[Conf. Sang]Purification de Melaka [Histoire du Sang]

Après sa rencontre avec Teysa le sombre, Melaka avait subi ce qu'il en coûte de s'approcher de trop près du Prince des rêves. Son esprit craquelé errait à présent entre le monde réel et celui qui se développait dans sa tête. Gipsy faisait des cercles affolés autour d'elle, prêt à la rattraper si elle cédait à l'envie de se laisser tomber. La jeune femme titubait, une main sur sa tempe gauche, l'autre interagissant avec une présence qui n'existait probablement que dans son imaginaire. Malgré la douleur foudroyante qui lui brouillait la vue, Melaka continuait d'avancer. Elle devait à tout prix rejoindre sa Confrérie.

Suis-moi, c'est par là, lui indiquait régulièrement le loup inquiet.

N'ayant pas la force de lui répondre, l'elfe-vampyre se contentait d’obéir au chemin donné par son ami. Par courts moments, elle arrivait néanmoins à chasser les images terribles envoyées par Teysa. Elle se redressait alors, marchait aisément quelques secondes, puis sombrait à nouveau, reprenant corps avec la folie qui lui était imposée. Au bout de plusieurs heures de route, elle atteignit enfin les somptueux palais du Sang. Le front en sueur, les membres tremblants, elle s'approcha douloureusement de l'entrée où deux gardes lui bloquèrent instantanément le passage. La jeune femme s'effondra alors à genoux contre le sol, aussi froid que les visions qui lui faisaient vaciller les pupilles.

Aideeeez-moi ! Je vous en supplie ! hurla-t-elle dans un souffle de désespoir.

Cassiopée allongeait le pas. Sa course légère lui prodiguait un bonheur instantané. La nature s’était habillée d’ocre et d’or et le soleil rasant du petit matin faisait miroiter la parure des arbres encore humide de rosée.
La douceur du moment était comme une friandise que goûtait Cassiopée tout en libérant l’énergie dont elle avait besoin pour conserver sa force.

Elle quittait la forêt quand elle perçut un flot de peur accompagné d’un appel.

Comme mue par quelque étrange pulsion, elle se dirigea d’un pas accéléré vers le palais.
Ce n’était qu’un loup, mais pas n’importe lequel. Elle reconnut immédiatement le compagnon de Melaka. Il émanait de lui une aura d’intelligence toute particulière. Or ce loup était emprisonné dans les cachots du Sang en compagnie de l’elfe. Il n’aurait pas du se trouver face à elle, à l'extérieur du palais.
Cassiopée percevait très clairement les pensées de Gipsy, mais elle ne comprenait pas où le loup voulait l’emmener.

Elle finit toutefois par se décider à le suivre, les sens en éveil face aux dangers qui les menaçaient.
Il se dirigeait vers le haut portail de l'entrée de leur palais. C'est en arrivant près des gardes que Cassiopée aperçut enfin la silhouette recherchée.
Elle était seule, étourdie, comme une femme saoule.

- Que t’est-il arrivé ? Comment es-tu sortie des cachots ? Qui t’avait permis de sortir ? Qu’as-tu fait de ton potentiel ?

Cassiopée regardait dépitée la femme défaite qui se trouvait devant elle et qui riait à gorge déployée.

Melaka rit pendant un instant qui sembla être une éternité. Sa voix résonnait dans toute la cour du palais mais Cassiopée se contenta de la regarder, mi-agacée mi-patiente, attendant qu'elle se calme et qu'elle réponde à ses questions. La jeune femme complètement détruite releva enfin la tête vers son interlocutrice, le regard fou, l'esprit vidé et une lune encore ensanglantée trônant sur son front.

Aidez-moi. Répéta-t-elle.

Elle leva ensuite un bras en direction de Cassiopée qui l'esquiva, trop obsédée par cette lune gravée sur la peau de Melaka.

Eryliiiie ! Eryliiiie ! Ma cousine ... JE suis partie ! Voir Teysa le sombre, ah ah ah.

Son ricanement grossier se transforma en un sanglot qui flouta le bel éclat émeraude de ses yeux. Gipsy s'approcha d'elle pour se blottir discrètement entre ses bras. Le silence s'était de nouveau installé au seuil du bâtiment immense et la malheureuse semblait avoir enfermé ses cris. Pour le moment.

Faîtes quelque chose, je vous en prie. Pensa-t-il à l'attention de la Protectrice du Sang.

-Faîtes quelque chose, je vous en prie.

La pensée qui traversa Cassiopée était claire et précise. Elle lui montrait presque les gestes qu’elle avait à accomplir. Pourtant Cassiopée restait interdite devant la lune ensanglantée qui creusait le front de Melaka. Elle connaissait les pouvoirs exceptionnels de Teysa le Sombre, et savait que le monde des rêves dans lequel il se mouvait comme chez lui pouvait procurer les soins nécessaires au repos d’une âme, mais pouvait aussi détruire à tout jamais un être.

Alors que les gardes, sous un signe de leur Dame, avaient empoigné l’elfe et la tenaient fermement, elle se débattait encore. Elle jetait des regards de folle apeuré et poussait des cris qui semblaient se serrer dans sa gorge. L’elfe était la proie d'un véritable combat intérieur et ses yeux s’enfonçaient en une longue spirale sans fin vers la déraison.

-Menez-la dans la Crypte du Vieux Songe.

L’ordre avait claqué tel un coup de fouet. La Crypte du Vieux Songe était une vaste Caverne de pierres taillées et creusées dans les souterrains du Palais. L’accès en était totalement interdit à toute personne extérieure au Haut Conseil de la Confrérie.
Cassiopée n’avait pas suivi la prisonnière. Elle était restée à l’entrée du Palais, seule en compagnie de Gipsy. Elle laissait la lumière naissante du jour l’emplir. Elle emmagasinait la clarté nécessaire pour ne pas se perdre. Il était si facile de tourner en rond lorsqu’on progressait dans les mondes intérieurs.
Gipsy se tenait à ses côtés. Il n’avait pas cherché à suivre sa partenaire. Il semblait écouter sans voir.
Il suivit Cassiopée quand celle-ci entreprit de rejoindre la Crypte par un autre chemin. Ils se mirent à descendre lentement les marches innombrables. Chacune de ses marches était un grön et émettait un symbole sonore.
Seuls les gröns accumulés ainsi qu’une litanie psalmodiée leur permettraient d’entrer dans le Vieux Songe. Elle devait choisir chacun de ses pas pour ne pas s’égarer.

Les gröns composaient une Oraison aux Conjurés et la Prière ainsi proférée se répandait lentement vers les fondements du Palais. Au fur et à mesure qu’ils avançaient la Supplique emplissait l’espace, étouffant peu à peu le frôlement des pas jusqu’à cacher leur avancée.

Lorsqu’ils atteignirent enfin l’immense porte de magma congloméré, Melaka était tenue par les gardes. Son corps avait perdu sa fermeté. Elle semblait un pantin de chiffon sans vie, un simple jouet d’enfant.

-Laissez là ici et prévenez notre Prince que je l’attends.

Les gardes s’esquivèrent rapidement, sentant dans l’air l’étouffement les assaillir à la gorge.

Gipsy se coucha auprès du corps que les gardes avaient déposé au sol tandis que Cassiopée, dressée devant la porte saluait le dragon évoqué par la roche vierge.
Il occupait toute la porte comme une vaste boursoufflure rougeoyante, la gueule béante et l’œil perdu dans les profondeurs.

L'excès de folie de Melaka s'était endormi, la laissant complètement amorphe entre les bras de soldats visiblement déterminés à l'emmener dans un endroit précis. A moitié consciente de ce qui l'entourait, elle ne percevait que des bribes de conversations ou des visions floues. La jeune femme se fit donc trainer jusqu'aux profondeurs du palais, au rythme envoutant de la psalmodie qui avait envahi le lieu mystérieux. Au bout d'un trajet qui lui sembla durer une éternité, l'elfe-vampyre sentit qu'on la déposait sur le sol. Son corps tout entier se consumait, fractionné entre l'emprise de Teysa et celle du Sang, de plus en plus présente. Melaka tenta d'ouvrir les yeux mais seule une brume incertaine se dessina devant ses pupilles exorbitées. Elle savait que Gipsy se tenait près d'elle, même si pour la première fois de sa vie, elle n'arrivait pas à communiquer avec lui. Une vague de chaleur se répandit alors dans la salle. Quelque chose d'étrange allait se produire mais la pauvre fille ne pouvait pas bouger, contrainte d'observer la grande dame qui se tenait face à un être immense et terrifiant.

C'est un dragon ! Lui adressa Gipsy.

Melaka réussit à comprendre sa phrase mais elle était incapable de réagir. Cassiopée semblait entrer dans un rituel qui lui était familier et ne paraissait pas se préoccuper des deux amis. Le loup chercha néanmoins à comprendre la situation et interrogea la femme du Sang.

Que faisons-nous ici ? Quelle est cette créature ?

La Crypte du Vieux Songe est un domaine. Dans la Crypte, sommeille une Hérédité qui remonte le temps. Le Vieux Songe se souvient des temps anciens et la Crypte reste vigilante.
Lorsqu’on entre dans la Crypte du Vieux Songe, il semble que le temps s’alourdit. Il pèse sur les épaules et courbe les dos. L’âge du Songe se ressent dans les os.

En pénétrant dans la Crypte, Cassiopée avait senti les années passées sur les Terres. Son corps se remémorait chacun de ses actes, sans en omettre aucun et chacun d’eux apportait son comptant de lassitude ou de bien-être. Un équilibre se composait, véritable balance qui cherchait sa place avant de se stabiliser. En elle, Issac achevait l’activité du Temps. Il s’emparait des souvenirs pour en compenser l’œuvre. Il contre balançait les actes passés par leurs équivalents inversés. Rien n’était oublié, mais tout était pesé sans complaisance, sans abstraction d’aucune sorte.
Vigilante, Cassiopée prenait son temps. Elle le concentrait dans ses pensées après l’avoir soupesé dans son corps.

La Crypte était un vaste lieu Saint où les voutes semblaient ne pas avoir de terme afin de libérer les âmes pour qu’elles remontent le temps.

En entrant dans la Crypte, Issac avait tout naturellement pris la presque totalité de l’espace visible de la Crypte. Mais le rayonnement de Cassiopée l’enveloppait de la même façon que sa force semblait durcir La Dame des étoiles.

Elle se préparait à l’épreuve qu’elle-même devrait subir pour que Melaka soit contrainte de tomber dans les fins fonds d’un Songe accapareur.

Les mots anxieux de Melaka furent chassés d’un geste et Cassiopée aida la jeune fille à se relever pour la mener au centre de la Crypte. Le loup comme une ombre ne quittait pas Melaka, mais ne s’opposait à aucun des gestes de la Dame du Sang.

Melaka se laissa guider sans résistance jusqu'au centre de la Crypte. Ce lieu éveillait en elle encore d'autres sensations, d'autres sentiments. Chaque année qui la composait paraissait étrangement peser sur son esprit, des bribes de souvenirs anciens s'imposaient à sa vue et les murs de ce lieu mystique semblait vouloir lui murmurer les secrets du temps. La jeune fille essayait de rester debout tant bien que mal, les épreuves émotionnelles se succédant sans cesse dans son corps qu'elle trouvait anormalement fragile. Cassiopée la fit asseoir en tailleur et Gipsy vint s'allonger contre elle, attendant que la Dame des Étoiles agisse pour le bien de son amie.

Je vous en supplie, abrégez mes souffrances. Elles deviennent intenables.

Le souffle de Melaka avait plus parlé que sa propre voix qu'elle reconnaissait à peine sous l'emprise de la douleur. Néanmoins, les fragments de rêves envoyés par Teysa s'estompaient peu à peu face au pouvoir de la Crypte.

Un nouvel arrivant avait fait son entrée dans l'endroit mystérieux. Il semblait faire totalement corps avec ce qui l'entourait, comme si l'espace tout entier exécutait sa simple volonté. La jeune femme comprit rapidement qu'il ne pouvait s'agir d'autre que du maître de ces lieux.

Tue-toi. Tue-toi. Tue-toi.

Les derniers mots prononcés par le Prince du Sang résonnaient encore et encore dans l'esprit trop fragile de Melaka. Celle-ci se tenait la tête entre ses deux mains, recroquevillée contre le sol, tremblante. L'elfe-vampyre entrouvrit alors ses yeux remplis de larmes pour voir la dague juste devant elle. L'acte était d'une irréversible violence. Pourtant il lui apparaissait comme le seul espoir de s'en sortir, comme la seule manière d'en finir une fois pour toute avec la faiblesse qui l'accablait tant. Melaka tendit alors son bras vers le poignard et le rapprocha de son visage, sa lame se reflétant dans les yeux émeraudes de la victime. Gipsy entama un chant de désespoir alors que sa sœur resserra fermement son emprise sur l'épée qu'elle s'enfonça droit dans le cœur, avant de sombrer enfin dans la délivrance dont elle rêvait tant.

Le vide avait envahi tout son être. Le noir avait plongé son corps et son esprit dans une torpeur inexprimable. Le souffle s'était éteint à travers sa gorge, la chaleur de son cœur avait muté en une glace figeant chacun de ses membres. C'était la fin. Ou plutôt, le début. Ce moment particulier où tout s'arrête, comme une unique chance de repartir à zéro. On ne change jamais qui l'on est vraiment, mais une renaissance peut néanmoins bouleverser une vie.

Dans son cri interminable, Melaka se sentait comme un nouveau-né qui devait hurler, ouvrir ses poumons pour respirer enfin. Une nouvelle fois. Tout était encore flou autour d'elle, sa vue s'habituait progressivement aux couleurs de la Crypte. Les pulsations de son cœur résonnaient dans ses veines et lui faisaient ressentir la présence de ses alliés. Plus que des alliés, il s'agissait maintenant de sa famille. Le Prince. Cassiopée. Elle pouvait les entendre à l'intérieur d'elle-même, ils ne faisaient qu'un. Pourtant une autre présence flottait dans l'air, une âme vagabonde qui lui semblait familière. La jeune femme savait qu'il ne fallait pas éprouver de l'affection pour cette créature, le Sang ne l'acceptait pas. Réalisant que l'étrange personnage se faisait congédier, elle chercha à le retenir.

Non. Ne lui faîtes pas de mal.

Le timbre de sa voix la surprit, elle avait l'impression de ne plus avoir parlé depuis des années. Mais le ton qu'elle entendit la rassura, il s'agissait toujours du son cristallin qui la caractérisait. Elle insista à nouveau.

S'il vous plaît, il faut l'aid...

Cette fois, Melaka ne put terminer sa phrase, le maître des lieux ayant coupé ses paroles d'un seul geste de la main. Elle le sentait agacé, voire dégoûté par ses premières attitudes. Par réflexe, la jeune femme porta ses doigts contre son front et caressa la lune qu'avait dessiné Teysa. Son nom lui revenait. Tout se clarifia alors dans sa tête. Elle devrait vivre avec, même si la folie ne la toucherai plus à présent.

Nous sommes liés, à jamais.

Son chuchotement était une promesse surtout réservée à elle-même. L'elfe-vampyre se doutait que ses acolytes l'avaient entendu, mais il en était ainsi. Quoi qu'il advienne, le Prince des Rêves avait décidé de laisser sa marque sur sa chair. Elle vivrait avec.

Cassiopée, guidée par le vieux songe, soulevait la dalle centrale de la crypte et en sortit un coffre de fer que le temps n’avait pas touché. Elle glissa sa main sur la face acérée de la fermeture du coffre. Le contact avait la lame lui trancha la paume et quelques gouttes de son sang se répandirent sur le cadenas qui s’ouvrit à son contact.
La Dame en souleva le couvercle. Il était rempli d’objets de toutes sortes, allant du vase ciselé au tissu en fibre de vermeille.
Elle en sortit une dague dont le bleu rivalisait avec la couleur de la nuit la plus profonde. Entre les mains de Cassiopée, elle s’alluma d’éclats comme milliers d’étoiles. Toutes se perdaient dans la nuit des temps.

Armée de la dague, elle se dirigea vers Sanz, sans un sourire, sans tristesse non plus. Les émotions n’étaient pas au rendez-vous de l’Union de leurs pouvoirs. Elle devait seulement achever ce qu’Azräael avait déjà bien entamé.

Elle devait agir pour que la présence du Prince Sombre Teysa aux portes du Sanctuaire ne soit plus et à jamais. Melaka, la porteuse d’âme Etrange, devait être purifiée jusqu’à l’os.
Azräael avait bu et déversé le Sang infecté, il lui appartenait de purifier l’essence même de l’âme.

Sa voix sembla provenir de l’au-delà, des ciels que jamais l’on ne voit.
-Par le Pouvoir de la Nuit et dans les Temps écoulés, que le Songe s’impose à tes os et que par lui tu entres dans l’Harmonie du Sang.

Avec la lame finement acérée, elle dessina sur les lambeaux de peaux asséchées de Melaka une série de signes, qu’elle répéta sans s’interrompre autant de fois que le permettait l’espace dermique. Au dernier signe, le feu se répandit sur le fin chemin tracé par la dague, brûlant les derniers regards de Teysa et libérant les derniers filins qui retenaient encore l’âme de Melaka prisonnière.

Au sol, Melaka ne réagissait plus… Elle n’était plus que dépouille rejetée.

Cassiopée s’assit simplement au côté du cadavre.

L’attente dura trois jours. Ce n’est qu’au terme de cette longue veille qu’elle entendit le premier réveil du Noz.
Elle était prête.

Melaka avait d'abord senti la présence rassurante de Cassiopée s'affairant à ses côtés, se concentrant sur un rituel qu'elle connaissait parfaitement. Il lui avait semblé être enveloppée dans un cocon de douceur, comme si elle était redevenue un nouveau-né insouciant, bercé par le chant et la tendresse d'une mère bienveillante. L'elfe-vampyre était maintenant consciente intérieurement du pouvoir de la Protectrice du Sang. Elle entendait même la mélodie enchanteresse de celle-ci, une ritournelle qui l'apaisait en se diffusant lentement à travers chaque parcelle de son corps.

Petit à petit, la voix devint plus triste, plus mélancolique. L'espace sécurisant qui l'entourait se brouilla progressivement pour laisser place à un tout autre paysage. Melaka était maintenant en plein désert, vide et sec. Elle apercevait des silhouettes au loin mais la chaleur floutait leur identité. Elle se mit donc en route vers ces étranges personnages.

Que font-ils en plein désert ? se demanda la jeune femme.
Ou plutôt, qu'est-ce que moi, je fais en plein désert ... ? rectifia-t-elle.

Après une marche qui lui sembla durer une éternité, Melaka atteignit les hommes qui l'intriguaient tant. Elle était essoufflée par l'effort, et surtout, elle se sentait complètement déshydratée.

De l'eau ... S'il vous plait ... pensa-t-elle.

En relevant la tête, elle s'aperçut qu'elle connaissait les deux individus qui se faisaient face. Deux ennemis. Deux dirigeants. Deux Princes. Son regard passa de Sanz à Teysa, puis sa vision s'élargit et elle se rendit alors compte que chacun menait son armée. Les soldats se tenaient prêt, tous alignés méticuleusement derrière leur patrie respective.

Où sommes-nous ? lança la jeune fille qui cherchait désespérément leur contact.

Personne ne semblait pouvoir communiquer avec elle, ni même la voir.

Du sable sortit des chemins, des chemins des façades et des façades une ville entière. Le ciel se troubla et des anges apparurent que des dragons énormes fixaient avec leur yeux de braise. Dans l'air, le sifflement de canons et de puissances libérées abrutissaient le silence des armées. Une voix déchira l'ambiance brusquement, grave et marqué du Sceau du Sang, gonflant les poitrines des soldats : celle du Prince Légitime, porté par la haine et la Mémoire, juché sur son phoenix aux couleurs de l'arc-en-ciel.

- Ar'h Oreg sanz'Drem !*

Et la terre trembla, et le ciel vibra, et les deux armées s'élancèrent telles des vagues en furies. Le choc fit exploser l'espace, et le sang coula a flot, inondant le sol, tachant les pieds, puis les jambes, enfin tout le corps de Melaka. Rapidement ce fut une mer rouge qu'elle devait affronter tandis qu'au dessus d'elle la scène semblait flotter. Véritablement le courant l'entrainait vers le fond, sans pour autant que lui soit épargné le fracas des armées et les hurlement des morts. TOut, elle entendait tout, comme si l'on se battait dans son oreil et que l'image perforait ses yeux. Intuitivement, elle devinait en cet affrontement mortel qu'un seul survivrait. En aucune guerre, le vaincu ne survit vraiment. Au fond de l'eau, elle pouvait voir aussi remuer comme des serpents de mer sombre et violent qui tournaient autour d'elle, prête à la happer quand elle cesserait de débattre contre le courant.

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Ahr'h Oreg sanz'Drem: Au nom de l'héritage ( ou mémoire ) des fils du Sang

La souffrance était insupportable. Le cauchemar avait recommencé et Melaka se demandait si elle serait de taille à résister cette fois. Elle se sentait épuisée et impuissante. Sa lutte à contre courant la fatiguait encore plus, elle avait l'impression de se débattre dans le vide. Le néant. Voilà ce qui attendait la jeune femme. Mais elle ne voulait pas céder et laisser la haine gagner son combat. Il fallait réagir, et maintenant !

Où êtes-vous ? Hurla-t-elle en direction des cris de guerre qui se mélangeaient dans son esprit.

Les deux Princes menaient leurs armées respectives sans se soucier de son cas. Mais l'appel de l'elfe-vampyre se fit entendre et ils se détachèrent de la bataille un instant.

Que crois-tu diriger ?

N'oublie pas ...

Arrête de rêver et assume qui tu es !

Mes souvenirs ne partiront pas.

Maintenant ça suffit, regarde vers l'avenir ...

Tu dois vivre avec. C'est un cadeau.

Et rejoins-moi !

Et un cadeau ne se refuse pas !

Sanz et Teysa s'affrontaient à travers elle. Son être tout entier était lié à leurs âmes et leurs paroles se bousculaient tour à tour dans sa tête. Melaka posa ses mains sur ses oreilles et se recroquevilla. C'en était trop. Il fallait que cela cesse.