la plume en feu ·

Mes poëmes s'acheminent à la mine de crayon,
mes mots taillent, à la craie,
à nous, mîmes, qui croyons,
mine de rien, qui créons, un visage un portrait.

Le stylo s'entortille autour d'un trait, la feuille
est folle et floue et disparaît,
l'entrelac est dansant et se fait le cercueil
du point vibrant à la fin de la phrase.

L'entrelac est bien mort, morcelé et s'endort
car les mots on prit fin sous le corps qu'un parfum
évanescent taisait. Le temps d'un seul coup se ramène
et brûle le papier trop fin.

Hey ! Mais les mots dansent ! Regardez ! Ils s'allument ─
ils sont bleus, hauts, et lumineux ils fument
comme un brin de pensée qui se tordrait d'amour ─
les mots tombent du bord de mon cordeau de jour...

je suis tailleur de mine, de crayon, de visage.
Déchirant dans l'arête, je peins homme et passage,
je suis nuage à naître, je suis pierre dans l'eau,
ricochet j'éclabousse et j'échoue bien trop loin.

J'ai mis le feu aux sens et comme un roi le soir,
j'observe l'harmonie le long de l'encensoir,
rideau pâle et grisaille je laisse tout tomber.
Hey ! Regardez ! Les mots brûlent nos plumes !

Hérisson, l'idée qu'on interprète mon texte est assez loin de me déplaire, n'hésite donc jamais à dire exactement ce qui te vient à l'esprit, je ne suis pas là pour vous faire trouver le sens que j'accorde à mes mots... je pourrais epliquer en un assez long commentaire ce petit tas de vers qu'il n'en serait pas mieux. En fait, si tu découvres en lisant exactement ce que j'ai voulu écrire alors cela veut dire que tu raisonnes comme moi, ce qui n'est pas souhaitable. Évidemment j'ai envie que ce texte soit perméable et vous file un peu du mot phlaurian, mais qu'il file et se fêle est assez naturel.

Là même où tu dis que d'un seul coup le vers devient bizarre, associant corps et parfum sans qu'on sache pourquoi et revenant ensuite au feu, il faut - selon ce que je ressens lors de l'écriture - accepter ce détour par quelques pensées miennes qui sont inexprimables. Si l'on n'essayait pas de dire des choses folles, ou un peu difficile, on ne dirait jamais rien, hein ? En réalité c'est toujours la même chose qu'il faut lire, le corps est le signe, l'entrelac, la boucle qui s'exprime à l'instant où je signe ; le parfum c'est le feu, brûlant il fait sentir la fleur et rejaillir le bois de sous mes doigts. Tout cela était tu et tout cela m'a traversé au bord de quelques mots, les écrire les rendait consistants et abstraits à la fois, leur attribuait un corps et un sens, ce qui est contradictoire mais qui veut bien dire que l'homme, même s'il a un corps, peut trouver un sens en imitant le mot.

Mais cette tentative d'explication est presque l'aveu de mon échec à vous observer vous éclabousser avec mon texte, là où des gouttes retombent j'ai l'habitude de comprendre mieux, et plus on s'y projette fort, plus les poissons ont peur...