Taggle, l'îlot perdu

L'îlot perdu de Taggle*

Dans une nappe de brouillard épaisse où les bateaux ne naviguent pas, sous peine de rencontrer des éceuils, se situe une île aux vertus étranges.

Accueillant un peuple de trolls pacifistes et civilisés, on peut y voir le long de la côte toutes les maisons taillées et érigées à même les cavernes.

Le décor y est paradisiaque et à l'image de ses habitants: gigantesque. De partout la végétation s'élève, majestueuse, vers les cieux. Les abeilles, gigantesques, elles aussi, les butinent et sèment derrière elles des traînées de pollen qui pourraient, dit-on, fait léviter ceux qui ont le coeur pur.

Les cascades et ruisseaux grouillent, les poissons y sont étincelants et abondants. Les licornes gambadent là où le vent les amènent et les fées et nymphes prennent le soleil.

Ce cadre idyllique serait accessible à tous, s'il n'était pas aussi difficile d'accès. Mais si vous avez le coeur pur, que vous y croyez très fort, la légende raconte que les écueils se transformeront en nymphes qui vous ouvriront la voie jusqu'au port Trollébien.

Vous l'aurez compris, cette île regorge de surprises agréables et regorge de magie qui font de ces terres des lieux enchanteurs. Sur Taggle, en fait, il n'existe qu'une seule règle qui régisse l'îlot perdu:

Taggle, c'est magique!

* ou selon les traductions: l'île aux perdus de Taggle

Je suis un poisson.

Il regardait la mer glisser de vague en vague, et l'écume... glisser de vague en vague. Au loin l'étrange île resplendissait comme un soleil sur une carte postale - ces vieux bout de dessin qu'on trouvait dans Wilwarin évoquant des territoires exotiques et paradisiaques. C'était beau, si beau qu'il voulait y aller prestement, sans rien attendre.

Je suis un poisson.

Pour y aller, il fallait emprunter un bateau, ou bien nager, ou bien voler : bref il fallait traverser une mer où glissent des vagues et des vagues. Mais c'était qu'un pauvre humain avec des super pouvoirs, capable de défenestrer une ville entière en l'envoyant valdinguer dans la vitre d'un phare qui s'emmerdait grave sur son rocher, mais incapable de traverser une mer saturée de... vagues. Alors il se murmurait, il chantait, il priait les yeux fermés très fort en répétant une seule et unique chose :

Je suis un poisson.

Mais ça ne marchait point. A l'évidence il ne se transformait pas en poisson. Il y avait pas même une écaille qui montrait le bout de son nez sur sa peau blanche. Il rouvrit les yeux et soupira, se déshabilla lentement, puis plongea dans l'eau froide pleine de vagues, et nagea.

Quand on vous dit qu'il nagea, ce fut long et laborieux, à cause des vagues, et des vagues. Et tout en répétant son cycle de nage, il pensait très fort : " Je suis un poisson, je suis un poisson". Peu à peu la fatigue l'emportait et ses gestes furent plus lent, ses pensées plus incertaines. Et pourtant, il continuait de psalmodier sa cantique. Jusqu'à ce qu'une vague...

... lui rentra dans sa bouche ouverte, et le transforma en poisson. Tout son corps mua sans douleur, et sa pensée heureuse se berça doucement du bruit du clapot et du rayonnement du soleil sur ses belles écailles. Et enfin, il toucha le rivage de l'îlot perdu. Arrivé sur le sable chaud des ailes lui poussèrent et il s'envola pour venir s'échouer sur un nid d'oiseau. Là, confortablement couché sur de la paille, il se reposa de son long voyage.

Quand il eut recouvert un peu de ses forces il commença à grattouiller avec ses nageoires ses jolies écailles afin qu'elles tombent, une par une. En dessous la peau luisait comme un ver luisant. Dans le même temps l'oiseau propriétaire de ce magnifique logis était revenu et le fixait d'un œil torve.Agacé il prit dans sa nageoire droite une écaille et la balança en direction de l'oiseau. Celle-ci trancha son cou en deux. Sa tête retomba lentement non sans jeter un regard stupéfait. Sans sourciller, il lui balança un propos dans la langue des oiseaux :

- Ta gueule, c'est magique, et si t'es pas content, c'est du pareil au même.

AAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHH ! BOUM ! boum...!

Ainsi atterrissent les gobelins lorsqu'ils se font catapulter d'une île mystérieuse vers une autre.

Notfallspur le richissime gobgolfeur venait de passer les trois derniers jours à fendre l'air au dessus de l'océan.

Ses dernières mésaventures sur le continent de Telek F'ator l'avaient pour le moins éreintées - voire exténuées. A vrai dire il était limite nervous breakdown. Sans compter que filant dans l'éther depuis trois jours (et pas de nuit vu qu'il se déplaçait à contre courant du sens de rotation planétaire), il n'avait pas mangé grand chose si ce n'était une vieille carcasse d'hippopotame rongée par les mouches à bière.

Alors qu'il tentait de trouver un extravagant mais néanmoins providentiel moyen de s'enfuir de l'île maudite, alors que ses compagnons l'avaient lâchement abandonné pour une voie de secours plus conventionnelle, lui n'avait pu se résoudre à abandonner son compagnon de toujours : le sac de golf en cuir.

Ainsi il ramassa son bagage et le rempli de quelques souvenirs glanés sur le champ de bataille calciné de la plage des naufragés de Telek F'ator.

Au moment où il s'apprêtait à ramasser un pied bot de marin en parfait état, il sentit le choc ahurissant d'un coup de pied interdimensionnel lui broyer coccyx, fesses et organes internes.

Le temps de comprendre ce qui lui arrivait, il planait déjà à vive allure à travers es nuées.

Une voie de stentor grondait derrière lui :

"Et ne ramène plus jamais ton cul par ici, créature ignoble !"

Notfallspur ne sut jamais à quelle créature avait pu appartenir le gigantesque pieds qui propulsa son modeste séant hors de l'espace et du temps (était-ce non seulement un pied ? ou bien son habitude du coup de pied au cul l'avait-elle induite en erreur ?)

Mais lorsqu'il vit se profiler à l'horizon (et à grande vitesse) une nouvelle plage de sable blanc

(je peux pas finir, je dois rejoindre Nzaun à la crêperie... ouai et ? bah t'attendras la suite comme tout le monde)

" Y'a un moment faut se réveiller! C'est pas le monde des bisounours ici! "

Les dieux, ou le petit rigolo en charge de la surveillance de ce monde au moment de la réplique, devaient en avoir plus qu'assez de l'entendre balancer cette phrase à la moindre occasion. Un esprit pervers donc, (oui j'assume et maintiens: pervers!) décida d'envoyer la chieuse en question sur Taggle.

Bon vous me direz, y'a quand même pire comme leçon. Oui mais c'est parce que vous m'avez pas laissé finir aussi; donc Taggle! îlot magique, s'était parait de ses plus belles créatures douces, virevoltantes et colorées pour accueillir l'emmerdeuse.
Cette dernière se retrouva entourée d'amour dégoulinant et niais, de "choses" lui proposant de l'aide, de la compréhension, de l'écoute, des services sans aucun contrepartie, simplement par ... amoooouuuuur.

Berk, berk berk, elle en avait la nausée. Des licornes mauves et roses bondissaient de nuages jaunes et oranges; de petites fées vertes et bleues, toutes mignonnes et minuscules virevoltaient autour d'elle en chantant des mélopées de leurs voix cristallines adorables.

Il ne fut nécessaire que quelques heures à la râleuse pour regretter amèrement cette phrase qu'elle chérissait tant. Elle fit la promesse de ne plus jamais l'utiliser, nan jamais, les bisounours c'est l'enfer!

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