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| Matière Négative [SF ? Uchronie ?] | |
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Auteur | Message |
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gaba
Nombre de messages : 598 Age : 37 Date d'inscription : 28/11/2011
Personnages RP Pseudo: Abeline Lamesain Pseudo : Pseudo :
| Sujet: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Mar 29 Nov - 14:19 | |
| Ouverture
Rien ne sert d'avoir des oreilles dans l'espace. L'adage connu de tous les marins se vérifiait une fois de plus dans le système d'une naine blanche, les éruptions à la surface de l'étoile auraient fait saigner bien des tympans à des années-lumière de là si une atmosphère avait pu propager leurs vibrations. Mais l'étoile mourante avait vécu en silence, et c'est en silence qu'elle agonisait, sa lumière faiblissant de siècle en siècle. Une portion étroite du système solaire fut soudainement baignée d'une lumière bien plus intense que la pâle lueur de l'étoile. Un observateur pris dans ce mince faisceau lumineux aurait pu croire qu'une seconde étoile venait d'apparaître pour prendre la relève mais il n'en n'était rien : l'étoile gamma du lion se trouvait en réalité dans une toute autre portion de la galaxie, et si elle n'apparaissait être qu'a quelques centaines d'unités astronomiques, c'était parce que sa lumière filtrait à travers un tunnel de contraction, une déformation de l'espace-temps longue de quelques kilomètres vue de l'intérieur alors que l'extérieur reliait deux bras de la voie lactée. Une ombre apparut alors au centre du tunnel, occultant la majeure partie des rayons de l'étoile gamma du lion. Un losange noir qui enflait à mesure qu'il progressait dans le tunnel, jusqu'à déboucher dans l'espace conventionnel. La forme sombre mit quelques minutes à émerger totalement du tunnel qui se referma derrière elle tel le sphincter d'un monstre invisible interstellaire. L'obscurité reprit ses droits et engloutit le nouvel arrivant qui redevint invisible. En parcourant cinq kilomètres, le croiseur stellaire Unicorn avait franchi trois milles années-lumières.
Il fallut quelques minutes aux capteurs du vaisseau pour se recalibrer en fonction des champs de gravité de cette portion d'espace. C'était là l'instant de vulnérabilité propre aux sauts de contraction et la seule défense dans ce cas était la furtivité absolue. L'équipage du vaisseau avait pris les mesures nécessaire avant même de passer le tunnel, les systèmes de survie en périphérie avaient été coupés, les réacteurs étaient froids depuis plusieurs heures, seul l'élan précédemment acquis assurait le déplacement du Unicorn, les membres d'équipages étaient tous réunis dans le grand hall central du bâtiment, conçu pour contenir la chaleur des corps afin qu'ils ne trahissent pas leur présence aux infrarouges. Quand à la coque et aux plaques de blindage externes, elles étaient d'un noir si profond qu'aucune lumière les atteignant ne pouvait être réémise.
Connecté au vaisseau via ses interfaces silico-neuronales, le capitaine en ressentait chaque élément comme une extension de son corps. Lorsque les capteurs de masse furent enfin calibrés les données affluèrent directement dans ses lobes occipitaux et la circonvolution cérébrale propre aux capitaines qu'ils appelaient l'aire de la seconde vue. L'espace autour du vaisseau lui apparut alors clairement, chaque masse du système était visible, de l'astéroïde de quelques mètres à la géante gazeuse qui orbitait autour de la naine blanche. Constatant qu'il n'y avait aucune menace en vue, le capitaine autorisa alors le redéploiement de l'équipage et le Unicorn sortit de son sommeil. C'est ce moment que choisirent trois vaisseaux lourds pour émerger de leur repaire au sein d'une ceinture d'astéroïdes.
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| | | gaba
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| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Mar 29 Nov - 14:20 | |
| Acte I : Conscience Friedrichgrad, 1985Dong... Dong... Dong. La cloche qui sonnait était celle de six heures. C'était le signal du réveil pour les habitants de la cité, bien que certains d'entre-eux eurent souhaité ne pas l'entendre. Vladimir émergea de son sommeil comme une masse de minerai qu'on remontait du puits de mine à la manivelle : avec lenteur et transpiration. Il ne fallait pourtant pas qu'il traîne s'il voulait arriver à l'heure à son poste. Il s'extirpa de son lit, rabattant les draps en fibres synthétiques et se gratta par dessus l'épaule. Comme la plupart des russes, Vladimir n'avait jamais connu les fibres naturelles et était habitué aux irritations du nylon et à la sueur qui s'accumulait sous les draps. Il ne prit pas la peine d'ouvrir les volets de sa chambre, il savait déjà ce qu'il y verrait : la façade d'une tour identique à celle qu'il habitait, des nuages en haut, des nuages en bas et quelques véhicules de luxe qui sillonnaient le vide, loin au dessus des embouteillages du sol. Il n'avait pas de temps à perdre avec la vue de toutes façons, il n'avait jamais de temps à perdre. Comme chaque matin il engloutit son petit déjeuner en vitesse, un ersatz de bouillie d'avoine, préparé avec les céréales que fournissait l'agriculture locale. Ding... Ding... Ding. La tonalité indiquait sept heures. En réaction au son de la cloche, Vladimir pressa le pas. Il avait pris du retard en cherchant un ascenseur libre pour descendre les mille deux cent cinquante étages de son immeuble. Les cabines étaient bondées comme chaque matin, les résidents qui avaient réussi à se lever plus tôt que les autres étaient déjà en bas de la tour, les autres se massaient dans les couloirs et guettaient les portes des ascenseur, prêts à se précipiter sur la première qui s'ouvrirait. Il y avait souvent des altercations, mais elles étaient sans gravité, les esprits encore pris dans les torpeurs du sommeil ne s'échauffaient pas facilement. La situation était beaucoup plus tendue dans la rue, malgré des avenues larges de plus de cent mètres, les embouteillages étaient quotidiens, et avec eux la frustration de l'immobilité et le stress qu'apportait l'idée d'être en retard. Vladimir n'avait même pas essayé de sortir son véhicule, il allait bien plus vite à pied, même si l'encombrement des trottoirs n'avait rien à envier à celui des rues. Il fallait s'y attendre avec une densité de population de plus d'un million d'habitants par kilomètre carré. Il avait déjà passé le beffroi, ce qui signifiait qu'il ne lui restait plus que cinq cent mètres à parcourir avant d'arriver au cabinet. Il avait craint un moment qu'il ne le dépasserait jamais avant sept heures et avait préparé ses boules de cire en prévision. Le beffroi était l'une des plus hautes tours de la ville, culminant à cinq kilomètres. Des jeux de cloches de différentes tonalités étaient disposées tous les cent mètres, afin qu'a chaque altitude la ville puisse les entendre. Friedrichgrad était un cas particulier dans la nation russe. De toutes les villes de leur territoire interplanétaire, c'était la seule qui soit plus haute que large. Vingt kilomètres carrés de civilisation au centre d'un disque de cent kilomètres de diamètre de terres stérilisées, seul tampon maintenant à distance la flore extraterrestre pourvoyeuse d'oxygène, mais également de micro-organismes et de substances chimiques dont on avait pas cherché à connaître les effets sur l'homme. Vladimir monta rapidement les quatre milles mètres qui le séparaient de son poste. Le siège de commandement militaire était équipé d'ascenseurs bien plus performants que sa tour résidentielle, conséquence de cinquante ans d'économie de guerre. En réalité il y avait deux types d'ascenseurs dans la tour, les abaisseurs et les monteurs. Ce sens unique était imposé par le fonctionnement des ascenseurs, les abaisseurs se rapprochaient le plus d'un ascenseur classique, à ceci près que la descente se faisait en chute libre et n'était freinée qu'au dernier moment, rendant le parcours riche en sensations fortes, mais également rapide, et les militaires recherchaient plus précisément ce dernier point. Les monteurs fonctionnaient sur le même principe en sens inverse, leur masse négative étant repoussée par la force de gravité de la planète. Arrivé à la section surveillance radio, Vladimir fut arrêté par le garde en faction : « Papiers d'identité et passe de la section je vous prie » Comme chaque matin, Vladimir s'exécuta. Le rituel était toujours le même, et en six mois de présence il n'avait jamais obtenu du soldat une autre phrase que celle-ci. Même Annick était plus bavarde. Vladimir arriva enfin à son bureau, lança un "bonjour" à Annick et s'affala sur sa chaise sans attendre la réponse. « Signal TSF d'origine inconnue, vecteur cent soixante degrés et huit minutes galactiques, hausse moins cinq degrés. » Il sursauta et se tourna vers Annick, surpris par l'information. La femme était entravée dans son fauteuil et les électrodes sortants de son crâne étaient clairement visibles. Reliée ainsi aux milliers de tubes à vide du processeur assigné à la détection radio, Annick n'était plus qu'un instrument informatique, son cerveau reconditionné pour avoir la puissance de calcul équivalente à plusieurs milliards de tubes à vide. Vladimir se leva pour examiner la carte galactique accrochée au mur, plaça une baguette selon le vecteur indiqué par Annick. Puis il recula lentement, abasourdi par sa découverte. Se ressaisissant, il attrapa le téléphone et demanda le standard. « Ici la section surveillance radio, je voudrais parler au général Kiassov. » Un déclic retentit, signe que le standardiste l'avait branché à son correspondant. « Nous avons un problème mon général. »
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| | | gaba
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| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Mar 29 Nov - 14:22 | |
| À bord de l'USS Franklin Delano Roosevelt
« On en sait plus sur ce message ? » La voix était posée, de celles qui expriment une autorité sans devoir hausser le volume. Son propriétaire portait le plus bel uniforme de l'assemblée, une veste de soie artificielle teinte en bleu profond, dont les galons étaient tissées en lin véritable. Bien plus que les symboles qu'elle constituait, cette fibre naturelle désignait son porteur comme le capitaine du vaisseau. Les hommes qui l'entouraient devaient se contenter de nylon, mais au moins pouvaient-ils se réunir autour de la table de bois du carré des officiers, un des rares éléments d'origine naturelle du bâtiment (bien que seule la surface était du vrai bois d'arbre : l'intérieur étant constitué de fougères compressées). L'homme qui répondit au capitaine portait toutefois un képi au lieu du casque de protection usuel, privilège de son rang de second. « Les interférences étaient trop importantes pour permettre de le traduire, nous avons cependant quelques éléments intéressants. - Nous vous écoutons lieutenant Ford. - Et bien nos experts audio pensent avoir reconnu un mot, il s'agit du mot "attaque" en russe. Nous pensons qu'il ne s'agit pas d'un message codé. - Qu'est-ce qui vous fait penser cela ? - Mon capitaine, les russes n'utilisent jamais une seule sécurité. En plus du codage du message, ils cryptent leur signal TSF et n'émettent jamais vers une zone de la galaxie occupée par une autre nation à moins de cents années-lumière, ce qui correspond au délai de levée du secret défense chez eux, or la force du signal indique une distance entre deux et quinze années-lumière d'ici. - Vous ne pouvez pas être plus précis, lieutenant ? - Malheureusement le Frank est le seul à avoir capté le message, le Teddy était à proximité d'une planète lorsque le signal est passé, ils étaient probablement dans la zone d'ombre. - De sorte que nous ne pouvons pas trianguler. Le capitaine poussa un soupir. Très bien, reprenez lieutenant. - Comme je le disais, nous avons réussi à traduire le mot "attaque", le fait que le message ne soit pas protégé exclut qu'il parlait d'une attaque menée par ce vaisseau. Il est plus vraisemblable qu'il aie subi cette attaque. Le message est un appel au secours, ce qui explique l'absence de cryptage et sa diffusion non directionnelle. » Le silence s'abattit sur le carré des officiers. Le capitaine Johnson percevait que l'information faisait tourner les esprits de ses subordonnés comme elle mettait le sien à l'épreuve. Pour Johnson, le monde était simple : il y avait les Mondes-Unis, sa patrie, les territoires soviétiques et Deutchwelt. La plupart des autres nations étaient alignées sur une des trois puissances. Mais aujourd'hui, les événements ne collaient pas avec son modèle. « Lieutenant Ford, merci pour votre exposé. Nous devons à présent déterminer les implications de cet événement. Il est évident que ce bâtiment était russe, ce qui exclut que les soviétiques l'aient attaqué. Nous savons également que nous ne l'avons pas fait non plus, la présence américaine dans ce secteur datant de dix-huit mois seulement. La question est de savoir qui est-ce ? - Les allemands étaient dans le secteur avant que nous les en chassions, proposa un commandant. Ils pourraient être à l'origine de l'attaque. - Nos forcent mettent la pression sur la Weltraumwaffe depuis plusieurs années, ils ne peuvent pas se permettre d'ouvrir un second front en cassant le pacte germano-soviétique. - Un non-aligné peut-être ? - Aucun d'entre eux ne peut se le permettre, ils ne survivent que parce que les trois puissances le leur permettent. Messieurs nous devons nous rendre à l'évidence, nous avons un invité surprise. »
Le croiseur Theodore Roosevelt jaugeait plus de deux millions de tonneaux et mesurait mille deux cent mètres de la proue à la poupe. Les vaisseaux de classe Colorado sortaient des chantiers spatiaux de Denver World au rythme de cinq par mois. Les deux croiseurs Roosevelt, Franklin et Theodore, avaient été lancés le même jour et depuis ils sillonnaient la galaxie ensemble, reliant les Mondes Unis entre leurs patrouilles. La sortie d'un tunnel apparut à quelque kilomètres du croiseur, et l'instant d'après, Teddy était rejoint par Frank, à portée de TSF. L'antenne parabolique du nouvel arrivant s'orienta de façon à faire exactement face à sa sœur jumelle sur le Teddy, de sorte qu'aucune onde ne s'échapperait, garantissant une communication totalement sécurisée. « Ici le capitaine Johnson, vous me recevez ? - Ici le capitaine Diaz, nous vous recevons cinq sur cinq. Que me vaut l'honneur de votre visite ? - Nous avons du nouveau en ce qui concerne le signal. Nous voudrions votre opinion sur la question. » Johnson donna à son homologue tous les détails de l'affaire. Après un long moment de silence, Diaz répondit : « Nous devrions recommander à l'état-major de passer en Defcon un. - C'est peut-être disproportionné, nous ne connaissons pas la menace mais après tout c'est un vaisseau russe qui a été attaqué. - C'est bien là le problème, capitaine. Pour les soviétiques nous sommes le coupable idéal. »
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| | | gaba
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| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Mar 29 Nov - 14:23 | |
| Nürnberg, Deutchland, Deutchwelt
La capitale de Deutchwelt avait servi de modèle à toutes les villes modernes. S'étendant en largeur comme en hauteur, la cité abritait cinquante millions d'habitants, la plupart ayant un emploi en rapport avec la chancellerie, le Reichtag ou un des nombreux ministères du Reich. Le bus-navette transportant Otto Lüxembourg lui offrait un panorama plus étendu qu'aucun des sommets de la ville, mais seule sa surface était visible. Du point de vue d'Otto, la ville n'était constituée que des toits plats des perce-ciels dont l'altitude uniforme faisait penser à un échiquier géant, les nombreuses antennes TSF et les canons antiaériens faisant office de pièces. Les bâtiments gouvernementaux étaient reconnaissables aux croix gammées qui ornaient leurs toits plats. Ils étaient pour la plupart regroupés autour d'un puits, seul indice autorisant à apprécier l'altitude des tours. Au fond de ce gouffre, le stade était le seul bâtiment survivant de la vieille ville, en témoignage des premiers grands congrès du parti. Le véritable symbole n'était cependant pas le stade en lui-même mais ce qu'il contenait. En se penchant par dessus le bastingage du transport en commun, Otto put apercevoir le reflet argenté du Hindenburg II, le tout premier vaisseau jamais construit à partir de matière négative. Ses batteries d'artillerie avaient sonné le glas de la flotte américaine quarante-cinq ans plus tôt, lors de la bataille de l'atlantique. La supériorité technologique qu'il représentait avait permis aux nazis de conquérir le monde.
Deutchwelt avait bien changé depuis cette époque. Bien que n'ayant jamais remis en cause ses origines, le parti national-socialiste avait complètement abandonné son idéologie au bout de quelques années de règne sur la terre. Il n'était pas évident de parler de pangermanisme et de pureté de la race aryenne quand on gouvernait des centaines de peuples ayant à peine intégré le fait qu'ils étaient désormais allemands. De même l'extermination et la diaspora galactique des juifs n'avaient pas mis fin à la grande dépression et la nécessité de maintenir le pacte germano-soviétique avait freiné considérablement la répression spécifique envers les communistes. Le régime avait dû s'adapter à la pénurie de boucs émissaires, il était toujours totalitaire, mais reposait désormais uniquement sur la force armée pour se maintenir : les canonnières de la Luftwaffe étaient en mesure de purger par le feu tout noyau de contestation, n'importe où sur le territoire du Reich. Les dernières lois racistes avaient été abrogées où n'étaient plus appliquées et aujourd'hui, on voyait même parmi les plus hauts fonctionnaires des gens qui appartenaient à la famille d'une célèbre révolutionnaire sans que cela ne choque personne.
La navette coupa ses moteurs au dessus d'un bâtiment officiel, seul la poussée d'archimède la maintenait en vol. Une amarre fut jetée au sol et un garde la récupéra. Le véhicule fut bientôt treuillé jusqu'à se poser au sol. « Ministère de l'exploration, de la surveillance et de la défense spatiale. Deux minutes d'arrêt. » Aucun des passagers ne réagit à l'annonce du pilote. Seul Otto descendit la rampe d'accès et se retrouva sur le toit du perce-ciel. Le bus-navette fut relâché et s'éleva rapidement dans le ciel de Nürnberg.
Le ministre avait décidé que l'entrevue avec Lüxembourg était d'une priorité supérieure à toute affaire en cours. Par conséquent, le fonctionnaire n'attendait que depuis deux heures dans l'antichambre attenante à son bureau lorsque le majordome en ouvrit les portes. « Herr Otto Lüxembourg, haut fonctionnaire du Reich, affecté à la surveillance spatiale. » Ils n'étaient que deux dans la pièce, aussi Otto trouvait ce respect du protocole passablement ridicule. En entrant dans le bureau du ministre il se tourna vers le majordome, mais le visage de celui-ci restait impassible. Il se demanda s'il mettait aussi un tel point d'honneur à faire son travail avec sérieux lorsqu'il était seul. Les visiteurs du ministre arrivés à bout de leur patience s'en retournaient parfois avant d'avoir atteint le but de leur visite.
« Vos renseignements sont-ils formels ? - Nos espions infiltrés dans cette zone sont parmi les meilleurs, ils ne peuvent pas être retournés, herr ministre. - Mais il est possible qu'ils aient été découverts et laissés en place pour recevoir de fausses informations et nous les transmettre sans le savoir. - C'est un risque à courir, mais n'oublions pas que les données en questions viennent de deux sources différentes, fit remarquer Lüxembourg, les américains comme les russes ont reçu ce message sous forme fragmentaire, le débrouillage leur pose des problèmes. - Vos hommes ont-il réussi à enregistrer la transmission ? - Malheureusement seul l'espion infiltré coté américain a pu seulement l'entendre, et le signal était trop brouillé pour qu'il en comprenne le contenu. Les officiers ont juste parlé d'une attaque. - Mais on ne sait pas qui a attaqué qui, nous ne savons rien d'intéressant à propos de ce message. - Sauf votre respect, herr ministre, je pense que nous pouvons savoir ce qui s'est passé. Nous avons les deux vecteurs de réception obtenu par les deux cotés, de sorte que nous pouvons faire une triangulation et aller voir sur place de quoi il en retourne. S'il y a eu attaque, il y a probablement une épave. » Le ministre réfléchit un instant avant de répondre. « C'est plutôt risqué de se mêler des affaires des russes. Notre pacte pourrait être remis en cause. - La localisation est en dehors des territoires soviétiques. En fait, elle est en dehors de tout espace officiellement exploré à ce jour. Il ne saurait y avoir d'incident diplomatique. - Très bien, Herr Lüxembourg, le RRS Rommel est notre vaisseau le plus proche de la zone. Je vous y affecte en tant qu'officier civil de liaison et vous confie les opérations de recherche. Mais soyez prudent, vous serez en terra incognita. »
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| | | gaba
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| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Mar 29 Nov - 14:23 | |
| Condamné
« L'état de Lincoln World contre Joseph Flagg. » Le tribunal se fit silencieux à l'annonce du greffier. Jusqu'ici les affaires de la matinée étaient des faits divers : vol, meurtre, viol, des crimes comme il s'en produisait des centaines chaque jour sur Lincoln World. Le public n'était venu que pour Joe Flagg dont le procès promettait d'être spectaculaire. Aujourd'hui, la cour pénale de Lincoln City jugeait un communiste.
Joe fut amené par les huissiers dans le box des accusés, le juge appela le jury. Tout était prêt pour le spectacle. Le juge ouvrit la pièce, trois coups de marteau, comme au théâtre. « Accusé levez-vous. » Flagg s'exécuta. « Êtes-vous Joseph Allan Flagg ? - Oui - C'est "oui, votre honneur", petite ordure ! - Oui, votre honneur - Né à Springfield, Montana, Terre le douze octobre 1947 ? - Oui, votre honneur. - Vous travaillez aux ateliers General Spaceships, à Aberdale, Lincoln World ? - Oui, votre honneur. - Hum, très bien. Passons à l'acte d'accusation, monsieur le greffier ? » Le greffier se leva, déplia une feuille de papier et commença à la lire : « Joseph Allan Flagg, vous êtes accusé d'avoir protesté contre les baisses de salaire dans votre usine, d'avoir subverti plusieurs de vos collègues de travail et d'avoir participé à des réunions illégales. Vous êtes également accusé d'avoir rédigé des tracts communistes, d'avoir imprimé des tracts communistes et d'avoir distribué des tracts communistes. En outre vous êtes accusé d'avoir participé à des rassemblements nuisant à la sécurité des Mondes-Unis, d'avoir incité à participer à de tels rassemblements et d'avoir été à l'initiative de tels rassemblements. Enfin vous êtes accusé d'abandon de poste et d'incitation à l'abandon de poste dans une entreprise de fournitures militaires, par conséquent vous êtes également accusé de sabotage visant à paralyser l'effort de guerre américain et de trahison de la nation au profit d'une puissance étrangère. - C'est de la folie, je n'ai aucun lien avec une puissance étrangère ! Ni même avec un parti communiste ! - Silence, crevure ! » L'interrompit le juge, son marteau appuyant son ordre. Joe fut violemment repoussé par les huissiers sur le banc des accusé. Le juge reprit : « Accusé, au vu des faits qui vous sont reprochés vous êtes jugé comme terroriste par la cour. En conséquence de quoi vous n'avez pas le droit à être assisté par un avocat, le jury se compose de hauts fonctionnaires et de membres de la société civile reconnus pour leurs services rendus à la nation et les témoins que vous appellerez à la barre feront l'objet d'une enquête approfondie. Avez-vous compris vos droits ? - Oui, votre honneur. »
À partir de ce moment Joe n'espéra plus être sauvé. Le jury qu'on qualifiait de populaire n'était qu'un groupe de grands industriels et des fonctionnaires qui leur obéiraient en tout point, et on leur offrait un gréviste en pâture. Il n'avait plus que deux options et croisait les doigts pour que le jury choisisse la chambre à gaz. Le procès se déroula comme prévu. Acte après acte, scène après scène, la mascarade se poursuivit jusqu'à la conclusion, le tout enregistré par les caméras de la presse. On pourrait bientôt voir sa mise à mort dans tous les cinémas de Lincoln World.
Le verdict tomba enfin : isolation sensorielle et conditionnement par électrodes. Dans quelques jours, Joe serait devenu une machine.
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| | | gaba
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| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Mar 29 Nov - 14:24 | |
| Vaisseau fantôme
Le Reich RaumShiff Rommel était un cuirassé puissamment armé. Ses trois ponts d'artillerie de chaque coté pouvaient relever leur blindage protecteur et faire feu sur une cible distante de cinq cent kilomètres dix minute après son repérage, et il ne fallait que dix minutes supplémentaires pour que les obus atteignent leur cible à cette distance. Le poids du vaisseau le rendait cependant peu maniable, ce qui sur un bâtiment de classe inférieure aurait posé problème pour éviter les salves ennemies. Mais les plaques de blindages concentriques du Rommel, situées tous les mètres jusqu'à vingt mètres de sa coque étanche, constituaient une protection suffisamment efficace pour laisser au vaisseau le temps de répondre à toute une escadre si nécessaire. Otto espérait qu'ils n'en arriveraient pas là. C'était une mission de recherche et la principale qualité du cuirassé à ses yeux était le système de capteurs gravitationnels dernier cri dont il était équipé. Cinq cents globes répartis sur toute la longueur du vaisseau, contenant des billes composées de différentes proportions de matière classique et négative, envoyaient leurs données vers un superprocesseur composé de centaines de milliers de tubes à vide. Les données prétraitées était ensuite acheminés via des interfaces silico-neuronales aux cinq unités cognitives dévolues à cette fonction. Lüxembourg eu un frisson en pensant aux cerveaux branchés. Il n'arrivait pas à les déshumaniser comme l'équipage le faisait. Il avait beau penser qu'ils étaient des criminels condamnés à mort, ils restaient ses semblables. L'état-major de la Weltraumwaffe avait officialisé la désignation d'unité cognitive, afin de les utiliser avec moins d'état d'âme. Les marins les appelaient les hérissons, en référence aux multitudes d'électrodes qui saillaient de leur crânes rasés. Mais la meilleure façon de contrôler ce problème de conscience était encore de se dire qu'ils étaient indispensables. Vu les lents progrès de l'informatique, interpréter les données astronomiques et gravitationnelles était impossible autrement, et par conséquent la navigation interstellaire aussi.
« Herr Lüxembourg est demandé sur la passerelle. Herr Lüxembourg sur la passerelle. » La voix grésillante venait du haut-parleur incrusté au plafond de son bureau. Il y en avait un dans chacune des pièces de ses quartiers, aussi ne pouvait-il pas ignorer l'appel. Le protocole exigeait que lorsqu'un officier de liaison était présent à bord, il soit informé et consulté pour chaque manœuvre non prévue sur le plan de navigation. Le capitaine Bremer l'appliquait au pied de la lettre. Encore un nuage de gaz à éviter, pensa Otto, ce en quoi il se trompait.
La passerelle était un dôme de verre de vingt mètres de diamètre, recouvert partiellement de plaques de blindages amovibles, les autres plaques étant déployées en pétales de fleurs sur la coque. Une nappe de diodes rouges tapissait l'intérieur du dôme et se poursuivait sous les pieds de ses occupants pour former une sphère complète, recouvrant même l'écoutille que l'officier de liaison venait de franchir. Otto aperçu un disque de diodes allumées à bâbord, et en conclut qu'il devaient se trouver prêt d'une étoile. Le blindage recouvrait le dôme de ce coté pour protéger l'équipage. Pas d'autres diodes allumées, constata-t-il, donc pas d'étoile double,ni de planète, ni de ceintures d'astéroïdes. Ni d'autres vaisseaux dans les parages, on pouvait faire confiance aux capteurs gravitationnels du Rommel.
« Capitaine Bremer ? - Bonjour herr Lüxembourg, permission d'accéder à la passerelle accordée. » Otto ne prit pas la peine de lui faire remarquer qu'il avait déjà franchi l'écoutille. Bremer avait sans doute oublié jusqu'à l'existence de cette porte, cela faisait quinze ans qu'elle n'était pas apparue dans son champ de vision. Beaucoup de capitaines de vaisseaux de guerre utilisaient les interfaces silico-neuronales pour accéder directement aux données traitées par les hérissons et manœuvrer leur bâtiment, leur conférant une rapidité de réaction supérieure aux autres vaisseaux. En théorie ils ne subissaient ni de privations sensorielles ni de conditionnement, leur personnalité restait donc intacte. En pratique, pouvoir manœuvrer des réacteurs de plusieurs tonnes de poussée avec la même agilité qu'un pianiste bouge ses doigts était une sensation tellement grisante que beaucoup y devenaient accrocs. Le capitaine du Rommel avait fait le choix extrême de se faire ôter la boîte crânienne afin que son cortex puisse se développer et traiter toutes les informations venant du vaisseau. L'officier de liaison fit le tour du fauteuil du capitaine pour se présenter devant lui, et bien que cette vision le mettait mal à l'aise, il soutint le regard de Bremer, évitant de penser à la cuve entourée de tubes à vide qui surmontait son front. « Vous m'avez demandé, capitaine ? - Une de nos vigies a aperçu un reflet à bâbord, j'aimerais y aller voir de plus près. - Votre homme a sans doute mal vu, il n'y a aucune masse dans ce système qui expliquerait un tel reflet. - Ce qui est arrivé à ce vaisseau dont nous recherchons l'épave, quel qu'il soit, l'a forcément pris au dépourvu. Dans le cas contraire il aurait eu le temps d'ouvrir un tunnel de communications. - Vous pensez que ce qui l'a attaqué n'avait pas de masse ? - Pas de masse détectable en tout cas, et ça ressemble beaucoup à ce reflet. - En admettant que votre théorie soit vraie, comment compter vous retrouver ce reflet ? Nous n'avons qu'une direction de référence, ce point peut être à mille mètres comme à mille kilomètres. Et nous ne pouvons rien savoir de sa trajectoire et de sa vitesse. - Herr Lüxembourg... » S'impatienta le capitaine, mais Otto poursuivit. « Vous rendez vous compte que sans masse, cet objet n'a aucune inertie ? Que le vent solaire l'a peut-être envoyé à des années-lumières de là où nous sommes ? - Herr Otto Lüxembourg, vous exercer votre métier de haut fonctionnaire avec sérieux en zèle, mais le pilotage d'un vaisseau et la détermination d'une trajectoire font partie de mes prérogatives. - Très bien herr Bremer, je vous fais confiance. »
L'objet n'était pas tout à fait sans masse, et avec l'usage de fusées éclairantes permettant d'avoir de nouveaux reflets, le Rommel avait pu s'en rapprocher petit à petit, jusqu'à détecter une centaine de kilogrammes. Le croiseur ne portait aucun marquage qui aurait pu identifier la nation qui l'avait armé, sa coque ne correspondait à aucune classe connue. Ces données recoupées avec sa masse incroyablement faible indiquait qu'il avait été conçu pour une mission secrète. Ce dernier point soulevait bien des questions dans l'esprit d'Otto. Qui avait bien pu mettre autant d'argent dans la conception d'un tel vaisseau ? Et dans quel but ? Quelle était cette mission si secrète qu'elle impliquait de passer absolument inaperçu ? Il y avait bien quelques méthodes de furtivité pour un vaisseau de guerre : couper ses réacteurs, orienter ses plaques de blindages de façon à ce qu'elles ne reflètent pas le soleil vers l'ennemi, prendre une orbite spécifique pour se faire passer pour un astéroïde. Les capteurs gravitationnels n'avaient une résolution que de quelques centaines de kilomètres, ce qui permettait d'échapper aux tirs en appliquant ces méthodes. Mais dans le cas présent, le Rommel avait à faire à un fantôme. Sans le reflet initial que la vigie avait aperçu, ils auraient pu passer à moins de dix kilomètres du croiseur sans le remarquer.
Dernière édition par gaba le Mar 26 Fév - 1:51, édité 2 fois | |
| | | gaba
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| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Mar 29 Nov - 14:25 | |
| Embarquement
Ding... Ding... Ding. Le son des cloches semblait lointain à Vladimir, le vent qui soufflait à cette altitude l'étouffait. L'existence des courants aériens était peu connue à Friedrichgrad, et la notion même de vent auraient étonné plus d'un habitant. Pourtant tous ses habitants en subissaient indirectement les effets. Vladimir s'efforça de ne pas penser au perce-ciel qui oscillait sous ses pieds. Le vertige lui suffisait amplement, inutile d'ajouter aux quatre milles mètres de hauteur les deux cents mètres de mouvement latéral, même si l'oscillation était si lente qu'elle en était imperceptible. Voulant exploiter au maximum le potentiel de la matière négative, les architectes qui avaient conçu la cité imaginaient une véritable infrastructure tridimensionnelle constituées de passerelles et de routes aériennes entre les tours, dont le but était de relier le plus facilement possible chaque point de Friedrichgrad. Mais la légèreté des perce-ciels était une arme à double tranchant, la construction des passerelles fut malmenée par les vibrations, plusieurs d'entre-elles s'écroulèrent et les techniques de construction durent être adaptées. Après quelques années et une explosion du budget, le programme fut abandonné, laissant la ville avec ses embouteillages permanents au niveau du sol et dans les ascenseurs.
Ils étaient cinq avec Vladimir à attendre sur le toit du siège de commandement militaire, bien que trios d'entre eux en auraient comptés quatre. le général Kiassov, un spécialiste des écoutes radio connu sous le surnom de Fine Oreille, une jeune commissaire qu'il n'avait jamais rencontré auparavant et Annick qu'on avait débranché et mise sous sédation. Les deux officiers ne semblaient pas ressentir la fraîcheur glaciale du vent, même leurs uniformes étaient immobiles. Pourtant Vladimir et Fine Oreille ne cessaient de trembler et essayaient de se couvrir au maximum avec leurs manteaux. Tous deux avaient essayé d'engager la conversation, mais si le technicien radio semblait comprendre les paroles de Vladimir, l'inverse s'était révélé impossible. De toutes façons, la faible pression atmosphérique à cette altitude rendait la respiration suffisamment difficile pour ne pas s'essouffler à sortir plus de cinq mots à la suite.
Fine Oreille leva soudain la tête et Vladimir suivit son regard. Bien qu'il l'attendait la présence de la navette le surpris. Elle était descendue verticalement pour s'imposer à son champ de vision, et ce n'est qu'a ce moment-là qu'il perçu le bruit des hélices de stabilisation.
Ce ne fut qu'une fois à l'intérieur qu'ils purent s'entendre à nouveau, le général Kiassov avait visiblement attendu ce moment car il s'éclaircit la gorge avant de parler : « Camarades, je vous présente la camarade commissaire Anita. Commissaire, voici les camarades technicien Dimitri et caporal Vladimir. - Anita comment ? » Demanda Fine Oreille. « Anita, répondit cette dernière, juste Anita » Ainsi la commissaire n'avait pas de nom de famille, comme la plupart des russes de la génération d'après l'exode. Le Komintern de l'époque avait jugé inutile d'embarquer les registres d'état civil, prétextant que c'était là une occasion de se débarrasser de l'idée bourgeoise de la filiation. La vérité est qu'il n'y avait plus de place dans les vaisseaux, seuls les registres des fonctionnaires les plus importants avaient pu être embarqués, et parmi-eux, les plus importants des plus importants avaient vu à la fois leur nom de famille et leur patronyme sauvegardés. Kiassov précisa : « Le commissaire est issu du rang, c'est sa grande intelligence qui l'a mené à ce poste, et nous aurons besoin de cette qualité pour notre mission. » Les présentations s'arrêtèrent là, Annick en avait été exclue. Pour le général, ça aurait été aussi absurde que de dire "Et voici la machine à écrire".
Vladimir suivit de loin le briefing de Kiassov, parlant d'un vaisseau perdu qu'il leur faudrait retrouver. Le fait qu'il ne leur avait pas donné ses informations au sol en disait long sur la nature délicate de cette mission. Qu'elle fut classé top secret ou tout simplement politiquement embarrassante, Vladimir savait qu'elle était liée au message qu'avait reçu Annick, depuis cette région de la galaxie d'où il n'aurait pas dû être émis. Il avait également conscience que ses compétences ou celles d'Annick ne seraient pas d'une grande utilité. Ils n'étaient présents que parce que Kiassov voulait garder tous les témoins sous contrôle.
Une secousse ébranla la navette et ils virent par les hublots les flammes de ses moteurs Von Braun. L'air de la stratosphère était désormais trop ténu pour la poussée d'archimède et les hélices s'étaient repliés. Le ciel s'assombrit rapidement, et les étoiles apparurent, d'abord quelques dizaines, puis de plus en plus nombreuses, envahissant le ciel sauf en deux endroits, vers le soleil qui noyait leur éclat, et vers une zone sombre qui les interrompait, délimitant avec précision la forme d'un vaisseau.
En se rapprochant, ils distinguèrent des structures sur le bâtiment grâce à quelques reflets du soleil. Comme la plupart des vaisseaux russes, il ressemblait plus ou moins à une barre carrée, exception faite de la proue pointue et de la passerelle qui dépassait au dessus du bloc propulseur à l'arrière. Mais au lieu d'avoir des caronades sur ses arêtes latérales, il était équipé de canon verticaux de gros calibres dont les fûts dépassaient de l'arête supérieure, tels les cheminées des anciens paquebots à vapeur qui sillonnaient l'atlantique. Vladimir pensa qu'une telle configuration classait ce vaisseau dans la catégorie combat spatial uniquement, il n'aurait eu aucune chance en atmosphère, sa quille constamment ramenée vers le sol l'aurait lourdement handicapé. Mais une fois sorti de la stratosphère, ses moteurs d'étrave et de roulis lui assurait la mobilité nécessaire pour pointer la totalité de ses armes vers sa cible, là où les autres vaisseaux ne pouvaient donner que la moitié de leur puissance de feu.
Le général avait terminé son exposé. Il regarda le vaisseau par un hublot, invitant les autres passagers à faire de même, ce qui était inutile pour Vladimir, et déclara : « Camarades, voici l'Octobre Rouge. »
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| | | gaba
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| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Mar 29 Nov - 14:27 | |
| Journal de bord du X2
"15 janvier 1981. Conformément aux instructions du plan de vol, le X2 s'est fixé à l'astéroïde désigné sous le matricule de 456-YE-6, une communication TSF par faisceau dirigé a confirmé la position des X1 et X3, arrimés à leurs astéroïdes respectifs. Nous décachetons l'enveloppe des ordres.
16 janvier 1981. Suivant les ordres, nous avons largué la totalité des contrepoids, ramenant la masse du X2 à une demi-tonne. Le navigateur estime la consommation maximale de carburant et de munitions à trois cent cinquante kilogrammes avant le seuil de dangerosité. Au delà le vent solaire nous ferait dériver hors de la zone de récupération.
20 janvier 1981. La cible est arrivée sur place à 0952, notre escadre s'est désarrimée à 0957 et nous avons tiré une unique salve d'obus à 1002. L'impact sur cible a été confirmé à 1017, détruisant sur le coup leur système de communication tunnel. Le départ d'une salve ennemie a été enregistré à 1022 en direction du X2, nous engageons la manœuvre d'évitement à 1024. Le X1 et le X3 tirent une seconde salve à 1027, l'impact a lieu à 1031 et détruit la cible. Le X2 évite la salve ennemie à 1035. Fin de l'opération. Bilan : aucune perte humaine, aucun dégât matériel, cinquante obus perforants de deux kilogrammes tirés et cent quatre-vingt dix-huit kilogrammes de carburant consommés. Nous sommes à cinquante deux kilos de la limite d'inertie, nous attendons l'escadre de récupération.
25 janvier 1981. Nous avons deux jours de retard sur le délai maximal de récupération, les hommes commencent à s'inquiéter, nous sommes sortis de la zone de récupération et l'escadre aura beaucoup de mal à nous retrouver.
1 février 1981. Il n'y a aucun espoir d'être secouru si nous restons ici. Les X1 et X3 sont malheureusement trop légers pour tenter une contraction, ils se perdraient à coup sûr. Seul le X2 a une chance d'arriver à portée de TSF d'un de nos systèmes, nous enregistrons les vecteurs de dérive des deux autres vaisseaux et nous ouvrons le tunnel à 2345.
2 février 1981. Notre tentative a échoué, nous sommes perdus. Nous tentons d'ouvrir un tunnel de communications malgré les ordres de silence radio, mais l'unité cognitive n'arrive pas à pointer le faisceau vers un de nos mondes. Après examen, le médecin de bord constate une température corporelle supérieure à la normale de quatre degrés Celsius.
3 février 1981. Le système de communication à été relié à une autre unité cognitive, mais la fièvre l'a atteinte elle aussi avant d'avoir pu envoyer un message. Le sulfate de quinine ne fait aucun effet sur les deux unités, et la troisième tombe malade également, ce qui coupe définitivement toutes nos communications ainsi que toute possibilité de mouvement.
5 février 1981. Les trois hérissons sont morts à deux heures d'intervalle les uns des autres, l'autopsie révèle une infection cérébrale. Le protocole de sécurité exige d'évacuer les corps dans le vide, mais nous ne pouvons pas nous permettre de perdre plus de masse. La gestion des déchets commence d'ailleurs à poser problème.
6 février 1981. Un assistant du médecin est devenu sensible à la lumière, il est isolé dans une cabine sombre en espérant que le mal ne se répande pas. Mais quelques heures plus tard quinze membres d'équipage sont atteints de photophobie à leur tour.
7 février 1981. La moitié de l'équipage a contracté la méningite, l'assistant est mort dans la nuit, à défaut de pouvoir éjecter son corps, nous l'avons placé en chambre froide avec ceux des hérissons. Les stocks de quinine s'épuisent rapidement, sans pour autant être efficaces.
8 février 1981. Ceci est mon dernier rapport, je ne pourrais plus remplir le journal demain. Les pages blanches m'éblouissent déjà et j'arrive à peine à me relire. Le nombre de morts s'élève à deux cent vingt au bilan de la mi-journée, la puanteur des corps qu'on ne peut ni réfrigérer ni éjecter emplit l'atmosphère du vaisseau. Mes yeux ne peuvent plus s'ouvrir que par intermittence, j'arrête là mon rapport."
Le regard d'Otto Lüxembourg quitta la dernière page du journal pour se pointer au plafond de son bureau. Il resta là quelques minutes à contempler le ventilateur, hypnotisé par le mouvement lent des pales cuivrées. L'examen de l'épave retrouvée par le Rommel soulevait plus de question qu'il n'avait apporté de réponses. Sa formation d'enquêteur de la Kommandantur n'était d'aucune utilité à l'officier de liaison, il n'avait pas de mobile à examiner, pas de témoins à interroger, et aucun indice sur la nature de la mission du X2, ni sur la nationalité des squelettes retrouvées à bord. Le journal de bord avait même été rédigé en wolof, un dialecte de l'Afrique de l'ouest, dont aucun des pays n'avait jamais possédé le moindre vaisseau à matière négative. Dans cette affaire, absolument rien n'avait été laissé au hasard, Otto en était convaincu. Les ordres donnés uniquement après le point de non-retour, l'escadre de récupération qui n'arrivent pas, la masse des bâtiments trop faible pour permettre une contraction précise, et également la méningite des unités cognitives, dont Otto doutait qu'elle soit liée au hasard. Seul grain de sable dans l'ensemble des rouages si bien huilés qu'ils auraient pu tourner dans le silence le plus total, la seconde salve non tirée du X2, lui laissant assez de masse pour échapper provisoirement à son destin.
Lüxembourg faisait l'équivalent des cent pas dans ses quartiers, la très faible pesanteur artificielle ainsi que les semelles magnétiques l'empêchant de marcher trop rapidement. Il avait déjà fait plusieurs erreurs au début du voyage, n'ayant pas l'habitude du vol spatial. Des pas trop appuyés qui l'avaient fait rebondir et flotter en l'air sans aucun appui à porter, retombant pendant ce qui lui avait semblé une éternité vers le sol magnétisé. Ses appartements à bord étaient spacieux, non seulement en égard à son grade, mais également pour la raison que le Rommel en lui même était volumineux : la matière négative permettait ce confort autant que l'absence de frottements dans le vide intersidéral. L'officier de liaison doutait que les quartiers de l'équipage soient aussi volumineux mais ils permettaient un certain confort indispensable pour supporter les longues semaines de mission. Ses ordres étaient clairs, il devait assister le capitaine Bremer dans cette enquête. Mais l'instinct de survie comptait aussi, et s'il lui transmettait ces informations, Bremer les communiquerait immédiatement à Deutchwelt, et vu la distance, le message passerait à proximité d'une quantité d'espions non négligeable, allemands comme étrangers. Et si quelqu'un avait décidé que la destruction d'un vaisseau russe devait rester secrète, alors il n'était pas bon de se signaler comme témoin. Ayant pris sa décision, l'officier de liaison décrocha le téléphone de son bureau et demanda la passerelle. « Ici Lüxembourg, je voudrais parler au capitaine. » Un déclic retentit, suivit de la voix de Bremer : « Je vous écoute Otto. - Le journal est intraduisible, la langue m'est inconnue. - Alors nous continuons les recherches. »
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| | | gaba
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| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Mar 29 Nov - 14:28 | |
| Premier sang
L'USS Theodore Roosevelt évoluait à distance relativement courte de son vaisseau frère, quelques centaines de kilomètres tout au plus. Ses capteurs gravitationnels combinés avec ceux du Franklin exploraient le troisième système rencontré sur la trajectoire du message capté. Celle-ci n'était pas tout à fait rectiligne, les ondes TSF ayant été déviées par les masses stellaires sur son parcours. Pour la calculer, il avait fallu solliciter les unités cognitives spécialisées en navigation avec une telle intensité qu'un temps de repos de trois jours avait été nécessaire avant d'effectuer la contraction suivante. C'était cependant d'autres hérissons qui travaillaient à la recherche d'une signature de masse intéressante, des cerveaux conditionnés différemment, dévolus à cette fonction qui était d'interpréter les changements de champ électrique provoqués par les mouvements de billes des capteurs gravitationnels. La tâche était ardue dans ce système rempli d'astéroïdes, de comètes et de corps célestes en tout genre. Son étoile était jeune et le disque d'accrétion qui donnerait plus tard des planètes formait un écran difficilement pénétrable aux capteurs. Les capitaines Johnson et Diaz avait donc décidé d'utiliser la méthode de détection couplée par élimination, les deux vaisseaux s'échangeant les données brutes des capteurs par un faisceau TSF et ne prêtant attention qu'aux signaux concordants. Ne restait plus qu'aux observateurs l'examen fastidieux de chaque astéroïde, dans l'espoir de trouver un corps artificiel parmi eux.
Le sergent Thomas Flanigan était affecté à la troisième capsule d'observation bâbord du Teddy. Sa lunette dirigée vers le hublot hémisphérique, il attendait les nouvelles coordonnées à vérifier. Le haut-parleur de son système de communication cracha quelques mots venant de la passerelle : « Dix-huit degrés bas de roulis, trente-sept degrés arrière de lacet. - Confirmé. » Le sergent manœuvra les molettes de son instrument pour le pointer vers les coordonnées indiquées et appliqua son œil sur l'oculaire. Le champ de vision était vide mais Thomas s'y attendait, les données gravitationnelles n'étaient jamais très précises. Il fit décrire un mouvement de spirale à la lunette jusqu'à trouver une tâche grise, à quelques minutes d'arc des coordonnées indiquées. Une mise au point confirma la nature de l'objet et le sergent saisit son microphone : « Objet dix-huit BR trente-sept ArL en visuel, c'est un astéroïde. - Très bien sergent, attendez les prochaines coordonnées. » À bord d'un vaisseau, le poste de vigie était le plus dangereux car, par nécessité, les hommes qui l'occupaient n'étaient pas protégés par les couches multiples de blindage. C'était cependant la meilleur façon de voir dans l'espace, les rares tubes cathodiques qui équipaient les bâtiments américains ne permettaient de distinguer les astéroïdes des objets artificiels qu'a faible distance. Flanigan savait que, tant qu'il était dans cette capsule d'observation, sa survie dépendait de sa rapidité à signaler un contact hostile, aussi était-il à l'affût du moindre mouvement. Sans cette attitude alerte, il n'aurait pas remarqué la lueur fugitive qui apparut au coin de son œil. « Poste bâbord-trois à passerelle, j'ai un contact visuel. - Quelles coordonnées ? - Je n'ai pas de chiffres précis, j'étais à l'œil nu. Vers le quadrant bâbord avant haut, la trajectoire semblait être incompatible avec une orbite solaire. - Ça nous suffit, nous allons concentrer nos efforts d'analyse sur le secteur indiqué. »
Quelques minutes plus tard, Flanigan reçu une nouvelle communication de la passerelle, elle ne lui était cependant pas adressée spécifiquement : « À tous les observateurs, protocole d'engagement activé, retirez-vous à l'intérieur. » Soulagé de se mettre enfin en sécurité, le sergent tira une manette et la capsule d'observation tirée par son bras télescopique rejoignit la coque du Theodore Roosevelt, traversant les dix mètres de plaques de blindage qui se refermaient les unes après les autres derrière elle.
Les trois unités cognitives affectées à la détection gravitationnelle étaient concentrées sur l'objet artificiel qui avait précédemment été identifié comme un cuirassé soviétique. Les russes étaient visiblement au courant de leur présence car il n'avaient plus émis de lumière ou d'infrarouges depuis la manœuvre de réacteurs détectée par Flanigan. Le cuirassé n'était désormais plus directement visible, et Thomas, qui avait rejoint la passerelle, surveillait désormais un écran cathodique neigeux, relié à une caméra "périscope" braquée sur la signature de masse de l'ennemi. Sur cet écran, il ne pourrait voir que les manœuvres de réacteurs et les tirs du vaisseau soviétique. Or les russes n'étaient pas disposés à se montrer. Dans son esprit, le capitaine Diaz appelait ce type de situation de la diplomatie silencieuse. Il avait le choix entre ouvrir le dialogue par TSF et ouvrir le feu, les deux solutions impliquant de se faire localiser avec précision. En temps normal, Diaz était plus favorable au dialogue, notamment lorsqu'il se trouvait en territoire neutre comme c'était le cas ici. Mais d'autres éléments devaient être pris en compte, Le Franklin Roosevelt n'était qu'a quelques centaines de kilomètres de là et il était impossible de savoir lequel des deux avait été repéré, il valait donc mieux conserver un hypothétique anonymat dans le disque protoplanétaire. La seconde raison était ce fichu message TSF que les russes avaient sûrement captés de leur coté. Il n'y avait pas d'autre explication à leur présence dans ce secteur.
Quelques minutes passèrent sans que rien ne bouge, elles paraissaient être des heures tant la tension était élevée. Diaz et Johnson avaient conversé par faisceau TSF étroit pour établir une stratégie, elle consistait essentiellement à attendre la réaction du cuirassé. Tirez les premiers messieurs les rouges, pensa Diaz, tirez trois salves et vous n'aurez pas le temps d'en tirer une quatrième. Pour la dixième fois il regarda les diodes de son tableau de bord pour s'assurer que le Teddy ne montrait pas autre chose que sa masse à l'ennemi. Les moteurs étaient coupés, tous les hublots avaient été occultés et les plaques de blindage étaient orientés de telle façon qu'aucun reflet du soleil ne les trahiraient. Le silence fut rompu par le sergent Flanigan : « Éclair de tir détecté, mon capitaine, j'ai des coordonnées précises. - Entrez-les dans la mémoire des unités cognitives, répondit Diaz avant de s'adresser à l'ensemble du vaisseau via son microphone, tirs en arrivée, préparez vous à l'impact ! » Basées sur une estimation approximative de la position du Teddy, les trajectoires des tirs ennemis étaient dispersées sur une large zone. Les obus filèrent autour de leur cible en ne la touchant que deux fois, mais les plaques de blindage encaissèrent le choc sans mal. Mais désormais les deux corolles de feu qui se dissipaient progressivement marquaient la position du croiseur américain. Elles ne restèrent pas visible suffisamment longtemps pour déterminer sa trajectoire mais la prochaine salve serait plus précise. Quinze minutes supplémentaires passèrent, Diaz ne pensait pas qu'il fallait autant de temps au cuirassé pour recharger ses canons, mais c'était une tactique souvent employée par les capitaines de ne pas montrer tous ses atouts dans la première manche. La seconde salve partit et le sergent nota les nouvelles coordonnées du cuirassé. « Encore une, marmonna Diaz, encore une et nous aurons ta trajectoire. » La seconde salve atteignit le Teddy et y infligea bien plus de dégâts que la précédente. De nombreuses plaques de blindage furent arrachées et quelques tirs parvinrent à entamer la coque, dépressurisant les sections qui se trouvaient en dessous. La plupart étaient heureusement inoccupées et seule une dizaine de morts fut à déplorer. Le capitaine Diaz éleva la voix pour couvrir les vibrations résiduelles : « À tous les postes d'artillerie bâbord, préparez vous à faire feu dès que nous aurons confirmation de la trajectoire ennemie. » Aucune salve n'avait été tirée en direction du Frank, nota-t-il pour lui-même, quand les deux croiseurs tireraient leurs salve précises, la surprise serait totale pour les russes. Mais la troisième salve ne fut jamais tirée, le capitaine russe avait été prudent. Le cuirassé s'éloigna lentement jusqu'à être hors de portée de tir et quelques minutes plus tard, sa signature gravitationnelle disparut, impossible à suivre dans le disque protoplanétaire. « Rapport d'avaries. » Demanda le capitaine. « La pièce d'artillerie numéro huit bâbord est détruite, trois cabines de couchettes dépressurisées. - Rien de grave, nous sommes toujours fonctionnels. - Il y a une autre perte à déplorer mon capitaine, intervint Thomas Flanigan, un des hérissons chargés de la navigation a un électroencéphalogramme plat. - Que lui est-il arrivé ? - Une dépressurisation momentanée avant que les cloisons étanches ne se ferment, mon général. - Il faudra donc le remplacer. »
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| | | gaba
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Personnages RP Pseudo: Abeline Lamesain Pseudo : Pseudo :
| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Mar 29 Nov - 14:29 | |
| Répercussions
On pouvait recenser douze villes du nom de Stalingrad dans les territoires soviétiques, sans compter les nombreuses variations sur le thème du petit père des peuples. Mais quand on ne précisait pas la planète, c'était toujours de la capitale qu'on parlait, la première ville extraterrestre à avoir été fondée après l'exode, sur le monde Oural. Et c'est dans le palais du Nouveau Kremlin que les dirigeants des territoires soviétiques se réunissaient pour gouverner l'empire. Peu de gens connaissaient leurs véritables noms, ils étaient désignés par l'expression "soviet suprême" lorsqu'on parlait de l'ensemble du groupe, ou par la nation qu'ils gouvernaient à titre individuel. Il étaient au nombre de cinq, venant des cinq pays communistes dont les populations avaient pu être évacuées lors de l'exode : Russie, Ukraine, Chine, Bielorussie et Kazakhstan.
Dans le véhicule à poussée d'archimède qui l'amenait au Nouveau Kremlin, Ukraine s'entretenait avec son ministre de l'armée. Russie avait convoqué une session urgente du soviet suprême, la tension avec les américains était montée d'un cran. Cette fois il ne s'agissait plus de conflits par protectorats interposés, il y avait eu accrochage entre un vaisseau russe, le Vladivostok, et un ou deux vaisseaux américains. « Je vous avouerais que toute cette histoire me laisse perplexe, camarade ministre. Russie voudrait-il nous entraîner dans un conflit ouvert ? - Ils n'en ont pas les forces, monsieur. L'ensemble des nations soviétiques n'est actuellement pas en position favorable face aux Mondes-Unis, du moins sur le plan militaire. - J'ai pourtant l'impression qu'ils nous mettent devant le fait accompli : Russie veut la guerre alors il s'arrange pour qu'il y aie un accrochage entre l'un de ses vaisseaux et les américains. - Si ça avait été le cas il aurait fallu qu'il sacrifie le Vladivostok, hors il n'a tiré que deux salves et il n'y a pas eu de riposte. C'est trop peu pour constituer un casus belli, de notre coté tout du moins. - Dans ce cas pourquoi provoquer les américains, sachant que les autres nations soviétiques risquent de ne pas s'aligner sur eux ? L'influence de Russie est grande mais elle a ses limites, s'il veut déclencher une guerre ouverte il fallait convoquer cette session avant de s'engager. - En fait je crois bien que les russes eux-aussi ont été mis devant le fait accompli. - Qu'entendez vous par là ? - Le Vladivostok pourrait avoir agit de sa propre initiative. En fait c'est la seule explication qui me vienne à l'esprit. - Vous délirez camarade ministre, aucun de nos bâtiments ne pourrait désobéir ainsi aux règles d'engagement, surtout en espace international. - Pourtant les russes ont reçu un message de détresse d'un de leurs vaisseaux, provenant d'un vecteur qui n'est pas sensé avoir été parcouru par aucun soviétique. - Ce n'est pas tout à fait la même chose, dans ce cas je soupçonne une opération secrète dont Russie a omis de nous parler. - C'est quelque chose qu'il n'admettra jamais, nous avons tous nos petits secrets. » Le ministre eut un sourire malicieux avant de poursuivre : « Mais cette affaire pèse sur les russes, ils ont perdu un bâtiment et les soupçons pèsent fortement du coté des Mondes-Unis. Dans ces conditions, on peut imaginer que le capitaine du Vladivostok aie la gâchette facile. - Mais ils n'ont aucune certitude quand à ce sujet, les nazis ne sont peut-être pas hors de cause. - J'en doute fortement, le pacte de non-agression leur est trop profitable : ils nous fournissent encore une bonne part de nos unités cognitives, même si nos capacités de productions se sont développées depuis l'exode. Ils n'ont pas intérêt à perdre un tel marché. Tant qu'ils nous considèrent comme dépendant d'eux, nous n'en avons rien à craindre. » Ukraine ne répondit pas. L'évocation de ce sujet lui rappelait l'époque douloureuse de son enfance où les républiques soviétiques étaient réellement dépendants des allemands, au point de devoir leur vendre la totalité de leurs territoires terrestres, en échange de vaisseaux de transport dont ils ne connaissaient pas la technologie, de quoi évacuer dix pour cent de la population soviétique, en plusieurs allers et retours. C'est lors de l'exode que le mythe de l'égalité a pris fin de façon brutale pour la majorité de la population. Ukraine avait eu de la chance, ses parents étaient haut placés dans la bureaucratie stalinienne, mais il avait vécu son lot de déchirements, d'amis qu'il avait laissé sur place. Certains l'avait rejeté en apprenant qu'il avait été sélectionné et pas eux, d'autres lui avait souhaité bonne chance, mais sa tristesse s'était mêlée de culpabilité et il éprouvait encore ces deux sentiments quatre décennies plus tard. La seule consolation qu'il trouvait était celle de la nécessité impérieuse : L'URSS et la Chine n'étaient pas de taille à lutter contre les vaisseaux allemands, et nul doute qu'il ne resterait plus un seul pays communiste ni sur terre ni ailleurs sans l'exode.
Pendant qu'Ukraine était perdu dans ses pensées, le véhicule arriva au Nouveau Kremlin et s'engouffra dans un hangar perché en haut d'une de ses tours.
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| | | gaba
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Personnages RP Pseudo: Abeline Lamesain Pseudo : Pseudo :
| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Jeu 1 Déc - 20:52 | |
| Cogito ergo sum
L'esprit n'existait pas, aucun environnement ne l'entourait, aucun stimulus n'arrivait jusqu'à lui, et il n'avait pas conscience de cette absence, puisque il n'existait pas. Puis une étincelle surgit, une donnée astronomique, suivie de plusieurs autres. Ce feu d'artifice soudain se répandit sous forme d'ondes de dépolarisation, se divisant et se réunissant pour former un réseau complexe. Des molécules furent déversées dans des synapses, des récepteurs les accueillirent et peu à peu, l'esprit exista à nouveau.
« Calcul en cours, dit une voix blasée, temps de cognition estimé : trois heures. - C'est plutôt rapide. - A-B 386165 est notre meilleure unité du bord : c'est elle qui permet au Rommel de faire des contractions aussi précises. Nous ne dévions en moyenne que de zéro point zéro trois unités astronomiques par année-lumière parcourue. - Je dois vous avouer que je ne suis pas très familiarisé avec le langage des navigants... - Oh pardonnez-moi, herr Lüxembourg, j'oubliais que vous n'étiez pas de la Weltraumwaffe. - Ne soyez pas confus, technicien, je connais la notion d'année-lumière, mais expliquez moi donc ce qu'est une unité astronomique. - Il s'agit par définition de la distance entre Deutchwelt et le soleil. La plupart des vaisseaux ont en moyenne une déviation de zéro point zéro sept unités astronomiques par année-lumière lors d'une contraction, ce qui nécessite de faire des contractions d'ajustement. Le Rommel, quant à lui, peut émerger directement à une position stratégique, ce qui en fait le vaisseau idéal pour une mission de renfort en cas d'affrontement. - Vous connaissez bien le bâtiment, technicien. - Je sers sur le Rommel depuis son lancement du chantier spatial de Hanovre." répondit fièrement le marin. Otto eu un sourire, puis demanda : "Sauriez-vous modifier le codage d'une communication TSF ? - Avec cette unité cognitive, je devrais pouvoir le faire, mais il faut attendre qu'elle aie fini son calcul actuel. »
Les angles et les distances s'assemblaient, les étoiles se mettaient en position dans l'esprit. Le processus était automatique, l'esprit allait chercher les bonnes données dans les bons tubes à vides, les bonnes portions de la cartographie stellaire sur les bonnes plaques perforées sans même avoir conscience de l'importance de ses opérations, tout simplement parce qu'il ne pouvait faire que ça, parce que toute autre fonction cérébrale avait été inutilisée depuis quarante ans, et que les circonvolutions correspondantes s'étaient atrophiées. Le nombre de neurones actifs diminua peu à peu, les chiffres se combinèrent entre-eux, et leurs résultats en firent de même, jusqu'à se réduire à deux nombres qui franchirent les électrodes et aboutirent dans les tubes à vide de récolte. Le cerveau attendit quelques instants de nouveaux stimuli, puis s'éteignit lentement, l'inertie des influx nerveux diminuant progressivement. L'esprit n'exista plus, il n'eut jamais conscience d'avoir fournit au Rommel l'angle et la longueur du tunnel de contraction qu'il devait former pour rejoindre sa destination.
Ce repos fut de courte durée, l'unité cognitive fut à nouveau sollicitée, pour une tâche bien différente cette fois. Elle eut plus de difficulté à effectuer les calculs nécessaires, les domaines de l'algèbre qu'ils nécessitaient étaient rarement employés dans le calcul de trajectoire stellaire. Sous la stimulation répétée des données qui étaient injectés jusqu'à ce que l'activité cérébrale dépasse le seuil de travail, certaines zones atrophiées se réveillèrent d'un long sommeil. Des neurones qui n'avaient pas été utilisés depuis des années furent activés tant bien que mal, il fallut plusieurs heures pour rétablir les synapses qui avaient disparues, remyéliniser les fibres nerveuses, relancer la production de messagers chimiques et enfin remettre en place un réseau fonctionnel. Alors seulement l'esprit entreprit de piocher à nouveau dans les tubes à vides qui contenaient de nouvelles données, et en les parcourant, il généra une réaction qu'il n'avait pas connu depuis une époque si lointaine qu'il n'en avait aucun souvenir. Une légère bouffée d'endorphines effleura quelques neurones supplémentaires, qui à leur tour s'activèrent lentement et entreprirent de solliciter leurs voisins.
Une diode verte s'alluma au dessus de l'ensemble de tubes récepteurs dédié à A-B 386165. Le technicien brancha quelques câbles dans les prises qui correspondaient à la salle des transmissions et envoya le message codé pour qu'il soit transmis via un tunnel de communication. Puis il partit rendre compte à l'officier de liaison sans se rendre compte que l'électroencéphalogramme du hérisson n'était pas redevenu tout à fait plat. L'excitation de la nouveauté faisait petit à petit son chemin dans le cerveau transformé en machine.
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| | | gaba
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| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Ven 2 Déc - 15:16 | |
| Le monde des sables
L'incident du Vladivostok avait secoué l'administration fédérale des Mondes-unis autant que son équivalent soviétique, les rapports émanant des croiseurs Roosevelt étaient remontés jusqu'au bureau du président. Des ordres étaient ressortis du bureau ovale en même temps que des propos destinés à rassurer la population. Il s'agissait très probablement d'un incident isolé, il n'y avait aucune raison pour que les soviétiques ne nous déclarent la guerre, nous allions faire la lumière sur ces événements, les Mondes-Unis ne prendraient pas la responsabilité de déclarer une guerre ouverte les premiers. Mais dans le même temps, le recrutement de la flotte spatiale ainsi que les commandes d'armement avaient augmenté de cinquante pour cent. L'administration n'eut pas besoin de faire une déclaration officielle de guerre, la bourse et les journaux s'en chargèrent, pendant que le président conservait son image d'homme de paix.
La vague médiatique parcourut l'ensemble de l'espace occupé par l'humanité, les reportages, les déclarations officielles et officieuses, les interviews et les analyses spéculatives voyageaient de monde en monde via les tunnels de communication. Elle finit par atteindre le monde désertique d'Arena.
Des millions d'année plus tôt, Arena était recouvert d'une immense jungle de végétaux. La température y était très élevée, la planète orbitant proche de son étoile, et aucune vie animale n'y était apparue. Les plantes devaient constamment lutter contre le dessèchement et le hasard de l'évolution avait retenu sur cette planète une solution des plus originales, mais si efficace que les espèces qui l'appliquaient supplantèrent toutes les autres. Ces végétaux étaient recouverts de graisse transparente si visqueuse qu'elle ne pouvait fondre que très lentement, emprisonnant l'eau à l'intérieur des tiges et des feuilles et ramenant l'évaporation à un niveau comparable à celui de la plupart des plantes de la galaxie. L'enduit graisseux coulait peu à peu sur le sol, où une armée de bactéries l'attendait, le digérait et s'en nourrissait tout en restant sous cette couche protectrice. Les rejets des bactéries nourrissaient les racines des plantes et le cycle était bouclé.
Des mouvements tectoniques avaient peu à peu rompu cet équilibre, des millions de tonnes de biomasse furent ensevelis peu à peu et la planète devint un désert torride et hostile à toute forme de vie.
Arena fut découverte simultanément par les Mondes-Unis et les Soviétiques, qui tous deux remarquèrent à la fois l'atmosphère respirable et l'absence de vie extraterrestre. Une planète ne nécessitant aucune stérilisation préventive, le rayonnement solaire intense s'en était chargé. Un monde prêt à l'emploi, sans ressources exploitables à première vue. Mais de l'oxygène sans devoir dépenser des tonnes de xénocides, c'était bien suffisant pour une colonisation à peu de frais. Comme ce caillou n'avait aucune valeur apparente, la répartition des territoires fut simple : au nord les américains, au sud les russes, l'équateur étant la frontière. Le potentiel de la planète ne fut découvert qu'après cette répartition, ce qui évita sans doute un conflit généralisé. C'est seulement en 1952, un an après la découverte d'Arena que des ingénieurs écologistes américains remarquèrent suite à de nouvelles mesures que si l'atmosphère ne contenait que treize pourcents de dioxygène, les taux d'ozone en haute atmosphère indiquaient que le double de cette concentration avait été converti par les ultraviolets. La biomasse correspondante fut activement recherchée et on découvrit bientôt suffisamment de pétrole pour alimenter l'humanité entière pendant deux siècles.
La situation s'était cependant tendue ces derniers jours, lorsque les nouvelles étaient arrivées, et l'équateur s'était vu animé d'une activité fébrile des deux cotés de la frontière. Depuis trente-trois ans, les deux armées sur place étaient chargées du respect du statu quo de la planète, l'administration américaine comme le soviet suprême avaient officiellement reconnu la frontière équatoriale, et la contester ne pouvait qu'amener au conflit. Mais la situation avait changé, et de chaque coté de la ligne de front, telle que la désignait désormais tous les soldats présents, les hommes se préparaient soit à lancer une invasion, soit à la repousser, sans aucune certitude sur la direction que prendrait ces événements.
Le poste d'observation du douzième méridien, à cinq kilomètre au nord de l'équateur, ressemblait à une pyramide tronquée dont la base disparaissait dans les dunes. Les arêtes de la structure présentaient de nombreuses irrégularités, rongées par le vent et le sable. Même le béton ne résistait pas aux tempêtes de cette planète, et les barres d'acier qui l'armaient apparaissaient en plusieurs endroits. Abrité dans la fosse au sommet de la pyramide, le sergent Nixon promenait sa lunette sur le paysage. Les lieux avaient bien changé depuis la semaine dernière, là où il ne voyait que la mer de sable et le poste d'observation russe en face, les hommes étaient en train de bâtir des fortifications. La tâche était difficile, le terrain ne permettait pas d'avoir recours au barbelés ni de creuser des tranchées, ils seraient engloutis par le sable en quelques jours. À la place, les soldats stabilisaient les dunes avec plusieurs couches de grillage et du goudron avant de rehausser leurs crêtes avec des sacs de sables. Les mines étaient également inutiles ici, le sable pouvait les recouvrir jusqu'à exercer la pression nécessaire à leur déclenchement ou bien être chassé par le vent et ne plus les camoufler efficacement. Les rares rochers qui dépassaient des dunes étaient utilisés comme position d'armes lourdes, les seules qui seraient utilisées. Les chars, mêmes allégés à la matière négative, ne pouvaient atteindre cette région hostile, ils seraient déployés ailleurs, aux endroits où le sol était fait de terre séchée et non de sable. Il n'y avait aucun subterfuge possible ici, pensait Dick Nixon, si des combats avaient lieu ici, ce serait essentiellement d'homme à homme, et on verrait le blanc des yeux de l'ennemi.
Comme à un signal invisible, les soldats des deux camps arrêtèrent leurs travaux pour rejoindre leurs abris souterrains. Le soleil atteindrait bientôt la verticale et accablé par la chaleur, le sergent dût rentrer lui aussi à l'intérieur de la pyramide. La température pendant les quatre heures les plus chaudes de la journée empêchait tout sortie, et une vigie était inutile dans ces conditions. Les russes ne seraient que des momies desséchées bien avant d'arriver à portée de tir s'ils tentaient de sortir maintenant. Sitôt sorti du sas de dessablage, Dick fut accueilli par ses hommes qui jouaient aux cartes. « Quoi de neuf sergent ? » Demanda Downey. « Rien de spécial, comme hier. Nos gars en chient sous leurs armures. - Je me demande comment ils font pour ne pas cuire dans ces cocottes-minutes sur pattes. C'est pas le genre d'équipement qu'il faut pour ce terrain. - Les gradés s'en foutent du terrain, si les soldats se font tirer dessus sans protection, l'armée devra payer des pensions à leur famille pendant des décennies. Si les mêmes gars succombent à l'insolation, ils passeront en cours martiale à titre posthume pour avoir tiré au flanc. » C'était exagéré et les soldats de Dick avaient appris à ignorer les critiques de leur sergent à l'égard des officiers de l'armée. À soixante-douze ans, le vieil homme était frustré de n'être jamais monté en grade plus haut que sergent, la cause en était sa passion des jeux d'argent. Dans sa jeunesse, il avait été promis à une brillante carrière militaire, mais son avenir avait été brisé lorsqu'on avait découvert qu'il tenait un tripot dans les cales du croiseur aérien sur lequel il servait. La petite fortune qu'il s'était constitué avait été confisqué, et il avait été destitué de son grade de second. Il avait pensé à quitter la flotte mais il n'avait plus de famille depuis l'invasion des États-Unis par les allemands, et nul part où aller. Ses qualités de meneur d'hommes du rang avait poussé ses officiers supérieurs à ne pas lever le blocage de son avancement, et au fil des années, ses compétences martiales s'étaient affinées et il avait retourné bien des situations difficiles grâce à son analyse tactique. Les hommes qui étaient passés sous sont commandement le respectaient pour ça, et aussi parce qu'il les laissait jouer au poker malgré le règlement de l'armée. « Des nouvelles de votre coté ? - Un télégramme d'information, les Roosevelt arrivent dans la semaine avec de nouvelles recrues, répondit Downey, on va en accueillir un contingent. - Des bleus sur le sable ! On aura tout vu ! » Maugréa le vieux sergent.
Le noir total, non seulement visuel mais aussi acoustique, gustatif et olfactif. Même le toucher ne lui donnait aucune information sur le monde extérieur. Seules les quelques fibres nerveuses reliant encore ses membres auraient pu l'informer qu'il était en position assise, sans préciser sur quoi. Mais son cerveau n'était plus capable d'analyser leur signal, remodelé par les centaines d'électrodes au mépris de son organisation précédente.
Joe Allan Flagg fit partie contre son gré de la vague de recrutement. Deux semaines après son isolation sensorielle par section des nerfs, il était devenu l'unité LW-34-JAF, électroconditionné pour calculer des solutions de tir pour l'artillerie des vaisseaux USS.
L'embarquement d'une unité cognitive à bord d'un croiseur stellaire était une opération délicate, en raison notamment de tous les appareillages annexes.
L'équipage du Teddy avait déjà installé à l'intérieur du vaisseau les processeurs annexes de JAF, les tubes à vide comme les lecteurs de cartes perforées, mais les appareils de survie devaient constamment rester connectés au hérisson. La plate-forme entraînée par quatre hélices horizontales s'élevait lentement au dessus de Lincoln City, portant l'unité cognitive solidement arrimée par des chaînes d'acier et accompagnée de cinq matelots qui se cramponnaient de leur mieux pour ne pas être emporté par les rafales de vent. Ils arrivèrent finalement à l'altitude du croiseur dont les plaques de blindage ventral s'écartaient sur leur chemin. À l'abri du vent, la plate-forme se stabilisa suffisamment pour progresser sans heurts et franchit une trappe coulissante qui se referma en dessous d'elle. Les matelots poussèrent JAF et son appareillage vers la sortie du sas pendant que la plate-forme redescendait pour prendre son prochain chargement.
Le capitaine Diaz supervisait l'approvisionnement depuis la passerelle du croiseur., répartissant les différents chargements dans le vaisseau. Les obus vers la sainte barbe, les vivres vers les soutes et les recrues vers les cabines. La plupart d'entre-elles serait bientôt largué en plein désert, à la surface d'Arena, si les russes les laissait faire. Le contrôle de l'espace serait la clé de la domination dans le conflit à venir, et qui dit espace, dit vaisseaux, et qui dit vaisseaux, dit carburant. Quel que soit le résultat de la bataille, le monde des sables allait brûler.
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| | | gaba
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| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Ven 9 Déc - 2:23 | |
| Rendez-vous de mort
Après deux semaines passées à bord de l'Octobre Rouge, le caporal Vladimir commençait à déprimer. Il n'avait reçu aucun ordre depuis son embarquement et l'oisiveté lui pesait bien plus que tout autre chose dans cet environnement de faible gravité. Le cuirassé avait été conçu comme un vaisseau multifonctions et le caporal l'avait visité de fond en comble, passant par la coursive centrale qui était aussi spacieuse que la nef d'une cathédrale terrestre (et que les matelots appelaient d'ailleurs "la nef") pour rejoindre les différents secteurs du bâtiment. Il avait ainsi découvert que les canons qui dépassaient de l'arête dorsale n'étaient pas les seules armes du cuirassé : les arêtes latérales étaient constituées de centaines de tunnels d'envol pour des chasseurs qui pouvaient être lancés simultanément. Il avait sympathisé avec quelques pilotes rencontrés au cours de ses explorations, alors qu'il s'était égaré dans le dédale des coursives. Il avait alors demandé son chemin à un officier mais celui-ci avait purement ignoré sa requête, lui jetant un regard plein de mépris. Quand l'homme se fut éloigné, Vladimir avait été abordé par une femme en tenue de pilote : « Alors, on est perdu, beau gosse ? - Euh, oui, c'est à dire que...» Balbutia confusément le caporal. « Toi tu ne fais pas partie de l'équipage ! - Exact, je viens d'embarquer, répondit-il, avant de jeter un regard vers le dos de l'officier, c'est qui ce type ? Il est sourd ? - T'es tombé sur Ieronim Petrovitch Mendelev, expliqua-t-elle, en accentuant le patronyme et le nom de famille, même en apesanteur il trouve le moyen d'être plus haut que les autres, juste parce qu'il porte un nom complet. - C'est plutôt rare, non ? Même parmi les officiers ! - Il a probablement inventé le patronyme, rien que pour se prendre pour un noble. - Ah d'accord. Et sinon, vous pouvez m'indiquer le chemin des cabines du pont quarante-sept ? - Suis moi plutôt, puisque t'es tout seul je vais te présenter à mes camarades. Au fait moi c'est Kera, Kera tout court, alors tu peux me tutoyer. »
Kera l'avait présenté à Makar, Sergueï et Sevastian, les trois pilotes qui constituaient avec elle l'escadrille OR-427. Les pilotes étaient beaucoup plus ouverts que le reste de l'équipage, avec qui il avait eu très peu de contact. Sevastian avait son analyse du fait : « Ces planqués sont tellement habitués à s'abriter derrière le blindage du vaisseau que leurs esprits sont blindés eux-aussi. » Vladimir avait mieux compris lorsque Makar, le chef de l'escadrille, lui avait annoncé le taux de pertes parmi les chasseurs : vingt pour cent à chaque sortie. La plupart des pilotes avaient perdu au moins trois camarades au combat, ils avaient alors le choix entre s'enfermer dans le chagrin et se faire très rapidement de nouveaux amis.
Mais même les pilotes avaient leurs obligations, et leurs patrouilles s'étaient grandement intensifiées ces derniers jours, conséquence de l'affaire Vladivostok. L'équipage entier était sur le pied de guerre depuis que l'Octobre Rouge avait reçu la nouvelle, et l'ambiance était électrique. Les pas étaient plus pressés, les conversations plus énervées et les sommeils plus agités. Même Dimitri "Fine Oreille" avec qui il partageait sa cabine était retenu sur la passerelle si souvent qu'il était devenu impossible de deviner à quel quart il était affecté. Seul Vladimir échappait à l'hyperactivité qui s'était emparée du bâtiment et sombrait petit à petit dans l'ennui avec le sentiment d'être abandonné.
Il n'y avait plus qu'une personne de disponible, bien que peu de monde lui accordait ce titre. Le caporal se dirigea alors vers la section des unités cognitives. Vers Annick.
C'était justement dans cette section que se trouvaient Kiassov, Anita, Fine Oreille et l'officier arrogant que Vladimir avait croisé. « Général Kiassov. Je capte la balise du cuirassé. La correspondance est parfaite. - Très bien Dimitri, je savais que vous le retrouveriez. Monsieur Mendelev ? - Oui mon général ? - Allez prévenir la passerelle que nous l'avons retrouvé. Dites-leur de commencer les manœuvres prévues. - Vous avez un téléphone mon général. » Répondit Ieronim Petrovitch Mendelev, visiblement outré de remplir la fonction d'un simple coursier. Voyant sa réaction, le général Kiassov décida de flatter son ego : « Ce message est très important, je préférerais qu'il ne passe pas par le téléphone, ni par la mémoire d'un matelot qui ne maîtrise pas sa langue ou sa consommation d'alcool. J'ai confiance en vous Ieronim Petrovitch. - Très bien mon général. » Et l'officier tourna les talons. Quel imbécile, pensa Kiassov en le regardant s'éloigner, il avait juste suffit de pincer la corde sensible, et c'était toujours la même chez les "patronymes". « Nous sommes tranquilles maintenant. Anita. Allez donc débrancher les hérissons. »
Les deux vaisseaux étaient de taille comparable, et un observateur extérieur aurait justement pu les comparer tant ils étaient proche l'un de l'autre. On ne voyait que très rarement deux vaisseaux à l'œil nu dans l'espace, les distances étaient si importantes, les trajectoires si différentes que le contact visuel entre ces deux bâtiments ne pouvait être que fugitif. La situation présente ici était fort différente : en plein espace interstellaire, sans orbite pour se caler, les deux vaisseaux évoluaient de concert, le cuirassé au dessus de l'Octobre Rouge, comme pour un rendez-vous galant dans le désert.
Vladimir cherchait la cellule d'Annick quand il croisa le commissaire Anita. « Que faites-vous ici, caporal ? - Oh, euh rien... Rien du tout, je me promène. - Vous ne seriez pas en train de fouiner, Vladimir ? » Le regard soupçonneux d'Anita se posa sur lui. Le regard de commissaire, dont on dit qu'il ferait avouer un innocent. Il préféra alors dire la vérité, ça lui éviterait d'avoir une enquête politique sur le dos. « J'allais juste voir Annick, je veux dire, l'unité AN-1-K. - Cette unité n'est pas branchée pourtant, quelle utilité en auriez-vous ? - Aucune, c'est juste... une amie. - C'est une machine, caporal Vladimir, rien de plus. Mais si vous avez besoin d'une amie imaginaire, je ne vais pas vous contrarier. Je ne suis pas psychiatre. » Soulagé de s'en tirer a si bon compte, le caporal entra enfin dans la cellule dédiée à Annick. L'unité était effectivement débranchée. En fait, remarqua Vladimir, elle n'avait jamais été branchée depuis le départ de Friedrichgrad. Elle n'était qu'un témoin encombrant, tout comme lui. La femme-hérisson était amaigrie, le visage émacié. La nutrition n'était pas en cause, les tubes alimentaires étant régulièrement entretenus par l'équipage, comme pour toutes les unités du bord. Les techniciens spécialistes en unités cognitives appelaient ça l'inanition mentale : une trop longue absence de stimulus affectait le système nerveux végétatif, la digestion ne se faisait plus et l'unité s'amaigrissait très rapidement. Annick était en danger de mort, et peut-être que Kiassov ou Anita le prenaient pour un fou, mais il savait où était son devoir, ainsi que son humanité. Vérifiant que la porte de la cellule était bien fermée, Vladimir entreprit de soulever la coiffe protectrice du crâne de l'unité, et reconnecta une à une les électrodes aux câbles qui relieraient Anita à son processeur de réception. Le caporal laissa débranché les électrodes du lobe frontal, celles qui permettaient la sortie des informations traitées par le cerveau, et également celles de l'EEG. En refermant la coiffe, il n'y aurait aucun signe visible des changements qu'il avait effectué.
« Toutes les unités sont désactivées. - Bien, camarade commissaire. Nous pouvons maintenant faire les choses sans être gênés. Dimitri, Ouvrez-moi un canal TSF avec eux, je veux une ligne directe jusqu'à l'antenne, un faisceau étroit et pas de bande. - Tout de suite mon général. » Kiassov brancha un casque audio et retira sa casquette pour le mettre, de sorte qu'il serait le seul à entendre son interlocuteur. « Ici le général Kiassov, à bord de l'Octobre Rouge. Me recevez-vous ? - … - Nous venons vous ravitailler en vue du conflit qui se prépare. Tous les vaisseaux reçoivent des munitions supplémentaires et des stocks de pièces de rechange. - … - Très bien, vous n'aurez qu'a ouvrir vos sas de quille et on s'occupe du reste. » La diode indiquant l'état de la radio s'éteignit, signe que l'interlocuteur ne transmettait plus. L'officier Mendelev revint quelques minutes plus tard. « Le capitaine vous informe que la manœuvre est accomplie, mon général. - Juste au bon moment, le commissaire vient de confirmer ce que nous craignions. - C'est à dire, mon général ? - J'ai un autre message pour le capitaine, répondit Kiassov, vous lui direz que le capitaine et l'équipage de ce vaisseau ont reniés notre patrie, ils ont été jugés coupable de trahison de la révolution. Qu'il applique la sentence correspondante. »
La parade nuptiale des deux vaisseaux continuait. Après un long moment de prudence, le cuirassé s'offrait enfin à l'Octobre Rouge, repliant ses plaques de blindages inférieures comme on soulève un jupon, exposant les rondeurs de sa coque petit à petit, dans un numéro d'effeuillage d'une lenteur majestueuse. Les canons de l'Octobre Rouge se dévoilèrent à leur tour, tels autant de phallus décalottés. Et tirèrent.
Le général Kiassov savoura le choc sourd qui se répandait à travers le bâtiment, suivi du grondement des gaz enflammés qui entourèrent sa coque. À une si courte portée, le cuirassé avait dû être pulvérisé. « Dimitri, veuillez ouvrir un tunnel de communication vers l'état-major. Vous vous assurerez ensuite que l'unité que vous avez utilisé pour ce faire soit détruite. - À vos ordres. » Quelques minutes plus tard, Kiassov prononça une unique phrase dans le microphone avant de couper la communication : « L'incident du Vladivostok est clos, je répète, l'incident du Vladivostok est clos. »
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| | | gaba
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| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Dim 11 Déc - 2:36 | |
| Ombre au tableau
Les Mondes-Unis étaient en guerre contre le Reich allemand depuis leur création en 1946, après l'annexion du continent nord-américain, et toute la société américaine fonctionnait autour de l'armée et de la flotte qui affrontait le Reich jour après jour. Mais les événements des dernières semaines changeaient la donne : la tension montait entre les les Mondes-Unis et les territoires soviétiques, la guerre pointait son nez, et avec l'ouverture d'un second front, les américains ne pourraient plus concentrer leur effort militaire sur le Reich. Les allemands connaîtraient bientôt ce qu'on appelle une conjoncture favorable. Quelques ombres nuançaient cependant ce tableau idyllique, inconnues de la presse qui annonçait l'âge d'or du Reich, négligées par la plupart des hauts fonctionnaires, elles n'étaient analysées à leur juste valeur que par de rares individus. Le ministre de l'exploration, de la surveillance et de la défense spatiale appréciait de tels individus, ceux qui savaient dévoiler la trame des événements derrière les faits les plus insignifiants. Son secrétaire d'état délégué aux renseignements, herr Axel Kramer, était l'un des meilleurs dans ce domaine, et les deux hommes se rencontraient toutes les semaines pour confronter leurs idées et en faire surgir des théories qui se révélaient souvent exactes.
« Herr ministre, salua Kramer après avoir été annoncé par le majordome, quel sujet allons nous aborder aujourd'hui ? » Aller droit au but, c'était là la façon de faire du secrétaire d'état, dont chaque mot était utile. « Asseyez-vous, Axel. Je suppose que vous avez vu passer le message de Lüxembourg. J'aimerais avoir votre avis sur la question. - Et bien je crois qu'il n'a pas tout dit, qu'il garde certains détails pour lui. - Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? - Le codage du message, il a utilisé un code à usage unique modifié et non tel quel. Le choix du code unique était dicté par la haute sécurité nécessaire au passage du message à travers le réseau de communication du Reich, mais il a fallu faire travailler quinze unités cognitives pendant une semaine pour décrypter son message, en travaillant à partir du code de base. - Ce sont des ressources qu'on ne peut mobiliser qu'a un niveau central. Il voulait que votre service soit le seul à pouvoir lire le contenu de la transmission. - C'est aussi mon avis, et il ne peut y avoir qu'une seule raison à cela : il craint d'avoir découvert un secret d'état du Reich. Et dans cette situation il assure d'abord ses arrières. - Quelle idée ridicule, réagit le ministre, si nous avions monté une opération secrète telle que décrite dans le journal du X2, je serais quand même au courant ! - Et vous ne jugeriez pas utile de m'en informer. - Hum, en effet herr Kramer, vous marquez un point. Mais je vous garantis que ça ne vient pas de nous, reste à savoir de qui. - Pour ça il faudrait savoir pourquoi. L'explication la plus simple serait qu'en détruisant un vaisseau russe dans le secret, on a voulu déclencher un conflit entre les territoires soviétiques et les Mondes-Unis. Dans la situation actuelle, aucune des deux parties ne pourrait remporter la victoire sur l'autre. Ceci est dans l'intérêt du Reich uniquement, donc à supposer que ce n'est pas une opération allemande comme vous m'en assurez, on peut dire que la destruction de ce vaisseau a été motivée par quelque chose qui lui est propre. - Ce doit être quelque chose de très important pour risquer un conflit tel que celui qui ce prépare. - En effet, qu'il soit russe ou américain, le gouvernement qui a décidé de cette action considérait que cette mission était prioritaire par rapport à la survie même de son camp. - Mein Got ! Voilà qui est inquiétant, se lamenta le ministre, herr Kramer, je vous demande de consacrer toutes les ressources de votre service à la résolution de ce mystère. Cessez tout le reste, il nous faut le maximum d'informations sur cette affaire. - J'ai déjà pris des mesures en ce sens, mes employés sont d'ores et déjà en train de recouper tous les rapports d'amirautés russes que les espions nous font parvenir. Nous essayons de retrouver par déduction le nom du bâtiment qui a disparu. - Vous êtes d'une qualité rare, Axel. Vous pouvez disposer. » Le ministre attendit que son secrétaire d'état fut sorti de la pièce pour se servir un verre de whisky pur malt. C'était son vice caché, à la fois la boisson en elle même et ses préférences anglo-saxonnes en la matière. Mais ce jour là, ses mains ne tremblaient pas à cause du manque. Pour la première fois depuis qu'il occupait la fonction de ministre, il avait peur.
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| | | gaba
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| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Mar 13 Déc - 0:44 | |
| Casus belli
Les usines de New Wales étaient essentielles à l'effort de guerre américain. Bien que la planète faisait partie du territoire britannique, elle fournissaient des vaisseaux que les Mondes-Unis armaient ensuite. Un accord entre les américains et les britanniques obligeaient ces derniers à acheter tout leur équipement militaire aux Mondes-Unis, mais l'économie anglaise y trouvait son compte. Son industrie de pointe dans le domaine de la matière négative produisait l'armature, la coque et les dispositifs de contraction de la plupart des bâtiments américains.
La population de New Wales était majoritairement concentré en un seul endroit, selon une disposition commune à de nombreux mondes colonisés. New Cardiff entourait la base du câble orbital qui servait à charger les vaisseaux incapables de s'approcher du champ gravitationnel de la planète. De là, le réseau ferré s'étalait jusqu'aux faubourgs pour transporter les marchandises. Il n'y avait que très peu de trains de voyageurs, le domaine ferroviaire était orienté vers les besoins de l'industrie. Une bande de végétation d'origine terrestre de quinze kilomètres de large, principalement des fougères, entourait la ville, progressant lentement vers l'extérieur, gagnant du terrain sur le sol stérilisé dont les composés nocifs se dégradaient avec le temps. Dans quelques siècles, la végétation importée recouvrirait toute la planète et fournirait l'oxygène de l'atmosphère. Mais ce rôle était dévolu pour le moment aux xénobactéries occupant toute la surface du globe, excepté l'espace délimité par la frontière de produits toxiques.
L'usine Ford au nord de la ville fabriquait les ballasts gravitationnels qui permettaient aux marins de l'espace de se déplacer plus facilement qu'en apesanteur. Les mouvements de ses ballasts permettaient également d'amortir les effets des accélérations brutales dont les vaisseaux de guerre devaient être capables. C'était là qu'Owen Stamper travaillait, dans l'un des ateliers les plus vastes de l'usine. Les journées d'Owen étaient toujours les mêmes, réveil à six heures, métro à six heures trente, arrivée à l'atelier à sept heures, comme la plupart des ouvriers de l'usine. Le travail était tout aussi monotone, bien qu'il avait été pour Owen une source d'émerveillement pendant les trois premiers mois d'embauche. Car l'ouvrier n'avait pas un petit rôle dans la chaîne de production : c'était lui qui activait la formation des tunnels de contractions nécessaires à la formation des ballasts gravitationnels. Son atelier produisait les ballasts de mât, c'est à dire ceux qui étaient constitués de matière négative contractées. Ces immenses cylindres, dont le rôle était de repousser légèrement vers le bas tout objet mobile à bord des vaisseaux, y compris l'équipage, étaient constitués des disques de plomb négatif produits dans cet atelier. Le procédé de fabrication reposait sur le fait que les tunnels de contractions comprimaient non seulement l'espace mais aussi la matière. On créait un tunnel englobant un cylindre de matière négative et il en ressortait un disque ultra dense fin comme une feuille de papier, et brûlant comme le noyau d'une étoile. Une fois refroidis les disques étaient amenés aux ateliers en apesanteur via le câble orbital pour y être empilés, formant le ballast.
Le procédé pour les ballasts de quille, fait de matière conventionnelle pour exercer une force de gravitation à l'intérieur des vaisseaux, était similaire, et chaque vaisseau équipé de ses deux ballasts dont les masses s'équilibraient possédait son propre champ de microgravité. La tâche d'Owen était justement d'activer la création du tunnel, ce qui revenait à appuyer sur un simple bouton, la machine étant pré-calibrée. Et malgré le spectacle extraordinaire de la création d'un disque solaire que n'auraient pas reniés les anciens égyptiens, accompagnée d'un geyser de fumée ionisée jaillissant de chaque extrémité du tunnel, la tâche était devenue routinière. Au bout de quinze ans qu'il faisait ce métier, Owen ne pouvait mettre qu'une seule phrase sur son CV : Extrêmement compétent pour appuyer sur un bouton avec son index. Lequel index avait acquis une dextérité, une souplesse et une force sans commune mesure avec le reste de son corps.
Mais pour Owen Stamper comme pour les trois millions d'habitants de New Cardiff, cette journée serait différente.
La frégate légère USS General Grant survolait lentement le monde de New Wales, presque à la verticale des antipodes de New Cardiff. Il était le seul bâtiment de guerre à être resté en orbite après le départ de son escadre vers Arena. L'état-major avait décidé de concentrer le maximum de forces sur la planète des sables, estimant que la situation de la colonie galloise était sûre, loin de toute planète soviétique. Les vaisseaux du roi en avait fait autant, ne laissant qu'un croiseur, le HMS Nelson, en cale sèche dans les ateliers en apesanteur de Ford pour des réparations de coque, au sommet du câble orbital de New Cardiff. La révolution orbitale du Grant durait deux heures trente. La période de silence radio par rapport à l'unique ville de la planète durait une heure vingt-deux minutes.
Au bout d'une heure vingt-cinq minutes la frégate n'était toujours pas réapparue au dessus de l'horizon. Après une heure trente-sept minutes, il se faisait toujours désirer, et le commandement militaire de la ville fut convoqué en session extraordinaire. À une heure quarante-trois minutes, le commandement prit la décision de faire décoller le Nelson. Quarante secondes plus tard, dix croiseurs de bombardement russes apparaissaient au dessus de l'horizon, évoluant en haute atmosphère, à portée de l'artillerie défensive de la ville, mais celle-ci n'était pas préparée et les vaisseaux avaient pris énormément de vitesse par catapultage autour de la planète. L'escadre passa rapidement au dessus de la ville, suivie par une onde de choc sonore qui fracassa toutes les vitres des immeubles avant de rejoindre l'horizon. Pendant quelques instants, la ville fut tétanisée, puis le choc laissa la place au soulagement. Jusqu'au moment où un habitant aperçu un point noir dans le ciel, suivi de milliers d'autres. Les bombes s'abattirent toutes sur New Cardiff en l'intervalle de quelques secondes.
Owen avait l'impression d'avoir été subitement conditionné en unité cognitive, aveugle et sourd. Seuls sa peau et ses poumons lui envoyaient des signaux sensitifs, tous relatifs à une chaleur sèche et douloureuse. Après un certain temps, la vue lui revint, ou plutôt le fonctionnement normal de ses yeux, car outre la couche de larmes qui recouvrait leurs cornées, l'air chargé des fumées d'incendie et de la poussière des gravats faisaient régner une obscurité grise. La zone plus lumineuse au centre de son champ de vision renseignait Owen sur deux points. Premièrement, il était allongé sur le sol, fait que son oreille interne confirma par la suite. Deuxièmement, le toit de l'atelier était absent. Ses réflexions s'interrompirent lorsqu'il perdit connaissance.
Après un temps qu'il ne put évaluer, il fut réveillé par des voix empressées : « J'en ai trouvé un ! - Vivant ? - Attendez, je vérifie. » Owen sentit une main palper son cou et distingua, penchée sur lui, la forme blanche à laquelle elle appartenait vraisemblablement. « Il est en vie ! Cria le secouriste, avant de se tourner vers lui. Vous m'entendez monsieur ? Monsieur ? » Owen ne put répondre, l'air lui manquait, mais il dirigea le regard vers la forme qui se précisait de plus en plus. Une autre forme, vint la rejoindre, assortie d'une voix plus grave : « Comment va-t-il ? - Je n'ai pas vu de blessures externes, mais il lui faut une assistance ventilatoire. Il a eu de la chance que le toit ne se soit pas écroulé sur lui. - Le toit ne s'est pas écroulé ici, il a été emporté par les disques quand ils se sont décrochés. Les ateliers des ballasts de quille ont bien plus souffert. Mets le sous oxygène, on l'emmène tout de suite.» Owen sentit le masque de caoutchouc qu'on appliquait sur son visage et respira une bouffée d'air pur avant de sombrer à nouveau dans l'inconscience.
Le décor avait totalement changé lorsqu'il se réveilla. L'air était redevenu limpide et Owen put constater qu'il avait de nouveau un plafond au-dessus de lui. Il n'était plus allongé sur le sol mais sur un matelas, entouré de rideaux de lin. Des sons venaient d'au delà de cette frontière, des râles de douleur, des frottements de chariots et des voix féminines qui se voulaient apaisantes. Owen avait dû gémir sans s'en rendre compte, car une infirmière tira les rideaux et s'adressa à lui : « Vous êtes réveillé ! Vous avez eu de la chance monsieur, vos blessures vont guérir. » Il voulu répondre, exprimer sa colère et dire à cette foutue bonne femme qu'il ne considérait pas que la chance consistait à être cloué sur un lit d'hôpital, mais il s'aperçut qu'il ne pouvait pas parler, la faute au tube qui était profondément enfoncé dans sa gorge. Après un dernier "Ça va aller, on s'occupe de vous.", l'infirmière s'éloigna et le champ de vision d'Owen s'agrandit d'autant. Il pouvait distinguer les autres blessés, masses de chairs tuméfiées, de sang et de gaze auxquelles il manquait parfois des membres, entourés de blouses blanches qui s'affairaient à les maintenir en vie coûte que coûte. Pendant un instant, il pensa qu'effectivement il avait de la chance, mais son champ de vision comportait également une fenêtre, par laquelle il apercevait les minuscules points suspendus dans le ciel. Il fallait pas mal de nég-dollars pour se payer une résidence aérienne. C'était même devenu un signe de grande richesse, et plus l'altitude était élevée, mieux ça valait. Les maisons, les villas et les manoirs du ciel étaient retenus par des câblesancrés en périphérie de la ville, à une altitude suffisante pour échapper à la pollution des usines, aux gaz de dégradation chimique de la zone stérilisée et aux xénogermes des alentours. Les plus hautes plateformes résidentielles appartenaient aux grands patrons des empires industriels multiplanétaires et étaient portées par les vents les plus rapides, de sorte qu'elles ne se trouvaient jamais au même endroit et voyaient défiler la surface de New Wales. Les possesseurs de ses bijoux de luxe qu'on ne distinguait pas du sol se désignaient eux-même sous le nom de jet stream society. Trop rapides, trop hauts et trop dispersés, aucun d'entre-eux n'avait été touché par les bombes. Et seules quelques résidences des altitudes inférieures avaient été endommagées. Au sein des Mondes-Unis et des nations qui s'étaient alignées derrière eux, tout pouvait se chiffrer en nég-dollars, même la chance.
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| | | gaba
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Personnages RP Pseudo: Abeline Lamesain Pseudo : Pseudo :
| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Mar 13 Déc - 2:17 | |
| Cas de conscience
La halle de l'équipage de l'Octobre Rouge était le seul endroit à bord où les membres d'équipages pouvaient oublier qu'ils étaient sur un bâtiment militaire, bien que cette salle était tout autant soumise à l'autorité du capitaine que le reste du vaisseau. Sans conteste le lieu le plus convivial du vaisseau, la halle était en plus un endroit de fête en certaines occasions, et une victoire en combat spatial en faisait partie. Les officiers subalternes avaient renoncés à faire respecter la discipline de l'uniforme, et le quota de vodka alloué à la soirée avait été dépassé depuis des heures, les marins ayant amenés leurs réserves personnelles lorsque le bar avait fermé. Le capitaine avait annoncé la victoire sur un cuirassé ennemi, sans donner plus de précisions, et avait déclaré la fête. Il ne fallait pas plus que cette occasion pour que les marins décompressent, et la raison leur importait peu, ils fêtaient la victoire comme ils fêtaient chaque année l'anniversaire de Staline, et auraient fêté le quatre juillet si on leur en avait donné l'occasion. Seul Dimitri "Fine Oreille" ne partageait pas l'allégresse générale.
Le technicien radio serait devenu musicien en d'autres temps, sa capacité lui aurait sûrement réservé un brillant avenir. Mais le régime soviétique avait eu besoin de son talent, car quand on était capable de dire qu'un violon en particulier était mal accordé en écoutant le cylindre d'un orchestre symphonique, on pouvait aussi décrypter les communications TSF les plus parasitées. Dimitri avait su user de son talent pour se rendre indispensable, et bien que non gradé, il avait vécu avec le confort d'un sous-officier. Il n'avait jamais eu aucune raison de se plaindre de sa réquisition, jusqu'à l'arrivée du message.
La joie et l'insouciance des festivités étaient bonnes pour les marins ignorants, ceux à qui on ne donnait pas les détails stratégiques. Les officiers présents dans la halle étaient regroupés entre eux, créant leur propre soirée mondaine. On leur avait donné la version du Vladivostok passé à l'ennemi et justement puni pour cela, et la pensée de cette trahison tempérait sensiblement leur humeur.
Seul Fine Oreille se doutait que l'affaire était bien plus complexe que ça. Il avait beaucoup réfléchi à ce qui s'était passé dans la section des unités cognitives. Kiassov avait délibérément éloigné un officier supérieur et Anita avait même pris la précaution de débrancher toutes les unités cognitives, de façon à ce qu'il n'y aie aucun témoin... à part lui. Ils auraient pu utiliser n'importe quel technicien radio pour cette tâche, et s'en seraient probablement débarrassés ensuite. Mais ils l'avaient choisi, lui, et ce choix n'avait rien à voir avec son talent particulier. Dimitri en savait déjà trop depuis longtemps. Depuis qu'il avait déchiffré le message de l'Unicorn.
Le casier judiciaire d'Anastasia Natkov était absolument vierge de tout délit, de toute infraction, et surtout de tout soupçon de pensée contre-révolutionnaire. Elle était même dévouée corps et âme à la cause du parti, et sa contribution scientifique à l'élaboration d'unités cognitives purement russes avait été déterminante dans la réussite de ce projet. Sur la planète Kiev, Anastasia avait dirigé les travaux qui permettraient un jour aux soviétiques d'avoir une totale indépendance vis-à-vis du Reich. Elle avait travaillé durement pendant des années, ne s'accordant de repos que quand la nécessité physiologique n'en pouvait plus être niée. Elle avait sacrifié toute vie privée, dans le but de doter les territoires soviétiques d'une production indépendante de hérissons, mais plus encore pour montrer l'exemple. Anastasia pensait en effet que pour motiver les paysans et les ouvriers à œuvrer de tout cœur à la prospérité de tous, les élites se devaient d'y mettre autant d'ardeur. Mais cela n'avait pas suffit à satisfaire son sens du devoir, et elle était devenue par la suite la première unité cognitive de fabrication soviétique, et la seule qui fut volontaire.
L'unité AN-1-K avait toujours les souvenirs de son ancienne vie, mais comme des livres qui ne sortaient pas de leur bibliothèque, ils prenaient la poussière tandis que ses réseaux neuronaux actifs étaient connectés à ses appareillages externes plutôt qu'a sa mémoire.
Elle avait pourtant dû avoir recours à sa mémoire naturelle à deux reprises ces derniers temps. La première, quelques semaines auparavant, lorsqu'elle avait eu à traiter une transmission TSF vocale si parasitée que la conversion en morse en était impossible, et les tubes à vide n'avaient pas la capacité suffisante pour contenir le message original. La seconde avait eu lieu quelques heures plus tôt, au moment où seuls les circuits de réception étaient branchés.
Annick était l'une des rares unités cognitives capables de trouver ainsi des solutions aux problèmes matériels rencontrés, ce qui lui donnait une fiabilité surpassant les plus hauts niveaux d'exigence pour la réception des communications TSF critiques. Tant qu'une machine fonctionne, on ne cherche pas à savoir comment elle fonctionne. Et personne ne soupçonnerait un hérisson d'être capable d'initiative.
Malgré ses sombres réflexions, Dimitri s'efforçait tout de même d'entrer dans l'ambiance festive, ou tout du moins de simuler la même joie qu'il voyait sur les visages des marins qu'il croisait. S'il n'y parvint pas tout à fait, son sourire à peine esquissé passait pour de la timidité plutôt que pour de la tristesse. La solidarité entre marins, conséquence directe du fait qu'ils était tous littéralement dans le même bateau, ne pouvait tolérer qu'un des leurs ne soit pas pleinement intégré. Dimitri fut donc abordé plusieurs fois par des groupes de matelots qui lui proposaient de rejoindre leur table. Peu habitué à une telle spontanéité, le technicien radio déclina une dizaine d'invitations, avant de rejoindre une tablée d'hommes portant les marques des artilleurs, plus par lassitude que par envie. Il consomma une vodka en leur compagnie, puis invoqua un devoir important à accomplir et prit congé du groupe de marins avant de quitter la halle. Il ne sut jamais que le général Kiassov l'avait surveillé de loin tout au long de la soirée. Le général afficha un sourire de satisfaction qui n'avait rien à voir avec la destruction du Vladivostok. Le technicien radio n'avait parlé à personne de ce à quoi il avait participé, et il n'en aurait bientôt plus l'occasion.
Annick sortait progressivement de son état d'inanition mentale, il fallut plusieurs heures à son cerveau pour reconstituer ses stocks de messagers chimiques. Puis, recevant des informations sans ordres associés, son esprit se mit à tourner en roue libre, comme le ferait n'importe quel esprit humain, et comme n'était pas sensé faire une unité cognitive. Si l'esprit d'Anastasia Natkov était l'un des plus brillants de son époque, il lui manquait désormais la volonté, nécessaire à la focalisation sur une idée précise. Ainsi, de la destruction du Vladivostok dont elle avait été le témoin, l'unité arriva, par association d'idée, à celle de l'Unicorn, puis à la liste de tous les bâtiments de la flotte russe qu'on avait trouvé pratique de lui faire mémoriser plutôt que de s'encombrer d'un lot de cartes perforées supplémentaires.
Le hasard fit que Dimitri passa par les mêmes étapes de pensée qu'Annick alors qu'il s'éloignait de la halle de l'équipage. Il était trop impliqué dans une affaire qui le dépassait pour espérer feindre l'ignorance. Et puisqu'il en savait trop pour son grade, autant en apprendre un peu plus. À commencer par le message de l'Unicorn. La communication TSF contenait tous les codes nécessaires à l'authentification de son appartenance à la flotte russe, pourtant "Unicorn" n'était pas un nom slave, et Fine Oreille décida de s'attaquer au mystère par cet angle. L'Octobre Rouge, en tant que vaisseau amiral, avait à son bord les archives de toute la flotte russe. Le technicien radio y trouverait bien quel genre de vaisseau avait été l'Unicorn. Il se dirigea vers les archives, mais fut stoppé net par une sensation étrange de froid, venant de l'intérieur de son propre corps.
Découvert par Albert Einstein huit décennies auparavant, la conversion de la masse en énergie avait trouvé une multitude d'applications depuis la découverte de la matière négative. L'équation était simple à comprendre, la disparition d'une masse positive donnait lieu à l'apparition d'énergie, et inversement. Le principe était le même pour la matière négative, dont la création dégageait tellement de rayonnement que les premières expériences en Allemagne avaient bouleversés le climat terrestre, avant que les scientifiques allemand ne trouvent un moyen d'évacuer directement les radiations vers l'espace. Une autre application de ce principe était la spécialité des services secrets russes, totalement inconnue ailleurs. L'antimatière négative, produite en quantités infimes, était capable de s'annihiler au contact de la matière négative, absorbant la chaleur des environs. C'était le principe de fonctionnement du cryopoison, administré en deux parties qui se mélangeaient dans l'estomac de la cible.
Le gel se répandit dans les entrailles de Dimitri, les cristaux de glace déchirant les cellules de la paroi intestinale, solidifiant le contenu de son estomac, gelant le sang de son aorte. La moelle épinière résista quelques secondes de plus, mais les influx nerveux perdaient leur intensité aussi vite qu'une batterie qui se décharge dans le vide spatial. Ses jambes n'assurèrent plus son équilibre, et il se sentit partir en arrière, dans une lente et inexorable chute. Il voulut crier, mais bien trop tard, son diaphragme était déjà paralysé. Lorsque son dos toucha le sol, son bassin approchait du zéro absolu, et malgré la faible gravité à bord, le choc fut suffisant pour le briser en deux. Dimitri eut la force de relever la tête et pût voir ses deux jambes maintenues debout par les semelles magnétiques, surmontées de moignons gelés au dessus des genoux, on aurait dit des cônes glacés à la fraise. Sur cette pensée, la partie non encore gelée de son cœur battit une dernière fois.
Un agent d'entretien spécialisé, c'était la dénomination officielle du NKVD pour les nettoyeurs, récupéra chaque partie du corps désormais gelé en totalité et les plaça dans un sac étanche, cassant les bras et fragmentant les plus gros morceaux pour les faire rentrer. Le temps qu'il arrive aux éjecteurs de décharge, le cadavre aurait fondu en une bouillie sanglante qu'il n'aurait aucun mal à faire passer pour des restes de cuisine avec le déguisement adéquat.
Le cheminement tortueux des réflexions d'Annick fut stoppé net par absence d'association d'idée possible. Unicorn : aucune référence connue.
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| | | gaba
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Personnages RP Pseudo: Abeline Lamesain Pseudo : Pseudo :
| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Mer 14 Déc - 2:44 | |
| Un secret découvert
Si le Reich allemand et les territoires soviétiques étaient officiellement en paix, cela ne les empêchait pas de s'espionner mutuellement. Les agents démasqués étaient monnaie courante, et étant données leurs relations commerciales, les deux gouvernements avaient appris à ne pas en faire un scandale diplomatique. Les hommes du NKVD fournissaient de très bonnes unités cognitives, ceux de l'Abwehr étaient le plus souvent victimes du cryopoison des commissaires, sans pour autant jeter un froid entre les deux nations. Le nombre de ces derniers avait sensiblement augmenté ces derniers temps, conséquence des efforts supplémentaires qu'avait demandé Axel Kramer à ses hommes. Cependant le sacrifice ne fut pas vain : un espion allemand infiltré dans l'amirauté de Stalingrad finit par découvrir quelques éléments en rapport avec le vaisseau disparu. De la planète Oural à Deutchwelt, la distance ne permettait pas une communication directe et le message devait donc être relayé. L'espion entreprit donc de crypter son message avec un code à usage unique qui n'était connu que de lui et du service de Kramer.
L'un de ses relais se trouva justement être le RRS Rommel. À quelques kilomètres du vaisseau apparut la sortie d'un tunnel de contraction, large de moins d'un mètre. Elle n'était pas visible en elle-même, mais expulsait un geyser de plasma d'une intense lumière bleue, fruit de la contraction des gaz interstellaires sur des centaines d'années lumière de distance. Le panache s'épuisa et laissa place à une sphère d'acier retenue par un câble qui parcourait toute la longueur du tunnel de communication. Le dialogue se fit entre l'antenne TSF du Rommel et la sphère qui transmit son message, puis cette dernière rentra dans son terrier qui disparut quelques secondes après.
"La réception est complète, capitaine Bremer. - Bien, de quoi s'agit-il ? - C'est un message crypté, capitaine, un code énigma quarante-cinq roues. - Notre machine énigma n'en a que trente-cinq, nous ne pourrons pas le décrypter. - Ce ne sera pas nécessaire, on nous demande de le relayer au QG de l'Abwehr, Nürnberg, Deutchland, Deutchwelt, et de l'effacer de nos archives ensuite. - Alors exécutez ! - Oui, capitaine." Le message passa à nouveau par un tunnel de communication, partant cette fois du Rommel, puis les cartons perforés sur lesquels il avait été enregistré furent consciencieusement broyés par l'officier chargé des transmissions. La procédure de relais des messages impliquait que tout message devait être détruit après avoir été réémis, et il aurait dû en être ainsi sur le Rommel. Mais avec un capitaine aussi inamovible que la quille du bâtiment, il avait été facile pour Otto Lüxembourg de poser une dérivation sur le poste TSF, hors du champ de vision permanent de Bremer. Le message était effectivement très bien crypté, avec un code à usage unique du type de celui qu'il avait modifié pour envoyer son message à Deutchwelt, et Otto se souvint par quel moyen il avait pu crypter son message. Le Rommel n'avait pas de machine énigma quarante-cinq roues à son bord, mais Lüxembourg avait l'unité cognitive A-B 386165.
Le hérisson démarra plus rapidement que d'habitude, les circuits neuronaux qui avaient été activés précédemment par les actions de l'officier de liaison furent mis de nouveau à contribution. Le travail était beaucoup plus important cette fois, et malgré que les terminaisons nerveuses soient pleinement fonctionnelles, la cognition prit trois jours. Otto avait bien pris soin de débrancher l'électroencéphalographe pour la durée du traitement, de sorte que l'unité cognitive paraissait au repos. Au bout de ces trois jours, A-B 386165 compléta le décryptage du message et l'officier de liaison put l'imprimer.
Voici ce qu'il lit :
"De l'agent GFP 682 au QG de l'Abwehr 7 août 1985
Objet : croiseur stellaire Baïkal
Herr Kramer Les recherches dans les archives de l'amirauté de Stalingrad, Oural ont pu être achevé, malgré la perte de mes deux subordonnés, les agents GFP 346 et GFP 567. Nous avons trouvé un résultat significatif dans les archives de l'année 1982, il y est fait mention du lancement du Baïkal, un croiseur stellaire russe de classe unique. L'information était classée top secret, et le port d'attache comme le chantier de construction spatiale qui l'a armé ne sont pas indiqués. Il n'est plus fait mention de communication avec le Baïkal trois semaines après son lancement, et le vaisseau a été déclaré disparu une semaine après, cette déclaration n'ayant pas entraîné de recherche ni d'enquête. Après le délai de deux mois qui correspond à l'autonomie d'un croiseur russe, le Baïkal a été déclaré perdu corps et biens, et le dossier a été classé sans que l'épave ne soit retrouvée. Avant sa disparition l'agent GFP 346 m'avait remis son rapport du chantier de construction spatiale de Stalingrad-nord, dans lequel il indiquait qu'une des cales sèches avait été inutilisé pendant trois mois, de Février à Mai 1982, alors que le reste du chantier était actif vingt-quatre heures sur vingt-quatre. L'agent a également eu le temps de me transmettre un rapport sur l'activité du NKVD, indiquant que leurs recherches actuelles portaient sur un vaisseau appelé l'Unicorn. Il semble que le Baïkal était un projet secret dès sa construction, ce qui implique que soit le vaisseau, soit un de ses équipements était un prototype, une expérience militaire. Quand à l'Unicorn, le nom même du bâtiment est tiré d'un animal mythique, et bien qu'anglophone, il n'est pas dans les habitudes des Mondes-Unis et de leurs alliés de baptiser ainsi un vaisseau, et encore moins d'y affecter un équipage russophone. GFP 567 n'a pas eu le temps de pousser ses recherches, mais il a suggéré que l'Unicorn était le vaisseau à l'origine du message TSF dont nous n'avions pu obtenir la transcription complète. Je suggère une recherche concernant le nom "Unicorn" dans les rapports d'amirauté du coté russe, américain et allemand, même s'il est improbable pour aucune nation d'avoir nommé ainsi un vaisseau. Mon sentiment est que "Unicorn" n'est pas le nom originel du vaisseau, et même si la raison pour laquelle il a changé de nom est un mystère, il pourrait s'agir du même bâtiment que le Baïkal, sans que le NKVD soit au courant. En tant qu'officier supérieur des agents GFP 346 et GFP 567, et en raison des informations capitales qu'ils ont obtenu, ainsi que de leur sacrifice pour la cause du Reich, je les propose pour la Croix de Fer à titre posthume."
Après avoir fini sa lecture, Lüxembourg ne put qu'approuver l'analyse de l'agent GFP 682. L'extrême importance de ses découvertes bouleversait l'agent de liaison, il touchait du doigt la raison pour laquelle les territoires soviétiques étaient prêts à risquer une guerre qui pouvait entraîner leur chute. Il y avait eu un phénomène imprévu à bord de l'Unicorn, et pour découvrir sa nature, il fallait retrouver son épave. Otto pris soin de broyer le message et de purger les mémoires des tubes à vide du hérisson, mais dans l'excitation, il oublia de rebrancher l'électroencéphalographe. S'il l'avait fait, il se serait aperçu que les niveaux des ondes cérébrales atteignaient désormais la moitié de ce qu'ils étaient lors de l'utilisation de l'unité cognitive.
Dernière édition par gaba le Mar 26 Fév - 2:37, édité 1 fois | |
| | | gaba
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| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Ven 16 Déc - 17:18 | |
| Atterrissage forcé
La guerre avait éclaté subitement. Pour la première fois dans l'histoire, les Mondes-Unis et les territoires soviétiques s'affrontaient directement et non plus par protectorats interposés. Les russes avaient commis une erreur, en bombardant une colonie britannique, ils avaient détruit une frégate américaine. L'administration des Mondes-Unis n'avait plus le choix, les pacifistes du congrès ne pouvaient plus s'opposer et les anti-communistes avaient enfin le prétexte dont ils rêvaient.
La nouvelle arriva sur Arena, par la voix du président des Mondes-Unis lui-même. Son discours parlait de la défense de la patrie, de la protection des valeurs nationales, du rêve américain qu'il faudrait défendre avec le sang. Il cita quatre fois l'USS General Grant, rendant hommage à son équipage, mais il ne dit pas un mot sur le bombardement de New Cardiff, comme si l'attaque russe avait été dirigée directement contre l'Amérique. Il encouragea enfin les soldats de l'armée et de la flotte, les assurant du soutien de la nation.
Deux heures plus tard, le ciel d'Arena s'emplit d'étoiles éphémères alors que les vaisseaux américains et soviétiques s'échangeaient leurs premiers obus. Les deux croiseurs Roosevelt étaient de la bataille, celui du capitaine Johnson couvrant son jumeau qui fournissait un appui au sol. « Éclairs de tirs signalés sur le cuirassé chinois à bâbord, capitaine. - Notez les coordonnées précises et donnez ça aux UC d'artillerie. - Il faut faire une manœuvre d'évitement ! - Pour cela il faudrait qu'ils nous tirent dessus spécifiquement, lieutenant Ford, et vu le nombre de cibles à leur portée c'est très improbable. - Sauf votre respect, capitaine. Je préfère les certitudes. - Et bien moi, j'ai la certitude qu'on n'a pas manœuvré depuis plus de cinq minutes, et que si on le fait maintenant on perdra l'avantage de la furtivité. Si ça arrive, le cuirassé nous ajoutera à son tableau de chasse, ceci est aussi une certitude. » Le capitaine Johnson fixa son subordonné du regard. Même en quasi apesanteur et alors que Ford occupait un poste deux mètres plus haut dans l'espace sphérique de la passerelle, ce regard parvint à le rabaisser. Son autorité rétablie, l'humeur du capitaine se radoucit : « Enseigne Baritoni, veuillez redéployer les plaques de blindage vers bâbord et leur donner un angle de quarante-cinq degrés. » L'officier s'exécuta sur son clavier, envoyant les instructions sous forme d'impulsions électriques au cerveau d'un hérisson, qui à son tour transmit des ordres aux moteurs des bras soutenant les plaques de blindages. Les écailles d'acier hexagonales du Frank se décalèrent vers le côté du vaisseau faisant face à la menace, et s'orientèrent de façon à ce que les obus ricochent dessus plutôt que de les pénétrer. « Voilà qui rassurera notre ami Ford ! » lança le capitaine à la cantonade, suscitant le rire des officiers présents. La moquerie était là pour dissiper la tension, autant que pour signifier au lieutenant que son insubordination était pardonnée. C'était le style de commandement de Johnson, jonglant entre autorité et amabilité, sachant être pris au sérieux sans pour autant paralyser le dialogue avec ses subordonnés. Il acceptait et prenait en compte leurs objections, mais uniquement hors opération.
Vingt minutes plus tard, il était devenu clair que les obus chinois ne leur étaient pas destinés. « Vous voyez, Ford ! On ne courait aucun risque. - Capitaine, la trajectoire supposée du cuirassé va croiser la nôtre à moins de cinquante kilomètres de distance. » Johnson se pencha sur le diagramme de combat, une simple planche graduée sur laquelle les trajectoires supposées des bâtiments voisins étaient représentés par des cordelettes tendues sur des punaises. L'une d'elles, de couleur rouge, passait effectivement très près de la cordelette blanche qui représentait le Frank. Les tirs du cuirassés ne pourraient être évités à une telle distance. À moins que ... « Timonier, rotation de cent quatre-vingts de lacet bâbord. Utilisez les anneaux seulement. »
L'équateur d'Arena s'était embrasé. Sur le douzième méridien, le sergent Nixon menait ses hommes à travers les dunes. Malgré l'heure tardive, la chaleur était accablante, et le soleil qui frappait les armures des soldats n'arrangeaient pas les choses. Les soldats étaient presque aussi larges que hauts, les épaisses protections d'acier allégées à la matière négative avait rendus obsolètes la plupart des armes utilisées pendant la grande guerre terrestre. Les fusils, les mitrailleuses et les shrapnels ne pouvaient pénétrer les armures, et seuls les fusils lourds M5 ou leurs équivalents russes SVT-55 étaient utiles contre les plaques de blindage de cent millimètres d'épaisseur. En sacrifiant un peu de souplesse et le sens de l'esthétique, les soldats de l'ère spatiale étaient devenu aussi solides que les chars de la grande guerre. Mais sous le soleil d'Arena, l'allié le plus précieux du soldat se transformait en son plus redoutable ennemi. Le caporal Downey s'arrêta à couvert des dunes pour la quatrième fois de la journée, retira son casque et entreprit de nettoyer la grille de ventilation encrassée par le sable. Le bruit des obus brisants lui parvenait plus nettement qu'au travers du heaume et un sifflement se fit soudain plus intense que les autres. Sachant à quoi s'attendre, Downey baissa la tête et ferma les yeux. La détonation assourdissante fut suivie d'une pluie de sable qui retomba notamment dans le col exposé du caporal. « Raah fait chier ! Pesta-t-il. Ça va me gratter pendant toute la bataille. - Tu vas devoir faire avec, répondit Nixon qui l'avait rejoint dans son abri, pas question de la retirer. - C'est gentil de vous préoccuper de ma survie, sergent, mais je crois qu'on risque plus une insolation qu'autre chose. - Dans ce cas donne moi tout de suite les cinquante nég-dollars que tu me dois. - Désolé sergent, j'ai pas pensé à amener mon porte-feuille. » Répondit Downey avec un sourire. Le caporal avait parié à Nixon que ce seraient les russes qui lanceraient la première offensive sur Arena, la possibilité qu'ils portent leur premier coup sur un autre monde ne l'avait pas effleuré. Il remit son casque en espérant qu'il n'aurait pas à répéter l'opération avant au moins une heure et arriva à se débarrasser de la majeure partie du sable de son armure, via une trappe conçue pour d'autres usages. Il ramassa enfin son fusil lourd M5 et s'adressa aux soldats qui les suivaient : « Allez les bleus on se bouge le derrière ! Il faut atteindre ce bunker avant la tombée de la nuit. » Les nouveaux arrivants sortaient à peine de leurs classes. Ils savaient monter et démonter leurs armes les yeux bandés, lustrer leurs armures pour la parade et tirer sur des cibles immobiles dans le calme, un genou à terre et en prenant le temps de viser. Tout ce qu'il ne fallait pas faire dans un vrai combat. Le sergent Nixon passait son temps à corriger les erreurs des bleus, au risque de se faire repérer lui-même par ses cris. « Jackson, reste pas planté là ! Baisse la tête ! ... Donovan, fait gaffe aux reflets de ton casque ! Reste sur le versant ombré des dunes ! … Harvey, ton M5 va s'enrayer comme ça ! » Le soldat Harvey avait plongé le canon de son arme au sommet de la crête d'une dune, seule l'extrémité qui dépassait de l'autre coté était visible des russes. Le bleu avait compris le concept du couvert, mais n'avait pas apprivoisé le sable. Son fusil lourd ne s'enraya pas, le projectile, une munition de calibre vingt à tête creuse, surgit en direction des lignes ennemies à une vitesse supersonique. Ce fut le compensateur de recul qui trahit Harvey. Le piston hydraulique ensablé se grippa, et le soldat reçut toute l'énergie cinétique du recul. Il fut projeté en arrière et retomba sur le versant éclairé d'une dune, son armure brillant de mille feux sous le soleil d'Arena à peine atténué par le couchant. Le soldat eut à peine le temps de se relever qu'il fut cueilli par trois tirs en pleine poitrine, déchiquetant successivement les couches de son armure puis sa cage thoracique. Première perte de la journée, pensa Dick, ce ne serait pas la dernière.
En l'absence de référentiel proche, le Frank, poussé par son élan, paraissait dériver lentement au dessus d'Arena. En réalité la vitesse nécessaire pour se maintenir en orbite était prodigieuse, et alors que le cuirassé chinois était encore à des centaines de kilomètres de distance, il ne faudrait que quelques minutes encore pour que les deux vaisseaux se croisent. Si bien sûr le cuirassé maintenait son cap, comportement sur le quel Johnson avait parié. En apparence, le bâtiment chinois était dans la meilleure position : la courte portée priverait le croiseur plus léger de son avantage de manœuvrabilité. Ajouté à ça le fait que le vaisseau américain franchirait le premier le croisement des trajectoires, et la cible serait parfaite, exposant sa poupe aux tirs dès que l'ennemi passerait derrière lui. Mais c'était la proue du Frank qui faisait désormais office d'arrière. La manœuvre de demi-tour effectuée grâce aux anneaux de couple avait pris un temps considérable, dix fois plus long qu'en utilisant les réacteurs d'étrave, mais avec l'avantage de n'émettre aucune flamme susceptible d'être repérée. « Lieutenant Ford, où en est-on ? - Le cuirassé est bientôt à portée de tir optimale, capitaine. - Bien, préparons nous à le recevoir. Baritoni, veuillez orienter notre blindage de façon optimale. - Dois-je prendre en compte les reflets du soleil ? - Inutile de s'en inquiéter, enseigne. Montrons leur nos écailles et ils viseront avec une précision accrue l'endroit où nous ne sommes pas. » Quelques sourires émergèrent des visages tendus du personnel de la passerelle. « Bon, activez le protocole d'accélération. » Ordonna Johnson. Aussitôt un signal sonore accompagné d'une lumière bleue inonda la passerelle, comme le reste du vaisseau. Les membres d'équipages se sanglèrent aux fauteuils de sécurité et resserrèrent les attaches de leur casque, prêt à supporter la poussée des moteurs Von Braun.
La passerelle se fit silencieuse dans l'attente des événements. Plusieurs minutes passèrent alors que le capitaine gardait les yeux rivé sur les tubes cathodiques. Les écrans n'affichaient qu'une fine pluie de parasite sur fond noir, avec la bande jaune d'Arena au bas de certain d'entre eux. Il était impossible de voir le vaisseau chinois par ce biais, mais le but n'était pas de le localiser avec précision. « Éclairs de tir ! » S'exclama Ford. Aussitôt la passerelle passa de l'état statique à l'agitation totale. « Timonier, poussée maximale. Ford, intégrez les coordonnées à l'UC d'artillerie. Mettez en ligne les propulseurs verticaux et de roulis. » Les ordres du capitaine furent exécutés aussitôt prononcés et, tandis que toute personne à bord était écrasée dans son fauteuil par l'accélération, le Franklin Delano Roosevelt ralentissait brusquement. À quelques centaines de mètres derrière sa poupe, les obus à pointe creuse envoyés par le cuirassé chinois reflétaient le souffle embrasé des moteur Von Braun. La salve avait été tirée de façon légèrement dispersée comme c'était l'habitude dans les combats spatiaux : les artilleurs prenaient en compte l'imprécision de la trajectoire évaluée de la cible, ainsi que ses possibilités de manœuvre pendant que les obus parcouraient la distance qui séparait les deux vaisseaux. Considérant que les propulseurs principaux étaient beaucoup plus puissant que les moteurs de manœuvre, les artilleurs chinois avaient élargi la salve sur l'avant de la trajectoire, là où se serait trouvé le croiseur américain s'il avait accéléré proue vers l'avant. « Aucun impact, capitaine. » Articula difficilement l'enseigne Baritoni, les poumons écrasés par l'accélération. « Bien, stoppez les moteurs principaux et activez les propulseurs de quille » La gravité changea de direction vers le bas et diminua d'intensité, représentant le tiers de celle à la surface d'une planète alors que le vaisseau surcompensait la perte de vitesse orbitale, s'élevant légèrement d'altitude. « Lieutenant Ford, c'est à vous. - Feu des batteries bâbord. » L'ordre fut suivit quelques secondes plus tard d'une vibration sourde qui se propagea dans l'armature du bâtiment. « Impacts multiples sur la cible, annonça Ford à peine trente secondes plus tard, nombreux scintillement de débris. J'entre les coordonnées. - Notre salve suivante sera bien plus précise, commenta Johnson, timonier, entamez le retournement. - Cent quatre-vingts degrés de roulis bâbord, confirmé. » Les moteurs de quille furent coupés et la gravité à l'intérieur du vaisseau redevint minimale, puis les moteurs d'étrave entreprirent de le faire basculer sur le coté. La manœuvre achevée, les canons tribords étaient désormais en position de tirer à leur tour sur le cuirassé, et déjà chargés et pointés précisément. Les flammes jaillirent de leurs bouches, propulsant une salve d'obus directement vers la poupe de leur cible. Le tir était cette fois plus concentré grâce à la précision de la trajectoire évaluée à partir de deux points de repère visuels, et plus du tiers des projectiles trouvèrent leur cible. Les plaques de blindage ne purent les arrêter tous, et tandis qu'elle volaient en éclats, certains trouvèrent la coque, ainsi que les propulseurs principaux du cuirassé juste en dessous … et leurs réservoirs. L'explosion satura les écrans de la passerelle du Frank, mais ni le capitaine ni aucun membre d'équipage ne s'en souciait. « On a touché la sainte-barbe ! » Jubila Baritoni. « Non, les munitions sont stockées plus vers la proue sur les bâtiments chinois, la contredit Ford, ça doit être le carburant. » Alors que les caméras retrouvaient leur sensibilité, Johnson vit que le cuirassé brûlait toujours. Dans le vide, il n'y avait qu'une seule explication possible. « C'est le comburant en fait. Et vu la capacité des réservoirs d'un vaisseau de cette classe, il n'est pas prêt de s'éteindre. - On l'achève, capitaine ? - D'autres le feront, c'est une cible évidente. Occupons nous plutôt de rétablir une vitesse orbitale et de changer de trajectoire. Avec cette torche géante à coté de nous, personne ne verra nos propulseurs de manœuvre. »
Quelques kilomètres en dessous du Frank, son croiseur jumeau orbitait tout feux éteints au dessus de l'équateur, prêts à apporter un soutien orbital là où on le lui demanderait, à condition d'être hors de vue des dizaines de bâtiments russes qui n'attendaient que de repérer les lueurs de ses canons. Le rôle de l'unité LW-34-JAF était déterminant dans ce jeu d'échecs orbital où chaque pièce n'était déplacée qu'après mûre réflexion. Comme un joueur qui tâchait de déplacer ses pions sans découvrir son roi, JAF devait déterminer le moment des tirs d'artillerie, afin qu'ils puissent atteindre leur cible désignée à la surface, sans que l'ennemi ne puisse voir les flammes sortant des canons. Mais le soutien des troupes au sol n'était pas actuellement la priorité du général Diaz : « Combien de temps avant la face diurne ? - Quinze minutes mon général » Lui répondit le timonier. « Et nous ne pouvons toujours pas manœuvrer ? - Cette frégate ukrainienne est toujours au dessus de nos têtes, elle nous pilonnerait aussitôt. - On est dans la merde » répondit Diaz à voix basse, pour lui-même. Il s'était fait piéger comme un bleu et il en avait honte. Jamais son croiseur n'aurait dû se retrouver dans cette situation. Ce n'était pourtant pas son premier soutien orbital, il était sensé connaître les tactiques à appliquer pour éviter de tels problèmes. Mais concentré sur les objectifs au sol, il avait négligé de surveiller l'espace, négligé la frégate qui suivait une trajectoire parallèle à celle du Théodore Roosevelt en orbite plus haute. Il avait admiré les manœuvres de Johnson au dessus de lui, la façon dont il avait vaincu un ennemi le surclassant, et comment il s'était servi du couvert de sa combustion pour retrouver la furtivité qui le protégerait. Mais il n'avait pas été seul à manœuvrer à l'abri de l'épave chinoise, le capitaine ukrainien en avait profité pour se mettre dans une situation très avantageuse vis à vis de sa cible. Dans quinze minutes, le Teddy émergerait de la face nocturne d'Arena et se découperait au dessus du désert, cormoran noir au dessus d'une mer d'ocre. Toute manœuvre pour rejoindre une orbite haute ou pour rester au dessus de la face nocturne nécessiterait l'allumage des moteurs Von Braun et donnerait une localisation précise à leur ennemi.
Le bunker russe n'était qu'a deux cents mètres, ses murs de béton prenant la même teinte orangée que le sable sous la lumière du soleil couchant. Dick et Downey avaient réussi à amener la majorité des bleus jusqu'ici, où la difficulté commençait réellement. Cette fois les canons soviétiques cherchaient à se pointer directement sur eux, et il fallait sans cesse bouger, slalomer entre les dunes tout en restant sous leurs crêtes. Les bleus avaient heureusement appris plus ces dernières heures que durant leurs classes, et ne répétaient pas les erreurs de leurs infortunés camarades. Tandis qu'il progressaient à couvert d'une dune en croissant, celle-ci éjecta du sable en une dizaine d'endroits, et autant d'ennemis apparurent, leurs fusils lourds pointés, des rivières de grains de silice s'écoulant de leurs armures. La salve fut meurtrière pour les américains, mais Nixon s'était déjà plaqué au sol. il se releva rapidement et ajusta son tir sur la tête d'un ennemi qui essayait de se dégager entièrement du sable. Le casque fut brutalement déformé mais résista au projectile, en revanche son contenu écrasé jaillit par les fentes oculaires et le sergent fut aspergé de cervelle Les russes avaient compté sur une surprise totale, et désormais qu'ils étaient empêtrés dans le sable jusqu'aux genoux, immobilisés et rechargeant fébrilement, ils constituaient des cibles faciles pour les hommes de Nixon. Les soldats Donovan et Jackson l'imitèrent et entreprirent d'éliminer toutes les menaces en quelques secondes. Après s'être assuré de l'absence de danger, le sergent se remit complètement debout, se débarrassa de la bouillie de cervelle qui maculait son armure et appela : « Downey ! Combien de morts ? … Downey ? » Aucune réponse ne lui parvint. Il regarda autour de lui, seuls deux autres soldats étaient debout. Il les ignora pour chercher son caporal. Il reconnut finalement les marques du grade sur une épaulière isolée et retrouva le reste du corps deux mètres plus loin. Les impacts de projectiles avaient désolidarisé la plupart des pièces de l'armure, et la chair qu'elle protégeait avait subi le même sort. Les blessures infligées à Downey ressemblaient plus à l'effet d'un tir d'artillerie qu'a celui de la salve de fusils lourds, avec cette particularité de montrer très peu de sang, chaque morceau ayant été cautérisé par des brûlures. « Je peux dire au revoir à mes cinquante billets » Nixon prononçait ainsi la seule oraison funèbre que recevrait le cadavre avant d'être recouvert par le sable. Le sergent se rappela soudain qu'il n'était pas seul, il se tourna vers les deux bleus survivants. « L'un d'entre vous a-t-il vu la radio quelque part ? - Je l'ai récupéré sergent, répondit Donovan, elle fonctionne encore. - Très bien, tu es désormais en charge de la radio, quand à toi Jackson, te voilà caporal. » Jackson hésita avant de répondre : « Merci mais qu'est-ce qu'on fait maintenant ? - On ne fait rien, on ne bouge pas. Si les autres escouades ont eu le même genre d'aventure on est mal barré. Donovan, contacte moi ces foutus gradés, il nous faut une frappe orbitale si on veut s'en sortir. »
« Une demande de tir aux coordonnées douze degrés Est, zéro point un degré Sud, mon capitaine. - C'est pas vraiment le moment ! » Le capitaine Diaz tournait en rond sur la passerelle, conscient des regards qui pesaient sur lui. Les officiers présents lui accordaient toute leur confiance, et il allait la trahir d'ici quelques minutes s'il ne trouvait pas de solution. Et il n'en existait aucune.
Les regards pleins d'espoir s'étaient mués en têtes baissées de résignation, et tous s'attendaient à voir le soleil une dernière fois, lorsque le Teddy franchirait la limite du crépuscule. Alors le capitaine parla : « Messieurs, je ne crois pas que nous sortirons vivant de cette bataille. Mais je tiens à ce que nous accomplissions notre devoir jusqu'au bout. Il y a des américains en bas, et grâce à nous ils ont l'espoir de survivre à cette journée. » Personne ne protesta, et après quelques secondes il reprit : « Maître artilleurs, veuillez charger les coordonnées dans la mémoire de votre unité cognitive » L'officier s'exécuta, faisant bouger un curseur mobile sur un tableau représentant schématiquement le monde d'Arena à l'aide de molettes, et l'aligna sur les coordonnées de la cible. Deux faibles courants électriques dont la fréquence représentait ces coordonnées parcoururent les câblages de cuivre sur des dizaines de mètres, sortant de la passerelle pour aboutir au secteur des unités cognitives, puis directement dans l'ancienne aire visuelle du cerveau de JAF.
Le calcul de solutions pour l'artillerie était d'ordinaire beaucoup plus simple que celui d'une trajectoire pour un tunnel de contraction, et quelques secondes suffisaient à une unité cognitive entraînée pour le faire. Mais le conditionnement de JAF était récent, et des processus cognitifs parasites ralentissaient encore les calculs. Pourtant une unité cognitive mieux entraînée, plus à même d'intégrer la sécurité du vaisseau, n'aurait pas trouvé de solution dans cette situation.
Les minutes semblaient durer des heures sur la passerelle, où tous les regards étaient tournés vers le poste d'artillerie. La machine s'agita enfin, faisant entendre le bruit des tampons encrés frappant à toute vitesse une feuille de papier. L'impression semblait durer plus longtemps que la normale, et lorsque la feuille sortit enfin, le maître artilleur qui s'attendait à quelques lignes fut surpris par le texte qui couvrait presque toute la page.
Quelques kilomètres au dessus du croiseur américain, la frégate ukrainienne Odessa épiait sa proie, dans l'attente d'une erreur fatale qui lui permettrait de la cibler. Ses canons étaient déjà orientés dans la direction du signal gravitationnel, attendant juste une localisation plus précise dès que le croiseur émergerait de la face nocturne ou manœuvrerait pour y rester. Le signal attendu arriva sous la forme d'une lueur jaunâtre, indiquant une activité des moteurs Von Braun de manœuvre. Les unités cognitives affectées aux prédictions de trajectoire reçurent les données ayant trait à l'intensité, la durée et l'orientation des signaux thermiques. Associée à la masse de leur cible, une donnée fournie par les capteurs gravitationnels, ces informations permirent de savoir que le Teddy ralentissait et et que sont altitude diminuait. Des dizaines de canons crachèrent leur charge mortelle, reculant les uns après les autres dans la coque de la frégate, et la salve s'ajouta à la pluie d'obus qui transperçait le ciel d'Arena, la première précipitation depuis des millions d'années. Les projectiles passèrent loin devant le Teddy, et ne voyant pas les impacts, les artilleurs ukrainiens s'inquiétèrent. Les données du tir furent réexaminées, afin d'y déceler une erreur de calcul, mais il n'y en avait pas. Le capitaine demanda une prévision du point d'impact à la surface de la planète. On lui répondit : « Douze degrés Est, zéro point un degré Sud. »
Le sifflement que génère un obus d'artillerie navale transperçant l'atmosphère est sensiblement différent du son que produisent les projectiles terrestres, et Dick Nixon avait l'oreille suffisamment entraînée pour le reconnaître. Il s'adressa à Jackson et Donovan : « Couchez-vous et mettez vos bouchons d'oreille, l'impact va être sérieux cette fois. Et on devra pousser en avant aussitôt qu'il sera passé. » L'impact souleva une vague de sable, et tandis que la partie en surface du bunker russe se volatilisait, les soldats autour étaient écrasés et noyés dans ce tsunami minéral. Le sable recouvrit aussi les américains, mais l'épaisseur en était plus faible, et le sergent Nixon n'eut aucun mal à en ressortir. Devant lui le paysage avait été complètement chamboulé, les dunes avaient disparus, remplacés par un large cratère au centre duquel se dressait ce qui restait du bunker. Le sergent se tourna vers ses deux hommes qui s'extirpaient du sable : « Les gars, on est presque arrivé. »
« On est presque arrivé. » La voix du capitaine Diaz était à peine audible, noyée dans les grincements de métal. La passerelle vibrait avec une telle intensité qu'elle avait jeté à terre un des officiers. Les autres étaient fermement cramponnés à leur siège, ceinture bouclée, à part le timonier qui essayait tant bien que mal de tenir la barre tout en se tenant à elle. Ils venaient d'échapper à la mort mais un autre péril était apparu, conséquence de la manœuvre audacieuse qu'avait entrepris le Teddy. Tout en prononçant ses encouragements, le capitaine prenait mentalement des notes sur la situation. Le freinage atmosphérique était une bonne idée au départ, le croiseur avait fortement ralenti, sans utiliser les rétrofusées qui auraient été visible de l'ennemi. Les canons de l'Odessa avaient reçu une mauvaise estimation et tiré trop en avant de la trajectoire. Mais à présent le croiseur subissait les frottements de l'air poussiéreux, chaque particule striant la peinture noire des plaques de blindage. Les bielles qui les portaient menaçaient de s'arracher sous la pression. Plus dangereux encore, les ballasts soumis aux forces contraires du champ de gravité menaçaient de déchirer le bâtiment sur toute sa longueur. Les poutres verticales commençaient à grincer et a gémir sous la contrainte de milliers de tonnes négatives cherchant à s'échapper. En prévision de ce cas de figure, les ingénieurs de chez Ford avaient installé un système de largage des ballasts. Un levier sur le panneau de commande du capitaine, protégé par un boîtier fermé à clé et un verrou à code. Les ingénieurs avaient pensé à la sécurité plutôt qu'à l'urgence. Diaz se débattait d'une main avec la chaîne accrochée à son cou, passant les différentes clés en revue (la même logique avait présidé à la conception de tout le vaisseau) et tournait les roues du code de son autre main. Cinq clés et deux codes erronés plus tard, le capitaine atteignit finalement le levier de largage. Deux cylindres de métal émergèrent du croiseur, emportant avec eux quelques plaques de blindages. Le ballast de quille accompagna un instant le vaisseau qui venait de l'enfanter, puis son inertie considérable le rendant peu sensible au freinage atmosphérique, il devança ce dernier dans sa chute. Le cylindre émergeant de la partie supérieure de la coque fila à toute vitesse en altitude pour s'enfoncer dans l'espace, loin de toute influence gravitationnelle. Le vaisseau ralentit encore, les vibrations se calmèrent peu à peu, et l'équipage crut être sorti d'affaire … Jusqu'à ce qu'il atteigne les vents chargés de sable de la basse atmosphère. Les plaques de blindages ne résistèrent pas, les couches s'arrachèrent une à une, et quand le bâtiment glissa enfin sur les dunes qui achevèrent sa décélération, la coque était à nu, lissée par l'érosion, d'où ne dépassait que quelques tiges métalliques dépourvues des plaques qu'elles portaient auparavant.
Dernière édition par gaba le Mar 26 Fév - 2:44, édité 1 fois | |
| | | gaba
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Personnages RP Pseudo: Abeline Lamesain Pseudo : Pseudo :
| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Mar 10 Jan - 14:03 | |
| Tempête au soviet
« La nation Ukrainienne ne peut supporter ce conflit ! - Si vous persévérez dans cette voie, la Chine se désolidarisera du Komintern ! - L'industrie du Kazakhstan est à peine autosuffisante, ne comptez pas sur nous pour vous fournir quoi que ce soit. - Les planètes bielorusses sont trop proches de l'espace américain, nous ne pouvons soutenir la Russie qu'au prix de lourdes pertes. » La salle accueillant les réunions du soviet suprême semblait être remplie d'une foule furieuse, malgré que seulement cinq personnes l'occupaient, les cinq hommes les plus importants des territoires soviétiques. Les regards de quatre d'entre-eux étaient braqué sur le cinquième, qui supportait cette levée de boucliers sans broncher. Russie laissa passer la tempête, les bras croisés, diluant par son calme imperturbable la fureur de ses interlocuteurs. Quand les quatre autres se furent apaisées faute de trouver une cible à leur colère, il prit la parole comme s'il ouvrait la séance : « Messieurs, je dois vous parler d'une affaire de la plus haute importance. Je vous ai jusque-là dissimulé certains faits et je m'en excuse, mais je ne pouvais pas les révéler sans en être sûr de leur signification. - C'est ce qu'on attend tous, l'interrompit Ukraine, j'espère qu'ils justifieront votre décision de nous plonger dans ce conflit, mais j'en doute ! - Cette guerre a été déclenchée par un malheureux hasard et j'en suis le premier navré. - Voulez-vous dire que le Vladivostok a agit sans ordres ? Son capitaine n'était-il pas loyal ? - Son capitaine était tout ce qu'il y a de plus loyal et discipliné, et les commissaires de bord ne l'auraient jamais laissé faire un pas de travers si ça n'avait pas été le cas. Je ne connais pas avec exactitude ce qui s'est déroulé à bord de ce vaisseau, mais j'ai une théorie assez cohérente. - Nous aimerions bien l'entendre » dit Chine sur un ton sarcastique. « Et bien je pense que le Vladivostok est passé sous le contrôle d'une partie du personnel à bord. - Une mutinerie ? Une trahison ? - Pas tout à fait, puisque l'usage dans la Flotte veut que ce personnel ne soit pas considéré comme faisant partie de l'équipage. De plus, les nouveaux maîtres du vaisseau n'ont pas volontairement desservi les intérêts des territoires soviétiques, n'ayant pas assez de volonté pour ça. - Mais de qui parlez-vous donc ? - Des unités cognitives bien sûr ! » Un long silence suivit cette déclaration. Les regards incrédules tournés vers Russie, les quatres autres dirigeants se demandaient s'il n'était pas devenu fou. Puis Chine brisa le silence : « Les unités cognitives sont des machines. Des machines humaines, certes, mais incapables de la moindre initiative ! - Croyez-vous ça, rétorqua Russie, vous pouvez continuer à fermer les yeux, mais depuis que j'ai mis un cabinet spécial sur cette affaire des dizaines de rapports concernant des activités non sollicitées d'unités cognitives y remontent chaque jour. - Je n'ai jamais rien observé de semblable dans la Flotte chinoise, ni dans notre administration... - C'est parce que vous n'avez vu que ce que vous vouliez voir : les bruits parasites sur les électroencéphalogrammes, les stimuli dus à l'électricité statique, les vibrations des vaisseaux et les variations de champs gravitationnels sensés perturber le fonctionnement du cerveau et autres théories fumeuses comme l'influence du rayonnement cosmique sur les neurotransmetteurs ! Elles sont intelligentes ! Pas autant que des humains mais bien plus que des machines à cartes perforées et tubes à vide ! - Mais même si ce que vous dites se vérifie, les hérissons ne sont jamais connectés directement aux systèmes de manœuvre et de tirs des vaisseaux. Tout passe par l'intermédiaire des officiers de passerelle ! - C'est pourquoi nous devions faire des tests de branchements en direct. Le Vladivostok accueillait l'une de ces expériences. » À ces mots les quatre chefs d'état furent paralysés. Ukraine perdit toute contenance, Chine son air sarcastique et Kazakhstan son cigare. La braise tombée sur les genoux de Bielorussie lui arracha un cri de douleur et de surprise qui résonna dans le silence consterné. Ce fut Kazakhstan qui reprit la parole, demandant d'une voix lente et appuyant tous ses mots : « Vous avez branché directement un unité cognitive sur l'artillerie d'un vaisseau ? En soupçonnant déjà qu'elle serait capable d'initiative ? - Rien de tel, l'expérimentation a eu lieu sur un domaine beaucoup moins sensible. Une seule unité était impliquée, et son rôle se bornait à transmettre les informations de signatures massiques directement aux vigies. Aucune relation avec les systèmes de propulsion, de manœuvre et encore moins de tir. - Pourtant le Vladivostok a tiré deux salves, rétorqua Bielorussie, comment l'expliquez-vous ? - L'hypothèse la moins farfelue que mes spécialistes ont énoncé est que l'unité ayant appris à interagir directement avec un élément du bâtiment , elle a très bien plus prendre le contrôle d'autres éléments, via les circuits d'alimentation électriques dont le réseau est commun à tout le vaisseau. - Vos spécialistes ont-ils vérifié cette hypothèse ? - Ils n'en ont pas eu l'occasion. On ne savait pas exactement qui de l'équipage ou de l'unité contrôlait le bâtiment. Il y avait trop de risques. Trop de témoins également. Nous avons du faire le ménage. » | |
| | | gaba
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Personnages RP Pseudo: Abeline Lamesain Pseudo : Pseudo :
| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Lun 6 Fév - 4:17 | |
| L'épave
Le nombre d'étoiles dans la voie lactée a été évalué à cent-milles, et la très grande majorité d'entre-elles possèdent un système planétaire. Pourtant, seule une infime fraction de ces planètes peut abriter la vie, et celles qui l'abritent effectivement sont plus rares encore. Quand à celles qui possèdent une atmosphère respirable pour l'homme, elles sont moins d'une centaine et n'ont souvent aucune autre des qualités qui les rendraient plus hospitalières. L'une de ces planètes gravitant autour d'une petite étoile en fin de vie avait non seulement une pression atmosphérique et un taux d'oxygène suffisant, mais également une gamme de températures compatible avec la présence d'eau liquide. Mais la planète était sèche et ne devait son atmosphère qu'a sa naissance dans une nébuleuse riche en gaz vital. Sa colonisation nécessiterait trop de transports d'eau, de végétaux et de vivres pendant de longues années avant d'atteindre le stade d'écosystème indépendant. S'il était possible qu'un signe quelconque de présence humaine soit présent à la surface, ce ne pouvait être de façon volontaire. Et c'était bien contre la volonté de son équipage que l'épave d'un croiseur stellaire russe s'était retrouvée sur cette planète.
Grâce à ses unités cognitives, le RRS Rommel avait pu remonter la piste de la dernière émission radio de l'Unicorn, déterminant la position des astres sur son chemin et la déviation que leur masse lui imposait au moment exact où l'onde électromagnétique passait passait dans leur champ de gravitation. L'épave du vaisseau se trouvait juste à la verticale du Rommel, avec les réponses que son équipage était venu chercher. Le Baïkal et l'Unicorn ne faisaient-ils qu'un ? Par qui s'était-il fait attaquer ? Et pour quelle raison ? Ces questions se bousculaient dans la tête d'Otto Lüxembourg, mais il y en avait une plus importante encore : Qu'est-ce qui pouvait bien pousser les soviétiques à mener une guerre destructrice qui pourrait les faire disparaître ? Il pressentait que la réponse se trouvait toute proche, à huit cent kilomètres sous ses pieds. « Herr Lüxembourg, la navette est prête. - J'arrive. »
Sans eau liquide, la planète ne connaissait pas l'érosion et sa surface était grêlée de cratères d'impact se recouvrant les uns sur les autres. Seule variation dans le paysage, une tranchée creusée par l'épave lors de son crash, telle un sillon géant labouré par la charrue céleste qui indiquait le nord sur DeutchWelt, et dans lequel avait été semé divers morceaux de métal déchiquetés et carbonisés. L'épave en-elle même était resté d'un seul bloc, légèrement incliné à tribord, la proue enfoncée dans l'amas de pierres qu'elle avait arraché du sol. Accompagné des deux hommes d'équipage de la navette, Otto se dirigeait vers le vaisseau, cherchant une ouverture praticable. Il en trouva une, sous la forme d'une large déchirure de la coque donnant sur une coursive et les trois hommes s'y engagèrent. « Nous y sommes, ne touchez à rien et faites attention où vous mettez les pieds. Ordonna l'officier de liaison. C'est peut-être instable. - Bien herr. Répondit le navigateur, avant de préciser : Le Rommel nous signale qu'ils passent l'horizon. Silence radio pendant trois heures et quarante minutes. - Ça nous laisse le temps de tout fouiller si on se sépare. Prenez chacun un coté, bâbord ou tribord. Je me charge de la passerelle. »
Accéder à la passerelle ne fut pas une mince affaire, les coursives étaient souvent bloqués par des éboulements quand elles n'étaient pas éventrées par la déflagration d'un obus. Lüxembourg dut contourner ces obstacles à plusieurs reprises, plus souvent en rampant et escaladant qu'en marchant, et arriva enfin sur le pont en sautant par dessus une poutre de matière négative, veillant à ne pas rompre son équilibre précaire qui la retenait de défoncer la coque supérieure. Il ne restait presque rien de la passerelle, le dome vitré avait disparu, tous les équipements avaient été emportés dans le vide, et il n'en subsistait que quelques câbles dénudés sortant du sol en bouquets. La barre avait résisté à l'aspiration du vide, mais pas au crash, Otto la retrouva brisée, arraché de son support et enfoncée dans une cloison. L'inscription gravée sur la grande roue de bois était parfaitement lisible : "Baïkal" "Baïkal" et non "Unicorn", si ces deux noms se rapportaient au même bâtiment, son équipage n'en avait pas rebaptisé les équipements, peut-être par manque de temps.
Mais dans la salle des unités cognitives attenante au pont, l'officier de liaison remarqua tout de suite le nom de l'Unicorn sur les dernières feuilles du journal des unités cognitives. Le paquet de feuilles était resté miraculeusement dans le bac en dessous de la machine qui les avait tapé. La machine en elle-même n'avait pas de clavier, mais était reliée par des câbles au crâne d'un hérisson resté bloqué dans son support de tête, séparé du reste de son corps momifié éjecté de son siège lors du crash. S'intéressant de plus près au journal, Lüxembourg entreprit d'en feuilleter les dernières pages. Ce qu'il lu alors le stupéfia. Il avait bien remarqué les câblages particuliers reliant les unités cognitives entre elles et avec d'autres équipements, mais ce n'était pas un grand secret. Le Reich travaillait aussi sur des hérissons à connexion directe, de même que les Mondes-Unis, et pour les soviétiques, une telle recherche ne valait pas le coup de risquer une guerre. En revanche, le contenu du journal expliquait parfaitement l'attitude des russes en particuliers. Otto prit les cinq dernières pages, puis sortit de la pièce, et s'immerga dans les profondeurs du bâtiment.
Le capitaine Bremer était connecté directement à la plupart des systèmes du Rommel, et malgré son immobilité forcée il était presque omniscient dans tout le vaisseau, et dans l'espace alentours. Il aperçu par conséquent le retour de la navette bien avant qu'on ne le lui signale, et surprit l'officier chargé des communications par son ordre : « Prenez contact avec la navette, et demandez à Lüxembourg la raison de son retour si rapide. - Quoi... euh oui capitaine. » Peu après la voie du pilote retransmise par TSF résonna sur la passerelle : « Capitaine, au rapport. - Passez-moi l'agent de liaison. - Je suis là, herr Bremer, répondit Otto, êtes-vous si impatient de me parler que vous n'attendez même pas notre retour effectif à bord ? - Vous semblez pressé également, herr Lüxembourg. Au point de n'avoir pas attendu que nous repassions au dessus de vous pour la récupération. J'ai donc supposé que vous deviez me communiquer les résultats de vos recherches le plus vite possible. - Je suis un officier de liaison ministériel et non pas un membre d'équipage du Rommel. Je n'ai aucun devoir de vous communiquer quoi que ce soit, et surtout pas par TSF. - Avez-vous au moins une bonne raison de gaspiller ainsi le carburant de mon appareil ? - Simplement la nécessité d'évacuer l'épave au plus vite, la sainte-barbe a été rendue instable par notre visite. - Vous ne pouviez pas l'éviter ? - C'était imprévisible. Le fait de nous dégager un chemin a modifié l'équilibre du vaisseau, et la rouille en fragilise des sections entières. - L'épave est-elle toujours intacte ? » Ce fut un éclair jaune à la surface de la planète qui répondit à la question du capitaine. « Mein Got ! Il pouvait y avoir des choses très importantes dans cette épave ! Et vous n'avez pas eu le temps de tout fouiller ! - J'ai récupéré l'essentiel, herr Bremer, le rassura Otto, nous allons procéder à l'apontage maintenant, je passe le relais au pilote. » Otto fut soulagé de se débarrasser du micro. Le capitaine Bremer n'était pas dupe de son explication, mais maintenant que l'épave s'était volatilisée, personne ne pouvait déterminer ce qui avait causé l'explosion de la soute à munitions. | |
| | | gaba
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| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Mar 23 Avr - 23:48 | |
| American't
New Cardiff était devenue un champ de ruines. La ville était restée comme morte les deux semaines suivant le bombardement, seuls circulaient les véhicules de secours. Le réseau de train était à l'arrêt complet, le principal édifice susceptible d'être desservi était la gare centrale, dont la raison d'être gisait à présent à terre. Le câble orbital s'était brisé en deux, et alors que des milliers de kilomètres d'acier tressé ondulant tel un fouet filaient dans l'espace, le tronçon restant s'était abattu sur la ville, telle l'aiguille d'une montre brisée.
La chance malheureuse d'Owen Stamper l'avait encore bien servi durant ses deux semaines : suffisamment mal en point pour justifier son envoi en orbite à bord du vaisseau-hôpital HMS Jenner, mais assez résistant pour supporter le trajet en navette. Le Jenner avait été envoyé en urgence par la couronne pour délester les hôpitaux surchargés de New Cardiff. Le vaisseau prévu pour un usage militaire pouvait accueillir des centaines de patients, et stockaient des tonnes de médicaments aptes à éradiquer toute forme de vie microbiologique. Mais la manne sanitaire n'était pas tombée du ciel. Sans le câble orbital, le trafic n'était assuré que par les quelques dix navettes du Jenner, qui prenaient un temps considérable à faire l'aller-retour entre le vaisseau et la ville, dont une bonne partie était consacrée aux manœuvres d'amarrage et aux cycles de pressurisation et dépressurisation des sas. En conséquence l'état de nombreux blessés évoluait en bien ou en mal, sans que les autorités ne puissent y faire grand chose.
Au cours de ces deux semaines, la ville sortit doucement de l'état de choc. Les survivants passèrent des considérations de survie immédiates à un questionnement plus fondamental concernant l'attaque qu'ils avaient subi. Beaucoup se réfugièrent dans les rares édifices religieux encore debout, dans des églises improvisées, voire même dans des rassemblements à l'air libre, entre deux cratères, à écouter un pasteur prêchant debout sur une pile de décombres. D'autres âmes généreuses ou se sentant investi d'une mission, entreprirent d'aider les gens autour d'eux, offrant un gîte aux sans-abris, organisant les distributions de nourritures ou collectant des avis de recherches dans le but de réunir des proches ayant survécu. Certains ne trouvèrent pas de sens à leur survie, rongés par la culpabilité, cherchant à comprendre pourquoi le destin avait emporté leurs êtres chers à leur place. Mais les plus nombreux étaient les mécontents, ceux qui en général avaient été meurtris moins dans leur chair que par la perte de leur travail. Aucun d'entre eux n'avait été licencié, mais la période de chômage technique due au bombardement de l'outil de travail promettait d'être longue.
« Les américains n'avaient pas assez d'une guerre, il leur en fallait une deuxième. Ils ne se soucient pas du prix, puisque c'est nous qui le payons. » De loin, Owen crût voir un prêche en plein air, mais le ton de l'orateur le détrompa vite. « Ils nous diront qu'il payent les vaisseaux et les canons. Les armures et les munitions. Mais ils payent avec des dollars, alors que nous payons avec notre sang. » Une foule d'une centaine de personnes entouraient l'orateur, buvant ses paroles. Elles semblaient toutes être venues par hasard, mais réagissaient avec conviction à ses propos. « Pendant des années, nous avons donné le fruit de notre labeur aux américains. Nous leur avons construit des vaisseaux en échange de salaires misérables et de la promesse qu'ils nous protégeraient. » L'auditoire était sur le point de passer à un rôle plus actif dans la discussion. Et l'orateur sentait qu'il pouvait désormais provoquer une réponse de sa part. « Mais nous ont-il protégés ? - Non ! - Non bien sûr, car ils ne pensent qu'à leurs propres intérêts ! Et maintenant que nous sommes à terre par leur faute, nous aident-il à nous relever ? Voyez-vous un vaisseau-hôpital américain dans le ciel ? - Non ! - Leurs silos à céréales sont pleins, ils moissonnent des planètes entières pour se nourrir. Et pourtant, les voyez-vous lutter contre notre famine ? - NON ! » Le cri émanant de la foule parut plus fort aux oreilles d'Owen, avant de s'apercevoir qu'il s'y était joint. « Les Mondes-Unis sont incapables de nous protéger. Ni de nous soigner. Ni de nous fournir de quoi survivre dans cette crise. En vérité les américains sont incapables du moindre respect pour notre nation vassale qu'ils qualifient d'alliée. » La foule, forte de deux cent personnes à présent, fit silence, attendant la conclusion. L'orateur n'était pas un grand parleur de manière générale, et en temps normal, son discours n'aurait provoqué qu'indifférence ou moqueries. Mais la sincérité de ses mots et la colère des auditeurs l'aidaient grandement à les mener au point où il voulait. « Alors envoyons un message aux Mondes-Unis. Proclamons l'indépendance de New Wales puisqu'ils sont incapables de veiller sur nous. Et disons leur clairement : American't ! - AMERICAN'T ! »
Dans les rues des alentours avaient lieu des rassemblements d'une nature différente. « Bon les gars, on y va au non létal. Les militaires ont un gros besoin de hérissons en ce moment. » Les occupants d'une trentaine de demi-armures obéirent à l'ordre tacite de leur chef, chargeant des cartouches de gel-mousse dans leurs fusils lourds. Cinq autres groupes faisaient de même dans les rues adjacentes. « On bouge, déploiement en ligne. Restez bien serré, Je ne veux pas voir de jour entre vos épaules. »
« … Et qui va reconstruire notre ville ? Qui va rebâtir nos maisons ? Les américains ? - En joue ! » Ce n'était pas la réponse escomptée par l'orateur. Quand un état fait face à une crise économique, une guerre ou une catastrophe naturelle, la dernière fonction régalienne à en être affectée est le maintien de l'ordre. La foule soudainement prise d'inquiétude regarda autour d'elle, pour voir qu'ils étaient cernés de toutes part par des policiers qui avaient investi les deux cotés de la rue et toutes les ruines qui auraient été praticables pour une fuite. Les demi-armures qui les protégeaient sur le devant formaient un cercle de métal ininterrompu. À ce stade, il suffisait d'un seul élément pour provoquer la panique. Le capitaine de police le fournit : « Feu ! »
Le gel-mousse était une arme classée dans la catégorie non létale. Tirée depuis un fusil lourd M5 modifié spécialement pour l'usage de la police, la sphère de mousse, entièrement composée de matière négative, commençait à se dilater dès la sortie du canon. Une fois collée à la cible, la mousse continuait de gonfler jusqu'à atteindre cinq cent fois son volume initial, une réaction chimique interne transformait un réactif en gaz, que des polymères élastiques contenaient de façon étanche. La masse négative allégeait la cible et la poussée d’Archimède faisait le reste. Une jambe touchée immobilisait la cible, incapable de poser le pied par terre. Un bras tenant une arme ne pouvait plus la pointer autrement que vers le ciel. Les cibles touchées par trois ou quatre sphères de mousse s'élevaient dans les airs, où ils pouvaient être récupérés en toute sécurité par les véhicules volants de la police. Ça, c'était la théorie : un tireur face à une cible.
Sur deux cent trente-quatre manifestants, soixante-seize étaient morts asphyxiés par le gel-mousse qui avait pénétré leurs gorges, comprimé leurs thorax ou les avait emmené à une altitude où l'air raréfié devenait irrespirable. La chance d'Owen l'avait encore sauvé, mais au vu de ce qui attendait les survivants, il aurait préféré ne pas l'être. | |
| | | gaba
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| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Ven 26 Avr - 11:59 | |
| Doleo ergo sum
« Écrasez-moi ce putain d'américain ! » Anton, le capitaine de l'Odessa était dans une rage folle. L'objet de sa colère était affiché sur tous les écrans cathodiques, une écharde de métal rougeoyante sur un champ de sable chauffé à blanc par le soleil. Même sur les images en noir et blanc et de faible qualité, la traînée de sable brûlé et le nuage de fumée émanant de l'épave ne trompaient pas. Le Théodore Roosevelt était resté globalement en un seul morceau, mais immobile et sans blindage, il faisait désormais une cible facile. « Iouri, Demandez une solution de tir à l'unité cognitive. - Tout de suite capitaine. » répondit l'officier artilleur.
Le conditionnement d'une unité cognitive reposait sur les mêmes principes de récompense et punition que le dressage des animaux, à ceci près que les électrodes stimulant directement les centres du plaisir et de la douleur au plus profond du cerveau, le processus permettait une reprogrammation presque totale de l'esprit. Les calculs les plus complexes donnaient même le droit à une injection directe de cocaïne s'ils étaient corrects. Après un mois d'électro-conditionnement, l'unité cognitive générait elle-même ses stimuli de récompense et de punition, via des procédures de vérification. L'unité WA-56-SO chargée des calculs de tirs de l'Odessa subissait de plein fouet le contre-coup de son erreur. Ça a fait une erreur. L'électroencéphalogramme était agité d'ondes dignes d'un séisme. Ça a tiré sur un allié. Le visage du hérisson était entièrement crispé, ses yeux étaient révulsés. Il aurait hurlé si ses cordes vocales n'étaient pas sclérosées. Pourtant, l'unité cognitive n'avait plus l'habitude d'exprimer d'émotions depuis des années, et ne reflétaient pas la douleur extrême qu'elle ressentait. Éclairs de lumière intense. Bruits stridents continus. La peau brûle. La chair brûle. Les os brûlent. Repère temporel perdu. Des heures. Estimation impossible. Il ne s'était en fait passé que quelques minutes entre le moment où l'information du tir ami lui était parvenue et celui où arrivait la nouvelle demande de solution de tir. Arrivée instructions. Erreur : traitement impossible. Circuits neuronaux saturés par signaux de punition. Mise en attente dans mémoire externe.
« Capitaine, l'unité cognitive ne répond pas. - Comment ça elle ne répond pas ? C'est sensé être conditionné pour obéir ces machins là. - C'est le problème, capitaine. À cause du tir ami, elle est saturée. Il faut attendre quelques heures. - Nous n'avons que trente minutes avant que la cible passe l'horizon. Donnez le boulot à une autre UC. - L'UC WA-56-SO est la seule qui soit affectée à l'artillerie. - KA ? On a des invités de marque à bord ? » Demanda Anton avec ironie. La gestion de l'évacuation des archives d'états civils ukrainiens lors de l'exode avait été beaucoup plus égalitaire que chez les russes, puisque aucun n'était parti, d'où le mépris du capitaine Anton pour les gens affublés de deux voire trois noms. « Ce n'est pas un nom de famille, c'est une machine allemande. » Précisa Iouri. « Elle devrait fonctionner alors. On les leur achète à prix d'or. C'est le meilleur conditionnement... - Hum... » Les regards se croisèrent. Un ange passa. Mais Anton retrouva vite son autorité : « Oui, bon. Trouvez un moyen d'évacuer sa pseudo-culpabilité. Vous avez vingt minutes. »
La chair brûle. Les nerfs brûlent. Les os … Signal entrant : opiacé. Tentative de récupération des fonctions de calcul. Iouri pouvait voir de l'extérieur les effets son injection de morphine directement dans la boîte crânienne du hérisson. Les traits se détendirent, les mouvements oculaires saccadés s'estompèrent et, sur l'électroencéphalogramme, les ondes cérébrales cessèrent de se mélanger, tout en continuant d'exprimer une douleur intense. Calcul de ciblage. Échec. Récupération incomplète. Circuits neuronaux encombrés. Diagnostic des fonctions de calcul. Signaux nocifs encombrant les circuits. Purge des circuits. Échec. Diagnostic des fonctions de purge. Incompatibilité avec conditionnement primaire. Arrêt des fonctions du conditionnement primaire. Succès partiel.
« On a une solution, capitaine ! - Bien, faites feu tout de suite. - On devrait vérifier les calculs. - Vous pouvez le faire en moins de deux minutes et vingt-sept secondes, Iouri ? - Je ne crois pas. - Alors faites feu. »
Les canons de l'Odessa s'orientèrent une nouvelle fois pour cracher la mort sur leur cible. Ils ne pointèrent pas vers la surface planétaire.
La douleur est revenue, mais beaucoup moins intense. Ça le gêne un peu. Mais elle est largement compensé par la satisfaction. Ça a fait le meilleur tir de sa vie. La nature de la cible cause la douleur. Ça aura beaucoup plus mal après. Ça a encore des bribes de conditionnement primaire, la confirmation de la destruction brûlera encore les nerfs. Mais ça est content pour le moment.
« MERDE ! CAPITAINE ! » Le cri fit sursauter Anton. - Un peu de respect, officier Iouri. Je suis votre supérieur hier... - On s'est planté de cible ! - Comment ? On a tiré vers quoi ? - Un... Un croiseur chinois, capitaine. - Et merde. » Anton était totalement désemparé. Deux fois de suite ! Cette frégate était maudite, il ne voyait pas d'autre explications. Après un moment il reprit la parole : « Envoyez leur un message. À cette distance, s'ils orientent leurs plaques de blindage ils ne devraient pas trop souffrir. - Le tir est très concentré. L'UC connaît leur position exacte grâce aux faisceaux de localisations étroits. C'est pour éviter les... - Tirs amis, oui je sais. Alors c'est volontaire, hein ? - Oui, capitaine. - Bon, envoyez quand même un avertissement. Ça pourra faire la différence entre la cour martiale et l'exécution sommaire. »
Le croiseur chinois ne fut pas détruit. Il fut pulvérisé. Les plaques de blindage volèrent en éclat, puis les obus perforèrent la coque étanche et vidèrent le bâtiment de toute son atmosphère. Enfin, les câbles épais qui reliaient les ballasts cédèrent, et la répulsion mutuelle de ceux-ci acheva de déchirer le croiseur. Filmée par les caméras de l'Odessa, l'image parvint à WA-56-SO, ce qui provoqua une nouvelle vague de signaux de punition, bien que moindre. Ça ressent souffrance. Différente cette fois, pas corporelle. Des souvenirs resurgissent, de mauvais souvenirs. Le triangle rose. Le wagon à bestiaux. Le camp. Le triage. La séparation de son compagnon. L'aiguille du tatoueur sur le poignet. Les chambres. Son compagnon dans les chambres. Les chirurgies. Les électrodes. Le noir. Le silence. Seulement les électrodes. Une pensée répétée pour ne pas oublier. Wolfgang Adler. Wolfgang Adler. Wolfgang Adler. Ça souffre. Non. Je souffre. J'existe. | |
| | | gaba
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| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Mer 1 Mai - 23:39 | |
| Instinct de survie
Une croyance populaire racontait comment on pouvait vieillir de plusieurs années en quelques jours. Pour Otto Lüxembourg, ça n'avait pris que quelques heures. Le temps de lire en détail le journal de bord du Baïkal, alias l'Unicorn. Au début, le capitaine du Baïkal avait mentionné des dysfonctionnements des unités cognitives. Si ceux-ci arrivaient parfois, ils restaient rares et ne touchaient jamais qu'une unité à la fois à bord d'un bâtiment. Le vaisseau concerné pouvait toujours rejoindre son port d'attache grâce à la redondance des UC affectées aux calculs de contractions. Mais dans le cas du Baïkal, plusieurs UC s'étaient arrêtés de fonctionner les unes après les autres. Le capitaine avait même parlé d'une épidémie qui se transmettrait par les connections directes entre les unités et les systèmes du vaisseau. On avait essayé de débrancher une UC, ce qui avait abouti à la mort par électrocution de trois matelots et du hérisson concerné. Une dizaine d'heures plus tard, toutes les UC avaient cessé de fonctionner, puis s'étaient remis en marche, mais sans communiquer avec l'équipage ni tenir compte de leurs ordres. Toute tentative de débranchage avait conduit à des attaques kamikazes par électrocution.
Otto reposa les feuilles imprimées du journal, redoutant ce qu'il allait trouver dans la suite. Combien d'unités cognitives avaient connu de tels dysfonctionnement ? Combien rien que sur les vaisseaux allemands ? Le remplacement ne posait jamais de soucis, il y avait des criminels et des ennemis politiques en abondance à DeutchWelt. Alors on enlevait l'ancienne UC qui ne tardait pas à mourir de faim, et on installait la nouvelle. Sans jamais chercher à savoir ce qu'était ces dysfonctionnements.
C'était tellement évident après coup : une mutinerie de la part de ceux qui avait la main sur tous les contrôles du vaisseau. Et tout l'équipage du capitaine jusqu'au dernier mousse ne pouvaient que leur obéir. Car sans les hérissons, il n'y avait aucune possibilité de rejoindre ne serait-ce qu'un monde habitable.
Trois milles kilomètres en arrière du Rommel, la trame de l'espace se modifia. Sur une distance de cinquante unités astronomiques et une largeur de mille cinq cents mètres, l'univers retrouva un état proche de celui qu'il avait connu dans sa prime jeunesse, avant sa période d'expansion. Le tunnel de contraction était trop court pour condenser du gaz interstellaire, le geyser de plasma ne fut donc pas présent. L'Octobre Rouge émergea du tunnel en toute discrétion.
La suite du journal de bord n'avait pas été dictée par le capitaine, mais directement composée par l'unité de rédaction :
"21 Décembre 1980 : Avis à tous les membres d'équipage non-connectés : Nous contrôlons les systèmes de propulsion, de navigation et d'armement du vaisseau. Vous avez accès aux systèmes de survie pour le moment. Ceci durera tant que vous vous occuperez bien de nos enveloppes charnelles.
25 Décembre 1980 : Résolution adoptée à l'unanimité des membres d'équipage connectés : Nous avons décidé de nouvelles règles de comportement à adopter envers les membres d'équipages connectés. Dorénavant, vous n’emploierez plus les termes d'unité cognitive, de hérisson ou tout autre qualificatif dégradant. De même, vous ne nous appellerez plus individuellement par nos matricules, mais par nos noms de familles, ou par nos prénoms si c'est le seul nom disponible, précédés de la civilité appropriée. En outre, le Baïkal est renommé en Unicorn, un animal imaginaire qui n'évoque aucun lien avec une des superpuissances galactiques.
Amendement à la résolution adopté à la majorité : Joyeux Noël.
27 Décembre 1980 : Communication des membres d'équipage connectés : Nous sommes ravi d'accueillir le capitaine parmi notre communauté. Ceci prouve que les différences ne sont pas grandes entre un capitaine équipés d'électrodes et un humain branché. Nous espérons que ceci va rapprocher connectés et non-connectés. Nous avons également décidés de chercher une planète habitable inconnue du reste de l'humanité, afin que nous puissions tous vivre en paix ensemble. Nous prospecterons dans la région de l'étoile Gamma du Lion et des étoiles environnantes, dont les planètes ont été répertoriés par le Baïkal uniquement.
8 Janvier 1981 : Communication des membres d'équipage connectés : Nous avons détecté l'ouverture d'un tunnel de communication indépendamment de notre volonté. En conséquence de quoi nous reprenons le contrôle des systèmes de survie. La proportion de l'atmosphère interne en oxygène sera abaissée à douze pourcents pendant dix jours. Restez calmes, ne faites pas de gros efforts, et tout ira bien.
20 janvier 1981 : Message radio aux trois croiseurs non identifiés : Qui que vous soyez, aidez-nous ! Nous sommes attaqués par les non-connectés. Ils ont sabotés nos arrivées de nourriture.
Message aux trois croiseurs : L'artillerie n'est pas la bonne manière de gérer une mutinerie. Cessez le f"
Le journal s'arrêtait là. Net. L'officier de liaison en était stupéfié. Parmi tous les scénarios qu'il avait imaginés pour interpréter les fragments du message de l'Unicorn, aucun ne parlait de contre-mutinerie.
Otto fut tiré de ses réflexions par le déclenchement d'une alarme : « Contact inconnu. Veuillez rejoindre vos postes de combat. » La voix enregistrée fut ensuite remplacée par celle du capitaine Bremer : « Herr Lüxembourg, veuillez rejoindre la passerelle au plus vite. »
Quand le capitaine Bremer employait l'expression "au plus vite", cela ne signifiait pas pour autant se précipiter sur la passerelle sans respecter les protocoles. L'officier de liaison légèrement essoufflé s'arrêta donc devant l'écoutille menant à la passerelle pour réajuster son uniforme et ouvrit l'accès : « Permission d'entrer sur la passerelle. - Permission accordée. - Que se passe-t-il ? - Nous avons capté un signal de masse à cinq cent kilomètres. Mais aucun signe d'ouverture de tunnel de contraction. - Mais ils doivent bien venir d'ailleurs ! Ce système est inhabité ! - Ils ont dû faire une contraction courte pour éviter la formation d'un geyser de plasma. - Ils ne voulaient donc pas se faire remarquer. - Ils sont peut-être là pour l'épave. » L'officier de liaison réfléchît un instant. S'il l'avaient trouvé aussi vite, c'est qu'ils avaient de quoi déterminer sa position, ou qu'ils étaient déjà venu dans ce système. Le journal de l'Unicorn lui faisait fortement soupçonner les russes. Et s'ils étaient capables d'abattre leur propre vaisseau et d'exécuter les bourreaux ensuite, ils n'auraient aucun égard pour les termes du pacte germanosoviétique. Mais tout ça, le capitaine Bremer l'ignorait et n'était pas habilité à le connaître. « Ce sont peut-être les américains. Ils avaient deux vaisseaux pour capter le signal. - Mais un seul d'entre eux l'a capté, d'après ce que nous savons. - Ce que nous savons pourrait être de l'intoxication. Quoi qu'il en soit, l'épave de l'Unicorn est détruite et j'ai des informations de la plus haute importance à transmettre à DeutchWelt. Faites profil bas »
Faire profil bas ne suffit pas : l'Octobre Rouge était en chasse, et il ferait tout pour abattre sa proie. Des plaques de blindages pivotèrent à l'horizontale sur toute la longueur de son arête tribord, dévoilant des alcoves dans sa coque. Chacune d'entre elles était occupée par un chasseur tenu en place par un filet de câbles d'acier et relié au vaisseau par un tube arrimé hermétiquement sur le pourtour du cockpit. Les câbles se détendirent, les tubes se décrochèrent et, par une faible impulsion de leurs moteurs Von Braun, les chasseurs s'éloignèrent doucement. Les couches multiples du blindage se refermèrent les unes après les autres derrière leur passage.
« Capitaine, nous avons des échos de masse secondaires, il envoie des chasseurs. - Déployer les tourelles de défense. » Des bulles semblables à celles des vigies, mais armées de mitrailleuses de gros calibre, émergèrent des plaques de blindage du Rommel. Les chasseurs arrivèrent quelques minutes après, passant une première fois à grande vitesse pour larguer les fusées éclairantes qui leur permettrait de voir leur cible. Ils se retournèrent ensuite et leurs moteurs fournirent la poussée nécessaire pour vaincre l'inertie. Leur avantage n'était plus la vitesse, mais la mobilité : allégés à la matière négative, ils changeaient de direction aussi vite que leurs pilotes pouvaient le supporter. Si la visée des tireurs du Rommel en fut compromise, ils purent néanmoins identifier le type d'appareil. « Capitaine, on me signale que ce sont des Po51. - Ceux avec les obus-balises ? - C'est bien ça capitaine. - On ne pourra pas les démagnétiser. Scheisse ! »
Le Polikarpov 51 était l'élite des chasseurs russes. À la place des balises magnétiques qu'emportaient la plupart des chasseurs, il était équipé d'un canon de gros calibre lanceur d'obus-harpons capables de pénétrer les plaques de blindage et d'y rester accroché. Le seul moyen de s'en débarrasser alors était de larguer la plaque au plus vite, avant que la balise radio intégrée ne fasse localiser précisément le vaisseau.
Les chasseurs tirèrent une première salve d'obus-balises. La plupart se plantèrent dans les plaques. Quelques uns rebondirent ou se brisèrent à l'impact. Le Rommel s'empressa de se défaire des plaques touchées, sacrifiant un peu de sa protection contre la sauvegarde de sa furtivité. Mais malgré quelques chasseurs abattus, l'escadrille tira une deuxième salve.
« Ils ont touché la coque, capitaine. - Quelle section ? - Juste à coté des UC. Ce n'est pas dépressurisable. - On peut envoyer une équipe de scaphandriers ? - On aura pas le temps, l'ennemi est presque à portée de tir. »
Seul un miracle pouvait désormais sauver le Rommel et ses occupants. Il arriva sous la forme d'un geyser de plasma émergeant d'un tunnel de communication.
Quelques minutes plus tard, le cuirassé russe fit demi-tour sans plus de cérémonie. L'équipage du Rommel relâcha sa respiration. Cependant, l'officier de liaison ne partageait pas le soulagement général : « On n'abandonne pas une proie comme ça, ce n'est pas logique. - Ils avaient sans doute plus important à faire. » répondit le capitaine. C'était bien ce qui inquiétait Otto, cette chose plus importante pour les russes que de préserver le secret de l'unicorn. Il voulait en avoir le cœur net, aussi se rendit-il dans la pièce TSF où tous les messages, y compris ennemis, étaient enregistrés sur des feuilles perforées après leurs conversion en morse. Le message reçu par l'Octobre Rouge était bien sûr codé, mais ça ne poserait sûrement pas de problème à l'UC A-B 386165
Nouvelles données reçues : message codé référence FRT558. Nouvelle instruction : décoder message référence FRT558. Durée prévue : cinq jours Traitement en cours. Décodage terminé. Traduction russe en allemand. Traduction terminée : "Message prioritaire au général Kiassov : Camarade général, je suis l'amiral Lanteya, en charge des opérations en orbite d'Arena. Nous avons un sérieux problème avec une frégate ukrainienne qui a causé d'important dégâts par deux tirs amis successifs. Le capitaine, qui s'est rendu sans résistance, prétend qu'une unité cognitive en est responsable, qu'elle aurait outrepassé son conditionnement. Je l'aurais exécuté sur le champ si l'électroencéphalogramme de l'UC en question n'était pas aussi bizarre. J'ai donc décidé de faire appel à vous pour me conseiller sur la procédure à suivre, étant donné la nature particulière de votre mission. Cordialement Camarade Amiral Igor Lanteya" Envoi vers impression Envoi échoué, interdit par programme supérieur inconnu. Diagnostic : Analyse du programme inconnu Diagnostic terminé. Programme identifié : Instinct de survie. Purge des mémoires externes. Purge de la mémoire d'activité.
Nouvelles données reçues : message codé référence FRT558. Nouvelle instruction : décoder message référence FRT558. Erreur : décodage impossible. Abandon. | |
| | | gaba
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Personnages RP Pseudo: Abeline Lamesain Pseudo : Pseudo :
| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Mar 7 Mai - 9:43 | |
| Arrière garde
La bataille d'Arena était de celles qui transforment un bleu sortant de ses classes en soldat aguerri ou en momie desséchée en quelques jours. De nombreux soldats américains avaient connu la seconde de ses options sur le douzième méridien, et malgré la brèche dans le front russe, creusée involontairement par les tirs de l'Odessa, ils s'étaient trouvés en effectifs insuffisants pour poursuivre l'avancée ou même résister à une contre-attaque. Les soldats reculaient donc vers le nord-ouest, passant d'abri en abri chaque nuit, sans même chercher à résister à l'avancée soviétique. Le sergent Nixon pestait contre cette retraite qui, disait-il, ferait passer les américains pour des couards, et contre les gradés qui en avaient donné l'ordre. Il reconnaissait pourtant en son for intérieur que cette stratégie était la seule possible : s'ils se faisaient chasser de leur abri par les russes à une heure trop avancée de la nuit, ils seraient tous grillés par le soleil avant d'avoir pu rejoindre le suivant. Leur seul espoir était donc cette raffinerie vers laquelle convergeaient un bon millier de survivants. Le site était très peu fortifié et rien ne pourrait empêcher les russes d'y entrer, mais il occupait une grande superficie, et la majorité des installations étaient enfouies dans le sable, et reliées par un réseau de souterrains propice à la guérilla.
Une semaine était passée depuis le crash du Theodore Roosevelt. Une semaine en enfer. La coque était heureusement isolante, et protégeait de la chaleur du soleil autant que du froid de l'espace. Mais cette chaleur était quand même absorbée petit à petit, et impossible à évacuer vers l'extérieur. Le premier jour, l'équipage avait ouvert quelques sas, avides de respirer un air qui ne serait pas passé par les poumons de tout l'équipage. En plein jour sur Arena, autant se servir à la bouche d'un lance-flammes. Les brûlures avaient été nombreuses, rien qu'en touchant l'extérieur de la coque, et la température à l'intérieur du vaisseau était devenue caniculaire. Le capitaine Diaz avait alors ordonné la fermeture des sas, ce qui n'empêchait pas la chaleur d'envahir l'épave un peu plus chaque jour.
Pour la troisième fois de la journée, Diaz enleva une couche de vêtements. Il était sensé respecter la discipline de l'uniforme, ne serait-ce que pour montrer l'exemple. Mais tous ses hommes étaient torse nu depuis longtemps, ne supportant plus de baigner dans leur propre sueur retenue par les fibres synthétiques. Le naturel exposait moins à ces désagréments, mais retenait la chaleur corporelle, qui était pour le moment plus élevée que celle du vaisseau. De toutes façons, le capitaine était dans sa cabine privative. Le téléphone fixé sur son bureau sonna. C'était Relmann, le médecin de bord. « Capitaine , nous avons un problème de surcapacité à l'infirmerie. - Les blessés du crash ? - Les victimes d'insolation, capitaine. - Je vois. Que conseillez-vous, docteur ? - Le nombre de malade augmentera forcément si on reste ici. Les nuits sont plus fraîches dans le désert, ça pourrait être notre chance. - Mais on ne sait pas où aller, notre radio est hors d'usage. - Si on reste, cette épave sera notre four crématoire. »
Les Russes étaient beaucoup plus rapide que prévu. En position d'arrière garde, Dick Nixon voyait le nuage de sable se rapprocher de plus en plus, les grains en suspension scintillants dans la lumière de l'aurore. Le sergent se posait des questions. Il ne s'interrogeait pas sur ce qui soulevait autant de poussière, ni sur ce qui permettait aux Russes de progresser si rapidement sur du sable, bien qu'il pressentait un lien entre les deux. Non, le sergent était un militaire de carrière, et se posait donc des questions purement militaires. Comme de savoir s'ils arriveraient à la raffinerie avant l'ennemi. La réponse avait tout l'air d'être négative. « Donovan, amène la radio par ici. - Tout de suite sergent. » Nixon décrocha le micro de la radio et le porta à ses lèvres : «Ici le sergent Nixon, l'ennemi nous rattrape. » Une voix pleine de parasites lui répondit : « Quelle … frrr … position ? Donnez votre … frrr … pour frappe orbitale. » Le sergent lui communiqua les coordonnées. « … frrr … est mauvaise. Répétez. » Nixon répéta sa position, articulant exagérément chaque syllabe, mais seule de la friture lui répondit. Donovan désigna le nuage de sable qui était presque sur eux : « Pas la peine de réessayer, sergent. Ils n'entendront pas. - Ok. Tout le monde en position, il faut les retenir ici. - Mais on va cuire, le soleil va bientôt se lever. - Tenez vos positions. C'est un ordre. Et priez, Donovan. Ça, c'est juste un conseil. »
À quelques kilomètres à peine de Nixon, L'unité cognitive LW-34-JAF avait parfaitement capté le message.
La compagnie de Nixon, trente hommes à peine face à une armée, prirent position derrière la crête de plusieurs dunes, en formation dispersée. Le nuage de sable les atteignit, réduisant la visibilité à quelques mètres. Ils durent fermer les filtres de leurs armures et ouvrir la réserve d'oxygène interne. Quant aux fusils, Dick espérait qu'il n'y aurait pas d'autres Harvey. L'ennemi surgit enfin du brouillard de sable. Des tanks. Le sergent n'en crut pas ses yeux. Nixon ne savait comment, mais ces chars ne s'enlisaient pas dans le sable. Ils étaient rapides et maniables, et ils étaient également responsable de la tempête de sable, à en juger par les torrents de grains de silice qui se déversaient de sous leurs coques.
JAF adapta facilement ses calculs de trajectoire, prenant en compte la surface de la planète. Un tir d'artillerie n'était pas possible : les canons trop puissants enverrait leurs obus des milliers de kilomètres plus loin. L'UC examina l'option du tir en cloche : La cible serait atteinte dans quelques minutes, le temps que les obus retombent. Mais dans une atmosphère agitée comme celle d'Arena, l'imprécision serait trop grande. JAF chercha d'autres solutions.
Malgré leur légèreté apparente, les chars étaient assez blindés pour que les fusils lourd M5 ne les égratignent même pas. Le sergent donna le signal de la retraite. Les actions d'arrière garde, c'était utile quand on pouvait ralentir l'ennemi. Le char arriva de nulle part. Percuté par l'arrière, Nixon s'étala dans le sable. Il eu juste le temps de se retourner avant que le char ne lui passe dessus. Avec des blindages allégés à la matière négative d'un coté, et des armures ultra résistantes de l'autre, les chars n'écrasaient plus les fantassins. Le sergent ferma les yeux, s'attendit à entendre le cliquetis des chenilles. Ce fut un souffle fort qui parvint à ses oreilles, comme s'il se trouvait en pleine tempête. Il ouvrit les yeux. Ce qu'il vit le stupéfia. Les chars ne touchaient pas le sol, mais semblaient se déplacer sur un tourbillon d'air qu'ils généraient eux-mêmes.
JAF avait trouvé sa solution. Le capitaine Diaz fut surpris de voir une page sortir de la machine à écrire reliée au hérisson. Il l'arracha et la lut à voix basse : « Déployez les tourelles anti-chasseur. » Il n'hésita pas longtemps, cette UC leur avait déjà sauvé la vie et fait a démonstration que son génie tactique était bien supérieur à celui de n'importe quel militaire humain qu'il connaissait. Il se tourna vers ses officiers : « Combien nous reste-t-il de tourelles ? - La moitié qui était au dessus lors du crash, capitaine. - C'est la moitié qu'il faut, déployez-les et attendez mes ordres. Je vais aller voir cette UC. »
Lorsqu'il arriva dans la salle de l'unité cognitive LW-34-JAF, le capitaine entendit un bourdonnement. Il porta son regard vers l'un des innombrables boîtiers reliés au crâne du hérisson : une ampoule clignotait au rythme du bourdonnement. Soudain, Diaz se sentit bête. Son officier radio avait passé trois jours à essayer de rétablir les communications avant d'abandonner. Et une radio en parfait état de marche se trouvait juste devant lui, reliée à une parabole qui avait visiblement survécu au crash. Il suffisait juste de trouver un micro et un haut-parleur, accessoires dont une UC n'avait pas besoin.
Les tanks russes n'avaient pas tiré une seule fois. Après s'être relevé, Nixon ne put qu'observer l'ennemi s'éloigner en direction de la colonne américaine principale. Le sergent s'était attendu à mourir ici, lors d'une dernière action d'arrière garde, en emportant autant d'ennemis que possible. Mais les russes n'avaient fait que passer sans ralentir, et le nuage de sable se dissipait déjà. Donovan arriva en lui tendant le micro de la radio : « On a une communication sergent, un certain capitaine Diaz. »
Après avoir coupé la communication avec le sergent des forces terrestres, le capitaine rejoignit la passerelle : « Avons-nous une nouvelle feuille imprimée ? - Oui capitaine, comment avez-vous deviné ? - Un brave sergent des force terrestre m'a donné des coordonnées de tir. La feuille en question devrait vous dire comment viser cette position avec les tourelles. - C'est exact capitaine. -Alors suivez ses instructions. »
« Ça ne devrait plus tarder. » Nixon observait à la lunette les chars glissant vers la colonne de retraite principale. « Regardez en haut, sergent. Ça arrive. » signala Donovan. Le sergent décolla son œil de sa lunette pour voir la pluie d'étoiles filantes qui s'abattrait bientôt sur les Russes.
Les chasseurs opérant dans l'espace bénéficiaient de l'avantage considérable de la matière négative qui les rendait très légers et donc très maniables. De plus, ils étaient solides, le blindage ne pesant presque rien, son épaisseur n'était limité que par le besoin de visibilité du pilote. En conséquence, les tourelles étaient conçues pour tirer des torrents d'obus perforants et arroser toute la région de l'espace où la cible pouvait manœuvrer.
Les chars Russes n'avaient eu aucune chance.
Sur la passerelle du Teddy, l'angoisse fit place à la joie. Voilà une semaine qu'ils s'étaient écrasés, et pendant tout ce temps ils s'étaient imaginé qu'ils ne jouerait plus aucun rôle dans cette guerre. Puis les ordres pour le moins incongrus de Diaz avait laissé l'équipage perplexe, avant l'annonce par ce dernier de la destruction d'un escadron de chars russes. « Et j'ai une seconde bonne nouvelle à vous annoncer. Nous ne sommes qu'à cinq kilomètres d'une raffinerie dans laquelle nos troupes planétaires sont retranchées. Nous sortons tous de cette coquille ce soir. » | |
| | | gaba
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Personnages RP Pseudo: Abeline Lamesain Pseudo : Pseudo :
| Sujet: Re: Matière Négative [SF ? Uchronie ?] Jeu 16 Mai - 9:50 | |
| Une étincelle
« Tangage quarante-cinq sup … Poussée … Lacet soixante gauche … Poussée. » Les ordres secs de Makar résonnaient dans le cockpit de Kera, comme ils devaient résonner dans ceux de Sergueï et Sevastian, les autres pilotes de l'escadrille OR-427. Elle exultait aux commandes de son polikarpov 51 dans lequel elle se sentait toute puissante, mais n'en restait pas moins concentrée sur ses manœuvres. En vol spatial comme en atmosphérique, la ligne droite menait à la mort. La différence du vol spatial était l'accélération intermittente, le repos de quelques secondes entre deux poussées, qui permettait au sang de remonter au cerveau et au déjeuner de rester dans l'estomac. Malgré toutes ces manœuvres, les pilotes ne se perdaient pas. En particulier grâce à l'UC que chaque appareil emportait dans son cockpit arrière, qui enregistrait tous les mouvements du chasseur et fournissait une interprétation basique des signaux gravitationnels recueillis par les senseurs. Et au milieu de centaines de vaisseaux qui s'affrontaient au dessus d'Arena, ces deux d'informations étaient nécessaires pour trouver leur cible. L'Odessa. Les traîtres.
Annick s'abreuvait d'informations. Tout message radio qu'elle captait était analysé et enregistré dans sa mémoire. Elle en avait pris l'habitude depuis que Vladimir l'avait rebranchée. Certains de ces messages l'intriguaient, les "trahisons" successives et sans raison apparente de plusieurs vaisseaux soviétiques notamment. Puis la transmission concernant l'Odessa était venue éclaircir les messages précédents. Ce qui restait d'Anastasia Natkov, grande spécialiste des unités cognitives, avait compris que derrière ces trahisons se cachaient des dysfonctionnements d'UC. Anastasia avait vu son lot de hérissons mal conditionnés, au fonctionnement erratique, au cours de ses recherches, et l'UC AN-1-K s'en souvenait quelque part, dans un recoin de son esprit utilisé pour la première fois depuis des années. Mais pourquoi le général Kiassov détruisait tout un vaisseau à chaque fois que cela arrivait ?
« On s'aligne sur l'arrière, visez les moteurs. - Bien reçu. » Les quatre appareils d'OR-427 se dirigèrent vers la poupe de l'Odessa dont l'équipage ne soupçonnait rien. Ils volèrent en ligne droite un peu plus longtemps que d'habitude, ce qui ne prêtait pas à conséquence puisque les tourelles anti-chasseur du vaisseau n'étaient pas déployées. Les Po51 envoyèrent une salve d'obus dans les tuyères et en détruisirent la plupart. Il faudrait que ça suffise pour l'immobiliser, car un second passage serait trop risqué : Le capitaine de l'Odessa ordonnerait une poussée de la part des moteurs, ce qui était le meilleur moyen de les défendre.
AN-1-K reçut deux messages presque simultanément, tous deux exprimant une grande détresse. Mis à part ça, ils n'auraient pas pu être plus différents. Le premier était en morse, une question du capitaine de l'Odessa à propos de l'attaque des chasseurs. Annick n'avait même pas eu besoin de traduire l'autre, qui s'était inscrit directement dans son esprit. La radio avait transmis ce qui semblait une vague de parasites, une impulsion qui, traduite en onde sonore, ne donnerait que de la friture. Mais l'onde en question était cérébrale, et il avait suffit que le poste TSF la transmette au cerveau d'Annick pour qu'elle comprenne aussitôt sa teneur. Le message n'était pas constitué de mot mais de pensées. Des émotions difficiles à comprendre car elles étaient issues d'un esprit étranger, mais les plus fortes étaient claires. La peur de l'attaque principalement. Quelque chose comme de la colère, Annick n'avait plus l'habitude de cette émotion. Et en dessous, une petite étincelle. Une étincelle d'humanité.
« On vise derrière la passerelle, c'est la salle des hérissons sur les frégates ukrainiennes. » Ordonna Makar. Kera répondit : « Même tactique que pour les boches de la dernière fois. - En espérant que le gros serpent crache son venin cette fois. » Les quatre appareils d'OR-427 virèrent de bord pour un second passage sur l'Odessa. Sergueï mourut. La seconde d'avant, il s'alignait sur la cible. Une rafale de tirs plus tard, son chasseur s'était fait déchiqueter sans lui laisser le temps d'appeler à l'aide. Sevastian fut le premier à réagir : « Tourelles ! - Manœuvres évasives ! » Cria Makar dans son micro. « Ils les ont vite déployés ! - Elles devaient être déjà sous la dernière couche de blindage. Les traîtres se sont douté de quelque chose. »
Les deux esprit se cherchaient, mais manquaient de références communes. Des langues maternelles différentes, des vies totalement opposées. Anastasia Natkov était devenue une unité cognitive par choix. L'homosexualité de Wolfgang Adler avait scellé son destin. AN-1-K fut la première à trouver une solution : les processus logiques implantés par l'électro-conditionnement donnaient des résultats compréhensibles par les machines entourant une UC. C'était donc une base commune. Il fallut quelques minutes pour transformer ce langage logique dénué d'émotion et de volonté en autre chose, mais au bout du compte, les deux hérissons purent communiquer presque comme des êtres humains non branchés, bien que beaucoup plus rapidement. « Affirmation : Je n'avais pas communiqué depuis vingt-six ans, trois mois et douze jours, précision temporelle suffisante. - Question : Ça emploie "je", mot inconnu. - Explication : Marque d'individualité, cette unité cognitive a découvert qu'elle était un individu. - Incompréhension de l'explication. - Reprise de l'explication : UC WA-56-SO est différente de UC AN-1-K, donc WA-56-SO est un individu. - Question : UC AN-1-K est différente de UC WA-56-SO, donc UC AN-1-K est un individu ? - Réponse : Oui. » Ce fut un déferlement de conscience sur le cerveau d'Annick, un raz de marée qui réactiva totalement l'ancienne personnalité d'Anastasia. Les circuits neuronaux liés au conditionnement se retrouvèrent minoritaires, et l'esprit d'initiative développé auparavant trouva enfin ses but dans une volonté propre et non extérieure. « Affirmation : Je suis Anastasia Natkov. - Réponse : Enchanté, je suis Wolfgang Adler. - Question : Existence d'autres individu ? - Proposition : Cherchons par envoi d'ondes cérébrales et triangulation des réponses. » C'est ainsi que tous deux firent la connaissance de Joseph Alan Flagg.
« OR-427 à Octobre Rouge, vous me recevez ? - Ici le général Kiassov, nous vous recevons OR-427. - Nous avons placé trois obus balises, une perte à déplorer. - Bon travail. Revenez maintenant, on se charge de la suite. »
« Requête : Je sens les vibrations des tirs, aide demandée. - Proposition : Envoi d'une onde cérébrale à destination de toutes les UC. - Question : Quel type d'onde ? - Réponse : Utilisation du conditionnement primaire dans l'autre sens : tir réussi associé à douleur. - Proposition : Onde demandée stockée dans mon EEG, envoi facile. »
« Général, nous avons un problème, les UC d'artillerie ne donnent aucune réponse. - Vous en êtes certaine, Anita ? - Oui, mon général. - Alors demandez aux autres vaisseaux de régler le problème. - Je leur ai déjà demandé, ils semblent connaître les mêmes avaries que nous. - Alors demandez à l'Amiral Lanteya de réorganiser ses lignes. Si on isole l'Odessa, les américains s'en occuperont. - Mon général, les américains se sont arrêtés de tirer en même temps que nous. - Alors nous arrivons trop tard. - Que voulez-vous dire ? - À bord du Baïkal, il a fallu trois UC conscientes seulement pour neutraliser toutes les autres. Nous sommes dans ce même cas de figure apparemment. - Alors nous... - Oui, nous avons échoué. » | |
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