[Conf. Sang]L'Envol du Cygne [ Histoire de Sargas ]

D'un bond furieux, jouant avec l'incertitude des vents, l'incertitude du temps, un dragon aux ailes bleus sombre filait entre terre et ciel, jouant l'équilibriste d'une harmonie chaotique, retombant brusquement cent mètres plus bas avant de remonter tel une flèche vers le soleil rouge. Inlassable dans ses ballets aériens, il dominait les jardins suspendus des Palais du Sang. Placés en retrait a quelque centaines de mètres au dessus du sol, ces paysages fleuris jouissaient d'un ensoleillement constant et permettait a quiconque voulait se reposer des jardins immenses et paisibles. Sargas aimait jouait dans cet endroit car il était généralement désert - pour heure les membres de la Confrérie ne trouvaient généralement jamais de temps de repos.

Calmant son jeu il s'approcha d'un parterre de rose et frôlant de ses griffes une des fleurs il tomba nez à nez avec une feuille qui s'était déposé sur son nez; gêné et colérique de nature il tenta de l'enlever mais le frêle objet semblait porté par un vent qui la faisait s'enfuir à chaque coup. Rageur il commença à balafrer l'espace en tentant de la rattraper. Battant des ailes, envoyant ses coups de pattes vain il combattit longtemps le vide avant de se considérer vaincu et déposer sa lourde gueule sur le sol en regardant léviter a quelque mètres de lui.

Quel est ton jeu, petite herbe... Qui te dirige, et pourquoi viens tu ici?

Repliant ses ailes sur son corps, il sembla nimbé de lumière avant de se transformer en un jeune humain aux yeux percés du triple iris, héritage du Sang. Ses cheveux de jai retombaient sur ses épaules tandis qu'une mèche insolente couvrait son front. A ses joues les arabesques prophétiques décoraient sa peau jusque dans son cou où pulsait au même rythme que son coeur un tatouage en forme de dragon. S'essayant en face de la feuille dévergondée, il croisa ses bras et se recouvrit d'habits d'essence et de vent. Jamais il ne portait d'habit mais laissé la magie recouvrir sa nudité ; il tenait cette habitude de celle qui veillait sur lui et avait pris goût à ces légèreté.

Avec douceur son âme versée aux arts mentaux prit possesion de la feuille et par la pensée l'attirant à lui il la déposa dans sa main. Ainsi il put contempler les fines nervures et se rendre compte que sa couleur n'était pas verte mais semblait être le reflet d'un arc-en-ciel.

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Immobile derrière le buisson de rose, minuscule, Egorann avait observé les arabesques que le dragon dessinait dans le ciel et au raz de la terre, jusqu'à ce qu'il se pose et chatouille de sa griffe une fleur qui frémit à son contact. En murmurant, l'elfe avait éveillé une feuille afin qu'elle danse avec la gueule de l'animal. Il tenta de la chasser, puis finit par déployer sa rage avant, enfin, de s'immobiliser sur le sol. Egorann ricana. Soudainement, le dragon se para de lumière et se transforma en humain. La jeune fille resta bouche bée et contempla les formes de l'être qui se tenait devant elle. Elle remonta le long de son corps et finit par apercevoir ses yeux, qui étaient percés de trois iris. Elle frémit et pensa immédiatement à celui dont on lui avait parlé et qu'elle redoutait, Sanz. Elle plissa les yeux en se demanda qui était celui qu'elle observait, puis, quand il eut prit le contrôle de sa feuille, elle reprit taille humaine et s'avança vers lui. Il leva les yeux, l'observa un instant sans changer l'expression de son visage.

Qui es-tu ?

Dans son esprit passa une pensée fugitive. S'il était aussi facile de l'énerver, elle allait rire bien souvent de son caractère, si elle le pouvait et s'il n'étais pas Sanz, bien entendu.

Appuyée sur le rebord de la fenêtre de la haute tour dans laquelle elle aimait se réfugier pour réfléchir, Cassiopée observait les ébats de Sargas.

L'enfant mutait maintenant avec simplicité. Il passait de son essence dragonne à son essence humaine avec une aisance telle que son corps pouvait à volonté prendre l'apparence de l'un ou de l'autre. L'un emboîté à cet autre qui n'était que lui-même.

Sargas était le seul, sur les monts de l'Orgueil, a être associé au Sang dès sa conception. Parce qu'il était né marqué du dragon à la naissance, Cassiopée avait juré à sa mère, Grendelor, de veiller sur lui. Elle jouait, depuis, pour l'enfant grandi trop vite le rôle de la marraine aimante mais exigeante.

Mais Grendelor avait quitté les palais des Monts Lunaires pour une destination inconnue, et Sargas n'avait plus reçu de nouvelles d'elle depuis tant de temps qu'une peine immense l'envahissait peu à peu.
Cassiopée ressentait dans ses veines, le malaise qui gagnait l'enfant.

Sargas, qui avait toujours aimé les longues promenades solitaires sur le dos d'Eve, se métamorphosait en elle et le caractère brûlant du dragon animait la plupart de ses pensées.

Mais aujourd'hui, Cassiopée le sentait mélancolique. Aussi, s’apprêtait-elle à le rejoindre afin de s'inciter à dévier ses pensées vers des apprentissages qui lui feraient oublier pour un moment sa tristesse.

Elle jeta un dernier regard en sa direction avant de descendre, quand elle aperçut une jeune fille surgie de nulle part qui lui faisait face. Surprise de cette intrusion dans le domaine du Sang, elle appela immédiatement ses gardes.

- Qui est cette fille dans les jardins ?

Au nord des jardins apparut subitement des Wyrmes de chasses, montés par des sentinelles. Leurs déplacement rapides et silencieux ne laissèrent pas Sargas dans le doute. Elles avaient été appelées et un protecteur devait traîner dans le coin. Ce n'est qu'à ce moment là qu'il perçut la présence de Cassiopée, son irritation se transforma en une sorte de dédain, réconforté par l'arrivée de sa marraine.

Vous ne devriez pas être ici, ce monde n'est pas le votre. Le maître va pas tarder et il risque de vous arriver des bricoles que vous n'allez pas forcément apprécier. Nous n'aimons pas les étrangers, ici.

Son air était devenu narquois et hautain, comme s'il cherchait à s'imposer devant celle qui l'avait provoquée quelque secondes plus tôt. Se tenant droit et fier pendant que les Wyrmes les encerclait. Il la désigna d'un doigt moqueur.

Qui est tu, toi qui ne me connait même pas?

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Egorann sourit largement en réponse à l'être qui semblait prétende devoir être connu de tous. Elles éclata de rire et disparu. En réalité, elle était minuscule et masquée par les hautes herbes. Elle s’effaça et se matérialisa derrière celui qu'elle narguait. A nouveau à taille humaine, elle s'exclama :

Moi ? Je suis Egorann ! Cependant jeune homme, vous devez savoir par une quelconque éducation qu'il est bien impoli de répondre à une question par une question. Mais vous ou vos représentants déployez des forces que je ne suis pas capable de combattre seule. Je vais donc me retirer, en vous souhaitant une bonne fin de journée !

Elle devint à nouveau minuscule, s'approcha du pied humain, cueillit une herbe, en fit une épée, l’enfonça dans la chair avant de se matérialiser sous le buisson de rose. En voyant l'agitation qu'elle avait créée, elle se tordit de rire sous les fleurs avant de s'allonger, à la taille d'une libellule, en respirant l'air des fleurs et en prenant bien garde de ne pas trop proférer de pensées ou de mouvements. Être repérée ne lui semblait pas urgent.

Personne ne put répondre à l’interrogation de Cassiopée concernant la fille qui faisait face à son filleul. Bien qu’elle fasse entièrement confiance en Sargas pour être capable de se défendre seul, l’inquiétude l’avait gagnée.

« Comment cette fille était-elle entrée dans les jardins du palais du Sang ? »

Elle avançait à grands pas dans les couloirs. Les gardes avaient été alertés mais elle voulait être sur les lieux et pouvoir enquêter elle-même au sujet de cette étrangère.
Lorsqu’elle passa le porche qui menait aux jardins, une jeune elfe faisait face à Sargas et levait la tête vers lui d’un mouvement canaille.
Mais, elle allait l’apostropher quand, la fille disparut de sa vue, laissant Sargas interloqué.
Celle-ci réapparut derrière le dos de son filleul le temps d’un murmure et s’évanouit à nouveau.
Cassiopée qui avait stoppé sa progression, plissa les yeux, cherchant la présence qu’elle sentait sans voir.

- Elle est ici.

S’adressant au chef d’escadrille :

-Que les Whyrmes la cherchent et la trouvent.

Elle ajouta :

-Dans l’instant.

Les ordres avaient été jetés en un éclair et très vite les énormes whyrmes survolèrent le jardin, effleurant avec une précision impressionnante le moindre brin d’herbe.
L’une d’entre elle posa ses énormes griffes sur un petit buisson de roses et émit un sifflement.

Cassiopée s’approcha d’elle.

- Ah ! Enfin ! Nous la tenons.

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Egorann, yeux fermés, savourait la fraicheur de sa cachette, quand, soudainement, un courant d'air beaucoup trop fort vint lui chatouiller le nez. Elle ouvrit les yeux, un sourire paisible sur le visage, et se retrouva nez-à-nez avec quelque chose qui ressemblait fortement à une griffe. En tous cas, c'était beaucoup plus grand qu'elle. Elle réduisit un peu sa taille et passa dans le très mince interstice que laissaient encore voir la griffe et le sol. Elle s'étira au soleil, trop petite pour qu'on ne la voie.

Tout d'un coup, elle se sentit balayée par un souffle puissant, la whyrme ayant détourné son regard du buisson.
Egorann, affolée, se sentit soulevée. Ne comprenant pas pourquoi, elle regarda dans tout les sens en se débattant, avant d'éclater de rire. Trop petite pour être lourde, elle s'était envolée sous la puissance du souffle bestial, qui, d'ailleurs, avait forte mauvaise haleine. Elle observa ce qui l'entourait, et aperçut une femme, sourcil froncés, qui observait sa bête. Elle se matérialisa au dessus de son épaule, et, un peu ballotée par les vents, elle lui cria dans l'oreille.

Il faudrait faire quelque chose pour l'haleine de vos choses ! C'est inhumain !

Avec un petit sourire satisfait et avant que la femme n'ait le temps de réagir, elle retourna, décidée à atteindre son but, vers le jeune garçon. Par terre, elle repris une taille humaine à ses côtés. Elle sentit les gueules des animaux se tourner vers elle, et, en priant pour ne pas se faire attraper par quoi que ce soit, elle dit très vite :

Bon, alors, comment tu t'appelles ?

Juste après ces mots, elle disparut.

Ce fut une effervescence chez les Wyrms qui surpris par les étranges pouvoirs de la petite étrangères ne réussirent pas à mettre la main dessus, et quand une griffe l'attrapait elle était déjà ailleurs. Il s'en suivit un long battement d'ailes froissées et de jeu étrange d'une aiguille dans une botte de foin qui jouerait à cache-cache. Jusqu'à ce qu'elle provoque Cassiopée et Sargas, et déposant sa révérence dans une pichenette reposa sa question. Sargas ne sut comment réagir. Elle paraissait félonne et joueuse, insaisissable et moqueuse. Cela plût a l'Enfant habitué de vivre dans un monde barbare. Dans un souffle, sa voix comme un murmure résonna dans tout le ciel pour lui répondre :

Je me nomme Sargas, et je suis l'enfant d'une Mère disparue. Voila celle qui veille sur moi et tu es dans les murs d'une grande confrérie qui ne manquera pas de t'attraper si tu traîne trop. TU as l'air gentille et je ne voudrais pas que tu termines comme tous ceux qui ont osé les défier... .

Que viens tu faire ici, toi qui n'est pas de ce monde?

Tout en lui répondant sa forme primaire de dragon transforma son corps et il s'envola pour parcourir les traces de cette fugueuse.

Au moment où Cassiopée se baissait pour observer ce que la whyrme avait trouvé, l’animal émit un grondement et souffla de colère. Elle exprimait clairement dans l’esprit de la Dame du Sang son mécontentement devant la disparition de la prisonnière.
Cassiopée se redressa joignant son grognement à celui de la bête tout en chassant un insecte qui lui tournait autour.
Elle sentait la présence de la jeune fille sans pouvoir réellement déceler où elle se situait.
Quand tout d’un coup une petite voix se fit entendre près de son oreille, là justement où elle s’apprêtait une nouvelle fois à déloger une bestiole qui l’irritait.

Il faudrait faire quelque chose pour l'haleine de vos choses ! C'est inhumain !

Le temps presque imperceptible de tourner la tête pour localiser l’individu que celui-ci avait déjà disparu pour réapparaitre là où elle était quand Cassiopée l’avait aperçue du haut de la tour, au pied de Sargas.

Il s’agissait bien d’une jeune fille. C’était une elfe encore enfant et elle regardait son filleul d’un air espiègle.

Sans chercher à entendre ce que Sargas lui disait, Cassiopée se contenta d’observer la scène qui se passait devant ses yeux. Elle avait peur d’effrayer la personne et jugeait Sargas suffisamment sage pour être à même d’agir en cas de conflit. Elle contint les whyrmes d’un hochement de tête accompagné d’un mouvement de la main.

C'est alors que l'enfant, une nouvelle fois disparut au moment où Sargas prenait forme dragonne.

Issac gronda intérieurement et le temps d'un éclair, l'immense dragon fut à ses cotés.

D'un bond brusuqement Sargas fila dans l'air sous sa forme de dragon, suivant par instinct les légères effluves d'essence qui marquaient la présence de l'elfe. Son vol était sûr et rapide, comparables aux meilleurs dragons de chasse dans tout ce que peut apporter la fusion d'un homme -dragon en terme de qualité de vol. Quand sa longue queue frappa un des toits des palais et immobile une seconde, les ailes ouverte et le buste tendu comme une flèche vers le ciel il s'immobilisa. Elle était proche dans une des rainures des tuiles. Se laissant retomber sur le toit il posa sa lourde masse de chair et d'écaille, ne laissant qu'un mince espace entre ses griffes taillées comme es lames. Tel une mère autour de son unique oeuf, d'un regard sombre il couvrait la frêle étrangère tout en criant aux Wyrmes et à Issac :

Elle a du s'en aller c'est ennuyant. Tant pis.

Puis dans un envol gracieux quitta l'endroit pour aller voler plus loin vers les clairières qui couvrait le nord des Demeures, là ou généralement personne n'allait puisqu'il n'y avait rien a voir en dehors d'un cimetière ne comportant qu'une seule tombe. Délicatement il déposa l'enfant sur le sol, puis tourna son regard fauve vers elle. Quand sa voix fila vers elle, elle était douce et chaleureuse

L'espace est mortel pour ceux qui n'ont pas la permission. Je ne sais comment vous avez pu arriver ici,sans doute portée par le vent, mais tu es au sein de la Confrérie du SAng et mes Maîtres ne sont pas vraiment tendre dans leur mode de vie. Ainsi vivons nous depuis de long siècles. Dis moi ce que tu viens faire ici, petit être, et ne me ment pas, je sais lire au fond de ton âme si jamais tu essayais de me berner.

Délaissant sa forme de Dragon il redevint l'humain aux habits de nuages qui s'inclina devant la tombe ou était inscrit quelque mots de couleur blanche gravés dans le marbre:

Il vint quand tout fut perdu.

Puis il se releva et d'un air sérieux fixa encore l'elfe, dans l'attente d'une réponse.

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Egorann se sentit enlevée dans les serres du dragon et adapta sa taille afin de ne pas risquer de tomber. Elle se sentit déposée au sol, puis l'humain apparut sans qu'elle ne comprenne vraiment comment est-ce qu'il se métamorphosait. Il lui adressa quelques mots puis s'inclina devant quelque chose qui se trouvait derrière elle. Elle se redressa, se retourna et fit face à une tombe. Instantanément, elle se raidit et détourna le regard en se mordant les lèvres.

Au bout d'un certain moment durant lequel elle parut absente, elle redirigea ses iris vers celui nommé Sargas et lui répondit avec un grand sourire.

Je n'essaierais pas de mentir, jeune homme ! Ma raison de venir et de vous importuner est toute simple : je suis solitaire, et passe de longs moments à rêvasser dans des prés, non loin d'ici. J'ai pu, de nombreuses fois, voir des dragons survoler mon champ de vision de manière formelle. Tous le sont, sauf un qui passe la plus grande partie de ce que je vois de ses vols à dessiner des arabesques de ses reflets et à danser avec le vent. Sur un coup de tête, je me suis placée à côté de votre aile durant un de vos vols, celui de tout à l'heure. Cependant vous avez cessé de planer et je me suis faite éjecter (d'ailleurs, vous pourriez être plus délicat lors de vos vols). J'ai pu amortir la chute sans me faire de mal, j'ai atterri derrière un buisson de rose, me suis minimisée et vous ai provoqué. Vous connaissez l'histoire, à présent.

Elle risqua un regard autour d'elle et se tourna à nouveau vers Sargas.

Où sommes-nous ? Comment faites-vous pour vous transformer ? Pourquoi êtes vous mi-dragon mi-humain ? D'où tenez-vous vos pouvoirs de lingerie ? Qu'est-ce que vous avez aux yeux ?

Elle fit une pause, et baissa la tête. Sa voix baissa d'un octave quand elle repris la parole.

A qui appartient cette tombe ?

Assommé une seconde par sa rafale de questions, il ne répondit pas laissant son regard errer vers la tombe. Cette pierre tombale semblait émaner l'improbable trace d'une puissance lointaine et disparue, attendant peut être de revenir un jour, ou à jamais scellée sous terre ; vivante tout de même jusqu'à intimider le visiteur ou l'initié. Quand il reporta son attention sur Egorann, ses yeux étaient agrandis par l’appréhension de l'endroit : des pupilles bleutés aux trois fragments bien distincts, fixant l'enfant d'un air profond et rêveur. Il répondit lentement.

Je ne sais pas. Notre Prince vient une fois par semaine se recueillir sur cette tombe et quand il est accompagné, il ordonne que tous doivent s'agenouiller de même que lui. Il parait qu'elle vient d'une vieille légende, d'histoire oublié par l'humain et que seul connait encore le Prince lui-même, qui ne la conte jamais. Je ne sais pas, mais parfois on dirait qu'elle murmure quelque chose dans le vent, on dirait qu'elle vit.

Sa main vint caresser le marbre en l'effleurer légèrement sans oser vraiment le toucher puis il reprit avec une vois plus assurée.

Je ne sais comment je me transforme, c'est naturel en moi. Je possède deux formes que je connais de naissance. On dit que c'est le dragon tatoué dans mon cou qui le permet mais on m'en a jamais dit plus. Je tiens seulement cette forme de l'héritage du Sang et je m'y suis habitué sans trop y réfléchir. Après tout c'est commode et je me sens plus à l'aise en Dragon. Humain, j'ai l'impression de voir mon âme se compresser pour tenir dans ce corps chétif. Et ces yeux... ceux-ci tu les reconnaitra toujours entre mille et chacun que nous sommes à les avoir... sommes fier, fier de porter en nous même le symbole de l'Immortalité des Dragons. Car vois tu, ces pupilles fracturées nous viennent directement des Dragons eux même... .

S'approchant d'elle pour qu'elle puisse mieux observer il la laissa plonger jusqu'au fond de ces mondes bleus avant de lui parler dans son âme.

Ici, personne ne vient, tout le monde a peur. Ici, il n'y a pas d'ami, nous n'avons pas le temps. Au dehors des guerres se préparent, des dragons gémissent et hurlent la nuit, je les entend qui piétinent au fond des grottes. Et leur mère, cette Reine aussi vieille que ce monde, peut être plus, sait que viendra bientôt l'heure de se réveiller de son long sommeil. On dit ca, on dit plein de chose étranges ici... .

Puis il se retourna et fixant la tombe murmura:

Moi, parfois, je me sens seul, moi qui ne suit encore qu'un enfant.

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Egorann, perdue dans ses pensées, émergea d'un coup.

Tu m'étonnes.

Elle avait murmuré ces mots puis se tourna vers Sargas, détachant son regard de la tombe.

Mais pourquoi est-ce que tu ne poses pas la question à ton Prince ? Qui est-il, d'ailleurs ?

Elle s'éloigna de l'humain et s'approcha de la pierre, en faisant le tour pour tenter d'y déchiffrer une quelconque inscription autre que celle qu'elle avait déjà remarquée. Elle était parfaitement neutre, et semblait trop claire dans l'étendue herbeuse.

Pourquoi les gens ont-ils peur ? Pourquoi es-tu seul ici ? Enfin, je veux dire : comment es-tu arrivé ici ? Tu n'as jamais eu d'amis ?

L'elfe se rendit compte qu'elle parlait en posant trop de questions et se tut en s'asseyant sur le sol, en face de Sargas.

Une brise légère comme une caresse enveloppa Sargas, répandant un parfum d'herbes fraîchement coupées, un mélange complexe qu'il aurait pu identifer n'importe où. Son parfum. Une vague de chagrin monta dans sa gorge mais fut bien vite balayée par le calme d'une pensée.

*Tu n'es pas seul. Je serais toujours là pour toi. Tu me manques, mon fils.*

De ce simple contact, il sut qu'elle n'était pas loin. Le soulagement d'une inquiétude dont il n'avait pas conscience lui tira un léger sourire et il reporta son attention sur la jeune fille.

Ce fut dans l'écho du vent que le jeune enfant sentit brusquement une chaleur humaine, une chaleur connue, ses yeux regardèrent autour de lui et ne trouvèrent que l'horizon et les questions de la petite fille. Pourtant elle était la. Il le sentait. Son cœur manqua quelque battements avant de se calmer. Il répondit lentement à Egorann:

Personne ne sait qui il est. Il est venu un jour réclamer son dû, et la Terre le lui a donné. Son dû, c'est ce couvent que tu vois projeté comme un palais immense au dessus des montagnes les plus arides. Il parait que nous sommes né ici, dans le dans ce berceau de feu, de glace, et de roche. Et pour point d'origine, nous avons cette tombe vers lequel convergent tous les vents de la région.

S'approchant de sa compagne il s'assit près d'elle en foulant l'herbe. Il savait cela mais il ne savait pas tout. ce n'était qu'un môme, et un môme ne mérite souvent pas de tout savoir. Pourtant il sentait en lui cet espace et le sondant souvent il sentait que ce que l'on pouvait observer du palais et de ses alentours n'était qu'une maigre vision d'un ensemble plus complexe et plus effrayant. Parfois la nuit, dans ces jardins, il semblait que la nature parlait et confiait des secrets lointains, mais son langage était obscur et inaudible. Ce n'était ni une langue draconienne ni de l'humain commun, cela ressemblait au discours d'une harmonie. Quelque notes vibraient et se répétaient en écho avant de muer en d'autre notes : une mélodie de harpe qui prendrait son temps pour s'extraire des cordes et rebondir dans tous les coins du jardin. A portée de son esprit, il sentait que son cœur répondait sans qu'il puisse comprendre ce que son corps échangeait avec cette voix d'au delà.

En portant son regard sur Egorann, il se demandait ce qu'elle éprouvait ici, aux confins de vieilles magies. Scrutant son visage, il n'y discernait pas grand chose de très remarquable.

Je suis né ici. C'est tout. Enfin je crois, je ne me souviens pas.

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La jeune fille se laissait écouter ce que Sargas lui disait à propos de ce qui les entourait. Méditative, elle observait, contemplant avec émotion le paysage au ciel gris, lourd, dont les nuages semblait s'étreindre. Chaque brin d'herbe dansait sous le vent, et chaque inspiration que l'elfe prenait lui semblait être volée à la pureté de l'air environnant. Elle s'allongea dans l'herbe, tourna la tête vers Sargas, ouvrit la bouche, puis la referma aussitôt. Il fixait un point lointain qu'elle ne distinguait pas, et, ne sachant pas trop quoi dire, elle ne voulait pas troubler la quiétude qu'il affichait. Elle roula sur le ventre, regarda droit devant elle, et aperçut un éclair.

Stupéfaite, elle se tourna vers Sargas, qui semblait n'avoir rien remarqué. Egorann se releva et s'avança un peu plus pour scruter l'horizon. Au moment où un nouvel éclair l'éblouit, le sol sembla la projeter en l'air. Elle retomba et, se tenant le coude, tremblante et stupéfaite, elle s'écria à l'adresse de l'enfant, qui restait immobile :

Sargas ? Qu'est-ce qui se passe ? Explique-moi !

Les éclairs frappaient de plus en plus précis une zone, comme si brusquement le temps vengeurs décidait de condamner une zone qu'elle trouvait hostile. Sargas porta son regard au loin et murmura lentement :

Le Prince-Seigneur doit sûrement arriver. Les éclairs... suivent souvent l'envol de dragons quand ils sont trop nombreux dans un seul espace. Le temps se plisse et provoque des tensions entre ciel et terre, l'énergie accumulés et les auras des dragons provoquent ce genre... d'événement. Quelque chose se passe là bas. Veux tu voir des dragons de plus près?

Sa remarque était moins une proposition aimable q'une démangeaison qui le taraudait. Depuis petit on l'avait toujours écarté des grands moments. Et pour une fois qu'il pouvait en observer un discrètement, il ne voulait pas le rater.

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Oui. Elle le pensait de tout son être. Mais est-ce que cela n'était pas dangereux ? La jeune elfe était hésitante, se balançant d'avant en arrière, tout son être tendant à suivre la proposition de Sanz. Après tout, il n'en coûterait rien. Peut-être. Elle ne savait pas. Et comment y aller ? Elle ne pouvait aller de manière rapide que dans les endroits qu'elle connaissait, et ce qu'il indiquait de tout son être, brûlant presque intérieurement, à ce qu'elle en voyait, était une zone qui lui était complètement inconnue.

Bon, eh bien, allons-y. Tu veux bien m'emmener ? Je n'ai jamais voyagé à dos de dragon, et je n'en ai jamais vraiment vu. Enfin, sauf toi, bien entendu. Mais t'es plus qu'un dragon, donc, au final, je sais pas si ça reviens au même. Bref, est-ce que tu veux bien m'emmener ?

Egorann, gênée de ne pas trop savoir ce qu'elle avait vraiment voulu voir, se tut et se rassit en attendant la réponse de l'enfant qui se tenait à ses côtés, les yeux rivés vers la zone frappée par les éclairs.

Allons-y.

Sous ce mot d'ordre il prit sa forme de dragon et prenant le petit être sur son long cou décolla comme une furie de la terre sacrée. Balloté par l'orage son vol était semblable à ceux hésitant des jeunes dragons même si la force de sa corpulence pouvait rivaliser avec celle des courants aériens. Au loin au sol, dans un embrasement d'éclair et de terre calcinée semblait se former un cratère. Une émotion brusque emporta le jeune homme. Il ne l'avait jamais vu mais il sentait en lui comme s'il l'avait toujours connu : devant eux mourait un Dragon. Ainsi voilà pourquoi Le climat paraissait si violent. Dans la terre de magma frappé par la foudre, les ailes lourdes et malade, le corps épuisé par sa vie millénaire, le Dragon semblait recueillir du sang brûlant des profondeurs son dernier sacrement. Une légère larme s'esquissa aux commissures des yeux de l'enfant et son coeur manqua un battement. Autour de la bête fabuleuse, les plus hauts dignitaires s'étaient rassemblés et une formaient une ronde cérémonieuse. Un seul homme était plus avancé, le front couronné et les habits pourpres qui volaient au vent, il sortit son arme et dans un feu noir la lame maudite consuma lentement la chair du Dragon mourant. Cela sembla durer des heures durant laquelle personne ne bougea tandis qu'un feu croissait de plus en plus dans le cercle mortuaire. Ainsi, c'était de cette manière qu'on rendait honneur aux Rois des Cieux. Puis le cercle se brisa, et le Prince couronné, l’œil si bleu qu'il semblait un ciel de lumière sembla fixer les deux jeunes comme s'il n'était pas dupe de leur présence. Sargas murmura :

Il sait que nous sommes ici. Nous ne devrions peut être pas y être. Il peut se facher. Alors...

Mais rien n'arriva et les Hauts Seigneurs retournèrent au palais tandis que la terre pensait sa blessure béante.

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Egorann, fiévreuse, pleurait sans tristesse, les yeux pleins des dernières secondes du dragon, accrochée au cou de Sargas. L'orage avait hurlé, et tout son être l'avait accompagné lorsque le feu noir s'était élevé en ondulant entre deux bourrasques de vent. Elle sentait au plus profond d'elle-même les larmes végétales couler lentement sur leurs corps fins, et rien d'autre de ce qu'elle pouvait voir ne pouvait lui occuper l'esprit.

Soudain, Sargas parla. Même s'il resta immobile, la jeune elfe ne put s'empêcher de jeter un œil à terre, avant de frissonner en apercevant l'auteur de ses craintes en ces lieux. Elle avait toujours fui cet homme, et dans les terres du Sang, elle se débrouillait toujours pour ne pas le croiser. Elle se rapprocha de Sargas, et, en regardant les Hauts Seigneurs s'en aller, elle lui murmura :

Emmène-moi loin de cet homme, et parle moi de lui. Pourquoi vis-tu près de lui ?

L'eau revient toujours à la source. C'est la même histoire pour nous. Nous sommes des particules d'essences, des éléments du vivant attachés à une source qu'on nomme Sarh. Elle nous lie au vivant, Elle éduque nos âmes, elle nous entraîne à poursuivre notre Destin. Du moins l'apprenons nous ainsi auprès de nos précepteurs. Le Prince est l'Héritier suprême, le Dépositaire du Sahr. Même si je ne suis pas de leur lignage, j'ai quelque liens avec eux, quelque signes qui ne trompent pas, parait-il... J'ai ce tatouage de dragon, j'ai leurs rêves, et leurs cauchemars aussi..

Tout en répondant, Sargas serra ses poing. Il n'était pas d'ici mais il pouvait comprendre pourquoi il était ici. Il appartenait en ce monde, il comprenait le langage, les rites, il comprenait l'Harmonie qui régissait cet endroit. Il aimait voler avec les autres dragons, comme un lent sillage d'éternité qui s'insufflerait dans son coeur en un appel triomphant. Il respectait les puissants d'ici, pour qui rien ne semblait impossible, si ce n'est celui de mourir avant d'avoir accompli le destin qui les ont fait naître. Mais celà, un petit être comme Egorann pouvait-il le comprendre?

Reprenant son vol vers des positions plus éloignés il avisa une cime sur laquelle il pouvait aisément se poser. Sur le tertre de roche aiguisés ses griffes accrochèrent et ses ailes le stabilisèrent. Sa queue frappa lourdement un pan de la montagne qui s'effrita sous le coup. Il déposa Egorann tout en lui murmurant d'un air sombre

Tu devrais rentrer, l'horizon continue de s'assombrir, et la nuit ici n'est jamais vraiment heureuse. Et je ne suis pas sur que tu puisses survivre en ces montagnes.

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Après que Sargas l'ait poussé en direction d'un chemin, Egorann marcha quelques mètres, avant de se retourner et de se rendre compte qu'elle était à nouveau seule.

Mais bien sûr que si je suis capable de survivre en ces montagnes, monsieur je-suis-un-survivant-des-montagnes ! Mais pour qui il me prends celui-là ? Il croit que je suis qui ? Non mais sérieusement, pour qui il m'a pris ?!

Egorann fulminait en marchant sur un sentier enneigé.

Injuste, injuste, injuste, injuste ! Un gamin injuste ! C'est pas parce que c'est un garçon qu'il doit me prendre pour plus petite que lui ! Il a mon âge, grand maximum. C'pas juste.

Elle donna un coup de pieds dans un caillou qui glissa dans la forêt. Cependant, au lieu d'entendre le bruit de la pierre contre du bois ou contre le sol, elle entendit un "aïe".

T'façon, il va voir que je peux survivre face aux trucs de sa montagne à deux sous.

Egorann s'assit en haut d'une pente et se laisse glisser jusqu'en bas. La lumière filtrait très peu par les minuscules interstices que le feuillage laissait à l'air. Elle ne voyait presque rien et tenta de s'orienter en fonction de l'endroit d'ou elle venait. Cependant, elle n'osait pas s'avancer outre mesure dans la forêt pour retrouver l'auteur du "aïe". Elle tenta d'utiliser ses pouvoirs afin de se laisser porter par la brise, mais n'y arriva pas. Elle essaya d'écarter les arbres les uns de autres mais elle ne parvint qu'à les rapprocher un peu plus.
Soudain, elle sentit l'air se déchirer près de son flanc. puis ce fut au tour de sa peau. Elle posa la main sur celle-ci et la sentit couverte d'un liquide épais. Elle ne sentait rien et n'arrivait à capter aucune odeur. Après avoir réfléchit un instant, elle haussa les épaules, et en s'aidant de ses mains, parvint à remonter la pente qu'elle avait précédemment dévalé.

Bon, c'est vrai que j'ai peur de rien et que je peux parfaitement survivre dans une forêt, mais là j'y vois vraiment rien. Et j'suis toujours toute seule. J'en ai maarre de monologuer !

Egorann ferma la bouche, et tomba face contre terra, les bras en étoile dans la neige.

Du sang, le jeune Dragon avait senti du sang effleurait ses narines alors qu'il volait rapidement autour des montagnes. Du sang de vivant, non d'animal ou de bête sombre, une seconde l'image de la jeune Egorann vola dans sa tête. La seconde d'après il plongea en direction de l'odeur, les ailes repliées sur son corps pour aller plus vite. Rapidement, il perçut une autre présence tapie comme un prédateur : un traqueur. Ces bêtes étaient ordinairement dévouées à un sorcier Van'shi. Visiblement, ici, il n'y avait qu'elle, et elle avait faim. Alors qu'elle bondit à nouveau en direction de la petite fille, Sargas transformé en humain se jeta en travers de sa route, ses dagues sorties en écran devant son visage. Ensemble ils roulèrent dans la neige, griffe contre fer, dent contre dent. Les yeux de l'homme étaient si violets qu'ils semblaient être des pupilles de feu sombre. D'un geste agile il se releva et prit d'assaut la bête une seconde fois, perforant sa poitrine d'une frappe précise. Le traqueur hurla, roula encore au sol avant de gémir en se retirant peu à peu dans l'ombre pour finir par disparaître. Sargas, haletant, s'approcha d'Egorann et observa la légère blessure qu'elle avait au ventre. L'empreinte noire et suitante n'était pas celle de la bête qu'il venait de combattre mais d'une autre qu'il ignorait. Autour de la plaie une sorte de brume dégénérait lentement les bord comme si la peau entourant la blessure se détruisait peu à peu. Il fit une grimace, ce n'était pas vraiment un bon signe.

Il suffit de te laisser deux secondes pour que la forêt entière t'agresse, hein.. que t'avais-je dit... Et que vais-je faire maintenant..?

Il porta une main sur le front de la jeune fille et le sentit si chaud qu'il lui brulait presque la main. Elle était si fiévreuse que lorsqu'il la prit dans ses bras pour l'emmener elle ne sembla échapper que quelque vagues mots inaudibles.

Lentement il regagna une masure plus bas dans le flanc de la vallée tout en regardant avec inquiétude la plaie qui se dégradait. Enfin quand il entra dans la maison il la déposa dans un lit avant d'allumer un feu et de veiller sur elle en réfléchissant. Les palais étaient haut dans les cime, et il craignait qu'un vol dans le froid n'aggrave encore plus son cas. Mais il avait peu de temps visiblement et le seul endroit ou il pourrai trouver de l'aide était justement aux palais. Puis il se décida, borda tendrement Egorann qui tremble, semi confuse, dans le lit, ouvrit la porte d'entrée et adoptant sa forme de dragon fila dans l'air. S'il volait vite et bien, il pourrait avoir le temps d'arriver de demander de l'aide et de revenir. Aussi vite qu'il pouvait.

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Elle avait mal, partout. Elle n'avait pas conscience de grand-chose, elle ne voyait rien, mais elle savait qu'elle était sur une frontière. D'un côté régnait le plein, et de l'autre le vide. Elle avait mal. Elle avait la sensation qu'un insecte lui rongeait les os et que des animaux se nourrissaient de son flanc. Ses doigts étaient engourdis et froids, ses pieds la lançaient, et l'ensemble de son corps était parcouru de frissons de plus en plus violents. Elle parvint à ouvrir les yeux mais ne parvint pas a distinguer autre chose qu'un amas de couleurs beaucoup trop vives pour que la jeune fille ne puisse les supporter. Elle avait maintenant réussi à se donner envie de vomir.
Soudain, elle eut la sensation que quelque chose tentait de s'introduire dans son âme, qui tambourinait, partout. Quelque chose de glacé, de sinueux, comme un serpent sifflant cherchant à la détruire au plus profond d'elle-même. Lorsqu'elle sentit que la chose parvenait à entrer, elle rassembla ce qui lui restait de force, et hurla.

Non !

Dans les vents glacés il remontait vers les palais comme une fureur. Ne maitrisant ni son aura ni ses pensées, il était comme un phare dans la nuit des Héritiers du Sang; un cri d'alarme tourbillonnant comme un orage. A peine eut-il franchit les murailles que des ombres s'avancèrent vers lui. Au début il ne sut les reconnaître avant d'en ressentir au fond de lui l'empreinte de leurs essences. Ce n'était autre que le Prince secondé par l'Amazone. A deux pas derrière eux Eyr l'Agile, Draconien du règne des Eyr' sha semblait attendre les ordres.

Sargas s'inclina légèrement tout en essayant de retrouver un cheminement dans ses pensées. Il fallait penser en tout logique et peser ses mots. Justifier la présence d'une étrangère dans la région n'était pas toujours facile. Mais personne n'engagea la conversation. Sanz le regardait froidement tandis qu'Anwen le dévorait des yeux, impatiente de connaître l'attitude de son Maître. Supportant mal le silence qui ne cessait de se prolonger, l'enfant prit la parole dans un murmure :

J'aurai besoin de ...

Il ne put dire plus. Il fut interrompu brusquement par une voix derrière lui.

Elle n'a rien à faire ici. C'est donc trop tard pour elle.

Il se retourna lentement pour observer celui qui venait de condamner son amie : Apoki'r. Il était Officier des Invocateurs, ceux là même qui poursuivaient les rituels les plus complexes et généralement les plus dangereux au sein des salles basses. Il était aussi de fait l'un de ceux qui maitrisaient mieux les Sciences de régénération et de soin accélérés. D'une façon par sa simple présence et son rôle au sein de la confrérie il venait en quelque mots de refuser son savoir, et de dégager tout tentative de sauver la jeune fille. Une rage monta dans le corps de Sargas qui rugit en sortant ses dagues. Il n'eut pas le temps de faire beaucoup plus, une onde mentale le frappa et le renversa au sol. Il bascula la tête en arrière, heurtant le sol rude de la cour. A ses lèvres du sang s'écoulait lentement. Personne n'avait levé la moindre main, ou la moindre arme. Son regard se dirigea vers le Prince immobile, ce ne pouvait être que lui. L'attaque semblait être surgis de nulle part comme une vive ombre*, mais Sanz n'exprimait toujours rien, comme si ce qui se passait ne l'intéressait pas. Eyr, derrière lui, se permit d'avancer de lui tendre une main amicale et de lui parler doucement

- Elle a l'air d'avoir grande importance pour toi, cette petite, mais tu sais que les temps sont durs, ici. Et on ne peut que difficilement se permettre quelque largesse envers les étranges qui peuvent s'approcher d'ici... Bien que nous y soyons en sécurité, c'est notre négligeance vis à vis des règles qui pourraient nous ennuyer à terme, je sais que tu comprends cela... . Il l'aida à se relever tandis qu'il continuait. Apoki'r n'est pas un mauvais bougre, il voudra sûrement t'aider. Probablement qu'il voulait te tester un peu et que ce test a quelque peu échoué dans un sens. Tu n'as pas à lever ton arme vers un de tes supérieurs, quelque soit ton nom, pour quelque raison que ce soit. Attend nous aux portes

Sargas essuya ses lèvres tachées de sang avant de laisser un dernier regard vers le Prince. Au fond de lui il aurait aimé savoir si c'était réellement lui ou non qui l'avait frappé. Il savait pertinemment qu'il avait eu tord de s'emporter mais la violence du coup et l'incapacité de déterminé qui l'avait portait le blessait dans son orgueil. Tandis qu'il ruminait ainsi au seuil de la grand porte. Il vit deux grands dragons se dresser devant lui. Apoki'r et ce qui devait être probablement un assistant le fixaient, du haut de leur monture. Il comprit qu'ils devaient se mettre en route.

Le retour fut rapide et sans pause. Les dragons fondirent vers la cabane déposée comme un champignon sur un flanc de montagne, à l'ombre dans un grand pan de glace gelée. On appelait cette espace l'Echo des Astres par le reflet aveuglant qui entoure le flanc de la montagne quand le soleil frappe de plein fouet dedans. Auu seuil de la mesure, le cri d'Egoran trancha dans l'air comme une alarme. Sargas se jeta dedans et se retrouva face à un spectacle effroyable.

La jeune enfant était prostrée dans son lit, dans un étant d'angoisse si violent que ses doigts semblaient vouloir arracher la couette et le lit dans des gestes frénétiques et incontrolées. Ses vêtement et ses cheveux étaient plaquées par la sueur tandis qu'a ses yeux une transpiration rouge sombre mêlées aux larmes semblait descendre lentement sur ses joues. L'invocateur marmorna des phrases incompréhensible pour le jeune homme :

- Maram'so demor

L'assistant, un jeune homme blond aux yeux sombre, probablement attentif et compatissant pour Sargas lui traduisit brièvement :

- La marque du démon. Elle à été touchée par l'ombre d'un démon, son corps rejette son propre sang par les canaux lacrymaux. Ca parait inconcevable, mais le tissu de sa peau s'est tellement fragilisé qu'il est devenu complètement perméable. Si nous n'intervenons pas, son épiderme va se déchirer de l'intérieur et les hémorragies finiront par l'achever dans le meilleur des cas... .

La fin de la phrase effraya le jeune homme qui l'interrompit brusquement

- Dans le meilleur des cas?? Quel est le pire des cas?

- La voir se transformer en démon, et être obliger de la tuer de nos propres mains, ou la soumettre à un sceau, ce qui en soi est moins préférable que la mort.

Le sang de Sargas se glaça, tandis qu'il reportait son regard vers son amie. Elle semblait s'être calmée mais le flot de sang qu'elle rejetait semblait s'être accélérée, de longs sillons coulaient désormais, formant un bain de sang qui envahissait les draps. Sur son front une marque noire se dessinait lentement.

- Le Symbole du démon, commenta l'assistant, plus son âme va faiblir plus il va se préciser. Pour le moment c'est trop indistinct pour en déterminer un nom. Au vu des arabesques incurvées vers l'extérieur, on peut difficilement espérer quelque chose de rassurant.

le Dragon était de plus en plus largué par les explications. De ce qu'il en retenait c'est que plus le temps passait, plus ce qu'on lui expliquait allait de pire en pire, sans jamais trouver de fond A quoi bon des dessins pouvaient concéder que la pauvre être était vraiment, mais vraiment mal tombée? Apoki'r qui sortit de son silence par une raison inexplicable sembla lire dans ses pensées et commenta à son tour :

- les arabesques incurvées vers l'extérieur sont le signe d'une fusion complète, généralement. Le démon ne fait pas seulement que posséder l'âme de sa proie, il mélange ses essences avec celle de sa victime et se fond dans son âme de façon absolue. Si l'on s'en tient à son arrangement on peut en tirer un espoir amusant : il ne tuera pas son hôte. Question est de savoir si , nous par contre, on doit l'écharper, pour éviter qu'il nous écharpe.

Pire que la mort, le crime. Froid et volontaire. C'était ce qu'il venait de comprendre. Il était pire de devoir tuer celle qu'on veut sauver, plutôt que de la voir mourir d'elle même des suites du mal qui la perfore. Sargas s'assit sur une des chaises de la table qui trônait au milieu de la pièce, à quelque mètres du lit. Il n'aurait pas le courage d'un tel geste et il ignorait quelle résistance au mal pouvait posséder Egorann, et si cela lui était de toute façon bien utile. Il fallait attendre que la marque s'affirme. S'il était vaguement ignorant de la condition des démons, il en savait une chose du moins. Rompre une transformation, de quelque type que ce soit, était toujours la solution la plus désastreuse. Un moment il se perdit dans ses pensées tandis que les deux autres élaboraient autour d'Egorann quelque actions indéchiffrables pour un non initié. Des dessins étaient écrit avec une le sang de l'assistant qui prenait soin de former des formes précises et incompréhensibles tandis que son maître murmurait dans sa barbe de sombres paroles tout en lisant un vieux grimoire.

Il sembla durer des heures durant laquelle la situation n'évolua pas. Jusqu'à ce que l'Invocateur souleve son menton et dise un mot qui résonna clairement dans toutes les consciences :

- Furie des Ombres rouges. Shaka' lor.

Même s'il ignorait ce que cela pu vouloir dire, Sargas devina aisément devant la réaction des deux autres qu' Apoki'r venait de donner le nom du Démon qui avait touché la jeune fille Pourtant le dessin à son front ne semblait pas être achevé, et l'état de la jeune fille était resté stationnaire, en dehors du teint de plus en plus pâle a mesure que son sang la fuyait.

- Le rituel est inutile. On dégage.

Avant même que le Dragon ait pu le temps de comprendre, les deux bras de l'Assistant le prirent par la taille et le forcèrent à quitter brusquement la maison, abandonnant toute affaire et Egorann dedans. Rapidement il s'éloignèrent dans la nuit froide, laissant entre la cabane et eux une bonne vingtaine de mètres avant de se retourner. A cette mesure , le jeune blond répondit au regard de de Sargas :

- Le sang qu'elle a rejeté va devenir vapeur et couvrir tout l'espace de la pièce, rendant l'air empoisonné par la présence du démon et irrespirable. Elle va ensuite réaspirer tout le sang qu'elle a perdu afin de retrouver des forces, puis..

- Puis..?

- Puis se transformer en en Shaka.

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