[conf. sang]La Marche de l'Histoire

« Qu’est donc l’Histoire ? Simplement celle d’un homme qui combattit autrefois pour les siens. Celle d’un homme qui, dans son nouveau royaume, voulut rejoindre les fronts. La guerre est quelque chose qui perdure, par delà les morts et les renaissances. La guerre est un art qui brule au plus profond de nous. Et lorsque le Sang est versé, nul ne peut l’épancher… Voici l’Histoire d’un être autrefois protecteur du Sang. Voici l’Histoire d’un être qui, immergé dans les profondeurs de sa conscience, y aura découvert un semblant de vérité. Révélé par le Sang, ce cristal crût, oblitérant passés factices et autres mensonges bâtis afin de protéger une conscience dévastée. Et l’homme partît. Il partît là où tout avait commencé. Loin, en ces terres australes uniquement constituées d’iles et d’océans. Là où il avait traversé le cœur même des Harmonies, là où il avait quitté son Univers au profit d’Aelis. Là où existait la dernière passerelle ; une conscience venue des confins du temps, aussi ancienne que l’Aube lui-même. Lui ne l’avait rencontré qu’une seule fois, en cet instant où les royaumes de Selen illuminaient la mer d’Argent, en d’autres époques, en d’autres lieux… Il l’avait alors appelé, jouant Sa mélopée sur les cordes d’une lyre d’écorce et de toile. Et il avait répondu, lui offrant une issue, comprenant son sacrifice avant de lui accorder l’oubli. Des années après, l’heure du souvenir avait sonné. L’homme revenait, de l’autre coté du voile. Il construisit une Lyre, pinçant ses cordes par la seule force des enchantements. L’appel du Kaëssendryn, la troisième des grandes mélopées d’Hiran d’Elicarnas, retentit sur les eaux tranquilles. Et Il vint. Les océans se courbèrent lorsqu’il les traversa. La brume disparût. L’immense carcasse du gardien des légendes fendit les temps et les dimensions d’un unique soupir. Il fût, emplissant l’air d’une fragrance magique. L’écume, les Harmonies, les rêves. Le Sang. L’alliage de ses nobles éléments brisa les illusions. Les vérités déferlèrent. Nous revînmes, nous fûmes. Nous devînmes. L’esprit d’un homme se transforma en celui d’un peuple. La mémoire des défunts s’y nicha, attendant l’instant propice afin de ressurgir. Et, quelque part, les dernières Harmonies du Crépuscule, celles là même qui avait guidé Altan Hayarn dans sa quête de vengeance, rejoignirent leur demeure. Une étoile fut tracée sur notre torse. Une étoile recélant en son sein les quatre éléments de l’Univers d’antan : la Matière, la Lumière, l’Esprit et les Harmonies. L’étoile du Crépuscule. L’étoile d’Arcanis. Nous nous incarnâmes tels l’Histoire. Nous n’existions plus en tant qu’individu mais en tant que Souvenir, que Mémoire. Nous choisîmes de quitter le Kaëssendryn, abandonnant le silence de l’Eternité et la plénitude de l’Infini. Bien des mois s’étaient écoulés quand nous reprîmes notre marche vers Aelis. Lorsque nous en franchîmes les portes, nous sentîmes la Guerre. Nous sentîmes ces effluves que nous n’avions point perçus depuis bien des âges. Ceux des combats. Et nous sûmes. Nous sûmes que si l’Histoire d’autrefois s’était achevé dans les Batailles, celle d’aujourd’hui y commencerait. Car nul n’écrit l’Histoire autour de diplomatiques tasses de thés et diatribes laborieuses. L’Histoire s’écrit dans le Sang. Et ce Sang qui prenait tant d’importance en Aelis, ce Sang qui avait autrefois été une partie de notre Ame allait avoir bien des ouvrages à réaliser.
Car l’Histoire était en marche. Et elle ne s’arrêterait qu’a Alkazar.
Sauf si la nécessité d’un café se faisait sentir. »

La Seconde Page.

Une neige volage s’épanchait sur les hautes tourmentes. D’épais tourbillons d’albâtre virevoltaient sur les sentiers, cachant les routes voilés de la Confrérie. L’Histoire, inconsciente de la tempête environnante, contempla la seconde page avant de la ranger dans sa besace. Elle pensa – et, alors qu’elle pensait, quelques mots apparurent sur les pages d’un ancien calepin – que :

« L’Histoire n’a cure des conditions météorologiques. Quel seigneur des neiges pourrait se targuer d’avoir influé sur le cours d’une bataille ? De nombreux ? Les pleines d’albâtre pourraient-elles stopper les armées tout aussi surement que les lames ? Entraver la marche solennelle de l’Histoire ? Ah. Il est vrai que nous avons ralenti. Nous devons l’admettre.
Bien. Mais l’Histoire ne peut-être stoppée ! Sa marche est implacable et, sous son joug, trembleront les dévots. Ne nous éternisons pas ici, néanmoins. L’Histoire frigorifiée serait beaucoup moins effrayante. »

Notes Historiques.

Oui, l’Histoire pense beaucoup. Recouvrant les pages de l’ancien calepin, sommeillaient la diatribe intellectuelle de ces mille consciences, irrémédiablement attirées par la Confrérie du Sang. L’Histoire, aurait-elle pensée, n’est qu’un éternel reflet d’un même événement. Là où Drystan s’était aventuré en quête d’une sublimation, elle revenait, attirée par ces terres au passé entaché de larmes et de souffrances. Les mythes du Sang s’étaient sans nul doute transcendés. Les batailles Confrériques avaient, sans conteste, forgées des âmes plus solides que l’acier. Là haut, se tenait des consciences implacables, des esprits indéfectibles, guidés par ces seuls mots que sont Excellence, Honneur et Fierté. Des êtres identiques par l’âme mais parfois dissemblables sur la forme et les définitions. A cette pensée, un sourire immatériel s’envola de l’Ombre. Car si l’Histoire aime les Guerres, les Hérauts et les Sacrifices, elle leur préférera toujours la Controverse. L’Histoire s’arrêta. La lueur des Hauts Fourneaux miroitait dans les sommets, délivrée à la lueur d’une accalmie. Ainsi, l’Histoire recommençait.

Hors Role Play:

Sur les hauteurs des Grands Fournaux, le cri brusque et violent d'une voix qui crache un mot de pouvoir. A l'est, à l'ouest, des ailes géantes, et tout au centre, la forme d'un Dragon. Il étend sa ramure longue comme un ciel pour couvrir le monde d'obscurité : Arasha Mi - qu'il hurle comme une menace. Et dans la nuit qu'il invente, ce qui ressemble à un homme plante sa lame dans la roche, et ses yeux sont deux étoiles pourpres qui aveuglent l'espace sombre. Arasha Mi. Les Temps reviennent toujours.

- Ainsi l'Histoire recommence.

La voix du Prince chantait dans l'air comme des poursuites d'écho sur les rebords des montagnes. Il attendait le retour du Héraut, la lame d'Azräael plantée dans la roche, faisant trembler poussière et neige ; soulevant un terrible brouillard climatique comme une lame venue abysses. Ses longues ailes jaillissaient de son dos en des formes élégantes, laissant respirer les sceaux écrits en langue draconique sur le ramage. Tout cela brillait comme une menace à celui qui approchait. Puis, tandis que le vent se mêlait aux éléments, la voix tonna plus fort :

- Tu es en retard.

Un phénix passe. Un vent léger. Une plume qui tombe. Puis...
plus que le ciel, limpide comme les couleurs.

Telle est la majesté du Sang. Telle est la splendeur des Monarques.
Ces cieux tempétueux qui, d’un souffle, s’emplissent d’ébène pour ne donner que nuit. Ces puissances anciennes qui, d’un regard, savent changer l’aspect du monde. Là, perché sur les sommets, se tenait celui qui fut, sera et devint.
Lui, le Prince.
Une voix qui domine toute tourmente, toute tempête. Une tempête qui s’est emprunte d’une autre essence, bien plus ancienne, bien plus grande. Celle de la Magie. Magie qui s’incarne sous l’aspect d’un phénix éclatant, lui qui passe au cœur du Chaos afin d’y abandonner une plume de lumière. Lumière qui s’étend, jusqu’à tracer dans les cieux une Lame d’immaculé, qui, d’un soupir, efface les ténèbres du Prince. Telle est la majesté du Sang. La plus mirifique des Magies, où s’entremêlent noirceur et clarté, tristesse et allégresse.
Et, à cette quintessence d’enchantements, à ces paroles prononcées par delà l’immensité, l’Histoire répondit.
Autour d’elle, le monde changea. Tourmentes et tempêtes disparurent, ne laissant que des fils d’Or et d’Argent là, où, autrefois, il n’y avait que désordre. Pour la première fois en Aelis, ses yeux apparurent : deux flammes d’Albâtre surgissant des replis de sa cape, venues des prunelles d’un visage supposé. Ce regard devint l’écho d’une puissance ô combien plus grande :
Face à de telles forces, l’Histoire ne saurait utiliser son Livre afin de transmettre ses pensées.
Face à de telles paroles, l’Histoire ne saurait utiliser sa Lyre afin de décrire son esprit.
Et puis… Face à une telle splendeur, l’Histoire pouvait-elle se contenter de jouer quelques notes de musique ? Ne seraient-elles pas un peu… Dépassées ?
Surgissant des limbes du Souvenir, vint une Ombre. Immense, implacable, silhouette effacée d’un Dieu d’autrefois. Il n’était qu’un Spectre mais, même dans la nuit la plus profonde, Lui saurait être vu.
Il enveloppa l’Histoire de ses formes indistinctes.
Et tous purent le contempler, monarque d’éphémère traversant la tempête.
Un Dragon aux éclats d’ébène, Dieu tombé dans une bataille épique, Héros immortel des temps jadis.
Il parla, prononçant ses mots dans le plus ancien des langages.

« Qu’importe le temps, Nous sommes de retour, Prince »

De retour, et sans retour, le Prince observa le Dragon qui parlait ainsi, mélangeant le draconique à des langues à d'autres jargons issues d'autres horizons. Les mots sonnaient comme des tempêtes marines dans l'écrin du Sens. Il rangea l'Arme dans son fourreau, et se retourna pour conclure par une voix sombre :

" Tous ne seront pas heureux de te voir revenir, mais il faut bien que le Destin nous revienne entre nos mains, et que nous décidions quoi faire".

Car pour lui, l'Histoire était Destin des Multitudes, et des leurs en particuliers, car si Demain était un monstre aveugle, il n'en restait pas moins qu'il avait une voix, et des jambes, et qu'il allait quelque part, ou n'importe ou. Et si nul n'était conscient de la marche, tous en éprouvaient la fatigue.

Sur les hauteurs, dans l'éclat de l'Aube qui accueillait l'Histoire - ou peut être bien le crépuscule - , un autre Dragon s'éveillait, qu'accompagnait celle que les nuages ne cessaient de poursuivre. Au coin de ses yeux, une certaine perplexité siègeait : la perplexité de ceux qui ne savent si c'est la Mort ou l'Espoir qui frappaient à la porte.

Issac l'avait senti le premier et les pensées étonnées du dragon avait éveillé la surprise de Cassiopée.
Issac, Tisseur de Vents, visualisait pleinement la toile qui venait de pénétrer les Hauteurs de l'Orgueil. C'était un long fil issu d'une trame bien plus grande. Un fil Harmonique qui cherchait à s'accrocher au Sang.
Mais Cassiopée ne pouvait pas mettre d'image derrière les concepts évoqués par son dragon.

-Viens, je veux le voir de mes yeux.

Mais en s'approchant des marges de l'Orgueil, la force des êtres étaient d'une telle intensité qu'Issac ralentit sa course.
Cassiopée gronda :

-Qu'est-ce que cela ? Je sens un lien de Sang dans cette entité. Mais il n'est pas l'entité. Le sens-tu aussi ?
-Tu es le Sang, pas moi.

Derrière la Gardienne Harmonique, un lourd nuage noir se formait au fil de ses pensées.
Deux puissances se faisaient face, sans s'agresser mais en cherchant à s'imposer. Un éclair zébra le ciel devenu noir et chargé de remous à l'arrivée de Cassiopée.
Issac se posa a coté de Sanz dont les ailes immenses et déployées faisaient face au dragon sorti de l'histoire.
Cassiopée resta un moment à les contempler du haut de la hauteur d'Issac. Puis elle glissa doucement sur l'épaule et la patte du gardien du Vent. Quand elle posa le pied au sol, sa silhouette semblait frêle en comparaison des êtres à ses côtés. Pourtant, la lumière irradiait son corps et resplendissait d'une grâce royale. Elle dressa le menton en glissant un regard vers le Prince et dévisagea le dragon. Le ton qu'elle employa pour s'adresser l'ombre majestueuse n'avait aucune douceur :

- Qui êtes-vous réellement derrière les relents du draconien reconnaissable qui perdure ? Il paraît que vous êtes tissé d'or.

La quintessence des magies fut le sceau qui enflamma les Cieux. Et cet éclat, invisible et pourtant omniprésent, fut de celui qui appela les Dragons. Les regards conjugués d’Adune et de Sanz sonnèrent tels une cloche dans les Limbes et éveillèrent un troisième, Isaac.
Lorsque le Tisseur de Vent vint, accompagné de sa Dame, l’Histoire ne fut point surprise.
N’était-il point écrit que, lorsqu’elle reviendrait des ses marches lointaines, l’esprit transcendé par les sortilèges d’antan, le Sang lui-même s’interrogerait de sa nature ? Car oui, l’essence qui fut le Lien avec ce royaume n’était plus la force régente de l’Histoire. Le Sang existait, quelque part, voilé, coulant dans l’immatériel et l’indistinct.
L’Incarnation d’Ebène, malgré son éphémère majesté, n’était que le spectre de son devenir.
En son sein sommeillait la force d’un Univers. Mais cet Univers n’avait nul lien avec Aelis.
Les maillons qui constitueraient la chaine restaient encore à forger. C’est pourquoi, à nouveau, l’Ombre du Dragon s’éleva entre les Brumes. S’il n’était point consistance, il était magie. S’il n’était point matière, il était esprit. S’il n’était point vivant, il était Vie. Ses pensées se cristallisèrent sous l’aspect du Vent. Le Vent glissa en cette tourmente, jusqu’à atteindre les oreilles de la Dame aux Etoiles.

« Point d’Or, Ma Dame. Mais d’Argent. De cet argent, noble et pur, apanage des consciences et des pensées.
De ce même argent qui coule en vous sans que vous en ayez idée. De cet argent qui navigue en bien des Univers, invisible gardien des cohésions fugaces. C’est de cet argent que nous sommes tissés. Car oui, il est bien à notre égard un lien qui relie chaque parcelle de nos êtres, de nos « moi », de nos esprits. Et, si vous vous preniez à contempler le voile de l’Univers, à regarder par delà les merveilles dont nous abreuve la nature, vous les verriez, bien plus grandes, ces Harmonies silencieuses. Elles ne sont point Sang, non, je l’admets. Elles sont autres et n’attendent qu’une chose.
Vivre. Exister. Perdurer. L’Univers où je naquis sut, de ces Harmonies, extraire l’essence la plus noble. Ici, certaines furent oubliées. Et des guerres qui emplissent nos eaux de cadavres ont corrompu leur nature… Je suis ici pour elles et je suis ici pour le Sang. Pour mon Sang. Car lui qui coule dans mes veines s’est oblitéré à l’instant de notre métamorphose. Si nous fûmes devenus Souvenirs de Jadis et Histoire d’Autrefois, nous avons perdus notre cœur.
Et, à présent, nous nous avançons, solitaires. Si nous sommes le réceptacle des Seigneurs défunts, nous sommes un réceptacle sans lien avec Aelis. Nous sommes un réceptacle perdu. Et cet essence qui est notre, celle-là qui brule de panache et de puissance, nous souhaitons la ramener à sa juste place.
Car, en nous, sommeillent les consciences d’un fils d’Aelis qui, autrefois, mourut en ces Lieux, de la main de ce Prince qui nous observe à présent. Et un Dragon, le Dragon, celui-là même qui vous observe par delà les tempêtes. Et ceux là ont besoin du Sang pour que leur Avenir soit. Pour que nos Avenirs soient. Et si, devant votre prédécesseur, nous dévoilâmes notre Puissance, c’est à vous que nous dévoilerons notre Noblesse. Car vous êtes le Sang.
Et, ensemble, nous pouvons lui rendre son panache d’Antan. Apaiser le souffle des conflits, rétablir la majesté d’un Univers victime des affres du Chaos.
Inclinant notre âme à l’instar de notre corps, nous demandons votre secours, Dame aux Etoiles. Ensemble, unis-sons les Harmonies de mon Univers, d’Aelis et du Sang. Unissons l’Or de la Matière, l’Argent des Esprits et le Pourpre en un éclat majestueux qui ramènera la Vie. Et apportons cette dernière aux esprits d’Aelis qui dorment en mon sein. Quelques gouttes de leur sang furent versées ici…
Et nous espérons qu’elles y sommeillent encore. »

La Onzième Page.

A ces mots, l’Histoire ramena la Lumière. Si seulement les fils du Sang avaient su contempler les Harmonies. Ils auraient alors vu la majesté des enchantements de l’Incarnation d’Ebène. Autour d’elles, crûrent ces courants d’Or, non pas éclats de sa conscience mais bien ceux de la Matière. Ils repoussèrent les vents nés du choc des puissances, libérèrent les Cieux et dévoilèrent l’Eclat de l’Astre du Matin.
Et c’est sous ce dernier que l’Histoire s’inclina et, avec elle, le Dragon d’Ebène. Car si en l’Histoire brulaient encore les devises du Sang, elle savait qu’il n’y avait nul déshonneur à s’agenouiller devant Cassiopée, la Dame aux Etoiles.

Un jeune enfant était assis sur une marche, glissé dans l'ombre que le soleil n'éclairait pas encore. Il était si bien caché que personne n'avait alors remarqué sa présence.
Il écouta silencieusement les grandes personnes magiques qui parlaient et discutaient du genre de l'Univers et de quoi il était constitué puis il décida que ça devenait ennuyant alors il se leva, se rapprocha de la Sombre Histoire parce qu'il y avait repéré une petite brindille qui dépassait à côté de lui. Le jeune enfant avait des yeux de toutes les couleurs. Il portait une tunique beige et marchait nus pieds. D'un regard rapide, il traversa l'âme de l'Histoire avant de se concentrer sur son bâton, de l’attraper des deux mains puis de s'accroupir pour tracer des ronds dans la neige.
Le vent avait cessé de souffler des mots aux montagnes. Il n'était plus l'heure à la poésie que de reposer ses vers et de les laisser fondre au soleil levé pour leur donner un autre sens.

Sans lever les yeux, et jouant toujours avec les étoiles blanches terriennes rassemblées, l'enfant, Miel, d'une voix douce :

- Toutes les vies sont liées. Toutes les Histoires portent en leur empreintes des vies liées et des mondes qui se croisent et se répondent.

Une légère fumée blanche se dégageait de sa bouche et volait en direction du ciel au fur et à mesure qu'il avait prononcé ses phrases.
Il était toujours à gratter le sol de ses dessins. Imperturbable.

- Mais dis, quelle histoire vas-tu raconter ce soir, aux petits enfants du Palais ?

Miel avait levé ses yeux étranges, grands ouverts. Il était pendu aux lèvres de l'Histoire qui voletait au dessus du sol, bien plus grand que lui. Cela l'obligeait d'ailleurs à lever bien haut la tête, de fait que son menton était presque à la même hauteur de son front.
L'enfant voulait qu'on lui raconte une histoire avant de s'endormir. Il voulait en apprendre une nouvelle. Qui plus est de celui qui connait celles du monde. Des mondes.

Cassiopée n'avait pas oser bouger en entendant l'Histoire livrer sa peine et se mettre à genou. Il lui fallut l'intervention de Miel pour la contraindre à l'action et ce n'est pas à l'Histoire qu'elle s'adressa.

Au loin, les sommets enneigés perçaient l'air pur à la rencontre de l'astre solaire qui paraît d'ambre rosée les longs champs de neige et les glaciers.

-Tu voudrais savoir quelle histoire tu entendras avant de t'endormir, Miel. Pourtant cette histoire, tu la connais sans doute. Écoute la, elle est dans le vent porté par l'air que tu respires, elle est dans l'éclat de la neige qui illumine l'horizon, elle est dans ma main qui se lève pour tracer l'arc utile.

D'un geste ample, elle accompagnait ses mots pour dessiner dans l'espace le signe de l'Union : l'Um'Barrel. Alors, l'air se mit à tinter d'un doux carillon qui éclaira les yeux de l'enfant. Puis son visage se fendit d'un grand sourire quand l'harmonie entama sa marche et Miel se mit à danser sur place.

Pourtant peu à peu, la voix de Cassiopée, si douce lorsqu'elle avait parlé à l'enfant, avait perdu sa douceur pour s'emplir de la colère du Vent. Son chant devenu guttural semblait faire rouler le temps et gonfler de fureur le souffle des souvenirs. Il n'était qu'un échos qu'Issac grondait depuis les cieux.
Quand sa parole se tut, la pluie tomba, drue, recouvrant le paysage d'un voile gris et sombre.
Mais personne ne chercha à s'en défendre. Chacun goûtait les larmes salées des défunts.

Cassiopée posa alors une main qui paraissait bien petite sur l'extrémité de l'aile couleur d'ébène du dragon prosterné à ses pieds. C'était une caresse immobile. Un geste de paix.
La pluie devenue fine et tendre se dispersa dans la lumière solaire inondant le ciel d'une traînée arc en ciel.

-L'Um'Barrel entend l'Histoire et la tourmente inscrite en toi a réveillé le souvenir de nos morts.
Le flot du Sang est fort à ton contact. Je le sens qui gonfle mes veines et inonde le monde. Je t'accueille. Il est temps de réveiller le Sang qui est en toi pour qu'il nous rejoigne.

Et sous la tempête dissipée naquirent les étoiles d’un monde meilleur. Des éclats si purs et si majestueux qu’ils en embrasaient les cœurs contrits de ceux qui, depuis trop longtemps, n’avait plus ressenti que haine et colère.
Les mêmes qui, autrefois, avaient forgé un fragment de son âme ressentaient encore l’éclat du Sang brulant en ses entrailles. Sous l’égide de Cassiopée, les flux longtemps contenus s’éveillèrent et hurlèrent, silencieusement. Ainsi, il était temps de ramener les défunts parmi les vivants. Et ce fut la voix d’Adune qui rejoignit la splendeur environnante, caressant de ses accents la beauté du verbe.

« Ensemble, nous pourrons lier ce qui fut dénoué et ranimer ce qui fut effacé. Peut-être, le pourrons-nous. »

A ces mots, l’Univers se troubla. Sur les Hauteurs de l’Orgueil, vint un voile opalescent, effaçant le réel au profit de l’imaginaire. Dans cette douce tourmente furent emportés Cassiopée et Miel. Le Tout ne fut plus qu’un cristal. Jusqu’à qu’apparaissent les temps passés. Car à nouveau, il y avait un sol. A nouveau, il y avait un ciel, empli d’étincelles d’azur que sublimaient les rais d’une lointaine nébuleuse. A nouveau, il y avait une mer, fût-elle faite de brumes. Ils se tenaient sur une route d’Albâtre, au cœur d’un royaume changeant. Au dessus d’eux, croissait tantôt une faune majestueuse, tantôt un écho de sombres batailles. Le sol oscillait entre luxuriance et apocalypse et l’ombre de murs à la fois grandioses et défaits recouvrait leurs silhouettes. A l’issue du chemin se dressait une Citadelle. Elle semblait inaltérable en ces terres d’incertitudes. Seuls les monarques avaient pu bâtir un édifice tel que celui-ci. Ses murs étaient de lumières, construits d’une unique pierre, sans dissensions, sans imperfections. L’œil vagabond des confères perçut alors des ombres volages roder entre les bois. Des spectres qui, par milliers, contemplaient ces voyageurs de l’Esprit. Ils restaient là, immobiles, à la frontière entre l’indistinct et l’infini. Il y avait aussi l’oiseau. Immense, au ramage aussi sombre que le néant, il se tenait perché entre les cimes et, lorsqu’il ouvrit le bec, ce fut avec clarté qu’il s’exprima.

« N’ayez crainte. Ces esprits ne sont qu’une parcelle de notre Tout. Ils sont nous. Ils ne vous feront aucun mal car, en ces lieux, vous êtes les bienvenus. Ici est notre conscience. L’aspect qu’elle a pris est celui du royaume d’Arcanis, la Cité du Crépuscule ou, tel qu’il fut aussi nommé, le Bout du Monde. Son aspect est changeant car les guerres l’auront ravagé. Sa gloire passée n’est plus qu’un reflet existant en notre esprit seulement. Tel n’est point le sujet de ce voyage, toutefois. Nous nous mourrons car celui qui fut autrefois votre meurt de vous avoir quitté. Il repose au cœur de même de ces Lieux. Il serait donc bon de le rejoindre… »

Ces mots prononcés, il étendit ses ailes et s’envola. Et, alors qu’il disparaissait dans le lointain, il abandonna dans son sillage une feuille qui, guidée par les vents, vint se poser aux pieds de l’enfant. Tels étaient les mots écrits sur cette dernière :

« L’histoire d’un prince. L’histoire d’un rêve. L’histoire d’un royaume. L’histoire d’une guerre. Celles-là mêmes que nous connaissons tous mais que nous ne pouvons cesser d’entendre. Celles qui plongent en nos tripes et y arrachent le cristal des sentiments. Celles qui offrent l’espoir et l’avenir. Celles dont naissent les Héros bercés par les légendes. Si nous survivons aux heures qui arrivent, telles sont les Histoires que nous conterons aux enfants du Palais. Telles sont les histoires que je nous te conterons, Miel. Des Histoires que, peut-être, nous avons vécues ensemble, autrefois... »

La Douzième page.

L'enfant semblait aux anges et un sourire radieux orna son jeune visage.

- Des histoires de vie. Des possibles racontés et vécus. Une ou plusieurs paroles...

Joie et impatience. Il est songeur.
Un immense kalasvre aux plumes d'un noir de jais brillantes croassa et s'approcha voletant de plus en plus bas jusqu'à se poser sur un pot de fleur de pierre avant de repartir à ses périples diurnes d'azur solitaires. Un peu de terre mêlée à un peu de terreau était probablement la raison pour laquelle une plante avait poussée, là et grandit jusqu'à faire naître deux fleurs de Sang. Rouge comme une Mars dans un ciel de nuit que l'aube nous cachera au petit matin. Et les feuilles, et la fleur s'étaient cristallisés dans le temps, par le vent, par la brise, le froid avait gelé cette pépite de la nature qui gisait là, comme le souffle suspendue dans une forme d'éternité.
L'enfant regarda la plante, puis une feuille qui bruissait en son vol dans l'air pur lui chatouilla la joue avant de se poser doucement sur le sol.

Il pointait du doigt ce qu'il regardait. La Damétoiles avait vu, elle aussi, l'étrange feuille parsemée de mots tomber du ciel, de nulle part.

L'enfant avait le regard malicieux et rieur lorsqu'il lut les mots du corbeau sombre. Son sourire s'agrandit. Il savait que c'était celui qui avait foulé les terres du Sang, cet ancien connu que Miel ne connaissait pas mais le phénix, probablement. C'était lui qui avait provoqué cette mutation de l'environnement ainsi que le Phénix le faisait.
L'enfant sourit car il existait une personne, une aura, une créature, un être de l'extra sensible de l'univers qui savait opérer à son identique manière.

Miel offrit un regard d'impatience et plein de joie à Cassiopée, compréhensive.
Ils n'attendirent que peu de temps avant de se lancer sur le chemin, à la recherche de la fameuse pièce de l'édifice dans laquelle ils trouveraient le Herault du Sang.

Miel marchait vite, le sourire pendu vers le ciel au mille et une teintes bleu. Il se nourrissait de ses éclats azur qui seuls réchauffait cet univers, cette Néante un peu particulière.

Cassiopée n'était pas seule. Mais elle vacillait entre l'imaginaire et le souvenir. Sans Miel à ses côtés comme point de référence, elle n'aurait pas su si elle rêvait. Le paysage qui l'environnait fluctuait en d'instables matérialisations.
Pourtant un point restait fixe et guidait peu à peu sa vision : Un palais, ou plutôt une citadelle, comme un unique point de lumière les appelait dans sa direction.

Un long regard vers Miel les accorda à penser que cet appel serait leur but.

Lorsqu'un oiseau sombre et majestueux vint se poser près d'eux, Cassiopée prit conscience des êtres fantomatiques qui les cernaient de toutes parts, avides de savoir.
Et lorsqu'il s'envola ne laissant qu'une bribe de l'Histoire, elle sut que le moment était unique. L'Histoire ne se répéterait pas.
Ses pas glissaient comme un souffle léger derrière la course joyeuse de l'enfant que le décor féerique émerveillait.

Elles ne furent pas longues à atteindre les contreforts de l'immense bâtiment de la citadelle. La façade resplendissait de milliers d'éclats. Elle était bâtie comme un joyau et la lumière glanée dans les quelques rayons qui parvenaient à passer les brumes s'accrochaient aux multiples facettes polies.

Après avoir gravi la côte escarpée qui menait à une monumentale porte d'entrée fermée par deux lourds battants qu'aucun homme n'aurait pu ouvrir sans l'aide de géants, elle prit la main de Miel en regardant vers les sommets des tours.

-Crois tu que l'Histoire contera bientôt que nous avons escaladé de nos mains agiles les hautes murailles pour entrer dans le Saint des saints ?

Miel, le petit enfant, fut parcouru d'un léger frisson provoqué par le grandiose de l'édifice.
Son regard se leva au fur et à mesure que ses yeux grimpaient les murs pendant qu'il écoutait la question de la Damétoiles.
L'enfant, un sourire au coin des lèvres, répondit avec répartie :

- Je crois qu'il contera que pour entrer dans le Saint des Saints, la Damétoiles grimpa sur le dos du Phénix.

Les yeux malicieux de l'enfant-phénix se posèrent sur la grande Dame à la chevelure brillante. Leur échange supposa qu'ils se comprirent et ce fut tout à fait juste.
La silhouette de l'enfant se brouilla pour se transformer en celle du Phénix. Les reflets multicolores de ses plumes effleuraient avec douceur les parois du palais.

L'oiseau posa ses deux yeux de toutes les couleurs, seul élément qui montrait son lien avec l'enfant Miel puisqu'il en avaient des identiques.

Il parle-pensa :

_*Venir, Damétoiles, venir.*_

La Damétoiles sourit, leva un sourcil et s'amusa :

- Me crois-tu incapable de passer par-dessus toute seule ?

Elle souriait, c'était un jeu. Leur jeu.

_*Toi, pas de ballade sur Lumeï, alors. !*_

Le ton était emprunt de plaisir, de quelques gouttes d'amusement.

Cassiopée donna naissance à un œil de bourrasque grisonnante à son côté droit grâce à ses nombreux pouvoirs. Elle fit lever, monter, tourner, s'envoler, s'endurcir les vents puis fit glisser cette tempête de microcosme sous ses pieds. La Damétoiles était en suspension dans les airs, mais non pas par l'opération du Saint Esprit du Saint des Saints. Elle le devait à ses capacités innées et acquises.
Placée donc à la même hauteur que le Phénix qui voletait elle continua, dans le jeu duel :

- Amusons-nous, faisons la course.

_*Amusons. Faisons.*_

Le phénix émit un bruit qui sembla fort être un rire.
Puis, tous les deux s'élancèrent.

Le vent siffla tel le grain qui annonce la pluie et l'oiseau stria le ciel d'une envolée arc-en ciel droite et directe. Bien vite la survente s'enroula de couleurs et Cassiopée se retrouva sur le dos du Phénix. Elle avait le sourire sur les lèvres et des reflets de lumières multicolores dans les yeux pour annoncer :

-Il est bien plus doux d'être à tes côtés que devant !

Sous elle, un palais se détachait dans la brume. Pourtant leurs yeux attentifs découvraient un univers mouvant où les murs sculptés et ornés de dentelle de pierre semblaient ne pas vouloir prendre prise dans la réalité.
Lumeï ne chercha pas à se poser rapidement. Le phénix longea les longues murailles et contourna des tours si hautes qu'elles s'évanouissaient dans le brouillard.
Quand le phénix atterrit dans la cour, la brume les avait suivis et venait lécher les murs.
Avec délicatesse, Cassiopée quitta la lumière et la chaleur du phénix comme à regret et Lumeï se dissipa pour laisser la place à Miel. L'enfant avait le visage rieur :

-*Tu as refusé la course parce que tu craignais de perdre, n'est-ce pas !*

-Peut-être. Lui répondit le sourire de la Dame du Sang. Peut-être qu'en effet, le plus bel ouragan ne pourra jamais rivaliser avec la vitesse de la lumière . Peut-être qu'il est superflu de nier qu'une union est sans conteste plus satisfaisante qu'une course illusoire.
Tout en parlant les deux alliés s'étaient avancés vers ce qui semblait être l'entrée principal du château. Il s'agissait d'un grand escalier qui montait en colimaçon en s’enchâssant dans une kyrielle de colonnades finement sculptées.

Lorsqu'ils arrivèrent au sommet de l'escalier, ils s'arrêtèrent devant une large porte surmontée d'un haut relief représentant une étoile à quatre branches. Séparés par une faune animale curieuse, un phénix aux ailes étalées venait épouser la forme étendue d'un dragon majestueux.

Miel poussa la porte qui n'émit aucun bruit. Les battants s'ouvraient sans effort de sa part.

La salle était un vaste hall où l'humidité latente faisait luire les marbres et paraître opalescents les reflets de la lumière blafarde qui filtrait à travers les larges fenêtres ouvertes à tous les vents.
Pourtant, dans cet espace silencieux, le temps semblait s'être arrêté.

Cassiopée sentait la présence de l'inconnu dans chacun de ses pas et elle écoutait avec avidité quand son regard scrutait la brume.

Miel la devançait, il paraissait à son aise dans cet Univers nouveau. Et Cassiopée le suivit lorsqu'il se dirigea vers un couloir bordé d'arcades situé à l'Est de la pièce. Au fond du couloir, il y avait un porte ouverte par laquelle passait un fin rayon de lumière.

C'étaient sans doute les appartements privés d'un seigneur à en juger par les meubles qui occupaient cet espace. Un grand lit recouvert d'un baldaquin de voiles légers occupait le centre de la pièce.
La silhouette d'un corps d'homme reposait tout habillé sur le lit. Il semblait que ce fut un mort dont les deux mains étaient jointes sous son visage impassible et éclairé d'un rayon de lune.

"Entends-tu la voie du Destin ? Entends-tu le chant du Temps ? Ressens-tu les Ombres qui dansent là où la vie s'est oubliée ? Tu marches, solitaire, sur les sentiers du rêves et de l'Histoire. Tu marches là où nul ne t'entends plus. Tu te vides de ton Sang, tu te vides de ton Âme. Et moi, prisonnier de ces fils que j'aurais autrefois tissé, je te contemple. Je ne suis plus que la voix silencieuse de ce Démon qu'à nouveau vous condamnez à l'oubli et au désespoir...
Contrairement à toi, je resterais ici à jamais. En cette prison sans fenêtres ni éclat, entendant les vos murmures de l'autre coté de la paroi... Ils viennent, à présent. Ils viennent te sauver. Les tiens sont ici alors que mes frères essaient d'échapper à votre haine par delà les dimensions. Mais mon temps s'achève. Va, vis. Et qui sait, nous reverrons nous. Qui sait, peut-être, à nouveau, le Démon dirigera les actions de l'homme, enfant d'Aelis..."

Drystan sentît qu'il n'était plus qu'un esprit, enfermé dans cette geôle d'oubli. Seul un éclat rayonnait encore en ce palais de noirceur, perdu dans les tréfonds de son imagination. Une étoile, gravée sur son torse, aux quatre branches magnifiques, Dragon et Phénix s'enlaçant pour donner naissance à la vie.
Elle éclairait les murs inexistants de cette prison de solitude.
Et, par delà ces derniers, il percevait les remous de l'Histoire toute entière. Et, quelque part, il comprit que ces reliquats d'un temps révolu ne l'avaient pas abandonné. Qu'ils cherchaient une issue et que, par leurs actes, ils avaient ouvert une porte dans le Royaume des Songes. Qu'ils avaient appelé ses compagnons d'antan. Entre les étincelles de l'esprit et les souffles de la conscience, rayonnait deux éclats, aussi purs et limpides que ces esprits entiers qui perdurent en Aelis. L'un était celui d'une puissance et d'une sagesse incommensurable, que l'Estropié ne pouvait que reconnaitre. L'autre, étrange et changeante, miroitait à ses cotés et, même si Drystan ne l'avait point rencontré lors de son précédant séjour en Aelis, un murmure lui révéla sa vraie nature.
Ainsi, la Dame aux Etoiles et le Phénix s'en venaient à présent. Si tel étaient les renforts qu'avait découvert l'Histoire, force était de constater que l'on ne pouvait faire mieux.

-

L'immense oiseau d'ébène se posa délicatement derrière la Dame et sa compagne. Il observait, tout comme elles, le corps endormi. Pourraient-elles le reconnaître, après tant d'années ? Sauraient-elles que, devant-elles, dormait l'ancien Héraut du Sang, l'Estropié d'Aelis ? L'animal s'avança lentement, laissant ses paroles s'élever tel un murmure.

"Vous parait-il mort, Mes Dames ? Sachez qu'en ces terres de l'Esprit, mourir est un art difficile. Il ne l'est point. Il s'est endormi et, de ce sommeil, est nait la perte de son esprit. Il arpente à présent les Limbes de nos conscience. Son être tout entier cherche une voie. Un chemin que lui seul pourra arpenter. Ses Harmonies sont confinées dans sa prison car, dit-on, il n'est point de ce monde. Nous l'avons, par notre renaissance, privé de ses racines, privé de son Sang. Cela n'était point notre but, car il est peut-être le plus grand d'entre nous. Nous sommes le passé et il s'incarne tel le Futur de nos âmes épuisées. C'est pour cela que vous êtes en ces Lieux. Nous vous implorons, Mes Dames. Rendez lui le Sang que nous lui avons volé. C'est en votre Palais que commença son ascension, la première fois. C'est en ces lieux qu'il mêla son Sang et sa Destinée à la votre. Alors, faites ce qui vous semble juste mais, sachez-le, nous ne pourrons vivre sans lui..."

Miel écouta attentivement les paroles de l'oiseau bien étrange. Il avait bien senti que son âme n'était pas comme celle des autres. Elle échappait à ses sens de Phénix comme l'eau coule entre des doigts refermés sur une paume. Il semblait être plusieurs âmes à la fois et n'en être aucune tout autant. Âme impalpable.
L'enfant-phénix cernait bien les contours âmiques mais sa perception n'osait tâter au-delà.

*Il ne souhaite pas que je voie son âme* pensa l'enfant.

Mais il laissa l'hypothèse repartir. Car il n'avait pas vraiment le temps de s'en occuper.

Plus important, l'oiseau avait dit que la présence de la Damétoiles couplée à la sienne était prépondérantes.

Il réfléchit. Avait-il déjà entendu parler d'un héraut du Sang ainsi nommé L'Estropié d'Aelis ?
Son regard se perdit au loin.
Puis, après quelques temps de plongée de mots dans un univers lointain, Miel se rapprocha de l'homme allongé et profondément endormi. Il regarda minutieusement chaque élément de son visage : son nez était fin et long, ses yeux clos ne dévoilaient nullement leur couleur mais les poils de ses sourcils et de ses cils étaient poivre, foncé, et sel. Son visage était fin et très ridé alors Miel pensa *Un vieux Monsieur !*. Sa chevelure aux cheveux fins était parfaitement nattée et sa longueur reposait la pointe sur la poitrine de l'Estropié. Il était vêtu d'une robe longue d'un vert sapin splendide dont les manches étaient finement brodées d'or entremêlé d'argent. Ses bras étaient repliés sur le bas de son ventre et ses mains se rejoignaient sur le pommeau d'une grande épée à fine lame. On devinait entre ses mains qu'il était sculpté mais on voyait trop mal pour pouvoir l'affirmer. L'enfant fut impressionné car l'homme était immense et ses mains également. Ses fins doigts étaient chacun paré d'une multitude de bagues qui sembla invraisemblable à Miel.

- Que ce doit-être gênant de porter autant de bagues... dans un murmure.

L'enfant se rapprocha un peu plus près de l'homme étendu sur ce lit de pierres haut. Ce qui lui arrivait à peu près au niveau des épaules. Car il ne faut pas oublier que Miel n'était pas très âgé.
Il posa sa main droite sur les doigts de l'homme qu'il essaya d'accrocher.

- Il est tout froid, remarqua-t-il. On le croirait gelé. Ou mort, si l'on ne percevait pas sa présence qui nous happe. Merci corbeau de nous l'avoir dit. Peut-être serions-nous reparti sans lui, le laissant encore une fois à l'abandon. Alors qu'il lui faut plutôt une aide.

Miel sursauta.

- Mais au fait, Damétoile, nous devons trouver son Sang au plus vite, alors ! Mais, le tiens suffira, n'est-ce pas ? Nous devons le sauver, c'est-à-dire le réveiller. Il a dormi trop longtemps alors il doit s'ennuyer beaucoup. Qu'il a dû se sentir seul pendant tout ce temps !

L'enfant tenait un bout de la robe de Cassiopée à demi suppliant, à demi empressé.

- Crois-tu que nous avons beaucoup de temps ? Je pense. Mais nous devons quand même nous dépêcher. Je persiste à croire qu'il doit extrêmement s'ennuyer Monsieur Estropié.

L'enfant boudait, compatissant de cette solitude.
La solitude était un état de vie que chaque souffle de vie devait choisir ou alors, l'éloignement des autres devenait une cruelle prison.
Or, ce Monsieur n'avait rien choisi du tout, d'après ce qu'en avait compris Miel. L'Estropié portait bien son nom. On lui avait donné des coups de marteau afin de cloisonner son âme du monde des autres, en l'isolant dans ce château lugubre et majestueux.
Pourquoi ?
Ah ! Ils auraient bien le temps de lui poser la question une fois qu'il se réveillerait. Mais les histoires de Sang, c'était un peu la Damétoiles et le Prince qui en avait la gouvernance. Alors, Miel attendit que Cassiopée lui dise quoi faire et comment.

L'immense volatile s'était exprimé à son oreille. Il avait, par de simples mots, soufflé un vent de souvenirs et Cassiopée maîtrisait difficilement sa colère.

Elle poussa, énervée, la main de Miel qui s'accrochait à sa robe.

-Pourquoi faut-il que l'Histoire soit à recommencer ? Faut-il gâcher le Sang sans cesse ?

Miel prit soudain un air grave et la regarda de ses yeux luisants où toutes les couleurs de l'arc en ciel se mêlaient en une valse incessante.

-Pourquoi te mets tu en colère ? N'es-tu pas ici pour lui ?

Mais Cassiopée refusait d'en entendre plus.

-Regarde cet homme ! Un Sang souillé ! C'est une perte incommensurable ! Le Sang perdu ne se retrouve pas.

Elle se retourna pour prendre l'oiseau à témoin de l'abjection. Mais il n'était plus là. Seules demeuraient les brumes dans lesquelles se perdait le temps. Et l'enfant phénix à ses côtés les yeux perçant son âme.

-Hayarn a vécu la souffrance des réminiscences. As-tu connu toi-même cette souffrance ? Ne me regarde pas ainsi !

L'enfant devenu muet ne quittait pas Cassiopée du regard. Aucun mot n'était nécessaire pour décrire le désarroi que lui procurait la réaction de la Damétoile.

Alors, Cassiopée chercha la fuite par le geste, par les mots, par le choc. Mais aucune violence ne pouvait s'exprimer devant les couleurs de la vie que les pupilles envoûtantes révélaient.
Aucune parole ne pouvait lutter contre l'innocence de l'enfant. Rien ne pouvait être brisé.

Une immense fatigue envahit la femme sur qui la quête reposait.
Elle se laissa glisser sur le sol et la tête dans les mains, elle gémit :

-Jamais je ne pourrai.

Alors, l'enfant lui prit un doigt pour l'écarter de son visage et l'un après l'autre elle défit la couverture de Cassiopée pour voir son visage.

-Tu n'es pas seule, tu sais. Je suis là.

Cassiopée prit la petite main dans la sienne et sentit son Sang réagir à ce contact. De faible murmure toujours présent, elle le sentit bouillir en elle. Il était là, brûlant de vivre, en l'attente d'une harmonie perdue.

Alors, elle se leva et posa ses mains sur le torse de l'homme étendu.

La brûlure qu'elle ressentit lui parcourut tout le corps.

Elle retira rapidement ses mains, le souffle court et les regarda, interdite. Elles étaient intactes et la douleur n'était plus qu'un souvenir. Avalant sa salive, elle défit précautionneusement la veste, puis la chemise du corps totalement inconscient.
Le thorax de l'homme était gravé d'une étoile à quatre branches cernée d'un phénix et d'un dragon associés. Le même motif qu'elle avait remarqué à son entrée dans la salle.
Elle approcha une nouvelle fois ses mains du torse de Hayarn. Lorsqu'elles furent à quelques centimètres du corps, l'étoile se mit à rougir, libérant un feu interne.
Elle enleva précipitamment ses mains et regarda l'enfant-phénix :

-Tu vois que je ne pourrai pas.

"Tel est le cri de la douleur. Tel est l'écho de la souffrance. Telle est la voix de ceux qui sont tombés, trahis, abandonnés, délaissés par ceux qu'ils aimaient. Tel est le sanglot de ceux qui auront du consentir à l'Ultime sacrifice afin de donner une chance à l'Avenir. Pensiez-vous que seules les âmes en paix demeuraient en ce corps ? Drystan Hayarn n'est pas simplement le gardien des heureux et des endormis. En son sang bouillonne la fureur des guerriers d'autrefois, fussent-ils hommes, héros ou... Autre chose. De sombres aspects perdurent en son sein, même s'ils ne sont pas toujours ceux que l'on voudrait y voir !
Si l'âme d'Hayarn ne revient pas d'entre les Ombres, alors les Ombres en reviendront, elles ! Les pensées obscures, les sinistres desseins... Eux seront les baguettes qui guideront la vie de l'Histoire et, fusse-elle diminuée, elle en restera terrible. Et si vous, Dame Etoile, vous ne pouvez ramener l'âme du Héraut, alors qui le pourra ? Alors que les portes du chaos s'ouvrent et que le vent du changement balaye l'âme de l'enfant d'au-delà, renoncerez-vous ? Vous vous êtes déjà bien trop engagée sur ce chemin pour reculer.
Car à présent, c'est dans le cœur de l'Histoire que vous marchez."

La source de ces paroles lui étaient inconnues. Son regard balaya les piliers de la Chambre, ceux là même qui paraissaient plus obscurs, plus lointains. A vrai dire, les ténèbres glissaient langoureusement sur les parois, tel un linceul d'éternité. La Dame n'eut point peur, car tel n'était point la nature d'une Gardienne du Sang. Elle écouta les voix qui, plus présentes que jamais, retentissait par delà la Nuit. Et comprit. Comprit que si elle ne pouvait briser le verrou qui la séparait de Drystan, elle devrait rendre sa pureté à l'étoile. Car le corps du Héraut s'était transcendé. Il avait reprit son véritable aspect, celui d'un homme fin, amaigri, au visage jeune mais pourtant bouleversé par les souffrances, dont les yeux embrasés étaient recouverts par ses paupières, closes. Sur son torse, brulait Arcanis, mais un Arcanis que les sombres instants avaient brisé. Le Dragon semblait plus noir que jamais et tout en lui rayonnait de Vengeance. Il en allait de même pour le Phénix, ainsi que pour l'éclat du cœur. Un visage de rage, de fureur qui, à présent, sortait de l'obscurité, à quelques dizaines de pas de l'Aspect de la Dame, et les regardait. L'être semblait fait de chaos et d'arabesques mais, en ce lit d'ébène, on distinguait un visage, noble et fin, à la peau plus belle que les cieux noctambules. Ses yeux contemplait le duo et, en ceux-ci, brulait un savant mélange de sagesse et de destruction. Sa voix fut un murmure...

"Bonsoir, Dame aux Etoiles. Il semblerait que, finalement, votre venue m'ait libéré moi et non lui. Que l'innocence demeure encore en ces geôles tandis que les coupables dansent sur ses cendres. Cruelle ironie, n'est-il point ? Vous me regardez étrangement. Pourtant, vous savez qu'un Démon réside au sein de chaque être, fut-il plus glorieux que les astres ou plus courageux que le Soleil lui-même. Vous savez qui je suis car, autrefois, vous m'avez entrevu, ou plutôt, vous avez vu mon Ombre planant entre les réminiscences d'Hayarn. Je regrette ma présence en ces lieux, croyez-le.
Qui aurait cru qu'une fois ma vengeance consommée, que ma guerre achevée, je ne pourrais profiter du repos en paix ? Que Kaësendre et ses aspects en ce monde auraient encore à souffrir de ma présence ? Que, malgré les Univers traversés, les rancunes anciennes et les soifs de victoire demeurent, plus tenaces qu'au premier instant ?
Pas moi, hélas. Mais je suis la cristallisation de cette barrière qui vous empêche de ramener le Héraut parmi vous. Mon nom est Meltem, fils de l'Au-delà et autrefois Régent des royaumes du Kaledan, royaumes dont la chute précipité fut la cause de notre rencontre, ici et maintenant. Et que faire, maintenant ? Nous battre ? Nous comprendre ? Pour libérer celui que vous êtes venu chercher, qu'importe ce que vous dira l'Histoire, il vous faudra apaiser les cœurs. Car nombreux sont ceux qui brûlent d'une rage tenace, en ces lieux. N'est-ce pas, Cylkaëm ?"

Il est vrai qu'au cours de ce monologue, la Dame et l'Aspect avait délaissé l'Oiseau.
Celui-ci, à la vue du Démon, s'était redressé, prêt à combattre. Chacune des paroles prononcées semblait être une lame incandescente plongée dans ses entrailles. Et lorsque celui-ci se tourna vers lui, à la fois rieur et épuisé, il n'hésita pas. L'animal bondit, battant vivement des ailes afin d'augmenter sa vitesse et percuta Meltem de plein fouet. Ce dernier vacilla, avant de disparaître en une gerbe d'ébène pour se re-matérialiser quelques mètres plus loin, lame au clair. Il se tourna à nouveau vers les deux compagnes :

"Alors, Dames d'Aelis et du Sang, que choisissez-vous ? Rebrousserez-vous chemin où prendrez-vous part à l'éternel conflit qui règne en ces lieux ? L'apaiserez-vous ? J'en fus l'instigateur. Il ne me suffit donc que d'un mot pour que les armées vous soient visibles et les Héros palpables."

Ce-disant, il esquiva un coup de serre avec élégance, puis se fendit. Sa lame arracha quelques plumes. Et celles-ci n'eurent point le temps de toucher le sol car, déjà, l'os déchirait l'air afin de pourfendre sa cible. Se volatilisant à nouveau, Meltem passa outre la frappe mais, lorsqu'il se détendit afin de porter une nouvelle attaque, ce fut l'acier qu'il rencontra. Cylkaëm avait disparu en une myriade d'arabesques noctambules, ne laissant qu'un lit de plume comme unique dépouille. A sa place se tenait un guerrier à la noble allure, de ces bretteurs expérimentés aussi doués dans le commandement que dans l'art de tuer. Ses yeux brillaient d'une lueur meurtrière, écho d'une injustice et, plus encore, d'une haine farouche.

"Le Dieu laisse donc place au Général pour accomplir ses basses besognes. Ravi de vous revoir, Yvean."

L'enfant au visage rieur s'assombrit.
Alors la Damétoiles et lui étaient coincés dans une bulle-monde pour délivrer une personne piégée par une autre. Non, des personnes piégées par une. Car l'oiseau était un peu comme lui, plusieurs personnes à la fois. Et le corps qu'ils avaient vu étendu semblait appartenir à cet être aux multiples physiques.

Miel regarda le fier guerrier, brandissant avec défi son épée et, avant qu'il ne se lance dans la bataille qui avait déjà hautement commencé avec les mots il lui glissa avec sourire en coin :

- Quel drôle, un autre oiseau-humain ! Je sens que tu vas me faire rire, toi !

De la joie fit briller son regard. L'enfant était enfant après tout, et l'amusement futur qu'il sentait proche lui fit rire l'âme.

Cependant, à cet instant précis, l'environnement faisait ressortir toute l'intensité de la scène. Les odeurs de sueur se mêlaient au parfum des étoiles et aux plumes de vent. La sueur de l'adrénaline et non celle de la peur, celle de la concentration extrême de parvenir à sa fin contre ce combat sans merci que le couple armé attendait depuis des années, des millénaires probablement !
Miel réfléchit à l'âge ancestral des deux vaillants guerriers. Tout dans la palais était poisseux. Haine, vengeance, colère. Des passions emportées qui collaient au mur, au sol, à la peau du semblant Mort. Tout avait ici, l'odeur des hargnes sans limite qui n'ont le rêve de se toucher. La vie ici, dans cet endroit désert avait survécu. Extrême recours ? Non pas, étant donné les pouvoirs de ces deux combattants. Mais survie tout de même de l'âme qui n'abandonne pas, ni ne fléchit devant rien. Qui entretient plutôt un espoir malsain qui turlupine l'esprit. Un marteau quotidien qui frappe à chaque seconde où l'esprit marche, où les battements du cœur battent.
Cassiopée et Miel avaient mis les pieds dans un pétrin réel. Ils étaient entrés dans la maison de la Haine où l'on est délivré lorsque l'un meurt. Même si l'enfant et la Dame n'étaient pas concernés de près, ils l'étaient de loin.
La Damétoile demeuraient observatrice et ne prononçait mot inutile. Alerte autant que l'enfant. Méfiante.
Le combat lancé, ils devaient attendre sa fin ou y participer mais de quelle manière alors ? Puis, qui était le gentil ? Qui était le méchant ? Personne, peut-être. Comme souvent. L'être aux phrases vindicatives au ressenti ignoble avait réussi à faire frémir Miel. C'est donc qu'il avait seulement peut-être plus de choses à se reprocher que les autres mais il avait bien raison en disant que démons et anges alimentent les réflexions humaines, déistes, démoniaques. Peu importe au final.
Alors faire quoi et surtout pour qui ?

Alors que la salle s’imprégnait de l'odeur des corps, celui de Cassiopée perdait de sa consistance. L'âme de Cassiopée se chargeait de passé, se plongeait dans l'infini cosmos. Il lui fallait quêter la sagesse des étoiles, se perdre dans l'univers et se laisser emporter par la sapience d'un système inaltérable. Le mouvement des planètes entraînait son esprit dans une chaîne incessante. Un cumul énergétique incommensurable. Elle suivait le train du monde en pleine vitesse, dans le noir le plus profond qu'il soit.

Mais le temps était compté car la guerre avait commencé. Les êtres s'opposaient, la parole agressait.

Cassiopée avait entendu la haine et senti la hargne cruelle qui s'exprimait. Elle devait agir mais elle n'irait pas seule.
L'enfant-phénix à ses côtés ruisselait de pureté enfantine. Jusqu'à quel point pourrait-elle l'aider ?

Les héros d'une guerre sans nom remontaient de l'histoire. Elle percevait la violence des combats évoqués, la malveillance des guerriers et l'inimité entre les camps.
Déjà, deux des plus grands noms de l'Histoire s'affrontaient à ses cotés.

Dans le brouhaha des corps qui luttent, Cassiopée tendit à nouveau ses mains vers l'étoile. A son contact la brûlure était toujours aussi vive. Mais elle les approcha jusqu'à frôler le motif.
Le dragon noir crachait des flammes tandis que le phénix irradiait d'un feu blanc et mordant.

Les mains de Cassiopée prirent feu elles aussi et la Dame des étoiles n'aurait pu supporter la douleur sans s'être glissé dans le froid de l'infini espace.
La poitrine de Drystan Hayarn flambait sous les paumes de braise.
Cassiopée était bien incapable de retirer ses mains à présent. Son corps ne lui répondait plus.

Le feu prit alors une intensité telle qu'il se répandit vers les barreaux du lit.
Miel souffla sur les flammes pour les éteindre, mais son souffle chargé de son enfance attisa la flambée.
La purification par le feu avait commencé et seul un Sang plus pur encore l'éteindrait.

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