[Collaboration - Thème : dualité] Cassiopée, Lilith, Tr0n

Il n'y a rien de métaphysique.

Je veux bien Cassi, rédige donc tes notes, ça fera un très bon exercice d'analyse.

Je continue de travailler sur cette nouvelle d'ailleurs. Ca germe progressivement dans ma tête pour la suite et pour le contenant à modifier. C'est une question désormais de tournures, d'expressions, de relecture à voix haute, de soucis du détail, d'idées sur l'amélioration de la tension, de détails sur l'univers, de profondeur des personnages.

Si j'ai le temps aujourd'hui, je commenterais plus en détail un élément de ton texte Cassi.

Citation :

La salle des gras se perdait sous un nuage de fumées multicolores qui épaississaient l’air ambiant déjà lourdement chargé des odeurs fauves des hommes de mer. Le piano bastringue grinçait une chansonnette que reprenait quelque jeunesse à peine avinée. Mais le chant se dispersait dans le chahut des railleries et des discussions.

Relis cette première phrase à voix haute. Note l'absence de ponctuations et regarde bien le cœur du problème : trop d'adjectifs, phrase trop longue, pour un taux de descriptif pas si énorme. Ces quelques lignes, tu dois en faire le double, en découpant, en scindant et en imposant à ta plume : un style, le tien. Ce que je lis c’est une volonté de mettre une ambiance de bar à soulards, de marins bien lourdeaux, alors faisons le.

Multicolore : est-ce que le fait d’être multicolore sert le fait que tu sois chez des alcooliques avinés jusqu’à l’os, qui de leurs mains baladeuses osent palper les fesses des serveuses ? C’est « gentillet » multicolore, ça fait très « magicien d’oz » et dans mon imaginaire très paillette, je me sens plus en présence de disco et d’Abba que de Brel. Je force le trait, mais pour l’exemple, regarde les descriptions d’André Malraux dans « La condition humaine » surtout l’ambiance des bars de Shangaï du début du 20ième siècle. Réécoute Brel, et pense à ses mots comme : soulard, gueulard, soiffard. Homme de mer c’est sans saveur. Pourquoi considère-t-on certains écrivains comme bons ? Parce qu’ils arrivent à nous faire ressentir une ambiance. Pour le faire, ce n’est pas une surcharge descriptive mais véritablement tendre vers l’usage du mot juste. Regarde Céline aussi dans « Voyage au bout de la nuit ». Je ne l’ai pas lu mais pour l’usage du découpage des phrases et du hachage c’est un maître.

Sur la couleur donc. « Chamarrée » est plus juste : même sens, mais ça fait penser à « chalouper » que tu peux reprendre ensuite : l’objectif étant de rester chez les marins. Par contre ne pas l’appliquer à « fumées » dans ce cas, mais ailleurs : à l’ambiance par exemple. Fauve c’est l’odeur du musc : soyons plus juste, transpiration et sueur son plus à propos. Ne me dis pas que ton bar est bariolé au point d’avoir de modestes odeurs fauves, et quelques chahuteurs. Chanson ? Chant ? Complainte, ritournelle, mélodie, couplet, rengaine et refrain. Quand j’avais fait faire des exercices de vocabulaire, ce n’était pas anodin. Qu’est-ce qui rend un écrit plus profond : ce fameux mot juste, celui qui décrit en une fois toute ta phrase, qui résume ton ambiance. Si tu es contrainte de dire : une chanson suivi d’un adjectif ou d’une subordonnée qui la décrit (hors métaphore), c’est qu’il y a en français (c’est ça qui est chouette avec le français) : un seul et unique mot. Quand je ris en parlant de ce fameux épisode de Kamelott sur la notion de licence poétique, celle où Guenièvre nous fait des envolés lyriques et poétiques et dans laquelle répond Arthur de cette façon : c’est nul, c’est qu’il y a tout une façon de décrire importante qui se cache derrière. Pourquoi ? Parce qu’un groupe nominal surchargé d’adjectifs, c’est un groupe nominal lourd, forcé, chiant à lire : peu importe la quantité ou la qualité du vocabulaire employé. Et derrière il nous montre quelques alexandrins d’une simplicité étonnante mais cent fois plus juste. Bien écrire c’est ça. Et je m’y perds aussi souvent, le vrai but c’est d’arriver en quelques mots, en quelques phrases simples et habiles, à décrire toute une ambiance. J’ai mis sur Ter Aelis des écrits parfois très complexes, c’est justement souvent derrière pour travailler sur leur simplification. J’écris aussi souvent très long en premier jet, puis je découpe, je rajoute, je lie, et j’effectue des transitions.

De la métaphore. Le chahut des railleries comme le clapotis incessant de l’écume sur les cabanes calanchées du vieux port (calancher ça veut dire crever, mort, refroidi, trépassé : des cabanes abandonnées qui sont sur des pilotis). Tu vois ce brouhaha incessant des vaguelettes. Tu peux passer trente lignes à le décrire. Il faut trouver un juste milieux qui lors de ta relecture te dira : là c’est bon, celui qui lit va comprendre et ressentir ce qu’il faut. Sur ta première phrase, il n’y a rien à dire : les mots sont bons, le vocabulaire riche, le descriptif intéressant mais il manque une saveur pour moi : une saveur et du style, une construction intellectuelle « créative et originale », de la simplicité. Médite à chaque fois. Imagine toi dans ta scène et demande toi ce que tu ressens. Si tu n’y arrives pas, fais comme moi, va dans les lieux, imprègne toi de l’ensemble, et sans cesse reprend ta description, toujours. Affine, détruis et reconstruis. Le temps n’est pas important dans l’affaire. Attention, il ne faut pas évidemment tomber dans l'effet inverse du manque descriptif, tout est savant mélange dans une marmite : parfois il faut découper, parfois il faut allonger, c'est une question d'effets et d'empathie.

PS : Lilith a rien branlé. Elle sera punie.

Je vais profiter de l'irl pour écrire. Il faudra pas m'embêter quand je serais à côté de ma tente, sur ma chaise, en train de rédiger. Le premier qui moufte pour me faire faire quelques choses, j'lui reteins le pif couleur vermeil. Je ne suis que corruptible au sauciflard. Je te montrerais les fondations de l'écriture : un stylo, un cahier de brouillon et en avant sous le soleil (ou la pluie).