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| Anthologie Poétique. | |
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Auteur | Message |
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Goldmund
Nombre de messages : 2123 Age : 36 Localisation : Plus loin qu'ailleurs Date d'inscription : 23/12/2007
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Sam 25 Avr - 19:38 | |
| C'est toute la différence entre l'anthologie qui, conformément à son étymologie ("cueillir des fleurs") réunit un certain nombre d'oeuvres possedant une cohérence formelle et thématique, et la citation. Tu es pardonné bien sûr.
Dernière édition par Goldmund le Sam 25 Avr - 21:39, édité 1 fois | |
| | | Ruby
Nombre de messages : 2216 Age : 36 Localisation : 221 B Baker street Date d'inscription : 04/04/2009
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Sam 25 Avr - 19:46 | |
| Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends. J'irai par la forêt, j'irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers le Harfleur, Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. Victor Hugo, Les contemplations | |
| | | Goldmund
Nombre de messages : 2123 Age : 36 Localisation : Plus loin qu'ailleurs Date d'inscription : 23/12/2007
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Sam 25 Avr - 19:49 | |
| Encore un peu de Baudelaire, l'un de mes poèmes favoris. Je vous le fais de tête, la ponctuation est donc assez approximative. La troisième strophe est très célèbre. Je profite de l'occasion pour signaler que Jean-Louis Murat a interprété ce poème: par ici pour le lien. Soit dit en passant, sa prononciation et son respect de la scansion classique sont loins d'être parfaits.
L'Examen de minuit
La pendule, sonnant minuit, Ironiquement nous engage A nous rappeler quel usage Nous fîmes du jour qui s'enfuit. - Aujourd'hui, date fatidique, Vendredi, treize, nous avons, Malgré tout ce que nous savons, Mené le train d'un hérétique.
Nous avons blapshémé Jésus, Des dieux le plus incontestable. Comme un parasite à la table De quelque monstrueux Crésus. Nous avons, pour plaire à la brute, Digne vassale des Démons, Insulté ce que nous aimons Et flatté ce qui nous rebute.
Contristé, servile bourreau, Le faible qu'à tort on méprise; Salué l'énorme Bêtise, La Bêtise au front de taureau; Baisé la stupide matière Avec grande dévotion, Et de la putréfaction Béni la blafarde lumière
Enfin, nous avons, pour noyer Le vertige dans le délire, Nous, prêtres orgueilleux de la Lyre Dont la gloire est de déployer L'ivresse des choses funèbres, Bu sans soif et mangé sans faim. - Vite, soufflons la lampe, afin De nous cacher dans les ténèbres. | |
| | | Ruby
Nombre de messages : 2216 Age : 36 Localisation : 221 B Baker street Date d'inscription : 04/04/2009
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Sam 25 Avr - 20:17 | |
| La mort du Loup
Les nuages couraient sur la lune enflammée Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée, Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon. Nous marchions sans parler, dans l'humide gazon, Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes, Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes, Nous avons aperçus les grands ongles marqués Par les loups voyageurs que nous avions traqués. Nous avons écouté, retenant notre haleine Et le pas suspendu. -- Ni le bois, ni la plaine Ne poussait un soupir dans les airs; Seulement La girouette en deuil criait au firmament; Car le vent élevé bien au dessus des terres, N'effleurait de ses pieds que les tours solitaires, Et les chênes d'en-bas, contre les rocs penchés, Sur leurs coudes semblaient endormis et couchés. Rien ne bruissait donc, lorsque baissant la tête, Le plus vieux des chasseurs qui s'étaient mis en quête A regardé le sable en s'y couchant; Bientot, Lui que jamais ici on ne vit en défaut, A déclaré tout bas que ces marques récentes Annonçait la démarche et les griffes puissantes De deux grands loups-cerviers et de deux louveteaux. Nous avons tous alors préparé nos couteaux, Et, cachant nos fusils et leurs lueurs trop blanches, Nous allions pas à pas en écartant les branches. Trois s'arrêtent, et moi, cherchant ce qu'ils voyaient, J'aperçois tout à coup deux yeux qui flamboyaient, Et je vois au delà quatre formes légères Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères, Comme font chaque jour, à grand bruit sous nos yeux, Quand le maitre revient, les levriers joyeux. Leur forme était semblable et semblable la danse; Mais les enfants du loup se jouaient en silence, Sachant bien qu'à deux pas, ne dormant qu'à demi, Se couche dans ses murs l'homme, leur ennemi. Le père était debout, et plus loin, contre un arbre, Sa louve reposait comme celle de marbre Qu'adorait les romains, et dont les flancs velus Couvaient les demi-dieux Rémus et Romulus. Le Loup vient et s'assied, les deux jambes dressées, Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées. Il s'est jugé perdu, puisqu'il était surpris, Sa retraite coupée et tous ses chemins pris, Alors il a saisi, dans sa gueule brulante, Du chien le plus hardi la gorge pantelante, Et n'a pas desserré ses mâchoires de fer, Malgré nos coups de feu, qui traversaient sa chair, Et nos couteaux aigus qui, comme des tenailles, Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles, Jusqu'au dernier moment où le chien étranglé, Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a roulé. Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde. Les couteaux lui restaient au flanc jusqu'à la garde, Le clouaient au gazon tout baigné dans son sang; Nos fusils l'entouraient en sinistre croissant. Il nous regarde encore, ensuite il se recouche, Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche, Et, sans daigner savoir comment il a péri, Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri.
J'ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre, Me prenant à penser, et n'est pu me résoudre A poursuivre sa Louve et ses fils qui, tous trois, Avaient voulu l'attendre, et, comme je le crois, Sans ses deux louveteaux, la belle et sombre veuve Ne l'eut pas laissé seul subir la grande épreuve; Mais son devoir était de les sauver, afin De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim, A ne jamais entrer dans le pacte des villes, Que l'homme a fait avec les animaux serviles Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher, Les premiers possesseurs du bois et du rocher.
Hélas! ai-je pensé, malgre ce grand nom d'Hommes, Que j'ai honte de nous , débiles que nous sommes! Comment on doit quitter la vie et tous ses maux, C'est vous qui le savez sublimes animaux. A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse, Seul le silence est grand; tout le reste est faiblesse. --Ah! je t'ai bien compris, sauvage voyageur, Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur. Il disait: " Si tu peux, fais que ton âme arrive, A force de rester studieuse et pensive, Jusqu'à ce haut degré de stoique fierte Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté. Gémir, pleurer prier est également lâche. Fais énergiquement ta longue et lourde tâche Dans la voie où le sort a voulu t'appeler, Puis, après, comme moi, souffre et meurs sans parler."
Alfred de VIGNY | |
| | | Questo
Nombre de messages : 227 Age : 34 Localisation : Créteil Date d'inscription : 06/07/2009
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Mer 8 Juil - 21:29 | |
| L'Inquiétude
Qu’est-ce donc qui me trouble, et qu’est-ce que j’attends ? Je suis triste à la ville, et m’ennuie au village ; Les plaisirs de mon âge Ne peuvent me sauver de la longueur du temps.
Autrefois l’amitié, les charmes de l’étude Remplissaient sans effort mes paisibles loisirs. Oh ! quel est donc l’objet de mes vagues désirs ? Je l’ignore, et le cherche avec inquiétude. Si pour moi le bonheur n’était pas la gaîté, Je ne le trouve plus dans ma mélancolie ; Mais, si je crains les pleurs autant que la folie, Où trouver la félicité ?
Et vous qui me rendiez heureuse, Avez-vous résolu de me fuir sans retour ? Répondez, ma raison ; incertaine et trompeuse, M’abandonnerez-vous au pouvoir de l’Amour ? ... Hélas ! voilà le nom que je tremblais d’entendre. Mais l’effroi qu’il inspire est un effroi si doux ! Raison, vous n’avez plus de secret à m’apprendre, Et ce nom, je le sens, m’en a dit plus que vous.
Marceline Desbordes-Valmore, Élégies
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| | | Ruby
Nombre de messages : 2216 Age : 36 Localisation : 221 B Baker street Date d'inscription : 04/04/2009
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Sam 18 Juil - 17:46 | |
| Il pleure dans mon coeur Comme il pleut sur la ville; Quelle est cette langueur Qui pénètre mon coeur? O bruit doux de la pluie Par terre et sur les toits! Pour un coeur qui s'ennuie O le chant de la pluie! Il pleure sans raison Dans ce coeur qui s'écoeure. Quoi! Nulle trahison?... Ce deuil est sans raison. C'est bien la pire peine De ne savoir pourquoi Sans amour et sans haine Mon coeur a tant de peine! Paul Verlaine | |
| | | Questo
Nombre de messages : 227 Age : 34 Localisation : Créteil Date d'inscription : 06/07/2009
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Dim 19 Juil - 2:16 | |
| Le temps de vivre
Il a dévalé la colline Ses pieds faisaient rouler des pierres Là-haut entre les quatre murs La sirène chantait sans joie Il respirait l'odeur des arbres Avec son corps comme une forge La lumière l'accompagnait Et lui faisait danser son ombre Pourvu qu'ils me laissent le temps Il sautait a travers les herbes Il a cueilli deux feuilles jaunes Gorgées de sève et de soleil
Les canons d'acier bleu crachaient Des courtes flammes de feu sec Pourvu qu'ils me laissent le temps Il est arrivé près de l'eau Il y a plongé son visage Il riait de joie il a bu Pourvu qu'ils me laissent le temps Il s'est relevé pour sauter
Pourvu qu'ils me laissent le temps Une abeille de cuivre chaud L'a foudroyé sur l'autre rive Le sang et l'eau se sont mêlés
Il avait eu le temps de voir Le temps de boire à ce ruisseau Le temps de porter à sa bouche Deux feuilles gorgées de soleil Le temps de rire aux assassins Le temps d'atteindre l'autre rive Le temps de courir vers la femme Il avait eu le temps de vivre
Boris Vian | |
| | | Ruby
Nombre de messages : 2216 Age : 36 Localisation : 221 B Baker street Date d'inscription : 04/04/2009
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Mar 21 Juil - 23:06 | |
| Les DjinnsMurs, ville Et port, Asile De mort, Mer grise Où brise La brise Tout dort. Dans la plaine Naît un bruit. C'est l'haleine De la nuit. Elle brame Comme une âme Qu'une flamme Toujours suit. La voix plus haute Semble un grelot. D'un nain qui saute C'est le galop. Il fuit, s'élance, Puis en cadence Sur un pied danse Au bout d'un flot. La rumeur approche, L'écho la redit. C'est comme la cloche D'un couvent maudit, Comme un bruit de foule Qui tonne et qui roule Et tantôt s'écroule Et tantôt grandit. Dieu! La voix sépulcrale Des Djinns!... - Quel bruit ils font! Fuyons sous la spirale De l'escalier profond! Déjà s'éteint ma lampe, Et l'ombre de la rampe.. Qui le long du mur rampe, Monte jusqu'au plafond. C'est l'essaim des Djinns qui passe, Et tourbillonne en sifflant. Les ifs, que leur vol fracasse, Craquent comme un pin brûlant. Leur troupeau lourd et rapide, Volant dans l'espace vide, Semble un nuage livide Qui porte un éclair au flanc. Ils sont tout près! - Tenons fermée Cette salle ou nous les narguons Quel bruit dehors! Hideuse armée De vampires et de dragons! La poutre du toit descellée Ploie ainsi qu'une herbe mouillée, Et la vieille porte rouillée, Tremble, à déraciner ses gonds. Cris de l'enfer! voix qui hurle et qui pleure! L'horrible essaim, poussé par l'aquillon, Sans doute, o ciel! s'abat sur ma demeure. Le mur fléchit sous le noir bataillon. La maison crie et chancelle penchée, Et l'on dirait que, du sol arrachée, Ainsi qu'il chasse une feuille séchée, Le vent la roule avec leur tourbillon! Prophète! Si ta main me sauve De ces impurs démons des soirs, J'irai prosterner mon front chauve Devant tes sacrés encensoirs! Fais que sur ces portes fidèles Meure leur souffle d'étincelles, Et qu'en vain l'ongle de leurs ailes Grince et crie à ces vitraux noirs! Ils sont passés! - Leur cohorte S'envole et fuit, et leurs pieds Cessent de battre ma porte De leurs coups multipliés. L'air est plein d'un bruit de chaînes, Et dans les forêts prochaines Frissonnent tous les grands chênes, Sous leur vol de feu pliés! De leurs ailes lointaines Le battement décroît. Si confus dans les plaines, Si faible, que l'on croit Ouïr la sauterelle Crier d'une voix grêle Ou pétiller la grêle Sur le plomb d'un vieux toit. D'étranges syllabes Nous viennent encor. Ainsi, des Arabes Quand sonne le cor, Un chant sur la grève Par instants s'élève, Et l'enfant qui rêve Fait des rêves d'or. Les Djinns funèbres, Fils du trépas, Dans les ténèbres Pressent leur pas; Leur essaim gronde; Ainsi, profonde, Murmure une onde Qu'on ne voit pas. Ce bruit vague Qui s'endort, C'est la vague Sur le bord; C'est la plainte Presque éteinte D'une sainte Pour un mort. On doute La nuit... J'écoute: - Tout fuit, Tout passe; L'espace Efface Le bruit.
Victor Hugo
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| | | Jarod Rôliste
Nombre de messages : 1230 Age : 39 Date d'inscription : 01/04/2009
Personnages RP Pseudo: Pseudo : Pseudo :
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Sam 25 Juil - 9:38 | |
| O Capitaine ! Mon Capitaine !
O Capitaine ! Mon Capitaine ! Notre voyage effroyable est terminé Le vaisseau a franchi tous les caps, la récompense recherchée est gagnée Le port est proche, j'entends les cloches, la foule qui exulte, Pendant que les yeux suivent la quille franche , le vaisseau lugubre et audacieux.
Mais ô cœur ! cœur ! cœur ! O les gouttes rouges qui saignent Sur le pont où gît mon Capitaine, Étendu, froid et sans vie.
O Capitaine ! Mon Capitaine ! Lève-toi pour écouter les cloches. Lève-toi: pour toi le drapeau est hissé, pour toi le clairon trille, Pour toi les bouquets et guirlandes enrubannées, pour toi les rives noires de monde, Elle appelle vers toi, la masse ondulante, leurs visages passionnés se tournent:
Ici, Capitaine ! Cher père ! Ce bras passé sous ta tête, C'est un rêve que sur le pont Tu es étendu, froid et sans vie.
Mon Capitaine ne répond pas, ses lèvres sont livides et immobiles; Mon père ne sent pas mon bras, il n'a plus pouls ni volonté. Le navire est ancré sain et sauf, son périple clos et conclu. De l'effrayante traversée le navire rentre victorieux avec son trophée.
O rives, exultez, et sonnez, ô cloches ! Mais moi d'un pas lugubre, J'arpente le pont où gît mon capitaine, Étendu, froid et sans vie.
Walt Whitman | |
| | | Questo
Nombre de messages : 227 Age : 34 Localisation : Créteil Date d'inscription : 06/07/2009
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Sam 25 Juil - 15:18 | |
| ROMANCE DU MÉTROPOLITAIN Ne pas gêner la fermeture automatique des portières pas question d'une place assise à cette heure-ci mais peut-être en se faufilant réussir à s'appuyer sur la paroi On dépose des usagers qui se dispersent par les quais les couloirs de correspondance et les escaliers mécaniques un instant de respiration le temps que les autres s'enfilent Aussi le bras qui m'interdit de savoir comment se termine l'article dont j'ai piraté la lecture a déjà changé quatre fois depuis le début de mon trajet de ce matin Et c'est maintenant qu'il me faut à moi aussi me faufiler en bousculant le moins possible mes voisines pour parvenir jusqu'au quai puis aux corridors aux escaliers et aux trottoirs Michel Butor | |
| | | Jé
Nombre de messages : 505 Age : 51 Date d'inscription : 14/08/2009
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Dim 16 Aoû - 14:32 | |
| Il me plait ce poème de Butor !
VAGABOND
En aucune partie du monde je ne peux m’établir
A chaque nouveau climat que je rencontre je reconnais avec lassitude qu’une fois déjà je m’y étais habitué
Et je m’en détache toujours étranger
Je vins au monde retour d’époques trop vécues
Jouir d’un instant seul de vie initiale
Je cherche un pays innocent
Giuseppe Ungaretti Camp de Mailly, mai 1918 | |
| | | Hao Panda's Addict
Nombre de messages : 45 Age : 33 Localisation : .Observatoire de Calliope. Date d'inscription : 27/05/2009
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Dim 23 Aoû - 20:24 | |
| Les joyeux éboueurs des âmes délabrées Se vautrent dans l'algèbre des mélancolies Traînant leurs métastases de rêve karchérisé Entre les draps poisseux des siècles d'insomnie Ça sent la vieille guenille et l'épicier cafard Dans ce chagrin des glandes qu'on appelle l'Amour Où les noirs funambules du vieux cirque barbare Se pissent dans le froc en riant de leurs tours
{Refrain:}
J'ai volé mon âme à un clown Un cloclo mécanique du rock'n'roll cartoon J'ai volé mon âme à un clown Un clone au coeur de cône du rêve baby baboon J'ai volé mon âme à un clown Je rêve d'être flambé au dessus du Vésuve Et me défonce au gaz échappé d'un diesel À la manufacture métaphysique d'effluves Où mes synapses explosent en millions d'étincelles Reflets de flammes en fleurs dans les yeux du cheval Que j'embrasse à Turin pour en faire un complice Ivre de prolixine et d'acide cortical Je dégaine mon walter PPK de service
{au Refrain}
Bien vibré, bien relax en un tempo laid back Rasta lunaire baisant la main d'Oméga Queen Je crache dans ma tête les vapeurs d'ammoniaque D'un sturm und drang sans fin, au bout du never been Fac-similé d'amour et de tranquillisants Dans la clarté chimique de ma nuit carcérale Je suis l'évêque étrusque, un lycanthrope errant Qui patrouille dans le gel obscur de mon mental.
Hubert félix thiéfaine (scandale mélancolique)
Simplement envie de vous faire découvrir ou redécouvrir un artiste incomparable. Virtuose de la langue, cynisme et prose poétique sont à l'honneur. | |
| | | Dounette
Nombre de messages : 4122 Date d'inscription : 22/11/2007
Personnages RP Pseudo: Pseudo : Pseudo :
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Dim 23 Aoû - 22:17 | |
| Ah ! J'adore Thiefaine...C'est le genre d'auteur qu'on écoute en fumant un joint, l'esprit élevé par les paroles et par la fumée. C'est le genre de musique qu'on écoute dans une voiture, quand on ne dit rien, quand on a rien d'autre à faire qu'écouter ... | |
| | | Tr0n
Nombre de messages : 3306 Age : 44 Date d'inscription : 13/03/2008
Personnages RP Pseudo: Sucedebout Pseudo : Grocube Pseudo : Tron
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Dim 23 Aoû - 22:25 | |
| I know its hard to tell How mixed up you feel Hoping what you need Is behind every door Each time you get hurt I don't want you to change Cuz everyone has hopes You're human after all
The feeling sometimes Wishing you were someone else Feeling as though You never belong This feeling is not sadness This feeling is not joy I truly understand Please don't cry now
Please don't go I want you to stay I'm begging you please Please don't leave here I don't want you to hate For all the hurt that you feel The world is just illusion Trying to change you
Being like you are Well this is something else Who would comprehend That some bad do lay claim Divine purpose blesses them Thats not what I believe And it doesn't matter anyway
A part of your soul Ties you to the next world Or maybe to the last But I'm still not sure But what I do know Is to us the world is different As we are to the world I guess you would know that
Please don't go I want you to stay I'm begging you please Please don't leave here I don't want you to hate For all the hurt that you feel The world is just illusion Trying to change you
Please don't go I want you to stay I'm begging you please Oh please don't leave here I don't want you to change For all the hurt that you feel This world is just illusion Always trying to change you | |
| | | Cassiopée Héliaste
Nombre de messages : 9868 Age : 66 Localisation : Les pieds sous l'eau, la tête au delà des étoiles. Date d'inscription : 05/01/2008
Personnages RP Pseudo: Cassiopée Pseudo : Maelun Pseudo : Lucia
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Lun 24 Aoû - 1:56 | |
| Tr0n, ne voudrais-tu pas ajouter l'auteur et le titre de la poésie que tu viens de poster ? | |
| | | Franz
Nombre de messages : 3379 Age : 33 Localisation : Les Biscuits Roses Date d'inscription : 03/07/2008
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Lun 24 Aoû - 13:54 | |
| C'est une chanson du groupe VNV Nation, nommée Illusion. | |
| | | Ruby
Nombre de messages : 2216 Age : 36 Localisation : 221 B Baker street Date d'inscription : 04/04/2009
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Lun 24 Aoû - 23:45 | |
| J'entends près de mon lit une dolente voix Elle était à la voix de mon Lysis pareille Je sens un bras plus froid que marbre mille fois Dont l'un en me poussant, l'autre en criant m'éveille.
Un jeune homme tout couvert de plaies et de sang Se prosterne à mes pieds, ma poitrine se glace Mon coeur, saisi d'effroi pantelle dans mon flanc Et à ce triste objet je tombe sur la face.
Madame, me dit-il, assurez votre peur Je suis votre Lysis qui premier que descende Dans le val ténébreux plein d'éternelle horreur Le funèbre devoir je vous suis venu rendre.
Je reconnus sa voix, et ouvrant mes deux yeux Je remarquai maints traits de sa beauté première Lysis, dis-je en pleurant, quelle fureur des dieux t'a fait si tôt quitter le soleil de lumière?
Marguerite de France | |
| | | Innomable
Nombre de messages : 246 Age : 32 Localisation : Disparu là où il est dur de disparaitre... Date d'inscription : 07/01/2008
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Mer 16 Sep - 12:08 | |
| PSALM
Niemand knetet uns wieder aus Erde und Lehm, niemand bespricht unsern Staub. Niemand. Gelobt seist du, Niemand. Dir zulieb wollen wir blühn. Dir entgegen Ein Nichts waren wir, sind wir, werden wir bleiben, blühend : die Nichts-, die Niemandsrose Mit dem Griffel seelenhell, dem Staubfaden himmelswüst, der Krone rot vom Purpurwort, das wir sagen über, o über dem Dorn.
PSAUME
Personne ne nous pétrira de nouveau dans la terre et l'argile, personne ne soufflera la parole sur notre poussière. personne. Loué sois-tu, Personne. C'est pour toi que nous voulons fleurir A ta rencontre. Un rien, voilà ce que nous fûmes, sommes et resterons, fleurissant : la rose de Rien, la rose de Personne Avec la clarté d'âme du pistil l'âpreté céleste de l'étamine, la couronne rouge du mot pourpre que nous chantions, au-dessus, ô, au-dessus de l'épine.
Paul Célan | |
| | | Franz
Nombre de messages : 3379 Age : 33 Localisation : Les Biscuits Roses Date d'inscription : 03/07/2008
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Ven 5 Nov - 23:30 | |
| Les paroles des chansons de The Doors font le bonheur de l'apprentie angliciste que je suis. Tout comme celles de Bob Dylan, certaines chansons des Doors font l'objet d'étude en Littérature dans certaines écoles américaines. On ne peut pas évoquer The Doors sans parler des paroles qui accompagnent leur musique qui est tout aussi remarquable que savante. Je mets l'originale et non pas la version traduite en français, par peur de dénaturer la Bête.
The Crystal Ship
Before you sleep into unconsciousness I'd like to have another kiss, Another flashing chance at bliss, Another kiss, another kiss.
The days are bright and filled with pain. Enclose me in your gentle rain, The time you ran was too insane, We'll meet again, we'll meet again.
Oh tell me where your freedom lies, The streets are fields that never die, Deliver me from reasons why You'd rather cry, I'd rather fly.
The crystal ship is being filled, A thousand girls, a thousand thrills, A million ways to spend your time; When we get back, I'll drop a line.
Jim Morrison est (sans vouloir être radicale) l'artiste le plus brillant de son temps, il m'a toujours fait penser à Arthur Rimbaud. J'ai lu une quantité folle de choses à son sujet ; c'était quelqu'un d'extrêmement intelligent, intuitif, très cultivé et j'en passe. Adolescent, il était le genre perturbateur et à côté de ça, il avait des notes excellentes dans toutes les matières. Il a suivi des études de Philosophie où ses différents professeurs étaient consternés par l'étendue de ses connaissances littéraires et philosophiques. L'élève dépassait parfois le Maître devant la stupéfaction de ses camarades.
Je vous incite à lire des biographies à son sujet, c'est très passionnant. | |
| | | Goldmund
Nombre de messages : 2123 Age : 36 Localisation : Plus loin qu'ailleurs Date d'inscription : 23/12/2007
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Jeu 30 Déc - 12:19 | |
| - Sebastien K a écrit:
- Il me plait ce poème de Butor !
VAGABOND
En aucune partie du monde je ne peux m’établir
A chaque nouveau climat que je rencontre je reconnais avec lassitude qu’une fois déjà je m’y étais habitué
Et je m’en détache toujours étranger
Je vins au monde retour d’époques trop vécues
Jouir d’un instant seul de vie initiale
Je cherche un pays innocent
Giuseppe Ungaretti Camp de Mailly, mai 1918 * J'ai un peu de retard, mais cela me fait plaisir de lire ici des vers d'Ungaretti. La poésie contemporaine est trop peu connue, les gens préfèrent écrire de mauvais alexandrins. Dans ce domaine, nous sommes restés très XIXe, très "vieille France". D'une fleur cueillie à l'autre offerte l'inexprimable rien"Toujours", Giuseppe Ungaretti | |
| | | Franz
Nombre de messages : 3379 Age : 33 Localisation : Les Biscuits Roses Date d'inscription : 03/07/2008
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Mar 18 Jan - 21:26 | |
| Je vais te dire un grand secret Le temps c'est toi Le temps est femme Il a Besoin qu'on le courtise et qu'on s'asseye A ses pieds le temps comme une robe à défaire Le temps comme une chevelure sans fin Peignée Un miroir que le souffle embue et désembue Le temps c'est toi qui dors à l'aube où je m'éveille C'est toi comme un couteau traversant mon gosier Oh que ne puis-je dire ce tourment du temps qui ne passe point Ce tourment du temps arrêté comme le sang dans les vaisseaux bleus Et c'est bien pire que le désir interminablement non satisfait Que cette soif de l'oeil quand tu marches dans la pièce Et je sais qu'il ne faut pas rompre l'enchantement Bien pire que de te sentir étrangère Fuyante La tête ailleurs et le coeur dans un autre siècle déjà Mon Dieu que les mots sont lourds Il s'agit bien de cela Mon amour au-delà du plaisir mon amour hors de portée aujourd'hui de l'atteinte Toi qui bats à ma tempe horloge Et si tu ne respires pas j'étouffe Et sur ma chair hésite et se pose ton pas
Je vais te dire un grand secret Toute parole A ma lèvre est une pauvresse qui mendie Une misère pour tes mains une chose qui noircit sous ton regard Et c'est pour ça que je dis si souvent que je t'aime Faute d'un cristal assez clair d'une phrase que tu mettrais à ton cou Ne t'offense pas de mon parler vulgaire Il est L'eau simple qui fait ce bruit désagréable dans le feu
Je vais te dire un grand secret Je ne sais pas Parler du temps qui te ressemble Je ne sais pas parler de toi je fais semblant Comme ceux très longtemps sur le quai d'une gare Qui agitent la main après que les trains sont partis Et le poignet s'éteint du poids nouveau des larmes
Je vais te dire un grand secret J'ai peur de toi Peur de ce qui t'accompagne au soir vers les fenêtres Des gestes que tu fais des mots qu'on ne dit pas J'ai peur du temps rapide et lent j'ai peur de toi Je vais te dire un grand secret Ferme les portes Il est plus facile de mourir que d'aimer C'est pourquoi je me donne le mal de vivre Mon amour
Aragon. | |
| | | Franz
Nombre de messages : 3379 Age : 33 Localisation : Les Biscuits Roses Date d'inscription : 03/07/2008
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Jeu 20 Jan - 1:15 | |
| Sonnets.
29.
Lorsqu'en disgrâce aux yeux du Sort et des humains Je me prends à pleurer mon exil, solitaire, Harcelant le ciel sourd de gémissements vains, Maudissant mon destin quand je me considère, Lorsque je voudrais être un plus riche d'espoir, Enviant ses amis autant que sa prestance, Désirant l'art de l'un, de l'autre le pouvoir, De mes plus grands plaisirs tirant moindre plaisance, Pourtant, en ces pensers presque me méprisant, Je songe à toi soudain, et de pareille sorte Qu'alouette au matin du sol gris s'élançant, Je vais chanter un hymne à la céleste porte :
Ton amour rappelé m'apporte tels trésors Que pour celui des rois ne veux changer mon sort.
39.
Au muet tribunal de la douce pensée Quand sont mes souvenirs à comparoir cités Je soupire au défaut de mainte chose aimée, Vieux maux où je déplore à neuf mon cher passé. Sur amis qu'à jamais la mort en sa nuit cèle Je puis noyer un oeil malhabile à couler, Sur chagrins d'amour morts verser larmes nouvelles, Gémir sur maint objet à ma vue enlevé. Je suis en peine alors de peines oubliées; De malheur en malheur pesamment je refais Pour la payer encor, bien que déjà payée, La somme de ces pleurs qu'autrefois j'ai pleurés :
Mais si je pense à toi, tout ce que je perdis M'est rendu, cher amour, et mon chagrin finit.
65.
S'il n'est bronze ni pierre, ou terre ou mer immense Dont le triste pouvoir de la Mort n'est vainqueur, Contre cette fureur que sera la défense De beauté, dont la force est celle d'une fleur ? Le doux souffle d'été, comment tiendrait-il tête ? A l'assaut ruineux des jours au dur bélier Quand par les coups du Temps voient leur force défaite Et l'imprenable roc et la porte d'acier ? O terrible pensée ! A son coffre soustraite, Sa plus belle parure où, las, au Temps cacher ? N'est-il de forte main qui son pied vif arrête ? Qui le peut prévenir de dépouiller beauté ?
Personne, hélas, à moins que ce miracle agisse, Et que par noir sur blanc mon amour resplendisse !
66.
Las de tout, à la Mort le repos je réclame, Las de voir que mérite est né pour mendier, Qu'un néant miséreux dans le luxe se pâme, Qu'on trahit méchamment la pure loyauté, Que la vierge vertu à débauche est livrée, Que sont honteusement répartis les honneurs, Que la perfection est à tort diffamée, Que le pouvoir boiteux mutile la valeur, Que par l'autorité l'art a langue liée, Que la sottise prône et s'impose au talent, Que la bonne foi simple est simplesse nommée, Et que le bien captif est du mal le servant,
Las de tout, je voudrais tout quitter en ce jour Si mourir n'était point laisser seul mon amour.
71.
Lorsque je serai mort, ne pleure plus longtemps Que ne résonnera la cloche monotone Qui à ce monde vil annonce sourdement Que pour les vers plus vils mon séjour j'abandonne. Ne te rappelle point, si ces mots tu relis, La main qui les traça, car mon amour est telle Qu'en tes tendres pensers je préfère l'oubli Si mémoire de moi te doit être cruelle; Si donc, dis-je, tu viens à revoir ce blason Quand je me confondrai à l'argile, peut-être, Évite d'évoquer même mon pauvre nom, Mais laisse avec ma chair ton amour disparaître,
Car le monde pourrait à raison se moquer, Quand je ne serai plus, de te voir me pleurer.
Shakespeare. | |
| | | Lilith Littéraire et rôliste
Nombre de messages : 2638 Age : 35 Localisation : Intermédiaire. Date d'inscription : 04/05/2008
Personnages RP Pseudo: Lilith Pseudo : Erylie Pseudo : Madalyn
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Jeu 20 Jan - 1:33 | |
| Cette lune sur l'eau.
Cette lune sur l'eau Est-ce toi Cette lune dans l'eau Est-ce toi Est-ce toi reflet et éclat A toi-même inédits En ton unique mémoire Tu regardes Et tu t'éloignes Tu souris Et tu t'éloignes A jamais proche inaccessible Dans l'au-delà d'ici Dans l'au-delà de toi.
FRANCOIS CHENG
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| | | Melaka Chromatique
Nombre de messages : 4771 Age : 34 Localisation : Dans le bureau des Sordides Assistantes ! Date d'inscription : 30/10/2010
Personnages RP Pseudo: Melaka Pseudo : Inayat Pseudo :
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Jeu 20 Jan - 14:45 | |
| Complainte amoureuse d'Alphonse Allais Oui dès l'instant que je vous vis Beauté féroce, vous me plûtes De l'amour qu'en vos yeux je pris Sur-le-champ vous vous aperçûtes Ah ! Fallait-il que je vous visse Fallait-il que vous me plussiez Qu'ingénument je vous le disse Qu'avec orgueil vous vous tussiez Fallait-il que je vous aimasse Que vous me désespérassiez Et qu'enfin je m'opiniâtrasse Et que je vous idolâtrasse Pour que vous m'assassinassiez | |
| | | Franz
Nombre de messages : 3379 Age : 33 Localisation : Les Biscuits Roses Date d'inscription : 03/07/2008
| Sujet: Re: Anthologie Poétique. Jeu 3 Mar - 2:30 | |
| Maurice Rollinat — Les NévrosesL’Amante macabre
À Charles Buet.
Elle était toute nue assise au clavecin ; Et tandis qu’au dehors hurlaient les vents farouches Et que Minuit sonnait comme un vague tocsin, Ses doigts cadavéreux voltigeaient sur les touches.
Une pâle veilleuse éclairait tristement La chambre où se passait cette scène tragique, Et parfois j’entendais un sourd gémissement Se mêler aux accords de l’instrument magique.
Oh ! magique en effet ! Car il semblait parler Avec les mille voix d’une immense harmonie, Si large qu’on eût dit qu’elle devait couler D’une mer musicale et pleine de génie.
Ma spectrale adorée, atteinte par la mort, Jouait donc devant moi, livide et violette, Et ses cheveux si longs, plus noirs que le remord, Retombaient mollement sur son vivant squelette.
Osseuse nudité chaste dans sa maigreur ! Beauté de poitrinaire aussi triste qu’ardente ! Elle voulait jeter, cet ange de l’Horreur, Un suprême sanglot dans un suprême andante.
Auprès d’elle une bière en acajou sculpté, Boîte mince attendant une morte fluette, Ouvrait sa gueule oblongue avec avidité Et semblait l’appeler avec sa voix muette.
Sans doute, elle entendait cet appel ténébreux Qui montait du cercueil digne d’un sanctuaire, Puisqu’elle y répondit par un chant douloureux Sinistre et résigné comme un oui mortuaire !
Elle chantait : « Je sors des bras de mon amant. « Je l’ai presque tué sous mon baiser féroce ; « Et toute bleue encor de son enlacement, « J’accompagne mon râle avec un air atroce !
« Depuis longtemps, j’avais acheté mon cercueil : « Enfin ! Avant une heure, il aura mon cadavre ; « La Vie est un vaisseau dont le Mal est l’écueil, « Et pour les torturés la Mort est un doux havre.
« Mon corps sec et chétif vivait de volupté : « Maintenant, il en meurt, affreusement phtisique ; « Mais, jusqu’au bout, mon cœur boira l’étrangeté « Dans ces gouffres nommés Poésie et Musique.
« Vous que j’ai tant aimés, hommes, je vous maudis ! « À vous l’angoisse amère et le creusant marasme ! « Adieu, lit de luxure, Enfer et Paradis, « Où toujours la souffrance assassinait mon spasme.
« Réjouis-toi, Cercueil, lit formidable et pur « Au drap de velours noir taché de larmes blanches, « Car tu vas posséder un cadavre si dur « Qu’il se consumera sans engluer tes planches.
« Et toi, poète épris du Sombre et du Hideux, « Râle et meurs ! Un ami te mettra dans la bière, « Et sachant notre amour, nous couchera tous deux « Dans le même sépulcre et sous la même pierre.
« Alors, de chauds désirs inconnus aux défunts « Chatouilleront encor nos carcasses lascives, « Et nous rapprocherons, grisés d’affreux parfums, « Nos orbites sans yeux et nos dents sans gencives ! »
Et tandis que ce chant de la fatalité Jetait sa mélodie horrible et captivante, Le piano geignait avec tant d’âpreté, Qu’en l’écoutant, Chopin eût frémi d’épouvante.
Et moi, sur mon lit, blême, écrasé de stupeur, Mort vivant n’ayant plus que les yeux et l’ouïe, Je voyais, j’entendais, hérissé par la Peur, Sans pouvoir dire un mot à cette Ève inouïe.
Et quand son cœur sentit son dernier battement, Elle vint se coucher dans les planches funèbres ; Et la veilleuse alors s’éteignit brusquement, Et je restai plongé dans de lourdes ténèbres.
Puis, envertiginé jusqu’à devenir fou, Croyant voir des Satans qui gambadaient en cercle, J’entendis un bruit mat suivi d’un hoquet mou : Elle avait rendu l’âme en mettant son couvercle !
Et depuis, chaque nuit, ― ô cruel cauchemar ! ― Quand je grince d’horreur, plus désolé qu’Électre, Dans l’ombre, je revois la morte au nez camard, Qui m’envoie un baiser avec sa main de spectre.
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