Les Thermes [zone publique]

D'un geste d'indifférence le Prince envoya Cassiopée accompagner Sharah In vers les vestiaires tandis qu'il se dirigeait vers la sortie. La chaleur des thermes laissait autour de lui une brume givrée qui suivait pas à a pas son chemin jusqu'à former un sillon. Le froid de l'être restait insensible aux vapeurs ambiantes. Poussant les lourdes vapeurs, il aspira l'air de Wilwarin. Une seconde son regard portait sur les milliers de lumières de la ville flottante plongée dans la nuit fraîche mais on le déragea rapidement pour l'informer que le bâtiment était cerné au cas ou elle tenterait de s'enfuir. Il fit un léger coup d'épaule pour répondre

Elle semble fatiguée, elle n'irait pas bien loin. Et nous sommes dans le ciel, il lui faudrait prendre les nacelles pour retourner à terre. En l'occurrence nos dragons veillent.

Bondissant de l'horizon une tête de bronze armée de crocs immenses apparut face au Prince. Il tendit la main pour caresser le museau de la bête immense avant de lui murmurer:

Ouvrez bien vos yeux et restez discret. Je ne voudrai pas lire dans les journaux demain que des dragons ont assiégé la Cité Volante durant une longue nuit... .

Le Dragon sembla cligner des yeux avant de disparaître dans une bourrasque, secouant une mèche de cheveux qui cachait l'opale de Pouvoir sur le front de Sanz. La musique de la jeune enfant ne l'intéressait pas, c'était plus probablement le rapport intime qu'elle entretenait avec ce qui ressemblait à un artefact de puissance qui l'intriguait. Ces derniers temps, ce genre d'objet semblait émerger de façon plus insistante et leur apparition était en soi étrange pour s'être tus pendant de longs siècle. Repoussant sa cape dans son dos, il jeta un coup d'oeil vers les Thermes.

Récupérer ses affaires, bien observer les possibilités de fuite, réfléchir à une possible solution, sans en avoir l'air. Le tout sous le regard de Cassiopée, appuyer contre le montant de la porte. Il va sans dire que Sharah'In prit tout son temps pour récupérer ses quelques vêtements et sa paire de botte, avant de finalement rejoindre Cassiopée.

Sans un mot, les deux femmes quittèrent les lieux, rejoignant Sanz à l'entrée des Termes. Ce dernier semblait préoccupé, sans vraiment qu'elle sache pourquoi. Etait-ce elle qui le mettait dans cet état ? Possible, même si elle ne s'imaginait pas vraiment provoquer ce genre de réaction chez le Prince. Malgré tout, elle avait opté pour l'attitude dédaigneuse, voire carrément impassible. Il était certain qu'elle ne ferait rien pour les aider, sans pour autant se montrer agressive ou récalcitrante. Du moins pour le moment.

Aussi, forte de cette résolution, elle se planta devant Sanz tout en le dardant du regard, air de dire "Et maintenant ?"

Cassiopée suivait autant Anamorphose que Sharah’In. Elle surveillait la main de la femme sur l’instrument et écoutait le moindre de ses gestes comme si l’instrument pouvait se dématérialiser en même temps que sa maîtresse. Cassiopée avait collé ses perceptions au duo.
Elle sentait la tension qui habitait Sharah’In et sa mauvaise humeur autant que sa fatigue. Mais elle sentait aussi le désir de fuite et la colère qui grondait en elle. Anamorphose ne bronchait pas mais se tendait vers la musicienne.
Lorsque la femme fut chaudement vêtue et que prête à les suivre elle se planta devant Sanz, presque virulente, elle eut envie de l’apaiser.
Elle esquissa un geste vers elle qu’elle refréna, sentant sourdre l’irritation, pour se contenter de dire avec douceur :

- Nous avons mutuellement à nous apprendre. Notre voyage sera un voyage d’étude dont vous tirerez un grand bénéfice. Ne soyez pas si fermée. Vous avoir découverte fut un événement majeur pour la Connaissance.
Elle souria presque quand elle montra l’instrument que l’Enfant de l’Unique tenait entre ses mains comme le plus précieux des biens, avant de poursuivre.
Anamorphose est belle, elle semble vivante. Serrez la bien contre votre corps pour la réchauffer. Issac va nous emmener vers les monts de l’Orgueil et le froid qui règne au delà pourrait bien effrayer votre main.

Sur ces derniers mots, Cassiopée conduisit Sharah’In vers le coin le plus sombre de la ruelle latérale où les attendait Issac dans un repli de lumière à l’ombre et à l’abri des regards.
Elle cala Sharah’In contre la crète majeure et se serra contre elle afin de lui conserver sa chaleur pendant la traversée.
Alors, sans préambule et sans peur, unie à Issac au-delà d’elle-même, le dragon s’envola, montant vers le ciel comme une tornade s’élève vers les cieux. Prenant de la vitesse, il atteignit les sommets des nuages très rapidement et Cassiopée enveloppa Sharah’In d’une peau d’air chaud pour qu’elle ressente moins fortement la pression presque insoutenable qui précédait la passage d’une fenêtre du Néant.

Elle lui murmura juste avant de disparaître :
-Tu vas percevoir un temps interminable pour les millions d’yeux de l’Univers, là où la perception se perd dans l’incertitude. N’aie pas peur.

-Tu vas percevoir un temps interminable pour les millions d’yeux de l’Univers, là où la perception se perd dans l’incertitude. N’aie pas peur.

Les mots sonnèrent aux oreilles de Sharah'In avec chaleur. Alors qu'elle serait contre elle Anamorphose, elle admirait le dragon sur lequel elle se trouvait. La créature la fascinait, elle devait bien l'admettre. Magnifique. De même la fusion palpable entre Cassiopée et lui lui faisait étrangement penser à elle et Anamorphose.

Mais elle n'avait pas peur. Elle se sentait étrangement sereine, grattant trois petites notes du bout des doigts, plus machinalement que par besoin. Elle avait la sensation de plonger, de se retrouver soudain vide et pleine à la fois, consciente et inconsciente, dans deux états à la fois antagoniste et proche, sans pour autant arriver à l'expliquer. L'effet du voyage, sans doute, bien qu'elle fut loin d'être capable de formuler pareil raisonnement. Elle redoutait le froid, mais c'était une étrange tiédeur qui l'enveloppait.

Derrière elle, la présence de Cassiopée se confondait avec celle de sa monture, bien qu'elle savait pertinemment que ce genre de terme était inapproprié.

Apprendre. Voilà ce que la jeune femme lui avait promis. Et elle espérait que ce serait bien cela qui l'attendrait au bout de ce voyage, à la fois extrêmement rapide et lent.

Lorsque Sharah'In ouvrit les yeux qu'elle n'avait pas eu conscience de fermer, la jeune femme découvrit le paysage froid, blanc, enneigé des montagnes.

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