En réfléchissant bien.

Il se lève. Comme toujours, il est tôt, trop tôt pour quelqu’un de son âge ; Mais le sommeil à définitivement quitter ce petit corps. Sa vie n’est plus qu’un lambeau de tissu flottant au grès du vent dans un monde vide et dénué de sens. Il va dans la salle de bain et s’assoit sur le rebord de la baignoire, ayant au préalable mit à couler l’eau, brûlante, comme toujours. Il repense à ce qu’il a fait depuis un mois. En réfléchissant bien, absolument rien. C’est un véritable désert d’action qui se dresse devant ses yeux rouges de fatigue quand il lui arrive de songer à ça ; et ça arrive souvent. Parfois, il n’y fait pas attention, et essaye de changer ses pensées. Mais généralement, ça lui colle à la peau comme une sangsue en manque de fluide vital. Impossible de s’en défaire. Et c’est là que les idées noires apparaissent. Celles qui font mal, celles qui vous donnent le cafard, et surtout, celles qui vous font plonger dans une léthargie involontaire, dont il est quasiment impossible de sortir sans l’aide d’une autre personne. C’est de ça qu’il vit. De rêves difformes et incolores. Une sensation chaude et humide lui effleure les fesses. La baignoire est plus que remplie, commençant à laisser s’échapper quelques éclaboussures d’eau. Il retire son pyjama, son caleçon de la veille, et pénètre dans le liquide au bord de bouillir. Sa peau devient écarlate, parsemée de plaque encore plus pourpres que le reste. Mais il n’y fait pas attention. Il n’y est plus sensible. C’est un spectre.

L'eau chaude à pour effet de lui éveiller pour un moment son esprit. C'est alors qu'il s'aperçoit que le soleil s'est levé depuis déjà quelques temps, et que son bain est tiédasse. Il tire alors le bouchon, restant allongé contre la dure paroi de la baignoire. Et le froid reprend le dessus. Le chauffage a été coupé il y a deux semaines. Ce fut un de ses plus grands chagrins. Il aime le chaud, la sensation qu'il procure. Il pensait ne pas pouvoir s'en passer et pourtant, il réussit à se débrouiller sans. Heureusement que l'eau est encore en marche. L'électricité aussi lui a manqué au début, mais moins. Après tout, ce n'est pas vraiment intéressant comme technologie. Il ne s'en sert jamais, ou presque. La lumière n'est pas son alliée. Il l'a toujours crainte, malgré qu'elle puisse aussi produire du réconfort. Il se lève enfin. Nu comme un ver, il se dirige vers la cuisine. Un escalier à descendre avant. Pas de rambarde, il l'a scié il y a une dizaine de jours. Il trouvait que ça gâchait les belles pierres de marbres dans lesquelles étaient faites les marches. Et puis ainsi, un accident et si vite arrivé. En bas, les dalles défoncées faisaient barrage à certain endroit. Peut être aurait-il dut les remettre après les avoir décelés. Il décida de sauter par-dessus. Nu c'est plus marrant. Quand il arriva dans la cuisine, il ouvrit un placard au hasard. Gagné, les sucreries. Il vérifia la date de péremption et ouvrit le paquet de chocolat qu'il avait attrapé avidement. A l'intérieur, la plupart des biscuits étaient intacts. Il en prit un et le croqua avec délice. Un des derniers plaisirs qu'il savait se faire. Quand il en eut mangé une quinzaine, il alla s'installer dans le canapé défoncé du salon. Une odeur de pourriture s'échappait de la pièce jouxtant celle où il était. Ca en devenait presque insupportable, écœurant. Il se leva doucement. Ses mains tremblaient. Pourquoi ? Il ne savait pas. Il était pourtant bien au courant de ce qu'il y avait là-bas. Mais jamais il n'avait osé y revenir. Peut être s'en voulait t-il ? A bien y réfléchir, non, ce n'était pas une bonne supposition. Il avait fait cette action délibérément. Il avança doucement. A travers la fenêtre brisée de la baie vitrée, une bise pénétra et souffla sur le corps frêle. Il continua sa progression pour arriver devant la porte qu'il redoutait tant. Il mit la main sur la poignée. Elle était froide, très froide, trop froide. Il la tourna doucement, sans se presser, faisant bouger le pan. Il glissa un rapide coup d'oeil dans la pièce. Des mouches volèrent dans sa direction. Il s'écarta brusquement pour les laisser passer et reprit sa contemplation. Rien n'avait bougé, à part bien sûr l'état de pourriture des corps de ses parents.