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 [Article] De l'écriture à l'art

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Tr0n

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MessageSujet: [Article] De l'écriture à l'art   [Article] De l'écriture à l'art Icon_minitimeVen 3 Oct - 17:27

De l’écriture à l’art : Chapitre I


« Geist und Witz », l’art spirituel et représentatif d’une langue, c’est ce que les illuminés terrifiants de l’académie française oseraient donner comme définition. De l’élitisme dans le phrasé, hautains et fiers que nous sommes dans la littérature, ils n’hésiteraient sûrement pas à vous jeter ce genre d’ironie mesquine et supérieure au visage. Tous ? Non, je vous l’accorde. Est-ce réellement de l'ironie ? A n'en point douter... Mais ces piques lancées de ci de là sont le commun de l’amusement quasi dictatorial de nos écrivains. La maîtrise devient un art au-delà même de la définition que je considère comme primordial à l’écriture. Tous l’oublient, tous s’éloignent de la source, de la fontaine de jouvence nécessaire au développement de toute notre civilisation. Car oui, l’écriture est avant tout l’expression d’une langue sur un support au moyen de signes. Elle représente l’essence même de ce que ressent l’homme. La régulation des lettres et des mots n’étant qu’un ensemble de lois arbitraires pour potentiellement la cadrer, et donner une étrange emprise à certaines castes. Ne plus savoir écrire c’est être au banc de la société. Mal écrire c’est s’éloigner des hautes sphères, c’est être le bas peuple… L’écriture est au centre même de l’évolution de la communication et donc de toute la sphère progressiste de notre monde. On pourrait aisément rentrer dans des considérations techniques en parlant de la symbolique des signes en passant par l’écriture cunéiforme mais l’intérêt n’est que mineur. Tout le monde aura je l’espère à cœur de se documenter sur l’invention de l’écriture – de la Préhistoire à nos jours – et sur les processus cognitifs qui mènent au changement – hors historique bien entendu.

A partir d’une définition simple, nous avons réussi à créer tout un système pervers qui, sans volonté, peut dénigrer bien souvent autrui. Pourtant écrire est l’une des activités les plus simples qu’il m’ait été donné de pratiquer. Vous êtes capable de résoudre une intégrale triple ? Alors comment faites vous pour ne pas savoir écrire « normalement » (si tant est que la normalité existe) ? Ecrire c’est respecter l’ensemble des codifications, c’est du par cœur, c’est "juste connaître" les mots, le savoir les agencer pour faire ressentir des émotions, pour retranscrire tout ce que la parole et les intonations pourraient donner comme sens. Un art ? Non. Nous en avons fait un art avec le temps, par un processus que je me garderais d’expliquer ici.

MONSIEUR JOURDAIN
Par ma foi ! il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j'en susse rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m'avoir appris cela. Je voudrais donc lui mettre dans un billet : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour ; mais je voudrais que ce fût mis d'une manière galante, que cela fût tourné gentiment.

MAITRE DE PHILOSOPHIE
Mettre que les feux de ses yeux réduisent votre coeur en cendres ; que vous souffrez nuit et jour pour elle les violences d'un...

MONSIEUR JOURDAIN
Non, non, non, je ne veux point de tout cela ; je ne veux que ce que je vous ai dit : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour.

MAITRE DE PHILOSOPHIE
Il faut bien étendre un peu la chose.

MONSIEUR JOURDAIN
Non, vous dis-je, je ne veux que ces seules paroles là dans le billet ; mais tournées à la mode, bien arrangées comme il faut. Je vous prie de me dire un peu, pour voir, les diverses manières dont on peut les mettre.

MAITRE DE PHILOSOPHIE

On les peut mettre premièrement comme vous avez dit : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour. Ou bien : D'amour mourir me font, belle Marquise, vos beaux yeux. Ou bien : Vos yeux beaux d'amour me font, belle Marquise, mourir. Ou bien : Mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d'amour me font. Ou bien : Me font vos yeux beaux mourir, belle Marquise, d'amour.

MONSIEUR JOURDAIN

Mais de toutes ces façons-là, laquelle est la meilleure ?

MAITRE DE PHILOSOPHIE

Celle que vous avez dite : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour.


Ce passage de Molière dans « Le bourgeois gentilhomme » est un classique. Interprétable de diverses façons. Je ne m’appesantirais que sur un fait très important, centre de ma démonstration. La façon initiale d’écrire la phrase à la demoiselle n’est pas « forcément » la meilleure bien que plus simple et libre de toutes influences. Molière défend deux faits. Le premier que la spontanéité est primordiale dans l’exercice de l’écriture (elle permet de retransmettre le caractère de l’écrivain), le second que la tournure n’est pas d’une importance capitale. Cette seconde façon de voir la chose n’est pas évidente, et souvent controversée. Nous passerons sur le pamphlet à l'égard des précieux.

Prenons d’abord la spontanéité en tant que telle.

Forcément quand un quidam réagit et parle, il va transmettre une partie de son caractère, de sa vision des choses à son auditeur. Il va révéler par des mimiques, une intonation, une façon d’être et de tourner sa phrase, une grande partie de lui-même. On s’en rend compte en écoutant au lieu de parler, première étape de la connaissance d’autrui. Cela paraît trivial mais peu en réalité cherche à percevoir et à réellement écouter. Nous retrouvons exactement le même problème dans « l’écriture ». Chaque mot employé, chaque structure, chaque positionnement, chaque lettre vont avoir une influence non plus sur l’auditeur mais sur le lecteur. Ce parallélisme entre écoute/lecture révèle l’importance notoire de la lecture pour ressentir et modeler sa propre façon d’exprimer ses sentiments ou des sentiments. Bien entendu la différence est dans le fait que l'écriture contrairement à la parole est bien plus sujette au temps de la réflexion ce qui n'est pas sans impact comme nous allons le voir.

On pourrait donc se dire, qu’écrire rapidement, est gage d’une meilleure transmission des émotions. J’aborde de manière succincte les propos d’André Breton et de son écriture automatique qui révèle la psychologie de l’écrivain. Il n’a pas tord et sans doute même, raison. Or malheureusement, les surréalistes dans leurs définition de ce type d’écriture, oublient bien vite qu’ils ont quand même un énorme bagage littéraire et donc de l’écoute/lecture suffisante pour avoir inscrit dans leur inconscient certaines codifications qui paraîtront absconses au néophyte.

Pourquoi ? Pourquoi donc n’arrive-t-on pas à transmettre bien ses émotions lors des premiers jets ? Pourquoi les surréalistes y arrivent-ils ? C’est ce que je viens d’énoncer, l’emprunte de tout un système de communication sur l’inconscient. Si vous jugez que vous écrivez mal de cette manière c’est simplement qu’on ne vous a pas gravé les choses au fond de votre être. Mais c’est exactement la même chose pour tous les outils ! Les talents, les vrais sont exceptionnellement rares, mais s’extasier devant un texte en vous dévalorisant, en vous disant que jamais vous ne saurez faire ça est anti-progressiste. Notez que le génie c’est d’être perfectible.

C’est en ce sens que je trouve que l’avis de Molière n’est pas forcément si pertinent qu’on pourrait le penser. Il considère qu’on voit tout, que le beau c’est l’instant émancipé. C’est peut être une erreur et un raccourci à mon sens. En effet, si cela marque et révèle votre caractère rien ne dit qu’autrui pourra lui « saisir » selon votre propre perception – il n’a pas toutes les billes en main mais juste son expérience unique. Et c’est là que je ne rejoins plus Molière. La façon de structurer, d’employer des mots, la technique donnent des repères qui ont un impact « presque » similaire sur tous les lecteurs/auditeurs. Autant la perception peut changer d’un individu à l’autre, autant la technique perceptible donne des clés à la compréhension.

Dire « Vos beaux yeux, d’amour me font mourir » n’a pas du tout le même impact émotionnel sur un lecteur qu’un « vos beaux yeux mourir d’amour me font ». Vous ne saisissez aucune nuance ? N’y aurait-il pas un aspect décousu dans l’une, ou un ton supérieur dans l’autre ? Non ? Tout est « perception » dans le domaine de la communication et l’on se doit donc d’être un tantinet objectif sur ses propres émotions pour s’en démarquer et trouver le sens profond d’un énoncé.

Par extension spontanéité suivie de travail technique ne peut que donner de meilleurs résultats car au-delà de la perception, l’écrivain médite sur la façon de retransmettre ses idées. Tout le structuralisme appris à l’école poursuit le but inavoué, d’offrir à tous une méthode homogène de communication. C’est communautariste, effet purement socialisant. La langue devient un moteur d’insertion, de partage et d’échanges sur un plan équitable.

Le monde serait si beau…

Notez que la parole est moins sujette à la réflexion que l'écriture aussi automatique soit-elle. Ecrire c'est aussi avoir le temps de mêler la réflexion et la communication au contraire souvent de la parole. Rares sont les hommes capable d'avoir cette gymnastique du cerveau. On trouve donc dans notre société bien plus de gratte-papiers que d'orateurs malgré l'aspect "communiquant" du XXIème siècle. Une problématique que je développerai dans un autre chapitre.

Malheureusement, nous ne sommes pas égaux devant nos capacités perceptives. Je devrais plutôt dire face à l’interprétation de la réalité que nous suggèrent nos sens. Il devient donc important pour « écrire » ou « parler » d’avoir un certain recul, une certaine notion de respect comme de réflexion. La dictature de l’instant doit être outrepassée et c’est là qu’on aboutit à une forme d’élitisme. Cet élitisme est la résultante de la cohésion sens / réflexion, qui prend du temps. Tous les êtres humains ne prennent pas ce temps là. Il n’est en réalité aucun génie à savoir écrire, il est tout naïvement qu’une question de temporalité et d’intérêt réel à ce genre de travaux.

Au travers de cet exemple de Molière, que vous avez pu percevoir d’une tout autre façon que la mienne, je voulais principalement mettre en valeur des points importants dans le domaine de l’écriture. On considère trop souvent l’écriture comme un art, alors qu’il ne s’agit au départ que d’un système de communication social. Certes l’art est l’échec constant des tentatives d’expression, mais l’écriture n’a pas pour vocation d’être comme la peinture ou la sculpture. Combien d’écrivains se fourvoient ? Gardez toujours à l’esprit cette question : que voulez vous dire.



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MessageSujet: Re: [Article] De l'écriture à l'art   [Article] De l'écriture à l'art Icon_minitimeLun 6 Oct - 13:03

De l'art à l'écriture : Chapitre 2



Avant de continuer, je tiens quand même à revenir sur un point crucial. On peut me rétorquer aisément que l'écriture est un art puisque moyen de transmettre des émotions et empreinte d'un certain esthétisme pour ne pas dire un esthétisme certain. C'est s'aventurer dans la définition de l'art, dans un relativisme né principalement au XVIIIème siècle.

Parlons donc un peu Romain. La racine du mot "art", ars(artis) qui a un grand nombre de significations dont, métier, savoir-faire, talent ou même adresse, nous révèle que l'art au sens Antique du terme n'a rien à voir avec l'idée qu'on s'en fait de nos jours. "Ars et usus", la théorie et la pratique. N'est-ce pas amusant ? On a fait dès la Renaissance, de l'art une forme d'esthétique et non plus de "savoir-faire". Progessivement la technique "techne" chez les Grecs c'est fondue dans le beau subjectif. On pourrait jouer des amalgammes dans les définitions de l'art en mélangeant, technique, esthétisme, création et production. A chaque période temporelle correspond sa vision propre de l'art. Du savoir-faire on en est arrivé à l'esthétique sensible. Aujourd'hui l'art englobe une foule de principes mais établit avant tout une relation entre récepteur/créateur. C'est une forme de communication entre l'artiste et l'extérieure, communication qu'il reste difficile à définir selon des règles (qui justement à l'époque Grecs étaient en vigueur). C'est ce que j'ai eu à coeur d'énoncer dans le premier chapitre. La régulation par la technique enclint à l'élitisme. J'ai ommis volontairement littérature que j'ai remplacé par écriture. Question de points de vue et de définitions donc.

Hegel, dans son classique "Leçons sur l'esthétique" évoque un point qui me paraît très juste "Le beau artistique est plus élevé que le beau dans la nature, dégage des formes illusoires et mensongères de ce monde imparfait et instable la vérité contenue dans les apparences, pour la doter d’une réalité plus haute créée par l’esprit lui-même.". On sent bien déjà qu'il faut dans le cadre de la réception d'une oeuvre artistique, savoir décoder la vérité derrière toute la techne que peut utiliser le créateur. Cela nécessiterait donc, par essence, d'être un puit de savoir. L'art ne serait pas juste une forme de dialogue mais aussi une représentation de la réalité, ou plutôt d'une réalité sensible perçue par son créateur. Connaissance, savoir-faire, création, il faudrait être un génie pour faire de l'art... C'est donc dans la définition même qu'on ressent déjà un certain élitisme et non plus uniquement dans la technique. Et c'est là que mon opinion s'en mêle. Comment peut-on définir comme artistique une réalité sensible issue des perceptions d'un seul individu (ou plusieurs), appliquant un savoir-faire (novateur ou producteur), alors qu'une poignée seule est capable de le "percevoir" et d'en analyser ensuite la "structure" ? Quel en est l'intérêt en terme social ? Si juste une poignée de Gaulois est encore capable de percevoir l'art de Balzac, peut-on le considérer comme de l'art ? Dans la définition artistique de son temps oui, aujourd'hui, peut être que non.

Avançons...

Toi au fond ta gueule !

De plus en plus c'est l'aspect créatif qui prend le pas sur la technique... Le masque magnifique de l'art incompréhensible. Plus on paraît abscon, plus c'est beau. Un monochrome de Kasimir Malevitch ? Owi que c'est plein d'idées, de techniques, fascinant... Ironique. Ca devient de la démarcation pour une certaine bourgeoisie qui aime les coupes de champagne...

Mais vers où je vais hein ?!

Comme un papi avec sa clope au bec, sur son vélo dans la montagne pyrénéene, j'avance tranquillement vers le cancer de la littérature. Vous, jeunes et moins jeunes élèves, que cherchez vous à atteindre en écrivant ? Posez vous donc ces questions dont les réponses permettent de grandir un peu. Je viens de mettre en valeur quatre principes fondateurs de l'art, et donc potentiellement de l'écriture :


Technique
Production
Création
Esthétisme


La technique tout le monde l'acquiert dans l'enseignement classique. A moins de faire le branleur au fond derrière un radiateur, si aujourd'hui vous vous reprochez de ne pas savoir écrire, dites vous que la fondation de l'apprentissage c'est la technique. Vous ne la maîtrisez pas ? Ne cherchez pas plus loin. La non-maîtrise d'un des quatres principes rendra toujours vos textes merdiques.

Vous me trouvez contradictoire par rapport à ce que j'ai exprimé dans le premier chapitre. Evidemment. Je viens d'amorcer une petite réflexion sur l'art. La fondation même de la littérature c'est de savoir écrire, de maîtriser un certain savoir faire dans le dialogue, dans la communication mais c'est aussi être capable d'inovation et de subjectif. Vous avez sans doute vu que ces définitions font de l'art quelque chose d'élitiste à cause d'amalgammes dans le tout "créatif", dans l'aspect "perceptible" qui devient quasi-dictatorial. Vous ne savez pas percevoir ce qui est écrit alors que votre voisin si ? Il doit forcément être plus intelligent que vous... Tout une catégorie de personnes s'arrête à ce genre de choses. Mais ce n'est pas uniquement dans l'art, malheureusement.

Toute évolution nécessite de la "volonté" et de l'engagement. Les quatres principes fondateurs qui permettent d'écrire de la qualité ne sont pas là juste pour faire jolis. La technique et la production s'apprennent, l'esthétisme et la création se perçoivent. Ecrire juste pour l'une ou l'autre des briques ça ne fait mousser que le créateur, rarement le récepteur. Sur Ter Aelis je vois une foule de gens qui balancent des textes en omettant allègrement ces principes. Oh que oui je métaphorise, oh que oui je suis original, oh que oui j'avance dans l'étude de mon subconscient, oh que oui on me dit que c'est bien pour évoluer. Oh quoi c'est de la merde en barre, voilà ma réponse. Ma question sera donc très simple. Souhaitez vous écrire pour vous ou écrire pour les autres, pour partager, faire évoluer, montrer, sensibiliser ? Vous savez l'un des premiers trucs que l'on apprend quand on fait de la peinture, c'est savoir se détacher de ses oeuvres. C'est souvent un déchirement pour l'artiste de vendre sa première toile... Vos textes ne vous appartiennent pas, ils ne sont pas vos enfants une fois larguée de ci de là. Et s'ils n'intéressent que vous dans la problématique, ils sont fades. Vous pouvez greffer autant de techniques que vous souhaitez sans l'esthétisme, ce sera mauvais. Inversement vous pouvez faire dans l'esthétisme mais vous ne bernerez jamais les connaisseurs. De même un dernier conseil, n'idôlatrez personne. Je l'ai déjà dit une fois je le répète, le génie c'est d'être perfectible. Dans l'Académie toute adoration sera sanctionnée par des coups de savates, l'objective perception est de rigueur malgré toute la subjectivité qui emplit l'art. C'est là tout le paradoxe.

Je vais aller dans l'exemple du jeu de rôle sur Internet. Chose que j'ai longtemps pratiqué pour m'en éloigner progressivement. C'est la pire des méthodes pour apprendre à bien écrire car c'est un plongeon vers le mauvais. En quoi ? Problème typique d'une transmission par miroir. L'auteur n'écrit pas réellement pour transmettre une réalité sensible, mais pour remonter son ego d'une manière inconsciente, pour réaliser des choses qu'il ne peut pas faire. L'écriture n'est pas un défouloir. Vous pouvez vous en servir comme tel, je ne vous le reprocherai jamais. Mais à défaut, pour développer votre plume il faut comprendre outre les principes énoncés, une chose fondamentale. L'artiste n'écrit jamais pour lui. Il transmet. Jouer un personnage c'est transmettre "au travers de". Vous ne voyez pas la subtilité ? Réfléchissez. A moins d'adorer parler à vous même, je ne vois aucun intérêt dans une plume qui pleure, même la mienne. Le narcissisme. Le propre de l'artiste est donc aussi de savoir quand il fait de la merde et quand il travaille sur de l'art.

Mais c'est l'heure de la récréation.

Hop hop hop.



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MessageSujet: Re: [Article] De l'écriture à l'art   [Article] De l'écriture à l'art Icon_minitimeMar 3 Fév - 13:38

De l'art d'écrire une critique : Chapitre III


Etre bon pour critiquer ?
Critiquer pour être bon ?


Francisque Sarcey en est le contre exemple parfait. Sans doute inconnu pour la majorité d'entre nous, il s'agissait d'un critique d'art dramatique, qui n'a jamais été reconnu pour ses travaux d'ordre littéraire. Il s'est souvent battu bec et ongles contre Emile Zola et Victor Hugo. Il avait dans l'idée que le succès d'une oeuvre était la règle de la critique, aimait à étudier les raisons de l'engoûment pour une pièce : les liens cachés qui pouvaient unir une oeuvre à "son" public (vision très populaire, voire populiste). A l'inverse, François-René Chateaubriand fût un excellent critique ce qui lui valut d'être poussé vers la porte du Ministère des affaires étrangères en 1824 pour l'avoir trop ouverte. Ce qui ne l'empêcha pas d'être un écrivain reconnu. Il est évident que la réponse à ces questions, dépend en réalité du talent de chaque individu, à perçer dans le milieux, en acquérant la reconnaissance d'autrui (que ce soit le peuple, l'élite de la profession ou les artistes).

Résumer la critique, sur Ter Aelis ou ailleurs, au simple fait de donner un avis analytique qui fera progresser l'auteur est une preuve flagrante de la méconnaissance structurelle de tous les principes de cet art. Croire que la sémiotique, la narratologie ou le structuralisme sont là "pour aider l'auteur", c'est, de mon point de vue, une vieille superstition littéraire, une éponge imbibée dans les carcans scolaires. Et ces croyances se pressent dans les chiottes.

La critique.

Qui la pratique déjà ?

D'une part, le commun des mortels, le quidam, l'individu qui donne un avis, qui commente. C'est en général spontanné, ça se transforme souvent en bavardage, parfois ponctué d'une teinte de snobisme, de goût du jour. Et l'on a nette tendance à dénigrer ce genre de méthode alors qu'elle présente un avantage indéniable : entretenir un dialogue vivant avec l'oeuvre. A force de la stigmatiser, auteurs et leurs congénères qui refusent l'avis de l'ergumène lambda oublient bien souvent qu'ils ont besoin, de lecteurs... C'est le moteur même de la Vie de n'importe quelle oeuvre artistique.

D'autre part, les artistes eux mêmes. Diderot fût l'un des premiers d'ailleurs a se lancer dans le genre et il en découvrit une expression artistique aboutie. Pourquoi ? L'écrivain ou le pratiquant (neophyte ou non) qui critique, cherche souvent une alimentation à sa propre verve créatrice. Elle peut paraître plus juste, plus tranchée, violente, et souvent emprunte d'une criarde vérité quand on se donne la peine d'en saisir tous les éléments. Elle peut décortiquer autant que provoquer, mais elle alimente les idées. A la manière d'un Démiruge, dans son double sens, la critique devient alors un "outil" pour le collectif même si la singularité de l'auteur se dévoile.

Pour terminer, les professionnels, ceux qui pratiquent la critique littéraire comme un genre à part entière. Malheureusement souvent, ils sont déconsidérés. L'élitisme ne fait pas bon ménage avec la basse populace; il fait peur. Il vit rarement en harmonie avec l'artiste lui même qui le déprécie par son manque de créativité artistique, par le fait qu'il n'est pas réussi à accéder au statut d'artistes. Les techniciens sont malaimés. Mais force est de constater qu'il est souvent analytique et qu'une analyse aussi nulle soit-elle peut devenir intéressante si l'on prend la peine d'en saisir, tenants et aboutissants.

Sur Ter Aelis nous trouvons évidemment ces trois types de pratiquants. Présumer l'inverse, serait un postulat inique et surtout, par trop axiomatique et invérifiable, à moins bien sûr de claboder à tord et à travers sur les utilisateurs. Bien qu'on puisse mettre en exergue des "groupements", on en déduit naturellement que chaque individu a sa propre façon de critiquer. On peut alors révéler des avantages comme des défauts à chacune des manières d'aborder une oeuvre, comme j'en donne quelques exemples.

Mais continuons.

Les définitions ? Il existe bien des écoles aux visions différentes de l'approche de l'art de la critique - toutes aussi intéressantes les unes que les autres. Comme je l'expliquais en introduction, résumer ça à une opposition dyptique fondée sur un seul type de pratiquant, n'a pas de sens. Une personne qui envoie un texte peut s'attendre et doit s'attendre à recevoir tous les types possibles de critique, à moins de le demander expressément. Nous ne sommes pas là pour nous branler la nouille entre nous. En résumé les critiques serviraient par leur forme, leur mansuétude, leur consensualité ,l'auteur, tout en lui donnant des coups de pouce. L'autre ne serait tout bêtement pas la bonne méthode puisqu'elle serait uniquement mesquine de par sa structure et pire encore totalement égocentrique. Outch si je puis me permettre. Certes nous parlons de Ter Aelis. Et alors ? Il existe différentes attentes de la part de chacun. Je ne nie pas le processus pédagogique ou sensible de la critique, mais en terme d'évolution, présenter un seul aspect des objectifs et des définitions reste très réducteur.

Venons-en au coeur du sujet même.

Quelles sont les différentes classifications de la critique, avant même de la définir, que trouve-t-on ?

L'école anglo-saxonne au travers du "New Criticism" se borne à la lecture microscopique par exemple et rejette l'oeuvre expliquée par des causes externes. Elle met en valeur l'illusion intentionnelle de l'aspect créatif. Le formalisme russe se fonde sur la sémiologie de Ferdinand de Saussure en considérant la critique comme un art procédural et formel, tout en niant la dimension représentative "et" explicative.

La dimension critique est donc, dans la réalité, plus large que le simple "avis" ou "commentaire", raison pour laquelle je parle évidemment d'éponges et de chiottes. N'abordez que la critique descriptive (dans un mélange avec l'interprétative) qu'à partir du contexte simple qu'est le texte et de l'auteur, comme si "tout le monde" attendait un avis consensuel et analytique pour progresser, est une erreur d'ordre pédagogique qu'on apprend souvent dans des cursus de Lettres Modernes menant vers une préparation au CAPES (et à l'IUFM dans une moindre mesure). Interprétative ? Descriptive ? C'est quoi ? J'y arrive. Si l'on considère uniquement l'angle de progression (qui serait l'intérêt d'affichage de textes de Ter Aelis) peut-on se borner à un seul type de critique. Que faites-vous des éléments suivants par exemple ?

La critique expliquative, fonction du contexte de production ? Charles Auguste Sainte Beuve qui lui explique une oeuvre à partir de la Vie de son auteur. Hyppolite Taine qui prend en considération la race, le milieu et la temporalité, la sociologie au service du décodage de la langue ? Se faire juger en fonction de ce genre de critères peut être foncièrement génant, dur à entendre et violent - mais rien ne peut faire affirmer que ce n'est pas "utile". Les études sur le genre de la critique littéraire font souvent état du contraire. C'est donc une vision très romantique (pour reprendre ce qu'adore dire Goldmund) que de croire en des rumeurs inverifiés qui stipuleraient que pédagogie rime uniquement avec formulation de son propos.

Petite digression.

C'est ce qui fait d'ailleurs que le contexte éducatif français est en nette régression non au niveau de la créativité (sur laquelle on met le paquet) mais au niveau réel des connaissances acquises - c'est à dire de la base. A force de suivre ce consensus pédagogique, du type "il est interdit d'être méchant avec les gens ça ne les fait pas grandir", on aboutit malheureusement très souvent à des décrochages systématiques et symptômatiques d'un oubli ultra-important dans les processus d'apprentissage. Question de société... Et alors ? Une comparaison comme d'avec celle d'M6 par exemple reprend exactement ces principes et contrairement à ce qu'on peut croire de prime abord a une influence notable sur la progression. Je vous conseille d'ailleurs particulièrement les 3 tomes de "Portraits littéraires" de Sainte Beuve, en ce qui concerne ce type de critique. Vous verrez que la violence de certains propos a souvent des effets plus pédagogiques que les croyances analytiques parfois néfastes. C'est un aspect culturel moraliste et sociologique que de ne voir que la théorie de la réussite et de l'encouragement. L'échec et le raté sont une source de progression trop négligée par l'ensemble de la communauté éducative. Et ça, mes amis, ça s'apprend. Parler de souffrance quand on est simplement dans l'échec c'est se triturer le cerveau pour tenter de donner un sens à sa vie... C'est très trise. Dire à quelqu'un que ce qu'il fait est merdique en mettant l'accent sur un point précis, peut être tout aussi intéressant que de pondre une analyse structurée. Ceux qui prétendent le contraire, n'ont, à mon sens, jamais fait de pédagogie, et ne raisonnent que sur de la théorie (et encore uniquement celle qu'on leur a présenté en coup de vent).

Fin de la parenthèse.

La critique interprétative, l'esthétisme et le goût. Celle qu'adore Emmanuel Kant dans sa "Métaphysique des moeurs" se rapproche de l'attention qu'il faut porter à la forme qu'on emploie. Celle qui a l'air de vous poser tant de problèmes. Avec sa définition d'une oeuvre comme manifestation d'une conscience, on cherche alors en critiquant à déterminer la fibre "créatrice", l'intention qui provient des méandres de l'idée. Formée des trois éléments que sont la sensation, l'intelligence et la mémoire, elle est une orientation d'étude entre l'auteur et son texte, très romantique dans l'âme. On distingue d'ailleurs une composante très admirative issu du XIXème dans cette méthode d'étude d'un texte. Dans la même lignée, les existentialistes ont voulu absolument préserver l'unicité d'un individu et se sont orientés vers ce type d'examen. On oscille entre les thématiques abordées et les consciences, on vrille de l'ensemble vers l'unique, du général vers le détail. C'est assez paradoxal. C'est une méthode très occidentale dans sa façon de procéder, éprouvé depuis pas mal de temps. C'est aussi celle qu'on emploie souvent.

La dernière méthode serait la critique dite analytique, celle que j'ai expliqué au début, Saussure, New Critiscm en sont les exemples les plus usités. Dans ce cas précis, l'auteur n'est plus une autorité toute puissante nécessaire à l'étude du texte. Tout se déroule selon des procédés formels, établis et contruits à partir de techniques éprouvées. On pourrait longuement décrire chacun des divers procédés, mais ce n'est pas le sujet.

Trois méthodes.

On pourrait en greffer une ou deux supplémentaires. Mais l'essentiel est présenté ci-dessus. A partir de là, on peut rechercher une définition de la critique.



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MessageSujet: Re: [Article] De l'écriture à l'art   [Article] De l'écriture à l'art Icon_minitimeMar 3 Fév - 13:43

Comme pour les types de pratiquants, partir sur l'hypothèse d'un seul type de critique "intéressant" sur un site communautaire est encore réducteur. Je me fiche éperdumment que cela dérange, que 67% des gens attendent plus des avis "gentils" mais toujours "justes". L'important est de comprendre que critiquer est aussi écrire un certain genre littéraire, que critiquer est une façon de parler d'une oeuvre, que critiquer n'est pas là que pour servir les intérêts d'une personne.

L'important.

Vouloir sans cesse coller une connotation évolutive ou moraliste à la critique est un système de pensées qui ne tient pas compte de toutes les données historiques, analytiques et même pédagogiques des travaux existant dans le domaine. Il n'est pas possible d'affirmer que dire du bien d'une chose est l'unique solution sur un site communautaire pour la mettre en valeur. C'est faux, archi-faux, et démontré par tout ce qui touche à l'étude sociologique des systèmes didactiques (éducatifs pour être simpliste, ce sera d'ailleurs sans doute l'un des thèmes abordés par la suite). Tous les pratiquants sont différents et à partir de là, ils pratiquent à leur manière.

Jusqu'à preuve du contraire, je n'interdis à personne de parler d'une oeuvre sous certains angles, qu'on ne m'interdise pas d'en parler sous d'autres angles. Les dictats ne sont pas mon credo. Je n'oblitère pas 80% d'une définition, par démagogie, pour satisfaire un besoin argumentaire.

Passons.

Je rejoins souvent les opinions de Marcel Proust en la matière, avec sa célèbre citation qui amène réflexions sur ce qu'est l'oeuvre artistique : "L'artiste n'est plus un Homme" (que je coupe de sa fin comme un sagouin). De mon point de vue, à force d'analyses dans nombre de domaine, j'en ai appris à être "technique", en suivant des logiques mathématiques même quand je travaillais dans le domaine de la linguistique. Tiens d'ailleurs, Roland Barthes lui prenait souvent des éléments de linguistique pour appuyer ses raisonnements. Et moi j'aime bien Roland Barthes. Mais qui serait assez crédule pour croire que ce gentil monsieur pensait avant tout à la progession de l'auteur qu'il critiquait... C'est... Spéculer et non plus raisonner. Dans le domaine analytique, on ne spécule pas. Je vois donc la critique en tant que tel comme un amalgamme potentiel de ces trois types de critique énoncés, adaptable en fonction de tous les critères possibles et imaginables : goût du jour, sociologie de l'auteur, objectif qu'on se donne, envies, esthétique, réflexion globalisante sur l'oeuvre, réflexion personnelle.

Je résumerais donc simplement le processus de critique au travers de quatre petits verbes d'action, définir, classer, analyser et mettre en relation : le reste c'est du pipi de chat. On pourrait même parler en allant un peu plus loin, d'art de la déconstruction pour comprendre l'essence créative. Si vous commencez uniquement à penser au bien être de l'auteur, vous induisez des comportements très précis dans votre analyse. Comportements qui en réalité seront tournés vers un seul objectif oblitérant tous les autres. La structure n'aura alors plus aucun des objectifs objectifs visant à faire parler de l'oeuvre. On appelle souvent ce genre de choses : du bavardage. Non que ce soit péjoratif, il est toujours amusant de bavarder, mais ça n'a qu'un rapport succint avec l'art de la critique. Vous allez donc, en réalité, dans un mur explicatif qui ne sert ni l'auteur, ni l'oeuvre, ni la réflexion nécessaire à la compréhension, ni le processus créatif.

L'aspect pédagogique reste donc une composante à ne pas négliger en fonction évidemment des objectifs que l'on souhaite atteindre, mais elle n'est pas primordiale même dans notre communauté Aelissienne. Je tiens par ailleurs à bien mettre l'accent sur l'erreur du terme "communauté". L'éclectisme et les attentes différentes de tous les auteurs font qu'on ne peut communautarisé tout le monde dans un processus généralisant. S'amuser à devoir sans cesse s'adapter à un auteur pour son simple bonheur ou son éducation, chose que je fais assez souvent, n'est pas "que" du domaine de la critique (c'est d'ailleurs même juste un bout de ce qu'on appelle genre critique, voir au dessu)s. C'est aussi d'ailleurs à l'auteur de faire l'effort de comprendre ce qui est dit. Notez donc, chers élèves, qu'il est nécessaire dans une passion artistique de se remettre en question quel que soit le degré et la virulence des propos d'autrui. Il faut bien comprendre que chacune des composantes de l'art de la critique peut se trouver dans une phrase aussi mince que "ton oeuvre est bordélique" et il n'est pas nécessaire d'employer tout le processus d'un Saussure pour en comprendre l'utilité. Chacun devrait être apte à le faire lui même en apprenant les méthodes.

Sur Ter Aelis, un Goldmund quand il écrit n'attend sans doute pas du tout, les mêmes commentaires qu'un Kinder, ou qu'un Sanz; qui lui même n'attend pas les mêmes choses qu'une Lilith qui débute. Faire fi des autres méthodes sous couvert démagogique de pédagogie est impropre. Notamment quand on ne connaît ni les processus d'évolution pédagogique, ni tous les tenants et aboutissants du mot critique.

C'est donc, très critiquable en soi.

La critique c'est l'art du jugement, de la déconstruction pour "comprendre" le processus créatif.

La pédagogie c'est l'éducation de l'esprit critique.

Nuance à saisir, mais je m'arrête là pour le moment.
Nous parlerons sans doute de pédagogie ensuite, et d'esprit critique.
Ce qui en soit est radicalement différent.
Il faut donc être apte à éviter l'amalgamme entre la didactique et l'art de la critique.
De la déconstruciton positive pour être au goût du jour ?

Récréation !
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MessageSujet: Re: [Article] De l'écriture à l'art   [Article] De l'écriture à l'art Icon_minitimeMar 3 Fév - 17:21

De la déconstruction Saussurienne, l'Analyse : Chapitre IV

1.


Mais continuons dans cette histoire de critique. En réalité le débat se cristallise depuis des années et nous ne faisons que le répéter à l'infini. Je trouve, et pour une fois c'est une opinion toute personnelle, qu'il est inutile de refaire la roue dans des domaines où elle a déjà été conçue par des excellences qui ont débroussaillé le domaine pendant plus d'un siècle. Pour en revenir à Roland Barthes, il est très important dans l'un des modes de critique que j'ai énoncé. Celui de Saussure. Avant d'entrer dans des définitions plus complexes, il faut comprendre qu'en réalité, Roland Barthes c'est farouchement opposé aux idées de Sainte Beuve, qui rendait l'auteur tout puissant. Pour lui, "L'auteur est mort". C'est à dire qu'offrir une oeuvre au public se paie par un assassinat collectif. Vous me voyez souvent affirmer que certains n'ont pas la passion de l'écriture (voir chapitre 1 et 2). C'est avant tout pour cette raison. Cette fibre artistique c'est de savoir que livrer ce que l'on écrit c'est mourir un peu. C'est très paradoxal dans notre société sur-matérialiste. J'espère qu'en grandissant vous ressentirez cette petite mort jouissive. Tout ce que j'écris appartient aux autres. C'est ce processus de création d'une oeuvre qui reste primordial dans le développement des écrits. Toute critique donc, quel qu'elle soit, est d'une relative importance dans le processus d'évolution (par l'échec ou la réussite) de la plume (et non de l'auteur).

Tout ceci pour introduire une notion qu'on appelle le structuralisme.

Autour de ce mot se cache en réalité une méthode de travail (contesté pour son penchant parfois dogmatique) qui est utilisé dans tous les domaines. Ferdinand de Saussure en a posé les fondations au début du XXème siècle. Bien que certains vous colleront Levi-Strauss dans la tête... Ce qui en soit n'est pas vraiment faux, mais je ne fais pas d'études historiques ou de polémiques c'est pas mon genre...

Qu'est ce qu'une structure ? En linguistique, une structure est une entité peuplé de dépendances (une entité non atomique donc). What's this ??? Chaque élément, dans cette méthode, n'existe concrètement ou abstraitement que par sa/ses relations (associatives ou oppositives) à d'autres éléments. Ferdinand de Saussure appelle ça le relatif et l'oppositif. La signification, le sens sont donc des concepts très mathématiques, sortes de différentielle entre les éléments de la phrase. A partir de cette définition, on peut expliquer le structuralisme comme une étude d'un élément à partir de la place qu'il occupe dans tout un système. Pour "expliquer", on emploie donc un processus logique constitué d'associations, d'équivalences, d'inductions et de dissociations. Il existerait donc en deça de la conscience et de la pensée un "fondement objectif" qui serait une organisation logique de l'inconscient. Rien de bien compliqué en somme. Et pourtant... Cette méthode s'oppose radicalement au formalisme ou à l'humanisme qui sont une tendance "naturelle" chez l'Homme. En quoi ?

Soyons bref, l'humanisme c'est la prédominance du "je" en tant que sujet dans le système linguistique. Toutes les études se font donc à partir du Moi. Il serait l'origine et la cause de tout le langage. A partir du moment où l'on étudie les relations entre les mots pour comprendre leur signification, on rejette progressivement le "Moi" (je), ou même le "collectif" (nous en tant que dimension sociologique impactante). Ce rejet n'est pas violent, il est une conséquence de toute la méthode que je vais expliquer un peu plus en détail. Disons simplement qu'on considère le sujet comme un effet de la langue et non plus comme une orgine du langage. Il n'est qu'une "relation".

Les impacts sont énormes dans des domaines multiples.

- En sémiotique (étude des symboles et des signes en termes sociaux : images, concepts, etc. Pour vous donner un ordre d'idée, la sémantique est une branche de l'étude des "mots" de la sémotique). C'est d'ailleurs le domaine de prédilection de Roland Barthes, comme je vous l'ai cité précédemment. Je présenterais dans un chapitre ultérieur ce qui se cache réellement derrière ce terme un peu barbare, une chose après l'autre.

- En psychanalyse, Jacques Lacan, qui en s'éloignant progressivement des idées d'Hegel (joker pour vous l'expliquer j'ai pas des heures devant moi) pour rejoindre le structuralisme notamment en pensant que "L'inconscient est structuré comme un langage", a fait évoluer la pensée freudienne vers ce que la psycho est aujourd'hui. Les découvertes dans le domaine ont été d'ailleurs, depuis 1954 et la création de l'école française de psychanalyse, fantastiques grâce à cette méthode.

- En épistémologie (en gros l'étude de l'histoire des sciences), surtout avec Michel Foucault dans sa philosophie ontologique. Il met en valeur l'aspect relationnel (non au sens sociologique du terme) entre les différentes structures d'étude de l'Histoire. Il introduit une rigueur et des logiques scientifiques dans son propre domaine en suivant la méthode structuraliste.

...

Bref, revenons-en à l'aspect linguistique, branche la plus développée de la sémiotique. Comment fonctionne le structuralisme Saussurien en la matière et à quoi, vous, écrivain en herbe, va-t-il vous servir ? A comprendre comment fonctionne une langue, et tous les éléments qui peuvent vous sembler minimes mais qui constituent l'essence même de la logique des langages. C'est bien beau de savoir écrire, mais comment fonctionne le processus de compréhension ? Quels sont les liens entre la pensée et le langage ? Pourquoi mettez vous un mot, plutôt qu'un autre, et pourquoi à cet endroit et pas à l'autre ?

Le structuralisme est bien plus qu'une méthode, c'est une véritable dialectique. Restez quand même critique à l'égard de ce qu'on appelle la dialectique car elle met en place des paradigmes et non des axiomes. Elle est donc la résultante d'une façon de voir le monde et non une observation scientifique. La nuance est de taille, et Nietzsche, principalement, s'oppose à toute forme de dialectique. Pour les plus férus de ce malade mental, c'est assez évident : sa notion de surhomme. Mais on s'en fout un chouilla. C'était principalement pour vous montrer que malgré les grands noms qu'on trouve dans le structuralisme, tout le monde n'a pas le même mode de penser, bien grand nous en fasse d'ailleurs. Si je vous présente cette dialectique c'est surtout car elle va, je l'espère, vous permettre de vous rendre compte de l'impact gigantissime du positionnement des mots dans la compréhension sonore d'un texte oral ou écrit (raison pour laquelle je conseille souvent de lire à voix haute).

Tout ceci est donc très rationnel, malgré la verve romantique que certains instillent chez les autres. Ah certes du Baudelaire, c'est "beau". Mais quand on décortique sémiologiquement parlant, vous verrez, dans un exemple concret, que c'est au final un ensemble de relations "simples" qui donnent cet aspect à son oeuvre. Disons que les génies sont souvent des gens qui ont une compréhension symbolique et signistique plus développée.

Rentrons dans le vif du sujet et présentons les éléments de la méthode. Corollaire à la méthode, il est à noter que les processus sociaux sont issus de structures inconscientes. C'est une sorte de lemme à toute la méthode. Mais mes définitions ne vaudront jamais celles de Levi-Strauss :

" Si l’activité inconsciente de l’esprit consiste à imposer des formes à un contenu, et si ces formes sont fondamentalement les mêmes pour tous les esprits, anciens et modernes, primitifs et civilisés, comme l’étude de la fonction symbolique, il faut et il suffit d’atteindre la structure inconsciente, sous jacente à chaque institution et à chaque coutume, pour obtenir un principe d’interprétation valide pour d’autres institutions et d’autres coutumes "

Cette définition ne s'applique donc pas qu'au domaine de la linguistique mais elle fait prévaloir un principe d'équivalence entre le langage et toutes les relations ou sciences issus de l'étude de principes humains. Cette méthode peut donc s'appliquer à beaucoup de domaine du moment qu'on arrive à mettre en valeur et démontrer les liens entre le langage et le "système" à étudier. En gros, c'est un raisonnement très usité en mathématiques, sauf que le structuralisme définit véritablement les façons de raisonner et non pas uniquement les règles.


Dernière édition par Tr0n le Mer 4 Fév - 16:06, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: [Article] De l'écriture à l'art   [Article] De l'écriture à l'art Icon_minitimeMer 4 Fév - 16:01

2.


Tout d'abord, l'unité linguistique, qui est l'élément le plus important : il constitue la plus petite structure du discours. C'est potentiellement assez vague. Il peut s'agir d'un ensemble de sons, la délimitation étant au gré des concepts développés. L'unité est donc en réalité duale : concept / sons. Pourquoi ? Si l'on aborde uniquement le côté sonore voici l'un des problèmes sur lequel on peut tomber à l'oral (exemple type).

Je la prends. (1)
Je l'apprends. (2)


Ces deux unités linguistiques ont une phonétique identique. C'est le contexte et les relations qui vont permettre d'en comprendre le sens : le découpage de l'unité linguistique en fonction du concept est donc pri-mor-dial.

Je la prends sauvagement. (1)
Je l'apprends de mon plein gré. (2)
Je l'apprends ce vieux cours pourris. (3)


On constate quand même que malgré de nouvelles relations entre les mots dans les cas (1) et (2) le sens reste flou. On voit donc que même malgré les relations, il faut parfois un contexte pour comprendre le sens d'une chaîne sonore. Par extension, ces relations qui sont établis dans la langue, et qui vont permettre d'appréhender le sens sont de deux types :

- les unes perceptibles, celles qu'on appelle "syntagmatique". Les associations se font grâce aux sons qui précèdent ou qui suivent. Par exemple "avec [relation] Michel" (On lit d'abord le "avec" qui représente la relation et ensuite on lit "Michel". La compréhension se fait donc par rapport à ce qui suit - en français de gauche à droite à l'écrit) ou "re-jeter" (relation cette fois qui précède : dans ce cas pour comprendre on fait le cheminement inverse, le sens est situé "avant" jeter). On en revient à ce qu'on appelle en structuralisme : relatif / oppositif. Gauche droite, droite gauche, le sens du sens.

- les autres sous jacents qu'on appelle "associatif". Ils sont plus difficiles à concevoir. Il s'agit des liens qui unissent les mots en fonction de type de relations. Par exemple "maçon" est relié à "maçonnerie" par parenté. Il existe des relations de type analogiques (comme pour "pédagogie" et "enseignement"), etc. Tout ce qui est considéré comme des "associations".

On voit bien que ce double ensemble permet de coordonner le langage et de le structurer. Chaque relation marquant du "sens". Quand je parlais de Molière dans le premier chapitre, ne trouvez-vous pas soudainement que la position dans la phrase d'un mot peut en modifier, parfois d'une manière subtile, le sens, l'émotion ? Tous ces liens deviennent une chaîne que constitue la phrase et la compréhension se fait par l'interprétation de cette chaîne phonétique.

Je vais reprendre un exemple issu de Levi-Strauss pour "schématiser" la chose. Le rôle des femmes dans la société (Hurlez mesdemoiselle, je m'en tape le coquillard). Ce qu'on appelle le lien de parenté (une relation) s'apparente à un langage dans une conception structuraliste (on met en place une relation d'équivalence entre le language et la sociologie). Pourquoi ? Vous avez ce qu'on appelle un fait biologique : la reproduction. Un ensemble de règles "sociales" assure la pérénité de l'espèce par un système sociologique qu'on appelle le mariage, et ce pour éviter toutes les relations d'ordre consanguines. Le lien de parenté est donc un "langage". Seconde question. Seconde réponse. Et oui cher écrivain en herbe, il s'agit d'un phénomène de communication virtuelle entre des individus (l'unité) fondé sur des mariages pour assurer la mixité de l'espèce (relation). Il en est de même pour le langage, il faut bien saisir que les relations mises en place n'évoluent pas, elles sont non pas "formalisés" mais méthodiques et relatives. Vous pouvez certes changer les règles sociologiques du mariage, vous aboutirez toujours à un système qui favorise la mixité - en linguistique, la fluidité, le sens, et le rapport signifiant/signifié. (vous l'avez sans doute remarqué je l'espère - à faire une distinction non négligeable entre Boileau et M-Pokora même si les mots ont changé en 500 ans, vous êtes toujours à même de saisir par les relations entre les mots, le sens et l'évolution de votre langue). Allons plus loin même : "Echanger des signes ou échanger des femmes, phénomènes comparables". Belle conclusion n'est-ce pas ? Il n'y a rien de machiste là dedans hein. Je finis quand même avec cet exemple qui est très révélateur de la méthode. C'était juste pour vous montrer que vous pouvez étendre le structuralisme a beaucoup de systèmes.

Pour terminer cette première partie, je tenais quand même à vous faire réfléchir. Avant de rentrer dans le détail du positionnement, des signes, du langage, je voudrais vous faire remarquer que souvent vous vous interrogez sur comment l'être humain peut penser les mots. L'envers... Demandez vous plutôt comment les mots se pensent à vous, à votre propre insu. Si vous avez déjà cette perception vous aurez déjà réalisé une partie du travail qui consiste à faire évoluer votre propre style. N'oubliez jamais une chose, ce que vous avez appris au lycée, ou au début de vos études n'est que de la poudre aux yeux exprimant bien souvent des méthodes vieilles de plus de 2 siècles.

Rarement les raisonnements contemporains sont étudiés. C'est ce qui fait que le système éducatif actuel ne permet pas de dépasser un certain stade de connaissances et de compréhension. On rigole quand on voit encore des vieux qui ne croient pas aux voyages dans l'espace. On se marre quand on voit que certains croient encore que l'homme descend d'Adam et Eve. On s'amuse quand on voit l'inculture en hurlant des morts aux cons... Je suis triste, déprimé de voir cette façon d'évoluer de l'être humain. Je ne me sens nullement supérieur à quiconque, pas même différent, je m'intéresse juste, à tout, et dans le détail de préférence. Je ne sais pas mais la compréhension des mécanismes cognitifs, est quelque chose de fascinant. De même que le questionnement philosophique. Le cerveau humain me semble tellement borner à une certaine logique, à certaines perceptions... Quand vous écrivez ou que vous nous montrez vos oeuvres, ayez la descence de, même sur un brouillon vous demandez, "pourquoi". Posez vous des questions. Le structuralisme, et toutes les autres dialectiques sont des "assistants" pour trouver ses propres réponses. Sur Ter Aelis, malheureusement je vois souvent des interprétations, mais rarement des questions et des tentatives de réponses.

Est-ce de la flémardise ?

Quand je me pose une question, la première étape c'est de trouver la réponse. Et je préfère chercher moi même que de demander aux autres qui étofferont par la suite mon avis et mes idées par de nouveaux horizons. En écriture c'est la même chose. Si je vous présente ici le structuralisme c'est pour vous offrir de nouvelles méthodes pour aborder vos textes, pour aborder vos réflexions. Mais si vous ne vous posez pas de questions au préalable, sachez que je ne pourrais jamais rien pour vous et que vous resterez médiocre longtemps. Non je n'écris pas bien, je n'ai pas suffisamment de temps à consacrer dans l'élaboration d'un texte, alors je me borne à la simplicité. Mais j'effectue quand même un travail minimum de questionnement. La suite vous donnera sans doute de nouvelles perspectives d'analyse.

Mais par pitié là oui, vous au fond sur le radiateur, interrogez vous sur le sens de vos mots...
La suite après la pause déjeûner.
Nous prendrons un exemple pour le décortiquer et nous parlerons de la NSM :
Natural Semantic Metalanguage

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