[Conf. Sang ]Rencontres courtoises

Il avait du longtemps parlementer avec Cassiopée mais avait fini par obtenir gain de cause. Il en était satisfait et se préparait avec impatience au voyage qui le mènerait au palais du Sang. Il se regarda dans le grand miroir de son appartement du manoir : il était présentable. En outre, sa grande cape de voyage le protégerait du froid. Il jeta un oeil à Olenwë, tapi au coin du feu qui brillait dans la cheminée. Sephiroth caressa le mur et murmura :

- Au revoir Sirius, à bientôt. Toi comme moi savons qu'il faut protéger les étoiles. C'est pourquoi il me faut assurer la protection de Cassiopée. Porte-moi chance, vieux hibou.

Il se tourna vers Olenwë et siffla de manière très basse et inaudible, pour réveiller le loup.

*Ce n'était pas la peine de me briser les tympans, je te surveille du coin de l'oeil depuis toute à l'heure !*

Il ne semblait visiblement pas de bonne humeur, mais Sephiroth lui décocha un grand sourire :

- Que dirais-tu d'une course folle dans les neiges éternelles ? Ca te rappellera le pays et si on en a l'opportunité, nous chasserons un peu !

Le loup se redressa d'un bon en remuant la queue. Son maître et ami avait toujours su comment l'amadouer et il se laissait faire. Ces moments simples devenaient moins courants avec le temps, il fallait en profiter.

C'est ainsi que Sephiroth se présenta dans les hauteurs, droit vers le Palais du Sang. La route était rude, mais en chevauchant Olenwë qui avait pris l'apparence d'un loup adulte pour l'occasion, l'ascencion s'avérait une vraie partie de plaisir. A hauteur des grandes murailles, le loup ralentit et gronda en sentant les dragons. Sephiroth l'apaisa et lui demanda d'avancer encore un peu, il voulait être sûr d'être vu par les vigiles. Un peu avant les grandes portes il mit pied à terre et se tourna vers le loup.

- Je ne peux emporter Masamune avec moi ici. Veille sur elle d'accord ?

Il attacha son arme dans le pelage blanc du canidé et lui gratta affectueusement derrière l'oreille :

- Je vais t'ouvrir un passage vers une dimension où tu pourras la cacher et chasser ! Que dis-tu de la forêt endormie ?

Le loup s'assit en guise d'assentiment et attendit. Sephiroth dessina un cercle de ses deux mains et l'élargit à taille d'homme. On y voyait une verdue luxuriante sous un soleil filtré par les branches. Le loup y pénétra avec assurance avant que la brèche ne se referme.
Une fois fait, Sephiroth se tourna vers le Palais et regarda une des fenêtres comme si Sanz pouvait s'y trouver. Il avança, déterminé, et ne tarda pas à être reçu par le comité d'accueil. Il leva les bras en l'air pour bien montrer qu'il n'était pas armé et s'adressa au soldat le plus proche :

- Je viens en ami. Je suis le collègue et protecteur de Cassiopée. Elle a accepté ma venue dans ce palais et je m'y rends dans l'intention de me présenter à Sanz, seigneur du Sang. Mes intentions sont on ne peut plus courtoises.

Ceci dit, il attendit.

Vent froid, neige tourbillon et dans la vision obscure un homme avançait contre le vent, contre la neige. L'image était maintenue par des invocateurs qui matérialisaient l'œil perçant d'un Garde Feu-Lointain. Peu à peu, tandis que l'étranger approchait les traits se dessinaient et Sanz le reconnut. Sephiroth. Il ne l'avait jamais rencontré mais par le biais du Sang il en savait plus que ne lui permettait ses simples déplacements. Cassiopée et cet homme avaient mangé ensemble au Troquet Romantique et avaient étrangement discuté. Les paroles de sa confrère résonnaient encore dans sa tête. Il sentait que peu à peu autour du monde dans lequel les vies avançaient péniblement les probabilités se tissaient plus dangereuses, plus incertaines. Ter Aelis devenait un foyer contrasté d’Équilibre malade et de conflits aux répercussions cosmiques menaçantes. Les harmonies livraient un combat qui risquait de tout détruire à mesure si quelqu’un, Dieu ou simple homme, n’y mettait pas un terme. Seul, Sanz devenait fragile, rayé de l’Unique et l’humanité moribonde confiné dans le maigre espoir de cette Gardienne. Intimant à ses invocateurs de se reposer il remonta lentement vers la surface, prenant le chemin qui traversait les geôles. Dans l’une d’elle il reconnût le grattement significatif de la Myr qu’il avait enchaîné depuis hier. Approchant ses barreaux il la vit sale et sombre dans un coin de la pièce, le regard haineux. Elle cracha brusquement vers lui et la salive tacha sa longue veste pourpre. Il recula tout continuant de la fixant et lui murmura :

Tu vas rester encore un peu, tu n’as pas vraiment l’air calmée. Quand tu auras compris qu’il n’y a plus rien pour toi, peut être t’assagiras-tu… . Princesse, comtesse, baronne, il n’y a plus un titre qui ne tienne aujourd’hui. Nous avons tous perdu nos honneurs et nos Empires, il n’y a plus rien pour personne… . Idiote.

Le dernier mot résonna sèchement dans toute la pièce. Puis le Prince Régnant reprit sa route vers la surface, empruntant les escaliers sales et humides qui menaient vers un air plus pur.

Dehors le froid et la neige l’agressèrent et il resserra son long manteau. Un homme de surveillance l’accueillit avec déférence et l’informa que l’étranger s’était débarrassé probablement de ses armes.

Faites le rentrer, et conduisez moi le dans la salle du conseil. Veillez-moi à trouver si un Seigneur traîne dans le coin, et que tous ceux disponibles se joignent à moi. Puis vous fermerez l’ensemble des portes. Je ne veux être dérangé sous aucun prétexte. Vérifiez bien encore une fois qu’il ne porte rien de suspect avant qu’il entre. Nourrissez-le un peu s’il faut.

L’agent s’inclina, fit sonner ses bottes et s’élança vers la sortie. Sanz reprit sa route à l’intérieur. Dans les longs couloirs tapissés et décorés de l’Histoire du Sang il se surprit à rêver en jetant un œil distrait sur les fresques et les bas reliefs. Excellence et Fierté, Allégeance et Honneur perlait de chaque tableau, chaque figure comme si pendant autant de temps la Confrérie n’avait jamais dévié de son parcours. Et elle n’avait jamais dévié, comme elle ne le devra pas par la suite, en particulier face à l’Unique. Le Sang survivra.
Les portes basses de la salle du Conseil l’accueillirent en s’ouvrant sans qu’il fasse un geste. Il pénétra dans l’auguste pièce déposa son arme sur la table et s’assit. Au dehors on invitait Sephiroth à rentrer, on l’entourait de questions courtoises tout en lui indiquant le chemin. On s’occupait de lui tel un hôte important. On le préparait à une confrontation qui n’allait pas forcément être des plus facile. Le Prince était connu pour être dur en Affaire.

On ne tarda pas à lui autoriser l'entrée et il en fut plutôt content. Il s'attendait à une attitude soit hostile, soit prudente et courtoise de la part du seigneur du Sang. Il était plutôt soulagé de constater que celui-ci avait opté pour la deuxième option. Mais il se doutait que la partie était loin d'être gagnée. Il s'intima le calme et la patience et fit attention à comment on le traitait pour pouvoir répondre à ces gestes avec civilité.

- Avez vous-fait bon voyage ?

- Un très bon voyage, oui, merci. Le Palais est aussi splendide de l'extérieur qu'à l'intérieur. Et ces tapisseries forcent le respect.

- Puis-je vous débarasser, monsieur ?

- C'est gentil mais ce ne sera pas nécessaire. Ma cape sera bien vite déchargée de son humidité : j'ai une maîtrise élémentaire du feu qui me permet le séchage des vêtements sans recourir à une quelconque technologie. Mais encore une fois, n'ayez crainte, si je suis venu sans arme ce n'est surement pas pour venir user de magie.

Il fit un grand sourire au concerné. Il parut hésiter un moment, puis finit par céder :

- Oh... auriez-vous l'amabilité de me servir un thé, bien sucré, s'il vous plaît ? Vous me feriez grand plaisir et ça me réchaufferait un peu.

Sur ces mots, l'homme tourna les talons et s'empressa de répondre à sa demande. Sephiroth apprécia la qualité de l'accueil autant qu'il appréciait, à présent, le décor qui l'entourait. L'architecture gothique du palais collait bien avec l'image qu'il avait du sang. Riches et ouvragés tout semblait vivant et palpitant. Il posa les yeux sur une sculpture d'un être en proie à un dragon qui pouvait faire peur. Cependant, en plissant un peu les yeux il y perçut une symbiose plutôt qu'un affrontement, l'un semblait dépendre étroitement de l'autre dans un fragile et puissant équilibre. Il afficha un petit sourire satisfait devant cette image et sa résolution n'en fut que plus grande lorsqu'il arriva devant la salle dans laquelle le seigneur du Sang devait l'attendre. Avant d'entrer, l'homme revint avec du thé et il s'en réjouit. Un vrai gentilhomme devait pouvoir soigner un minimum son entrée. Quand il s'avança, la porte s'ouvrit et, sans un regard pour ce qui l'entourait, Sephiroth planta directement un regard franc et dénué de peur dans celui de Sanz. En guise de salut, il leva la tasse qu'il tenait entre ses deux mains :

- Le thé réchauffe le corps et éveille l'esprit. Ses vertus pour la négociation n'est plus à démontrer, semble-t-il.

La confrontation entre Sephiroth et Sanz était inéluctable. Sephiroth en avait décidé ainsi, mais Cassiopée savait qu’elle impliquait des dangers qu’il serait difficile et douloureux de maîtriser.
Elle se dirigeait vers la Salle du Conseil d’un pas assuré mais la conscience lourde de se sentir être l’origine d’un potentiel d’événements difficilement contrôlables. La rencontre entre deux êtres aussi investis de pouvoirs que l’étaient le Prince du Sang et l’être Multiple pouvait modifier la face du monde.
En pénétrant dans la salle, elle entendit Sephiroth venter les bienfaits d’une boisson apaisante comme le thé et elle eut soudain envie que Sanz en boive des litres. A cette évocation, elle sourit en pensant à son rôle, ô combien indispensable aujourd’hui, de gardienne Harmonique.

- L’eau est toujours un présent des dieux, Sephiroth. Que la chaleur et les herbes la rendent, à tes yeux, plus apte à réchauffer les cœurs, elle n’en demeure pas moins la source du vivant.
Tu es le bienvenu en notre demeure et que tes mots sachent tempérer mieux encore que le thé les sentiments troublés.

Elle proposa à Sephiroth de s’asseoir à la grande table de cérémonie. Elle le mena vers la place réservée aux invités d’honneur et il se retrouva donc assis à l’opposé de l’emplacement où se tenait Sanz.
Puis, elle se rapprocha de son siège à la droite du Prince régnant, mais ne s’assit qu’après avoir plongé son regard dans celui de son confrère, accentuant ainsi le lien qui le faisait lire en elle.

Dans les salles basses, le monde se repliait peu à peu pour n'être plus qu'une vaste série de vitraux et de lumière tamisée dans lequel dansent quelque corps indistincts ; les gestes lents et précis des confrères qui scrutaient de leur pensée méfiante l'hôte qu'ils venaient d'accueillir en leur mur. Depuis que cette pièce mythique fut fondée, il y eut toujours un siège pour l'Étranger. Tel fut la volonté du Premier Prince Régnant que d'accepter le Monde à sa porte, et de s'accommoder avec lui du Destin. L'autre représentait dans le grand Shéma l'Equilibre qui assurait la pérennité du Sang dans cette réalité.

Sanz déposa calmement ses mains sur le marbre, reprenant les habitudes de percevoir chaque stase d'essences et chaque combinaison présente dans la Salle afin de cerner et de comprendre le moindre nœud-vent , le moindre élan du vivant proche et révélateur. Peu à peu la division harmonique au sein de son invité lui fut plus clair. Percevant chaque chaque trame liée les unes aux autres dans une configuration d'équilibre fragile mais tenue il s'insinua au fond d'elles pour leur parler, et les entendre.Ce fut donc au plus profond de son âme que Le Prince conversa avec Sephiroth.

Quelle négociation doit-on entendre? Avons nous quelque chose à vous offrir, avez vous quelque chose à nous offrir? Entendez vous ce que nous sommes, ce qu'est le Sang et ce qu'il demande aux Hommes? Chaque jour, nous devons tenir une ligne qui était la nôtre et qui s'épuise peu à peu... Elle tremble sous chaque coup que nous inflige l'Ennemi, et dans ce grand bombardement de haine et de violence, nous devons préserver une Harmonie qui nous est... Génitrice et Destin ; Gardiens d'une Prophétie, nos Ténèbres sont nos jours quotidiens.

Et pendant que la voix s'infiltrait dans chaque point, innervait peu à peu le sensation de Sephiroth, dans un moment de confession étrange, le Prince laissa son hôte visiter d'étranges visions.

Là des Peuples entiers étaient conduits par des chaînes dans des mines aux allures cosmiques alors qu'à côté, près de ce qui ressemblait à des montagnes mais qui n'étaient qu'une vaste somme de corps décharnés, mutilés, d'autres squelettes à peine debout, le front sale et les mains tordues, mettait un temps infini à brûler les fosses infinies des charniers. Au fond du spectacle, des machines sans noms mais portant la marque de l'Unique envoyaient dans le ciel des longues traînées de noirs nuages.

Là des anges torturaient un autre ange aux six majestueuses ailes, les cris de douleur et de rage résonnaient dans tout le corps comme si on arrachait a Sephiroth même une partie de son âme. Et les traits de visages du torturé, et les membres contractés proche de la rupture faisaient trembler le rêve jusque dans ses profondeurs tandis que deux par deux les ailes étaient arrachées.

Là, un enfant au visage blanc, aux cheveux noir de jais se tenait face à cent hommes armés jusqu'aux dents. Dans un grand cri on le vit disparaitre sous les balles, les ailes repliées sur tout son corps ; le blanc éclatant taché de long filet de sang. Et la douleur encore, le cri d'une mère aux yeux gonflés de larmes, une arme fine et lumineuse à la main jaillissant de l'ombre tel une furie, tournoyant dans la marée de criminelle comme une trombe furieuse jusqu'à s'effondrer, criblée et entaillée sur l'ensemble du corps. Et ses yeux bleus se tendre vers le ciel en murmurant : Dieux, que sommes-nous devenus?

Là, peut être, l'Avenir. Galvorn ravagé. Des centaines, milliers de personnes en exils. Des habitations, des murs, des toits arrachés dispersés au vent. La pluie qui pénètre le monde et ruisselles dans les chambres, dans les cuisines. Le vent qui pleure discrètement au coin des rues, face à des corps jonchant les trottoirs, les débris, les ruines. Et au loin, encore, le claquement des bottes, le cri des orphelins, le martèlement des lames. Au loin le feu, le sang, et l'Ange effondré, face contre terre, sa vie inondant les espace sans fins, couvrant de honte et de crime tout Galvorn. Et le hurlement lent et poignant, la chanson perforante d'une Harmonie brisée dans le sein d'un Homme. Là, peut être, Notre avenir ravagé où tu pleures encore la mort d'une Nymphe débordant des ruelles tel une Mère assassinée.

Une brusque tempête brûla les images, les souvenirs et les flux de pensées reprirent le dessus sur la mémoire. La Salle du Conseil revint peu à peu chargée de sensations nouvelles et confuses. Des larmes de sang coulaient lentement des yeux de Cassiopée alors que le Prince restait immobile, laissant les fines raies de lumières éclairer faiblement son visage. Sa voix parut s'élever dans cette nuit tel un murmure lointain.

Toujours prudent... . Comment nous prouver que tu n'es pas... de ceux là?

Sephiroth avait gardé les yeux baissés sur son thé pendant cette discussion interne avec le Seigneur du Sang. Les images avaient de quoi choquer, mais rien de pire qu'il n'aie déjà vu... Sauf la vision de Cassiopée... Quand il leva la tête vers Sanz, son visage affichait de la dignité derrière les larmes qui s'écoulaient avec douceur de ses yeux bleus. Il ouvrit sa paume et un tourbillon s'y forma pour prendre des contours un peu plus nettes de scènes de son passé. Il montra à Sanz comment il avait été élevé dans la servitude de la Mort même. Il lui montra la destruction qu'il avait semée, les vies qu'il avait prises, l'assassinat de la femme qu'il avait aimé qu'il avait perpétré dans un état de transe spirituelle, des planètes entières décimées sur son passage et cette Déesse qui se nourrissait des âmes des mortels, leur combat qui l'avait laissé dans un état épouvantable et le chemin de rédemption qui s'ouvrait à lui où trop de cadavres avaient déjà exhaler leur dernier soupir dans les tournants de sa vie. Il fixa Sanz du regard et répondit :

- Voilà ce que je fus. J'ai eu tout le temps d'apprendre quelle valeur a une vie et quelle importance revête l'Equilibre.

Il déglutit bruyamment pour reprendre contenance et sa voix changea de manière subtile sur un ton de négoce.

- J'attends de vous l'assurance d'être en sécurité parmi vos hommes. J'attends de vous le droit de veiller sur Cassiopée. J'attends de vous de m'aider à comprendre là où tout me paraît obscur. Vous me savez multiple, vous me savez en fragile équilibre. Je crois que vous pouvez m'en apprendre sur la façon dont je dois gérer ce qui m'unit pour n'en faire qu'un, solide et robuste. Je peux vous donner ce qu'il m'est possible de réaliser, tout dépend de vos attentes. En l'instant présent, je peux vous offrir mes services en tant qu'assassin du Zénith, je peux tenter une alliance entre ma confrérie et celle du Sang, je peux également jouer de mes relations, de mon rang, ou quoique ce soit pour servir vos buts. Je ne vous demande pas d'être un ami, je vous demande d'être alliés à une même cause. La mienne passe par la sécurité de Cassiopée, la vôtre veut que pour que Cassiopée reste vivante, vous réussissiez vos projets, c'est tout à fait conciliable.

Sanz resta immobile, figé dans les paroles de Sephiroth tel un observateur attentif, examinant chaque mot comme s'il était la clef attendue, l'élément qui allait le convaincre de croire en ce que Cassiopée croyait déjà. Immiscé dans la mémoire de sa confrère, imprégné de chaque souvenir et de chaque pensée, il comparait jusqu'à éprouver la moindre contradiction et le moindre accord. Même le ton de l'étranger lui confiait bien des choses. Puis sa voix s'éleva lentement, dans l'accent noble du Sang qui prend le temps de s'exprimer.

Cassiopée...doit être tenue en vie, oui.

Le Prince décrocha son arme de la table et se levant de son fauteuil s'approcha de lui, la démarche lente. Un sourire traina sur les lèvres quand il arriva à sa hauteur. Puis, brusquement la lame siffla à vingt centimètres de lui, frappant le bord du marbre sans l'entaille. D'aussi près on pouvait voir les fines gravures qui offraient la vision d'un entrelac de matière sombre et de vide tandis qu'un rayon courait sur le relief ouvragé. Sanz appliqua sa main contre Azräael jusqu'à ce que des gouttes de sang perlèrent le long de l'arme pour venir atterrir dans un petit flacon accroché à un collier qu'il tenait dans son autre main. Quand l'instrument fut rempli aux trois quart il le ferma avec un petit bouchon en cristal et déposa l'objet dans les mains de Sephiroth.

On nomme cela un Reliquat. Les Reliquats sont précieux et plutôt rares. S'il venait à se briser, l'arrangement qui nous lie deviendra caduque et nous n'aurons plus de raisons de traiter ensemble dès lors. Bien entendu il ne faut pas l'ouvrir ni le boire. Ce serait totalement inconvenant, même si ce ne serait qu'une seule goutte. Mais vous n'aimeriez pas boire du Sang n'est-ce pas. Il afficha un sourire ostentatoire en évoquant l'idée puis reprit plus rapidement. Vous éduquerez une personne que je vous assignerai mais qui n'est pas encore prête aujourd'hui. Il vous faudra donc revenir. Elle vous sera mis à disposition afin de recevoir l'enseignement de votre organisation jusqu'à ce que je t'estime que vos cours doivent cesser. En attendant vous n'avez qu'à goûter à l'hospitalité du Sang. Ne vous perdez pas ; en beaucoup d'endroits vous ne serez pas le bienvenu.

Rangeant son arme du fourreau il fit un vague signe et ses pas résonnèrent dans la salle avant que les bruits lourds des portes basses ne les dissipent.

Lorsque le prince répondit que Cassiopée devait vivre, il ne put s'empêcher de laisser échapper un soupir de soulagement : au moins semblait-elle ne courir aucun risque dans sa propre confrérie. Il regarda Sanz oeuvrer à son petit manège avec un calme étrange, ses pensées lui disaient qu'à sa place, ses propres chefs n'auraient peut-être pas été si placides... Justement, ses chefs... ils ne seraient jamais d'accord qu'il enseigne leurs pratiques à un partisan du Sang. Il allait devoir négocier avec force, car le ton qu'employait le seigneur du Sang n'offrait guère de manoeuvre. Tant pis, il risquerait des rapports conflictuels avec sa hiérarchie, si c'était pour sauver Cassiopée. Elle était trop importante. Lorsque Sanz fut sorti, Sephiroth répondit, comme si celui-ci pouvait toujours l'entendre :

- Je m'engage à lui enseigner ce qui fait de moi un précieux allié.

Il ferma les yeux un instant, puis les rouvrit pour rencontrer ceux de la nymphe :

- Je suis un ami mal placé, mais je suis ton ami tout de même, j'espère que tu t'en rends compte et que tu garderas la même foi en moi que tu n'as semblé la tenir durant cette convocation... Je vais devoir manoeuvrer très prudemment envers le Cercle, à présent. Heureusement pour moi, je n'ignore pas que tu es liée à Idrial. Sirius est loin de m'être inconnu, vois-tu, mais c'est une autre histoire...

Cassiopée regarda Sephiroth avec étonnement.

-Tu connais Sirius ? Cet être étrange que j’ai rencontré dans le manoir ?

Dans ce cas, Sephiroth, dis-toi que si tu veux me protéger, la première des protections est de me tenir au courant que de tels personnages hantent nos murs… Celui-ci a pénétré mon passé…

Le visage de Cassiopée devint soudain livide :
-Et j’ai vu…

Un silence de mort succéda à ces quelques mots car ses lèvres demeuraient muettes, incapables de formuler l’inconcevable. Elle savait qu’il fallait oublier afin que la Connaissance n’affecte pas l’Equilibre du Vivant…

Elle aurait voulu dire ses peurs pour les exorciser mais en plongeant ses yeux dans ceux de son ami, elle puisa sa force et se contenta de dire :

-J’ai besoin de ton amitié et de ton bras solide pour conserver la force vitale qu’il me reste. Ne me trompe pas. Ne me déçois pas. En mettant ma confiance en toi, je prends appui sur toi et tu devras alors supporter tout le poids du vivant.

Détournant violemment la tête, elle fixa la place par laquelle Sanz avait disparu et ajouta d’un regard sévère :

-Tout, tu entends ? Tout ! Tout doit être fait pour que Sanz parvienne à garder son humanité.
Et nous devons agir vite ! Oh ! Pourquoi sommes nous si peu ! Quand donc le sang pourra-t-il se targuer de nouvelles forces ?
Aide-moi !

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