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| Nul n'est prophète en son pays | |
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Invité Invité
| Sujet: Nul n'est prophète en son pays Dim 9 Mar - 15:51 | |
| L'angélus sonnait à peine quand je sortais de chez moi. Comme souvent les dimanches après-midi, je me préparais à une courte promenade, passant par le parc non loin de chez moi, pour gagner enfin, après quelques détours plaisant, mon bar, dont je n'arrivais jamais à retenir le nom. C'était somme toute, assez étrange que l'endroit où je passais le plus clair de mon temps libre, ait un nom qui défia toute les lois de ma mémoire. J'entrais et saluais le serveur avant de m'asseoir à ma place. Je commandais un demi, comme à mon habitude le dimanche. J'avais appris quelques jours plus tôt que l'on jasait pas mal sur mes loisirs et ceux de ma femme, et qu'on avait même été jusqu'à dire que nous avions fait un mariage blanc. Cela ne me préoccupait guère. il y avait bien longtemps qu'elle et moi avions appris à faire fi de ce genre de commérages. Nous nous aimions d'une manière qui heurtait la sensibilité des autres. Il était rare de nous voir en public, accroché l'un à l'autre, et même après notre mariage, ou avant d'ailleurs, nous ne nous amusions pas à exhiber nos langues suspendues l'une à l'autre dans un parc, langoureusement enlacé comme deux escargots. Nos infidélités à l'un et à l'autre étaient discrète, mais je savais qui me poussait des cornes et elle n'ignorait rien de mes conquêtes. Certains nous avaient nommé "couple libéré", sous-entendant par là, la malhonnêteté des moeurs que nous avions. C'était étrange que peu de personnes puissent comprendre que notre amour n'avait, malheureusement pour nous deux, qu'une très faible proportion physique, et aucune possessivité. La voir dans les bras d'un autre ne m'aurait pas plus rebuté qu'excité, mais nous faisions cependant en sorte de rester discret, par respect et par délicatesse. Nous nous aimions et nous désirions, c'était certain. Mais nous ne nous aimions que d'avantage par ces aventures que nous entretenions. Nous ne voyions pas cela comme tous le monde. C'était plutôt flatteur de savoir que l'autre allait voir ailleurs, mais qu'elle revenait toujours. Nous ne voyions pas les choses de la même manière. C'était un trait de caractère et non quelque chose de spécifique à cette situation. En tout point et de tout temps on nous avait dit que nos raisonnements étaient originaux, spéciaux, intriguant. Cela nous avait rapidement rapproché, éloigné, rapproché, comme une marée d'amour qui ne cesse de revenir, plus forte, plus faible, mais toujours présente.
Ce jour-là, ma femme était partie tôt, rejoindre peut-être, une aventure avec un homme qu'elle avait rencontré dans un bar trois jours auparavant, mais en me disant qu'elle avait un voyage à faire, et j'avais décidé de passer l'après-midi dans ce bar, à discuter avec ceux qui s'y trouveraient. Le demi à la main, je regardais autour de moi. A la table habituelle de mon couple préférée, trois jeunes, habillés en costume trois pièces, discutait calmement. C'était de ces personnes qui regardaient leurs congénères l'air hautain, comme s'ils étaient d'une autre race. Je n'avais pour eux qu'un mépris que j'affichais de manière ostentatoire, et je ne cachais pas qu'ils m'importunaient au plus haut point. Je donnais souvent mauvaise conscience à ce genre de personne, de par ma culture, mon intelligence, et le mépris que j'avais pour eux. Mais cette fois-ci, j'étais de bonne humeur, d'excellente même, et je ne les haranguais même pas, les laissant paisiblement à leur table, où, finalement, ils ne dérangeaient personne. Au bar, l'ivrogne rentier et philosophe était là, sirotant paisiblement son whisky tout en discutant avec une jeune femme qu'il semblait connaître. La radio jouait "mendiant d'amour" de Robert Marino, et deux jeunes filles, d'une quinzaine d'année l'écoutait, les yeux clos, la cigarette à la main, comme subjuguée par cette musique. C'était bon signe qu'il existât encore des personnes de cet âge passionné par des musiques aussi vieilles. A côté d'elle, un vieillard avait posé sa canne contre sa table, et faisait un solitaire. Derrière lui, deux personnes jouaient aux échecs. C'était manifestement deux amants, ou deux amants en devenir, car elle le dévorait du regard, et lui souriait tout en jouant, manifestement, mieux que lui. Tout deux semblait dans un état tel que la partie en elle-même n'avait aucune importance, et ressemblait presque à des préliminaires spirituels. Juste à côté d'eux, deux hommes d'une quarantaine d'année jouaient aux cartes en buvant. J'avisais aussi deux commères que je connaissais bien, et qui me toisait l'air aussi offusqué que méprisante. Je leur adressais un sourire aussi ironique que possible et me retournait vers mon verre.
Ça faisait une demi-douzaine de minutes que j'étais installé au bar quand un homme vint s'installer tout près de moi. Il regarda le serveur et commanda d'une voix feutrée une limonade. Il était grand, jeune, et son visage maigre portait encore de légère trace d'une poussée d'acné adolescente. Pourtant, il semblait quand même avoir passé la trentaine. Il était vêtu d'un jean bleu et d'une chemise blanche et portait, à la main, une veste en jean bleue. Mal rasé, il avait des cernes qui semblait indiquer qu'il n'avait pas beaucoup dormi de la nuit, mais son visage rayonnait d'un sourire merveilleux et sympathique. Il tourna le dos au bar et se tournant vers moi, leva son verre en guise de salut:
- Chouette petit bar, me dit-il avec un sourire. - Oui, répondis-je, un endroit où il fait bon vivre le passé. - A votre santé. - Vous m'avez l'air de bien bonne humeur.
L'homme s'arrêta de boire, et déplaça sa chaise juste à côté de moi. Il s'assit et me regarda, les yeux pétillant d'une lueur mystique et heureuse. Il semblait dans un état extatique peu commun. Extatique n'était pas le bon mot. Il était heureux. Tout simplement heureux, et dans un de ces moments de bonheur où l'on souhaite ardemment que chacun le sache, que chacun le goûte afin de donner du bonheur à la terre entière. Ce genre d'instant de bonheur que ne pouvait pas atteindre n'importe qui, et qui forçait mon estime.
- Avez-vous déjà eu l'occasion de réaliser ce que vous auriez toujours voulu faire ? - Oui, avec ma femme. - Je parle de ce qui serait pour vous, le but de votre vie, pas une banale communion physique. - Moi aussi, j'ai la chance de l'avoir avec ma femme. - Ah, au temps pour moi. - Vous venez de le réaliser ? - Oui. Cette nuit, j'ai sauvé quelqu'un. Je... Je crois bien que ma vie toute entière n'avait pas d'autre but que de réussir à sauver quelqu'un. C'est un bonheur. J'ai tout planifié. De A à Z. Si vous saviez le temps que ça m'a pris. des mois de préparation. Mais quand on y arrive... C'est incroyable tant on se sent bien. - Vous avez sauvé quelqu'un ? Expliquez-moi ça, lui dis-je d'une voix plutôt basse, car je n'aimait pas ébruiter ce genre de chose. - C'était une jeune fille. Ça faisait presque 4ans qu'ils la torturaient le jour, la laissant s'avachir dans son lit, parfois en pleurs, parfois tellement brisé qu'elle ne dormait pas, parfois même, riant de douleur. Elle était brisée. - Ça s'est passé ici ? Mais... vous avez prévenu la police ?
Dernière édition par Elenmira le Dim 9 Mar - 15:53, édité 1 fois (Raison : correction de fautes grossières...) |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Nul n'est prophète en son pays Dim 9 Mar - 15:53 | |
| - La police ne voulait pas. L'affaire était trop délicate. Il n'y avait que moi. Je l'ai étudié ce couple de pervers. Pendant plusieurs mois. J'étais près de chez eux, me cachant quand il sortait. Ce qui était incroyable c'est que j'ai réussi à me soustraire à leur méfiance. C'était un travail de tous les instants. Voyez-vous, c'était dans une grande résidence... On aurait remarqué facilement un rôdeur. Je me fis plusieurs identités. je me cachais. Rapidement, je rencontrais le vigile. Je lui dérobais ses clés 2h et faisais faire des doubles de ceux de ces sadiques avant de les remettre. Je dois avouer que chacun de mes gestes était calculés de manière à n'éveiller les soupçons de personne. C'était éprouvant et il n'était pas rare que je prenne des cachets le soir afin de réussir à dormir, ou même, à me débarrasser de l'angoisse qui me prenait par moments. Il n'était pas rare que je prenne plusieurs heures chaque matin, afin de me calmer avant de me grimer pour retourner près de chez eux. je les regardais sortir, entrer, et je notais leurs horaires. Par chance, ces dingues étaient assez ponctuels et je pu établir le moment où j'allais tenter de la sauver. La première fois que je tentais, je fus repéré par le gardien alors que je montais les escaliers. Comment lui expliquer que par son zèle, il mettait en danger la vie d'une enfant ? il en aurait parlé autour de lui, la police serait peut-être venu, et tout eut été détruit. Je m'enfuyais. J'attendais un peu plus guettant les habitudes du gardien désormais. Puis, hier, je me suis lancé. dans l'appartement, c'était un silence morbide, presque mystique. L'odeur de renfermé irritait le nez, et la poussière piquait mes yeux. Et ce silence. Ce silence vous donne envie de crier. Je ne crois pas avoir été jamais aussi heureux d'entendre le vrombissement d'un avion que ce matin en venant ici. Cette ville bruyante, c'était comme le retour à la vie après cette nuit infernale. Là-bas, c'était le silence le plus profond. A chacun de mes pas, je m'évertuais à me faire le plus silencieux possible. Je respirais le moins possible et de la manière la plus lente qui soit. Je mis au moins une heure à parcourir la dizaine de mètre qui me séparait de sa chambre, et une dizaine de minutes à la convaincre de venir dans mes bras. Elle aussi était inquiète. Ses yeux brillait, et une larme en sortit. Je l'essuyais de la main, l'embrassait sur le front de la manière la plus calme possible et lui caressa le visage. Lentement, j'enroulais mon bras autour de son petit corps, et lui demanda à voix basse si je pouvais la porter. Elle acquiesça faiblement, jetant à droite à gauche des regards terrifiés, craignant qu'on ne nous surprenne. Je sortais de l'appartement en quelques minutes. Non pas qu'il fut plus facile de repartir, mais je craignais qu'elle ne s'impatientât de trop de précautions et que je nous mîmes en danger par un excès de lenteur. Elle était en état de choc, mais resta muette. Je fermais délicatement la porte. Un clac retentit dans la cage d'escalier. je me figeais. Sur mon épaule, elle semblait trembler, mais s'efforcer de rester silencieuse. J'avais peur. Nous étions au 17ème étage, et j'imaginais parfaitement ce qui se passerait s'ils me trouvaient là. mon cadavre serait propulsé par dessus le balcon, et son supplice recommencerait. Je descendis les escaliers, et attendit que le garde fasse sa ronde. il ouvrait la porte du rez-de-chaussée et sortait, afin d'aller vérifier un autre bâtiment en premier. C'était son habitude et il n'y manquât pas. Je sortis et marchait dans la rue, elle, toujours contre moi, sanglotant légèrement. J'haletais de peur, mais marchait calmement, l'air de rien. Un cri de haine se fit entendre dans la résidence. Je me suis même demandé s'ils n'étaient pas des monstres mythique, vampires ou autre bêtes assoiffé de sang quand j'entendis ce cri. Il n'était ni humain, ni bestial. C'était un cri de haine, de violence, un cri d'appel au sang. Je commençais à courir. Lorsque, par moments, je pensais à m'arrêter pour reprendre on souffle, soit j'entendais les bruits de mes poursuivants, qui, eux, étaient en voiture, soit je la regardais et, face à son visage si pur et innocent, si tendrement délicat et marqué par ces quatre années de souffrance, et je repartais en courant. Je courais, courais et courais encore, vers le petit bois pas loin de là. Là-bas, elle serait sauvée. Je craignais qu'il ne me rattrape et à plusieurs reprises je voyais leur voiture bleu derrière moi. Lorsque je rentrais dans le bois, leur voiture s'arrêta et ils commencèrent à me poursuivre à pied. Je dois avouer que je ne m'y attendais pas. J'avais espéré qu'ils n'osent pas. J'arrivais dans une clairière, le souffle court, et la déposais dans l'herbe. L'endroit était assez petit, et entouré d'arbre, ce qui faisait que j'étais à vue, mais que je pouvais m'enfuir de partout, et même me cacher facilement. Dans le ciel, la pleine lune éclairait les arbres d'une manière telle qu'avec quelques hululements, on se serait cru en plein sabbat. Les mains contre les genoux, je la regardais tendrement, tandis qu'elle essayait de reprendre ses esprits. Du sang coulait de sa bouche, mais elle était sauvée.
Je m'écroulais au sol, frappé à l'arrière de la tête. Alors que je me relevais, la femme s'approchait d'elle. Je me propulsais en avant et l'écartait avant de me retourner. En face de moi, c'était un véritable colosse. Un homme d'environ 1m80, 90 kilos, portant dans mains une branche de pin qu'il brandissait comme une épée. Le mari. Le premier coup m'atteignit de plein fouet et me fit cette entaille que vous n'avez pas dû remarquer jusqu'à maintenant, car elle se trouve sous le cuir chevelu, mais qui comporte encore du sang séché. Je m'écroulais dans l'herbe, sonné. Ils avaient perdu. C'était fini et ils le savaient. Je me relevais et lui assénait un coup de poing qui le faisait tomber à terre. Elle s'approcha de moi, et c'est alors que je compris qu'ils étaient bien plus que bourreau. ils étaient tout aussi victime. Dans ses yeux, c'était la même peur que dans ceux de la petite. Et une peur qui s'était muée en agressivité. De quoi avait-elle peur sinon du démon qui la rongeait ? Je l'assommait du plat de la main, de manière à ne pas la tuer. Quand il se releva, je remarquais qu'il avait la même peur dans les yeux. Il s'enfuit, espérant échapper à sa rédemption, et, l'ayant rattrapé, je le maîtrisais et lui parlait doucement. Incapable de bouger, il écoutait mes paroles et fondit en pleurs. C'était un spectacle émouvant que de voir un tel repentir chez quelqu'un d'aussi dangereux, et je compris qu'il n'avait été que le maillon d'une chaîne. Quand à elle, elle était en train de se relever, et je mis plus de temps à faire jaillir en elle le repentir. Mais la rédemption arriva. Là où tous avait échoué, j'avais réussi à sauver cette famille.
- J'avoue ne pas comprendre de quoi vous les avez sauvé exactement, mais c'était une drôle de folie que celle-là. - Je vous l'accorde. Une folie incroyable. Maintenant, ils sont heureux, et je dois vous dire que voir leur visage apaisé m'a plus détendu que quoique ce soit d'autre.
Je le regardais. Il était étrange qu'un homme capable de tant de douceur, et d'un courage aussi important ait l'audace d'en parler. Pour moi, c'était deux choses fondamentalement opposé que le courage et la mise en avant de soi. Mais il était certain qu'après une nuit aussi éprouvante, même s'il ne voulait pas le dire, il devait être en état de choc, et avait besoin de se confier. Je le regardais et lui disait que le monde avait besoin de personne comme lui. Il hocha la tête avec un sourire: - Je ne pense pas être le seul. Mais je vous remercie; Je vous remercie de m'avoir écouté, de m'avoir apprécié.
Des sirènes se firent entendre et une voiture de police s'arrêta devant le bar. le serveur, nettoyant ses verres regarda les deux inspecteurs qui en sortaient, l'arme à la main. Mon ami soupira: - Je me suis introduit dans une propriété. Je pense que c'est pour moi.
Les policiers entrèrent et braquèrent leurs armes sur lui. Tout en lui disant ses droits, le premier inspecteur lui mit les menottes d'une manière si violente qu'elle m'indigna. Alors qu'il le forçait à se retourner, faisant jaillir une grimace sur son visage poupin, je m'insurgeais: - Pour une effraction, et après s'être rendu sans violence, vous croyez nécessaire ce chambardement ? - Effraction ? Monsieur Acosta est accusé de triple homicide sur la personne d'un couple et de leur enfant de 4ans.
Le policier rangea son arme sans comprendre et me tourna le dos, faisant entrer ledit Acosta dans sa voiture après être sorti. Juste avant de disparaître derrière les vitres, il leva la tête vers moi et son regard transperça mon âme. Je restais là, prostrée devant sa limonade a demie finie et mon verre plein, incapable d'articuler le moindre son. D'ailleurs en cet instant, je n'arrivais même plus à penser. Toute forme de volonté semblait sortir de moi comme de l'eau d'une éponge qu'on presse. J'étais mort spirituellement, et le soir, lorsque ma femme rentrait, je n'étais pas à la maison, pour la première fois en 30 ans de mariage. |
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