Je commencerai par dire que l'encadrement de la prose par les deux courtes strophes qui respectivement ouvre et ferme le poème est assez intéressant ; la construction imite, il me semble, le repli du locuteur. Le corps qui énonce ces mots a le pouvoir (et cela grâce à l'écriture) de se recroqueviller et pour ainsi dire se pénétrer lui-même : les bouts de fantasmes et les bouts de corps fusionnent puis engendrent des monstres de l'esprit, couchés sur le papier. Ici, on boit "un pied de vigne" (il faut imaginer un vrai pied) et "le chemin porte une semelle" ; il ne faut pas comprendre : "des gens marchaient sur ce chemin" c'est belle et bien cette image de chemin qui devient un pied, il devient matière vivante.
L'idée d'auto-pénétration pour signifier la recherche de soi, la compréhension de soi, n'est pas originale, c'est ton traitement du sujet qui est très intéressant. Le corps se mange et se digère en poésie, en fantasme et rêverie ; à présent dans l'estomac de "l'ogre de la nuit". Estomac dans lequel on se dévore encore et toujours, on se mâche sans cesse, pour élaguer "les troubles et les regards bas" (même si il est dit qu'on ne veut pas les rejeter) et finalement remplacer les membres manquants par des souvenirs invoqués (l'idée d'invocation est soutenue par ces verbes pronominaux qui sont comme des injonctions).
(Ajout : Le ton de la première strophe est un peu bateau, trop cutané. Comme l'a soulevé Hérisson, il faut revoir la longueur des phrases ainsi que leur enchaînement : on trébuche quelquefois. La strophe qui ferme le poème est superbe.)