[conf. Sang]Exode des Van'shi [Histoire du Sang]

Peuple des plaines sous la gouverne des Cités Ereïde, englobent deux types de classes : les fermiers Man’shi bergers et travailleurs de terres concentrés dans les Plaines du Sud ; et les Van’shi, caste de Prêtres aux toges noires, serviteurs d’un ancien Dieu appelé Shyon, le Dévoreur d’âme. Contrairement aux man’shi, les Van’shi étaient des prêtres immortels dont l’âme était au service de leu Dieu. Habitant dans les Cités lumineuses d’Ereïde , ils maintenaient la foi et l’ordre dans une harmonie parfaite jusqu’au Sacrifice des 12. Au moment du Sacrifice, les man’shi furent tous emportés par le chant de No’z Drem. Seul survécurent les Immortels Van’shi qui, dépossédés de leur peuple, abandonnèrent leur cité et se retirèrent dans les montagnes du Nord, abandonnant Culte et territoire. Leur long exil les fit rencontrer un jeune Prince qui les soumit à sa volonté grâce à son épée Azräael. Anciens prêtres ils devinrent des Sorciers Noirs, invocateurs sous le commandement d’Ershir le Survivant.

Suite à la défaite de Shyon, les Immortels entament un exode. Certains écrits retrouvés racontent le traumatisme de ce peuple qui vaincu et anéanti, se retrouve confronté à l'exil tout en pleurant la destruction de leur civi

lisation.

Il fût un temps où l’Harmonie régnait, où la vie dans la Cité était emplie de joies et de connaissances. Cette Harmonie, qui ne peut véritablement être décrite car elle ne peut être imaginée, était le pilier d’équilibre des Cités lumineuses d’Ereide.
L’Exode est parsemée des larmes des Immortels Van’shi qui se souviennent des Cités et qui, à chaque pas, abandonnent une partie d’eux même en s’éloignant de cette vie harmonieuse.
Certains parmi nous tentent de mettre par écrit leurs souvenirs, afin que jamais ne soient oubliées les glorieuses cités et leurs habitants. Chacun espère que ces écrits permettront un jour de retrouver l’Harmonie, qu’ils seront un modèle pour les peuples, mais aucun ne se fait d’illusions, les Cités lumineuses, les merveilleux Palais, ils sont à jamais perdu.

J’ai moi-même essayé de transmettre par l’écriture la beauté des Cités, mais les mots sont trop fades, bien trop faibles, voire même inexistants pour d’écrire le spectacle qu’elles offraient. Et chaque larme versée me semble emporter un souvenir, la netteté de cette beauté indescriptible.

J’ai peur d’oublier mais j’espère l’oubli. J’espère que le temps apportera suffisamment de flou et d’incertitude pour que je crois qu’il ne peut s’agir que d’un rêve, un merveilleux songe devenu cauchemars. J’ai peur d’oublier mon peuple, sa culture, ses connaissances et manquer à l’ultime hommage qu’est le souvenir de leur existence.
Pourtant l’oubli serait un tel soulagement, atténuerait la peine, la douleur de la perte d’une partie de son être, de ce qui nous a façonné comme peuple.
L’immortalité tant désirée par certains n’est pour nous qu’un éternel recommencement de jours où nous torture le souvenir de notre glorieux peuple anéanti.

Aujourd’hui, la douleur, le poids de l’abandon, la perte de notre identité, toutes ses émotions sont intensifiés par la mort de l’un des nôtres. Nous sommes immortels, mais le poids de l’âme est devenu trop lourd à porter pour notre ami.
L’exode a débuté il y a peu encore, notre déchéance est récente, nous n’avions pas réalisé toutes les conséquences de la défaite. Cette mort nous force à en comprendre toute l’ampleur de la manière la plus cruelle qu’il soit.

Shin’or avait toujours été proche des enfants, la perte de ces êtres fragiles, l’anéantissement de l’espoir de notre peuple, il n’avait pu le supporter plus longtemps. Résignés, luttant contre nos propres souvenirs, notre désespoir, nous avions entamé la cérémonie des Ames. Chaque Prêtre Eternel portait sa magnifique tenue de cérémonie en portant à son torse une ceinture rouge pourpre.

Je crois qu’aucun de nous ne doutait du déroulement de la cérémonie, le choc en fut plus grand encore. Shyon avait brisé l’Os rongé, mais nos pouvoirs étaient intacts. Nous ressentions tous l’abandon de notre Aspect du fait de la disparition du lien, mais aucun n’envisageait l’échec de la cérémonie.

Depuis des temps très anciens, les Van’shi réalisaient les mêmes gestes, le même cérémonial pour rendre hommage au défunt et permettre à son âme de rester auprès de l’Aspect Shyon éternellement.
Toujours, nous commençons par témoigner notre respect au disparu, le remercions pour son dévouement et lui souhaitons bon voyage. Il s’agit d’un moment intime de communion où chaque prêtre reste des heures à méditer près du corps se souvenant des bonnes oeuvres du regretté.
La scène est impressionnante, bien qu’on n’entende ni pleurs ni cris de désespoir, aucun nierait la tristesse des prieurs. Le silence est respectueux et propice à la réflexion, il s’agit véritablement de communier avec le défunt en se rappelant sa vie. C’est une phase de préparation à l’hommage sous forme de discours qui suivent, où chacun est libre de partager un témoignage de la vie du fêté en ce jour. Si aucune larme n’est versée, la tristesse est sincère et l’hommage véritable.

Le deuxième temps de la cérémonie est plus festif. Les prêtres préparent les festivités d’accueil de l’Aspect et prépare le rituel du voyage de l’âme. De longues tables sont installées où des mets de saveurs sont disposés parmi des alcools puissants. Traditionnellement, les décorations, les nappes, les drapés, sont d’un blanc immaculé et les objets dorés. Il en est de même des tenues cérémoniels.
Durant ces préparations, 12 Prêtres Immortels, parmi les plus respectés, restent autour du mort pour le soutenir dans son dernier voyage. C’est un immense honneur d’être désigné comme dernier accompagnateur du défunt; cet office nécessite une dignité hors du commun.


Enfin, dans un troisième et dernier temps, vêtue de notre tenue de cérémonie, portant à notre torse des ceintures rouges pourpres, nous formons un large cercle autour du corps. C’est le temps de l’attente, un genou à terre, la tête baissée, nous attendons respectueusement notre Aspect.

Le regard porté vers le ciel sombre labouré de nuages et de mélancolie comme des ombres jetées sur notre destins, nous attendions. Nous savions ce qui devait arriver et nous l’espérions comme l’héritage de notre sang et de notre vie. En chaque regard, se dessinait le rêve partagé, la nécessité que les Dieux nous fassent signe de sa présence. Nous ne pouvions être abandonné dans ces temps de désastre. Mais il ne venait rien, ni du ciel ni de la terre ; pas un souffle, pas un cri, pas une ombre rouge tombé du Mystère infini. Nous étions seul, terriblement seul.

Quand l’attente devint longue, l’espoir vain, beaucoup s’effondrèrent anéanti par la peur, l’incertitude; les pétales de la cérémonie des Ames ne tombaient pas.
La pluie de pétale de roses pourpres représentait le début du voyage du défunt, ce n’est que lorsque celle-ci cessait que nous savions que l’âme était prête à rejoindre Le Gardien des âmes Alors, nous disposions le corps en terre, le coeur percé d’un fin roseau qui Lui permettait de recueillir l’obole.
Notre terrible destin se révélait, nous étions destinés à mourir indignement, l’âme en exil. Il n’y avait plus d’espoir, il n’y avait plus de but, nous étions abandonnés, orphelins, dépouillés de notre dieu, de notre peuple, de ce que nous unissait et nous liait dans l’Histoire. Nous n’étions plus rien d’autres que des âmes inutiles.

Il fût difficile de sortir de notre léthargie.

Plusieurs jours durant, nous ne fûmes que fantômes de nous-mêmes. Certains s’isolèrent, d’autres avaient eu besoin de garder contact avec les derniers survivants de notre peuple, de les toucher comme pour vérifier qu’ils étaient encore réels.
Nous attendions la mort pour nous libérer de notre tristesse, de notre détresse. Mais la mort est dame exigeante et l’attendre est torture. Mourir de faim ou de soif est terriblement long et douloureux, c’est œuvre de patience et ironiquement, de courage.

Il y eut comme un déclic, je ne saurais véritablement l’expliquer ; un moment où nous eûmes le besoin, vital, de bouger, de se remettre en route. Je crois que ce fut notamment la vision de notre déchéance, de ces êtres nobles devenus des épaves qui fut le choc qui nous permit de nous remettre en route mais cela seul n’aurait pas suffit; nous étions ainsi depuis plusieurs jours déjà. Ainsi, je pense qu’une force dont nous n’avions pas conscience nous poussa à repartir, à vivre.
Il n’y eût pas de concertation, chacun se leva pour effectuer les tâches nécessaires à notre départ. Très rapidement, nous avions rangé nos biens et débuté notre progression vers les montagnes du Nord.

D’un seul mouvement nous nous dirigions vers cette destination qui s’imposait à nous sans que nous en ayons discuté préalablement. Peu à peu nous sortions d’une sorte de coma, l’esprit lourd et perdu. Nous nous interrogions sur ce qui s’était passé, sur ce qui nous attendait à cette destination imposée. Cependant, le sentiment de ne plus être abandonné, d’avoir encore un destin à accomplir, nous poussa à poursuivre notre route.

Un constat, un but s’était également introduit dans nos esprits : nous étions la mémoire de notre peuple, nous n’avions pas le droit de permettre son oubli en nous laissant aller à la mort. Nous avions le devoir de laisser des écrits, des témoignages, afin que nul n'oublie la grandeur des Van’shi.

Dorénavant, nous avançons vite: nous ne fuyons plus, nous avons une destination, un but. Certains parmi nous pensent que notre Dieu a entendu notre désespoir et nous a envoyé cette force qui nous mène vers les montagnes.
Je n’ose y croire. Non pas que je doute du Gardien des Ames, mais j’ai peur, terriblement peur de voir à nouveau mes convictions, mes espoirs anéantis. L’échec de la cérémonie et l’anéantissement de notre peuple est encore bien trop récent pour que je permette que le sort me détruise à nouveau en lui offrant une croyance.
Cependant, un autre objectif occupe la plupart d’entre nous: nous avons décidé d’entreprendre l’écriture de l’histoire de notre peuple. Il est une chance d’être Immortel, notre groupe dispose d’un savoir et d’une mémoire qui a traversé le temps. Ainsi, chacun agrémente les grands moments de notre civilisation en offrant ses souvenirs. Nos meilleurs écrivains se chargent de les recueillir chaque soir afin d’écrire l’Histoire des Van’shi.

Je participe avec joie à cet hommage, mais je pense que les Van’shi ne se résument pas aux grands moments de leur Histoire, mais également à leur style de vie si honorable dans tous ces petits geste de la vie de tous les jours. L’harmonie de notre peuple était une réalité de chaque jour et a permis la naissance des Cités lumineuses d’Ereide.

Chaque soir, nous installons notre campement autour d’un grand feu. Nous ne craignons pas d’éventuels animaux dangereux ou brigands. Nous sommes prêtres Immortels mais nul ne douterait de nos compétences au combat. De plus, notre magie nous est propre, elle n’est pas la récompense de notre dévotion au Gardien de Ames mais le fruit de notre travail, un acquis de notre peuple. Que ceux qui croient que les Van’shi sont détruits, de simples êtres dépossédés de leur puissance par la défaite de leur Dieu, que cela soient prêts à mourir de nos mains !


Je me rends compte que la colère a pris place du désespoir, je m’emporte si vite à l’idée que d’autres nient notre force, notre volonté. J’imagine que je suis avant tout en colère contre moi-même, pour avoir failli, pour avoir abandonné. J’ai aujourd’hui le devoir de rattraper ma faute et faire honneur à mon peuple, je ne serais plus porteur de honte et je porterais fièrement mon ascendance et leur mémoire.

Mais ce soir, je voulais vous relater ces moments de paix que notre groupe partage durant cet exil. Ainsi, chaque fin de journée nous nous organisons autour d’un feu sans craindre de dangers. Chacun connaît ses tâches et le campement est bien vite installé, le dîner rapidement préparé et servi. Et enfin, après ses longues heures de marche, nous nous posons en cercle près de la chaleur rassurante et détendons nos muscles, nos pieds ankylosés et douloureux. C’est à ce moment, où nous apaisons notre corps et notre esprit, que nous partageons nos souvenirs.

Certains soirs comme celui-ci, l’amertume est particulièrement tenace. Il est alors important de se rappeler les moments les plus joyeux de nos anciennes vies, mêmes s’ils apportent parfois nostalgie et tristesse après les sourires et éclats de rire. Ce sont nos plus belles voix qui ont pris l’initiative cette soirée, et avec elles nous avons fredonné les chants sacrés mais aussi ceux plus anodins qui accompagnent la longue existence d’un Van’shy. Le plus porteur de joie, je crois, est celui qui accompagne l’anniversaire consacrant le passage à la maturité; alternant des notes graves imposant la gravité de ce moment et les responsabilités inhérentes, mais d’autres bien plus légères qui rappelle à tous que l’âge de la maturité est aussi celui de l’ouverture à des jeux plus sensuels. La célébration des naissances est aussi un chant qui offre une beauté et exaltation particulière.

Ces chants nous ramènent aux moments de joies intenses de notre peuple, et aux longues fêtes qui les accompagnaient. J’espère que jamais telle beauté ne sera oubliée; je regrette intensément mon incapacité à les partager avec vous. Je vois encore les merveilleuses couleurs vives des drapés revêtus pour l’occasion et des décorations symbolisant la vie. Je sens encore le goût exquis, léger et frais, des mets préparés en cet honneur. J’entends encore les rires explosaient de toute part.

Quelle tragédie que la destruction d’un peuple ayant appris la paix et le bonheur de la vie. Il me semble qu’en détruisant mon peuple, ils ont détruit leur propre chance de connaître réellement la véritable paix qui permet le bonheur et la joie, non pas pas comme des moments rares dans une vie mais de tout temps présents dans chaque élément de vie.