Mécanismes de défense contre Pujadas

S'il est à noter un fait avéré depuis quelques milliers d'années, un seul qui se démarque du lot par sa constance aux yeux de l'humanité, c'est bien celui-ci: Le monde est fou, et demain il le sera encore plus.

Il suffit de se pencher deux minutes sur les grands sites d'informations du web, ne serait-ce que sur le journal local, voir de discuter un tant soit peu sérieusement avec quelques amis éclairés, et vous verrez rapidement sortir des sujets polémiques, des anecdotes abracadabrantes, des nouvelles invraisemblables, et de l'information parfois même tout simplement grotesque. On aurait tord de penser que le monde civilisé, bien plus qu'hier et bien moins que demain, est si "civilisé" que ça. A l'échelle planétaire, nous ne sommes qu'un groupe de squatteurs particulièrement pugnaces, prolifères, et indécrottablement goinfres sur le plan des ressources naturelles.

Mais revenons en au sujet: Scandales politiques, révolutions de toutes sortes, terrorisme, guerres économiques, dettes, crises générationnelles, conflits sociaux... La liste est longue, faite de tous ces mots qui font peur, tels des épouvantails lugubres agités devant le nez de celui qui cherche à s'informer, ou qui subit l'information. C'est avéré, notre siècle est le siècle de l'information. Les amateurs de science fiction se plaisent à dire qu'un jour, l'information sera la monnaie dominante de notre société, et à l'heure actuelle, honnis soit ceux qui dénigrent s'informer sur ce qui les entoure.

Cependant, nous pouvons noter que la surinformation fournie par les différents médias, et Dieu bénisse l'internet, n'a jamais été aussi développée. Qui peut passer un jour sans se prendre une publicité, un spot radio, un spam, ou une newsletter dans les gencives ? Ainsi, nous nous retrouvons à vivre avec non plus un cercle d'amis et familial proche, comprenant les collègues d'études/travail, mais avec un monde à part entière. Il faut vivre avec des pays, des cultures, des univers superposés et connectés en permanence entre eux. Directement (discussions, rencontres, échanges), ou indirectement (politique intérieure/extérieure, image de votre nation, économie du pays, nouvelles lois et refontes pour s'adapter aux nouveaux contextes).

Ajoutez la pression et la masse énorme d'informations d'un monde à votre quotidien (ne parlons-nous pas dernièrement d'"infobésité" ?) à vos problèmes personnels et votre incompréhension encore plus grande de votre univers, et vous avez de quoi moudre dans votre lit douillet un bon paquet d'années avant de dormir paisiblement.


Maintenant, comment réagissez-vous face à cette connexion forcée à un univers beaucoup plus vaste qu'auparavant dans l'histoire, sur lequel vous n'avez pratiquement aucune emprise ?
Quel effet cela vous fait-il de voir le bonheur, l'espoir ou la tristesse des autres quand vous n'arrivez pas aisément à gérer vos propres sentiments ?

Pour répondre à ce chaos, l'esprit humain ne peut répondre que de deux manières: La raison, ou une autre forme de chaos. Autant certains préfèreront rationaliser, compartimenter les choses, mettre des murs, des barrières, tant de protections pour s'auto-protéger et pouvoir ainsi se concentrer sur son propre univers, à taille humaine, dans lequel nous avons de l'influence, ce qui est divinement rassurant.

Les autres, quant à eux, répondront par des actes aussi absurdes que l'absurdité qui se dégage de leur société. Nous avons tous nos petits moments de folie, nos pulsions, nos moments défoulatoires, mais parlons ici de VRAI absurde. Celui qui vous fait vous demander sincèrement: "pourquoi" ?
Il suffit de regarder le Guiness des records pour rire de la stupidité ou de l'improbable de certains défis. Et pourtant, ils ont été relevés. Il suffit de trainer deux heures sur le net pour tomber sur des vidéos toutes plus impensables ou ridicules les unes que les autres. Alors pourquoi ?

Mon avis est que c'est une forme d'exutoire. Une échappée mentale faite fondamentalement pour rire, et se sentir vivre. Faire quelque chose d'étonnant, un truc original, toujours plus différent, ou mieux réalisé que les autres nous fait nous font sentir vivants dans ce monde trop grand et trop complexe pour nous. Ce chaos amène très souvent le rire, car il est totalement décalé par rapport à ce que l'on voit chaque jour dans la rue. Un homme qui se met un collier électrique au maximum et qui aboit juste pour se faire électrocuter, une émission japonaise qui force des joueurs à prendre des poses tétrissiennes pour passer à travers des murs en mouvement, des allemands qui font un sport de la traversée de haies sauté... Tout ça pour le rire, même si on peut clairement se demander "pourquoi".

Ce développement fulgurant de l'absurde pour répondre à l'absurde a fait naître une culture à part entière, faite de vidéos improbables, de concepts drolatiques appelés "memes", ces images ou idées crées par et pour l'internet, et des milliards de photos et montages divers faits pour décrocher un fou rire basé sur du n'importe quoi. Culture éponyme tirant son nom anglophone de la réaction habituelle une fois mit devant la culture elle-même: "What the fuck ?".

Cette culture, avec la démocratisation d'internet et des réseaux sociaux de plus en plus généralisée, s'épand et devient même pour certains un étendard de bataille, un pilier de vie pour certains esprits en manque d'humour dans une société renfermée sur elle-même en temps de crise.

Mais l'adage est-il vrai ? Le monde sera-t-il toujours plus fou qu'hier ? Avec le développement des technologies de communication, la mondialisation totale et les moyens de transport de plus en plus rapides, peut-on croire que demain sera bien plus compliqué encore qu'aujourd'hui ? Aussi aurons-nous besoin d'encore plus d’échappatoires, avec des doses toujours pus fortes et de l'absurde toujours plus poussé ? De sorte que nos ancêtres verraient en nos enfants que peuplades devenues folles ? Les mauvaises langues diront que le Japon est déjà condamné, il suffit d'y regarder leurs émissions et divers jeux télés, bien que l'Amérique ne soit pas en reste, et peut-être même que l'Europe est en bon chemin.

Verrons-nous venir des comiques de plus en plus cyniques, des comportements et des vidéos de plus en plus absurdes sur le net et les autres médias, des gens toujours plus en manque de folie dans un monde trop sérieux et grave ? Qu'imagineriez-vous d'ici les prochaines années ? Des anonymous de l'entertainment ? Les 99% de wall street faisant du paint ball avec des masques de chevaux dans les locaux du World trade center 2 ?

A quand les terroristes clownesques prenant en otage des politiciens pour les forcer à danser sur Gangnam Style, le tout filmé en direct pour youtube ?

Que seriez-vous prêt à faire, ou à voir, pour continuer de rire ?

Tire sur mon doigt !

La surinformation existe car l’homme veut toujours en savoir plus, que cela soit intéressant, utile ou complément décalé. Mais pourquoi ? Tout simplement pour se concentrer sur des problèmes, des sujets qui ne le concernent pas directement, c’est-à-dire qui ne touche pas à sa vie privée et ainsi pouvoir penser à autre chose qu’à ses problèmes.

Mais aussi, pour ne pas se sentir exclue. En effet, il est tellement simple aujourd’hui de s’informer de tout et de rien que quelqu’un qui ne connaitrait pas la dernière information du jour passerait pour un marginal ou un imbécile.

Alors comment faire pour ne pas se sentir exclue d’un groupe ? Suivre l’information. Mais cette dernière peut être néfaste pour nous, nous faire ressentir de la culpabilité et donc nous faire peser sur nos épaules les problèmes du monde. Certes, parfois l’information permet aussi de nous ouvrir les yeux et de réagir. Mais quand cette information nous montre des problèmes, des évènements avec la conviction qu’il n’y a aucune échappatoire, l’homme commence à paniquer car il a peur de ce qu’il ne peut contrôler.

Et comme tu l’as bien dit Cocoon, l’homme essaye de pallier à ça en faisant des choses absurdes, des vidéos nous faisant rire et toujours de plus en plus improbable afin d’oublier pendant quelques instant la réalité qui nous entoure. Et oui, le monde est fou. Et cette folie s’accentue de jour en jour entrainant des absurdités de plus en plus poussées afin de cacher notre peur.

L’humour ne fait que s’adapter au monde qui l’entoure et si ce monde est fou, alors l’humour sera lui aussi déjanté.

Mais il y a autre chose qui explique le fait de pousser le rire de plus en plus loin : l’ennui. Et oui ! Dans un univers remplie de merveille, l’homme a réussi à inventer l’ennui. Et pour pallier à cela il rit. Mais on peut comparer le rire à une drogue car si quelqu’un rit d’un sujet, au bout d’un certain temps il va se lasser. Donc, il cherchera un sujet plus absurde pour rire et ainsi de suite. C’est un cycle sans fin.

Il n’y a donc aucune limite quand on a envie rire. Enfin presque…

Pour ma part, il est facile pour les autres de me faire rire. Et le jour où (ce qui n’est pas pour tout de suite) plus rien de ne me fera rire, cela voudra dire que la fin du monde est arrivé (ou qu’Exodus m’a tué parce que j’ai mangé le derniers cookie qui lui restait).

(Désolé pour le pavé !)

dvb a écrit:

Tire sur mon doigt !

Je repeindrai ta chambre en saumon-fushia, te mettrai des posters de One direction, Tokio Hotel, et Justin Bieber sur chaque mur avant de remplacer ta bibliothèque par une garde robe made in disneyland pour ce que tu viens de faire.

Tout d'abord merci d'avoir répondu. Green, j'en suis désolé, c'est bien là mon problème quand il s'agit de développer une "question", je donne les éléments de réflexion parfois qui partent un peu dans tous les sens, mais qui s'intègrent pourtant à mon raisonnement, même si le lien peut paraître flou.

Tr0n a écrit:

J'ai quelques minutes. Je répondrais donc juste sur "l'humour" et "l'absurde".

L'humour est bien plus philosophique qu'une simple rigolade au détour d'une émission culturelle sur les réseaux sociaux, et ne se résume pas au traitement de l'information par Morandini.

J'ai travaillé sur l'humour, qui était le thème de mon exam final de Culture générale (oui oui, on a eu ne matière rien que pour ça, thanks Lord), et j'ai pus aborder la philosophie de l'humour. Je ne résume pas l'humour à morandini ou "Very bad blagues", le sujet est bien plus complexe et profond que ça. Ma question n'était pas de savoir pourquoi c'est drôle les gens qui se mettent à poil au stade Ernest Wallon, mais pourquoi on tend vers ça ? Pourquoi, de mon ressenti, il y a de plus en plus de cette forme d'humour qui, comme le veut la définition, ne va pas dans le sens commun de la raison ou de la logique.

Tr0n a écrit:

Desproges le dit explicitement : il rit de tout, mais pas avec n'importe quel teubé de Neuilly ou d'Auschwitz. Je préfère Gotlib, mais ça n'a rien à voir. Pas plus tard qu'il y a quelques jours, lors de mes insomnies nocturnes, j'ai repris une phrase d'Albert Camus dans "Le Mythe de Sisyphe" : "L'absurde naît du rejet du suicide et du maintien de cette confrontation désespérée entre l'interrogation humaine et le silence du monde.". L'absurde va donc bien plus loin qu'une situation, il est à rapprocher de la valeur de l'existence, et d'une des premières questions philosophiques qu'on traite au lycée : le sens de la vie. Ton discours Cocoon, certes argumenté mais un peu fouillis, oublie comme 99% de ceux qui réfléchiront sur le sujet : le sens philosophique du mot absurde, et plus encore, ce qu'est l'humour. Plus personne ne s'interroge sur l'existence ou la non-existence.

Comme dit plus haut, désolé pour le manque de cohérence, j'essaierai de faire mieux au prochain débat
Cependant, on peut débattre sur, comme tu le dis, la philosophie de l'absurde, l'intérêt profond de cet humour, après tout, le débat est ouvert à ça, et si ça peut répondre à ma (enfin plutôt "mes") questions, allons-y. Je sais qu'il y a tout une pensée, une raison, une motivation profonde derrière chaque forme d'humour. Mais justement, est-ce que c'est bien pour se sentir différent, vivant, que certains nous font des actes délirants juste pour le "lolz" ? Pour combattre comme tu le cites le suicide et le silence du monde ? De ce que j'en vois, mais je me trompe peut-être, les formes d'humour qui marchent le mieux quand l'esprit est au plus bas c'est le noir/tranchant, et l'absurde, qui illustre vraiment le déclencheur du rire, patate chaude balancée d'un hémisphère à l'autre . Alors du coup je m'interroge: plus un monde sera sous pression, plus aura-t-il tendance à avoir un humour poussé aux extrêmes ? J'en discutais avec un ami qui a reprit l'exemple du Japon, me disant que ce pays était isolé au sens géographique, et que sa société particulière mettait les gens particulièrement sous pression, et que ça expliquait pour beaucoup leur humour singulier. Penses-tu que c'est justement pour combattre ce mélange de suicide et de silence ? Ou pour autre chose encore ?

Les questions sont floues, peut-être même pour moi, mais je m'interroge sur le pourquoi de tout ceci, sur ce qui motive ces formes d'humour. L'ennui, comme l'amène Avarras, y prend-t-il une part ? Est-ce qu'on peut pousser l'absurde, le WTF jusqu'aux extrêmes de l'imagination humaine ? Ou y a-t-il d'autres mécanismes de défense pour l'homme, pour réagir au monde ?

D'où ça vient, pourquoi ça marche et ça se développe, et jusqu'où ça peut aller ? Grosso modo, ce sont là les questions que je me pose à l'instant. L'origine, j'ai de bonnes idées pour avoir travaillé dessus, et je me doute que beaucoup de gens ici auraient leur seau à apporter au moulin, mais le reste ? Je n'ai pas d'idée fixe (gentil chien), c'est pour ça que j'en parle ici, pour avoir vos avis sur la question, et savoir si j'ai les mêmes raisonnements que certains d'entre vous, ou si je suis bel et bien seul à fantasmer sur du lasergame à la maison blanche...

Une dernière chose, le niveau zéro et politisé de l'humour, à ton avis, pourquoi on en est arrivés là ?

Nicolas Bedos. Le talent à l'état pur.