne connaître aucun d’entre vous. Vous êtes ? demanda Domitia d’un ton froid, calculé pour impressionner.


Le capitaine prit la parole, coupant net un enseigne.


- Capitaine Tossin Salcroit, madame, pour vous servir. Et voici le lieutenant Vibius Ramkha, aide de camp de feu votre époux, dit-il en désignant un jeune homme d’allure effacée. Les enseignes Vaïry Merranon, Ortwin Ramilia et Orann Flaven, de l’équipe de passerelle du Jotunheim.


- Je vois… des jeunes à peine sortis de l’Ecole et un lâche laxiste. N’y avait-il donc rien de mieux ? demanda-t-elle en se tournant vers Radu.


- Nous ne sommes peut-être pas la crème de la Marine, intervint Merranon, mais nous sommes les dirigeants de la plus influente des cellules de la résistance sur cette planète. Et sauf votre respect madame, vous n’êtes guère en position de faire la difficile.


Un léger sourire anima les lèvres de Domitia.


- C’est exact, en ce qui concerne la résistance. Cependant, j’ai bon espoir de ne lui et vous faire jouer qu’un rôle assez sûr, une sorte de déclencheur, sans tout lui faire reposer sur les épaules.


- Je pense qu’il y aurait une légère faille dans ce plan, intervint timidement Ramkha.


- Plait-il ?


- Nous nous doutions que vous ne réserviez pas à la résistance un rôle majeur et que vous comptiez en réalité sur le groupe de Delervis. N’est-ce pas vrai ? Le problème, enchaîna-t-il sans attendre la réponse, c’est que nous venons d’apprendre de source sûre qu’il a été anéanti voilà trois jours près de Vorianon.


Le sourire se figea et disparut, remplacé par un visage anéanti.


- Alors… les Confins ont vraiment perdu ?


Dernière édition par De Vaanne le Ven 28 Oct - 14:58, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Le Gambit de la Reine   Le Gambit de la Reine Icon_minitimeVen 3 Sep - 15:54

Le Gambit de la Reine Imageju




Un long silence suivit la déclaration. L’idée leur paraissait à tous si dérangeante qu’ils étaient choqués que Domitia ait pu l’envisager à haute voix. Celle-ci faisait les cent pas en se mordillant convulsivement la lèvre. Elle s’arrêta soudainement et se tourna vers ses interlocuteurs.


- Je suppose que vous êtes venus me retirer votre soutien.


Là encore, un long silence, troublé au final par la voix de Ramkha.


- Votre plan est irréalisable désormais, il faut vous rendre à l’évidence. Nous considérons que la résistance a plus de chances de parvenir à ses objectifs en se désolidarisant de vous.


- La résistance ? Seule ? cracha Domitia. Elle n’a aucune chance de parvenir à un quelconque résultat, à part peut-être une boucherie dans laquelle elle jouera le rôle de la pièce de viande ! Vous n’êtes au mieux que des pions dans le jeu de vos supérieurs !


- Il suffit ! s’insurgea Tossin Salcroit. Nous ne sommes pas venus jusqu’ici par nous faire insulter, toute Silvestri que vous soyez. Cette réunion est terminée : nous avons fait ce que nous avions à faire.


Déclaration gravement approuvée d’un signe de tête par ses collègues qui se levèrent de leurs fauteuils et sièges épars pour se diriger vers l’entrée de la suite, sous l’œil suprêmement méprisant de Domitia. Cependant, à peine le premier d’entre eux arrivait-il à la porte qu’il fut bousculé par un domestique arrivé en trombe. D’une voix oppressée, il délivra son message à l’oreille de sa maîtresse. Celle-ci pâlit et attrapa le bras du résistant le plus proche. Déséquilibré par le geste inattendu, il trébucha et se laissa entraîner dans une pièce attenante au salon. Les autres, intrigués, les suivirent.


- Cachez vous là et pas un bruit. Des soldats attachés au gouverneur veulent me voir et ils sont déjà dans le bâtiment.


Sans à peine plus qu’un juron bien senti émis par Flavenn, le petit groupe s’entassa dans le boudoir dont Domitia referma doucement la porte avant de se redonner une contenance. Elle se força à respirer profondément en faisant quelques pas, tout en essayant de calmer son agitation : cela devait n’être, à coup sûr, qu’une simple visite de routine, purement protocolaire.


Mais peut-être pas : son malaise augmentait à mesure que la discussion avançait sans que les objectifs des deux personnages assis devant elle ne soient révélés. Un homme et une femme aussi désagréables l’un que l’autre, d’une raideur toute militaire, affublés de la moue méprisante qui semblait être à la mode parmi les forces d’occupation. Leur conversation était d’une pauvreté à faire peur et les minutes s’égrenaient, interminables. Domitia restait de marbre, bien décidée à jouer jusqu’au bout son rôle d’hôtesse. Les Ehlermanniens perdirent patience les premiers et attaquèrent de front.


- Trêves de mondanités ! dit la femme. Sachez que votre présence ici intéresse particulièrement le gouverneur Mercaltor.


- Mercaltor ? releva Domitia. Le précédent gouverneur a-t-il été relevé ?


- C’est exact, et le fils du président a été transféré ici depuis son poste de Baldréon, acquiesça l’homme. Il demande instamment à ce que vous lui soyez présentée, et nous sommes là pour y pourvoir.


Domitia se rabattit dans son siège et regarda rêveusement le plafond. Elle resta ainsi quelques minutes, pendant que la tasse de thé qu’elle s’était préparée refroidissait lentement dans ses mains. Les deux Ehlermanniens, au comble de l’énervement, se tortillaient sur leur chaise inconfortable.


- Je vois, répondit-elle d’un ton languissant. Je vois et je refuse. Je ne sais quelle sorte d’intérêt je représente pour le gouverneur, hormis l’évidence, et je refuse de céder au moindre de ses caprices de gamin mal élevé. Je suis venue sur Valcyria pour habiter à la Résidence Silvestri et je compte bien y rester.


- Je crains, madame, que vous n’ayez la disposition de votre libre arbitre en cette matière. Vous obstiner ne fera que rendre les choses plus désagréables. Sans compter que monsieur le Gouverneur attend déjà non loin, répliqua la soldate en se levant pour saisir rudement le bras de Domitia.


- Lâchez-moi ! hurla celle-ci en repoussant son agresseur. A l’aide !


Surpris par le cri, les deux Ehlermanniens dégainèrent leurs armes et cherchèrent des yeux l’origine d’une possible menace. Au même moment, la porte du boudoir s’ouvrit d’un coup sec en laissant apparaître les résistants. Ceux-ci s’assurèrent d’un coup d’œil de la position de Domitia et ouvrirent le feu, trop tard pour être d’une quelconque utilité. Radu, resté tout ce temps derrière sa maîtresse, avait arrosé et mis hors d’état de nuire ses deux cibles en un temps record.

Salcroit, après s’en être rapidement assuré, se mit à insulter Domitia : si le gouverneur n’était pas loin, considérait-il, cela valait également pour ses troupes, et s’enfuir allait devenir quasi-impossible. Merranon, qui fouillait les cadavres, secoua la tête devant le micro qu’il venait de trouver. Il s’approcha de la fenêtre la plus proche et jeta un bref coup d’œil dehors avant de s’en écarter précipitamment.


- C’est trop tard, ils nous attendent déjà dehors de toute façon. Il faudrait penser à mettre la sécurité en alerte avant que l’autre dingue ne décide de faire charger ses troupes d’assaut.


Domitia appuya négligemment sur un bouton de son bureau et une alarme sinistre se mit à résonner dans tout le bâtiment. Très vite, des ordres lancés à la volée firent apparaître que les forces de sécurité Silvestri se mettaient en place. Un officier vint brièvement s’assurer de ce que sa maîtresse allait bien, échangea quelques remarques avec Radu, puis repartit vers ses subordonnés.


- Il vous faut autre chose ? lança-t-elle à la cantonade.


- Oui ! cracha Salcroit. Comment sort-on d’ici ? Vos pathétiques troupiers avec leurs pistolets à bouchons vont se faire écraser comme les mercenaires qu’ils sont et nous sommes juste derrière !


Il semblait au bord de la crise de nerfs et Domitia avait conscience qu’il suffisait d’une simple pression pour le faire basculer dans l’hystérie complète. Cet homme n’aurait jamais du devenir membre de la flotte et encore moins capitaine, même si le service des canonnières était considéré comme une sinécure. En ce moment, elle maudissait avec la dernière énergie les passe-droits et cette idée ridicule qu’était le maintien de la réputation de la famille (l’aristocratie militaire dans le cas des Salcroit).


- Au lieu de hurler, trouvez plutôt un moyen de nous en sortir, cela arrangerait tout le monde.


Salcroit chercha des yeux Merranon. Celui-ci était très occupé, un casque sur les oreilles, à manipuler les commandes d’une radio portative de l’armée. Il poussa un soupir d’exaspération après quelques instants.


- Non, capitaine, impossible de contacter le groupe. Ils ont amené un brouilleur.


La carnation de l’ex capitaine passa soudainement d’un rouge enragé à un vert maladif.


- Alors on est foutus ?


- C’est certain si vous baissez les bras ! Trouvez donc un moyen, par Valcyria ! Vous êtes des militaires, pas moi !


Les militaires en question se regardèrent, angoissés. Aucun d’eux n’avait la moindre idée sur la façon de s’en sortir : les entrées étaient coincées, le toit ne communiquait avec rien et les sous-sols n’étaient pas reliés aux égouts. La résidence Silvestri n’avait rien d’une forteresse, à part quelques salles ultramodernes pour éviter les oreilles indiscrètes. Ce n’était qu’un bâtiment administratif doublé d’un hôtel, et tous le savaient. Dans ce silence pesant, ce fut à Radu qu’il revint de rompre le silence.


- Madame, si vous permettez à un consultant civil de proposer une idée ?


A cette insulte voilée doublée d’une certaine ironie, les joues de Salcroit reprirent un peu de leur couleur d’origine.


- Faites donc puisque vous avez envie de jouer, répondit-il en coupant la parole à Domitia.


- Tout d’abord, j’aimerais savoir où est le brouilleur qu’ils utilisent. Vous l’avez vu ?


- Je n’ai pas eu le temps, répondit Merranon, mais si la procédure ehlermanienne est suivie, il serait près du commandant de la force d’intervention, à savoir le gouverneur. Ce qui, j’en ai bien conscience, ne fait que déplacer le problème.


- Je vois. En attendant, ne restons pas là, ça ne sert à rien : descendons.


- C'est-à-dire là où des troupes de choc vont charger d‘ici peu ? Mais vous êtes complètement cinglé, même selon les critères ridicules des portes flingues de la pire espèce !


- Heureusement que je suis un porte-flingues de la meilleure espèce, capitaine. Je vous rassure, j’ai une idée, mais elle nécessite une certaine coopération de la part de l’ennemi…


Sans attendre de réponse de Salcroit, Radu fit signe à Domitia de le suivre hors des appartements et embarqua au passage Merranon. Vérifiant que sa maîtresse le suivait, il s’engouffra dans la très ornementée cage d’escalier qui pourtant ne servait que lors des rares pannes des ascenseurs. Restés seuls, interdits et passablement vexés, les quatre autres soldats tournèrent quelques instants sans trop savoir quoi faire et se résignèrent à prendre leur parti en se lançant à la suite des autres.

Après quelques minutes de descente, essoufflés, ils aboutirent dans le grand hall de l’immeuble, royaume reconnu de fausse verdure censé rappeler aux diplomates Silvestri en visite les plus beaux paysages d’une planète natale pourtant elle-même largement dégradée. Ledit hall ressemblait désormais plus à un champ après le passage d’une moissonneuse : tout ce qui était déplaçable avait été transporté et mis en travers de la porte d’entrée, dans un futile effort pour retenir des assaillants pour l’instant invisibles. Les immenses tapis brodés aux armes des Silvestri eux-mêmes avaient été roulés et placés en haut des palissades. Derrière elles, quelques gardes de l’immeuble patientaient en manipulant nerveusement leurs armes. Radu et Merranon étaient à côté, en grande discussion avec ce qui s’apparentait à un gradé vêtu d’un uniforme qu’un paon n’eut pas dédaigné. Domitia était dans le recoin du hall anciennement réservé au bar, à l’abri derrière le zinc : elle essayait sans trop y parvenir de récupérer son souffle après la descente effrénée dans laquelle Radu l’avait jetée. Ses deux dames de compagnie la soutenaient.

Les trois soldats rejoignirent le groupe mené par Radu au pas de course, juste à temps pour l’entendre pester contre l’ordinateur de poche sur lequel il était en train de pianoter.


- Evidemment, ça ne marche pas à cause de ce satané brouilleur, disait-il. Merranon, amplifiez-moi ce signal, et vite. Ca commence à bouger en face.


Celui-ci prit un air dubitatif.


- Vu la force du brouilleur, je suis désolé de dire que ça ne passera pas le pâté d’immeubles, et encore…


- Cela suffira amplement !


Galvanisé par la remarque, Merranon entreprit de coupler sa radio militaire avec le petit ordinateur, mais la tête que Radu fit lorsqu’il annonça que ses efforts avaient été couronnés de succès lui apprit que quelque chose ne tournait pas rond.


- Vous êtes sûr que ça ne fonctionne pas ? demanda-t-il.


Avant que Radu ne puisse répondre, l’état-major du gouverneur Mercaltor se mit à diffuser en boucle un message demandant la reddition immédiate des résidents de l’immeuble, ce qui leur assurerait une « absolue sécurité ». Cela le fit sourire.


- Pouvez-vous diffuser le signal de l’ordinateur en boucle ?


Le visage de Merranon s’éclaira à cette demande.


- Ca au moins, c’est comme si c’était fait… Voilà. Où cela nous mène-t-il ?


- Tirez-moi dessus… et ratez-moi ! répondit Radu en harnachant la radio sur ses épaules.


Quelques instants plus tard, il sautait par-dessus la barricade de fortune d’un seul bond gracieux et courait vers les lignes ehlermaniennes en levant les bras au dessus de lui. Conformément aux ordres, les gardes Silvestri arrosèrent la zone autour de lui sans le blesser et rentrèrent presqu’immédiatement la tête quand Ehlermann riposta. On n’entendit durant quelques secondes que le bruit de la fusillade, puis le monde sembla s’écrouler : le signal de Radu avait enfin atteint sa cible et les charges explosives situées dans les immeubles en face de l’entrée venaient de détonner. Des centaines de tonnes de matériaux divers s’écrasèrent avec fracas sur des soldats ehlermanniens figés d’horreur et, plus important, sur le gouverneur et son système de brouillage. Ce fut alors à la ceinture d’immeuble autour de la Résidence Silvestri de détonner quand le signal enfin libéré leur parvint, réduisant à néant les forces qui l’assiégeaient. Quelques instants plus tard, un Radu passablement poussiéreux mais souriant comme un gosse, expression complètement étrangère à son visage, revint accueilli par les vivats de toute la résidence.


- Des renforts ne vont pas tarder à arriver, cria-t-il pour couper court au tumulte. Fuyez tous de la façon qui vous semble la meilleure. En attendant, dit-il plus bas aux militaires, vous, moi et dame Silvestri allons fuir par les égouts.


Il vit du coin de l’œil Ramkha s’éclipser et se demanda vaguement où il pouvait bien aller avant que ses pensées soient coupées par Flavenn.


- Je ne suis pas d’accord pour utiliser les égouts, dit celui-ci. C’est la première chose à laquelle vont penser les Ehlermanniens, et ils vont nous traquer sans merci dans ces conduits puants.


- Vous avez une meilleure idée ? répliqua Salcroit. Passer à travers les débris peut-être, en pleine lumière, prêts à se faire tirer comme à l’exercice ?


- On ne peut pas passer par en dessous, à mon avis. Passons donc par au dessus : ça tombe bien, un ascenseur est à deux pas. En agissant rapidement, nous pouvons profiter de la désorganisation des troupes ehlermaniennes.


- Mais… commença Radu, estomaqué par l’idée. J’y vois de nombreux défauts, les moindres n’étant pas la sécurité de dame Silvestri et le fait que personne ne sait comment se diriger là haut.


- Faux ! Comme tous les Flavenn, j’ai du travailler parmi les fonctionnaires des dômes : je connais les plans. Quant à la sécurité, nous sommes cinq militaires et un garde du corps, nous devrions tout de même arriver à la protéger…


- Je n’ai pas du tout confiance en vous sur ce point, vous m’en excuserez… répliqua Radu, menaçant.


- Suffit ! intervint Domitia. Cette idée me plaît, mais je veux y apporter une modification, capitaine Salcroit. Notre fuite fonctionnera mieux si la garnison est occupée ailleurs. Maintenant que le brouilleur est détruit, vous pouvez contacter la résistance.


- Et que devrais-je leur dire, ma Dame ?


- Ce qu’ils ont envie d’entendre, capitaine. Dites-leur que les Silvestri sont revenus prendre leur place, car ils n’ont jamais abandonné les Confins. Dites- leur que le moment est venu de déclencher une conflagration fatale, et de reprendre Valcyria. Dites leur que je veux un million de cadavres ehlermanniens d’ici une semaine…


- Même si nous arrivons à éliminer toute présence ehlermanienne de la surface de Valcyria, nous serions écrasés quelques semaines après par la puissance de leur flotte de représailles ! C’est du suicide !


- j’ai un plan, contrairement à vous ! hurla Domitia à la face de Salcroit. Depuis la fin de la guerre, vous n’avez fait qu’amasser des hommes et des équipements, chose à laquelle vous excellez. Mais dès qu’il s’agit de les utiliser de façon cohérente, vous pensez comme une pucelle ! Laissez-moi alors le faire, incapable, et contentez-vous de regarder !


Le capitaine avait reculé d’un pas face à la fureur de Domitia. Même son hystérie galopante semblait avoir été mouchée : il n’arrivait plus à articuler un son face à une dame de la plus haute noblesse qui n’était pas censée être capable de s’énerver de cette façon.


- Ecoutez-moi, dit celle-ci en se calmant. La présence du gouverneur ici était une chance inestimable. Dites à vos hommes de reprendre Valcyria et laissez-moi m’occuper du reste : je vous assure que je ne gâcherai pas leur sacrifice. J’ai toutes les cartes en mains.


Les traits congestionnés par la rage et la peur, Salcroit fit un signe à Merranon. La procédure était simple : il suffisait d’envoyer un message, sans qu’il soit besoin de le coder à un récepteur qui se chargeait de le disperser à d’autres, qui le disperseraient également. La planète entière serait au courant dans la demi-heure. Quelques manipulations d’un clavier venaient de faire basculer une planète dans le chaos le plus complet, et ceux qui venaient de l’envoyer risquaient de devenir la cible privilégiée de la vengeance ehlermanienne avant que des meutes de résistants les taillent en pièces.
Sans plus un mot, le groupe sortit de l’immeuble au pas de course. Ramkha les rejoignit peu après, un grand sac à dos sur l’épaule. Un regard inquisiteur de Radu le força à l’ouvrir, dévoilant des paquets de gâteaux apéritifs et des sodas.


- Au cas où l’on reste dans les égouts pendants plusieurs jours, s’excusa-t-il. J’ai préféré ne pas prendre les bouteilles d’alcool…


La dernière phrase fit lever les bras au ciel à Merranon et tout le monde éclata de rire, ce qui fit un peu baisser la tension.


- Il y a un changement de plan, nous n’allons pas dans les égouts. Nous nous échappons par les dômes, annonça Radu à Ramkha qui pâlit brusquement et pila.


Voyant cela, Flavenn lui agrippa l’épaule et le força à reprendre la marche.


- Ecoute, tu es lieutenant, et tu as survécu à l’amiral le plus grincheux des quatre derniers siècles. Tu ne vas pas avoir peur de l’atmosphère empoisonnée d’une banale petite planète, quand même ? Je suis allé là haut tous les jours pendant plus d’un an et j’ai survécu alors toi aussi tu peux le faire !


L’ascenseur qui menait au dessus des dômes n’était pas loin : il y en avait un à tous les dômes, et ils servaient aux techniciens de maintenance lorsqu’ils devaient monter effectuer leurs opérations. Les Flavenn s’enorgueillissaient d’y prendre une part active et c’est donc tout naturellement que les portes s’ouvrirent à l’arrivée du groupe, révélant tout d’abord un baraquement avec salles de réunion, hangars à matériel et vestiaires. Il était temps : les premiers tirs commençaient à résonner dans le lointain, près de la résidence Silvestri, les renforts venus s’enquérir de la situation après l’arrêt de toutes les communications avec le gouverneur écrasant avec facilité les quelques résistants qui s’y trouvaient.

Insensible aux bruits du combat qui se déroulait là bas, Flavenn, ouvrit la porte d’un vestiaire et en tira plusieurs combinaisons complètes.


- On a toutes les tailles, alors choisissez-en une et dépêchez-vous de l’enfiler. On est loin d’avoir la journée. Voyons voir, ajouta-t-il en se dirigeant vers la porte la plus éloignée, sa combinaison à la main, neuf personnes en comptant les suivantes… l’ascenseur devrait supporter mais ce sera tout juste.


- Quoi ? s’écria Salcroit ? Avec cette taille de pilier ?


- Principalement du renfort, capitaine… Une équipe standard comprend six personnes, et le gros matériel est acheminé par voie aérienne.


La porte s’ouvrit, révélant la salle de contrôle de l’ascenseur. La technologie employée était assez simple, mais l’échelle sur laquelle elle était utilisée rendait tout comparatif difficile : si la couche basse des dômes se trouvait à quelques 300 mètres de hauteur, s’ensuivait, selon la géographie, du simple au double de couches de protection, de renforts et d’appareillages destinés au contrôle météorologique, bref, tout une forêt d’équipements qui faisaient allégrement monter les dômes jusqu’au millier de mètres de hauteur. Il fallait donc s’assurer de la position et de la vitesse de l’ascenseur, et garder également de quoi discuter avec les équipes en mission. Des techniciens étaient normalement à ce poste jour et nuit, mais depuis l’occupation par Ehlermann, le complexe demeurait désespérément vide.


- Je vais vous faire un cours accéléré pendant que j’appelle l’ascenseur, annonça Flavenn. Les désolations là haut sont grises et cendreuses. A l’inverse, votre combinaison est orange, pour qu’on vous retrouve facilement si vous vous perdez. Cela va nous desservir durant la fuite, donc faites profil bas. L’air est irrespirable, alors assurez-vous que votre combinaison est bien scellée, je le vérifierai dans le sas. Faites attention aux flaques et aux lacs : ce n’est pas de l’eau, mais de l’acide mélangé à toutes les saloperies que les usines rejettent à longueur de temps. C’est un véritable enfer lorsqu’il faut changer les plaques en dessous. Si vous tombez dedans, vous êtes morts. Par ailleurs, le temps est généralement mauvais. S’il vous apparaît particulièrement mauvais, prévenez-moi.


- Pourquoi donc ? voulut savoir une dame de compagnie.


- Qu’est-ce qui remplit les lacs, à votre avis ? Je rajouterai que nous allons devoir marcher sur les crêtes. Vu que les cendres recouvrent tout, il sera facile de glisser, si vous tombez, raccrochez à quoi que vous pouvez, car remonter sera difficile et nous ne pourrons guère prendre le temps de vous attendre. Vous avez tout compris ? Parfait, alors entrez dans la cabine.


Quelques minutes plus tard, un ascenseur commençait sa traversée vers le haut des dômes sans être remarqué, tandis que la planète en dessous commençait à s’agiter dans le dernier et héroïque effort d’une résistance vouée, à long terme, à l’échec, mais qui ne voulait pas s’éteindre sans avoir au préalable versé le sang d’un million de ces ehlermanniens détestés.
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De Vaanne
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MessageSujet: Re: Le Gambit de la Reine   Le Gambit de la Reine Icon_minitimeMer 14 Nov - 20:09

Résurrection de topic o/



Chapitre 3 : Du choix d'une retraite






L’ascenseur n’était pas un modèle de rapidité : quand on montait à une telle hauteur dans les conditions qui étaient celles de Valcyria, il fallait choisir entre ça et la sécurité, et au prix que coûtait un de ces machins, le gouvernement avait prudemment choisi la politique du risque zéro. Cette décision clairvoyante ne faisait pourtant pas les affaires du petit groupe parqué dans ledit ascenseur, car chaque seconde passée augmentait la probabilité qu’un Ehlermannien un peu plus intelligent que la moyenne décide d’aller jeter un coup d’œil dans ces bâtiments, remarque que l’un d’eux se déplaçait et coupe le courant, les laissant coincés littéralement au milieu du vide.

Flavenn était le seul à ne pas s’en inquiéter outre mesure, se déplaçant comme il pouvait entre les corps serrés, vérifiant et revérifiant les sceaux d’étanchéité des combinaisons. L’idée de s’aventurer au-delà des dômes provenait de lui, et il n’avait aucune envie de se voir reprocher la mort de quiconque, et encore moins celle de dame Silvestri, parce que les combinaisons s’étaient révélées n’être pas totalement étanches.

L’ascenseur s’arrêta brutalement, faisant crier d’angoisse une des dames de compagnie. Flavenn se contenta de ricaner et attendit que les portes s’ouvrent s’une une pièce nue, à l’exception d’une console servant à discuter avec le centre de contrôle.


- Voilà le sas de sortie, dit Flavenn qui prenait à cœur son rôle de guide touristique. Je vais maintenant l’ouvrir et on va pouvoir sortir dans l’atmosphère accueillante de l’autre côté…


Joignant le geste à la parole, il pianota sur la console et les portes blindées coulissèrent, laissant passer une violente bourrasque qui manqua les renverser tous. Après quelques instants d’accommodation au vent, le groupe put enfin jeter son premier véritable regard sur les légendaires désolations de Valcyria. Et il ne fut pas déçu, car le lieu tenait toutes les promesses de son nom. En fait, le paysage aurait pu être qualifié de profondément déprimant. Aucun signe de vie sur toute l’étendue visible : pas un arbre, un brin d’herbe, et encore moins un animal. De loin en loin, une colline formée de cette poussière grise, vestige des cendres et des résidus rejetés par les innombrables usines de la planète, et sans doute de quelques autres composants encore moins ragoûtants. A leurs pieds s’étalaient des flaques plus ou moins grandes d’un liquide trouble qui s’aggloméraient parfois pour former des mares à peine ridées par le vent. Pour ajouter à tout cela, le ciel n’était pas en reste : un plafond bas de nuages menaçants dont la base s’amusait à chatouiller les collines.


- Réjouissant, n’est-ce pas ? Et encore, là, le temps est à peu près correct.


- Tu entendais quoi par « temps particulièrement mauvais », alors ? gémit Ramkha.


- Pour faire simple, la nuit qui tombe en plein milieu de la journée, ce qui complique tout puisqu’il n’est pas recommandé de marcher dans les flaques. Bon, c’est pas tout ça, mais je vous propose de mettre les voiles. La pointe de vitesse sur cendres n’a jamais été très élevée et on a une avance à garder.


Aiguillonné par ce rappel, le petit groupe sortit du sas, sauf le capitaine Salcroit qui resta fermement campé sur ses positions. Domitia s’en aperçut la première et se retourna pour voir ce qui se passait.


- On ne va quand même pas laisser l’ascenseur intact ? dit-il. Mieux vaut le saboter, ça les retardera.


- Est-ce que vous savez mettre hors service un équipement de haute technologie dont les parties les plus sensibles sont plusieurs kilomètres plus bas sans que ça apparaisse comme un acte de sabotage délibéré ? rétorqua Radu d’un ton qui ne souffrait aucune réplique et qui n’en eut d’ailleurs pas. Moi non, et laisser une grenade pour tout faire sauter serait le meilleur moyen d’avertir les Ehlermanniens que quelque chose de pas du tout normal se déroule au dessus de leurs têtes. Or, nous voulons faire profil bas, n’est-ce pas ?


- Alors, vous proposez de le laisser en plan ?


- Voilà. Ils vont bien finir par comprendre par où nous sommes passés, mais avec un peu de chance, le ciel sera le dernier endroit où ils penseront à chercher. Et à ce moment, nous serons assez loin.


- Cela se tient. En route, dans ce cas.


Sans attendre, Salcroit partit d’un pas rapide qui le plaça juste derrière Flavenn, toujours dans le rôle de guide. En arrière, Domitia vérifia qu’il ne regardait et plaça ses mains devant elles, doigts écartés et paumes vers le ciel dans un geste d’énervement. Radu se contenta de secouer la tête.



Plusieurs heures de marche plus tard dans une texture encore plus fine et glissante que du sable (et dont le seul intérêt était de ne compter aucune des bestioles qui y habitent habituellement), Flavenn proposa une halte à la base d’une grande dune qui en réalité méritait plutôt le nom de colline. Le groupe le prit au mot et tous s’assirent avec plus ou moins de finesse pour reposer leurs jambes dans un concert de grognements et autres jurons mal articulés. Tous sauf Flavenn et Radu, qui savaient que s’asseoir ne ferait que rendre le redémarrage plus désagréable. Ils essayèrent bien de partager leur science avec les autres mais la réaction les fit rapidement reculer.

En effet, l’humeur du groupe était loin d’être au beau fixe. Les combinaisons étaient heureusement étanches, mais affreusement inconfortables. Il y faisait chaud comme dans un four et il était impossible de se désaltérer d’une quelconque façon. On comprenait alors qu’ils soient prêts à tout pour un verre d’eau, surtout ceux qui, comme Domitia et ses dames de compagnie, n’étaient pas habitués à de tels efforts. Et surtout, qu’ils cherchent un bouc émissaire.

Cinq minutes après, Salcroit était encore en train de professer sur l’inconfort des combinaisons et les améliorations à apporter une fois la paix revenue, avec le soutien sans faille de Flavenn qui voyait se profiler le rappel de toutes les personnes ayant une connaissance des dômes en vue des réparations d’urgence trop longtemps stoppées. Ce dernier dut pourtant cesser d’écouter la diatribe pour répondre à un appel angoissé de Ramkha.


- Quoi encore ? gronda-t-il. Tu as encore vu un petit nuage bas ? Une flaque plus grosse que les autres à l’horizon ? Ce que tu peux être…


A cet instant il regarda clairement pour la première fois ce que lui désignait son ami. Il déglutit, douloureusement : ce qu’il avait craint se réalisait. Une mer de nuages noirs comme la nuit, si bas qu’on pourrait les appeler du brouillard si ce genre de distinctions avait encore une importance. Des nuages qui réduisaient la visibilité à quelques mètres, tant ils bloquaient les rayons lumineux. Mais surtout, des nuages qui déversaient des litres et des litres d’acide concentré, presque pur, le résultat d’un mélange qu’on ne pourrait trouver tel quel même sur un monde qualifié d’acidiquement inhabitable. Aucune combinaison n’était étudiée pour résister à un tel traitement : un groupe surpris au dehors n’avait aucune chance de s’en sortir vivant. Sans réfléchir plus avant, il se retourna et empoigna le bras de la personne assise à ses pieds, en l’occurrence Radu, et le força à se lever. Il criait comme un possédé, à tel point qu’on aurait pu s’inquiéter pour sa santé mentale.


- La pluie ! C’est la pluie ! Il faut bouger, dépêchez-vous ! Suivez-moi ! Courez !


Un instant interloqués, les autres le suivirent au pas de course, hésitant et trébuchant sur le sable fluide.


- Mais c’est vraiment si dangereux que ça, la pluie ? osa demander une dame de compagnie.


Seul un silence pesant lui répondit, brisé uniquement par le bruit de leur respiration saccadée dans l’intercom de leur combinaison. Au bout de plusieurs minutes de ce traitement, Domitia se décida à prendre la parole, elle aussi pour poser une question.


- Je ne voudrais pas… paraître… désagréable, mais était-on vraiment… obligés de grimper… cette colline qui nous a ralentis ? On aurait… très bien pu… la contourner !


- Il y a un lac à droite, ça aurait pris trop de temps et nous aurait amenés droit sur le nuage, répliqua Flavenn. Et à gauche, la pente nous l’aurait caché, mais je veux le voir !


- Pourquoi ?


- Dans l’ordre ? Direction du nuage, vitesse du nuage, intérêt scientifique.


- Tu sais… où tu peux… ranger ton intérêt… scientifique…, Flavenn ? grogna Merranon, le souffle court.


- Tais-toi et cours !


Et ils coururent : voir leur guide lui-même courir comme un dératé les emplissait d’une terreur sourde qui faisait beaucoup pour leur donner une appréciable pointe de vitesse. La cendre qui se dérobait sous leurs pas faisait pourtant beaucoup pour les ralentir, et leurs jambes envoyaient voler à chaque pas des nuages de poussière qui s’enroulait autour d’eux en tourbillonnant. Pour ceux qui étaient derrière, elle avait par ailleurs l’immense inconvénient de les aveugler, ce qui rendait leur avancée d’autant plus périlleuse sur cette crête prête à s’effondrer au moindre faux pas.

C’est ce qui arriva à l’une des dames de compagnie : placée avant dernière de la petite colonne, sans possibilité de regarder à ses pieds, elle avança sur une plaque de cendres plus friable que les autres qui s’affaissa sous son pied. Emportée par son élan, elle s’effondra au sol et dévala la pente en direction du lac d’acide dans un terrifiant roulé-boulé. Ramkha, juste derrière elle, évita de justesse de subir une collision et le même sort en se laissant glisser sur la pente de l’autre côté, tous membres sortis pour ralentir sa chute. Il fut rapidement remonté par Flavenn et Merranon qui redoublèrent de précautions pour s’ancrer dans un sol stable.


Radu ne prit pas ce genre de précautions : après avoir vérifié que sa maîtresse ne courait aucun danger (elle était en train de se ruer vers Flavenn pour passer ses nerfs dessus. Le pauvre homme n’aurait sans doute pas l’occasion de placer un mot dans les cinq prochaines minutes), il descendit la pente en une glissade parfaitement contrôlée qui l’amena auprès de la dame de compagnie, vautrée sur la rive du lac. Il l’examina un instant et, ne voyant aucune déchirure dans la combinaison, sentit l’espoir renaître. Mais quand il essaya de l’aider à se remettre sur pieds, elle poussa un cri et se tint la jambe gauche : une légère palpation confirma le pire, une jambe cassée.

Radu savait qu’elle ne pourrait plus suivre le rythme de la course pour échapper aux pluies acides. Il releva donc la tête vers le haut de la colline et agita les bras à plat. Tous comprirent le message, mais celui-ci ne s’adressait qu’à Domitia. Elle hésita quelques secondes avant de faire le geste attendu, et Radu hocha la tête.

Il s’accroupit auprès de la dame de compagnie et lui prit gentiment la tête entre les mains, rivant son regard dans le sien. Les yeux de la femme étaient agrandis par la terreur mais elle ne fit pas un geste pour l’empêcher, d’un coup sec, de lui briser la nuque.

Du haut de la colline, personne n’eut le temps de faire quoi que ce soit pour l’en empêcher et à peine plus pour, quelques secondes plus, tard, lui interdire de prendre le corps dans ses bras et de le jeter le plus loin possible dans le lac où il coula dans les eaux sombres sans faire beaucoup de vagues. Ceci fait, Radu remonta la pente en s’aidant tant de ses pieds que de ses mains et atteignit le sommet avec une facilité déconcertante.

La réception qui l’attendait là haut aurait difficilement pu être plus glaciale : personne n’avait vu le geste de Domitia et tous pensaient donc qu’il avait pris seul la décision de tuer cette pauvre femme. Flavenn fit un pas en avant, menaçant, mais dame Silvestri s’interposa en posant la main sur l’épaule de son garde du corps. Celui-ci baissa la tête en signe de respect en entendant les paroles qui suivirent.


- J’ai pris cette décision, et Radu ne fut que mon exécutant. Si quelqu’un à quelque chose à redire, qu’il s’adresse à moi. Elle n’aurait jamais pu suivre le rythme seule et nous ne pouvions pas rester près d’elle : cette mort fut rapide et miséricordieuse, et c’est tout ce que nous pouvions lui offrir. Des questions ? Non ? Dans ce cas, Flavenn, menez la voie, et partons d’ici au plus vite.


En effet, le nuage se rapprochait de plus en plus. On arrivait maintenant à distinguer celui-ci, sombre et bas, d’une bande inférieure encore plus noire et rayée : la pluie qui s’abattait sans discontinuer, et sans discrimination.

La course reprit une nouvelle fois avec un sens de l’urgence renouvelé : la mort, certaine, n’était plus qu’à quelques centaines de mètres et se rapprochait rapidement. La pente descendante se révéla par ailleurs particulièrement difficile à négocier, tout le monde ayant en tête la chute fatale quelques instants auparavant : tous, sauf bien sûr Radu, levèrent haut les jambes pour éviter de trébucher, et créèrent ainsi autour d’eux un nuage de cendres encore plus dense que la normale. Arrivé en bas, Flavenn prononça les mots que tous attendaient :


- Il y a un abri à quelques minutes devant, suivez-moi !


- Cela ne nous éloigne pas du nuage, Flavenn !


- Capitaine, s’il vous plait, fermez la et courez ! On voit la cache, là bas, sous le repli.


Par chance, les autorités de Valcyria avaient compris que lorsque la pluie se mettait à tomber, le temps comptait plus que tout. Si l’ouverture du sas était ainsi mécanique, car tout composant électronique aurait rapidement fini rongé au contact du dehors, l’entrée était cachée par un auvent qui permit au petit groupe de se tenir à l’abri du danger tandis que Flavenn actionnait l’équipement avec force jurons. Ils eurent donc le rare privilège d’assister, au sec et surtout en relative sécurité, à un début d’averse torrentielle qui déposait une pluie grasse, particulièrement opaque, laquelle avait la dérangeante particularité de former des volutes de fumées en s’abattant au sol. Ce fut donc avec un particulier soulagement que tous s’engouffrèrent dans le sas à son ouverture, sans pour autant savoir quand ils pourraient en sortir.


***

Cinq jours plus tard, le groupe n’avait toujours pas bougé. Il paraissait en effet plus sûr de faire profil bas tant que l’on n’était pas sûr de ce qui se passait en bas. Des secousses violentes avaient été ressenties la veille mais rien ne pouvait indiquer la raison exacte. L’optimisme sans défaut de Salcroit lui avait fait supposer qu’il s’agissait des troupes ehlermaniennes qui rasaient les derniers foyers de résistance à la bombe plasmatique, opinion qui n’avait pas fait grand-chose pour remonter le moral local. Par pur esprit de contradiction, Merranon avait développé une autre théorie faisant intervenir égouts et colonnes de blindés ehlermaniennes, jusqu’à ce qu’une réflexion acerbe de dame Silvestri, appuyée par un regard noir de Radu, le réduisent au silence.

Le seul à échapper à l’atmosphère de confrontation permanente était Ramkha : d’un commun accord, ils avaient décidé qu’il jouerait le rôle du commissaire aux vivres, puisqu’il était celui qui les avait récupérées en premier lieu. En le laissant tranquille, chacun voulait ainsi éviter de finir la journée le ventre vide à moins de lui griller la cervelle au préalable, ce qui apparaissait même en ces temps difficiles un brin expéditif surtout que Ramkha était de loin la personne du groupe la plus facile à vivre.


Le principal espoir, celui de passer inaperçu, fut pourtant déçu. Vers le début de l’après-midi, Salcroit, qui faisait le guet dehors, retourna en trombe dans l’abri et annonça qu’une colonne d’hommes se dirigeait vers eux. Flavenn alla jeter un œil de lui-même, intrigué. Il revint très vite, la mine sombre.


- Ils ont du récupérer la carte des abris quelque part, car ils se dirigent droit sur nous. On dirait qu’ils ne veulent rien laisser au hasard, et que leur colonne fait la même chose depuis déjà quelques jours.


- Voilà qui m’échappe…. Pourquoi mettre autant de moyens dans une expédition de recherche, alors que nous pouvons tout aussi bien être déjà à moitié dissous quelque part au milieu de nulle part, c'est-à-dire n’importe où sur cette planète ?


- Disons, ma Dame, intervint Ramkha, que de leur point de vue, nous sommes les assassins du gouverneur, les déclencheurs d’une révolte généralisée, et des gens qui ont transformé l’intégralité d’une force d’intervention en un hachis sanglant. Croyez-vous vraiment qu’ils se laisseront nous en sortir, même morts, alors que nous les avons tournés en ridicule ?


- Merci, mon cher Vibius, de me faire voir le côté éminemment positif des choses…


- D’un autre côté nous avons des pistolets, pour opposer une résistance héroïque.


- Et futile ! Tes grandes idées d’honneur sont très intéressantes, le coupa Flavenn, mais comme tout soldat bien dans sa peau, j’espère profiter de la vie assez longtemps pour me plaindre de la demi-solde de l’Amirauté !


Il se leva et commença à fourrager dans un placard qui semblait ne contenir que des caisses sans intérêt. Intrigué, Merranon le rejoignit et se vit remettre quelques objets rectangulaires à l’aspect plain.


- Ces caches ne servent pas seulement aux travailleurs des dômes, dit Flavenn. Elles ont aussi été construites dans le cas où une révolte conduirait les politiciens à devoir se planquer en attendant un hypothétique sauvetage. Il fallait donc les protéger d’une intrusion.


- Je ne suis pas… Ces trucs sont des explosifs ?


- A peu de choses près : je vais les brancher près des portes, histoire qu’ils explosent dès que quelqu’un de non autorisé cherche à actionner la manivelle du sas. Il suffit de les insérer dans des caches qui sont comblées pour l’instant. C’est d’ailleurs le seul mécanisme un tant soit peu électrique qui résiste aux acides : imaginez le prix…


- Cesse de déblatérer ! Qu’est-ce que c’est ?


- Enveloppe extérieure : shrapnels, pour percer les combinaisons. Enveloppe intérieure à déclenchement différé : acide local, pour faire joli. L’aspect extérieur est volontairement inoffensif et camouflé pour se fondre à peu près dans l’environnement, mais c’est très efficace, j’ai vu un holo. Evite de trop les secouer, ça reste de l’équipement de troupes planétaires, et pas particulièrement stable…


- Sacrénom ! s’exclama Merranon en regardant les objets comme s’il venait de leur pousser des têtes de serpent. Et qui va poser ces joyeusetés ?


- Moi, bien sûr, puisque je dois tout faire ici. Mais c’est gentil de te proposer de m’aider : je veux bien que tu me couvres. Vois-tu, je tiens à mon intégrité corporelle…


Merranon soupira profondément mais empoigna néanmoins son pistolet et suivit son camarade dans le sas d’accès. Une fois passés de l’autre côté, ils laissèrent la porte extérieure ouverte en cas de nécessité probable d’un retour urgent, et se mirent à l’ouvrage.

L’entrée n’était pas particulièrement prévue pour offrir une couverture parfaite pour une défense : malgré sa bonne volonté et sa mauvaise humeur, Merranon ne pourrait pas faire barrage longtemps aux tirs qui commençaient à pleuvoir. Venus de loin, sur un sol traître, la précision était assez ridicule pour ne mériter guère plus qu’un haussement d’épaule. Pour l’instant.
Flavenn manipulait les explosifs comme s’il s’agissait de porcelaine : il était clair qu’il n’avait aucune confiance dans la stabilité de ces jouets et préférait un surcroit de sécurité à une rapidité pourtant nécessaire, au grand désespoir de Merranon. Les autres, à l’intérieur, n’avaient guère qu’un minuscule hublot pour observer l’extérieur et ne pouvaient donc compter que sur la discussion entre ceux du dehors pour se tenir au courant.


Durant quelques minutes, tout se déroula comme prévu : Flavenn installait et pestait, Merranon tirait et pestait, le groupe attendait et pestait. Les ennuis arrivèrent lorsque la colonne ennemie arriva à portée utile de tir : sans se soucier des pertes potentielles, ils firent pleuvoir un déluge de feu sur les deux fragiles silhouettes à portée de la cache.

Merranon, plus exposé car en première ligne, fut touché à la jambe par un tir de fléchettes : les nombreux projectiles déchirèrent sa combinaison et son mollet comme du papier et il bascula en arrière, directement dans le sas. Flavenn tourna à peine la tête, termina rapidement l’installation de la boîte sur laquelle il travaillait et, sans faire de détail sur les autres explosifs encore en attente, plongea dans le sas à la suite de son ami.

Le hublot ne permettait pas aux autres de voir grand-chose si ce n’était une forme affalée et l’autre penchée sur lui, pendant que le sas travaillait pour remplacer l’air irrespirable du dehors par un mélange plus vivable même si maintes fois recyclé : la radio pallia cette difficulté pour ceux qui, comme Radu, parvinrent à comprendre quelque chose au-dessus des hurlements de douleur. Ainsi, lorsque le sas s’ouvrit, le blessé fut transporté rapidement, mais sans guère d’égards, à l’intérieur où on s’affaira à lui sauver la vie.

Ceux qui n’avaient aucune compétence médicale ni n’étaient réquisitionnés pour tenir le malade préférèrent discuter stratégie, c'est-à-dire parler pour presque ne rien dire, en attendant le prochain mouvement des Ehlermanniens.


- Combien vous restait-il d’explosifs à placer ?


- Deux ou trois, guère plus. Il y en a déjà largement assez pour les empêcher d’atteindre le sas.


- D’accord, mais qu’est-ce qui nous dit qu’ils ne vont pas emprunter la voie royale et décider de simplement tout faire sauter ? objecta Salcroit.


- Je pense qu’ils l’auraient fait plus tôt. N’importe quel vaisseau sur orbite, dès lors qu’il a des coordonnées de tir suffisamment précises, aurait pu vaporiser toutes les caches de la région en une demi-heure. La réflexion est d’ailleurs à peu près la même en cas de lance-missiles. On n’a donc plus qu’à espérer qu’ils n’y ont pas du tout pensé ou qu’ils ont préféré la certitude à l’efficacité, et que ce n’est pas leur plan B…


Une demi-heure plus tard, il était devenu clair que les Ehlermanniens ne feraient pas sauter l’abri, mais qu’ils étaient disposés à réussir quelles qu’en soient les pertes. Les cadavres rongés et déchiquetés jonchaient le sol devant l’entrée, morts surtout durant la première vague, mais il en venait toujours pour trouver comment faire fonctionner l’entrée du sas sans causer leur décès prématuré.

A l’intérieur, on ne voyait guère d’alternative possible à la situation actuelle, et la tension montait à mesure de l’épuisement des réserves d’acide. Merranon, sous le choc et drogué jusqu’à la gueule (pilules sorties comme par magie d’une des innombrables poches de Radu), délirait fiévreusement.


- Nous sommes dans une situation délicate, remarqua Salcroit, et on ne va pas pouvoir tenir longtemps à ce rythme. Je crois qu’il va falloir utiliser le plan A de Ramkha comme plan B.


Aucune réponse ne lui parvint. Il n’y avait en effet pas d’autre choix : sortir était suicidaire, rester jusqu’à ce que l’ennemi entre pour se défendre comme des renards pris au piège aussi peu engageant. On entendit soudain une déflagration proche. Flavenn soupira.


- Mine à déflagration directionnelle… Le mieux qu’ils puissent trouver pour entrer sans tout ravager et ils ont fini par y penser. Sortez vos armes, ils n’en ont plus pour longtemps.


Tout le monde obtempéra avec une lassitude teintée de mauvaise volonté : la mort n’était plus un horizon lointain mais un évènement fort proche et quasiment assuré. D’autres explosions, plus lointaines, se firent entendre mais personne ne les remarqua jusqu’à ce que Ramkha, au guet au hublot, s’aperçoive que l’ennemi lui tournait en réalité le dos. Il poussa un soupir de soulagement bien vite imité.

Quelques minutes plus tard, un homme en combinaison entrait dans leur forteresse improvisée, plissa imperceptiblement le nez devant l’odeur de corps mal lavés, de peur et de blessures mal soignées, et s’inclina profondément devant Domitia.


- Mes plus profonds respects, ma Dame. Je suis colonel de la Résistance, et présentement chargé de vous secourir puis de vous amener au Quartier du Princeps. Le peuple de Valcyria, ma Dame, meurt d’impatience de connaître celle qui va le guider vers sa libération du joug ehlermannien.


La destinataire de cette tirade eut un petit sourire, sous le regard mi-admiratif, mi-réprobateur de ses compagnons d’infortune.
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