De mon point de vue, comme pour les poètes autours de lui, on a tendance à surtout voir la grosse étiquette "surréaliste" collée sur son front. Alors qu'il est, avant tout, un écrivain de talent. Et c'est bien dommage. Quand on dit "poète surréaliste", on pense directement à l'écriture automatique, aux expériences sous l'emprise de la drogue...
Les poèmes d'Eluard, c'est, le plus souvent, tout sauf n'importe quoi. Son écriture est sensible et intelligente, remplie d'images fabuleuses. Bien entendu, il a aussi sorti des recueils d'écriture automatique, mais c'est loin d'être le gros de son travail, ni le clou du spectacle (rires).
Personnellement, j'ai un faible pour ces deux recueils : Capitale de la douleur. 1926, et, L'amour la poésie. 1929. Tous deux sortis dans la collection nrf Gallimard. Et vous ?
Déclaration
La courbe de tes yeux fait le tour de ton coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.
Feuilles de jour et de mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,
Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leur regards.
Capitale de la douleur. 1926. Nrf
VI
Toi la seule et j’entends les herbes de ton rire
Toi c’est ta tête qui t’enlève
Et du haut des dangers de mort
Sur les globes brouillés de pluie des vallées
Sous la lumière lourde sous le ciel de terre
Tu enfantes la chute.
Les oiseaux ne sont plus un abri suffisant
Ni la paresse ni la fatigue
Le souvenir des bois et des ruisseaux fragiles
Au matin des caprices
Au matin des caresses visibles
Au grand matin de l’absence la chute.
Les barques de tes yeux s’égarent
Dans la dentelle des disparitions
Le gouffre est dévoilé aux autres de l’éteindre
Les ombres que tu crées n’ont pas droit à la nuit.
L'amour la poésie. 1929. Nrf