Il est des hôtes patients et pondérés qui attendent les invitations festonnées d'armoiries grandiloquentes d'une longanimité angélique avant que de se présenter, vêtus de trente et uns et de quatre épingles, potée d'hibiscus ou bimbeloterie santonnée en main. Ils admirent les petits soldats d'argenterie en ordre croissant, les mazagrans orfévrés contrastant splendidement avec les cristallines flûtes à siffler, usent et abusent des pinces à escargots, et poussent la flagornerie jusqu'à prêter leur dentition pour couper le havane du maître de maison une fois retirés au fumoir.
D'autres débarquent à l'improviste, un pied entre porte et chambranle, et on ne les a pas encore introduits qu'ils sont en train de peloter la propriétaire d'une main, son fils de l'autre, après avoir aspiré avec force suçotis le plateau d'huîtres, en avoir mouché une dans les rideaux et s'être lampé le Romanée-Conti 62 en en renversant une bonne goulée sur une cravate déjà maculée.
Dussé-je préciser que je suis de la seconde engeance ?
Ainsi me mets-je en devoir de mentorer les plus fortes plumes d'icelieu, après suppliques appuyées de gente Tobine et du sérénissime Undead Flake. Que ceux qui ne me connaîtraient pas encore me découvrent et ne se découvrent point trop les mollets, de peur de se les voir mordus.
Point de fantasystes sous ma férule. En mon antre l'on ne tolère que la beat generation, le club de hachichins, Melville, Orwell, Tunström, Rabelais, Easton Ellis, Burroughs, Sade, L'Isle-Adam, Lautréamont, Vian et Wojnarowicz. Que l'on ne néglige non plus les philosophes, de Montaigne à Sloterdijk en passant par Nietzsche et Wittgernstein, ni les cinéastes comme Aronofsky, Gilliam, Von Trier ou Kusturica. Il est également conseillé de s'intéresser aux mélodies de Cave, Drake et Cat Power, à la musique concrète de Schönhausen, Varèse ou Messiaen, voire aux expérimentations floydiano-radioheado-venetiansnaresiennes. Ajoutez un brin de surréalisme, d'Oulipo et de Nan Goldin, et mes attentes seront presqu'exhaustivement manifestées.
Michel Muller a toujours raison : fallait pas m'inviter.