Soir de pleine lune...

Il est là, tapi dans la neige, la lune comme seule confidente, éclairant ses songes et réchauffant son cœur. Il fuit. Ou du moins, il cherche à fuir. Car il est trop jeune et trop faible pour échapper à son destin. Trop jeune et traumatisé. Il vient de les voir attaquer sa famille, ils viennent de lui arracher ses parents, eux qui sont tout pour lui. Il n’a eu que le temps de courir, courir loin, là où ils ne pourront jamais le retrouver. Mais l’un d’entre eux le traque sans cesse, de jour comme de nuit.

Il veut se venger, il veut l’entendre hurler, hurler de douleur, comme ses parents l’ont fait. Il fait nuit, et son amie est là, la lune. Elle sera ses yeux dans cette pénombre glaciale. Les flocons recouvrent le sol de part et d’autre du paysage. Il l’attendra ici.

« Tu verras mon enfant, les êtres peuplant ces terres sont de nature vile et insouciante. Tu en souffriras. Mais rassure-toi, ils ne sont pas tous comme cela, et certains même te feront oublier la souffrance semée par les autres. » Il pense à son grand-père. Il lui avait dit ces mots, peu avant l’attaque du village.

Ils sont tous ainsi et ne méritent pas plus de compassion que de respect. Il doit se venger, pour son grand-père, pour ses parents.

Le vent souffle et sa vision est obstruée par la multitude de flocons tombant du ciel. Un bruit menace, la neige craquelle et se meurt sous son pas pressé. Il se rapproche. Une silhouette apparait. Il attend le bon moment pour bondir et lui faire face. La fatigue lui pèse et son manteau de neige le refroidi. Il est immobile.

Il sent une présence s’immiscer derrière lui mais son corps ne répond plus. Le froid gagne du terrain. Il se meurt. Son corps se réchauffe soudainement, serait-ça l’adrénaline ? Le fait de penser à son grand-père lui donnerait-il la force de se venger ? Non, il n'en peut plus. L’autre est là, juste derrière, l’enroulant dans une couverture, le protégeant du froid glacial. « Tu es malin tu sais, j’en aurai parcouru des kilomètres pour te retrouver. » Il lui parle, le réconforte. « Je t’emmène au village, tu va t’y plaire, tu verras. »

Il se demande pourquoi. Pourquoi son pire ennemi lui sauve-t’il la vie ? Ou serait-ce son ami ? Son grand-père avait donc raison, ils ne sont pas tous ainsi…

Il s’endort, las de fuir, dans les bras de l’homme.

Il fait jour, elle n’est plus là. Il attendra le soir pour lui raconter son aventure. Le ciel est bleu, d’un bleu si doux qu’il en reste muet. Lui qui l’avait toujours connu si gris.

L’homme s’approche, muni d’un espèce de bol. Il lui fait signe de manger. Il s’exécute. « Mange, tu va en avoir besoin. Je rassemble le village, rejoins nous quand tu seras prêt. »

Il est rassasié. Il n’avait jamais rien mangé de tel. Il fait bon vivre ici, la nourriture est bonne, et le ciel est d’un bleu si pur… Il se dirige vers la place du village, lieu présumé du rendez-vous. Et si c’était un piège ? Et si il l’avait amadoué pour mieux le ‘prendre’ ? Non, il
lui doit la vie, il ira au rendez-vous.

L’homme se lève, le voyant approcher. La foule est muette. Il l’accueille et lui fait signe de s’assoir à ses cotés. L’homme prend la parole :

« Je vous présente Yué. Yué est un jeune loup dont la tribu des Narjax ont tué la famille. Je l’ai recueilli après l’avoir traqué pendant des heures. Il est doté d’une intelligence et d’un instinct de survie plus qu’admirable. Il vivra avec nous jusqu’à nouvel ordre. » Il se penche vers le jeune loup, pose un genou à terre, le serre contre lui et lui murmure : « Tu es des nôtres maintenant, soit le bienvenu en Ter Aelis. »

Le loup ferma les yeux un bref instant, hochant la tête, comme pour remercier l’homme. Il se leva, acclamé par la foule chaleureuse et leva les yeux au ciel. Il avait hâte de lui raconter…

Un loup. La nouvelle avait fusé à travers tout le pays pour finalement tomber dans l'oreille pointue de l'elfe au détour d'une bagarre avec un marin à la taverne. Celui-ci, qui avait trop bu et n'avait donc pas pensé à qui il disait ça, s'était plaint de l'arrivée d'un nouveau représentant de la race lupine, arguant des ravages qui allaient encore s'en suivre. La plaintif s'était vite retrouvé dans le port de Galvorn avec 3 griffures saignantes sur le torse et l'interdiction de revenir à la taverne, ce qui le privait du spectacle fascinant de la danseuse elfe.

Après s'être débarrassée du malotru, Lùthien s'était rendue jusqu'à Belthil pour y rencontrer le nouveau venu. Apparemment, son ancienne vie ne lui avait pas laissé que de bons souvenirs des humains et, puisque la pleine lune était pour le soir même, l'elfe approcha sous sa forme de loup.

C'est donc une louve noire qui s'avança vers le loupiot, humant l'air autour de lui. Son odeur et son état racontait sa vie, sa fuite, ses peurs. Le regard doré de la louve rencontra le sien, reflétant sa curiosité à l'égard de ce jeune loup.

"Loup loup, ou es-tu ?"

Ha, il est là...

"Promenons nous dans les bois..."

Il y a de bien belles forêts en Ter Aelis, près d'Echoriath.

"S'il y était..."

J'espère bien qu'il y sera !

"Il nous mangerait..."

Mais non, ça à l'air d'être un gentil loup.


Mais bref, loin de Teclis l'idée de faire de l'houmour. Il espérait que ce nouveau venu se plairait sous le soleil et la loune de ces contrées. Ter Aelis était un endroit accueillant, surtout pour des personnes dotées de talent pour l'écriture.
L'elfe, de part sa capacité à se transformer parfois en chien, pouvait connaitre et apprécier les états d'âme, les questions, les interrogations qui pouvaient tenailler ce loup, notamment sur l'espèce houmaine.
Et une seule réponse devait s'imposer, véritable, indéniable, absolue : ils faisaient de la très bonne crème chantilly.