Recueil de Mauvelles.

Le chiot.

Le petit chiot aboie et demande sa mère, il attend, l'arrière train par terre, qu'elle vienne le prendre pour l'emmener au chaud dans la niche. Ses petits cris formulent avec peine cette plainte non feinte, la queue frétillante d'attente et d'incompréhension. La langue pendante, ses jappements n'en finissent pas.

Car le flanc posé sur celui de la colline, sa chienne de mère se meurt. La bave coule de ses babines retroussées, mêlée au sang dont le goût la répugne. Ella a couru et couru pour échapper à ses prédateurs, bondit dans les vallées creuses et dans les gorges sinueuses, trotté en hautes des monts bouffis. Mais la célérité et la hargne de ses chasseurs l'a toujours rattrapée, au moins le chiot est sauf, loin dans les profondeurs des bois. Elle lui espère un salut illusoire, une famille douce et chaleureuse, même si elle sait qu'il n'y aura que la lune grise pour le réchauffer. Elle achève enfin d'haleter, pour se taire et se faire emporter.

Plus de niche pour la chienne comme pour le chiot, l'une a gît agonisante, les entrailles souillant l'herbe humide, l'autre glappit en solitaire l'estomac vide et le coeur désert. Au fond, quelles chances lui restent-il, quel miracle pourrait le faire survivre maintenant que sa seule famille va s'évanouir dans le ventre d'un autre ?

Le petit chiot aboie et demande sa mère, mais celle-ci est déjà loin, partie pour toujours le laissant dans le sursis dérisoire d'une forêt obscure sans chaleur. De la mort à petit feu qu'il exhale langue pendante en légers nuages de vapeur. Il y aura peut-être une aube pour le chiot, mais surement pas de crépuscule.

Les traqueurs sont déjà en route, il en faut encore davantage pour nourrir leur famille. Jouer aux osselets.