L'envers d'eux deux

Nombre de messages : 5651 Date d'inscription : 22/11/2007

I N T R O D U C T I O N
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...Tard dans la nuit. L’heure est propice aux complots et aux murmures...

Arrête avec ça Ram, on doit déjà terminer le chapitre…
Oui mais regarde, si on fait ça comme ça…

...Tout dort dans la Cité Blanche. Tout est calme…

Ok, mais si on est pendus dans un arbre…
L’attaque foudroyante des écureuils bien sûr !

...La bibiothèque est sombre, ensevelie par la douceur de la nuit....

Et on l’appellera Kévin.
Ca marchera pas…ca marchera pas….

...Aeringor dort….

Ok, donc on découvre l’envers du décor…
Mais avant, il y aura des souterrains non ?

...Aeringor dort, j’ai dit !

Tu crois que tu pourrais dessiner ça ?
Attend, file moi le crayon là…

Biiiiien ! Puisqu’ils ne peuvent pas se taire, approchons nous histoire de tout entendre…

Dans une petite salle au fond de la bibliothèque, deux silhouettes parraissent en grand travail, penchées au dessus d’un amas de feuilles, calepins et autres gribouillages artistiquement étalés sur une grande table de travail. Leurs cheveux s’entremèlent, cheveux sombres et cheveux clairs…

Bonjour. C’est vous les narrateurs ? Dounette et Ramrod si je ne m’abuse.

Bonsoir. Vous êtes ?

La voix off. Vous savez, celle que vous n’écoutez jamais. J’essaie de faire votre introduction.

Une introduction ? C’est stupide, nous n’avons même pas l’histoire.

Peut être, mais il y a toujours des introductions devant les récits. J’essaie de vous aider ! Vous n’êtes pas évident à suivre…

C’est vrai. Nous nous étions auparavent installés dans une petite salle de l’arbre des grands évenements, mais on s’y est sentit rapidement trop à l’étroit. C’est mieux ici…plus grand…il y a plus de place pour écrire l’envers de nous deux...

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L'envers d'eux deux Introlenversaelisokla1

P R O L O G U E
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Une silhouette traversait les bois, déambulant gentiment ...
On percevait malgré les broussailles un équipement assez curieux juché sur son dos.

Celui-là, non ...
Lui, trop petit ...
Celui-ci, pas assez costaud ... supportera pas mon poids.

...
Ah. Pas mal.

Il posa son petit équipement au sol, entreprit de le délier et le déplier.
Il en sortit une corde épaissement tressée, ornée d'un embout griffu.
Damné Graal de nœuds ... va bien se défaire ... GrmmHggrrr ....

Il s'approcha du vieux sapin qu'il avait trouvé, le détailla sur toute sa hauteur, cherchant LA branche.

Il sourit.
L'homme aggripa la corde, prit son élan, et l'envoya très haut, d'un geste presque assuré.
Il attendit quelques secondes, quand il vit l'embout revenir sur lui, bredouille et fâché de ne pas avoir trouvé de branches.
L'homme s'esquiva d'un bond, la griffe se planta dans le sol.

Pfiou .... BON. Second Essai.

...

Ce fut le cinquième qui fut le bon ...

La corde se figea, un bruit métallique se fit entendre.
Il tendit la corde, vérifia qu'elle supporterait sa charge.
Puis il reprit son barda sur le dos, et commença à grimper, les pieds rivés sur le tronc, les bras aggripant la corde.
Han ... Ne pas regarder en bas ... On grimpe ... Han ...

Après plusieures minutes d'ascension, c'est un Ramrod essouflé mais heureux qui arriva à s'asseoir sur une large branche haute.

D'où il se trouvait, il avait une vue superbe sur la verte vallée qui enserrait la forêt des milles sapins. Un écrin vert et serré, d'où dominaient quelques feuillus plus arrogants que les autres, préssés de toucher le soleil plus vite.

La lumière zénithale était superbe, le ciel dégagé, le silence total.
Parfait.

Ramrod déballa son matériel, arrima un chevalet à la branche, sortit pinceaux et fusains, cala son dos contre le tronc, et prit une profonde inspiration.

... Si bien. Ca va être sympa.

Alors qu'il fouillait le panoramique à la recherche d'un détail heureux, il crut percevoir au loin, également juché sur son arbre, une silhouette humaine.
Ramrod agita sympathiquement les bras, en guise de salutation, mais il ne put savoir si on l'avait vu.
Il retourna donc à son croquis, alternant coups d'œils au paysage et concentrations sur sa toile.

La ville lui avait paru tout d'un coup trop bruyante et bruissante d'activité. Les écrivains, les élèves, les pèlerins, tous habillés de couleurs chamarrés, tous enthousiastes et enjoués...La taverne éclairée jour et nuit, l'école, bourdonnante telle une ruche, la place blanche et ses saltimbanques...

La gardienne avait un soudain besoin de calme.

Discrètement, elle s'était faufilée à travers la foule, parcourant les rues vers les enceintes de la Cité, jusqu'aux monumentales Portes de sortie.

Passant d'un monde à l'autre, Dounette se retrouva plongée dans le calme apaisant de la Forêt des milles sapins. Elle marcha un moment, émerveillée de cette quiétude surnaturelle. Elle avisa soudain un grand et vieux sapin aux racines impressionnantes.

- Parfait pour une petite sieste !" Pensa la gardienne.

Elle se roula en boule au pied de l'arbre, les pieds glissés sous sa toge, la tête sur la mousse.

Juste avant de sombrer dans un sommeil réparateur, elle entendit un petit bruit qui provenait de l'arbre.

- Certainement un écureuil..."

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Muré dans sa réflexion, Ramrod griffonnait sur sa toile.
Un geste maladroit du Peintre poussa soudain un gros pinceau hors de son reposoir.
D'un geste vif, Ramrod se pencha en avant et le rattrapa avant qu'il dégringole les 12 ou 15 mètres de denivelé.

Ainsi, la tête pendue vers le bas, il s'aperçut que quelqu'un se trouvait au pied de l'arbre, roulée en boule.
Il la reconnut très vite ...

Dounette ... tiens donc ... Dounette !!
Point de réponse, elle devait déjà dormir.

Il se redressa, farfouilla dans sa besace posée contre le tronc derrière lui, et en sortit une fiole d'eau fraîche (il avait pensé rester quelques heures, le désaltèrement était nécéssaire).

Ramrod pencha la petite bouteille, quelques gouttes perlèrent jusqu'en bas. La siesteuse les reçut quelques secondes plus tard.

Cou-cou !!! C'est l'esprit de la forêt qui te parle !!! Ca te dit de me rejoindre ?

- Mmmmmm....trop bon, dormir sous les arbres, avec la bonne odeur de mousse..."

ploc !

- Mmmm ?"

ploc !

- Mmmm !"

ploc !

- Qu'est ce que? De l'eau ?De l'eau !"

Dounette leva les yeux. A travers la canopée très fournie de la forêt, la Gardienne pouvait tout de même appercevoir un bout de
ciel...complètement bleu !

- Comment est ce possible?"

Au moment où Dounette commençait à penser qu'un quelconque Divin - où une Doyenne, ce qui revient à peu près au même - lui avait envoyé cette pluie personnelle pour la punir de son inactivité de la journée en Aeringor, elle entendit un cri qu'elle reconnu immédiatement :

- Cou-cou !!! C'est l'esprit de la forêt qui te parle !!! Ca te dit de me rejoindre ?"

- L'esprit de la forêt mon œil ! Mais que fait ce bougre d'escogriffe en haut d'un sapin? En haut de mon sapin en plus !

Toujours ruminante et marmonante, Dounette fit le tour du sapin, puis, avisant la corde placée là par Ramrod, entama laborieusement la pénible montée.

- Déjà il me réveille, en plus je monte dans un sapin, ma coiffure va être pleine d'épines, j'ai de la résine sur les mains...tout-va-bien....Mmmf !"

Après de longues minutes d'escalade périlleuse, Dounette leva les yeux. Là, au centre d'une trouée, le visage souriant de son Ami...

- une main secourable peut être?"

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- une main secourable peut être?

Ramrod,tout sourire, rangea son petit chronomètre dans sa poche et aggripa la Gardienne par le bras, pour l'aider à monter jusqu'à lui.

Joli score, ma Gardienne ... Tu as juste fait 3 min. 12s. de plus que moi, mes félicitations ! lui dit-il d'un air narquois.

Puis, il lui avisa une branche transversale à côté de celle où il se trouvait, où elle s'empressa de s'asseoir sans regarder en-dessous d'elle.

Ramrod écarta de manière théatrale ses deux bras devant lui, et désigna ainsi le panorama qui s'étendait devant eux.

Regarde ... Tu vois comme c'est beau ? Cela faisait longtemps que je voulais venir croquer cet endroit.
...
Je dis bien croquer, parce que je ne suis pas certain que si je me mets à
le peindre ici, mon entrejambe résisteramais bon ...

Ramrod se ravisa, gêné, se clarifia la gorge un instant, puis reprit calmement, tout en gribouillant sa toile :

Au fait, outre la guigne que tu t'installes au-dessous de mon arbre ...
Que viens-tu faire ici, mon amie ?
Corriger des devoirs dans la verdure ?
.. Te soustraire de tes obligations ?
..... Espionner les ti z'animaux ??

- Joli score, ma Gardienne ... Tu as juste fait 3 min. 12s. de plus que moi, mes félicitations !"

Mmmuuurf...le tuer tout de suite ou attendre encore un peu...tentation...tentation...

Dounette lanca un regard torve au Gardien, mais fondit instantanément devant son sourire ravi et ses yeux pétillants.
Mais il n'en restait pas moins qu'elle se trouvait à vingt mètres au dessus du plancher des champignons, aussi s'agrippait elle de toutes ses forces au bras du Peintre - en oubliant pas, évidement, d'y enfoncer ses ongles au passage, histoire de lui faire payer sa récente douche gratuite et sa coiffure ruinée.

Bon prince, Ramrod lui indiqua une branche où la jeune fille pouvait s'assoir.

Mmmuuurf pourquoi il m'indique une branche aussi épaisse? Suis pas si lourde quand même...

La Gardienne entendit vaguement le Peintre s'extasier sur la beauté du paysage "Mon dieu c'est haut quand même..." puis parler de son entrejambe "Si je tombe est ce que des écureuils pourraient me rattraper?" et lui poser une question " En tenant compte de la vitesse du vent et de résistance des branches, sachant que Newton a toujours raison, à quelle force vais je m'écraser en bas?".

- Hein? quoi? Ce que je fais là? Je fuis mon Ami ! Je fuis la pille monstrueuse de parchemins et de dossiers en souffrance qui s'accumulent sur mon bureau à l'école !"

Le Peintre ne l'écoutait déjà plus, tout occupé qu'il était à admirer le paysage. "Qui aurait été tout aussi magnifique depuis en bas, moi j'dis !" ronchonna la Gardienne.

Soudain, dans un moment de panique, Dounette vit Ramrod plonger la main sous sa toge et en ressortir...un paquet de noisettes !

- Noooooooooooooooooooooooooooooon ! " hurla la Gardienne !

Trop tard....

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Noooooooooooooooooooooooooooooon !"

Ramrod, tendant son son paquet à son amie, ne comprit pas ce cri de frayeur, dont le son suraïgu résonnait à la cime des arbres.
Mais alors ...

Un grattement.
Le grattement de dizaines de petites pattes retentit sur le tronc de l'arbre.

Les deux Gardiens regardèrent, affolés autour d'eux, lorsqu'une cohue de petites boules rousses déboulèrent du tronc sur le paquet de noisettes.

Une famille (nombreuse) d'écureuils ... affamés.

Ils se jettèrent sur les deux Gardiens, arrachèrent violemment le sachet de noisettes des mains de Ramrod, qui perdit l'équilibre. Dounette, elle, s'agitait en tous sens pour faire fuir les pelucheux hystériques.

Cela suffit amplement à tout faire tomber.

....

Noooonnn ....
Aaaahhahaaa ....
Mais tiens-toi ....
Tu lâche pas hein ... Tu NE LÂ-CHE PAAS !!!!!!
...

Moins de dix secondes après le rapt des noisettes par les petits économes,
se retrouvaient un Peintre accroché d'un bras à sa branche, pendu dans le vide, au pied duquel s'arqueboutait très fort l'écrivaine, pendue elle aussi, mais plus bas ...

En dessous d'eux, finissaient de tomber le matériel de Peinture, la besace, le chevalet et sa toile.
.... Mais pas les noisettes.

Je l'savais ! Je l'savais ! J'aurais du rester au lit ce matin ! J'aurais du écouter ma mère ! J'aurais du faire avocate ! Je l'savais c'était dangereux d'être Gardienne ! Mince aie je fais mon testament? Alors je lègue ma collection de mini figurines Star Wars à Sephi...mes boules à neige à Ali...Et si je refilais mes vieilles toges à Zali?

- Tiens toi bien Dounette !"

Vi c'est sur je vais pas lacher patate !

Un peu plus haut, les cris s'accentuaient : le paquet de noisette passait un mauvais quart d'heure...

- Ram' ? Je viens d'avoir une idée lumineuse ! Mais pour ça...euh...va vraiment falloir me faire confiance !

Dounette gigotta un peu, puis continua :

- Ram' ! File moi ta toge !
- QUOI ???
- File moi ta toge j'te dis ! On va en faire une corde, qui va nous permettre d'atteindre la grosse branche, là, tu vois ?

Devant le silence consterné de l'intéressé, Dounette précisa :

- T'inquiète pas, je fermerais les yeux !

Enfin...presque...

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Rhooo non, je peux pas,
Je peux pas, je peux pas,
Oh non ...
Mais que va t-on dire ?
... que t'es en slip et que t'es griffé de partout, patate ...
Non, mais même !
Je peux pas,
Et puis j'en connais une qui va profiter de la situation,
Non je peux pas.
Et si Elvia arrivait ?
Nom d'un Graal !!
Non, je ne peux pas.
Puis d'abord, je porte quoi dessous, hm ?
Ohlalà ... je-peux-pas.
... ma toge, ma toge ... elle qu'à donner la sienne d'abord ...

Le silence de la réflexion avait remplacé petit à petit les cris de frayeur.
Ramrod commençait à fatiguer, et il n'avait pas la force de remonter et son poids et celui de Dounette à la force de ses bras.

Doun' ... On est assez mal, là en fait.
Je sais pas pour toi, mais niveau confort c'est assez mauvais pour moi ...

Il réfléchit rapidement, alors que ses bras commençaient gentiment à tétaniser.

Désolé de te décevoir, mais suis pas certain que ma toge suffise à faire une corde, tu sais.
Et puis, là j'ai les deux bras de pris, j'aurai du mal à la quitter,
même pour toi !
Ramrod pouffa de rire en sourdine.

... et puis, réfléchis, que vont dire les écureuils s'ils reviennent ?
Je m'en voudrai que la vue de mon corps nu puisse choquer des bébés écureils, tu comprends quand même ?

La Gardienne ne disait rien, mais Ramrod sentait ses mains enserrées autour de sa cheville, duquelles des ongles vinrent maintenant resserer plus fortement l'emprise.

Aïe-eu !! Ca va, ca va ....
Bon allez j'ai la solution :

Monte-moi dessus. Ok ?

De longues secondes passèrent. Les mains de la Gardienne commençaient à glisser sur les chevilles passablement poilues du
Peintre.

- Doun' ... On est assez mal, là en fait.
Je sais pas pour toi, mais niveau confort c'est assez mauvais pour moi ..."

"Tiens donc? J'aurais juré que être pendue à vingt mètres au dessus du sol était pourtant à la dernière mode chez les adeptes de yoga..."

- Désolé de te décevoir, mais suis pas certain que ma toge suffise à faire une corde, tu sais.
Et puis, là j'ai les deux bras de pris, j'aurai du mal à la quitter, même pour toi !
... et puis, réfléchis, que vont dire les écureuils s'ils reviennent ?
Je m'en voudrai que la vue de mon corps nu puisse choquer des bébés écureuils, tu comprends quand même ?"

Dounette, attérée, entendit son ami pouffer de rire.

"Ca y est, il a craqué. C'est à partir de combien de mètres qu'on a le délire d'altitude? "

- Bon allez j'ai la solution : Monte-moi dessus. Ok ?

- ...mais bien sûr ! Attend deux secondes, que je termine de me faire pousser un troisième bras. A moins que tu aies le numéro de téléphone de Superman? Parce que, là tu vois, c'est le moment de le dire..."

Dounette sentait sa colère monter, explosive, contre cet enfer vert d'apparence si inoffensive mais en réalité infesté par ces petits monstres poilus. "Je me vengerais à Noël, quand je te transformerais en porte-guirlandes, tu ne perds rien pour attendre, sapin de malheur!"

Cette nouvelle ressources de force lui permit de tenter un exploit absolument fabuleux : sa toute première traction ! A la force des bras, et de ses tous nouveaux muscles - qui avaient du pousser dans la nuit - Dounette arriva à raccrocher un genoux , puis la ceinture de la toge du Peintre.

- Capt'ain? We've got a problem ! Je peux pas aller plus loin, tes jambes me gènent... Bon là, tu as le choix. On reste pendu jusqu'à ce que Super Écureuil vienne nous aider - permet moi d'émettre un doute - ou je degraphe ta toge et on s'en sert pour rattraper la grosse branche à coté. Je sais pas toi, mais l'idée de me transformer en pizza géante au pied de ce sapin me séduit moyennement, sans compter le potentiel traumatisme des innocents promeneurs...

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Le Gardien des Arts eut soudainement un regain de vitalité colérique.
Il se mit à se démener ...

Mais t'es une vraie mûle de bourrique, toi ???
Laisse ma toge où elle est ou .... !!

Soudain, un craquement retentit. Suivi d'un chuitement de tissus.

Ramrod et Dounette se pétrifièrent d'un coup : La branche à laquelle ils se retenaient venait de se fendre, à l'endroit où les mains du Peintre se tenaient, et juste après cela, ce fut la ceinture de la toge du Gardien qui se mit à glisser des passants, tirée par la Gardienne.

Dounette ... Ne bouge surtout pas. Je t'en prie.

Ramrod chuchotait, de la sueur perlant sur son front.
Il regarda lentement à sa gauche, il voyait à quelques petits mètres la corde par laquelle il était arrivé, toujours bien arrimée au tronc.
Mais ces petits mètres étaient trop grands.

Il eut soudain une envie de se plaindre, de hurler. Il n'en fit rien. Il se résigna, comme il le faisait souvent.

Puis ...
Il grimaça lorsqu'il fit lâcher prise à un des ses bras.
Il se tenait d'une seule main, désormais, et tentai de réanimer son bras tétanisé.

Attrape mon bras, Doun'.
Lentement.
Je vais te hisser jusqu'à moi.

La Gardienne attrapa lentement le bras de Ramrod, il put la ramener à lui, grimaçant, jusqu'à ce qu'elle puisse s'accrocher à son cou.

Il purent se regarder face à face.

Boooooon ....
maintenant, que j'ai un bras de libre, mais pas pour longtemps ...

Encore une fois, un bruit stoppa net la discussion.
La ceinture du Peintre venait de glisser, sa toge se défit jusqu'à s'ouvrir.

Alors, toi, la maîtresse d'école, tu fermes rapido tes yeux ou je lâche. Vu ?
Je te surveille ...

"Oulala oulala oulala...Comment je fais pour toujours me mettre dans des situations pareilles?"

Les bras passés autour des épaules de Ramrod, la Gardienne cherchait désespérément une contenance.

Ne pas le regarder dans les yeux...Surtout pas !
Mince a t il remarqué comme je suis rouge?
Eh? Mais ça sent quoi?
Mouuuarf ! Ramrod utilise un dentifrice mentholé !

Un bruit sinistre stoppa net son hilarité nerveuse. Le bras de Ramrod s'affermit autour de sa taille, et le curieux couple de pommes de pin descendit d'un coup de quelques mètres...et la toge du Peintre s'ouvrit.

"Biiiien..." pensa ironiquement Dounette "Au moins que je mourrais pas en compagnie de l'homme le plus mal foutu d'Aeringor..."

Nerveusement, la maitresse d'école détourna les yeux...pour les poser...sur la corde ! Leur chute les avait rapproché du tronc salvateur, mais il restait encore quelques mètres de vide à parcourir.

- Ram' ? Oublie donc ton slip kangourou d'ailleurs faudra que j'en touche un mot à Elvia si jamais on s'en sort, faut vraiment qu'une femme de goût s'occupe de ton look... et essaye de nous balancer un peu. Tiens moi bien, et je vais me pencher. Avec un peu de chance, j'arriverais à atteindre cette fichue corde !

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Hein ?
Qu'est ce qu'il a mon ...

AHEM.

Ramrod prit une seconde, pour évaluer la situation.
Le Gardien des Arts quasiment nu devant la Gardienne du Conseil.
Pendu à un arbre.

ébé ...

Des bruits de pas froissant des feuilles arrivèrent jusqu'à leurs oreilles. Quelqu'un venait, ou au moins un animal. Il fallait bouger et retrouver une situation "normale".

Il eut une bouffée d'adrénaline.
Ramrod commença à imprimer un mouvement de balancier à son corps suspendu, sa main verrouillée à l'axe de la branche. Il aggripa fermement Dounette à la taille, qui put se pencher davantage.

Au bout de quelques instants et de légères allées et venues, les doigts de la Gardienne se refermèrent sur le tressage de la corde.

Allez, maintenant, file, je te lâche ...

Le corps de Dounette glissa, s'échappant de son emprise. Elle se plaqua au tronc, tenant la corde. Elle l'avisa d'un regard. Ramrod barra son front méchamment.

Voilà. Maintenant tu descends.
Et en bas, tu oublieras ma tenue légère ...
... C'est un ordre, ironisa Ramrod.

"A la une...à la deux...à la trois ! Je te lache Dounette!"

"Ayé...je vais faire le triple looping saut de l'ange, je tente un petit retournement et..."

Et la Gardienne rencontra le tronc d'arbre, dans une violente et fusionnelle étreinte.

- Aaaah tronc d'arbre...Comment tu m'as manqué toi !"

Dounette tâtonna à la recherche de la corde, et s'en saisit avec un soulagement tel qu'elle n'entendit pas le léger gratouillement qui commençait à se faire insistant, et qui semblait provenir du pied de l'arbre.

- Attrape !"

Lorsqu'elle se fut assuré que Ramrod suivait le même chemin qu'elle et qu'il était en sécurité sur une fourche, la Gardienne n'eut plus qu'une pensée : descendre de cet arbre maudit, et vite vite retrouver son école et ses murs bien solides, et en brique !

Commença alors une descente mi reptation/mi chute assez peu contrôlée. Elle termina par la même occasion d'achever sa toge flambant neuve, sans parler de sa coiffure, qui ne ressemblait plus du tout au joli chignon qu'elle s'était évertuée à monter ce matin, et qui n'était plus qu'une sorte de broussaille parsemée d'aiguilles de pin.

Brutalement, Dounette toucha terre.

- Aliiiive ! She's aliiiive !"

La gardienne n'y croyait plus. Elle était sur le plancher des vaches, un plancher bien ferme ! Elle n'avait plus qu'une envie : danser, sauter partout, allez retrouver ses élèves, embrasser ses mentors...que? qu'est ce que c'est?

Dounette avait stoppé net les petits entrechats qu'elle venait de commencer à esquisser. Là, au pied de l'arbre, au milieu des décombres du matériel de peinture de Ramrod - vingt mètres de chute, ça fait des dégâts - il y avait...quelque chose...

- RAMROOOOOOOOOOOOOOOOOOOD !!!!!"

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Accroupi sur une branche, Ramrod s'était raidi au cri de la Gardienne. S'arqueboutant sur la corde, il se pencha en avant, regardant tout en bas.

Dounette reculait lentement ... Elle semblait inquiète.
Disséminés au beau milieu des racines du sapin, son matériel de Peinture était eventré par la chute.
Une chose était penchée dessus.
De curieuses mains examinaient toile, pinceaux tour à tour.

Le Gardien scilla. Eberlué. De sa vue aérienne, la netteté n'était pas au rendez-vous. Il ne voyait qu'un espèce de buisson difforme. Mais ce dernier bougeait, lentement.

Sacré Graal ...
Qu'est-ce que c'est ?

Sentant l'eventualité d'un danger, Ramrod enroula la corde à sa jambe, afin de glisser rapidement jusqu'en bas.

actes ... humains ... curieux dangers ...

Ramrod stoppa. La créature parlait à Dounette. Mais il ne comprenait guère que quelques mots qu'elle prononçait, pris à la volée. Il jeta un œil à Dounette, qui se tenait à quelques petits mètres, sur une défensive empreinte de curiosité.

Le Gardien des Arts réfléchit un instant, puis changea son fusil d'épaule.
Il aggripa la corde à deux mains, puis, très lentement, en faisant un minimum de bruit, descendit patiemment de l'arbre.
Avec chance, le curieux invité n'avait pas encore calculé la présence d'un second humain.
Ramrod pouvait avoir l'avantage de la surprise.

votre rédemption ... mon courroux ... ne pouvez ...

Tel un chat, Ramrod avait adopté une démarche souple et muette, glissant lentement, les yeux rivés sur l'étrange créature.
Arrivé à quatre mètres du sol, Le Peintre se figea et prit appui sur le tronc, prêt à bondir, la mine décidée. Il jeta un regard ferme à Dounette.

Il espéra qu'elle comprît son jeu.

...

Ramrod eut un instant de lucidité.
Toge pendante, en tenue plus que légère, accroupi contre le tronc, il devait donner une curieuse impression de sa personne.
Il réalisa que si un Peintre passait par là, il aurait sa caricature de "Chippendale" placardée sur les portes de la Ville Moyenne pendant une décade au moins.

Tant pis ...

- RAMROOOOOOOOOOOOOOD !!"

La journée avait pourtant bien commencé...Dounette pouvait encore se souvenir du croquant des croissants qu'un élève un peu fayot lui avait amené au lit ce matin même...et la saveur douce du chocolat chaud...Une journée qui s'annonçait parfaite. Alors?

Alors qu'avait il pu se passer pour que ce jour se transforme en cauchemar psychédélique?

La chose avait interrompue sa fouille minutieuse des débris du matériel de peinture au cri de la jeune fille. Dounette, les yeux agrandis par la peur, la vit se retourner lentement. Dans un craquement sinistre, qui n'était pas sans rappeler les craquements du bois par grand vent, l'être se redressa à moitié, et pivota d'un bloc, dans un mouvement tout à fait inconcevable pour une colonne vertébrale normale. Oui, mais qu'y avait il de normal dans cette chose?

- Un humain...j'aurais dû m'en douter...Mmmffff

Dounette recula de plusieurs pas sous le choc de la surprise. La chose...parlait ! Et elle ne semblait pas d'une humeur des plus joviales, qui plus est.

- Il n'y a que vous pour faire de telles choses...vos actes sont dangereux, humains !"

Son faciès était...boisé. La gardienne n'aurait jamais pensé employer un tel terme pour décrire un visage, mais c'était l'adjectif qui
convenait le mieux à cette chose. Ses sourcils mousseux étaient froncés sous la contrariété, et la broussaille qui lui tenait lieu de chevelure fruissait furieusement. Sa peau d'écorce craquelé lui donnait un air sans âge...

- Votre crime est aussi grand que votre tête est vide, Humaine ! Les conséquences seront terribles, je peux te l'assurer ! Et votre châtiment à la hauteur de ta faute !"

Un arbre qui parle...et qui aime s'écouter. Tiens donc...

Ce que vous avez fait à Kévin est totalement inacceptable, et votre quete de la redemption sera proportionnel à votre incurie !"

Dounette n'écoutait déjà plus. Un nom avait fait tilt dans la zone curieuse de son cerveau. D'une toute petite voix, la Gardienne demanda :

- Kevin...? Euh...monsieur...qui est Kévin?

Avez vous déjà vu un arbre embarrassé? Après cette intéressante expérience, Dounette se dit qu'elle ne regarderait désormais plus jamais sa table de chevet comme avant.

La chose leva une branche pour aller gratter, confondu, l'épaisse broussaille de sa chevelure - qui d'ailleurs n'avait pas du voir un sécateur depuis plusieurs saisons.

- Kévin? J'ai dit Kévin? Nan bien sûr, je voulais dire Aerandir...Aerandir...C'est de sa faute aussi, avec ses lubies de jeunes ! A trop vouloir rester dans le coup, à faire moderne, on en oublie ses racines ! C'est à la nouvelle mode ça, chez les arbres, de vouloir rester branché...Les noms des vénérables ne sont plus assez bien pour eux, évidement. Mais voilà ce que je leur dit moi : quand on est un arbre, ba on est plus une pousse...nan on est plus une pousse..."

Ramrod...vite...

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Voyant assez vite que le saule sur pieds n'avait pas l'air belliqueux, Ramrod posa assez vite pied à terre, en silence, rajusta ses habits, et lui adressa la parole pendant qu'il se rapprochait de la Gardienne.

Salutations, noble créature ...
Je me nomme Ramrod, voici Dounette.
Nous sommes tous les deux Gardiens de la ...

La boiserie ambulante lui coupa la parole très vite :
Oui, oui, les grands murs de pierre blanche au delà d'ici ... je vois bien.
Bâtisses froides et sans vie, délimitées froidement par ...
Aëringor. Oui, voilà.
Nous ne sommes pas des ennemis, lui rétorqua le Gardien, un brin agacé, en prenant soin également de lui couper la parole.

Il y eut un instant de silence, durant lequel de drôles du pupilles observèrent deux humains.

Puis l'être feuillu se mit à lever deux bras branchus et cornus au-dessus de lui. Il se mit à gronder, dans un craquement boisé effrayant.

Pas des ennemis ?
Vous avez insulté et blessé un être vivant, vous lui avez promis la mort !
Osez donc ne pas vous considérer belliqueux, ronces sur pattes !

Dounette écarquilla les yeux.
... Oups ...je crois qu'il parle de moi, là ...
Ramrod posa un regard inquiet sur son amie :
Hm ? Quoi ? Qu'est ce qui c'est passé ?

Suffit.
Il faut vous racheter. Soyez robustes, vous en aurez besoin.

Et un rire rocailleux sortit de sa gorge.

Ramrod se contracta, son front se barra.
C'est du délire, là ...
Tu commences à me plaire, le grand brin d'herbe !
Cesse ce ton hautain avec nous, tu pourrais ...

Le sol se mit à trembler, à s'agiter.
Une crevasse, noire et sans fond, s'ouvrit juste sous les deux Gardiens.

Ils n'eurent pas le temps de s'accrocher à quoique ce soit.
Leurs corps plongèrent dans la faille obscure.

L'étrange végétal observa la crevasse se refermer bruyamment.
Son tronc se fendit d'un sourire narquois.

Bien ...
Ces deux herbes folles ne nous ennuieront pas de sitôt.
Ce calme forestier me plaît. Un petit aiguisage de pousses me fera monter la sève un moment ... Huhuhu ...

Ramrod...ne l'énerve pas...
Surtout pas...

Dounette tirait sur la manche de son ami, d'abord discrètement, puis avec de plus en plus d'insistance...

Ramrod...il s'énerve là...
Ne le traite pas de brin d'herbe ! Ne le traite pas de brin d'herbe !

Trop tard...

La chose semblait en pétard, devant cette insulte digne du dernier des bucherons. Le sol se mis à gronder furieusement, les mousses à trembler, et Kévin, derrière, faisait frissonner ses branchages de colère.

Le temps d'un battement de cœur, et Dounette se sentit aspirée par un gouffre qui venait soudainement de s'ouvrir sous ses pieds. Dans un dernier reflexe, elle accrocha la manche de la toge du Peintre.

.....

Les deux Gardiens tombaient à une vitesse phénoménale.

De longues...interminables secondes passèrent...

Dounette releva un instant la tête, apercevant furtivement les yeux de son ami. "Cette fois ci, c'est vraiment fini..."

.....

Puis, aussi soudainement qu'il s'était traitreusement effacé sous leurs pieds l'instant d'avant, le sol apparu, et, sans que Dounette puisse l'expliquer, leur chute sembla...se ralentir...Il ne chutaient plus, il flottaient...

"Ouch !"

L'atterrissage sembla tout de même rude pour Ramrod, dont les omoplates avaient cognées durement le sol ferme du gouffre. Ce même atterrissage fut beaucoup plus doux pour la jeune fille...

"Décidément...."

F I N D U P R O L O G U E
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...Humpf ...

Loin de moi l'idée d'avancer la supposition que ta personne me pèse,
ni même effleurer l'éventualité que tu puisses peser plus que tu ne devrais,
mais bon ...
j'ose espèrer que tu arrives à te lever, de sorte que mon thorax, par miracle, puisse reprendre une forme normale.
... Si tenté que tous mes os n'aient pas étés cassés, et que je ne délire pas sous le choc présentement.

Dounette eut un instant d'incompréhension face à la tirade surdévelopéee de Ramrod,
mais bien vite se releva de son "coussin" de fortune, qui avait considérablement amorti sa chute.

Je suis désolée, Ram' ... Dis-moi que ça va.

Impeccable. Je tiens méchamment la forme, aucun problème, lui fit-il d'un ton rassurant, tout en grimaçant et se tenant les côtes.

Les deux Gardiens ouvrirent alors des yeux ébahis sur ce qu'il les entouraient.
Une douce pénombre baignait ici. Aucun ciel au-dessus de leurs têtes.
Le sol était meuble et légèrement chaud. Tout laissait à penser qu'ils avaient atterri dans une caverne.

Par réflexe, le Gardien leva la tête au-dessus de lui. Rien.
La crevasse par laquelle ils étaient arrivés n'était plus là, comme si elle n'avait jamais existée.

Damné Graal ... Comment allons-nous revenir ?

Il sentit alors la main de Dounette sur son épaule.

Peut-être que ... Regarde par là-bas. Tu vois comme moi ?

Hm ?

La grotte obscure s'étendait derrière eux, comme un long et vaste tunnel.
La pénombre qui régnait ici s'atténuait plus loin, illuminée par de drôles de lucioles lointaines.
Une vaste plaine aride, sans ciel et bordée de ... rochers ?
Ce n'était pas de la roche qui les entourait.
Ils regardèrent, inquiets, les yeux plissés, ce qui bordait les parois de ce qui n'était pas une caverne.

C'étaient des arbres. Les mêmes sapins qui parsemaient la forêt, là-haut, à l'air libre.
Mais ...
Ils étaient inversés.

Les deux gardiens eurent la même réaction synchronisée : leurs visages montèrent lentement jusqu'au plafond.

Tous les arbres qui les entouraient étaient ... pendus.
Leurs racines et leur tronc figés au plafond, leur cîme tutoyant le sol.

C'est ... vraiment n'importe quoi, ici, lâcha Dounette d'un seul souffle.

De la Terre au dessus, de la terre au dessous. Et des arbres à l'envers.
Bien envie de m'asseoir, d'un coup, là.

Ils étaient eberlués. Tandis que la Gardienne examinait un tronc de près,
le Gardien observait silencieusement les alentours, le front soucieux.

Ramrod se figea une seconde, inquiet, puis se rapprocha de Dounette et lui empoigna le bras.

Viens ... Allons voir ce qu'il y a là-bas, d'accord ?

Elle le déviseaga, interloqué par le ton pressant de son ami.
Moui ... tu parais inquiet. Quelquechose ne va pas ?

Il afficha un sourire tendu, son regard se fit fuyant.
Nooon ... J'adorerai avoir mon carnet de croquis, là, j'aurai matière à m'amuser.
Vite, avançons.

Les deux silhouettes avancèrent de concert, encadrés de verdure.
Ramrod pressait légèrement le pas, Dounette eut un regard interrogatif, muet et insistant.

Il lui chuchota sur un ton neutre, sans la regarder :

On nous épie. De pas très loin.
Il faut aller vers les lumières.
Vite.

Des bruits de pas feutrés, juste derrière elle...Dounette sentit un long frisson lui parcourir le dos, remontant du creux des reins jusqu'à la nuque, en une longue rigole glacée.

On nous épie. De pas très loin.
Il faut aller vers les lumières.
Vite.

Dounette attrapa le bras du Peintre, et le serra. Un peu de réel dans ce cauchemar psychédélique. Parce que, évidement, elle était en train de dormir, elle ne pouvait pas être réellement dans un tunnel d'arbres inversés...

Le bruit de frottement se rapprochait...non, pire ! Commençait à...les entourer !

"On va être encerclé !"

Dounette s'élanca dans une course effrénée vers la pâle lueur au bout de ce long corridor boisé, manquant de faire tomber Ramrod qu'elle tenait toujours pas le bras.

"Vite ! Viiiite "

Les grognements se rapprochaient, les suivaient, les dépassaient.

Et soudain, alors que le tunnel ne semblait pas connaitre de fin, il débouchèrent, pantelants, dans une immense clairière.
Les inquiétants bruits de poursuite se stoppèrent à la lisière, leur laissant un instant de répits.

Dounette, épuisée, se laissa tomber dans l'herbe fraiche et leva les yeux au ciel...pour constater que le plafond de la clairière était couvert d'herbes, exact miroir du sol. Elle pouvait même distinguer un intéressant par terre de pâquerettes, la tête en bas...

"Ah non trop c'est trop, j'en ai marre, j'arrête de jouer !"
Ne craque pas, Dounette...ne craque pas, c'est pas le moment...

Dounette sentait le rire nerveux lui monter au ventre, rire qui devint franchement hystérique lorsque elle remarqua la chose qui venait vers eux...

"Noooon...Ramrod, il nous a suivi..".

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Il fit face au tunnel qu'ils venaient de quitter, haletant, les sens en éveil.
Un semblant d'héroisme le saisit, lorsqu'il se plaça entre son amie et l'ombre arrivante. Mais cela ne servirait peut-être pas à grand'chose.

Les petits frottements se rapprochèrent, ils sortirent en multitude de l'ombre, sous la lumière. Ramrod en fut bouche bée.

De petites boules de poils aux yeux mauvais. Au pelage bleuté. Aux dents acérées sous leur mignon minois.

Cela ressemblait vaguement à des écureuils hystériques, trempés de Bleu.
Ils se postèrent en rang, face à eux, debouts sur leurs pattes arrière, comme attendant un signal pour charger.

Mais ... mais ... Qu'est-ce que c'est encore que ça ??

Ramrod eut un instant d'illogisme, face à cette drôle de nature.
Dounette avait l'air d'être en plein dedans.

Booooonjooooour mes mignons charnus !

Une silhouette familière apparut de l'ombre, derrière le rang des petits soldats.
Une silhouette forestière ressemblant étrangement au Gardien qui les avait envoyés ici-bas.
Les bras tendus, un sourire boisé lui fendant le tronc.
Comme tout ce qui les entouraient, il était lui aussi inversé.
Les racines lui formant des cheveux, ses pieds se perdant dans un fourré de feuilles et de branchages.

Ramrod se retint de se pincer violemment, mais ne put échapper un rire cynique.

L'arbre haussa des sourcils de surprise, et adressa au Peintre un petit clin d'œil complice.
Rhoooo je te fais rire, homme aux poils de neige ... Grand bien te fasse !
Soyez bienvenus ici, les Charnus.
Navrééé de cet accueil à la limite du barbarisme ...
Oulà ! les peluches, on rentre ses dents, hein, ces deux-là ne sont pas à manger, voyooooons !

Les bras de Ramrod tombèrent.
L'arbre leur parlait d'une voix féminisée aux accents précieux.
Le Gardien pria pour que Dounette le pince, finalement.

Boooon ... Soyons clairs. C'est mon loulou là-haut qui vous a envoyé ici-bas. Vous avez fait du mal, apparemment.

Pas bien ! Pas bien !
Alors, il va falloir vous rendre utile, ici.
Vous êtes les deux seuls charnus à avoir connus le monde folichon d'en haut, vous serez donc très au point.

Ramrod avait depuis longtemps des yeux ronds d'incompréhension.
Les écureuils bleus ne lui faisaient plus du tout peur.
...
On peut en placer une, oui ?
La compréhension est en option ici ?

L'arbre continua de parler, muet aux requêtes du "charnu".

Cependant, pour ne pas que vos petits pieds se perdent,
je vais vous coller un adjoint, un acolyte, un poids mouche, ce que vous voulez ....
C'est obligatoire, de toute façons, hihihih ...

Julius ?
En avant, mon pépère, tu les accompagnes.

Et l'arbre poussa d'une de ses branches l'un des écureuils, qui sortit évidemment du rang.

"Noooon Ramrod, il nous a suivi..."

Dounette recula, jusqu'à se blottir contre le dos de son ami. Elle le sentit se tendre, puis lui prendre un bras, dans une posture défensive.

Intriguée, la gardienne jeta un coup d'œil par dessus l'épaule de son ami, pour voir ce qui l'alertait à ce point, s'attendant à voir quelque nouvelle catastrophe leur tomber dessus.

....

Elle ne fut pas déçue.

Sa première réaction fut un franc sourire. Enfin quelque chose qui n'était pas totalement monstrueux ! Hormis, évidement, le fait que leur pelage était bleu - rien n'est parfait hein... - la menace ressemblait plus à une devanture de vitrine d'un marchand de peluches un soir de Noël qu'à la faune qu'elle avait imaginée vivre ici. Cette idyllique, et presque normale, vision dura juste le temps d'un battement de cœur. Dans une synchronisation parfaite, les mignonnes petites bêtes montrèrent des petits crocs nettement moins mignons, en poussant des couinements tout à fait menaçants.

"Evidement", pensa Dounette, presque blazée, devant l'armée de minuscules soldats ébouriffés, "c'était limite trop beau..."

"Booooonjooooour mes mignons charnus !"

"Et c'est reparti pour un tour...."

Et c'est alors que Dounette sentit, entendit même, quelque chose se fissurer...comme une connexion dans sa tête qui venait de claquer, avec un petit bruit sec pas vraiment désagréable. Son regard alla de son ami - qui discutait avec un arbre à l'envers, après, quand même, s'être pris le bec avec un arbre à l'endroit - à l'armée de petites boules de poil grognantes et menaçantes. Lorsque ses yeux se fixèrent sur le Gardien de-ce-coté-ci-du-gouffre, qui remuait ses racines d'une manière tout à fait coquette et grotesque, la gardienne sentit ses jambes la lâcher.

"Traitresses !"

Puis le monde, ou plutôt, le monde à l'envers, bascula, " ce qui va m'envoyer dans le monde à l'endroit" pensa Dounette, avant de s'enfoncer dans un évanouissement salvateur.

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Alors que la peluche bleue s'avançait gentiment vers eux, Ramrod perçut un glissement d'étoffes, suivi d'un impact lourd sur le sol.
Il se retourna rapidement.

Oh nooooon ... Dounette ....

Il s'agenouilla, lui souleva la tête au creux de son bras.
On aurait juré la voir dormir agréablement, vu le petit sourire qu'elle affichait.

Tu fais tout pour me simplifier la vie, toi, tu sais ça ?

Il passa un bras sous ses jambes, et la souleva du sol.
Une grimace lui zébra le visage, alors que les douleurs de sa chute se rappellaient à son bon souvenir.

Ramrod souffla un peu, et regarda là où se trouvait l'arbre effeminé.
Il avait disparu.

ébé voyons ... Il se passe quoi ensuite ?
On va avoir des hippopotames en tutu qui dansent ?

Le petit écureuil se rapprocha des pieds du Gardien, debout sur ses deux pattes arrière. Il avait un air plus mignon quand on ne voyait pas ses canines pointues de petit roquet.
Ramrod le regarda avec exaspération.

Et toi ? Je fais quoi de toi ?
Tu es notre guide ... Ca m'avance, tiens.

Il haussa les épaules.
Manquerait plus qu'il me parle celui-là, et je m'évanouis itou ...
Ah oui ? Pourquoi ? Ca te pose un problème ?

La boule de poils bleus affichait un sourire carnassier de satisfaction, les deux pattes avant posées sur les flancs.

souffle, Ram' souffle ... Tout va bien, tu tiens debout ...

Ok ... *Ahem* ... Tu parles, donc ... Bieen .. On va où maintenant ... heu ... Julius ?

En une seconde, la petite chose gravit la toge du Peintre, et se jucha sur son épaule, roulé en boule. Ramrod n'eut pas le temps de frissonner, néanmoins l'eventualité d'avoir une paire de crocs si près de sa nuque l'inquiéta un instant.

Julius pointa une griffe vers un tunnel étroit, qui s'échappait de la clairière.

Par là. On va sur Rog Nirea. C'est le plus court chemin.

Ramrod avisa la direction, soupira, s'assura que Dounette était bien calée dans ses bras, et s'élança gentiment avec son évanouie et un écureuil bleu sur l'épaule.

Alors qu'ils rentrèrent dans le tunnel, Julius adressa un œil curieux à la Gardienne évanouie.
Dis dooonc ! ... elle est bonne, ta copine charnue. Ça vaut cher, ça ?

Ramrod bondit furieusement :
HÉHO ! D'abord, c'est pas ma copine, ensuite tu la considères mieux que ça ou c'est moi qui monte sur ton épaule
... et tu me sentiras passer, clair ?

...

ok ok ... Avance, charnu.

Un violent mal de tête lui déchira le crane, l'obligeant à pousser un gémissement qui, même à ses propres oreilles, lui parut ridiculement plaintif. Dounette ouvrit péniblement les yeux, complètement perdue. Elle se trouvait dans un lit, ce qui, en soit, était déjà bon signe.

Après un instant de black out total, un immense sourire s'épanouit sur le visage de la jeune fille : Elle était dans un lit ! Elle avait donc rêvée ! Elle le savais bien que cette rocambolesque aventure ne pouvait pas être...

...

Son rire se stoppa net. Là. Sur son lit. Un écureuil. Bleu. Assis en tailleur. Si.

Et non seulement cet écureuil avait l'incroyable outrecuidance d'être réel, mais en plus...il souriait !

"Saluuuut poupette !!!!"

"Naaaaaaaaaaaan !" Dounette se leva d'un bond du lit, serrant un oreiller contre son cœur, sentant revenir les prémices d'un évanouissement prochain.

Les petits yeux noisettes l'avaient suivit, goguenard.

"Pas mal pas mal...pour une charnue, je veux dire. Pas assez de poils, de toute évidence. Mais des formes là ou il faut..." ajouta la salace petite créature bleue, en lorgnant de manière très peu discrète sur le décolleté entrouvert de la jeune fille.

Ce fut ce qui la sauva.

La colère et la juste indignation remplacèrent les vertiges de l'incompréhension et du désespoir.

"Tu vas voir, sale petite boule de poil, ce que je vais en faire moi, de tes rondeurs, si jamais tu t'avises ne serait ce qu'une seule petite fois de regarder de tes yeux chafouins ce que tu ne...tu ne...mais...mais il est où Ramrod ?"

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