Drame à bord de l'indégonflable [Rp concerté]

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• DRAME À BORD DE L'INDÉGONFLABLE •

Laouen Lostarbleiz

Hugo Zeppeline

Lydia Von Harbou

- Plus vite, allons ! Nous allons être en retard !
- Je fais ce que je peux ma chère, mais vos valises sont bien lourdes. Etes-vous bien certaine d'avoir besoin de tout ceci ?
- Certaine ! J'ai passé deux heures à me défaire du superflu pour ne choisir que l'essentiel ! Mais ne traînez donc pas comme un impotent ! Le dirigeable ne nous attendra pas éternellement !
- Je fais ce que je peux ma douce amie ! Mais êtes-vous bien sûre que ce sac de golf fasse partie de l'essentiel ?
- Ce sac de golf est dans la famille depuis des siècles, il est hors de question que je parte sans lui. J'y tiens énormément ! Chauffeur ! Démarrez la voiture ! Vite !
- Lydia mon aimée... nous ne pouvons pas prendre le modèle Phantom ! Il n'y va que trois personnes à bord, et je crains qu'avec tous vos bagages !
- Mais taisez-vous donc mon cher ! Je sais très bien qu'on ne peut pas tenir à trois là-dedans ! Mais je vous rappelle que vous n'êtes pas obligé de me suivre jusqu'au terrain de vol !
- Si si j'insiste ! Je m'inquiète de votre sort ma toute tendre. Je ne serai rassuré que lorsque je vous verrai vous envoler sans encombre !
- Chauffeur, descendez ! Je prends le volant !
- Comme vous voudrez Madame.
- Lydia ?! Vous 'allez pas conduire cet engin vous-même ?
- Si ! De toutes vos machines c'est la plus rapide et la plus puissante. Et à cette heure-ci c'est désormais la seule qui puisse me conduire à temps à l'Indégonflable !
- Mais si vous tenez tant à aller jusqu'à Atalante, vous pouvez très bien m'accompagner par bateau. Je pars demain. Venez avec moi, et nous goûterons à la quiétude des flots et à l'air marin. Ca sera bien plus reposant !
- Mon cher mari, je n'ai que faire de prendre un bateau. Tout le monde prend un bateau pour aller à Atalante. Et d'ailleurs je me fiche totalement d'Atalante. J'en ai soupé d'Atalante. Non ! Vous n'avez toujours pas compris ! JE VEUX MONTER A BORD DE CET ENGIN !
- Mais c'est dangereux...
- Certes ! C'est un peu plus aventureux que la verveine de vingt-deux heures je vous l'accorde ! MAIS MOI CA M'EXCITE ! Mais tu vas la fermer ta portière vieux grabataire ?!
- Tout de suite ma chérie. Je tenais simplement à vous rappeler queeeeeeee... 


Lydia Von Harbou n'écoute plus les lamentations de son richissime époux. Elle éprouve un malin plaisir à faire voler les graviers de l'allée qui mène du parvis du manoir Von Harbou à la grille de fer forgé qui marque l'entrée du domaine. Elle passe du zéro au cent en à peine quelques dizaines de secondes. Elle fait semblant de ne pas entendre son vieux mari geindre à chaque fois qu'elle double une voiture à cheval ou une camionnette sur le bord de la route.

Elle a laissé sa vitre ouverte pour sentir la vitesse de l'automobile souffler dans ses longs cheveux. Elle a même enfilé ses lunettes d'aviateurs comme le font les pilotes dans les courses de voitures. Les aiguilles sur les cadrans de cuivres et de verres s'affolent et atteignent des sommets. Cette machine a été conçue pour elle. Tout comme l'Indégonflable ! Elle trépigne depuis des jours, depuis qu'elle sait qu'elle fait partie des quelques voyageurs triés sur le volet pour participer au vol inaugural de l'engin.

Lydia Von Harbou, la vingtaine bien bien entamée ne vit que pour ces sensations. A quoi lui servirait donc le mariage du siècle, si ce n'était pour assouvir le moindre de ses désirs ! Né riche, elle est désormais richissime grâce à l'influence de ses parents qui lui ont offert en mariage, le plus aisé des industriels du siècle ! Ce vieux Von Harbou, accablé par trois veuvages consécutifs voulait retrouver une jeunesse au bras de sa promise. Elle avait su faire bonne figure pendant ses fiançailles et avait mis à profit ses cours de maintien pour mettre le grappin sur son Tycoon.

Mais maintenant fini la rigolade ! Rien n'arrête plus la plus effrontée des dames du monde. Ses bagages n'attendent plus que de prendre place dans la cabine de première classe réservée à son nom. Ca elle va faire parler d'elle encore une fois. Il paraît même que chacune de ses frasques fait marcher encore mieux les affaires de son mari ! Alors autant en profiter !

La jeune femme sourit en découvrant la forme allongée du dirigeable lorsque sa voiture autopropulsée dépasse le dernier bosquet qui la sépare du terrain d'envol.

Parfait, elle arrivera juste à temps pour poser devant les photographes et faire un dernier baiser promotionnel à son mari lorsqu'il la saluera sur le tarmac. Pourvu que cet imbécile ne se soit pas encore pissé dessus durant le trajet automobile...

Nestor Fourbevue, par Aligby

Bond de sauterelle. Esquive d'un géant. L'œil partout. Surtout l'œil.
Nestor Fourbevue s'avance à sa manière. Il se faufile, quoi. Ce n'est qu'une fois sa disparition que l'on remarque son passage. Chapardage. Rien de bien méchant : juste ce dont il a besoin. Et, aujourd'hui, il a besoin de beaucoup pour son beau coup. Il n'est pas inquiet. Parce qu'il n'est pas comme ça ; se laissant guider par son instinct, il laisse les choses maturer jusqu'à la réalisation de ses projets.

Improvisation planifiée. Hier, il ne savait pas encore ce qu'il ferait pour arriver à ses fins. Il n'avait strictement rien préparé ; il n'en avait pas besoin. Ainsi par exemple, ce n'est qu'en voyant cette truite d'Echoriath fumée aux bois anciens qu'il su qu'elle jouerait un rôle fondamental. La meilleure de tout le pays. Valeur marchande : inabordable ! Valeur réelle : une pièce lancée au sol au milieu de trois mioches jouant dans les étals. Bordel assuré ! La tenancière n'avait pas eu le temps de les faire déguerpir que déjà le lot n'était plus. Il avait maintenant de quoi soudoyer le plus kafkaïen des bureaucrates : le contrôleur de l'Indégonflable, dans lequel il entendait bien embarqué malgré ce billet qu'il lui manquait.

Nouveau bond de sauterelle. Les ruelles qu'il emprunte sont jonchées de tuyaux de cuivre. Certains sont brûlants. A l'intérieur : de la vapeur. Il n'avait jamais compris pourquoi ses tuyaux étaient si bas. Peut-être est-ce parce que lui-même n'est pas bien grand qu'il y porte une attention particulière.

Enfin. Il est arrivé. Une tour jusqu'au ciel. Nestor Fourbevue grimpe dans le remonte-charge, ferme les grillages. Le vieillard sort une clef d'une des innombrables poches de sa redingote en queue de pie et la glisse dans le trou prévu à cet effet. Il avait emprunté l'original du petit objet pour en faire une copie assez laide mais très efficace sans que son propriétaire ne s'en aperçut, quelques mois auparavant. Il n'avait pas songé qu'elle lui resservirait – s'imaginant que les serrures aurait été changées après son dernier passage (à moins qu'on eut pas encore remarqué qu'il manquait quelques babioles dans plusieurs appartements !, mais trois fois rien, quelques brimborions qui lui permirent de se financer quelques temps durant). Elle marche encore. Il lui faut maintenant tourner un volant grand comme lui. S'agrippant à la barre, semblable à celle d'un bateau, il laisse son poids faire levier. Ah ! S'ils avaient pu installer une sorte de direction assistée... mais c'eût été trop simple. Fourbevue n'avait jamais aimé cette machine du diable : on ne se dirigeait pas impunément vers le ciel dans une cage en fer.

Il a fini. Cinq tours et demi ont été nécessaires pour atteindre le onzième étage. L'étrange ascenseur est en marche. Est-ce un violent orage que vous entendez avec Fourbevue ? Non, ce n'est que le bruit des chaines immenses en pleine action. Le capharnaüm ainsi provoqué avait depuis longtemps fait fuir les riches habitants qui eurent un jour profité de cet immeuble à la vue panoramique. On avait eu beau interdire de l'utiliser de nuit, son usage diurne en avait dissuadé plus d'un de rester céans. N'importe quel train de marchandises reste plus discret.

La machine infernal s'arrêtant enfin, le vieil homme ouvre les grilles. Entre. Attend. Écoute, et surtout regarde.

Personne. Bien. Non pas que rencontrer son hôte involontaire l'eût placé dans une situation indélicate, mais il aurait pu perdre un temps précieux à convaincre icelui du caractère bienfondé de sa visite impromptue. Longeant le couloir aux nombreuses portes en bois d'acajou, un huis entre-ouvert attire son œil prolongé. Le boudoir. Ou plutôt, la bibliothèque, si on en juge au nombre de livre, parchemins et autres documents de toute sorte qui jonchent les murs, tables et tabourets. Il ne faut lui laisser que quelques secondes pour repérer ce qu'il est venu chercher. Un papier immense enroulé et attaché par une courte mais tendre ficelle.

Sautillant par dessus les papiers au sol, il attrape le butin, retire d'une main décidé l'obstacle qui empêche d'ouvrir le rouleau.

Nestor Fourbevue déploie alors ce précieux papier et l'admire. Des plans. Pas n'importe quel plan. Des plans au fusain. Des originaux. Ils ne sont plus à jour. Il importe peu qu'il n'y connaisse rien : il savait avant des les ouvrir que ces canevas ne sont plus du tout à jour. En les y regardant, il ne pourrait pas dire pourquoi : et c'est bien tout ce qui importe.

Grrrrrrrrrr. Grognement. Un animal.

Oups. Gémissement. Un vieillard apeuré.

Les schémas qui l'avaient émerveillé devinrent tout d'un coup moins intéressant. Il les baisse pour mieux affronter la chose. Un chien gros comme une vache, aux dents de lions et au regard de tigre le menaçait de ses babines alléchées.

- Tout doux, tout doux.

Un chien ! Ces sales bêtes renifleuses ne font pas que mettre leur nez partout : elle mordent aussi, les saloperies !

Il lui faut passer outre ses phobies. Ces cons d'animaux ne se laissent pas vraiment influencer par le charme d'une bonne discussion. Il en a pourtant à revendre. Roulant rapidement l'objet de son méfait, il ne quitte pas la bête des yeux. Il porte délicatement sa main à son veston. Peut-être trouvera-t-il de quoi assommer le canin. Et... les truites !

Il comprend alors que le chien est sûrement plus vieux que lui et qu'il n'a pas entendu l'ascenseur : il est sourd comme un pot. Mais il a senti les poiscailles. Nestor les lui jette dans un coin de la pièce, afin de dégager la porte d'entrée de son assaillant. L'idée de pouvoir s'en sortir lui a débloqué sa réflexion. Le chien se laisse prendre à l'appât et saute sur le luxueux entremet. Bien content de ses effets, le vieux roublards ne s'éternisa pas plus que ça. L'autre avait à peine englouti la première truite – en une bouchée – que Fourbevue s'échappait dans le monte charge.

Sauf.

Vingt minutes plus tard, le voilà devant l'Indégonflable. Il y a du monde. Il va falloir la jouer finement, maintenant qu'il a perdu un de ses atouts.

Laouen Lostarbleiz

Lydia Von Harbou

Je me trouve actuellement au pied de l'Indégonflable, le déjà mythique dirigeable à hauban. Une foule bigarrée de chanceux voyageurs se présente au contrôle des tickets avant d'embarquer un à un à bord de la majestueuse machine. Les sourires et le chahut en disent long sur l'excitation qui règne ici et je ne sais si j'aurai assez d'un seul rouleau de paraffine pour enregistrer ce reportage tant il y aurait à dire sur cet événement incroyable. J'aperçois une jeune et jolie mécanicienne qui sort de ce qui semble être la salle de machines, alors qu'un monsieur vient de démonter un chien mécanique pour le transbahuter dans le vaisseau.

Ah... attendez, j'entends un bruit d'automobile qui... qui avance à grande vitesse à travers les pistes d'envol et qui... qui fonce droit sur moi et... oh pétard ! Qu'est-ce que !

Oh ! Vous n'allez pas en croire vos oreilles : c'ets la célèbre Lydia Von Harbou qui vient de sauter de son engin suivi par son mari le riche homme d'affaires. Elle salue quelques connaissances dans la foule et prend dans le coffre de sa voiture...un... sac de golf ? Elle est radieuse à souhait et s'avance le front haut vers nous. Je vais essayer d'attirer son attention ! Madame Von Harbou ? Madame Von Harbou ?! C'est pour les actualités de la TSF Madame ! Nous accorderiez-vous quelques mots ?
- Ah bonjour cher ami ! J'adore la TSF je l'écoute tout le temps, surtout lorsqu'il y a les retransmissions de courses de chevaux vapeurs.
- Madame Von Harbou, êtes-vous parmi les chanceux qui vont monter à bord de l'Indégonflable pour cette première traversée ?
- Mais bien entendu ! J'adore les machines et les progrès de la technique ! Vous saviez que se sont les usines de mon mari qui ont fournies certaines pièces de cette magnifique construction ?
- Je suis ravi de l'apprendre Madame. Quelles sont vos impressions en ce moment alors que vous découvrez ce monstre volant ?
- Je le trouve très joli ! J'aime beaucoup ses montants de fenêtre en cuivre brillant. J'espère qu'ils ne vont pas s'oxyder durant la traversée ! Que l'Unique nous préserve d'une tempête ah ah !
- Je vous remercie infiniment pour ces quelques instants privilégiés en votre compagnie. Je ne vous retiens pas car je crois savoir que le départ est imminent. Merci encore et bon voyage Lydia Von Harbou !
- Merci je vous embrasse... Où mon cher mari ? Ah vous voilà vieux machin ! Qu'est-ce que vous attendez pour donner mes bagages au chasseur ? MAIS DEPECHE TOI EMPOTE ! Mais oui je t'aime, mais oui tu vas me manquer ! Tiens je te fais un bisous devant les photographes, on sera dans le journal du soir comme ça ! A bientôt très cher ! Poussez-vous je dois embarquer dans ma cabine, laissez moi passer, je suis Lydia Von Harbou ! Oh bonjour Comtesse, comment allez-vous...

Lydia Von Harbou

L'intrépide aventurière aux cheveux d'or gravit avec une prestance travaillée le ponton qui relit le tarmac au dirigeable. Lorsqu'elle parvient tout en haut, elle se retourne et lance une dernière volée de baisers à qui veut l'admirer.

La voilà enfin à bord. Alors qu'elle prend un malin plaisir à fuir le regard de son mari, elle le voit tout de même du coin de l'oeil s'échiner à faire démarrer son bolide.

Enfin seule et délivrée de ce froussard pédant. La traversée de quelques jours lui fera un peut de vacances avant de le retrouver en Atalante dans leur domaine au cœur des plantations exotiques.

C'est toujours ça de pris, se dit-elle plein d'entrain.

Escortée par un chasseur qui croule sous ses bagages, elle harnache son précieux sac de golf tout contre son épaule et suit son malheureux guide à travers les coursives jusqu'au pont supérieur et les cabines de première classe.

Lorsque le groom lui ouvre la porte de sa réservation, elle découvre avec fascination l'intérieur luxueux. Elle ne parvient même pas à contenir une exclamation d'émerveillement devant la qualité du décor.

« Oh putain de bordel ! Cette classe de taré mental !
- Plaît-il Madame ?
- Oui oui, plaît beaucoup à Madame ! Tenez mon brave, voilà un biffeton de dix pour vous. Vous irez vous offrir une grenadine à la santé du con qui paie !
- Merci bien. Madame est trop généreuse.
- C'est pas moi, c'est mon mari vous dis-je. »

La cabine, la plus spacieuse, la plus onéreuse, la plus scandaleuse de l'Indégonflable, rien que pour elle. Lydia Von Harbou reste admirative devant les dorures de l'équipement et le velours carmin des tapisseries. Sous ses souliers, un épais tapis amortit ses petits pieds qui trépignent d'excitation.
Le grand luxe comme elle l'aime. Elle ouvre chaque commode, chaque armoire, chaque coffre. Tout sent le neuf. C'est merveilleux. Elle va bien s'amuser. Elle a même une toute petite salle de bain privative avec toilette et balon d'eau chaude. Comme à la maison en somme. Elle se sent déjà à son aise lorsqu'on vient frapper à sa porte.

Le groom est revenu avec un plateau roulant.

« Avec les compliments de votre époux ! »

Le groom dépose sur la table basse une corbeille de fruits exotiques et un sceau à glace où trône avec majesté une bouteille glacée de vin pétillant d'Echoriath.

Le tableau est ainsi parfait.

« Merveilleux mon brave ! Une petite coupette avec moi ?
- Euh... c'est que, je dois m'occuper des autres passagers et que mon service commence à peine. Je crains de n'avoir pas le temps pour...
- Oh vous êtes l'esclave de votre boulot mon pauvre ami ! Je sais il en faut bien. Tenez mon brave un biffeton de vingt pour vous offrir une coupette au bar quand vous aurez fini votre service.
- Madame ? Dois-je à nouveau remercier le con qui paie ?
- Non, celui-ci est de ma part ! Et tant que vous êtes là, pourriez vous s'il vous plaît inviter de ma part un charmant jeune homme de bonne composition pour déguster avec moi ce succulent breuvage ? Je ne suis pas très plaisir solitaire...
- Le comte et la comtesse de...
- Oh non pas eux ! Ils sont trop pingres ! Je sais pas moi, faites moi plaisir !
- Je vais voir ce que je peux faire Madame. »

Lydia prend un petit fruit qu'elle déguste avec finesse et ravissement en même temps qu'elle observe par l'un des deux hublots de sa cabine la foule de curieux massée au pied de l'appareil.

Elle sent qu'elle va bien s'amuser durant ces toutes prochaines heures.

Laouen Lostarbleiz

Laouen Lostarbleiz

L'indolente voyageuse, avachie sur un sofa de velours pourpre, étudie avec gourmandise la carte du dîner. Elle salive d'avance alors qu'elle entend le vrombissement des machines se répandre en sourdes vibrations tout autour d'elle.

Une agréable décharge lui parcourt les veines : l'excitation du départ imminent la rend euphorique. Elle jette un dernier coup d'oeil par le hublot pour voir la foule se disperser. La rampe d'accès vient d'être retirée du bastingage et la tension de l'appareillage est désormais palpable.

Ca y est ? on part ?

Alors que le bruit du moteur se fait entendre, Nestor se faufile dans les couloirs de l'Indégonflable pour trouver un endroit où se pioter. Il vient de monter à bord juste avant que la passerelle ne soit relevée. Pendant qu'on l'a relevée, pour être très juste. Un petit saut au dessus d'un caisson qui traîne au sol.

C'est qu'il lui a fallu jouer des coudes pour pouvoir s'approcher de l'engin avec cette foule venue assister au décollage. Quand il est arrivé au niveau du contrôleur, celui-ci range son barda. Nestor, qui a souhaité arrivé à cet exact moment, l'a hélé.

- Comment rangez-vous alors que je ne suis pas à bord ?
- Monsieur, c'est trop tard, l'embarquement est terminé.
- Ce n'est pas la question que je vous ai posée ! Je dois monter de toute urgence.
- Si c'était urgent, il fallait vous dépêcher. Nous rangeons parce que l'embarquement est terminé.
- Vous l'avez déjà dit. Vous devez m'aider à monter tout de suite, ce ballon ne doit pas quitter Belthil sans moi.
- Ah bon, et pourquoi ça, vieille homme ?
- Parce que je le dis, béjaune.

Le contrôleur n'avait pas saisi l'allusion. Il se détourna.

- Je suis l'assistant du concepteur de ce rafiot ! a-t-il menti, si vous ne me laissez pas monter, vous serez responsable de la mort de tous les passagers ; croyez bien que j'insisterai à cet égard devant les magistrats qui enquêteront sur vous.

L'agent a hésité. Une seconde. C'était tout ce qu'il fallait à Nestor, une seconde d'hésitation.

- J'ai avec moi les plans, a-t-il fait en les montrant à son interlocuteur. Les plans qui ont été transmis à l'équipage sont les mauvais. Il y a eu une erreur de ces incapables du service des postes !

Le contrôleur hoche la tête, étant du service des transports, il est un concurrent du service des postes - et à ce titre, est prêt à croire tout ce qui prouve leur incompétence.

- Tenez, regardez par vous-même.

Nestor a donc ouvert les plans. L'autre les a regardés, avec un signe de tête, mimant qu'il y comprenait quoique ce soit.

-Ah oui, je vois ! en effet ! ça me paraît très grave. Il faut les donnez à un membre de l'équipage, je vais le faire.

- Non !, ne vous offusquez pas, mais je dois les remettre au capitaine directement. C'est à cause du service des postes, et de leur bêtise, vous comprenez, mon supérieur ne tolérerait pas que je fasse distribuer mon colis par un postier, fut-il du service des transports !

Le contrôleur a opiné du chef. C'est qu'il ne veut pour rien au monde prendre le travail de ces incapables. L'argument a fait mouche.

- Dans ce cas, donnez-le à un membre de l'équipage.
- Non plus ! Je dois le remettre au capitaine et lui seul.
- Mais il est très occupé. Et l'Indégonflable va partir... Si vous montez, vous ne pourrez pas redescendre à temps.
- Tant pis ! Vous préviendrez mon supérieur que je suis à bord.

Sans attendre la réponse de l'employé du service des transports, Nestor Fourbevue a récupéré les plans. Il l'a ensuite devancé pour grimper sur la passerelle.

Moins compliqué que prévu, en fin de compte, se dit Nestor. Je n'ai même pas du lui dire mon nom.

Le contrôleur, lui aussi, vient de comprendre qu'il ne sait pas comment s'appelle cet homme, dont il est censé prévenir le supérieur. C'est qui son supérieur, déjà ?

Lydia Von Harbou

Laouen Lostarbleiz

Ptite coupette là ! Santé ! Cul sec !

Laouen Lostarbleiz