Encore une ancienne nouvelle...
A savoir qu'Aika signifie "lamentation", "chanson triste", et Sadako "enfant du bonheur".
-Hé.
-Quoi ?
-T'en as pas marre ?
-Si.
-De quoi ?
-De tout.
-Moi aussi.
Il y eut un silence. Puis Sadako reprit :
-Hé.
-Ouais ?
-On peut mettre un terme à tout ça.
-Je sais.
-Toute seule, c'est dur. Mais faisons-le ensemble.
Silence.
-Quoi, tu hésites encore ?
-Oui...
-Pourtant, y'a pas d'autre solution. T'es pas d'accord ?
-Je ne sais pas...
-Oh mais on a cherché, on a cherché. Qu'est-ce qu'on fait encore là ?
-Pas grand chose.
-Tu veux pas arrêter de souffrir ? T'y as pris goût ou quoi ?
-Bien sûr que non.
-Alors faisons ça. C'est la seule solution. Ensemble, on peut le faire.
-Laisse-moi réfléchir...
-A quoi ? Tu ne feras que retarder l'heure de ta délivrance. Autant foncer tout de suite. Y'a rien à craindre. Personne s'en apercevra. Et on sera enfin heureuses. Ensemble... pour toujours.
-Mais, et si...
-Si quoi ? Bon Dieu, ici c'est pourri. Et je jure par Dieu, mais c'est qui ça ? Un vieux con, rien qu'un vieux salaud qui nous a abandonnées. Donne-moi la main.
-Mais je sais pas, je sais pas si c'est une bonne chose. Y'a peut-être encore des trucs à faire ici, peut-être que si on s'accroche on pourra... on pourra...
-On pourra quoi ? Quoi, bon sang ? On peut rien. On peut rien et on pourra jamais rien. Rien, nada, quedalle. C'est foutu. Dès notre naissance même, on était foutues.
-T'as raison.
-Mais il y a un moyen, un seul, un unique échappatoire et tu le connais.
-Oui.
-Tu vois.
-Sadako... donne.
-Hein ?
-Ta main.
Sadako tendit sa main froide et squelettique vers Aika. Cette dernière la saisit et regarda son amie droit dans les yeux; ses yeux d'un noir si profond et si pénétrant, un peu cachés sous ses cheveux noir corbeau. Elle était tellement belle... On ne pouvait rien lui refuser. Ensemble, tout était possible. Sadako sourit d'un sourire qui déchira le coeur et les entrailles d'Aika. Dire qu'elle ne pourrait plus voir son sourire après...
-Hé. Hé !
La jeune fille brune passa sa main libre sur la visage de son amie trempé de larmes. Elle s'approcha lentement de son visage avec un sourire serein.
-Ah... désolée... murmura Aika.
Sadako ne dit rien, elle se contenta d'approcher ses lèvres de celles de la petite fille blonde jusqu'à ce qu'elles se rencontrent. Aika l'embrassa avec toute la vie qu'il lui restait. Elle lui donna tout.
-Aika.
-O...oui.
-Aika, je t'aime.
-Moi aussi...
La petite sauta au cou de son amie.
-Moi aussi je t'aime Sadako !
-Allez. Ensemble. Il faut le faire. On restera ensemble pour l'éternité. Je n'ai jamais aimé personne d'autre que toi. Faisons-le !
-Ok.
-Tu as peur ?
-Je n'ai plus peur maintenant. Je ne veux rien d'autre qu'en finir. Mettre fin à cette horreur, à ce cauchemar.
-Oui, Aika. Oui. Quand on l'aura fait, tout sera fini. Tout ne sera plus qu'un mauvais rêve.
-Oui.
-Le bonheur, le vrai bonheur, c'est celui qui nous attend après ça.
-Je suppose.
-Je le sais.
-Alors je te crois.
-C'est bien, Aika.
Sadako l'embrassa encore une fois.
-Sadako, je te suivrai partout où tu iras. Qu'importe les difficultés, avec toi, je peux tout faire.
-Surtout ça, Aika, c'est la bonne chose à faire.
-Ou plutôt la seule.
-Oui, c'est la seule solution.
-Oui...
-Bon.
- Mmh ?
-Allez.
-Déjà ?
-Il le faut.
-Sadako...
-Aika, suis-moi.
-Comment va-t-on faire ?
-Suis-moi, je te dis.
-Je te suis. Je te l'ai dit : partout où tu iras, je te suivrai.
Et Sadako entraina la petite Aika jusqu'au tout dernier étage. Ensemble, elles montaient au paradis. Arrivées au sommet, Aika ne put réprimer un frisson. C'était haut. Elle regarda le vide avec un mélange de crainte et d'envie.
-On va vraiment faire comme ça ? demanda-t-elle.
-Ouais, si ça te dit.
-Je m'en fiche.
-On peut aussi prendre ces cachets, si ça te dit.
A ces mots, Sadako sortit élégament une boîte rose bonbon de sa poche. Elle avait dessiné une tête de mort dessus. Aika sourit. Son amie était très douée pour le dessin. Un talent gâché...
-En fait, ça m'est égal, lança-t-elle tout à coup, brisant le silence rêveur qui avait pris place.
-Moi aussi, répondit rapidement Sadako.
-Tant qu'on le fait ensemble...
-Tomber du ciel, comme des anges déchus... j'aime bien l'idée.
Se disant, Sadako avait levé les yeux vers le ciel d'un bleu azuré. Aika déclara alors en montrant la boîte rose :
-On en prend un chacune, et on les partage d'un baiser...
-Ah, oui, accorda l'autre, redescendant sur terre.
Aika rit.
-Tu es romantique, dit Sadako.
-Assez. Mais toi plus que moi.
-Chacun à sa manière. C'est mignon. Non, c'est toi qui est mignone.
Elles s'embrassèrent encore une fois.
-J'aime quand tu m'embrasses, dit Aika. C'est bon.
-J'aime le faire aussi, Aika.
-J'aime aussi quand tu dis mon nom.
-Il est si beau, c'est agréable de le prononcer.
-Toutes ces bonnes choses...
-Non, pas de regrets, répliqua Sadako sur un ton dur.
-Désolée.
-Tu ne dois pas partir avec des regrets. Tu dois être persuadée que tout est fini ici. On doit partir.
-Ne t'inquiète pas. Je n'ai pas regrets. Puisque je serai avec toi.
-Bien.
Sadako attrappa soudainement la main d'Aika et l'entraina vers le vide.
-Ensemble... murmura-t-elle.
-Ensemble.
-Pour toujours...
-Je t'aime.
Et comme animées par la même volonté, les deux jeunes filles sautèrent. Ces mêmes mots résonnèrent en choeur dans leurs âmes pendant leur chute vers le bonheur :
"Ensemble pour l'éternité."