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| Anthologie Poétique. | |
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Auteur | Message |
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Chikoun Coordonnateur Littéraire
Nombre de messages : 4681 Age : 33 Localisation : Dansant sur un fil, une framboise à la bouche. Date d'inscription : 03/01/2008
| Sujet: Anthologie Poétique. Ven 31 Oct - 3:31 | |
| Une Charogne. Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme, Ce beau matin d'été si doux : Au détour d'un sentier une charogne infâme Sur un lit semé de cailloux, Les jambes en l'air, comme une femme lubrique, Brûlante et suant les poisons, Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique Son ventre plein d'exhalaisons. Le soleil rayonnait sur cette pourriture, Comme afin de la cuire à point, Et de rendre au centuple à la grande nature Tout ce qu'ensemble elle avait joint ; Et le ciel regardait la carcasse superbe Comme une fleur s'épanouir. La puanteur était si forte, que sur l'herbe Vous crûtes vous évanouir. Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride, D'où sortaient de noirs bataillons De larves, qui coulaient comme un épais liquide Le long de ces vivants haillons. Tout cela descendait, montait comme une vague, Ou s'élançait en pétillant ; On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague, Vivait en se multipliant. Et ce monde rendait une étrange musique, Comme l'eau courante et le vent, Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique Agite et tourne dans son van. Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve, Une ébauche lente à venir, Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève Seulement par le souvenir. Derrière les rochers une chienne inquiète Nous regardait d'un oeil fâché, Épiant le moment de reprendre au squelette Le morceau qu'elle avait lâché. Et pourtant vous serez semblable à cette ordure, A cette horrible infection, Étoile de mes yeux, soleil de ma nature, Vous, mon ange et ma passion ! Oui ! telle vous serez, ô reine des grâces, Après les derniers sacrements, Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses. Moisir parmi les ossements. Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine Qui vous mangera de baisers, Que j'ai gardé la forme et l'essence divine De mes amours décomposés ! Charles Baudelaire - Citation :
- Ca manquait sur TA
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| | | Cassiopée Héliaste
Nombre de messages : 9868 Age : 66 Localisation : Les pieds sous l'eau, la tête au delà des étoiles. Date d'inscription : 05/01/2008
Personnages RP Pseudo: Cassiopée Pseudo : Maelun Pseudo : Lucia
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Mer 5 Nov - 3:31 | |
| Mon rêve familier (Dit par Daniel Mesguich http://www.deezer.com/track/621012)
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime, Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon cœur transparent Pour elle seule, hélas! cesse d'être un problème Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême, Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse? Je l'ignore. Son nom? Je me souviens qu'il est doux et sonore, Comme ceux des aimés que la vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues, Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
Paul Verlaine (Poèmes saturniens)
Dernière édition par Cassiopée le Ven 7 Nov - 22:10, édité 1 fois | |
| | | Franz
Nombre de messages : 3379 Age : 33 Localisation : Les Biscuits Roses Date d'inscription : 03/07/2008
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Mer 5 Nov - 11:57 | |
| Pour suivre Cassi, je suis avec l'amant de Verlaine.
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Le bateau ivre.
Comme je descendais des Fleuves impassibles, Je ne me sentis plus tiré par les haleurs : Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
J'étais insoucieux de tous les équipages, Porteur de blés flamands et de cotons anglais. Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.
Dans les clapotements furieux des marées, Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants, Je courus ! Et les Péninsules démarrées N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.
La tempête a béni mes éveils maritimes. Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes, Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !
Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres, L'eau verte pénétra ma coque de sapin Et des taches de vins bleus et des vomissures Me lava, dispersant gouvernail et grappin.
Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème De la Mer, infusé d'astres, et lactescent, Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;
Où, teignant tout à coup les bleuités, délires Et rythmes lents sous les rutilements du jour, Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres, Fermentent les rousseurs amères de l'amour !
Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes Et les ressacs et les courants : Je sais le soir, L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes, Et j'ai vu quelques fois ce que l'homme a cru voir !
J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques, Illuminant de longs figements violets, Pareils à des acteurs de drames très-antiques Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !
J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies, Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs, La circulation des sèves inouïes Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !
J'ai suivi, des mois pleins, pareilles aux vacheries Hystériques, la houle à l'assaut des récifs, Sans songer que les pieds lumineux des Maries Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !
J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides Mêlant aux fleurs des yeux des panthères à peaux D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !
J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan ! Des écroulement d'eau au milieu des bonacees, Et les lointains vers les gouffres cataractant !
Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises ! Échouages hideux au fond des golfes bruns Où les serpents géants dévorés de punaises Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !
J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants. - Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades Et d'ineffables vents m'ont ailé par instant.
Parfois, martyr lassé des pôles et des zones, La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux Montait vers moi ses fleurs d'ombres aux ventouses jaunes Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...
Presque île, balottant sur mes bords les querelles Et les fientes d'oiseaux clabotteurs aux yeux blonds. Et je voguais lorsqu'à travers mes liens frêles Des noyés descendaient dormir à reculons !
Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses, Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau, Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses N'auraient pas repéché la carcasse ivre d'eau ;
Libre, fumant, monté de brumes violettes, Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur Qui porte, confiture exquise aux bons poètes, Des lichens de soleil et des morves d'azur ;
Qui courais, taché de lunules électriques, Planche folle, escorté des hippocampes noirs, Quand les juillets faisaient couler à coups de trique Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;
Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais, Fileur éternel des immobilités bleues, Je regrette l'Europe aux anciens parapets !
J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur : - Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles, Million d'oiseaux d'or, ô future vigueur ? -
Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes. Toute lune est atroce et tout soleil amer : L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes. Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !
Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache Noire et froide où vers le crépuscule embaumé Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche Un bateau frêle comme un papillon de mai.
Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames, Enlever leurs sillages aux porteurs de cotons, Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes, Ni nager sous les yeux horribles des pontons.
Arthur Rimbaud. | |
| | | Tr0n
Nombre de messages : 3306 Age : 44 Date d'inscription : 13/03/2008
Personnages RP Pseudo: Sucedebout Pseudo : Grocube Pseudo : Tron
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Mer 5 Nov - 12:32 | |
| Ondine
- « Écoute! - Écoute! - C'est moi, c'est Ondine qui frôle de ces gouttes d'eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.
« Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle du feu, de la terre et de l'air.
« Écoute! - Écoute! - Mon père bat l'eau coassante d'une branche d'aulne verte, et mes soeurs caressent de leurs bras d'écume les fraîches îles d'herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne. »
Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt, pour être l'époux d'une Ondine, et de visiter avec elle son palais, pour être le roi des lacs.
Et comme je lui répondais que j'aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s'évanouit en giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes vitraux bleus.
Aloysius Bertrand "La nuit et ses prestiges" Troisième livre des fantaisies De Gaspard de la nuit
Un des poètes qui atteint la perfection au niveau des sonorités et de la musique. Fascinant. C'est aussi le texte "libre" sur lequel j'ai été interrogé lors de mon baccalauréat de Français. Etrange puisque c'était d'une part mon préféré, d'autres parts complètement hors programme. Après plus de 90 minutes à l'oral, je me souviens juste d'avoir ressenti de l'Amour pour le regard aux vitraux bleus de mon examinatrice...
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| | | Chikoun Coordonnateur Littéraire
Nombre de messages : 4681 Age : 33 Localisation : Dansant sur un fil, une framboise à la bouche. Date d'inscription : 03/01/2008
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Mer 5 Nov - 13:08 | |
| En effet, Tr0n. Aloysius Bertrand... Est ce qu'un poète a fait aussi bien que lui après ? En tous cas, c'est un des seuls poètes "libres" que j'apprécie. Très beau choix. En plus, il est bourguignon | |
| | | Cassiopée Héliaste
Nombre de messages : 9868 Age : 66 Localisation : Les pieds sous l'eau, la tête au delà des étoiles. Date d'inscription : 05/01/2008
Personnages RP Pseudo: Cassiopée Pseudo : Maelun Pseudo : Lucia
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Jeu 6 Nov - 0:33 | |
| L'azur Extrait Des Oeuvres Poétiques
Par Stéphane Mallarmé
De l'éternel Azur la sereine ironie Accable, belle indolemment comme les fleurs, Le poète impuissant qui maudit son génie A travers un désert stérile de Douleurs.
Fuyant, les yeux fermés, je le sens qui regarde Avec l'intensité d'un remords atterrant, Mon âme vide. Où fuir ? Et quelle nuit hagarde Jeter, lambeaux, jeter sur ce mépris navrant ?
Brouillards, montez ! versez vos cendres monotones Avec de longs haillons de brume dans les cieux Que noiera le marais livide des automnes, Et bâtissez un grand plafond silencieux !
Et toi, sors des étangs léthéens et ramasse En t'en venant la vase et les pâles roseaux, Cher Ennui, pour boucher d'une main jamais lasse Les grands trous bleus que font méchamment les oiseaux.
Encor ! que sans répit les tristes cheminées Fument, et que de suie une errante prison Eteigne dans l'horreur de ses noires traînées Le soleil se mourant jaunâtre à l'horizon !
- Le Ciel est mort. - Vers toi, j'accours ! Donne, ô matière, L'oubli de l'Idéal cruel et du Péché A ce martyr qui vient partager la litière Où le bétail heureux des hommes est couché,
Car j'y veux, puisque enfin ma cervelle, vidée Comme le pot de fard gisant au pied d'un mur, N'a plus l'art d'attifer la sanglotante idée, Lugubrement bâiller vers un trépas obscur...
En vain ! l'Azur triomphe, et je l'entends qui chante Dans les cloches. Mon âme, il se fait voix pour plus Nous faire peur avec sa victoire méchante, Et du métal vivant sort en bleus angelus !
Il roule par la brume, ancien et traverse Ta native agonie ainsi qu'un glaive sûr ; Où fuir dans la révolte inutile et perverse ? Je suis hanté. L'Azur ! l'Azur ! l'Azur ! l'Azur ! | |
| | | Chikoun Coordonnateur Littéraire
Nombre de messages : 4681 Age : 33 Localisation : Dansant sur un fil, une framboise à la bouche. Date d'inscription : 03/01/2008
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Sam 8 Nov - 3:44 | |
| Les roses de Saadi
J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ; Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes Que les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir.
Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées. Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ;
La vague en a paru rouge et comme enflammée. Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée... Respires-en sur moi l'odorant souvenir.
Marceline DESBORDES-VALMORE | |
| | | Nicolas
Nombre de messages : 1504 Age : 38 Localisation : Tentaka Date d'inscription : 25/11/2007
Personnages RP Pseudo: Murène de Virtù Pseudo : Andy de Falque Pseudo : Antoine
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Mar 11 Nov - 16:42 | |
| Là, les deux amants s’ensevelirent dans l’océan de ces joies languides et perverses où l’esprit se mêle à la chair mystérieuse ! Ils épuisèrent la violence des désirs, les frémissements et les tendresses éperdues. Ils devinrent le battement de l’être l’un de l’autre. En eux, l’esprit pénétrait si bien le corps, que leurs formes leur semblaient intellectuelles, et que les baisers, mailles brûlantes, les enchaînaient dans une fusion idéale. Long éblouissement ! Tout à coup, le charme se rompait ; l’accident terrible les désunissait ; leurs bras s’étaient désenlacés. Quelle ombre lui avait pris sa chère morte ? Morte ! non. Est-ce que l’âme des violoncelles est emportée par le cri d’une corde qui se brise ? Les heures passèrent. Il regardait, par la croisée, la nuit qui s’avançait dans les cieux : et la Nuit lui apparaissait personnelle ; elle lui semblait une reine marchant, avec mélancolie, dans l’exil, et l’agrafe de diamant de sa tunique de deuil, Vénus, brillait, au-dessus des arbres, perdue au fond de l’azur.
[…]
Le plein-nimbe de la Madone en habits de ciel brillait, rosacé de la croix byzantine dont les fins et rouges linéaments, fondus dans le reflet, ombraient d’une teinte de sang l’orient ainsi allumé de perles. Depuis l’enfance, Véra plaignait, de ses grands yeux, le visage maternel et si pur de l’héréditaire madone, et, de sa nature, hélas ! ne pouvant lui consacrer qu’un superstitieux amour, le lui offrait parfois, naïve, pensivement, lorsqu’elle passait devant la veilleuse. Véra, nouvelle extraite des Contes cruels, Villiers de l’Isle-Adam, 1874 | |
| | | Cassiopée Héliaste
Nombre de messages : 9868 Age : 66 Localisation : Les pieds sous l'eau, la tête au delà des étoiles. Date d'inscription : 05/01/2008
Personnages RP Pseudo: Cassiopée Pseudo : Maelun Pseudo : Lucia
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Mer 7 Jan - 17:27 | |
| Goldmun m'a donné envie d'aller le relire... Et je l'ai trouvé, plus vrai que jamais. Le lac de Lamartine Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages, Dans la nuit éternelle emportés sans retour, Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges Jeter l’ancre un seul jour ? Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière, Et près des flots chéris qu’elle devait revoir, Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierre Où tu la vis s’asseoir ! Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes ; Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés ; Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes Sur ses pieds adorés. Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence ; On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux, Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence Tes flots harmonieux. Tout à coup des accents inconnus à la terre Du rivage charmé frappèrent les échos : Le flot fut attentif, et la voix qui m’est chère Laissa tomber ces mots : « Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices Suspendez votre cours : Laissez-nous savourer les rapides délices Des plus beaux de nos jours ! « Assez de malheureux ici-bas vous implorent, Coulez, coulez pour eux ; Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent, Oubliez les heureux. « Mais je demande en vain quelques moments encore, Le temps m’échappe et fuit ; Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l’aurore Va dissiper la nuit. « Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive, Hâtons-nous, jouissons ! L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ; Il coule, et nous passons ! » Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse, Où l’amour à longs flots nous verse le bonheur, S’envolent loin de nous de la même vitesse Que les jours de malheur ? Eh quoi ! n’en pourrons-nous fixer au moins la trace ? Quoi ! passés pour jamais ? quoi ! tout entiers perdus ? Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface, Ne nous les rendra plus ? Éternité, néant, passé, sombres abîmes, Que faites-vous des jours que vous engloutissez ? Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes Que vous nous ravissez ? Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure ! Vous, que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir, Gardez de cette nuit, gardez, belle nature, Au moins le souvenir ! Qu’il soit dans ton repos, qu’il soit dans tes orages, Beau lac, et dans l’aspect de tes riants coteaux, Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages Qui pendent sur tes eaux. Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe, Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés, Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surface De ses molles clartés. Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire Que les parfums légers de ton air embaumé, Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire, Tout dise : Ils ont aimé ! | |
| | | Goldmund
Nombre de messages : 2123 Age : 36 Localisation : Plus loin qu'ailleurs Date d'inscription : 23/12/2007
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Jeu 8 Jan - 0:20 | |
| Ce poème est superbe, Cassiopée, et j'aime beaucoup l'idée de ce topic.
Exhausser ma pensée Exaucer ma voix
Robert Desnos | |
| | | Franz
Nombre de messages : 3379 Age : 33 Localisation : Les Biscuits Roses Date d'inscription : 03/07/2008
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Sam 10 Jan - 22:34 | |
| Ca me préoccupe, je le mets ici une bonne fois pour toute. Les petites fautes n'existent pas, c'est dans votre tête. _____
"Souvent, lorsque la nuit aux abysses dérobe, Tandis que je palis, les plus tristes pensées Et que mon esprit danse, et que sa sombre robe Frôle piteusement les terres du passé ; Lorsque souvent, mon âme ensanglante la joie Et enterre, indolente, et l’espoir, et l’amour, Et que la solitude exhorte avec effroi Au cynisme, à la mort, le plus heureux des jours, Je pense à toi, mon ange. Je t’aperçois, mon cœur, et qu’importe la pluie, Et qu’importe le vent, les tombes, les ruines, Pourvu que tu sois là ! L’enfer s’évanouit!
Assis sur un amour, qu’éploie ses blanches ailes, Pareil à la colombe en des cieux embrasés Et exhume l’espoir des songes éternels Ainsi que ton regard enterre les années, Je chevauche la vie, radieuse, sublime, Au dedans de la brume, au dessus des nuages, Plonge vers l’horizon et sur l’écume, un hymne Résonne infiniment de l’océan des âges :
" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive, Hâtons-nous, jouissons ! L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ; Il coule, et nous passons ! "
J’entends ton épitaphe, Ô tombeau de nos jours, Je le vois se moquer, sournois et triomphant, De notre amour futile à ses yeux de velours, Que charmerait la mort, d’un corps affriolant. Il glisse sur la peau de celle dont mon cœur, Impuissant, s’est épris, et dont l’âme frissonne Comme l’arbre transi par l’atroce douleur De son bois effeuillé par le souffle d’automne. Je veux te raconter, Princesse de la Pluie, Un conte merveilleux pour ne point que tu trembles, Il était une fois un poète maudit Dans un lointain pays – tout au moins, il me semble -. Le pauvre infortuné s’enivrait de la rose, Se gorgeait d’espérance, aspirait au talent Et sous l’astre divin, rêvait l’apothéose, Tandis que son crayon n’offrait qu’un sombre blanc. Chaque soir accueilli par ses tristes chimères Il craignait, impuissant, d’enfanter le néant Et l’échine courbée, ne devenait le père Que d’un pauvre cadavre aux entrailles gisant. Mais alors qu’il pleura, tu lui pressas la main ; Des plaisirs effacés, tu abaissas le voile Et je fus consolé, car je vis le chemin Et, sous ta paupière, une larme d’étoile. Vois-tu, ma douce muse, arrosons le présent ! Demain n’est pas éclos ; hier est dans l’oubli ! Aussi pur que tes yeux dont mon âme s’éprends L’amour est une fleur que le temps ne flétri. « Ne redoutes tu pas la fin de nos années ? Me dis tu, implorante : et la fin du bonheur ? » Le Temps nous portera, mais l’Ennui, aiguisé Saura glaner la rose et planter le malheur ! C’est de ce poison là que mon esprit a crainte ! Famélique, perfide, il traque les amants Et mêle, en les chassant de la céleste enceinte, Les divines unions aux païens sacrements !
Ô mon ange, Ô mon cœur ! Je convulse d’effroi ! Ton âme purpurine est l’écrin de mes heures. Je ne saurais poser en un funeste endroit, Sur un glyphe de marbre, une gerbe de fleur,
Car lorsque, de tes lèvres, Nait un sourire ! Vois, De mon corps, une fièvre S’emparer tout de moi ! Aussitôt je soupire, Et ce sont mes désirs Qui, brûlant de plaisirs, Sont chevillés à toi.
Et lorsque l’odeur Sucrée de ton corps Vanillé, se meure, Eloignée, alors, Paniqué, je crie « Quelle ignominie Que le jour qui fuit Dans tes courbes d’or ! »
Mais si la Colombe Usée, chutait Sur notre tombe A tout jamais ? Ô qu’ai-je peur ! Et quel malheur Que le bonheur Qui s’éteindrait !
Car je crains L’éphémère, Que s’écroulent D’un revers Ces doux cieux -Feu mon vœu, Maudit Dieu - Dans la mer.
On vit, On aime, On fuit Et blême J’ai peur Mon cœur Se leurre Je t’aime.
Je t'aime."
Kensei. | |
| | | Chikoun Coordonnateur Littéraire
Nombre de messages : 4681 Age : 33 Localisation : Dansant sur un fil, une framboise à la bouche. Date d'inscription : 03/01/2008
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Dim 25 Jan - 16:40 | |
| Le chêne un jour dit au roseau : « N'êtes-vous pas lassé d'écouter cette fable ? La morale en est détestable ; Les hommes bien légers de l'apprendre aux marmots. Plier, plier toujours, n'est-ce pas déjà trop, Le pli de l'humaine nature ? » « Voire, dit le roseau, il ne fait pas trop beau ; Le vent qui secoue vos ramures (Si je puis en juger à niveau de roseau) Pourrait vous prouver, d'aventure, Que nous autres, petites gens, Si faibles, si chétifs, si humbles, si prudents, Dont la petite vie est le souci constant, Résistons pourtant mieux aux tempêtes du monde Que certains orgueilleux qui s'imaginent grands. »
Le vent se lève sur ses mots, l'orage gronde. Et le souffle profond qui dévaste les bois, Tout comme la première fois, Jette le chêne fier qui le narguait par terre. « Hé bien, dit le roseau, le cyclone passé - Il se tenait courbé par un reste de vent - Qu'en dites-vous donc mon compère ? (Il ne se fût jamais permis ce mot avant) Ce que j'avais prédit n'est-il pas arrivé ?" On sentait dans sa voix sa haine Satisfaite. Son morne regard allumé. Le géant, qui souffrait, blessé, De mille morts, de mille peines, Eut un sourire triste et beau ; Et, avant de mourir, regardant le roseau, Lui dit : "Je suis encore un chêne."
Le Chêne et le Roseau, J. Anouilh | |
| | | Goldmund
Nombre de messages : 2123 Age : 36 Localisation : Plus loin qu'ailleurs Date d'inscription : 23/12/2007
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Lun 26 Jan - 9:47 | |
| Où trouves-tu cette fable ? Elle est excellente: j'ignorais qu'Anouilh l'avait réécrite - et manifestement réinterprétée. | |
| | | Goldmund
Nombre de messages : 2123 Age : 36 Localisation : Plus loin qu'ailleurs Date d'inscription : 23/12/2007
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Ven 10 Avr - 21:31 | |
| J'ai vomi Bonnefoy lorsque je l'ai étudié au lycée. Bizarrement j'y reviens:
Et je pourrais Tout à l'heure, au sursaut du réveil brusque, Dire ou tenter de dire le tumulte Des griffes et des rires qui se heurtent Avec l'avidité sans joie des vies primaires Au rebord disloqué de la parole. Je pourrais m'écrier que partout sur terre Injustice et malheur ravagent le sens Que l'esprit a rêvé de donner au monde, En somme, me souvenir de ce qui est, N'être que la lucidité qui désespère Et, bien que soit retorse Aux branche du jardin d'Armide la chimère Qui leurre autant la raison que le rêve, Abandonner les mots à qui rature, Prose, par évidence de la matière, L'offre de la beauté dans la vérité, ...
Dans le leurre des mots, Y. Bonnefoy | |
| | | Franz
Nombre de messages : 3379 Age : 33 Localisation : Les Biscuits Roses Date d'inscription : 03/07/2008
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Jeu 16 Avr - 19:03 | |
| Pour les courageux qui le liront jusqu'au bout. C'est le poème que j'aime le plus. Je le trouve à la fois splendide et douloureux.
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La nuit de décembre - Alfred de Musset
LE POÈTE
Du temps que j'étais écolier, Je restais un soir à veiller Dans notre salle solitaire. Devant ma table vint s'asseoir Un pauvre enfant vêtu de noir, Qui me ressemblait comme un frère.
Son visage était triste et beau : A la lueur de mon flambeau, Dans mon livre ouvert il vint lire. Il pencha son front sur sa main, Et resta jusqu'au lendemain, Pensif, avec un doux sourire.
Comme j'allais avoir quinze ans Je marchais un jour, à pas lents, Dans un bois, sur une bruyère. Au pied d'un arbre vint s'asseoir Un jeune homme vêtu de noir, Qui me ressemblait comme un frère.
Je lui demandai mon chemin ; Il tenait un luth d'une main, De l'autre un bouquet d'églantine. Il me fit un salut d'ami, Et, se détournant à demi, Me montra du doigt la colline.
A l'âge où l'on croit à l'amour, J'étais seul dans ma chambre un jour, Pleurant ma première misère. Au coin de mon feu vint s'asseoir Un étranger vêtu de noir, Qui me ressemblait comme un frère.
Il était morne et soucieux ; D'une main il montrait les cieux, Et de l'autre il tenait un glaive. De ma peine il semblait souffrir, Mais il ne poussa qu'un soupir, Et s'évanouit comme un rêve.
A l'âge où l'on est libertin, Pour boire un toast en un festin, Un jour je soulevais mon verre. En face de moi vint s'asseoir Un convive vêtu de noir, Qui me ressemblait comme un frère.
Il secouait sous son manteau Un haillon de pourpre en lambeau, Sur sa tête un myrte stérile. Son bras maigre cherchait le mien, Et mon verre, en touchant le sien, Se brisa dans ma main débile.
Un an après, il était nuit ; J'étais à genoux près du lit Où venait de mourir mon père. Au chevet du lit vint s'asseoir Un orphelin vêtu de noir, Qui me ressemblait comme un frère.
Ses yeux étaient noyés de pleurs ; Comme les anges de douleurs, Il était couronné d'épine ; Son luth à terre était gisant, Sa pourpre de couleur de sang, Et son glaive dans sa poitrine.
Je m'en suis si bien souvenu, Que je l'ai toujours reconnu A tous les instants de ma vie. C'est une étrange vision, Et cependant, ange ou démon, J'ai vu partout cette ombre amie.
Lorsque plus tard, las de souffrir, Pour renaître ou pour en finir, J'ai voulu m'exiler de France ; Lorsqu'impatient de marcher, J'ai voulu partir, et chercher Les vestiges d'une espérance ;
A Pise, au pied de l'Apennin ; A Cologne, en face du Rhin ; A Nice, au penchant des vallées ; A Florence, au fond des palais ; A Brigues, dans les vieux chalets ; Au sein des Alpes désolées ;
A Gênes, sous les citronniers ; A Vevey, sous les verts pommiers ; Au Havre, devant l'Atlantique ; A Venise, à l'affreux Lido, Où vient sur l'herbe d'un tombeau Mourir la pâle Adriatique ;
Partout où, sous ces vastes cieux, J'ai lassé mon coeur et mes yeux, Saignant d'une éternelle plaie ; Partout où le boiteux Ennui, Traînant ma fatigue après lui, M'a promené sur une claie ;
Partout où, sans cesse altéré De la soif d'un monde ignoré, J'ai suivi l'ombre de mes songes ; Partout où, sans avoir vécu, J'ai revu ce que j'avais vu, La face humaine et ses mensonges ;
Partout où, le long des chemins, J'ai posé mon front dans mes mains, Et sangloté comme une femme ; Partout où j'ai, comme un mouton, Qui laisse sa laine au buisson, Senti se dénuder mon âme ;
Partout où j'ai voulu dormir, Partout où j'ai voulu mourir, Partout où j'ai touché la terre, Sur ma route est venu s'asseoir Un malheureux vêtu de noir, Qui me ressemblait comme un frère.
Qui donc es-tu, toi que dans cette vie Je vois toujours sur mon chemin ? Je ne puis croire, à ta mélancolie, Que tu sois mon mauvais Destin. Ton doux sourire a trop de patience, Tes larmes ont trop de pitié. En te voyant, j'aime la Providence. Ta douleur même est soeur de ma souffrance ; Elle ressemble à l'Amitié.
Qui donc es-tu ? - Tu n'es pas mon bon ange, Jamais tu ne viens m'avertir. Tu vois mes maux (c'est une chose étrange !) Et tu me regardes souffrir. Depuis vingt ans tu marches dans ma voie, Et je ne saurais t'appeler. Qui donc es-tu, si c'est Dieu qui t'envoie ? Tu me souris sans partager ma joie, Tu me plains sans me consoler !
Ce soir encor je t'ai vu m'apparaître. C'était par une triste nuit. L'aile des vents battait à ma fenêtre ; J'étais seul, courbé sur mon lit. J'y regardais une place chérie, Tiède encor d'un baiser brûlant ; Et je songeais comme la femme oublie, Et je sentais un lambeau de ma vie Qui se déchirait lentement.
Je rassemblais des lettres de la veille, Des cheveux, des débris d'amour. Tout ce passé me criait à l'oreille Ses éternels serments d'un jour. Je contemplais ces reliques sacrées, Qui me faisaient trembler la main : Larmes du coeur par le coeur dévorées, Et que les yeux qui les avaient pleurées Ne reconnaîtront plus demain !
J'enveloppais dans un morceau de bure Ces ruines des jours heureux. Je me disais qu'ici-bas ce qui dure, C'est une mèche de cheveux. Comme un plongeur dans une mer profonde, Je me perdais dans tant d'oubli. De tous côtés j'y retournais la sonde, Et je pleurais, seul, loin des yeux du monde, Mon pauvre amour enseveli.
J'allais poser le sceau de cire noire Sur ce fragile et cher trésor. J'allais le rendre, et, n'y pouvant pas croire, En pleurant j'en doutais encor. Ah ! faible femme, orgueilleuse insensée, Malgré toi, tu t'en souviendras ! Pourquoi, grand Dieu ! mentir à sa pensée ? Pourquoi ces pleurs, cette gorge oppressée, Ces sanglots, si tu n'aimais pas ?
Oui, tu languis, tu souffres, et tu pleures ; Mais ta chimère est entre nous. Eh bien ! adieu ! Vous compterez les heures Qui me sépareront de vous. Partez, partez, et dans ce coeur de glace Emportez l'orgueil satisfait. Je sens encor le mien jeune et vivace, Et bien des maux pourront y trouver place Sur le mal que vous m'avez fait.
Partez, partez ! la Nature immortelle N'a pas tout voulu vous donner. Ah ! pauvre enfant, qui voulez être belle, Et ne savez pas pardonner ! Allez, allez, suivez la destinée ; Qui vous perd n'a pas tout perdu. Jetez au vent notre amour consumée ; - Eternel Dieu ! toi que j'ai tant aimée, Si tu pars, pourquoi m'aimes-tu ?
Mais tout à coup j'ai vu dans la nuit sombre Une forme glisser sans bruit. Sur mon rideau j'ai vu passer une ombre ; Elle vient s'asseoir sur mon lit. Qui donc es-tu, morne et pâle visage, Sombre portrait vêtu de noir ? Que me veux-tu, triste oiseau de passage ? Est-ce un vain rêve ? est-ce ma propre image Que j'aperçois dans ce miroir ?
Qui donc es-tu, spectre de ma jeunesse, Pèlerin que rien n'a lassé ? Dis-moi pourquoi je te trouve sans cesse Assis dans l'ombre où j'ai passé. Qui donc es-tu, visiteur solitaire, Hôte assidu de mes douleurs ? Qu'as-tu donc fait pour me suivre sur terre ? Qui donc es-tu, qui donc es-tu, mon frère, Qui n'apparais qu'au jour des pleurs ?
LA VISION
- Ami, notre père est le tien. Je ne suis ni l'ange gardien, Ni le mauvais destin des hommes. Ceux que j'aime, je ne sais pas De quel côté s'en vont leurs pas Sur ce peu de fange où nous sommes.
Je ne suis ni dieu ni démon, Et tu m'as nommé par mon nom Quand tu m'as appelé ton frère ; Où tu vas, j'y serai toujours, Jusques au dernier de tes jours, Où j'irai m'asseoir sur ta pierre.
Le ciel m'a confié ton coeur. Quand tu seras dans la douleur, Viens à moi sans inquiétude. Je te suivrai sur le chemin ; Mais je ne puis toucher ta main, Ami, je suis la Solitude. | |
| | | Tr0n
Nombre de messages : 3306 Age : 44 Date d'inscription : 13/03/2008
Personnages RP Pseudo: Sucedebout Pseudo : Grocube Pseudo : Tron
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Jeu 16 Avr - 19:42 | |
| L'huître L'huître, de la grosseur d'un galet moyen, est d'une apparence plus rugueuse, d'une couleur moins unie, brillamment blanchâtre. C'est un monde opiniâtrement clos. Pourtant on peut l'ouvrir : il faut alors la tenir au creux d'un torchon, se servir d'un couteau ébréché et peu franc, s'y reprendre à plusieurs fois. Les doigts curieux s'y coupent, s'y cassent les ongles : c'est un travail grossier. Les coups qu'on lui porte marquent son enveloppe de ronds blancs, d'une sorte de halos. A l'intérieur l'on trouve tout un monde, à boire et à manger : sous un firmament (à proprement parler) de nacre, les cieux d'en dessus s'affaissent sur les cieux d'en dessous, pour ne plus former qu'une mare, un sachet visqueux et verdâtre, qui flue et reflue à l'odeur et à la vue, frangé d'une dentelle noirâtre sur les bords. Parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d'où l'on trouve aussitôt à s'orner.
Françis Ponge Le Parti pris des choses 1942 | |
| | | Franz
Nombre de messages : 3379 Age : 33 Localisation : Les Biscuits Roses Date d'inscription : 03/07/2008
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Jeu 16 Avr - 21:09 | |
| Tiens, une oeuvre en hommage à ta défunte cervelle face de tarsier. | |
| | | Chikoun Coordonnateur Littéraire
Nombre de messages : 4681 Age : 33 Localisation : Dansant sur un fil, une framboise à la bouche. Date d'inscription : 03/01/2008
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Ven 17 Avr - 9:31 | |
| Et à une poésie telle une perle au milieu d'un monde puant. | |
| | | Goldmund
Nombre de messages : 2123 Age : 36 Localisation : Plus loin qu'ailleurs Date d'inscription : 23/12/2007
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Ven 17 Avr - 14:48 | |
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| | | Chikoun Coordonnateur Littéraire
Nombre de messages : 4681 Age : 33 Localisation : Dansant sur un fil, une framboise à la bouche. Date d'inscription : 03/01/2008
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Ven 17 Avr - 23:37 | |
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| | | Tr0n
Nombre de messages : 3306 Age : 44 Date d'inscription : 13/03/2008
Personnages RP Pseudo: Sucedebout Pseudo : Grocube Pseudo : Tron
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Mer 22 Avr - 10:40 | |
| Corrida de Muerte Les hauts barons blasonnés d'or, Les duchesses de similor, Les viveuses toutes hagardes, Les crevés aux faces blafardes, Vont s'égayer. Ah ! oui, vraiment, Jacques Bonhomme est bon enfant. C'est du sang vermeil qu'ils vont voir. Jadis, comme un rouge abattoir, Paris ne fut pour eux qu'un drame Et ce souvenir les affame ; Ils en ont soif. Ah ! oui, vraiment, Jacques Bonhomme est bon enfant. Peut-être qu'ils visent plus haut : Après le cirque, l'échafaud ; La morgue corsera la fête. Aujourd'hui seulement la bête, Et demain l'homme. Ah ! oui, vraiment Jacques Bonhomme est bon enfant. Les repus ont le rouge aux yeux. Et cela fait songer les gueux, Les gueux expirants de misère. Tant mieux ! Aux fainéants la guerre ; Ils ne diront plus si longtemps : Jacques Bonhomme est bon enfant.
Louise Michel | |
| | | Jarod Rôliste
Nombre de messages : 1230 Age : 39 Date d'inscription : 01/04/2009
Personnages RP Pseudo: Pseudo : Pseudo :
| Sujet: [Baudelaire]Spleen Sam 25 Avr - 17:28 | |
| Je suis comme le roi d'un pays pluvieux, Riche, mais impuissant, jeune et pourtant très vieux, Qui, de ses précepteurs méprisant les courbettes, S'ennuie avec ses chiens comme avec d'autres bêtes. Rien ne peut l'égayer, ni gibier, ni faucon, Ni son peuple mourant en face du balcon. Du bouffon favori la grotesque ballade Ne distrait plus le front de ce cruel malade; Son lit fleurdelisé se transforme en tombeau, Et les dames d'atour, pour qui tout prince est beau, Ne savent plus trouver d'impudique toilette Pour tirer un souris de ce jeune squelette. Le savant qui lui fait de l'or n'a jamais pu De son être extirper l'élément corrompu, Et dans ces bains de sang qui des Romains nous viennent, Et dont sur leurs vieux jours les puissants se souviennent, II n'a su réchauffer ce cadavre hébété Où coule au lieu de sang l'eau verte du Léthé
Les fleurs du mal, Charles Baudelaire
Edit : Merci Ram', Cassi et Sephi
Dernière édition par Hell le Sam 25 Avr - 17:43, édité 1 fois | |
| | | Hugo Zeppeline Rôliste
Nombre de messages : 5062 Age : 34 Localisation : Liège, Belgique Date d'inscription : 25/11/2007
Personnages RP Pseudo: Sephiroth Pseudo : Hugo Zeppeline Pseudo : Aenaril
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Sam 25 Avr - 17:30 | |
| Il existe, dans le comptoir, il me semble, un endroit se nommant "éclat en pièce détachés". Ce me semble être l'endroit idéal. Si tu es d'accord, je fusionne ton sujet à ce dernier... edit : en attendant je le laisse comme sujet à part entière dans la terrasse | |
| | | Goldmund
Nombre de messages : 2123 Age : 36 Localisation : Plus loin qu'ailleurs Date d'inscription : 23/12/2007
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Sam 25 Avr - 18:03 | |
| Eclat en pièces détachées, comme le suggère la polysémie de son nom, s'intéresse à la fois aux "éclats" (c'est-à-dire aux énoncés brefs) et à l' "éclat" (le panache, la force de suggestion que peut avoir une phrase à l'emporte pièce). Pour le dire vulgairement, Eclat en pièces détachées concerne des citations brèves, "détachées" de leur contexte, ce en quoi il diffère d'une anthologie poétique et ne peut être confondu avec elle. | |
| | | Hugo Zeppeline Rôliste
Nombre de messages : 5062 Age : 34 Localisation : Liège, Belgique Date d'inscription : 25/11/2007
Personnages RP Pseudo: Sephiroth Pseudo : Hugo Zeppeline Pseudo : Aenaril
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Sam 25 Avr - 18:15 | |
| - Goldmund a écrit:
- Eclat en pièces détachées, comme le suggère la polysémie de son nom, s'intéresse à la fois aux "éclats" (c'est-à-dire aux énoncés brefs) et à l' "éclat" (le panache, la force de suggestion que peut avoir une phrase à l'emporte pièce). Pour le dire vulgairement, Eclat en pièces détachées concerne des citations brèves, "détachées" de leur contexte, ce en quoi il diffère d'une anthologie poétique et ne peut être confondu avec elle.
Exact Goldmund, ma mémoire m'a fait défaut sur ce coup, d'autant que j'ai considéré "Spleen" comme faisant partie des Fleurs du mal et non pas comme juste un poème. Voilà pourquoi j'ai pensé que le mettre comme passage d'un livre pouvait convenir. Mais anthologie convient nettement mieux, je te l'accorde. Autant pour moi | |
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