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| Réminiscences (Union IV) | |
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Auteur | Message |
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Syllas
Nombre de messages : 529 Localisation : Aux premières loges de la Révolution Militaire Date d'inscription : 13/12/2007
| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Dim 11 Jan - 21:09 | |
| A la guerre, le vainqueur n’est pas toujours en mesure de terrasser complètement son adversaire. La courbe de la victoire atteint la plupart du temps un point culminant; l’expérience le démontre amplement. Extrait de De la Guerre, de Karl von Clausewitz, Livre VII, chapitre XXII. (Original).-- -- --
An 3855, E.d.U (Eon de l’Union). Galaxie 9, espace profond UFGS Steglitz En examinant les électroblocs de l’ordinateur central du Steglitz, Syllas se laissa aller à un air perplexe et inquiet derrière son casque. La structure cristalline interne était totalement altérée, et les circuits énergétiques corrompus. Il essaya de brancher une de ses batteries sur la prise aménagée à cet usage, mais, malgré toute l’énergie qu’il faisait parvenir aux systèmes, rien ne démarrait. L’objet restait là, absurde et sans vie, dans la paume de sa main gantée.
-Amiral, les commandes de répondent plus, en fait, rien ne marche! Annonça la voix légèrement paniquée de Ishaa, qui flottait devant le panneau de contrôle central, avec pas moins de trois batteries branchées sur une seule console.
Zikosler était à côté du Vice-amiral, accroupi si on pouvait définir comme telle sa position proche du sol et pas totalement renversée les pieds au dessus de la tête, et examinait les systèmes de liaison. Après avoir tant bien que mal hoché la tête, il ajouta:
-Même chose pour les harmoniques du boitier, tout est mort, j’comprend pas comment ça se fait. Sur le Kanopus, on pouvait réparer, ici, il faudrait remplacer tout les circuits électroplasmiques. Même au chantier sur Chris’ ça prendrait des semaines.
Brusquement, Syllas arracha le bloc à la batterie, qu’il recolla à sa ceinture, laissant l’autre objet, inutile, léviter assez loin d’eux pour ne pas les gêner.
-A votre avis, qu’est-ce qui a pu causer ça? Interrogea-t-il en se « redressant ». -Je n’en ais aucune idée, souffla Ishaa, en quittant le console définitivement éteinte, rangeant également ses batteries, mais ça n’était pas la même chose que nous, c’est clair. -Ce qui m‘inquiète surtout, remarqua la voix grave et un peu grinçante d’un des soldats d’infanterie de marine, posté à l’entrée, c’est que les couloirs sont vides. Pas de corps, ni même de scaphandres. Rien. On dirait que tout le monde a abandonné le navire.
Le chef d’expédition relança son rétropropulseur, suivit de Ishaa et de Zikosler, pour rejoindre la troupe, tout en confirmant:
-Oui, c’est préoccupant. En fait, le Steglitz a l’air abandonné depuis des années. Des siècles, si on en juge de l’autonomie normale des circuits électroplasmiques…
Il laissa sa phrase en suspend, scrutant la vide ténébreux des couloirs comme s’il s’attendait à ce que une silhouette y apparaisse, avant de conclure:
-Venez, on va jeter un coup d’œil aux navettes de bord au moins, avec un peu de chance elles auront mieux tenu, et nous pourrons les utiliser également.
Pendant un quart d‘heure, ils errèrent dans un vaisseau totalement vide et désolé. Tout n’était qu’immobilité et opacité, que perçaient tant bien que mal leurs projecteurs et leurs rétros. D’ailleurs, sans leurs ordinateurs qui comportaient une carte tridimensionnelles de l’intérieur, jamais ils ne se seraient retrouvés dans cet endroit totalement étranger. A plusieurs reprises, ils furent arrêtés par des portes verrouillées, qu’il fallut contourner. Enfin, celle du hangar à navette, plus petit que celui du Kanopus, étant la seule y donnant accès, ils durent réquisitionner quelques explosifs manuels mécaniques dans une armurerie proche pour la dégager — à cet égard, il était heureux que la marine souffre d’un tel retard en matière qu’équipement moderne. Enfin, le fait que Syllas ait dû payer de sa poche pour le carburant des réacteurs hyperspatiaux et de la tuyère de l’expédition parce que le ministère refusait de donner l’argent, tout en maintenant son ordre de mission, l’était tout de suite moins. Le hangar était tout comme le reste du Steglitz embourbé dans les ténèbres les plus noires, et ils durent s’engager assez loin pour tomber sur autre chose que cet angoissant vide, en l’occurrence la coque d’une navette, dont l’angle indiquait qu’elle se trouvait dans une position non réglementaire, ce qui fut confirmé lorsqu’ils eurent fait le tour.
-Je crois qu’il y a eut un bouleversement ici, commenta Ishaa, ce machin n’a rien à faire ici.
Son projecteur inspecta méthodiquement les environs pendant que les autres jetaient un coup d’œil à l’intérieur. Elle s’éloigna, et en quelques secondes à vitesse maximale, arriva dans le box où était normalement parquée la navette. Il y régnait un chaos considérable: les outils flottaient un peu partout, de même que des pièces détachées, et plusieurs plateaux de transport à sustentation. Manifestement, quoiqu’il se soit passé, c’était violent. Soudain elle eut la chaire de poule. Un violent tremblement de l’échine et des épaules suivi. C’était angoissant. Ca arrivait bien entendu de temps en temps, sans explication, c’était normal, mais là…ça la mettait mal à l’aise. Soudain tout la mettait mal à l’aise. Quelque chose ne tournait pas rond ici. Ca n’était pas de la douleur, c’était autre chose, comme si une pression sd’exerçait sur elle depuis l’intérieur…on l‘empêchait de réfléchir…il ne fallait pas rester là… Les commandes du rétro paraissaient soudain si compliquées. Où fallait-il appuyer!? Il y avait tant de boutons et de manettes…pourquoi!? Pourquoi son casque hurlait? Aucune pensée…cohérente…Qu’est-ce que…
Le Vice-amiral examina attentivement les résultats des scanns effectué par son multicapteur, et découvrit ce qu’il craignait. Le rayonnement était très fort ici, et encore plus par là, il n’y avait aucun doute. D’ailleurs, il se demandait pourquoi il n’avait rien soupçonné jusqu’ici. Probablement parce qu’il ne s’attendait pas à des répliques, encore moins ici. Le hasard aurait aussi bien voulu eu ça se produise n’importe où dans les quintilliards de millions d’années lumières du superamas K, mais bien sûr c’était tombé ici, maintenant…
-Rien sous thêta, rien sous alpha, rien sous beta. Ce ne sont pas des radiations conventionnelles, commenta Zikosler en jetant par-dessus son supérieur un coup d’œil au multicapteur. -Je sais de quoi il s’agit, l’arrêta alors Syllas, ça ne fait aucun doute.
La tête du rescapé de la salle des machines se retira, laissant place à un silence qui invitait le chef d’expédition à continuer. Néanmoins, ce dernier prit le temps de s’humecter les lèvres et d’appuyer sur une autre touche de l’appareil de détection. L’écran holographique miniature changea; de nouveaux faisceaux étaient détaillés suivant un système complexe de tableaux.
-Elle s’en remettra très bientôt. Fort heureusement, ce qui l’a attrapé n’était que diffus et lointain. Néanmoins, j’ai une idée précise de ce qui est arrivé au Steglitz à présent.
Il se releva doucement, laissant Ishaa, étalée sur une des banquettes du laboratoire de bord de leur navette, récupérer doucement. Voilà cinq minutes qu’elle avait les yeux qui bougeaient à intervalles réguliers sous ses paupières fermées et que ses doigts tremblaient légèrement. Il joignit ses deux mains, et les fit craquer, avant de s’installer sur la table d’expérimentation à sustentateur. Zikosler, toujours dans la même position, debout et assez raide, l’observait, invitant le Vice-amiral par son seul regard à continuer.
-Sous-lieutenant, connaissez-vous les effets d’une exposition, même brève, à un champ Tachyonique de niveau 4, ou Tetryonique?
Son interlocuteur fronça les sourcils sans comprendre, toujours muet.
-Vous les avez sous les yeux. Une exposition brève à un champ d’une très grande faiblesse. Ca n’est qu’un résidu, mais je vous laisse supposer ce qu’il en était il y a trois heures, lorsque l’incident a eut lieu.
Il avait commencé une moue, mais elle s’arrêta brusquement. Ses lèvres se rétractèrent, et son regard glissa sur l’officier étendue à côté, puis retourna à Syllas qui examinait encore les courbes affichées par son minuscule appareil.
-Si c’est-ce qui est arrivé aux gens à bord du Steglitz…Comment-ça se fait qu’il n’y ait même pas de cadavres à bord? -Cela dépasse vos attributions, répondit abruptement le Vice-amiral, sans relever la tête de sa besogne, jetant un froid. Un frisson parcouru l’échine de Zikosler. Mais je vais vous révéler une brève part d‘un secret de niveau SG.
Il soupira et désactiva subitement le multicapteur, jetant un regard plein d’une intense réflexion sur le visage d’Ishaa.
-Il va sans dire que rien ne sortira d’ici.
Zikosler hocha vivement la tête, intimidé, mais déjà Syllas avait commencé:
-L’hypothèse que des champs Tachyoniques circonscrits ont un effet spécifique sur l’espace temps est connu depuis des millénaires. La maîtrise effective de la concrétisation non. Elle représente peut-être l’étape suprême de l’avancement technologique de l’humanité. On a tendance à mépriser la technique quand on ne la comprend pas. Les hommes ont des esprits étriqués et petits, et sont naturellement opposés à ce qui les dépasse. Comment expliquer sinon la situation actuelle du gouvernement dans notre Nation? Mais peut-être qu’il existe certains recoins de la technologique que nous devrions laisser aux philosophes et aux auteurs de fictions pour l’instant, car force est de constater que nous les maîtrisons pas.
Le subordonné déglutit lentement, sa mâchoire étant soudain comme prise d’une crampe.
-Vous me suivez, n’est-ce pas? -Oui, tenta d’articuler Zikosler, toujours figé. -Bien. Le fait est que ni moi ni personne en Union n’est réellement capable d’expliquer ce qui s’est passé ici, mais force est de constater que toute énergie active a disparue dans le périmètre. Nous avons sûrement tous de fortes présomptions et idées, qui, se couplant à des peurs et des fantasmes profonds, donnent des émotions irrationnelles et font naître la corruption dans notre esprit. Le tout est de conserver la maîtrise de soi et de son esprit, ce qui est une tache profondément opposée aux orientations naturelles de l’humain, que la curiosité et l’audace ont conduit là où il est maintenant. Néanmoins, dans notre présente situation, c’est le comportement le plus sage à adopter.
Il posa se côté l’appareil éteint, et, d’une détente, quittait la table, pour se diriger vers la couchette improvisée. Il s’écria d’une voix forte avant même que son regard ait effleuré le corps:
-Ah, Lieutenant Stavanger, vous revoilà parmi nous!
Les paupières encore hésitantes d’Ishaa n’étaient pas entièrement soulevées, mais ses lèvres très sèches bougeaient doucement.
-Votre imprudence nous a épargné certains complications, vous savez, déclara simplement Syllas, en claquant des doigts au dessus de son visage, ce qui fit instantanément réagir la jeune femme qui émit un faible son, bon, d’ici une à deux heures, vous serez de nouveau sur pied. Il y a intérêt; j’ai reçu un message de Setz. La barre sera active en bien moins de temps, et il faut quelqu’un d’expérimenté pour la manier sans tuyère, afin de nous sortir d‘ici! | |
| | | Syllas
Nombre de messages : 529 Localisation : Aux premières loges de la Révolution Militaire Date d'inscription : 13/12/2007
| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Lun 12 Jan - 19:09 | |
| Il y avait des soirs où, installé dans un fauteuil, à côté d’un feu de bois craquant et sifflant, je mesurais mon immense fatigue, et me demandais combien de temps il faudrait continuer. Jusqu’à la fin de ma vie, probablement. Un découragement extraordinaire me submerge alors… Extrait des Mémoires d’un dirigeant, par l’Amiral Nikolaï Syllas d’Acre
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An 3859, E.d.U (Eon de l’Union). Ressirgo IV Il y eut une rumeur au loin, puis un véritable vacarme, les cris d’une foule mouvante, courant au milieu des tentes, un raz-de-marée submergeant le camp. Brusquement tiré de sa sieste—il avait travaillé toute la nuit, profitant de la fraicheur, sur les couches calcaires en bordure du plateau—, Samuel Goldenberg se redressa à l’instant où une silhouette heurtait la paroi. Intrigué, se frottant les yeux, il prit son chapeau, sa ceinture d’outils, et alla voir ce qu’il en était. Quelques personnes couraient encore en direction de la fosse, dans la lumière éclatante du midi. Il se plaça avec agilité devant l’un, un technicien, et demanda vivement:
-Mais qu’est-ce qui se passe ici à la fin?
L’autre s’était arrêté brusquement, gêné, et répondit hâtivement, en le contournant:
-Il semblerait qu’il y ait eut un effondrement, professeur Goldenberg! -Un effondrement!?
Mais déjà l’autre était au loin, et le camp semblait désert, ravagé par le passage de ce troupeau humain incontrôlé. Le géologue allait se précipiter à son tour quand Jerry Hugen émergea d’une tente plus loin, marchant bien moins vite que les autres—sa condition physique n‘était pas excellente, loin de là. Il aperçut son collègue, et le héla.
-Qu’elle est cette histoire d’éboulement!? Vous êtes au courant Samuel? -Je viens de l’apprendre… Il faut faire vite!
Ils se dirigèrent le plus rapidement possible vers la fosse, à travers un camp déserté. Goldenberg était étrangement nerveux à l’idée de ce qu’ils allaient découvrir. Cela faisait des jours qu’il avait ce pressentiment; toutes ses études avaient conclu sur le danger de fouilles aussi profondes, sous des voutes très fragiles. La moindre secousse sismique, même mineure, pouvait déstabiliser l’ensemble… Ils arrivèrent en haut, sur le ponton de bois qui surplombait les talus des remblais de l’entrée, découvrant une foule d’universitaire et d’ouvriers, agglutinée sottement, à regarder la poussière s’échapper du trou.
-Il va falloir se débrouiller pour leur faire comprendre qu’il faut se dégager…où est Rea? Demanda le géologue.
Hugen se figea, et ses yeux s’agrandirent. Son visage devint rouge, et il eut une terrible quinte de toux. Son collègue dut aller chercher dans une poche un petit inhalateur, qui mit quelques secondes à faire de l’effet. Le professeur ne put parler qu’après de longs instants:
-Mon dieu…j’avais oublié ça…Rea est descendue avec Jules et T’ser il y a une demi-heure! -Comment!? S’écria, tétanisé à son tour le géologue, dans quel…
Il n’eut pas le temps de finir; il y avait un mouvement dans la foule bigarrée, hurlant des prières, terrifiée par l‘action des démons de la terre: même si personne n‘aurait osé ne serait-ce que s‘approcher du trou, ils étaient tous là, fascinés néanmoins. Et quelqu’un se débattait, essayait d’avancer, mais était retenu par des assauts de prières et de questions. Samuel Goldenberg se précipita au bas de le rampe, et, faisant face à la foule, tenta de crier aussi fort que possible:
-Te’shaq G’val! Te’shaq G’val! (1)
Jouant des coudes et continuant de gueuler cela—l’expression faisait partie de son pauvre lexique Tessak, langue dont Rea s‘efforçait de lui apprendre quelques rudiments, sans grand succès—, il parvint jusqu’au centre des remous.
-Jules! S’écria-t-il en voyant le jeune étudiant, jaune de poussière, secoué dans tous les sens, dans les cris et autres hurlements bestiaux de la foule.
Il parvint à le saisir, et glapissant des « Te’shaq » à intervalles réguliers, réussit à le tirer jusqu’au sommet de la rampe, où se trouvait toujours Hugen. Le professeur se pencha immédiatement, et demanda:
-Jules! Grâce à dieu, tu t’en es sorti. Qu’est-ce qui s’est passé!? -Je…j’ai gr…haleta-t-il quelques instants, alors que les Tessaks curieux et quelques universitaires s’approchaient, j’ai remonté tout le chemin d’puis l’mastaba huit…Syllas y est restée avec T’ser…il était blessé…mais je n’étais pas arrivé à la moitié qu’y a eut ce tremblement de terre…
Il resta silencieux, récupérant toujours. Son teint avait viré du rouge solaire à un violet de mauvaise augure.
-Et? Insista Goldenberg. -…et une partie du tunnel s’est effondré… -Malédiction! Reprit le géologue, en se relevant, il faut les tirer de là, avant qu’il n’y ait des répliques, ou que tout s’effondre.
Déjà il faisait mine de repartir, mais la main de Hugen, pragmatique à en être cruel, le prit à l’épaule:
-N’y allez pas Samuel! Ce truc peut s’effondrer d’un instant à l’autre, et je ne veux pas avoir trois morts au lieu de deux! -Jerry, si je n’y vais pas, je m’en voudrais pour le reste de ma vie, répliqua Goldenberg en se dégageant brutalement, et prenant la route. -Samuel, non! Hurla Hugen en se lança à sa poursuite.
Déjà le géologue fendait la foule mouvant devant l’entrée, hébétée, sans savoir que faire, sans même lui crier de se dégager, chargeant la masse, la scindant. Il manquait à l’universitaire les mots pour leurs dire ce qui se passait, trop de choses lui venaient en même temps, il n’aurait pas pu se concentrer avec des heures dans ce vacarme. Après avoir dégagé un dernier gêneur d‘un violent coup de coude, il plongea dans la caverne. Tout juste derrière lui, Hugen, après avoir étouffé d‘un « merde » profondément contrarié, alluma sa torche, et se précipita à sa suite. La poussière dans l’antichambre avait été soulevée au point de créer un brouillard tellement épais qu’on n’y voyait goutte à plus de trois mètres. Cela piquait les yeux et les narines. Au bout de quelques secondes, les deux hommes, ayant tout juste sauté au bas de l’échelle de Duracier miraculeusement encore ne place, quoique de travers, commencèrent à éternuer très fort. Néanmoins, Goldenberg ne se découragea pas, et prit, dès qu’il la repéra, la direction du passage. Celui-ci avait tenu le choc, mais plusieurs étais avaient craqué. En cas de réplique, il risquait de se refermer rapidement, et déblayer prendrait du temps, surtout si la main d‘œuvre renâclait. Dans la salle centrale derrière, un des projecteurs avait été écrasé par un arc de la voute qui s’était détaché. Plusieurs cascades de sables tombaient de l’espace descellé, montrant que le tout ne tiendrait plus guère, dès que les bord commenceraient à se désagréger. Le deuxième projecteurs allait d’ailleurs bientôt être lentement noyé par cette avalanche. Enfin, le géologue s’arrêta. Immédiatement, Hugen était sur lui. Mais avant que celui-ci n’ait le temps de lui dire quoi que ce soit, il demanda en criant:
-Quel puit est-ce que Jules avait dit? -Samuel, revenez, il en est encore temps, hurla le professeur pour tacher de couvrir le bruit tonitruant du sable et des rocs tombants un peu partout, autour d‘eux. -Ma décision est prise! Gueula Goldenberg, en prenant violement Hugen par les épaules et le regardant dans les yeux, le puit!? -Je refuse de vous laisser Samuel, je vais devoir aller avec…le huit!
Ils repartirent au quart de tour vers la galerie du huit. Elle était encore relativement épargnée comparée aux autres, mais déjà sérieusement bloquée par des tas de sables s’empilant jusqu’à mi-hauteur du plafond lézardé et des blocs de pierres qui volaient partout, comme si le tremblement de terre était permanent. Plusieurs fois, ils reçurent des galets sur la tête, ce qui était très douloureux. Goldenberg en fut même sonné une fois, mais refusa de rebrousser chemin, et poussa plus en avant dans l’inferno. Après cette terrible traversé, ils arrivèrent dans la salle du puit. Ici, un large pan du rebord était arraché, et la clé de voute, au plafond de cette salle basse, s’était détachée, pour tomber dans le puit en dessous d’elle. Tout une partie de l’endroit était déjà submergée par plusieurs mètres de sable, et cette marée devenait de plus en plus intense, menaçant de submerger l‘unique projecteur restant, renversé à quelques mètres du tas. Ils se précipitèrent au rebord intact. Le puit, profond de trente-cinq mètres, se désagrégeait dans les sections que leurs torches arrivaient à éclairer. De larges pans du revêtement d’onyx sur lequel étaient marqués les mystérieux signes avaient étés arrachés au conduit, et étaient tombé, rayant les autres, répandant une terrible poussière noirâtre dans celui-ci. Mais, comme par miracle, sur le côté, l’échelle était intacte.
Dernière édition par Syllas le Lun 12 Jan - 19:10, édité 2 fois | |
| | | Syllas
Nombre de messages : 529 Localisation : Aux premières loges de la Révolution Militaire Date d'inscription : 13/12/2007
| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Lun 12 Jan - 19:09 | |
| -Vite! Il faut descendre! S’écria le géologue, en enjambant déjà le rebord. -Non! C’est du suicide! Tout va s’effondrer dans quelques minutes! Je vous en conjure, sortons vite! Le supplia presque Hugen, tourna frénétiquement la tête, comme si le fait d’en apprécier entièrement l’immensité lui permettrait de faire s’arrêter le désastre.
Sans faire attention aux dires du chef de chantier, Goldenberg était déjà à califourchon sur le rebord, éclairant le contrebas de sa lampe pour voir les premiers échelons, quand toute la section de celui-ci sur laquelle il se trouvait se brisa subitement. Un instant, il crut qu’il allait être précipité dans le vide, mais la main de Hugen apparut dans les tourbillons de poussière noire comme un éclair, et saisit celle du géologue, dont le corps fit une pirouette, pour aller heurter violement la paroi du puit, ce qui le laissa quelques secondes hébété, tout en serrant aussi fort que possible l‘unique fil l‘empêchant de tomber.
-Tenez bon! Lui cria son sauveur, je vous hisse! -Non, protesta Goldenberg, qui avait repris ses esprits, tachant d‘ignorer la douleur intense qui été née dans ses membres, je vais atteindre l’échelle. Il faut que vous restiez ici! -Je…pas question! Répliqua après un instant Hugen, mais déjà l’autre avait lâché sa main, et avait retrouvé son équilibre sur l’échelle. Bientôt, il avalait les échelons deux par deux, tachant de descendre aussi vite que possible, alors que d’autres plaques gravées de symboles tordus s’arrachaient partout autour de lui, menaçant de l’assommer à chaque seconde.
Puis, tout à coup, après un temps indéterminé, il se retrouva en dehors du tunnel. Un peu hébété, épuisé par son effort, il resta, pendant à l’échelle, à regarder autour de lui, dans le brouillard jaune-noire, doublé du noir de la caverne. Le mastaba n°8. Puis, courageusement, il sauta au sol, abandonnant la ligne de vie métallique, et, toussant, crachant cette saleté de sable, regardant toujours frénétiquement autour de lui, à gauche et à droite, tachant de reconnaitre quelque chose, comme l‘avait fait quelques instants plus tôt Hugen. Sa lampe ionique qu’il avait pendue au cou pendant la descente ne lui était pas d’un grand secours, et les projecteurs auparavant placés dans le mastaba avaient étés réduits en miettes par le clé de voute tombée jusqu’ici, ainsi que les avalanches menaçant d‘engloutir le tout. Il braqua son lampion dans tout les sens, perdant lentement la tête de ne rien trouver, puis, enfin, il poussa un cri de victoire en apercevant une jambe. Il se précipita. Dans le faible cercle rempli de poussière, ils distinguait à présent le torse de Rea, son maillot de corps déchiré par endroits, une manche de la vaste arrachée, les cheveux formant comme une auréole chaotique autour de sa tête. Elle reposait au sol, manifestement assommée par un bloc de pierre d’une taille inquiétante. Et, à côté, le contremaître T’ser, étendu contre un reste des deux autres échafaudages. Goldenberg braqua la lumière sur son visage, et l’espace d’une seconde, il crut voir entre deux rafales de sable et de gravier les traits morts du Tessak tressaillir. Son sang se glaça quand il vit des yeux blancs s’entre-ouvrir, et la main du géologue lâcha la torche, qui, suspendue à son coup, aller pendre au bout de cordelette, éclairant bêtement ses pieds. Lorsque qu’il eut, après d’interminables secondes, paralysé, dans la débâcle du n°8, le courage de la pointer de nouveau contre le visage du contremaître, celui-ci était écrasé par une large pierre de la voute, sur laquelle était figuré un dieu à tête animale. Une énorme flaque de sang perlait autour. La vue de tout ce sang le ramena à la réalité; il retourna à Rea, qui gisait toujours là, immobile, la prit à pleins bras, et la plaça sur son dos. C’est à ces moments là qu’il était heureux d’avoir servi sous les ordres de l’impitoyable colonel Kurtz, dans l’infanterie de marine, et ne regrettait plus les jours entiers sans sommeil passés à marcher dans les montagnes de Cimeria. Il reprit le plus vite possible le chemin de l’échelle, non sans au passage sentir le torse de son amie se gonfler, signe qu’elle respirait. Encouragé par cela, il commença résolument la montée. Malgré les marches et entraînements, il n’avait plus vingt ans, et, avec la fatigue et la peur, l’exercice était redoutablement difficile. Il s’efforça de se souvenir exactement du visage rougit de colère et d’une haine viscérale pour les recrues du colonel leur ordonnant d’enlever leurs bottes et de continuer pieds nus s’ils se plaignaient dans la traversée des montagnes. Entre un sourire et un soupir, il continuait vaillamment le chemin du haut. Il fut long, interminable. Une pierre, entre le galet et le bloc, heurta son bras gauche, le meurtrissant, emportant un bout de son vêtement léger, adapté au désert. Une autre, heureusement plus petite, mais très effilée, tombant sur sa tête, et égratigna vilainement son visage. Suivit une cascade de sable, qui lui fit presque perdre prise sur les échelons, et, lorsqu‘il s‘infiltra à travers ses paupières closes, lui donna l‘impression de devenir fou de douleur. Un instant, il cru que l’échelle allait lâcher, ou qu’il allait perdre prise, peut-être les deux, et qu’ils étaient condamnés. Mais, par un quelconque miracle, il avait l’impression qu’elle restait en place, et que son poignet tenait bon, au milieu de toute la débâcle. Du sacrément bon boulot qu‘ils avaient fait en l‘installant. Malgré tout, s’il s’en sortait de là vivant, il irait de ce pas à la cathédrale de Ressirgo-City acheter et placer une douzaine de cierges. Tout à coup, un voix sortit du néant, comme celle d’un ange, quand on y songeait:
-Samuel! Vous y êtes arrivé! Cria Hugen, en braquant sur l’héroïque géologue sa propre torche—le projecteur, après quelques efforts pour le dégager, s’était fait avaler par l’avalanche de sable qui occupait maintenant la plus grande partie de la salle, et se déversait dans le puit.
Le professeur tendit son bras droit, le gauche se retenant au bord, et aida Goldenberg à se rétablir. Puis, après avoir échangé un « merci » contre un « vite! » paniqué, ils se précipitèrent dans le corridor vers la surface. Mais le poids de Rea sur les épaules du géologue commençait à se faire pesant, et Hugen n’était pas assez en forme pour ne faire ne serait-ce que cinq mètres avec, même s’il donnait déjà un coup de main. Il était obligé de ralentir, malgré lui. De plus, les conditions de passage dans le corridors s’étaient beaucoup détériorées. Par deux endroits, il fut nécessaire d’escalader des tas de sable. Puis, à peine dix pas après le second, ils découvrirent, tétanisés, que le couloir était totalement bloqué par un autre. Courageusement, Hugen monta, et commença à creuser. Rapidement, Goldenberg, ayant soufflé une seconde, posa Rea, et l’aida. Leurs mouvements, pleins de panique, étaient mal coordonnés, et ne donnaient que peu de résultats. Heureusement, il n’y avait que quelques centimètres d’épaisseur au sommet de cette dune souterraine, et elle fut rapidement dégagée. D’abord ils poussèrent Rea, ensuite vint le géologue—Hugen avait insisté pour aller en dernier—, puis enfin le professeur, avec un soupir de soulagement. Les derniers mètres jusqu’à la salle centrale furent un calvaire. Tous étaient épuisés, et le parcours de plus en plus semé d’embuches. Haletants, plus morts de que vifs, ils finirent par y arriver dans un endroit méconnaissable, gigantesque chaos rocheux ayant remplacé la salle centrale. Plusieurs passages étaient obstrués déjà, et celui d’où ils venaient l’allait pas tarder à l’être également. Ils durent se serrer contre le mur car un morceau de voute coupait une bonne partie de la route, traverser au péril de leur vie l’endroit, pour aboutir de justesse à l’entrée du passage vers l’antichambre. Vers la surface. Mais alors que Hugen, en premier, s’y engageait, il y eut une autre violente réplique, et plusieurs éléments du plafond vouté de la salle se détachèrent, et ce fut la fin. En fait, il n’y avait plus de salle; de grands blocs tombaient partout, des plus petits volaient comme dans une bataille, et le sable était jeté avec une puissance terrifiante. Goldenberg en reçut en plein dans les yeux, et se tordit de douleur. Il dérapa sur une pierre lisse, et tomba à la renverse, le crâne contre des galets. Il eut un cri de souffrance, puis s’évanouit. Hugen s’était retourné, et a assisté, paralysé, à la chute. Rea avait roulé plusieurs mètres plus loin, sous une arche formée par deux blocs étendus sur le sol dégagé à cet endroit, et une autre tombé par-dessus. Il resta au moins une minute, au milieu de la débâcle, hébété, devant le choix le plus difficile de sa vie. Il commença à haleter très fort, craignant qu’un arrêt cardiaque l‘emporte, le tête vibrant avec une puissance terrifiante, le gorge nouée, sans savoir que faire. Soudain, il se tordit, et vomit. Puis, pleurant, frissonnant, dégoulinant d’un mélange de sucs digestifs et de larmes, il alla s’emparer de Goldenberg, qui était le plus près de lui. Il lança un dernier regard au corps inanimé de Rea, son visage lisse et harmonieux tourné vers le plafond décomposé, eut un gémissement de bête blessée, et commença à tirer aussi vite que possible celui du géologue à travers l’ouverture dans les parois granitiques. Les autres étais ne tenaient plus que par des bouts de ficelle. L’antichambre par contre était en relativement bon état, même si deux arches de la voute étaient tombées, mais c’était sans commune mesure avec ce qu’il y avait de l’autre côté du mur. Sa main ensanglantée alla trouver l’échelle de duracier décidemment inamovible, et il y grimpa aussi vite que possible, traînant le corps inanimé de Goldenberg, manquant par deux fois de le faire tomber. Enfin, il passa par l’embrasure, et le soleil de Ressirgo lui fouetta le visage. Epuisé, il se glissa hors de la cave, dans le sable chaud, et laissa le corps de son fol collègue choir à côté de lui. Les Tessaks étaient tous inclinés au sol, dans un rituel mystique, et chantaient d’étranges mélodies. Le professeur Jerry Hugen tenta de se relever pour redescendre, mais ses jambes le trahirent; à l’instant où le grondement lointain de l’éboulement généralisé lui parvint, entraînant Goldenberg, il trébuchait sur un rebord rocheux, la face contre le sable du désert occidental.
Notes sur les phrases (#2) (1)Faites de la place! Faites de la place!
Préfecture d’Extirgo, Ressirgo V. Rapport n°D54.10 Bureau des investigations et recherches de l‘office de Sûreté de la SRC, Major Gassem al Juriaz. Me. Surie *****. Sujet: Constatation des circonstances de la mort de Mme. Rea Syllas d‘Acre-Venes, D.A., H.N, archéologue de l’université Ducale de Christiansa, chef du chantier souterrain de Bald-El Jessaou, et de Ab T’ser Zavuyya al-Selaou Numma, primat d’une tribu Numma des Tessaks, contremaître de chantier. Classification: TS, très secret. A: Bureau des affaires centrales de la Sérénissime République de Christiansa, Colonel divisionnaire ****** ******.
[…] même si les circonstances de la mort de Mme Syllas restent obscures, nous ne pouvons exclure la possibilité d’une découverte compromettant la clause 74. du décret SG4-Medius. Néanmoins, l’effondrement généralisé qui a suivi de quelques dizaines minutes celui, localisé, de la salle huit, nous a empêché de récupérer les corps. Sauf si […] s’avère nécessaire, il est préférable de ne rien tenter pour faire disparaitre d’éventuelles traces. Le projet a été au moins arrêté immédiatement par le recteur, et les ouvriers ont étés payés, avant d’être libérés: personne ne parlera de ce côté. […] accorder une attention toute particulière à S.E. l’Amiral de la Flotte Nikolaï Syllas d’Acre. Son dossier psychologique est vide; nous ne pouvons rien prévoir à son sujet. […]Malgré nos précautions, certains facteurs instables demeurent. S.G, J.H, J.L devront être surveillés. La procédure 14 s’appliquera. […] E.Z est un risque potentiel. Jusqu’à constat de son décès, il reste une inconnue. […] L’opération ****** se poursuivra comme prévu.[…]
Ressirgo-City, le 26 Mai 3859 | |
| | | Syllas
Nombre de messages : 529 Localisation : Aux premières loges de la Révolution Militaire Date d'inscription : 13/12/2007
| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Lun 12 Jan - 19:55 | |
| Celui qui n’hésite pas lors du choix d’une stratégie militaire est un sot qui court droite à sa perte. Seule la chance peut sauver ces hommes là. Une chance insolente et non méritée. Citation du Tribun Hyrros de Tsarysyn.
Frederick Syllas eut un soupir las, terriblement las, et poussa de côté ses partitions. Ca n’était plus la peine d’essayer de détourner son attention, pour sa calmer, il fallait prendre le problème à bras le corps, rendre coup pour coup. Il referma le cache magnétique du piano, et se leva, le tout, très lentement, les veines de ses mains ressortant nettement à chaque mouvement. On distinguait dans ses yeux de la conjonctivite, signe qu’il dormait mal depuis quelques jours. Tout cela n’était pas uniquement imputable au vieillissement…
-Nous montons, décréta-t-il, toujours doucement, en se dirigeant vers la sortie de la salle de musique.
En silence, Cassandre le suivit. Elle aussi était assez nerveuse, mais était entre temps passé maîtresse dans l’art de cacher ses émotions et pensées, surtout pour des moments pareils où beaucoup de choses se jouaient. Belle et fraiche dans ses habits bleu marine—sa couleur préférée, avait-elle déduit entre temps en regardant avec effarement les contrastes chromatiques de sa garde-robe— fraichement lavés, elle semblait totalement détachée des événements, en suivant tout juste distraitement le cours. Ensemble, ils montèrent l’escalier de marbre gauche de l’entrée, et gagnèrent le couloir du premier. Une des lampes ioniques assurant l’éclairage s’était éteinte; l’organiste la ralluma au passage, puis reprit son chemin. Depuis que Anastas était parti pour l’hôpital à Acreopolis, il flottait au le premier une certaine atmosphère de vide et de mort, que la lumière jaunâtre ne faisait qu’accentuer, et que les fenêtres aux extrémités du corridor ne parvenaient à dissiper. Le vieillard était resté trop longtemps dans son mouroir, et lorsque celui-ci était été ouvert à son départ, cette impression s’était infiltrée par la porte ouverte, et avait gagné toute la maisonnée, à part des endroits comme la salle de musique, raison pour laquelle, elle le savait, son père s’y réfugiait, comme après le départ de Constanta, que l’on n’avait jamais revu depuis l’arrivée au pouvoir des amiraux. Ils tournèrent à gauche, et remontèrent tout l’aile de ce côté, jusqu’à la porte du bout, juste à côté de l’escalier de service, et le musicien s’arrêta. Il lança un regard furtif à sa fille, qui cultivait un très léger sourire, tout juste assez pour être belle, pas assez pour paraître guillerette, puis, en laissant ses paupières retomber assez lourdement, frappa, laissa s‘écouler quelques secondes, et ouvrit. Une vague de chaleur humide et de lumière du soleil au zénith les submergea. La serre occupant le bout de l’aile gauche était entièrement vitrifiée: exposée à toutes les heures du jour, elle voyait croitre de magnifiques plantes dans un silence uniquement troublé par la petit fontaine placée à deux pas du jardin japonais. Trois allées formaient un vague tracés en croix entre les plants. Il y avait de rares orchidées, bien exposées au premier plan, de beaux géraniums, des bacs plantés de fleurs très diverses, des cactus et autres plantes sèches, et quelques étranges spécimens grimpants, quelques Teczia épineuses de Ressirgo, ou des formes exotiques de rafflésies géantes. Le jardin d’hiver était là depuis longtemps, mais il n’y avait plus grand monde dans la famille pour y passer un temps notable. Ces derniers temps, seul François y restait, lors de ses heures libres, à entretenir avec amour l’ensemble. Le musicien se rappelait que c’était ici, sur le piano de François, qu’il avait fait ses premières leçons, dans ce magnifique cadre, jadis laissé à la discrétion de la domesticité par le délaissement de Anastas et le départ de Nikolaï pour l‘école des officiers de marine d‘Acre. Néanmoins, ce jour là, l’Amiral Syllas était installé sur un des fauteuils en osier qui trônaient au milieu de l’endroit, à contempler le parc à travers la verrière légèrement embuée. Il était en uniforme sobre, le rang uniquement marqué par quelques chevrons d’argent supplémentaires sur de discrètes épaulettes, pensif, la tête reposant sur ses deux mains jointes. Sans se retourner pour regarder les visiteurs, il dit d’une voix détachée:
-…Bonjour mes chers. Venez, prenez un siège chacun.
Cassandre prit de vitesse son père, s’installa, et poussa sa chaise en osier à côté de celle de son oncle. Pendant que son père faisait de même, elle passait sa main dans ses cheveux bruns—qui, perdant leur style lisse de l’enfance, devenaient étrangement ondulés, d’abord au bout des mèches, puis de plus en plus haut, lui donnant une allure assez étrange par rapport aux portraits holographiques d’elle datant de quelques années. Mais aujourd’hui, elle les avait attachés avec un ruban, bleu également, et tirés de façon à cacher ce détail. De même, le pendentif de son bloc disparaissait dans son décolleté pudique.—, l’air distraite, comme ailleurs. L’Amiral ne lui accorda pas un regard. Frederick en place, il y eut un silence, et la voix du chef de famille s’éleva:
-Et bien, Frederick?
Le musicien eut un profond soupir, et bougea un peu la tête, avant de commencer, regardant par-dessus sa fille:
-Et bien, et bien, le fait est que Cassandre dépasse les bornes. Après cette sombre histoire de sorties nocturnes, j’ai appris hier, pas une lettre recommandée du bureau d’Eupatoria du ministère de l’administration que le formulaire d’affectation était invalide, car renvoyé vierge. Dans un premier, je me suis demandé ce qui s’est passé, puis, j’ai eut un doute, et ais convoqué Cassandre. C’est bien ce que je craignais, déclara-t-il, avant de se tourna vers sa fille, tu as refusé, n’est-ce pas?
Elle tourna sa tête vers lui, et laissa passer un instant, avant de dire, dédaigneuse:
-Oui. Bien entendu, pourquoi ferais-je cela?
Frederick eut un grand geste exaspéré.
-Pourquoi? Pourquoi? Voyons, ça n’est pas question de ce que tu fais, c’est de l’historie de famille, tout simplement. Personne avant toi n’a fait une pareille comédie, personne, tu t’en rends compte? Tu te crois meilleure que tout ceux qui s’y sont pliés avant toi? Tu est l’aînée, tu as des responsabilités! Tu…
Les lèvres de la jeune femme laissèrent passer un léger soupir, et elle répondit, sans laisser finir:
-Arrête avec ces radotages. Les temps changent, je ne suis pas prête à recommencer cette interminable histoire. Vous aimez vous trimbaler dans des grosses boites d‘acier comme des imbéciles? C’est bien. Moi, je m’en fiche totalement, et je n’ais pas l’intention de m’y traîner pendant un an et demi. Vous ne pouvez pas m’y forcer.
Le musicien prit sa tête dans ses mains, de plus en plus exaspéré, avant de se tourner vers son frère:
-Nikolaï, je t’en prie, essaye quelque chose, car je n’en peux plus.7
L’Amiral se redressa lentement, et se tourna vers sa nièce, qu’il fixa dans les yeux. La semaine précédante, il avait été à une réunion d’une importance considérable avec les chef d’états des principales puissances universelles, à discuter âprement des limitations qu’ils fallait renégocier sur l’armement et les conflits territoriaux, au moment même ou Von Heigins, lui aussi présent, avait déclaré que l’anarchie dans les régions frontalières n’était plus tolérable, et que la flotte de l’Union allait mener une mission de pacification. Ensuite, il avait fait face au complexe militaro-industriel, Howell de la GE et Riksad de la Standard en tête, qui aspiraient à des privilèges fiscaux et des aménagements en leur faveur, monnayant ainsi leur soutient au régime militaire. Il avait dû faire face, et contre-attaquer, de nouveau. Ensuite, il était resté plusieurs jours dans les bureaux du nouveau ministère de la marine, à travailler avec des ingénieurs à la mise au point de nouveaux astronefs correspondants aux nouvelles normes, et répondant aux nouvelles missions. Finalement, il était resté la veille, jusque tard dans la soirée, à bord de l’UFGS Teeslavonia avec son aide de camp et quelques autres officiers de son état-major à travailler sur une montagne de documents divers, dont l’épineux problème de la mise en place de dépôts d’Hexanox sur les étapes des voyages intergalactique, pratique négligée jusque là et ayant coûté de nombreux vaisseaux qui, en panne le long de l’interminable chemin, ont disparus corps et bien l’immense vide séparant les galaxies. Heureusement, le projet d’une phalange de transport capable de traversées ces immenses distances, le projet Mime, même si il lui rappelait les sombres souvenirs des années de T2, était également porteur de nombreux espoirs, dont celui de faire de la flotte de l’Union la première de l’univers. En arrivant ce matin là, éreinté, au manoir, il apprend par son frère que Cassandre fait des siennes. Cela lui parait tellement bénin, tellement peu important, quand il décidait de l’autre côté du sort d’une galaxie entière, et même plus. Mais c’était la famille, et cela faisait partie de sa vie au même titre, sinon plus, que le projet de restructuration économique et administrative généralisé de Law qu’il soutenait activement. Elle ne sourcilla pas sous l‘attentif examen de l‘amiral, et resta immobile, effrontément. Cela demeura comme ça de longues secondes, puis Syllas passa à Frederick, qu’il étudia longuement également. Enfin, il revint à Cassandre, et laissa un instant, avant de demander, l’air toujours aussi froid, impersonnel, comme s‘il s‘adressait à un subordonné à bord de son navire Amiral, l‘UFGS Patria:
-Tu comprends, qu’en ma qualité de chef de famille, et de membre du gouvernement, je ne peux pas te laisser aller comme cela dans la vie, sans avoir fait ton passage dans la force publique. On penserait des choses sur moi qui pourrait me causer des problèmes qui auraient étés évités sans difficultés. Et j’ai l’intention de les éviter. Tu me suis, n’est-ce pas? -Ouais, répondit-elle simplement, néanmoins avec une moue dubitative. -Sache que je te comprends. Tu ne ressemble pas tellement à l‘archétype de notre famille, tu a des goûts et des objectifs différents. Je ne suis pas restrictif là-dessus, mais il faut savoir qu’à partir du moment où tes intérêts nuisent à ceux de la famille de façon générale, ceux de ton père et moi-même plus particulièrement, tu dois parfois te plier à certaines choses. Néanmoins, j’ai… -Cela ne changeras rien, le coupa la jeune femme, nonchalante, relevant ses sourcils d‘un air sévère, ma décision est prise. -Cassandre! S’indigna Frederick, un peu rouge. -Essaye de m’écouter jusqu’à la fin, veux-tu, Cassandre. Je disais donc, que néanmoins, j’ai appris que la politique comprend en grande partie l’art du compromis. De même que la vie, à ses moments cruciaux. Je te conseille de retenir cela. Je suis prêt à faire que tu évite la marine, vu que cela n’a pas l’air de t’intéresser outre mesure, et que si tu y fais des actions d’éclat, cela nous nuirais, mais, tu auras à choisir dans les trois autres groupements.
Sa nièce ne répondit rien, elle restait comme figée, ne s’attendant pas du tout à cela, qui compromettait toutes ses prévisions d’arguments. Frederick aussi restait coi, ne sachant comment réagir.
-Je pense que tu as du y réfléchir dans les derniers jours. J’attends une réponse maintenant, déclara doucement l’amiral, en reportant son attention sur la verrière, demain je repartirais sur Tsarysyn, et tu ne me reverras pas avant des mois. -Je…commença-t-elle, tandis que qu‘elle pesait le plus vite possible les informations dans son cerveau…je…choisirais …le paramilitaire.
Frederick souffla un instant, hocha assez violement la tête, avant de se lever, et de se diriger vers la porte. Il s’y arrêta, et lâcha:
-Ca peut aller. C’est la dernière fois que ça ira.
Dernière édition par Syllas le Lun 12 Jan - 20:12, édité 1 fois | |
| | | Syllas
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| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Lun 12 Jan - 19:56 | |
| L’instant d’après, la porte claquait. Cassandre fit mine de se lever, mais un geste rapide et sec de l’amiral l’en dissuada; elle n‘avait vu ces mouements qu‘avec les autres soldats pour l‘instant. Il ne se passa rien pendant de longues minutes, sans qu’il ne la laisse s’en aller à son tour. Puis, il se redressa, et alla vers la fontaine, qui coulait depuis un petit rocher en hauteur à travers un ingénieux systèmes de bambou, et plusieurs renverseurs gravitationnels qui faisaient « tomber » l’eau vers le plafond, avant d’être repris par un autre tube de bambou, pour terminer à arroser une série de bacs de plantes communiquants. Il passa son doigt dans l’eau fraiche, et c’est juste alors qu’il dit, très bas:
-Cassandre. Tu sais très bien que ton père n’est pas au courant de la vraie nature de tes « sorties nocturnes ». Et tu sais quelle réaction il aurait en l’apprenant, ce qui te causerait des montagnes de problèmes. Moi-même, je n’apprécie pas cela du tout. Mais je suis tolérant. Je l’ais déjà montré en te laissant acquérir cette Motograv, contre son avis. Néanmoins, il faut que tu saches que ma patience a des limites. Et elle est ici, tu viens de l‘atteindre. Je n’empêcherais plus ton père d’essayer de se maintenir au courant de tes activités.
Il parut de taire, puis, la question claqua, comme un fouet:
-Où compte tu partir à la milice?
Prise à dépourvu de nouveau, Cassandre bafouilla, car sachant qu‘elle ne pouvait aller ailleurs vu son projet:
-Hum…je…comptais aller…à Kamensk.
L’amiral eut comme un rictus, un sourire sans joie sur son visage creusé et maigre, encore plus fatigué depuis trois ans.
-Je m’en doutais. C’est de là que viennent certains de tes « amis », déclara-t-il, sans la regarder, avant de relever la main alors qu’elle s’apprêtait à parler, ne dis rien, je sais tout. Tu sais très bien que tous les envoyer ad padre ne me pose aucun problème, autre exemple de ma tolérance. Enfin, je suppose que tu crois connaitre l’endroit probablement mieux que moi entre temps, mais sache que j‘y ais été alors que tu n‘étais pas née, et j’espère que tu sais ce que tu fais. Tu sais, depuis la mort de Rea, plus rien ne me touche véritablement. Je pourrais te trouver un matin dans le caniveau de la place du 27 Mai, maculée de boue, vidée de ton sang, cela ne me ferait ni chaud ni froid.
Il avait passé deux doigts autour d’une tige d’une fleur, et observait attentivement sa robe blanche tachetée de rouge sombre et de vert foncé. Lentement, Cassandre avait le souffle coupé, et sentait une étrange peur naître en elle. Elle ne lui avait plus vraiment parlé depuis des années, et n’avait jamais remarqué tout…cela.
-Tu sais, répéta-t-il encore, ce que tu fais, cela ne me concerne pas. Mais, ce que j’ai dis tout à l’heure au sujet de nos intérêts, cela fonctionne toujours. Si, d’une quelconque façon tes actions là-bas pourraient nous nuire, je ne prendrais pas de gants. Ceci est un simple avertissement, tu comprends que j’y suis contraint par la situation, et son évolution possible.
Ce fut de nouveau un silence. Cassandre n‘était pas sûr si elle devait répondre quelque chose, ou s‘en aller. Mais elle n‘eut pas à faire ce choix; quelqu‘un frappait à la porte de la serre. Après que l’amiral ait haussé la voix pour dire « entrez », François pénétra dans le jardin d’hiver, salvateur pour elle, et annonça calmement:
-Un monsieur est à la porte. Voici sa carte.
Le petit rectangle de papier électronisé passa de main en main. L’amiral porta sa main à son menton, tout en faisant une moue. Défilait en petites lettres italiques pseudo-calligraphiées, au dessus d’un indicatif com., l‘immense dénominatif « Pr. Dr. Honorius Calender, D.L, D.M, D.S, D.T, attaché à la Curie Hagienne et à la faculté de théologie de la Sérénissime Université de Christiansa. ».
-Savez-vous qui est cet homme, François? Demanda le chef de famille.
Le domestique fit signe que non, et dit:
-Il m’a demandé à vous voir en personne, m’a remis cette carte, en disant néanmoins qu’il voulait vous parler de Mme. Syllas.
La tête de Syllas fit un petit mouvement, tiquant, et il releva la tête, intrigué., battant des paupières. Quelques secondes durant, il réfléchit, puis lâcha en un souffle:
-]Faites le monter ici.
Alors que François s’en allait, l’Amiral fit signe à Cassandre, qui s’apprêtait à se lever, de rester dans son siège.
-Tout ceci pourrait t’être instructif. Soit attentive, mais ne dit pas un mot de trop.
Il continuait d’observer le système de la fontaine pendant de longues minutes, avant que la porte de grince légèrement de nouveau, et s’ouvre. Il se retourna alors. François tenait le battant ouvert, raide sur le côté. Une ombre s’avança, lentement. C’était un homme de taille moyenne, habillé de vêtements de voyages informes de couleurs sombres, et d’un étrange chapeau rapiécé et pointu, dont la peau avait la couleur des hommes blêmes au retour d‘un temps d’exposition au soleil. Ses yeux étaient enfoncés et scrutaient leur environnement rapidement, avec une sorte de vision diabolique, perçant à jour ceux qui les fixaient. De plus, il devaient parfois être cachés derrière les petites lunettes en or qui pendaient au bout d’une chaînette du même métal à son cou, à côté d’un autre pendentif, une minuscule croix, par-dessus sa peau ridée, et sa bouche quasi-invisible tordue en une petit sourire étrange.
-Mes salutations les plus respectueuses, excellence, fit-il d’une voix grave et forte, le regard fixé sur le chef de famille, qui n’en était pas affecté outre mesure. -Vous êtes donc le professeur Calender? Demanda celui-ci, l’air toujours sceptique. -Pour vous servir, confirma le bonhomme, avant de tourner sa tête vers Cassandre. -Ma nièce, Cassandre, est une jeune femme ravissante et intelligente, expliqua Syllas sans cesser de regarder le visiteur.
Les deux eurent un hochement de tête, et l’amiral s’assit à ses côtés, avant de proposer au nouveau venu un siège. Celui-ci s’installa doucement, de l’autre côté de la table basse en bois, et commença à fouiller dans les poches de son ample et terne vêtement. Après quelques instants, il en sorti plusieurs objets hétéroclites. Il y avait deux petits livres râpés aux pages épaisses et jaunies, un bocal plein de sable et où dépassait un étrange objet, divers papiers, un porteur de données et enfin un petit crucifix. Il n’avait pas terminé de poser cela que l’amiral demandait:
-Mon majordome m’a informé que vous veniez me parler de quelque chose à propos de feue Madame ma femme. Vous savez que je suis un homme très occupé, et que je n’ais que peu de temps à vous consacrer, alors soyez bref. -Oui, oui, confirma l’étrange professeur Calender, très obligeant, comme la carte vous l’a sûrement appris, je suis attaché à la curie Hagienne et à la faculté de théologie de Christiansa. Je me charge dans le cadre de la Sainte Eglise de cas nécessitant un encadrement spirituel particulier, afin de… -Particulier? Expliquez-vous, le coupa Syllas. -Hum…disons des cas d’actions qui ne sont pas communes, et tombent dans le domaine du spirituel. Dans le vocabulaire commun, on dirait que je suis un exorciste, mais cela est totalement faux. Je me charge de recherches et d’études sur ces phénomènes, afin de déterminer ceux qui sont du ressort du spirituel, etc… Vous l’aurez lu également, je suis docteur en médecine et en science, et… -Vous êtes donc le professeur Calender, coupa court Cassandre, non sans humour, alors que l’amiral hochait la tête, pour confirmer, sans un sourire, mais tacitement satisfait de l’intervention au bon moment de sa nièce. -Enfin, si cela vous permet d‘assimiler ce que je dis plus facilement. J‘ai donc été récemment contacté par un de mes collègues de l‘université de Christiansa, qui a mit le doigt sur un événement qui méritait de plus amples recherches par rapport à celle que j‘avais entrepris sur ledit cas plus tôt. Le diocèse de Ressirgo-City me l‘a confirmé, et il s‘agit du cas de votre femme, amiral.
Le chef de famille se pencha en avant, intrigué, les traits sévères, sans pour autant qu‘une véritable émotion ne perce:
-Ma femme? -Oui. Je n’ais pas à vous rappeler les circonstances funestes de sa disparition, mais je me suis rendu moi-même sur place, deux fois, et ais effectué pendant plusieurs semaines des recherches. Plusieurs des choses ici sont le fruit d’icelle et … -Attendez un instant, l’interrompit l’amiral, vous parlez de phénomène. L’éboulement du site n’avait rien d’un phénomène, alors expliquez-moi où vous voyez là-dedans quelque chose de « spirituel » pour reprendre vos mots, à moins que la tectonique des plaques de Ressirgo V se soit effectuée dans un sens particulier et contraire aux lois habituelle par intervention du Saint Esprit. -Hum…c’est une dimension fugitive, qui n’est pas toujours correctement perçue. J’étais présent immédiatement après l’incident, et fait face aux conséquences à cours termes, assez troublantes pour éveiller ma curiosité. Mes recherches postérieures, suite à l’appel d’un collègue donc, avaient pour base le mastaba même, et, après une semaine et un questionnement sans relâche des locaux—chez certain le souvenir de votre femme perdurait, d’ailleurs—, j’ai appris un premier élément troublant. Il existait une deuxième sortie du complexe souterrain, qui a été, selon tout les apparences, volontairement ignorée dans la première enquête. | |
| | | Syllas
Nombre de messages : 529 Localisation : Aux premières loges de la Révolution Militaire Date d'inscription : 13/12/2007
| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Lun 12 Jan - 19:56 | |
| -Intéressant, murmura Syllas, toujours totalement détaché de la dimension émotionnelle, examinant la situation comme il traitait du « champ tactique immédiat de la bataille dans le premier des deux cas de figure énoncés de la sous-partie trois, chapitre IV, partie V, de son traité de Stratégie. -Oui, confirma Calender, en mettant ses petites lunettes dorées, honnêtement, si je n’avais pas trouvé un élément pareil au départ de ma seconde expédition, j’aurais difficilement poursuivit l’investigation. Cette entrée était encore relativement praticable. Cela ne veut pas dire que de nombreux coups de pelle n’étaient pas nécessaires, mais, en levant quelques locaux fascinés par l’affaire, j’ai réussit à les donner. Après près de deux kilomètres d’un souterrain sinistre agrémenté à intervalles réguliers de symboles païens malfaisants—que j’ai prit soin d’asperger d’eau bénite—, on arrivait dans ce que les archives de l’université, en section archéologie, nomment la « salle centrale ». C’était de là que partaient tout les corridors, y compris celui du puit huit, où votre femme s‘est retrouvée piégée au moment de l‘éboulement. La salle centrale avait été très touchée par le tremblement de terre; les arches et voutes du plafond, de longs monolithes granitiques, étaient tombés les uns sur les autres; l’espace praticable était réduit à un mètre de hauteur, et de nombreux couloirs étaient condamnés, soit par des rocs, soit bouchés par une montagne de sable. Lors de ma première équipée, j’avais trouvé, dans le sable, sous une arche…ceci.
Il tendit la main vers le bocal, et le dévissa très lentement, avec précaution. Le sable crissa dans l’ouverture, et bientôt, une légère odeur de désert en sortait dans le milieu tropical de la serre. Les mains blanches et osseuses du professeur Calender plongèrent, et ses doigts fouillèrent le sable, pour en sortir un petit tesson vert, troué, sur lequel un étrange symbole blanc tordu était incrusté. L’amiral examina l’objet attentivement, et finit par dire, avec une expression neutre:
-Et de quoi pensez qu’il s’agit, étant donné que vous paraissez accorder tellement d‘importance à cela? -Mais, Amiral, c’est un des symboles païens des Tessaks, et, si les images de votre femme au fichier universitaire correspondent, dit Calender se gratta le menton, l’air embêté, il s’agit du sien!
Syllas se carra dans son siège, et joignit ses mains, avec l’air que ses hommes lui connaissait quand la bataille prenait la tournure voulue, comme il l‘expliquait dans le chapitre II de la partie VI:
-J’ai immédiatement remarqué la ressemblance, je ne saurais oublier ce genre de choses, mais, ne vous est-il pas venu à l’esprit que dans les circonstances de la catastrophe, l’objet ait simplement pu tomber, ou qu‘il s‘agisse d‘un autre, très semblable, appartenant à un des nombreux ouvriers? Ne songeons même pas aux centaines de petits vendeurs qui prétendent vous faire payer des originaux d’une « grande valeur » aux abords du spatioport. Qu’essayez-vous de me prouver, professeur?
L’étrange bonhomme, au dépourvu, prit soudain mesure de la vivacité d’esprit de son interlocuteur, qui s’était limité à des remarques jusqu’ici, et n’y allait pas quatre chemins. Mal à l’aise, il tenta de se reprendre:
-Rien, pour l’instant. Je poursuis. J’ai donc poussé jusque là, sans rien découvrir d’autre que ce pendentif. Et c’est là ou le bât blesse: il n’y avait rien d’autre que du sable, cet objet, et les débris des projecteurs de l’équipe.
Soudain, sa voix défaillit, et il éternua violemment, en portant une main à son chapelet. Puis, plus lentement, il continua, néanmoins hésitant:
-Donc…Pas la poindre trace de sang humain, encore moins de… corps. Or, selon le récit de M. Goldenberg et de M. Hugen, ils avaient tout deux apporté le corps de votre femme jusque dans cette salle, avant de ne pouvoir revenir la chercher. Or, il n’y a …rien! On pourrait dire qu’elle est complètement sous un rocher, mais il n’en est rien: j’ai procédé à des sondages, et à une vérification systématique: rien, pas même une trace de… sang! Il fallait reconnaitre que rien n’était… mort dans la salle centrale. -Hum hum…médita Syllas, faisant craquer les articulations de ses mains, avant de les reposer sur les accoudoirs de son siège en osier, voilà qui est très étrange en effet. Enfin, ces messiers auront pu se tromper, et le corps de feu ma femme se trouver dans un des tunnels, sous quelques tonnes métriques de sable. N’est-ce pas? -Oui, oui, concéda Calender avec un geste large, mais M. Hugen m’a donné son témoignage, et il dit notamment qu’il ne dort plus qu’une nuit sur deux, et que la vision de la situation lui revient chaque fois. Il se voit réellement à cet endroit, à l’entrée du tunnel de sortie, devant les corps inanimés de ses deux collègues. Cette chose est tellement profondément incrustée dans son cerveau qu’il m’a donné une quantité effrayante de détails, l‘esprit humain est surprenant! Tenez.
Le professeur s’empara d’un des livrets, le plus usé, et l’ouvrit à un endroit indéterminé, au hasard, qu’il présenta à son auditoire: Sur les deux pages, une petit écriture serrée et tortueuse semblait introduire plus de noir que de blanc, et en devenait presque illisible.
-Ledit témoignage, descriptif et psychologique, comporte encore trois doubles pages comme celles-ci. Je vous lis quelques lignes: « …le roc qui était tombé à droit de la tête de Samuel avait une forme vaguement rectangulaire, et semblait glisser sur le deuxième langue de sable tombant du corridor du puit 4, vers lui. » « …seuls les pieds de Rea étaient en dehors de la protection de l’arche de pierre; ils étaient chaussés de Trollers marrons robustes qu’elle portait depuis quelques années, trois ou quatre. »… -C’est en effet très détaillé. Mais, avec-vous poussé jusqu’au puit n°8, professeur? -Le puit était obstrué par une masse de sable, Excellence. Or, il ne l’était pas lors de l’arrivée des trois fuyards, donc votre femme devait obligatoirement se trouver dans la salle centrale… -Quelle est votre conclusion, professeur? Continua impitoyablement l’amiral, menant la conversation. -J’en arrive à la conclusion que Rea Syllas a quitté le mastaba, vivante, termina, presque triomphant, l’étrange bonhomme.
Syllas aspira un grande bouffée d’air, lentement, toujours très sérieux et impersonnel. Puis, très doucement toujours, dit:
-Vous vous avancez beaucoup en disant cela. Rendez-vous compte qu’elle est donnée pour morte, au cœur du désert, dans un éboulement, depuis près de quatre ans? Comment voulez-vous qu’elle soit sortie vivante de ce trou, de ce désert? Et pourquoi ne se serait-elle pas manifestée? Sachez que j’ai considéré toutes les possibilités au fils des ans, et que je suis arrivé à la conclusion qu’elle était avec certitude morte, et que tout espoir serait fol, vain, et contreproductif.
Calender commença à ranger ses objets, l’air nettement contrarié.
-Amiral, je vois que vous n’êtes pas dans l’attitude de réceptivité optimale pour l’instant. Sachez néanmoins que je poursuivrais mes recherches, et vous en informerais régulièrement des résultats. Je ne demande pas de rétribution, je ne suis pas mercantile. Quand j’aurais trouvé des preuves pour étayer chacune de mes hypothèses, même celles que je n’ais pas mentionnées ici, je reviendrais. C’est un devoir pour mois.
En ayant terminé avec son bazar, il se leva, et, déclara, sur le pas de la porte:
-Vous avez ma carte, excellence.
Syllas inclina la tête, et fixa une dernière fois l’image du mystérieux professeur dans son esprit. Quelques instants après qu’il eut disparu, le chef de famille déclara, fixant toujours l‘endroit où se tenait Calender quelques instants plus tôt:
-Je te libère, Cassandre.
Lentement, sa nièce se leva également, et, retirant son pendentif de son décolleté, se dirigea vers l’entrée à son tour. Mais, alors qu’elle était sur le point de sortir, elle entendit Syllas:
-Et aussi, j‘oubliais, tout mes vœux de réussite à Kamensk.
C’était dit sur un ton très sérieux, mais aurait pu tout aussi bien être une remarque ironique. Etrange personnage quand même…songea-t-elle, une de plus, en jetant un dernier regard à l’homme dans la chaise d’osier, et enfin passer le pas de la porte de la serre de l’aile gauche. L’avenir s’ouvrait, de façon inattendue, devant elle. | |
| | | Syllas
Nombre de messages : 529 Localisation : Aux premières loges de la Révolution Militaire Date d'inscription : 13/12/2007
| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Mar 13 Jan - 20:57 | |
| Syllas d‘Acre (Eudes IV) : (668-741) Premier Fullakomtarque d’Acre, chevalier de l’ordre de Saint Marc, H.M, Sénateur de la République, Patriarche de la Lignée des Syllas. Cet officier fit d’abord ses armes dans l’infanterie de marine Christianienne et dans les dragons de l‘armée coloniale, notamment en participant à plusieurs abordages sanglant durant la Première Dragonnade contre la piraterie, qui opposa la Marine de Sérénissime République sous mandat Unionien à une coalition de petits Etats à la limite de la légalité et surtout aux puissants seigneurs de la guerre esclavagistes de la frange extérieure de la galaxie 8, entre les territoires Alttoriens et Unionniens, et fut notamment capturé par les esclavagistes. Après avoir été torturé puis assigné à une unité de travail, il massacra de ses propres mains ses gardiens, et prit la fuit avec les autres prisonniers qui formèrent le noyau dur d’une garde personnelle. Après de nombreux services durant la guerre, il retourna sur Acre, à quarante ans, auréolé de gloire déjà. Mais le principal épisode qui le fera connaître sera assurément la levée du Siège d’Acreopolis, pendant les Grandes Invasions barbares. A la tête de sa garde et cent-cinquante hommes de l’infanterie de marine, il mène une charge à la baïonnette dévastatrice dans le camp ennemi, avant de briser leurs lignes et de rejoindre la cité. Tout autant que l’effet militaire, le coup psychologique fut énorme, et donna la force à la cité de résister jusqu’à l’arrivée de la marine Républicaine et du corps colonial des renforts. Après cela, le Doge le fit Fullakomtarque d’Acre, H.M., et sénateur de la République. Les trois titres sont héréditaires, et encore portés par ses descendants. Il meurt en 741 E.d.U, dans le manoir familial qu’il a agrandit.
Dictionnaire Universel. Edition n°54.8.15. Livre X, page 24. Extrait de l’Article « Syllas d’Acre (Eudes IV) ».
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An 3873, E.d.U (Eon de l’Union). Christiansa Au dessus du continent boréal Après quelques instants de flottement, l’orchestre redémarra, avec la quatrième symphonie de Mendelssohn, le son portant grâce à une ingénieuse conception partout dans la grande salle de balle de la proue. Au milieu des invités en grande tenue, de nombreux grooms également habillés avec une élégance raffinée circulaient, distribuant des boissons à ceux qui en demandaient encore, mais après une relativement longue soirée, relativement peu de monde en était à ça. Et après la veille également. La voix usée du Fullakomtarque Erwin de Rhode reprit son récit quelques instants interrompus, au centre d’un cercle assez important de gens écoutant avec une attention toute relative. Cassilevanus Nepos, Premier Seigneur de la Seigneurerie fraichement élu faisait de la concurrence au vieillard en discutant avec assiduité de sa future ligne politique, drainant de l’auditoire parmi les dames et quelques députés. Lassé, Jelan Sirica quitta ces moulins à paroles vaines, et, dans le cadre d’une danse admirablement maîtrisée, traversa d’un air détaché la salle de bal, resta un instant dans le groupe portant un énième toast au nouveau doge, en présence de ce dernier, dont le regard commençait à se faire vitreux avec le deuxième jour de libations honorables, seule occupation du voyage nocturne, quand Son Honneur ne devait pas apparaitre sur le pont de promenade pour être vu de la population, regroupé au sommet des tours dans l’espoir de l’entre-apercevoir, avec des lentilles et des dispositifs de vision. Beaucoup de vieux routards de la politique ayant connu trois ou quatre fois ça confirmaient en privé que la tournée était une sacré épreuve infligée au nouveau titulaire de la plus haute charge de la Sérénissime. Puis, ayant tenu son rang, Sirica jongla encore une fois avec les mots vides, et alla rejoindre enfin l’autre extrémité du magnifique endroit, alors que l’orchestre terminait le deuxième mouvement. Un bon quart des invités avait trouvé place dans le confortables fauteuils en cuir, qui trônaient sur un magnifique tapis de Kilea Prime, dont les motifs floraux étaient tout bonnement enchantant, sous la lumière jaune pâle tamisée d’un réseau photonique. Plusieurs paravents de fort belles factures isolaient plus ou moins l’espace du reste de la salle, en plus de la musique soudain plus grave et basse, donnaient l’impression d’entrer soudain dans un endroit bien plus feutré et intime. Un instant à côté d’une des cloisons, le vieux magistrat lança un regard circulaire, et trouva qui il cherchait. Se glissant tel un caméléon au milieux de la jungle des officiels traînants ici et là, il parvint jusqu’à une place au fond, et avisa le dernier siège libre, où il s’assit avec un soupir de soulagement, en se disant qu’il faudrait prendre plus de repos à l‘avenir.
-Jelan! S’écria l’amiral Von Heigins, en grand uniforme, le torse barré de médailles, cinq grandes étoiles sur les épaulettes, et une barre de grades sur laquelle brillaient des petits carrés de toutes les couleurs, commémorant médailles, rangs, et autres actions militaires, une flute d’alcool faible à la main, un petit sourire sur les lèvres, bien le bonsoir! -Bonsoir à vous aussi, excellence. Je crains que nous ne nous soyons pas encore vus de toutes les célébrations. -En effet, confirma Liung Wu, installé à quelques mètres de là, un livre posé à côté de lui, remuant distraitement son éternel éventail, les yeux dévisageant le nouveau venu, mais il y a toujours tellement de discussions sans intérêt ni fin dans lesquelles on s’enlise… -Oui, c’est bien vrai, confirma Van Kryger, jovial et souriant, l’air bonhomme dans son grand siège, tiré à quatre épingles, très élégant dans son uniforme sombre où la croix de l’amirauté et la médaille étoilée d’appartenance au gouvernement n’en ressortaient que mieux, tenez, il y a de ça une heure, je me suis retrouvé parlant d’élevage ovin et bovin avec un fonctionnaire subalterne de Paasyk. Bien entendu, ça s’est comme d’habitude terminé par une demande de financement pour le défrichement de nouvelles terres à des fins de l’élevage extensif. Malgré quelques formules polies, j’ai bien du finir par lui souligner que je suis au ministère de la logistique, pas au sous-secrétariat des terres et forêts!
Tous eurent un bref sourire; chacun avait connu cela une fois au moins, et, lorsque c‘était la cinquième ou sixième fois dans une soirée, ça se révélait assommant .
-Néanmoins, je vais tacher de trouver quelque chose pour ce brave homme. Manifestement, il avait une bonne partie de son bled derrière lui, et a du jouer des coudes pour se faire inviter. -Oui, confirma Liung, cela est toujours bon à faire, je pense que chaque monde vaut sa contribution à la nation et ne saurait être abandonnée par celle-ci. On pourra en tirer quelque chose niveau image, éventuellement.
Il alla chercher un verre à moitié terminé rempli d’un liquide transparent, duquel s’échappaient quelques vapeurs étranges. Après avoir prit une gorgée, en fermant lentement les yeux, il reprit:
-Mais, monsieur le Procurateur, comment vont les affaires cet an ci dans la Grande Maison, je pense que vous êtes plus apte que n’importe quel rapport interne à nous éclairer?
Sirica aspira un grand coup, en s’emparant lui-même d’un petit verre de satuia, l’alcool de pin très apprécié dans la région de Christiansa d’où il était originaire, que lui tendait un serveur au regard fuyant. Voilà qu’on en arrivait aux choses sérieuses, l’habituel donnant-donnant, qui avait néanmoins très bien marché jusque là. Être introduis dans les plus hautes sphères, et bénéficier de quelques avantages substantiels—même s‘il avait accédé à la charge de Procurateur de Saint Marc sur ses propres mérites publiques, fonction purement honorifique dans les faits, mais néanmoins second office par le rang de la Sérénissime République, et remplaçant du doge en cas d‘inaptitude, qui plaisait tout à fait à l‘ancien Premier des Pairs de la Quarantia, lui offrant une belle place, qu‘il ne risquait pas de perdre, car étant attribuée à vie, toujours en politique—, en échange d’analyses de son esprit affuté et calculateur. Autant les autres membres de la junte ne se seraient pas intéressés à lui, que Liung Wu était un cas à part. Cet homme voyait dans les gens, et était probablement un des plus grands esprits de son siècles. Il avait lu l’intégralité de son œuvre, et en demeurait époustouflé. Lorsque Syllas l’avait gagné à leur cause, c’était un sacré beau coup… Ici, il s’agissait de la Grande Maison, l’office privé du Doge, et de son administration. Depuis longtemps, la Sérénissime, qui avait conservé son administration intacte et autonome, était un de éléments stabilisateurs les plus importants de la politique intérieure et même extérieure de l’Union, le Doge étant toujours chef d’état, et faisait des visites à l’étranger. La Sérénissime avait d’ailleurs toujours voix au chapitre au Conseil des Nations.
-Hum…la Grande Maison, commença le procurateur, je ne peux donner tord aux critiques les plus basiques; Constantin III fera sans doutes aucuns un excellent Doge, tout comme il était un excellent Sénateur, et excellent gouverneur. Ses capacités de gestion, sa perspicacité, et son sens pour déjouer les intrigues lui donneront stabilité et efficacité. Les problèmes pourraient venir avec des causes plus conjoncturelles que structurelles; nous ne connaissons pas encore ses réactions face à des situations de crise, et, comme souvent par le passé, une mauvaise décision pourrait pousser les assemblées dans le camp opposé, et, dans le pire des cas, aboutir à une motion, et au dépôt du mandat. Néanmoins, je doute que cela arrive; tout laisse croire que nous entrons dans une période de stabilité, en particulier grâce aux récentes réussites de l’administration centrale.
Il tachait de glisser ici et là quelques flatteries voilées aux amiraux, sans pour autant dire de mensonges; c’était réellement son avis. Mais Liung n’était pas dupe, Sirica était certain que le dernier battement de cils trahissait cela. Enfin, il pensait…
-Selon mon humble avis, je pense que d’ici quelques temps, dix mois à un an et demi, ce sera l’administration intérieure de la Grande Maison et du Grand Conseil d’où viendront les problèmes. De nombreux ministres et haut-fonctionnaires du Dogat précédant ont étés reconduits. Constantin a reconnu le choix judicieux d’un grand nombre d’entre eux, mais feu Nicolas Zen n’avait pas tout à fait la même orientation que lui, et cela donnera lieu à des frictions entre ceux-ci et le Doge et ses soutiens, d’abord mineur, puis de plus en plus importants. A terme, pour conserver une organisation gérable, il faudrait dans cette situation renouveler le Grand Conseil.
Von Heigins hocha la tête, approuvant. Il avait été bon politicien, et son coup de force du 27 mai n’avait été que possible par l’improbable union sacrée avec la gauche, et la mise hors courses des éléments néfastes plus à droite. Le procurateur avait également longuement étudié le putsch, et transmit une note d’analyse auprès du Sénat de la Sérénissime, et de la Sûreté. Plus loin, l’expression de Liung demeurait voilée derrière son verre fumant toujours d’une vapeur suspecte. Puis, il tourna la tête, et s’adressa à l’Amiral Syllas, qui était assis à côté de lui, à l’écart du groupe. Il était en uniforme blanc de parade dépouillé; sur son torse, les seules taches de couleur étaient la Croix de Botmélie, le collier de Patriarche et de Fullakomtarque et l‘étoile indiquant l‘appartenance au gouvernement central et à celui de la Sérénissime, ses boutons étaient en or ouvragé, et sinon quelques bandes sur les épaules indiquaient le rang d‘amiral de la flotte, soit Archi-Amiral de la Répupublique, et la petite croix stylisée surmontant ces bandes en chevrons signifiait « Grand Amiral de l‘Union». Ils échangèrent quelques mots, puis le fullakomtarque retourna à sa rêverie. Van Kryger se redressa légèrement, et lui dit sur un ton bourru:
-Allons, Nikolaï, joignez-vous à nous. Vous êtes bien taciturne ce soir! -Vous savez, j’ai travaillé encore tard il y a deux jours sur des affaires qui ne pouvaient être ni déléguées ni repoussées, comme plusieurs autres nuits dans la semaine passée, et le mois même, répondit Syllas, en levant la tête, dévoilant deux yeux parfaitement lucides. -Allons, il ne faut pas non plus s’abrutir au travail à ce point là, nous pouvons nous permettre un peu de repos, fit Von Heigins, très sérieux, en reprenant une autre flute, la cinquième, alors que Sirica, qui suivait ce manège depuis tout à l’heure, se disait que le bonhomme tenait sacrément bien l’alcool, surtout après ce qu‘il y avait eut durant les deux derniers jours... -J’aimerais partager votre insouciance Horatius, mais il reste encore bien des choses à faire cet an ci. Je tacherais néanmoins de prendre quelques temps de libres au manoir dans les temps à venir. D’ici là, des montagnes de paperasses m’attendent, et des visites à n’en plus finir…
L’amiral Syllas réprima un bâillement, et se cala dans son siège, après avoir lancé un étrange regard à Sirica. Celui-ci, ne savant pas vraiment qu’en penser, fut enfin admis dans la conversation des autres amiraux, quelque chose concernant de futures rencontres diplomatiques, et des pronostiques concernant la grande guerre civile en cours en galaxie 4. Il ne remarqua même pas quand un homme habillé d’un costume gris et noir tranchant avec le clinquant des habits de cérémonies portés ici. Il se pencha vers l’amiral Syllas, et lui glissa quelques mots à l’oreille. L’instant d’après, il ne restait d’eux qu’une vague odeur de tabac froid.
Dernière édition par Syllas le Mar 13 Jan - 21:00, édité 1 fois | |
| | | Syllas
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| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Mar 13 Jan - 20:58 | |
| Il ne faut jamais sous-estimer les dispositions des hommes à être manipulés. Il ne faut jamais sous-estimer les capacités des hommes à manipuler. Citation célèbre de l’Amiral Von Heigins, Chef d’Etat -- -- --
An 3862, E.d.U (Eon de l’Union). Badlands d’Acre Kamensk Au coin de deux grandes rues du centre ville, à côté d’un caniveau à peu près présentable, se trouvait un hôtel miteux. C’était un édifice de quelques étages, en vieille pierre noircie par le temps et l’air pollué, au dessus du perron duquel pendait une enseigne de travers on l’ou lisait péniblement « Hôtel Excelsior, Kamensk ». Sans être du bas de gamme ici, c’était loin des standards qu’aurait accepté le plus aventureux des touristes jadéens qui se serait par un étrange—et malheureux pour lui autant que pour son portefeuille qui n’aurait guère tardé à être subtilisé— hasard trouvé ici. En effet, tout les guides de voyage, tourisme ou simplement de passage, déconseillaient de s’arrêter à Kamensk, suggéraient même une pléthore de détours à travers les montagnes pour l’éviter. La ville et les bassins houillers environnants étaient comme la face obscure d’Acre, une conscience pour lui rappeler que l’équilibre ne se fait qu’avec un mal nécessaire. Avec près d’un million d’habitants, elle était grande à l‘échelle de la planète, où seule Acreopolis avec ses dix millions la surpassait, et dominait une région par contraste faiblement peuplée de collines sombres, les Badlands, où abondaient la lignite et le minerai de fer. C’est cela dans un premier temps qui avait attiré les gens du Combinat de MGG, ici et dans le désert au-delà des Badlands, relativement récemment, cinq cent ans auparavant. Bientôt d’immenses usines se dressaient au dessus des boucles du fleuve Fynn, et des centaines de kilomètres de tunnels étaient creusés à la recherche des richesses naturelles sous-terraines. Le personnel des usines s’était durablement installé dans des habitats bétonnés, longues rues rectilignes et semblables, et cela avait été le début comme de nombreuses autres villes industrielles en Union. Mais là où son histoire change, c’est au moment de la crise du Combinat. Les usines ferment les unes après les autres, les rues s’encrassent, et bientôt le crime monte en flèche, alors que des clans mafieux très puissants apparaissent. Même si, une vingtaine d’années après, le Combinat Industriel d’Askay rachète la moitié de la cité et relance les activités autour d’une série de nouvelles veines très prometteuses, le mal était fait. Ni cela, pas plus que les tentatives d’améliorer l’urbanisme général—le début de métro souterrain a été abandonné après qu’une partie se soit effondrée et ait laissé entrer le Fynn dans les sous-sols, faisant du reste un endroit ressemblant aux bas-fonds de Tsarysyn.—ne changent la donne; depuis, Kamensk est réputée comme étant la cité la plus dangereuse de galaxie 8, alors qu‘Acreopolis était soit-disant la plus belle. Et c’était ici que débarquait Cassandre, un soir froid et pluvieux, un mois après la discussion houleuse avec sa famille, une autorisation signée à contrecœur par Frederick en poche au cas où on lui poserait trop de questions, bien décidée à se faire sa place dans ce monde qui la fascinait. Tout en casant sa Motograv encore assez neuve—ce qui lui donnait quelques craintes ici—dans un coin de parking, tirant son sac de voyage robuste et sa fidèle sacoche, et vérifiant bien une deuxième fois les sécurités de son véhicule, elle récapitulait mentalement ce qu’elle allait faire dans la courant de la journée. D’abord se trouver une chambre d’hôtel qui n’ait pas comme occupants à plein temps une centaine de cafards ou d‘autre vermine mutante issue des recoins des usines chimiques des Badlands, comme elle en avait eut une à sa première visite, six mois auparavant, s’y changer, ses amples habits bleus marines étant trop à la mode et propres pour le bled, ensuite faire un « tour » en ville. Passer saluer Kerstin, retrouver « son » groupe de bikers qu’elle avait recontacté récemment, , en espérant faire des rencontres utiles en chemin. Ensuite, en fin d’après midi, passer au bureau de la milice paramilitaire, histoire de se caser là-bas, en espérant là tomber sur une unité qui lui convienne. Tout un programme… Le hall du palace était sombre; de gros volets en aciers fermaient déjà une bonne partie des ouvertures, qui ne dispensaient que la lumière jaune impersonnel des réverbères, et de grosses lampes ioniques rappelant celles des mines environnantes dispensaient seules un éclairage jaune et angoissant. A main gauche, plusieurs fauteuils qui avaient étés oranges dans une autre vie étaient installés selon une organisation mystérieuse, de l‘autre côté du tapis central très sale, un bureau de verre mal nettoyé servait de rempart à deux vieilles employées qui parlaient avec animations du feuilleton holo qui passait sur le petit poste fonctionnant en continu de la première heure du matin jusqu’à la fin de la permanence, lorsque la soirée était très avancée. C’est vers l’une d’elle que Cassandre s’avança. L’hôtesse quitta à contrecœur la passionnante conversation qu’elle avait avec sa collègue depuis une heure sur le postérieur de l’inspecteur Barrs, et marmonna avec une pseudo-politesse ratée en lançant un regard noir à l’incongrue cliente:
-Qu’puis-je faire pour vous, m’demoiselle? -J’ai effectué il y a quelques jours une réservation pour une semaine, expliqua Cassandre, en fixant d’un regard neutre son interlocutrice, en s‘efforçant d‘adopter un galactique le plus neutre possible afin de ne pas heurter le patois, qu‘elle ne maîtrisait pas encore totalement.
Celle-ci se redressa péniblement, et sortit l’ordinateur du mode veille. Plusieurs flots de données remplacèrent l’inespecteur Barrs sur l’écran holographique, dont le design indiquait que le système datait d’au moins une vingtaine d’années.
-Nom et numéro, m’demoiselle, grinça l’hôtesse d’une voix pâteuse. -Hélène Seymor, dit lentement la jeune femme, après être restée un instant silencieuse, numéro JK87.12. -Ca marche, répondit toujours de la même façon la charmante bonnefemme, avant de montrer un petit disque argenté incrusté dans le bureau: placez votre main sur le détecteur dermique, et ç‘s‘ra bon.
Tranquillement, « Hélène » y plaça sa main droite. Elle eut comme un petit frisson, signe que l’équipement n’était pas très bien réglé, mais un bref et très aigu « bip » vint confirmer que tout était en ordre.
-Parfait, v’pouvez y aller. Votre chambre est la 74, premier étage, au bout du couloir juste devant en sortant de l’escalier, conclu l‘employée, en faisant déjà mine de retourner à son importante discussion.
Cassandre eut un hochement de tête, et quitta sans regrets la réception crasseuse, pour se diriger vers l’élévateur. C’est une cage gravifique comme on en vendait en série depuis longtemps, facile à entretenir et fiable, au moins elle pouvait monter là-dedans sans risque. Mais il ne fallait pas se faire d’espoir: à peine avait-elle posé un pied dans l’espace, qu’elle remarqua l’absence du la lueur bleutée caractéristique, et le petit écriteau au feutre rouge sur le mur: « Hors service ». Elle eut un bref rictus, puis se dirigea vers l’étroit escalier qui montait autour du puit gravifique désactivé. Les marches de bois craquaient sous ses pas, on se serait cru ans une reconstruction d’anciennes baraques coloniales. Elle allait être installée dans un musée, quel privilège! Songea-t-elle avec autodérision. Après avoir côtoyée un être bonhomme descendant, emmitouflé dans un manteau noir, chaussé de lunettes noires, et d’un anachronique chapeau noir, elle sortit par la porte sur le côté, sur laquelle une autre inscription, toujours aussi artisanale, indiquait « premier étage: chambres 50-100 ». Le couloir qui courait à partir de la porte jusqu’à l’autre bout de l’hôtel, n’avait aucune fenêtre. Il était entièrement éclairé par quelques lampions jaunâtres dispersés irrégulièrement, et il s’en est fallut de peu que Cassandre ne heurte de plein fouet un monstrueux robot de nettoyage monté sur un petit châssis à roulettes, modèle dont elle avait entendu parler comme l’un des précurseurs des automates d’ouvrages modernes. Après avoir esquivé l’inquiétante machine émettant des bruits non moins perturbants, elle poursuivit, guettant le numéro 74. Celui-ci ce trouvait au milieu du couloir, à main droite, juste en face d’une petit tablette crasseuse sur laquelle poussait, on se savait comment dans cette pénombre perpétuelle, une petite plante en pot bien triste. A tâtons, elle chercha dans le mur à côté de la poignée le disque métallique du détecteur dermique, et finit par le trouver. Au premier passage de sa main, il émit un grincement négatif, il fallut forcer un peu pour que le battant s’ouvre, révélant la chambre 74. En premier, une pièce à vivre se dévoilait; un canapé vert foncé miteux, et deux fauteuils beiges vétérans, autour d’une table basse en bois aggloméré sur laquelle un petit holoviseur et système de com. étaient posés. A droite, derrière le battant de la porte, un petit comptoir de cuisine, avec un synthétiseur, quelques verres et papiers de l’hôtel, ainsi qu’une fontaine. Le tout était dominé par le ronronnement d’un climatiseur magnétique, et une lampe émettant un lumière blanche puissante. Cassandre fit quelques pas à l’intérieur, lissant le battant se refermer. Sur la gauche, un réduit semblait donner accès à une toute petite salle de bain, à droite une chambre. Elle poussa la porte de celle-ci. Un lit de taille honnête partageait l’endroit avec une immense commode en bois massif comme on en voyait encore peu, ne laissant que peu de place pour se déplacer entre deux. Une fenêtre minuscule, à peine une trentaine de centimètres de haut et de large, offrait une magnifique vue sur la cour arrière de l’hôtel., et un vieil arbre manifestement assez souvent touché par la foudre. Elle lança son sac de voyage sur la commode, y bousculant le papier des factures, et, le temps de poser sa sacoche, tomba elle-même sur le lit, épuisée, et constata avec soulagement qu’il sentait le propre. Aussi antique qu‘il soit, le robot de nettoyage fonctionnait manifestement encore. Plus ou moins inconsciemment, elle se demandait encore si elle avait bien fait de prendre cette décision, de mettre au clou son père, son oncle, le manoir, les études—qu’elle réussissait bien pourtant—, pour venir ici. Peut-être, peut-être…mais l’atmosphère là-bas devenait particulièrement oppressante et intenable, entre Silva et Alexis, avec leurs rêve dans la continuité familiale, dans la marine, Frederick, qui, quand il n’était pas en concert, revenait épuisé, et blasé, la comparant toujours, oncle Nikolaï, quand il venait, était toujours distant et préoccupé, du moins, quand la moitié de l’amirauté n’était pas sur place, discutant de choses politiques dont elle n’avait que faire, occupant le salon des journées durant. Et François qui était mort, deux semaines auparavant, d’un grave cancer qui s’était déclaré subitement, contre laquelle les médecins s’étaient montrés impuissants, malgré les traitements existant pour la plupart de autres cas, plongeant le manoir dans une atmosphère de deuil terrible. Il y avait ensuite eut le départ de Kerstin, qui l’avait confortée dans son idée. Par contre, quelque chose de désagréable était de se savoir surveillée. Elle ne doutait pas que ses faits et gestes étaient surveillés de près, après la menace voilée de son oncle, un mois auparavant. Le militaire ne plaisantait pas, il faudrait être sacrément prudente sur ce coup là. Déjà, elle s’était fait cette autre identité, afin de pouvoir être discrète. Ici, seule Kersla connaissait réellement…les bikers eux-mêmes n‘en savaient rien, grâce à ses qualités de mystification…car si cela s’ébruitait, Cassandre pouvait tout de suite plier bagage, et demander à son oncle de lui trouver une place à l’école militaire, en espérant qu‘il lui trouve une garnison bien perdue sur un monde à bucherons quelconques, où l‘ont n‘essayerai pas de faire d‘elle un otage en vue d'obtenir des monceaux de fric. Car, toujours après le sermon de l‘amiral, elle était sûre qu‘il n‘y aurait pas de négociations. Elle quitta sa rêverie, et se leva péniblement, pour d’abord défaire sa sacoche. Un trousseau de clés magnétiques, un bouquin, son créditeur et sa balise com., ainsi qu’un petit couteau télescopique très pratique et solide qu’elle avait eut pour une bouchée de pain en arnaquant son vendeur, manifestement novice. Il faudrait penser à se procurer de quoi l’attacher sous le bras, ou quelque chose comme ça. Pour l’instant, c’était sa seule arme, mais il lui en faudrait une autre, un bon vieux flingue, en cas de pépins comme on en avait souvent dans le coin. Et enfin un petit terminal informatique très pratique. Elle remballa tout, satisfaite de son inventaire, et sûre de tout avoir, malgré plusieurs tentatives de vol—un petit voyou de pickpocket du central d'aiguillage du transport continental s’en était d’ailleurs tiré avec un œil au beurre noir, par un coup d‘autant plus douloureux qu‘il avait été donné avec une main protégée par une plaque d‘Hexanox du bloc—, et passa son sac de voyage. Cassandre avait emballé beaucoup de choses dedans, et dès qu’elle l’ouvrit, il déborda de vêtement et d’objets divers d’hygiènes et autres. Elle fouilla pendant quelques minutes, tout en rangeant au fur à mesure dans la commode—dont elle avait éprouvé la propreté du bout du doigt tiré pour l'occasion de son gant: le meuble passa le test avec mention « médiocre »—, jusqu’à trouver le vêtement qu’elle allait porter, un habit d‘une pièce gris, discret et confortable. Le posant sur le lit, elle retira et fourra dans le tiroir ses relativement couteux vêtements bleu marine, où elle se sentait assez serrée et mal à l’aise à vrai dire, mais qu‘elle avait mis pour ne pas donner à son père l‘impression de partir à la Zone, même si c‘était ce qu‘elle faisait, et enfila rapidement l’autre. Une fois la fermeture magnétique remontée, elle se sentit tout de suite mieux, et termina de placer le sac de voyage dans le tiroir du bas. Plus ou moins satisfaite de son installation, elle jeta quand même un coup d’œil à la feuille des prix, histoire de se rassurer, —les vieux lui avaient clarifiés qu’elle n’aurait pas une fortune pour commencer, jusque quelques milliers de crédits réguliers mis de côté pour les études auparavant—, qu’elle trouva encore un fois raisonnable. Là-dessus, elle reprit sa sacoche, qu’elle portait à l’épaule, et quitta la chambre. | |
| | | Syllas
Nombre de messages : 529 Localisation : Aux premières loges de la Révolution Militaire Date d'inscription : 13/12/2007
| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Jeu 15 Jan - 20:43 | |
| Une administration bureaucratique développée et efficience vient sans peine à bout du fanatisme, du sectarisme et du tribalisme. C’est à partir du moment où elle perd sa flexibilité et son efficacité que ces maux triomphent d’elle. Extrait de De la Bureaucratie, de l’Amiral Liung Wu
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An 3873, E.d.U (Eon de l’Union). Christiansa Au dessus de l’extension continentale Derrière un paravent, astucieusement dissimulée, une petite porte permettait de passer de la salle de bal au couloir de service. C’était une coursive étroite et métallique où se pressait le personnel, très affairé, certains grooms portant des cocktails tout droit venus des cuisines, d’autres tout simplement des objets nécessaires au bon fonctionnement de la fête, ainsi que quelques robots de ménage. Dans cette fourmilière, la fumée de la cigarette de Custer voletait, se concentrait, avant d’être aspirée par l’air conditionné, non sans avoir fait éternuer quelques « passants ». L’Amiral avait remarqué, mais se sentait trop fatigué pour lui lancer le regard noir signifiant qu’il fallait arrêter pour l’instant. Il bailla, en faisant passer le bâton d’amiral de l’Union d’une main à l’autre, avant de dire lentement:
-Qu’y a-t-il de si urgent, Thomas? -Je viens de recevoir un câble de galaxie 8. D’Acre: la cellule 41. Cela concerne…
Bien éveillé malgré les apparences, Syllas le reprenait déjà:
-Est-ce ce que je pense? -Je crains que oui. Ca a recommencé.
L’Amiral posa sa main libre sur sa taille, se mordant la lèvre inférieure, réfléchissant intensément. C’était fâcheux, extrêmement même. Le genre de choses à ne pas prendre à la légère, et qui ne venait en plus pas au moment ou il était le plus disponible. Il faudrait gérer cela, pourtant.
-Une pièce vide, vite, fut tout ce que le ministre demanda.
Custer réagit rapidement, et interpella sèchement un serveur. Celui-ci leur indiqua un endroit pour le stockage, à trois coursives de là, et s‘en alla, le profil bas devant la mine grave de ses interlocuteurs. Ceux-ci se mirent prestement en route, pressés, bousculèrent plusieurs gens du service, et finir par entrer en trombe dans la petite salle mal éclairée, où les produits d‘entretient aux odeurs violentes s‘entassaient à côté de robots de nettoyage inanimés. Alors que Custer allumait sa deuxième cigarette en fermant. Syllas avait enfoncé le bâton d’amiral dans une poche, d’où il dépassait à moitié, et déjà se préparait à toutes les éventualités.
-Le câble? -Le voici, répondit Custer en sortant sa com., puis pianotant un peu sur la minuscule interface holographique, avant de montrer à son supérieur. Pendant quatre minutes, il observa la communication du bureau d’Acreopolis. Parmi les officiers de la Sûreté de niveau d’autorisation SG, le maximal, c’était déjà la levée de boucliers, expliqua la colonel, et même s’ils n’avaient encore personne sur place, les satellites étaient formels: ça a redémarré.
Il restèrent de longues minutes en silence, alors que l’amiral réécoutait le câble. Il pensait en avoir fini avec ça…pourtant, pourtant…
-On a quelqu’un qui connait le terrain? -Je ne pense pas, objecta le colonel, avec un soupir, les effectifs ont tourné depuis, surtout qu’on avait tiré des conclusions. Que des bleus, presque personne de briefé. Il faudrait faire venir du monde. Et ça sera long dans ce cas, on est dans l’obligation de composer avec ce qu’on sur place dans l‘immédiat. -Et qu’a-t-on sur place? Le reprit le ministre, rappelant lentement tout ses souvenirs sur l’incident précédant, augmentant à sa mauvaise humeur. -Pas grand chose, je le crains. Quelques vieux qui n’ont pas beaucoup bougé sont encore de l’époque. De nombreuses personnes de bas niveau de sécurité dans le service « action », ce qui le rend peu sûres, quand à la cellule 41, elle a été partiellement démantelée, par souci de discrétion: Track 1 a été transféré vers Track 2, qui par contre est toujours actif. Comme vous le savez, Track 3 a été depuis longtemps…effacé. Sinon…
Il consulta rapidement d’autres archives classées « SG ». Il s’arrêta alors même qu’il s’apprêtait à prendre une longue bouffée.
-…sinon, il semblerait qu’on ait quelque chose d’intéressant en arrivage, murmura Custer, avant de s’expliquer, après que l’amiral l’ait interrogé du regard: une des nôtres, qui a également trempé dans l’histoire d’y a onze ans…Et votre nièce. Un ordre bidon pour les faire venir, justement, afin de tirer quelque chose au clair, et il y a moyen de développer ça davantage. -Cassandre…Décidemment je la trouve sur notre chemin, encore. L’autre est au courant vous dites? Et Cassandre en a aussi eut des échos n’est-ce pas? -Oh, cela ne date pas d’hier, mais c’est le cas. Nos informations sont formelles; elle est dans la liste de restriction secrète.
Nikolaï Syllas retomba alors dans une profonde réflexion, tout en marchant doucement autour des caisses de produits. L’Officier de la Sûreté terminait tout juste sa quatrième cigarette. Le petit manège dura encore assez longtemps, puis l’amiral releva les mains, les maintenant parallèles au sol, comme pour maintenir les problèmes monstrueux s’annonçant en dessous de lui, et ce fut une tempête d’instructions, d’une voix rapide, habituée à donner des ordres. D’autant plus que la situation dramatique exigeait fermeté et efficacité.
-Okay, on n’a pas moyen d’attendre que les suppléments arrivent, il faut foncer, c‘est une question d‘heures. Si on n’arrive plus à contrôler, ça risque de finir mal. Très mal. On envoie Track 2 sur place, immédiatement, la fille dont vous parliez et Cassandre en parallèle, ça brouillera les pistes éventuellement. On alerte ensuite la 41, on fait circuler en interne. Des têtes vont tomber, c‘est intolérable! Nous devons être prêts. Lorsque Track 2 sera sur place, leurs ordres seront, conformément au protocole 24, d’en finir comme défini, et ensuite d’enchaîner sur le nettoyage habituel. Agir vite et bien. Rien ne doit filtrer. Je ne veux pas de témoins, ni de petits curieux posant de questions gênantes: carte blanche de ce côté là. Pour le reste, vous voyez, colonel……
Custer prit mentalement note de tout, puis demanda rapidement:
-Pour l’info, on fait comme la dernière fois? -Exact. Et aussi, je veux être tenu au courant de ce qu’il en est toutes les deux heures, et quand ça commencera, toutes les heures. Ensuite, il me faudra un rapport écrit. Personne en dehors de la liste blanche ne doit être au courant! Je me déplacerais si nécessaire…
Après avoir reprit une bouffée de tabac, son interlocuteur acquiesça.
-Bon. Vous voyez ça, j’ai confiance en vous pour nous tirer de là. Vous savez où me trouver, colonel.
Alors que Custer commençait déjà à lancer tout azimut des communications pour mettre la cellule 41 sur le pied de guerre, l’amiral, ressortant son bâton de la poche où il avait été négligemment jeté, quittait le débarras. Malgré son excellent sens de l’orientation—il l’avait prouvé dans l’infanterie de marine, dans les impénétrables forêts des zones d’entraînement sur Lüderitz et Cimeria, toujours, sous l’impitoyable colonel Kurtz, qui avait terrorisé des générations de militaires—, il bifurqua au mauvais endroit, et dut revenir sur ses pas, et prendre le bon chemin, jusqu’à réapparaitre derrière un paravent. Discrètement, il reprit place sur son siège, et commanda une boisson. Sirica, étalé sur son siège dans une position grotesque, juste contre Van Kryger, carrément assoupi lui; tout deux avaient manifestement un peu trop poussé sur les alcools, à côté d’un Von Heigins tout juste un peu gris, qui recommanda un autre verre dans un grand geste jovial, sans s’arrêter de discuter gaillardement avec l‘amiral Law, ramené par un quelconque miracle d‘une discussion passionnante sur les meilleurs systèmes de tri et de nomenclatures avec différents responsables de la Grande Maison, qui avait duré une bonne partie de l’après midi, c’était prolongée durant la soirée, et aurait pu continuer sans difficultés encore jusqu‘à l‘aube. Liung Wu en était toujours au même étrange gobelet fumant, et paraissait plongé dans ses pensées. Mais alors que Syllas croyait justement que personne n’avait remarqué son absence, le ministre de la propagande se pencha doucement vers lui, et demanda à voix basse:
-Que ce passe-t-il, Nikolaï?
Il lui lança le regard des mauvais jours, avec un bref signe de la main leur rappelant de lointains souvenirs. Tout ce qu’il eut à dire pour illustrer fut:
-Ca a recommencé. | |
| | | Syllas
Nombre de messages : 529 Localisation : Aux premières loges de la Révolution Militaire Date d'inscription : 13/12/2007
| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Jeu 15 Jan - 20:44 | |
| A présent, on va devoir faire faire un grand ménage; dès demain, les lobbys autonomes seront éliminés. D’une façon comme d’une autre. Enregistrements de la Sûreté, bureau de l’amiral Basil, 48.566.7[/center]-- -- --
An 3873, E.d.U (Eon de l’Union). Acre Ploraff, province de Fynn-Océanique Tranquillement, parcourant les dernières nouvelles sportives sur l’écran tridimensionnel, le major Heinz Jarren sirotait un bon café noir, comme il les aimait, et auquel il avait ajouté une pointe de Korr, installé à son bureau, la tasse trônant au dessus d’invraisemblables papiers portants des cachets codés indiquant le niveau de sécurité et de secret. Le long bruit guttural produit par la descente du breuvage surchauffé dans son œsophage était comme le tonnerre d’une cascade dans l’environnement immobile et silencieux de leur bureau; sur dix mètres carrés, sans fenêtres, celui-ci était une pièce aveugle aux murs métallisés, uniquement éclairée par un globe crasseux pendu au plafond. D’ailleurs, il n’y avait pas grand-chose à éclairer: deux bureaux de duranium, brinquebalant sur leurs pieds respectifs, sur lesquels s’entassaient d’immenses piles d’objets hétéroclites, allant les interminables rapports pour le major aux porteurs de données, pièces d’information, choses suspectes ou encore armes et saisies pour son adjoint et unique collègue dans l’immense bureau des archives. En reposant le café, après en avoir prit une longue gorgée, son regard vagabonda sur la pile - pour autant qu’une formation à la géométrie tendant vers les quatre dimensions du fait des changements s’y opérant au moindre courant d’air pouvait être considérée comme une pile - puis sur les informations des compétitions de gymnastiques en apesanteur sur leur poste holo. Le tournoi féminin - qu’il avait passé à faire des remarques crues avec son collègue sur le physique des sportives - était terminé, et les hommes étaient à présent à l’honneur, exécutant des figures osées et acrobatiques à plusieurs mètres du sol. Ne voyant plus l’intérêt de suivre ce spectacle ronflant, il changea la chaîne, et tomba sur des actualités régionales. Une voix-off expliquait que la disparition d’un important groupe de randonneurs en forêt avait mobilisé plusieurs centaines de membres des forces de l’ordre, ainsi que des hommes de la Sûreté, qui allait se rendre sur place et investiguer, et à la perte d‘une importante cargaison d‘armes dans l‘espace. Il accueillit la première information avec un soupir. Il se lamentait maintenant depuis des années; a une compétence près - mais qui? Franchement, qui? Avait besoin d’être sportif pour être à la Sûreté?! - il serait entré dans le service actif. Mais, toujours à cause de ses médiocres capacités physiques, il avait atterri là, aux archives, à garder toute l’année un bureau où des robots lui apportaient d’invraisemblables montagnes de dossiers, comme des témoins railleurs de sa médiocrité, presque seul dans ces kilomètres de corridors obscurs où étaient entreposés documents informatisés et écrits sur les activités de la Sûreté Acrienne. Ah! Si ces idiots de gens de l’examen du service actif avaient su ce qu’il avait vécu, lui, et que eux n’imaginaient pas dans leurs pires cauchemars…ah! Enfin, heureusement, il avait un collègue. Sans le jeune Valentino, il serait depuis longtemps mort d’ennui et de désespoir. Valentino Zokki était arrivé depuis un an et quelques, et avait la moitié de l’âge du « patron ». Malgré tout, ils pouvaient parler de tout et de rien, en riant comme des amis de toujours; se moquer des affaires qui leur passaient entre les mains, être indiscret même parfois, regarder ensemble les plus grandes compétitions sur l’holovision, autant que le festival annuel de la musique country, se conter leurs joies et problèmes…enfin bon, tout ce qui faisait l’intérêt des conversations au bureau. A l’origine, ce bureau comptait beaucoup plus de monde. Lorsque Heinz était arrivé, ils étaient au moins dix à se partager le travail, et il y avait une sacré ambiance! Mais l’ouverture de nouvelles archives à l’échelle de toute la circonscription planétaire a drainé les effectifs de celle de Ploraff, qui ont finies par se retrouver avec uniquement deux pékins, comme oubliés là par l’administration centrale de « la Famille », seuls au milieu des autres locaux où seul le crissement des machines rompait le silence, perçant et désagréable, les ayant poussé à conserver l‘holovision allumée presque tout le temps, même pour regarder le festival de la musique country, ou encore les discours traditionnel du samedi après-midi de l‘Amiral Law - Une institution en matière de détails légaux ronflants, et s‘étirant pendant des heures et des heures, lorsqu‘un des juristes, titillé par un point qu’il ne jugeait pas assez développé, relançait le ministre dessus, qui n‘était pas sans apprécier cela, et ne faisait rien pour couper court. Le speaker était entre-temps passé à une explication, qui n’était pas sans rappeler légèrement les discours de l’amiral, faisant intervenir une marque célèbre de meubles en rondin, le prénom de jeune fille de la tante dudit Law, et un meurtrier schizophrène souffrant d’un traumatisme accentué de la part interne de l’esprit, doublé d’un mauvais goût apparent en matière de spiritueux, qui, après avoir terminé cinq grosses bouteilles— des magnums — de Ravaga de moindre qualité, et avoir fait disparaitre sa femme en une millier de rondelles propres de la taille d‘un biscuit d‘apéritif, toutes patiemment coupées avec le même moule de cinq carreaux sur dix, à travers les sanitaires, avait décidé de faire un « petit tour » en ville au volant d’un antigrav’ poids-lourd chargé d’explosifs à destination d‘une des mines de duranium des Monts Brumeux, imprudemment laissé sans surveillance par son chauffeur, à quelques pas de l’entrée du bloc résidentiel du sinistre personnage. Cette ballade de santé s’est soldée par des dommages importants aux infrastructures publiques que sont trottoirs, lampadaires, bancs et autres fontaines, et accessoirement par la mort d’une quarantaine de passants n’ayant pas eut le reflexe de se jeter de côté, avant que le véhicule déchaîné ne finisse par emboutir un lanceur de missile THOR I mobile de l’armée, fort opportunément présent à ce moment là en travers de la rocade extérieure d’Acreopolis, véhicule pesant déjà sans sa mortelle cargaison déjà trois fois plus que le moucheron qui s’écrasa contre ses stabilisateurs antigravitationnels droits.
-Sacré épopée! Siffla Valentino en observant les images du carnage sur la voie publique, puis le saladier contenant les restes de la malheureuse épouse. -Ouais, approuva Heinz, avant d’ajouter, avec un petit rire: Bah, fallait pas abuser sur l’Ravaga, y’aurait peut-être été quitte pour un ou deux ans de plus avant d‘en finir avec le mariage.
Le jeune homme approuva par un hochement de tête, puis déclara:
-De toute façon, ces histoires de schisos, c’est des grosses conneries…tout juste bon à nous faire bien marrer…
Heinz ne fit, en guise de réponse, qu’un « hum hum » apparemment sceptique, s’attirant un regard intrigué de son collègue, qui avait soudain abandonné une auscultation passionnante d‘une pot de fleur en partie brisé:
-Hum? L’imita-t-il. -Enfin… tu sais, c’est pas que des histoires, parfois, hein. Y a aussi du vrai dans c‘qui ressemble à des grosses conneries, pourtant, ça se sait.
Troublé, Valentino lâcha définitivement sa besogne, et s’installa plus profondément dans son siège:
-Du vrai? Tu vas quand même pas me dire que cet imbécile était vraiment le Roi Attal, vieille branche. Là c’est toi qui abuse du café! Conclut-il, taquinant son vis-à-vis. -Non, non, pas à ce point là, l’arrêta-t-il avec un sourire bonhomme, avant de redevenir sérieux, mais tu n’es pas depuis assez longtemps dans la famille pour avoir vu des choses comme moi. Le truc qui a fait date…oh… c’était à l’époque où on était encore quatre ici, dans ce même local, neuf ans avant ton arrivée...ça fait bien dix ans maintenant. Je m’en souviens comme si c’était hier… l’année où ils ont commencé sérieusement le ménage chez nous…Enfin bref…
Il fit mine de retourner à son café, mais Valentino, la curiosité piquée, le relança:
-Attend…C’est quoi cette histoire?
Dans un premier temps sans faire mine de prêter attention à son jeune collègue, le Major termina sa tasse en une longue gorgée voluptueuse, avant de la laisser retomber dans le synthétiseur - qui la dématérialisa rapidement - avec un petit claquement de langue. Content de laisser planer le doute, il se releva, et alla derrière lui, dans un des nombreux tiroirs, en tira un dossier d’archivage, qu’il consulta pendant une minutes, avant de dire: « Suis moi », en se dirigeant vers la porte. Intrigué, Valentino lui emboita le pas dans le noir opaque les corridors des archives. Les murs étaient sillonnés se tubes métalliques à résonnance qui s’illuminaient d’une imperceptible lueur verdâtre lorsqu’on posait la main dessus, et fournissait le seul éclairage local. Si le jeune homme était encore incapable de se diriger ici - il se serait sûrement perdu -, son mentor, lui, n’éprouvait aucune difficulté à se retrouver dans le dédales des lignes s’alignant sur plusieurs niveaux. Après un quart d’heure de recherche, il s’arrêta, et posa son doigt sur un des tubes de duranium, qui devint bientôt comme phosphorescent, irradiant les visages des deux hommes de la Sûreté de cette clarté mystérieuse. Valentino eut juste le temps d’apercevoir doigts de Heinz passant à tout allure sur les porteurs de données, puis en prendre un, qu’il tira de là. Puis, d’un pas rapide, il revint en arrière, jusqu’à leur bureau, où le vieux globe lumineux leur parut un puissant projecteur moderne, les forçant à fermer quelques instants les yeux. Lorsque Valentino les rouvrit, son collègue posait le porteur de données sur le lecteur. Une image holographique se précisait. Un rapport à lire… | |
| | | Syllas
Nombre de messages : 529 Localisation : Aux premières loges de la Révolution Militaire Date d'inscription : 13/12/2007
| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Ven 16 Jan - 21:56 | |
| Il faut toujours prendre soin d’explorer toutes les pistes; le mal se cache partout, il est omniprésent. On doit composer avec lui, mais pas l’ignorer et le laisser faire: c‘est la différence entre le mal nécessaire et le chaos.. Le Démon ne peut être éliminé, mais il est possible de la vaincre. Extrait des Carnets personnels du Professeur Abraham Van Helsing, D.S, D.L, D.T.
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An 3862, E.d.U (Eon de l’Union). Badlands d’Acre Kamensk -Tu es encore trop crispée, ma vieille, détends toi, fit Kerstin en balançant tranquillement ses bras, l‘air insouciante. -Plus facile à dire qu’à faire, objecta Cassandre en passant machinalement sa main sur son pendentif vert foncé, j‘suis pas encore totalement passée à l’heure d’Kamensk.[/color]
Kers lui tapota dans le dos:
-Ouais, ouais, ça passera, t’inquiète. De toute façon, dans quelques jours, tu auras l’impression de toujours avoir été ici. D’puis qu’j’suis dans le business, j’ai oublié le reste. Quand t’est futée, ici, tu t’en sors royalement.
Un peu sceptique, observant sans étonnement néanmoins les murs sales du quartier des docks où elles déambulaient depuis quelques temps, sur le chemin du point de rendez-vous, Cassandre lui lança un regard signifiant « dis moi en davantage ». Son amie, la connaissant bien, s’expliqua:
-Ici, y a moyen de se faire du fric, quand on a des bonnes relations, et un quelque chose dans l’crâne, t’en doute, non? Moi pour le moment, j’sais pas trop, mais j’pense que dans certaines histoires d’intermédiaires et de transferts, j’pourrais m’creuser mon trou.
Elle donna un coup de pied dans une vieux tuyau qui roulait sur le trottoir. L’objet rouillé alla droit dans le caniveau. Lorsque l’infâme raclement fut terminé, elle reprit:
-La règle d’or ici, c’est de toute façon de ne pas heurter les gros bonnets. L’hetman nous a déjà briefé sur les clans mafieux, l‘a trois mois d‘ça, quand‘j‘suis arrivée. Y en a trois, et, t’en doute, c’est pas des p’tits agneaux. Mes patrons du moment sont les plus gros, les Scaliger, des gens fiables malgré tout, respectent leurs engagement. On raconte même qu‘z‘auraient quelques marchés louches avec les ténors, mais ça j‘crois qu‘c‘est des histoires. C‘est avec eux qu‘il est l‘hetman aussi. Font dans les armes et la dope, l’racket et contrebande, un peu niveau putains aussi, mais pas trop, ça c’est la spécialité des Galtieri, qui tiennent les mines et les quartiers sud, où y a la clientèle pour c‘genre de machins. Pas mon coin d‘façon. En dernier, y a les Hunsa, qui ont les souterrains. Perso, ces gars là, j’préfère pas me mêler de leurs trucs. Z’ont la sale tendance à massacrer tout ceux qui leur passent entre les mains. A part ça, on sait pas trop d‘où vient tout leur fric, c‘est suspect. La semaine dernière, d’ailleurs, des types à eux se sont mis à shooter à tord et à travers, près du canalisateur d’l’huitième rue, j‘étais juste en face, mais heureusement, ais pu m’planquer à temps. Manque d’pot, des durs d’la Famille passaient à ce moment là. J’connaissais pas ce genre de mecs d’ailleurs, pourtant j’en ais d’jà vu beaucoup, z’avaient un insigne bizarre sur leur uniforme. Ces cons d’flingeurs s’sont pas laissés impressionner, comme d’habitude, ça a été musclé. Plusieurs gars d’Hunsa ont terminés avec l’crâne défoncé, vraiment gore, mais ils ont nettoyé ça illico, et on n’a pas vu les autres d’puis. D’habitude, la Famille ne se pointe presque jamais.
Pour des raisons évidentes, tout le monde qui y avait été mêlé, ou connaissait, même de loin, la Sûreté, la nommait selon la coutume, « la Famille ». Ici, ça devait être très populaire comme expression. Mais Cassandre ne l’écoutait plus que d’une oreille: son attention était captivé par une bâtiment trapu avec formes étranges. Au dessus de la seule ouverture, le sigle H & K trônait, en rouge. Kerstin suivit son regard, et l’éclaira:
-La fabrique d’là H & K. Font des flingues, et des gros. C’truc qu’tu vois, c’est que le haut. L’usine est énorme, ça sort par cargaisons spatiales entières.
-Des FAM1 et FAM3? -Ouais, principalement. Sinon quelques trucs plus lourds aussi, mais bon, je n’en ais pas encore vus. D’temps en temps, les gars du dehors arrivent à piquer une caisse ou deux, et l’revendent au gros prix. -Pas con, commenta Cassandre, alors qu’un train magnétique passait par le portail.
Le quartier des Dock, sur la rivière Fynn, était assez froid, et elle imaginait tout à faire des bancs de brume jaunâtre le couvrant pendant l’hiver. Il était très grand, une sucession d’entrepôt vieillis et tombant en ruine, ou alors des bâtiments très gardes, trapus et menaçants. De loin en loin, il y avait des trous et dégradations dans la rue, manifestement datant de la vieille ville. Une odeur de gazole flottait perpétuellement dans l’air; son amie lui avait expliqué que les gens qui étaient dans les souterrains utilisaient de l’essence piquée dans les raffineries proches pour faire de l’énergies avec ces groupes électrogènes antiques. Dans le meilleur cas, ils y arrivaient même avec du tritium, dégoté on ne sait où. Ainsi, elles étaient passés à côté de deux bouches des souterrains déjà. On voyait qu’elles avaient étés comblées à la va-vite; de gros madriers de béton armés posés en travers du trou, et agrémenté d’un peu de mortier. Pas assez pour décourager des gens que ça arrangeait de pouvoir faire leurs petits trucs sous terre, loin des regards laxistes de la sécurité de surface. Ce métro s’était transformé en immense réseau de tunnels sans queue ni tête, qui servait bien les intérêts des clans. De nombreux règlements de comptes de la mafia avaient lieu en dessous, et on ne retrouvait les corps que rarement.
-Mais une fois, avait expliqué Kers en regardant la fumée grise s’échapper d’une bouche d’aération, un tuyau de plastique planté dans le béton fêlé, à côté duquel quelques mauvaises herbes jaunies par la pollution poussaient, la Famille a fait condamner de nouveau toutes l’sorties en même temps. Ils ont dut bien s‘marrer; des centaines de gars ont crevés en d’ssous avant qu’elles soient de nouveau rouvertes, derrière le dos des z’autorités. N’a beau dire, quand s’magnent, ça plaisante pas avec la Famille.
Maintenant, elles étaient au bord de l’eau. Le fleuve Fynn traversait de nombreuses régions industrielles; il était sale, et offrait un panorama. La brume de pollution permettait de voir uniquement sur un petit kilomètre, au-delà du grand pont métallique qui menait dans les Badlands, tout n’était qu’un magma jaune informe. Pas que l’eau dont le gris se reflétait parfaitement avec le ciel soit plus ragoûtante; là où des objets hétéroclites n’étaient pas charriés—ou des corps, quand la mafia faisait de l’écologie—, une mousse patibulaire s’accumulait, blanc sale à jaune crasseux. Contre les docks, ont voyait surtout les algues vertes et marrons, qui engluaient tout. Tout le bassin dans lequel un vieux rafiot en fin de vie reposait était ainsi totalement occupé; on aurait presque pu marcher sur le tapis si dense de la faune aquatique mutante. Soudain, Kers, tracassée, lui lança un coup d’œil en coin, et demanda:
-Au fait, tu as du te dégotter un pseudo, comme j’tais dis, non? -Bien sûr, répondit son amie d’un air dégagée, regardant tranquillement le sinistre horizon de Kamensk, tu as d’vant toi Hélène Seymor, originaire de la banlieue nord d’Acreopolis. -Elle est officialisée, c’te identité? Poursuivit néanmoins Kerstin, pas encore complètement rassurée.
Cassandre eut un geste rassurant.
-T’inquiète, ma vieille, tout a été convenablement réglé. Je savais à qui m’adresser. Dans la banlieue nord. -D’accord, fit Kers, avec un nouveau sourire, un brin moqueur, Hélène.
Son amie haussa les épaules, tout en balançant avec nonchalance sa tête.
-Tu sais, je n’avais pas trop l’choix dans l’immédiat. J’ai pris l’premier qu’j’ai trouvé, et qu’y’avait pas l’air trop moche. -Ouais ouais, on fait comme on peut, mais faudra qu’trouve un moyen de rendr’ ça potable pour l’coin, non? -J’y pense, j’y pense, ma vieille….purée, qu’est-ce que c’est que ça?
Elles venaient de tourner dans une avenue partant des quais et remontant en ville, sur le trottoir de laquelle les détritus s’empilaient. Les deux côtés étaient bloqués par des murs aveugles, gris, pleins de dessins obscènes. Cela ne se différait pas des autres rues, ce qui changeait, c’était l’énorme construction un peu plus loin, un immense corps en briques blanchâtres, aux quatre extrémités duquel se trouvaient de larges cheminées d’au moins quarante, voire cinquante, mètres de de haut. De lourd nuages noirs sortaient de trois d’entre elles. Le toit était complètement en métal rouillé, et semblait fragile, comme si un pavé lancé dessus l’aurait fait s’effondrer. Enfin, au niveau de la base des murs monumentaux, quelques fenêtres et portes qui semblaient adaptées à des nains en comparaison.
-Tu n’as jamais vu c’genre d’machins, hein? Demanda Kers en guise de réponse, puis, devant la tête de son amie, développa: moi non plus, quand j’suis arrivée. C’te ruine, c’est une centrale électrique, celle de Vaaresba. Marche au charbon. Tout les matins, des trains entiers arrivent, et l’machine mange d’la matière, un vrai monstre. On n’ose jamais trop s’approcher, y’d’quoi crever tellement c’est toxique s’qu’en sort d‘partout. Ca donne la moitié du jus d’bled, c’truc. On l’appelle la Cracheuse. -Purée, répéta « Hélène », j’pensais qu’ces trucs, on les voyait plus qu’dans les musées. -Faut croir’qu’non. C’est une vraie antiquité, mais elle fonctionne du tonnerre.[/color]
Effectivement, dès qu’elles s’approchèrent davantage de l’endroit de la rue qui donnait sur le centrale, l’air commença à se réchauffer un peu. De plus, les murs étaient totalement encrassés, noirs par endroit, à cause de la pollution extrême générée. Kers eut même une quinte de toux, et accéléra le pas. Quelques instants étaient intenables. Quand elles eurent passé la Cracheuse, elles remontèrent encore un peu la huitième, passèrent dans une rue de traverse, et enfin bifurquèrent dans une venelle entre deux hangars abandonnés. C’était un taudis, l’genre de coin où il ne fallait mieux pas se retrouver seule le soir; des bennes à ordures dont les fermetures magnétiques avaient étés soigneusement arrachées occupaient une bonne parties des murs, et le ciel était parcourus de tuyaux, câbles et étranges superstructures qui allaient d’un toit à l’autre, sans qu’on arrive à en distinguer l’utilise réelle. Au sol, entre les bennes, on voyait des détritus et des bouts de tôle et de carton. Vers le milieu, un caniveau était bouché par une masse de terre pourrie de déchets divers, causant une inondation d’eau répugnante. Cassandre interrogea Kers du regard, mais celle-ci lui fit signe de la suivre. Elle l’emmena vers le coin de l’autre côté du lac, où il n’y avait qu’une seule benne, renversée, répandant son contenu putride au sol. Une fois à côté, Kerstin s’approcha doucement, en faisant signe à son amie de ne rien dire, prit son élan, et frappa contre le métal. Il y eut un bruit sonore, et quelque chose bougea à l’intérieur. A la suite de plusieurs rats, un vieillard en haillons, un bonnet déchiré cachant une bonne partie de son visage, en sortit en leur lança un regard noir. Kers lui siffla un « dégage! » haineux, et il partit sans demander son reste, emportant un vieux sac remplis à rebord de déchets. Une fois qu’il fut hors du champ de vision, elle retourna à la paroi métallique du hangar cette fois, passa sa main dessus, et finit par trouver le verrou astucieusement dissimulé, et pousser le battant sur le côté, révélant l’intérieur obscur d’un hangar. Elles y entrèrent, et Kerstin referma aussitôt le pan métallique, ce qui n’était pas sans faire un certain bruit qui se répercutait sur toute la longueur de l’entrepôt. Pendant un temps qui sembla à Cassandre une éternité, puis s’arrêta. Une lumière s’était allumée, ou était apparue derrière quelque chose qui la bloquait auparavant, environ cinq mètres devant elles. Elle était derrière une vitre, probablement des bureaux adossés au mur extérieur. Le crissement d’une porte s’ouvrant confirma cette impression, puis les pas de quelqu’un. Il prenait soin de rester en dehors du rai de lumière. Kers s’avança, donna une tape pour indiquer à son amie de rester en arrière. Il y eut une brève conversation à voix basse. Cassandre avait horreur d’être ignorée comme ça: résolument, elle s’avança. Ce fut seulement quand elle fut à un mètre d’eux qu’elle reconnut le Hetman, sans bloc, chose rare, même si celui-ci était à son cou, habillé assez salement; un veston crasseux sur un vêtement moulant vert foncé virant presque sur le noir. Il jeta un bref coup d’œil dans sa direction. | |
| | | Syllas
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| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Ven 16 Jan - 21:57 | |
| -Ah, c‘est toi, fit son étrange voix haut-perchée, tu n’arrive pas au meilleur moment, on a des ennuis.
Il leur fit signe de venir de la tête. Les jeunes femmes lui emboitèrent consciencieusement le pas, jusqu’à la porte. Après que leur yeux se furent de nouveau habitués à la lumière, un bureau assez minable apparu distinctement: plusieurs tables de fer, aux tiroirs arrachés, avaient étés repoussées dans un coin, les chaises et fauteuils posés dessus, ou alors également confinés, pour laisser de l’espace vide entre cela et l’autre angle où il y avait un empilement hétéroclites d’objets électroniques, d’instruments de mécanique, de petits sacs marrons, et enfin quelques caisses. Une porte, derrière faisait communiquer avec une autre pièce, éclairé lui aussi. Ils traversèrent rapidement le bureau, et y entrèrent. Le local était plus grand, manifestement une salle de stockage plus petite séparée du grand hangar par une cloison métallique. Ici, d’autres caisses s’empilaient, et des tables avaient étés emmenées pour être de véritables foutoirs électroniques et mécaniques. Enfin, face à une porte disposant d’un antique système d’ouverture, plusieurs Motogravs que Cassandre reconnut immédiatement étaient garées, même si tout le monde n’était pas là. D’ailleurs, apparemment, seul le Hetman était présent, avec un autre gars, debout dans la pénombre du coin opposé, qu’elle n’avait jamais vu. Ils se rencontrèrent au milieu du garage; c’était un homme habillé d’un long manteau noir, jeté négligemment au dessus d’une veste de marque blanc-gris à peine cachée. A ses pieds, de belles chaussures, noires également, polies avec soin apparemment se remarquaient beaucoup. Ses traits de visage, qui passaient complètement au second plan avec ces accoutrement peu commun, étaient somme toute assez banals, avec néanmoins un nez en bec d’aigle assez long, et des yeux inquisiteurs qui aurait certainement mis Frederick en colère, comme tout le reste d‘ailleurs. Chez cet individu, le mot « patron » suait de partout. Néanmoins, il émanait également de lui une aura de danger, de puissance. Le genre d’individus auprès desquels il fallait éviter de se compromettre.
-Des connaissances, Kers et…commença le Hetman en s’adressant à lui, avant de se tourner vers Cassandre, qui mit quelques instants à réagir, et qui, après cette réflexion aussi intense que brève, déclara brièvement: -]Hel. L’autre tira de sa poche une minuscule cigarette et un briquet atomique. Bientôt, une odeur de tabac particulièrement forte envahit l’endroit où ils se trouvaient. Après la seconde bouchée, il dit:
-J’vous ais jamais vu, p’tites. J’en déduis qu’vous m’connaissez pas. J’m’appelle Antonelli Scaliger.
Cela seul suffisant à le présenter, il retourna au Hetman:
-C’est toi qui a trouvé l’macchab? Interrogea-t-il, puis, recevant une réponse positive, continua: t’a bien fait d’me l’faire savoir. Mais franchement, j’comprends pas encore qui l’a fait. D’puis l’coup d’la semaine dernière, les Hunsa sont calmés…mais…j’pense qu’il nous cachait quelque chose. L’a mérité.
Tout en parlant, ils se dirigeaient vers un coin du garage, débâcle de cartons, de caisses, et de pièces détachées d’origine douteuse. Tout semblait avoir été dévasté avec la plus extrême violence…C’est juste quand elles furent déjà bien avancées qu’elles remarquèrent le corps étalé dans le désastre, baignant dans une immense flaque de sang.Toute manifestation séditieuses en zone déclarée occupée ou en commanderie générale de zone d’occupation pourra donner lieu à des mesures de retour à l’ordre les plus extrêmes possibles à la discrétion du gouverneur militaire. Ordre général n°564, livret secret des officiers de niveau de sécurité S -- -- --
An 3873, E.d.U (Eon de l’Union). Acre Ploraff, province de Fynn-Océanique Au beau milieu de la nuit. Une communication urgente, un texte bref, laconique même, une ligne, assez pour ruiner le reste de sa vie néanmoins. Il avait embrassé sa femme dans le lit où elle dormait du sommeil des bienheureux, s’était habillé et lavé, avait mangé un morceau de gâteau resté depuis la veille dans le garde-manger automatique—ils ne roulaient pas sûr l’or, même si la paye était on ne peut plus honnête, mais l’espoir de vacances lointaine nécessitait de grappiller des économies, même du côté des synthétiseurs, et était descendu dans la cave de leur petit maison, au bout de l’unique rue du village de Ploraff. Un coin était encombré de divers vieux objets que les produits chimiques protégeaient à peine des toiles d’araignées, et d’ustensiles de jardin divers, l’autre avait une petite armoire blindée, incrustée dans le mur. Pendant leurs absences, quand il partait avec sa femme Jiara et les enfants sur la côte sud, ou alors dans les paysages de montagne riant de l‘arrière-pays d’Acreopolis, les objets de valeurs et autres créditeurs inutiles y étaient entreposés. Mais cette fois, quand il l’ouvrit avec une petite clé de bronze, son regard se posa sur le tiroir du bas, également fermé. Cette fois-ci, ce fut une clé d’acier, plus longue et complexe, qui servit à déverrouiller les sécurités. Un canon luisant dans la lumière de l’unique ampoule de la cave apparu. Il n’avait pas quitté de logement depuis presque le début de sa carrière, en fait à partir du moment où il était convaincu qu’il n’avait pas à apporter ce pistolet au bureau, où une arme bien moins lourde, cachée sous son bureau, suffisait en cas d’inspection. C’était un SIP qu’il gardait ici, et plusieurs blocs énergétiques à impulsion qui en étaient les munitions. Le tiroir était profond, il avait oublié cela, et tira encore davantage. Une arme blanche, standard également, un couteau de combat maigrichon qu’il avait été obligé d’accepter, même si ses capacités à s’en servir étaient nulles, et enfin une ceinture pour porter tout cela, ainsi que la com. spécifique de la Sûreté et deux-trois gadgets électroniques. Fébrilement, il chargea la cartouche énergétique dans le logement situé au dessus de la crosse, et régla d’un geste la puissante mécanique. Le sifflement habituel des armes à impulsion suivit, mourant peu à peu. Il prit ensuite la ceinture, et la passa à sa taille, au dessus de celle, en faux cuir, qu’il portait déjà. Après y avoir tout installé, il s’arrangea pour cacher cela avec sa veste de service. L’uniforme réglementaire, comme il ne le portait plus complètement depuis longtemps. Après un dernier regard mélancolique sur le tiroir vide, il le referma, puis l’armoire. Lentement, résigné, il remonta, ferma la lumière, et traversa la maison silencieuse, espérant que personne se réveille. Une note griffonnée et placée en évidence sur la table de la salle à manger serait tout ce qu’ils sauraient le cas échéant, et ça suffirait. Dehors, son antigrav, un vieux Tchekers qui survivait plus ou moins les contrôles techniques par une série d’étranges coïncidences l’attendait. Il grimpa au volant, et mit le moteur en route, doucement, pour ne réveiller personne. Ce fut seulement quand il eut traversé la moitié du bourg qu’il mit un peu les gaz. Heinz Jarren s’arrêta au passage au bureau. Celui-ci était une petite bâtisse discrète en pierre blanche, à l’autre extrémité du village, entre un vieux hangar où travaillait des amateurs locaux de mécanique moto, et une boutique d’électroménager. Tout sommeillait dans la nuit éclairée par la Grande Lune d’Acre, cercle argenté scintillant dans les cieux, et la Petite, point bien plus réduit, qui orbitait effectivement la Grande. En fait, la plus grande partie du bureau était souterraine, au rez-de-chaussée ne se trouvait qu’une vieille réception poussiéreuse et une petite pièce qui servait pour les entretients avec des responsables des archives, comme Heinz n’en avait plus vu depuis des années venir dans leur trou. Dans l’étroite entrée vitrée, il avisa tout de suite l’ascenseur, qui mit quelques instants à venir, signe qu’il était en bas. Fronçant un peu les sourcils, le vétéran de la Sûreté y pénétra, et enfonça le bouton vers le premier sous-sol, trente mètres plus bas. Silencieusement, la cabine couvrit cette distance à grande vitesse, et la porte s’ouvrit, révélant le couloir sombre, uniquement éclairé par la lumière d’urgence rouge qui indiquait l’ascenseur…Et un rai blanc. L’esprit déjà sérieusement travaillé et nerveux de Heinz n’en fit qu’un tour, et il saisit son arme, en avançant lentement, contre le mur, en espérant que celui qui se trouvait là ne n’ait pas déjà entendu. Au fur à mesure qu’il se rapprochait de l’endroit d’où provenait la lumière—cela s’avéra être le bureau—, il sentit de grosses gouttes de sueur perler son front. Il tenta l’autodérision pour se décrisper: allons, s’il était déjà comme ça face à ce qui était dans le meilleur des cas un — des!?—cambrioleurs, qu’est-ce que ça serait… Il jeta furtivement un coup d’œil qu’il voulait aussi discret que possible. Pourtant, tout semblait en ordre…il y avait quelqu’un à un bureau…
-Valentino! S’écria-t-il avec soulagement, baissant son arme.
Le jeune homme, perdu dans la lecture d’une improbable pile de papiers, sursauta. L’équilibre miraculeux de la tour de Babel qu’il heurta fut gravement compromis; elle fit plusieurs ondulations qui n’étaient pas sans rappeler des danses féminines exotiques comme les deux hommes en voyaient de temps à autre sur l’holovision, puis s’étala au sol dans un formidable cyclone d’imprimés, qui allèrent se perdre dans tout se coins de la pièce, pourtant d’une taille honorable. Seule la page de garde lui restait entre ses mains
-Heinz, bordel, qu’est-ce que tu fais ici? S’écria Valentino, en contemplant l’océan de papier à ses pieds.
Son chef rangea son SIP, avec un sourire de soulagement:
-J’te retourne le compliment. Quand j’ai dit hier soir qu’il fallait pas trop t’attarder non plus, j’étais sérieux.
Il se pencha, et ramassa l’un des feuillets. Il fit une grimace. Tout cela était devenu bien plus proche tout d’un coup, et lui faisait peur. Il releva la tête, et fixa son jeune ami, qui restait paralysé, incapable de se décider à commencer à ranger l’énorme capharnaüm.
-Tu f’rais mieux de laisser tomber ça, l’en ressort rien de bon. J’en sais quelque chose. Honnêtement, si ça recommence, tu risque de graves ennuis. Ces machins sont classés. -Oula, du calme, fit Valentino, revenant soudain à la réalité, en se penchant à la recherche de la deuxième page, t‘était pas aussi regardant hier, j’te ferais remarquer! D’ailleurs, pourquoi t’a mis c’t’uniforme?
Jarren s’avança dans la pièce sans lui répondre, évitant de marcher sur les papiers, et gagna son propre bureau, rangé avec un soin maniaque. Il ouvrit un tiroir, jeta un coup d’œil à son contenu, hocha la tête, et le referma sèchement. Il fit de même avec celui de l’autre côté. Là, il tira un dossier, qu’il feuilleta tout aussi rapidement, et en arrachant plusieurs pages. Son jeune collègue avait relevé la tête, et suivi ce manège. Il l’interrogea d’une voix intriguée:
-Eh, mais qu’est-ce que tu fais? -Pas l’temps d’t’expliquer, et j’espère qu’j’aurais jamais à l’faire, grommela le patron, en rangea de nouveau le dossier, et plaçant les feuilles chiffonnées dans un des poches de son uniforme.
Il traversa de nouveau le bureau, et ne se retourna que alors qu’il était déjà ans le couloir, le visage dans la pénombre. Il dit d’une voix rauque:
-Valentino, pour les prochains jours, t’auras la boutique. J’vais m’absenter, et honnêtement, j’sais pas si j’reviendrais. Si c’est pas l’cas, tu l’sauras par l’Bureau. Dans c’cas…prend bien soin de Jiara et des enfants…
Heinz se précipita en direction de l’ascenseur, resté ouvert, et enfonça le bouton du rez-de-chaussée. Il eut à peine le temps d’entendre de loin une amorce de « mais…! » de la part de son collègue mystifié avant que les portes ne se referment. Une fois en haut, il quitta le bâtiment sans se retourner, et une fois derrière le volant, remonta sur la grand-route, qui longeait le fleuve Fynn. Il y avait des dizaines de pensées contradictoires dans sa tête, et il sentait la conduite devenir difficile. La peur de ne pas revoir sa femme, sa famille, son village l’éreintait, ainsi que cette sensation dérangeante d’être tiré de son train-train quotidien, hautement perturbante, doublé de la certitude que rien de bon ne l’attendait. Pour congédier ces démons, il chercher d’une main, à tâtons, le bouton de la radio, et l’alluma. Un long son de musique de variété tapageuse envahit l’habitacle, fouettant le cerveau de Heinz, lui permettant d’ignorer les nuages s’accumulant au dessus de lui. Au dessus d’eux. | |
| | | Syllas
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| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Lun 26 Jan - 20:56 | |
| [Amiral. L.W. Xun]L’attrait de l’héroïsme, de la magie, du courage, vertus médiévales, et toujours intact dans l’esprit humain, malgré les millénaires et la Doctrine, créant un immense engouement autour des fictions de ces types, de même que le sentimentalisme et expériences personnelles, imaginaires comme réelles, pousse les gens à lires des livres relatant des amourettes insignifiantes. Cela est d’autant plus encouragé par le fait que ladite Doctrine détermine notre société bureaucratique qui organise, à son insu, la vie de chaque humain. Cela est inconsciemment assimilé, et poussa les hommes à se réfugier dans des mondes où l’homme n’est pas assujetti à un système qui le broie, qui l’efface au profit d‘une collectivité sans visage, et de principes, tel que celui de la grandeur de la Nation, où n’émergent que de rares figures de proues, loin desdites valeurs. Malgré tout, de nombreux jeunes viennent toujours dans l’armée avec l’espoir de ces valeurs. Cela n’est pas complètement vain, mais il faut faire entrer dans ces cerveaux le pragmatisme qui est la plus grande qualité actuelle. Pragmatisme, et patriotisme. [Amiral. N. Syllas d‘Acre]C’est cela, tout à fait; car le fait est que dans la bataille, la charge au fusil, baïonnette au canon, ne donne pas la victoire à celui qui s’élance à la tête, et a des rêves de gloire, plus plutôt à celui qui trouve les meilleurs endroits des replis du terrain où prendre appuis pour tirer, et éviter les salves ennemies. De même, dans la marine spatiale, nous avons renoncés à la création de vaisseaux monoplaces et autres voltigeurs, car ils sont une absurdité dans l’espace. Le pilote seul qui réussirait à envoyer par le fond le vaisseau ennemi serait certes un héros, mais au prix de combien de pertes dans l’escadrille, humaines comme matérielles? D’ailleurs, avait-il plus de valeur que les autres, où juste de la chance? Tout ces hommes sont bien mieux mis en valeur à bord de grandes nefs. Elles sont l’extension de l’homme, mais le rende naturellement plus distant des résultantes finales des actions entreprises au combat. Et mettent en valeur les réussites des chefs, même si cela peut être mis en parallèle avec la renommée de ceux qui jadis chargeaient à la tête des troupes. Et étaient tués par des flèches ou balles perdues, d‘une mort aussi regrettable et bête que dramatiquement compromettante pour la suite des opérations. Ainsi, statistiquement, bureaucratiquement, mathématiquement et mécaniquement, les nefs au dépends de l’individualisme héroïque reste la meilleure solution. Car, au final, à quoi servent les héros, dans une armée en déroute? Discussions, notes, et enregistrements personnels, de l’Amiral Liung Wu. Informations privées, non diffusées.
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An 3847, E.d.U (Eon de l’Union). Acre Il inspirait une longue bouffée de l’air sec et chargé des senteurs étranges et aride des Badlands. Depuis le haut de la colline, on avait accès à une panorama sur tout les environs, de l’embouchure du fleuve Fynn, minuscule ruban presque invisible d‘abord, loin à l’ouest, entre deux vallons, qui brillait dans la lumière crépusculaire du soleil d’Acre, puis grandissait au fur à mesure où il s’intercalait entre eux et cette lumière dont le blanc éclatant avait viré au rougeâtre lors de sa course céleste, jusqu’au gigantesque lac de réserve Tisça, aux antipodes, à l’est, bien plus proches, mais qui commençait à se perdre dans la nuit; on distinguait à peine le point gamma au cœur de cet immense réservoir d‘eau noire. C’était pour cette position dominante que l’éminence n°779 avait été choisie comme camp de base pour leur dernière nuit tranquille. C’était comme ça que ça se passait…les ordres étaient les ordres. D’ailleurs, ils se sentaient honorés de ces ordres. Voilà des semaines que ça avait commencé. Comme d’habitude, les gens d’en haut avaient déblatérés longtemps…trop longtemps. Tout avait prit une ampleur extraordinaire. Quatre jours auparavant, un homme du Haut-Commandement de la Sérénissime était venu le voir, court-circuitant le pouvoir central gangréné de l‘Union. Le Doge et le Grand Conseil de Christiansa avaient décidés qu’ils était temps d’intervenir, avaient signé l‘ordre opérationnel n°00447, et il serait chargé du ménage. Sacré boulot, et il était également qu‘on ait fait appel à lui pour cette besogne. Remarque, il connaissait le terrain. Avec la carte blanche enfin acquise, il avait rassemblée ses meilleurs hommes, et des véhicules. « Réquisitionné » quelques hommes de sciences, qui, après l’avoir regardés au fond des yeux, cessèrent brusquement de geindre. En quelques heures, un groupement paramilitaire de choc à l’existence légale aussi volatile qu’un gaz rare avait été crée, et était parti au contact. Officiellement, c’était le LXVIème groupement de Cavalerie Ailée de la Sérénissime, mais en fait, personne en savait vraiment à quoi ils correspondaient. Une circulaire secrète les dénommaient sous le nom de Track 2. C’était un mélange complexe de matériel de pointe de la Sûreté Chritianienne, de soldats de l’infanterie de Marine de Christiansa—dont les plus endurcis avaient étés instruits sous le terrifiant colonel Kurtz, une légende dans leur arme—, de véhicules et d’armes de l’armée de Terre, et enfin d’objectifs obscurs. Etranges circonstances quand même, pour un officier qui était sur le point d’être envoyé dans le néant par le gouvernement. Car, que gagnait-on sinon le néant à entrer au prestigieux rang de commandeur de garnison sur un monde d’une centaine d’âmes, en galaxie 9?! Du fait du nom du groupement, et du code pour celui qui le commandait, l’officier avait immédiatement reçut le surnom de Cavalierre, qui oscillait toujours entre le respectait et un certain sarcasme envers leur chef. On n’oubliait pas facilement son attitude raide et réservées lorsqu’ils les voyait partir lors de brèves permissions vers des activités qu’il aurait réprouvé, et même, sa stricte discipline et froideur étaient parfois exaspérantes. Néanmoins, il restait un soldat de talent, et à ce titre, avait des amis, aussi bien au dessus que au dessous de lui. Il se retourna doucement, et descendit lentement de la crête du sommet du 779, pour rejoindre les hommes en contrebas. Ses bottes craquaient sur les herbes sèches, même si elles étaient un peu plus touffues ici qu’ailleurs du fait du petit ruisseau coulant à l’endroit où ils s’étaient établis. Son uniforme beige clair—où aucune nom n’était imprimé— était souillé de sueur et de poussière, et il avait vacillement conservé sa casquette sur une tignasse d’un noir vif qui tranchait dans la lumière du jour, même tombant. En fait, les routes principales leurs étaient interdites, ils devaient passer par des axes secondaires, ou alors carrément par de vastes régions vides. On avait bien fait de choisir des half-track et transporteurs antigravitationnels solides et robustes pour traverser, mais ça en restait extrêmement pénible. Les Badlands, à leur extrémité est, s’aplanissaient, et plus rien ne retenaient les sables de l’unique—et relativement grand—vrai désert d’Acre. Ils longeaient plus ou moins cette limites depuis de jours. Selon les derniers relevés démographiques et ethnographiques—très vieillés, donc périmés, depuis que l’organisation de comptabilité démographique avait été abolie, par souci d’économie, pour que tout l’agent finisse dans les poches d’un quelconque membre du parti au pouvoir—, des tribus semi-nomades aux modes de vie primitifs vivaient là, et descendaient régulièrement vers les bordures. Rien de bien menaçant, des asociaux, c’était tout. Mais pour leur petite colonne, ils pouvaient faire perdre un temps précieux. Ils avaient déjà du tirer plusieurs fois au fusil à impulsion pour les tenir éloignés. Enfin, il se remettraient en route le lendemain, et arriveraient enfin terminer la sale besogne. Foulant les derniers mètres de sable le séparant de ses seconds, il jeta un coup d’œil à leur installation. Tout était bien en place; les véhicules rangés dans un coin, soigneusement préparer pour partir à la première heure demain. Les chauffeurs y dormiraient avec quelques hommes, pour prévenir toute traîtrise. Le reste avait des tentes dont les structures à subduction s’étaient établies en quelques secondes, mais qui avaient nécessités une bonne heure de rangement et d’installation. Les soldats libres étaient là, certains installés à côtés des générateurs, à discuter à voix basse, cagoules retrousées, entre les suppositions sur les derniers ragots des permissions, sur ce que ferait le Cavalierre quand ils seraient sur place, et des hypothèses farfelues sur la nature en soit de ce qui les attendaient. Mais d’autres, plus avisés, essayaient de trouver le sommeil, ce qui n’était pas facile avec l’atmosphère lourde, et les cris des autres. Heureusement, les Badlands étaient dépourvus d’insectes nuisibles comme les moustiques, même avec ce ruisseau, et c’était une bénédiction. Un an auparavant, alors qu’ils pataugeaient dans les marais de Qwireaaq, ils n’avaient pas eut cette chance, et en avait cruellement souffert. Aller au combat était une chose, mais y aller épuisé par des nuits blanches et affaiblis par le poison de ces bêtes en était une autre. Son second s’avança, et déclara de sa voix traînante et grave, essayant de cerner les yeux de son supérieur dans la pénombre grâce au maigre reflet de la lumière de l’unique projecteur en batterie:
-Commandant, tout les postes de gardes sont pourvus de sentinelles, sur les quatre côtés de la 779, et je me suis permis d’en poster un sur la 780, déclara-t-il, avant de poursuivre sous le regard qu’il estimait encourageant de l’officier, les générateurs à hexanox sont opérationnels, le camp également. Nous n’avons rencontré aucun problème, ni signe de danger extérieur. Nous resterons ici pendant la moitié de la nuit, et passeront dans Kamensk vers trois heures du matin, afin d’être le plus discret possible, et en seront sortis tout au plus à quatre.
Le Cavalierre porta son bras droit sur sa hanche, tout en laissant l’autre le long du corps, et observa encore leur installation temporaire depuis l’éminence où il se trouvait. Après avoir passé mentalement en revue tout ce qui devait être fait, et constata que cela avait été fait, il hocha la tête, et déclara:
-Parfait, lieutenant Faiel. Vous et le lieutenant Cirileis pouvez disposer. Reposez-vous bien, nous aurons une journée demain qui dépassera tout ce que nous avons connu jusque là. Je ne tarderais pas non plus à vous rejoindre.
Ils esquissèrent un geste de salut militaire, et Cirileis lâcha en tournant les talons:
-Bonne soirée, Commandant Syllas.
Dans quelle strate se trouve la réalité? Ces gens sont-ils des misérables, où la recherchent-il inconsciemment? Il y a ben plus de réflexion qu’au premier abord là-dedans, j’en suis certain. Note griffonnée au stylo impulsif en marge de l’exemplaire des annales sociales de l’amiral Liung Wu Xun. -- -- --
An 3873, E.d.U (Eon de l’Union). Christiansa Hémisphère Nord. Secteur Khi 4 Christiansa était un des mondes les plus modernes de l’univers; c’était le centre technologique de l’Union. Aussi bien des laboratoires en très grand nombre et aux moyens considérables, que des universités prestigieuses, celle ducale, sous les auspices de la nation, l’université Jagellone de Christiansa, établissement privé le plus renommé de tout l’Union, et enfin des industries de haut niveau. Cela, doublé d’une impressionnante concentration administrative, politique et commerciale, donnait à la planète le niveau de vie le plus élevé de la nation. De plus, alors que Tsarysyn, Assedo, Alttoria et Fidaz Prime souffraient de problèmes aigus de criminalité et de phénomènes sociaux incontrôlables dus à l’urbanisme monstrueux, l’organisation particulièrement efficiente a permit à la capitale de la Sérénissime de demeurée largement épargnée par ces fléaux. Le colonel Custer appréciait toujours être sur Christiansa. C’était toujours un changement d’atmosphère vivifiante et reposante après les milieux peu recommandables et autres nids à serpents où il sévissait. Bien entendu, cette fois de nouveau, il n’était venu visiter le palais ducal. Il allait dans un quartier d’habitation de la classe moyenne, brochette basse. Une longue série d’immeubles en pierre blanche, entourés de parcs riants et fleuris, ainsi que quelques plans d’eau, sûrement reliés au fleuve Métaure qui irriguait cette partie de la planète. En effet, si les centres et régions industrielles présentaient une structure urbaine semblable à celle du terrifiant monde-capitale, les zones d’habitation étaient généralement au niveau du sol. On ménageait même quelques trouées d’espace naturels. Un chef d’œuvre d’urbanisme, mais cela avait miné les finances de la Sérénissime. Enfin, depuis qu’elle n’avait plus l’intégralité de la flotte à charge, il restait quelques deniers de libres, et selon la morale locale habituelle, il aurait été inconcevable que le gouvernement ne les empoche, comme ça se faisait à la fin de la République parlementaire partout ailleurs en Union. Le colonel avait pris le transporteur intercontinental, depuis le Cosmoport Républicain de Christiansa, où sa navette en provenance du Buccentaure s’était posée. Préalablement, il avait vérifié l’adresse d’un connaissance utile. Il ne voyait pas trente-six possibilités pour établir le contact qu’il estompait d’une autre personne. Tout en allumant la troisième cigarette depuis sa sortie du transporteur, il avisa l’entrée d’un des grands immeubles. Elle était spacieuse, avec quelques escaliers sur le côté pour atteindre l’entresol. Au milieu trônaient deux ascenseurs plasmiques vitrifiés. Des bulles de plasma montaient paresseusement entre les cabines, inondant les alentours de leur lumière d’un bleu froid, à peine compensé par l’orange chatoyant des murs. En d’autres moments, Custer ne se serait pas privé de faire une remarque acide sur la décoration lamentable, mais son esprit était déjà partagé entre des questionnements sur le temps nécessaire à mobiliser Track 2, et si son contact serait disponible. Car avec, on se savait jamais.
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| | | Syllas
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| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Lun 26 Jan - 20:56 | |
| Il sortit son infobloc, et fit s’afficher l’adresse. Secteur d’habitation Khi 4, Korpus VI, Rez-de-chaussée, matricule 54.1. Parfait, ça n’était qu’à deux pas d’ici. Malgré tout, il accéléra inconsciemment, et vérifia deux fois à son arrivée. C’était une porte tout à ait banale, avec son petit lecteur dermique brillant dans la lumière blanche forte du couloir, toute bleu-gris. Un bonhomme passa à côté de lui, marmonnant un bref « bonjour ». En tenue de travail, manifestement un ouvrier machiniste, dont la carrure massive occupait une bonne partie du passage. Cela força le visiteur à se pousser de côté. Celui-ci répliqua par une salve de fumée de tabac dans la direction du visage de l’homme, qui toussa lorsqu’il se fut éloigné jusqu’au hall. Satisfait, voyant qu’il n’y avait plus personne, l’homme de la Sûreté sortit son petit multicapteur, l’enclencha d’un tour de main, et le passa devant l’œil électronique du détecteur. Celui-ci émit un « bib » un peu plus prolongé qu’à la normale, et le verrou se leva, libérant le battant. L’intérieur était obscur, malgré la clarté des sources de lumières soigneusement dissimulés dans le plafond du corridor. On voyait au premier plan, sur le moquette décharnée, des papiers et des magasines ouverts, jetés au sol. En s’arrêtant un instant sur la date, il eut la confirmation que c’était les mêmes que lors de sa dernière visite. En s’avançant à l’intérieur, ses yeux s’habituèrent au noir. C’était un petit living sans fenêtres ni lampes allumées, où on devinait quelques sièges qui n’étaient usés que par de grandes quantités de papiers et d’objets hétéroclites empilés dessus. Un synthétiseur débranché trônait à côté du socle d’un poste d’holovision invisible. Vendu, songea le visiteur. Pour le reste, il n’y avait rien de remarquable, sauf peut-être des flocons de poussières qui auraient envoyés un allergique directement à l’hôpital. Heureusement que cela se traitait rapidement, grâce à la régénération. La porte refermée, il distingua un petit lumière, plus loin. Avançant avec précautions, pour ne pas briser d’autres appareils déposés au sol—il se souvenait vaguement d’un gros objet rappelant plus ou moins un moteur qui avait échoué ici on ne savait pas vraiment comment. Alors qu’il arrivait dans le minuscule couloir donnant sur la salle de bain et d’unique autre chambre, son pied buta doucement contre quelque chose. Le moteur. Soulagé, il l‘évita et à partir de là marcha plus rapidement. La lumière provenait d’un rai, manifestement une porte, fermée. Lentement, il se demandait si on l’avait ouverte depuis son dernier passage, toujours. Sans plus de cérémonie, il pénétra dans la chambre. Elle était minuscule, et totalement encombrée. Seule la lumière bleutée provenant d’une machine émettant un imperceptible ronflement l’éclairait, et permettait de ne voir que des ombres étranges. Le visiteur chercha à tâtons l’interrupteur de la lumière, er finit par le localiser—non sans se retrouver avec un pellicule de poussière d’une certaine épaisseur sur la main qui était passée sur le mur—, et l’enclencher. La clarté jaune tamisé du plafonnier caché dans les replis jaunâtres d’un étrange abat-jour envahit la pièce. On prenait encore davantage mesure du capharnaüm ambiant; un matelas petit et sale avait été poussé de côté, contre le mur, laissant assez d’espace pour installer une immense table de rondin tout à fait déplacée dans un environnement moderne—probablement une acquisition aux enchères—, et une paire de fauteuils tordus. Les deux étaient couverts de machines électroniques non moins biscornues; des globes, des ordinateurs, des systèmes bricolés et rebricolés, reliés par d’inextricables salades de câbles et d’amplificateurs neuraux à vastes blocs porteurs de données, et des appareils carrés remplis de poches en plastique. Un regard à l’intérieur permettait de voir à la fois du sang, des nutriments sous formes de petites pillules transparentes et liquides nourrissants, de l’eau, des amplificateurs et drogues diverses. Ils étaient reliés eux-mêmes par des tubes à deux corps, un homme et une femme, affalés contre les dossiers des sièges, leur rentrant sous la peau au niveau d’un petit implant métallique en demi-bracelet dans le bras, juste en dessous de l’aisselle dégagée des vêtements pour l’occasion. Ca n’était pas la seul console fixée sur eux, en fait, il étaient bardés d’électronique de toutes parts: les mains occupées par des blocs carrés d’apparence impossible à soulever, les bras parcourus de petits câblages, jusqu’à une structure qui courait sur tout le tronc, et se prolongeait dans le bas du corps jusqu’aux doigts de pied, et enfin un casque qui n’était pas sans rappeler ce qu’utilisait les timoniers pour les manœuvres de grande précision. Là, il ne laissait dégagé qu’un bout du menton, le reste du corps sombrait dans un embrouillamini de diodes, de blocs d’informations, de stimulateurs, de neurocorticodéflecteurs, de centres et de sous-stations. Un regard sur un petit écran jusqu’alors en veille donnait le statu biologique des deux humains. « Statu optimal » annonçait a machine, mais le nouveau venu doutait que ça soit vraiment le cas. Il chercha des yeux sur la table, et finit par trouver un petit boitier jaune relié au reste par une liaison, un fil rouge courant quelques instants à la surface, avant de disparaitre entre deux porteurs de données. Résolument, il appuya sur l’unique bouton du dispositif. Il y eut un petit grincement, et l’un des ordinateurs commença le processus de réveil. Il ignorait lequel des deux cela allait concerner, n’avait même pas essayé de le savoir en fait, n’importe lequel allait être utile. Les deux étaient à la même enseigne. Ce fut celle qui était près de lui qui eut un tremblement, et bougea lentement la tête. Il attendit, sans rien dire. Cela dura au moins deux minutes, et finalement, la main droite se dégagea tant bien que mal de son entrave, et grimpa péniblement jusqu’à la tête, pour y activer un contrôle, qui fit que le rideau d’électronique qui voilait le visage se poussa de côté, sur l’arrière du crâne, grâce à un dispositif qui n’était pas sans rappeler celui des blocs de Motograv. Il révéla une peau blafarde, mais assez pure, et des traits réguliers, qui, sans être laids, avaient étés loin de causer un quelconque intérêt pour les garçons de son âge. Elle demeurait ainsi avec son frère... Car elle devait avoir vingt-deux ans tout au plus—vingt la dernière fois qu’il avait vérifié, mais la date exacte où il avait opéré cette procédure de routine pour ses contacts lui échappait.—, et observait le visiteur avec ses yeux d’un gris étrange. Quand ils passaient trop de temps là-dedans, les yeux devenaient invariablement gris. Les médecins ne se l’expliquaient pas. Ca n’était pas hideux, assez fascinant même, mais l’on était directement épinglé dès que l’on faisait un pas dehors sans lunettes noires. Beaucoup de gens qui réchappaient de cela avaient besoin d‘une opération d‘envergure de la cornée, ou alors étaient condamnées à utiliser des lentilles holographiques. Finalement, une voix traînante, comme ensommeillée—mais elle était consciente, il en était sûr—s’éleva:
-Colonel Cus…
Il chercha autour de lui, et finit par trouver une chaise renversée, qui, cachée dans un coin, lui avait échappé au premier regard. La relevant, il put s’installer à côté de l’étrange femme. L’extrême maigreur de son corps, maintenant qu’il bougeait un peu, sautait au yeux. Dire qu’elle avait été rondouillarde dans le temps, mais maintenant, elle ne survivait que par les machines pompes et recycleurs acquis au prix de gros efforts financier. Il alluma une quatrième — et malheureusement dernière du paquet — cigarette, et dit lentement:
-Kalamata Ujuler. Je viens entreprendre une recherche.
Elle hocha péniblement la tête, avant de répondre, toujours comme si elle dormait à moitié:
-Comme d’habitude…n’est-ce pas? …Combien de temps depuis…?
Il consulta le chronomètre de son infobloc.
-Un ans, cinq mois et vingt-trois jours.
Tout en tentant vainement de se redresser légèrement, elle acquiesça une seconde fois.
-Après ça, je vais de nouveau pouvoir rester un an et demi dedans? Interrogea-t-elle, en fixant le bout lumineux de sa cigarette, avec un demi sourire. -Probablement. | |
| | | Syllas
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| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Lun 26 Jan - 20:57 | |
| Il songea un instant à ces dégénérés qui, connecté par des interphases très sophistiquées au réseau, passaient des mois, des années, interagir avec leurs semblables dans des schémas insignifiants qu’il n’avait pas pris la peine de retenir. Heureusement, ils servaient aussi parfois de relais-réseau, et produisaient quelque chose dans leur vie, guidant et ordonnant les communications interplanétaires. Il lui semblait que le Docteur Erich Waltgut avait fait une thèse sur le sujet. Mais pour l’instant, cela l’arrangeait bien, car donnait un moyen de pression et de récompense fort utile qui ne lui coûtait pas grand chose. Enfin, elle parvint à se redresser, et tendit sa main libre vers le bureau, fouilla pendant de longs instants, et en tira un petit objet métallique rond, de quelques centimètres de diamètre, dont une face, plate, était caractéristique avait sa couleur plus sombre et un petit point rouge en son centre.
-Prenez… l’interface corticale... Comme d’habitude, marmonna-t-elle, à peine audible.
Il grogna un coup, n’aimant pas trop ces systèmes qui relaient directement la camelote électronique à son cerveau, tira une dernière—et longue—bouffée de sa cigarette, qu’il laissa tomber derrière, sachant que la chimie interne spécifique l’éteindrait d’elle-même, avant de saisir la petite machine, et se la planter sur la tempe droite d‘un geste agacé. Kalamata lui fit un petit sourire fatigué—il détestait cela—, et chercha de nouveau le contrôle sur son étrange couvre-chef. Il se déclencha, et se referma. Après quelques instants, la machine à sa tempe vibra, et il sentit une autre vision se substituer à celle de la minable chambre, puis un à un tout ses autres sens. C’était un environnement blanc et gris, qui se perdait dans l’infini. Au premier regard il n’y avait rien, et il chercha machinalement son paquet dans sa poche, et le trouva. Malheureusement, il était vide, comme dans la réalité. Une misère. Avec un imperceptible soupir, il le referma, et se retourna, déjà certain de ce qu‘il allait trouver. Kalamata était là, et comme d’habitude—toujours, toujours, il aurait aimé ne pas avoir à faire ça, mais préférait garder ces tuyaux pour lui plutôt que de les donner à des subordonnés dont il se méfiait—, il remarquait immédiatement qu’elle ne s’était pas gênée pour corriger son physique, encore plus que lors de sa dernière visite. Elle s’était donnée au moins dix centimètres de plus, le dépassant presque, des formes plus prononcées, un visage plus fin, des cheveux blonds en cascade, en plus de ses yeux, revenus à leur bleu océan originel, sans la moindre trace du mystérieux éclat métallique caractéristique. Elle était habillé d’un vêtement beige aux contours assez vagues, alors que lui avait gardé son costume terne. Cette misérable mise en scène ne lui avait jamais plu, mais au moins, il ya avait quelque chose à la clé.
-Venez, fit la voix ferme et agréable, loin des mots pâteusement articulés plus tôt, et après quelques instants de marche comme aérienne, furent entourés de données, des chiffres et des lettres, ainsi que des combinations et symboles plus exotiques.
Kalamata était un relais. Elle s’occupait d’une certaine gestion et administration de ce réseau, d’une de ses innombrables sous-sections d’après ce qu’il savait, et cela lui donnait accès à toute la base de donnée de ce schéma d’interaction, comme il les appelait pudiquement, alors que d’autre les nommaient mondes, où se trouvaient souvent des choses qu’il cherchait. Elle avait reçu à la fois une formation spéciale, et subi une coûteuse manipulation cervicale afin d’assimiler et de gérer toutes les informations entrantes. Elle était payée pour cela par la Compagnie General Electric, mais ne faisait pas fi de l’argent que pouvait lui dégotter Custer pour faire acheter d’autres machines qui faciliteraient ces histoires, ainsi que les précieux Gelpacks nutritifs qui la maintenaient en vie. Quelle misère, songea de nouveau le visiteur.
-Que recherchez vous? continua-t-elle avec ses perturbantes intonations aériennes. -Un homme, dit le colonel après une brève moue, je sais de source sûre qu’il est ici. Je suis dans l’urgence, et ais besoin de le contacter.
L’étrange femme ferma un instant ses yeux idéalisés, et une immense série de données très serrées apparut entre eux. Elle les dégagea de côté avec un balancement de son bras droit, et demanda, un peu plus concentrée:
-Le matricule, éventuellement le nom…? -Matricule 7459.586.2, répondit sans hésiter l’homme de la Sûreté, Stepan Lubbock.
Kalamata cligna des yeux, et l’intense flux alphanumérique fut remplacé par une unique série de donnée, bien mieux ordonnée. Il y avait une image tridimensionnelle. Même si ils se trouvaient chacun d’un côté différent de l’espèce de barrière, Custer percevait les choses comme si il était juste à côté de sa guide. Une image se matérialisa quelques instants après, un visage émacié et blême, des yeux perçants et cruels, et une longue cicatrice courant sur la joue gauche. Bien moins idéalisé que la fille, malheureusement, songea le colonel. Il n’aimait pas faire appel au bonhomme, mais il allait quand même l’envoyer là-bas si c’était possible. Peut-être que les restes de Track 2 ne suffiraient pas d‘ailleurs, il fallait donc tout ce qu‘il y avait de disponible.
-Il est disponible, commenta la femme-relais, je le contacte? -Affirmatif, audio.
Les données sur l’homme disparurent, remplacées par d’autres, tournant autour d’une sphère argentée tournant doucement sur elle-même. Cette fois-ci, l’avancement dura plusieurs instants, avant que la voix brutale, parfaitement copiée par l’interface, s’élève:
-Bordel, qui est là?
En d’autres situations, cela aurait probablement causé une hilarité généralisé devant cette grossièreté basique et idiote, mais avec Custer, la jeune femme ne se permit qu’un petit sourire sur son visage retravaillé. Elle répondit d’une voix aussi neutre que possible:
-C’est Kalamata, votre relais. J’ai quelqu’un pour vous. -Qui ça, à la fin? J’ai mieux à foutre, moi!
Elle fit depuis l’autre côté de la sphère un signe au colonel, qui hocha brièvement la tête, et déclara d’une voix morose:
-Lubbock, ici Custer.
Il y eut comme un bruit étouffé d’air inspiré brutalement de l’autre côté de la « ligne ». En fait la voix semblait surgir de l’étrange liquide en forme de boule, mais se rapprocher ou s’éloigner ne changeait rien à la perception. Mystification inutile.
-Qu’est-ce qu’vous m’voulez?
L’homme de la Sûreté, conscient qu’il ne pouvait pas tout dire ici, sur un réseau civil, en plus devant témoin, ne lâcha que deux mots:
-Track 2.
Déglutition de Lubbock, puis bruit de souffle. Il réfléchissait à toute vitesse manifestement. Probablement prit par le dilemme entre fuir le plus loin et le plus vite possible, et dire…
-Où, quand? Finit par siffler sa voix, soudain partagée entre la peur et le respect. -Comme la dernière fois, et le plus vite possible. Normalement, vous trouverez tout de vous-même. Je ne pense que vous n’avez pas oublié. -Okay, confirma Lubbock, étrangement transformé, j’y vais tout de suite. J’espère qu’on n’se reverra jamais.
Alors que la sphère argentée se dissipait lentement, il haussa les épaules. Reprenant soudain conscience de l’endroit où il était, il eut un petit geste à l’adresse de Kalamata. L’instant d’après, il arrachait l’interface corticale de son crâne, et se levait de la chaise poussiéreuse, laissant la femme-relais à sa misérable existence jusqu‘à la prochaine fois qu‘il en aurait besoin. | |
| | | Syllas
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| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Mar 10 Fév - 18:37 | |
| [HRP]Retour après un bref temps d'absence. je commence par un clin d'oeil à Bram Stocker, et bien évidemment pas aux amateurs et producteurs de divers navets qui se sont évertués à l'imiter. Autre brève note, le paragraphe d'encyclopédie du deuxième chapitre de cette suite de posts est en fait la suite d'un autre je posterai éventuellement à loa fin en annexe. Désolé, mais je ne compte aps republiquer ici les 250 pages de mon roman précédent.[HRP]
N’importe qui peut combattre le mal. Cela commence et se termine par les pensées humaines, et surtout la volonté. Le savoir, la force, la détermination, tout cela vient ensuite. Extrait des Carnets personnels du Professeur Abraham Van Helsing, D.S, D.L, D.T.
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An 3862, E.d.U (Eon de l’Union). Badlands d’Acre Kamensk Falco Scaliger marmonna d’un air très septique, lançant un regard profond à travers la glace sans teint, sans cesser de se gratter la tempe droite:
-La fille ne me revient pas, Antonelli, quelque chose tourne pas rond avec elle.
Son frère jeta un mégot dans le désintégrateur atomique, qui, avec un éclair bleu, le dématérialisa, tout en tournant sa tête avec nonchalance vers lui. Ils avaient fait beaucoup de choses ensemble, à trente ans; déjà à dix ils étaient descendus chez les Galtieri, et avait foutu le feu à une de leur maisons de plaisir, avec vingt ils avaient regardés droit dans les yeux l’avant dernier procureur de Kamensk en date pour faire libérer leur père, Leo Scaliger, coincé par des gars en uniformes bizarre, et enfin, ils avaient quelques semaines auparavant réussit à faire transiter un chargement entier de FAM1 dans un vieux transporteur en ruine jusqu’en territoire neutre—Okay, ils avaient perdus la moitiés de l’équipage à cause d’un malheureux disfonctionnement du système de maintient de la vie, mais le business c’est le business. Sans en dire trop, ils pouvaient bien se comprendre. Bien mieux que de nombreux autres, ce qui leur avait servi déjà quand Syagrius Hunsa pointait un pistolet désintégrateur sur la tempe d’Antonelli.
-J’te vois venir, Ant’, continua Falco après l’avoir observé dans sa mimique, mais ça changera rien que quelque chose me dit qu’elle cloche. Elle ne nous dit pas tout. -Tu sais, j’ai fais ma petite enquête auprès de Kers, et ailleurs aussi, commença son frère en jouant avec le stylo sur son bureau, un modèle volé dans le bureau d’un officier local de la Sûreté, petit larcin qui l’avait presque envoyé à Juzno-Litann se geler les pieds avec Cato Hunsa, l’homme qui avait massacré à main nue une centaine de personnes avant de se faire prendre—une taré le mec, comme tout ceux de sa race—, le stylo disposait d’un micro-canon à impulsion intégré, et pouvait transpercer un mur d’un mètre d’épaisseur. Un joujou sacrément dangereux, surtout dans les mains d’un Scaliger, son dernier possesseur l’avait vite compris.
Antonelli le jeta une seconde en l’air, le laissa glisser le long de son bras, alors que derrière la glace, en bas dans le hangar de leur planque, « la fille » discutait tranquillement avec leur contact de la H & K, Fed’ Kirts, accoudé contre une grosse pile de caisses sur lesquelles le logo de l’entreprise—et l’indication en rouge « Destiné à l’armée, soumis à la Loi de Sécurité Militaire »—avaient étés soigneusement grattés; les leurs savaient qu’il ne fallait pas prendre la LSM au même titre que celle qu’était sensée appliquer le procurateur, et que si les ténors leur tombaient dessus, ça serait sanglant, le tout en notant que Falco haussait les sourcils, pour lui demander de continuer.
-Pas grand-chose de croustillant pour toi, je le crains. A vécu dans la banlieue d’Acreopol’, plusieurs domiciles, pas beaucoup de connaissances, et les vieux s‘sont barrés. Est partie à Eupatoria—sourire de la part de son frère à l’évocation d’un pareil trou—, et est restée dans le coin quelques temps, puis à rencontré Kers par l’hetman Janeshki. A roulé sa bosse avec sa bandes, avant d’finalement s’pointer ici après avoir mis les voiles du bled.
Falco, visiblement insatisfait, fit une moue sceptique, avant de demander, fixant le dos de la jeune femme qui riait d’une plaisanterie quelconque avec Kirts:
-Qu’est-ce qu’elle faisait là bas? -Figure toi qu’ça m’a aussi frappé, répondit Antonelli avec un sourire, j’ai cherché l’coup. Dans les flingues.
L’autre homme fort du clan se retourna à moitié, passant sa main de sa tempe à sa hanche, sur sa veste de cuir, le regardant en coin:
-Les flingues? Explique toi. -Je m’explique. On a r’fais son parcours, et on l’a retrouvé dans plusieurs club de chasse, de mécanique, de balistique, et de tir pur et simple. Un vrai arsenal, c’est hallucinant quand on la vois comme ça, mais c’te fille sait y faire avec des flingues de guerre. Ma source m’a rapportée qu’elle l’a vue démontée et r’monter un FAM1 en cinq minutes
Il existait un accord tacite entre les deux frères, pour éviter des problèmes à la tête des Scaliger; on ne fouillait pas dans le linge sale de l’autre. Cela valait aussi pour les histoires qui avaient l’air clean en surface; on passait au large. Falco le connaissait depuis assez longtemps pour avoir confiance en lui. Sa main retourna lui gratta les quelques petits cheveux bruns sombre qui poussaient sur sa tempe, alors qu’il se retournait sur le sujet de leur conversation, qui regardait sortir le contremaître d’usine corrompu d’un air énigmatique.
-On pourra en faire quelque chose de bon, c’est certain. Si c’que tu dis est vrai, elle s’y connait sûrement mieux qu’là moitié d’nos mecs. Mais j’t’arrête tout de suite sur un point; j’lui donnerai pas mon chien à garder.
Falco alluma une autre cigarette, et, après avoir pris une brève bouffée, regarda pendant plusieurs instants la fumée s’éloigner, formant un rond imparfait. Il avait toujours envié une chose à son père, Leo, c’était de savoir tirer de vrais cercles. Cela fait, il retourna à ses préoccupations du moment, passant la main libre dans ses cheveux courts.
-C’est clair, on va la tenir à l’œil. D’ailleurs, pour l’premier truc, j’vais pas l’envoyer chez les Hunsa. Ailleurs. -Qu’est-ce que tu as derrière la tête Ant’? Interrogea le Co-chef de clan, se détournant définitivement de la vitre sans teint. -Tu verras Falco, tu verras. Ca sera utile…et instructif.
Dernière édition par Syllas le Mar 10 Fév - 18:38, édité 1 fois | |
| | | Syllas
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| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Mar 10 Fév - 18:37 | |
| Extinction sociale de Deneb : […] Près de mille cinq cent ans après les événements, huit astronefs de la cinquième escadre opérationnelle de la flotte spatiale de la Sérénissime République de Christiansa entrèrent en orbite du monde avec comme bagage les archives terriennes. Un débarquement à la surface eut lieu, et dans un premier temps ne détecta rien. C’est uniquement le troisième jour qu’il y a une activité: une attaque d’une extrême violence: dix-huit hommes d’une patrouille sont littéralement massacrés — et dévorés — dans un premier temps, puis le ravage atteignit le petit camp installé dans une clairière, et ce fut un carnage d’une quarantaine d’autres explorateurs, principalement des scientifiques et des techniciens. Le lendemain, sous le commandement direct du commodore Tycho Syllas de Christiansa, cinquante fusiliers de la Marine de la République descendirent à la surface, et organisèrent une terrible battue, armés de puissants fusils à impulsion et mitraillettes à dispersion. Ce fut une juste réponse, qui renvoya l’ascenseur aux assaillants. Quinze « bêtes » cybernétiques plus qu’étranges furent détruites, ainsi que quelques hommes aux armements étranges. La fureur du commodore, qui avait perdue une fille, Lilliaz Syllas, fit que de nombreuses « victimes » furent véritablement incinérées de la main même de l’homme. Seule une carcasse robotisée fut emmenée en cale, et termina au fond du musée ducal de Christiansa. Les études menées pendant la semaine que la force resta encore là montrèrent qu’il n’y avait guère eut d’évolution depuis l’installation terrienne, et que la population avait atteint un degré de société quasi-nul. Selon les données assez peu fiables du commodore, le tout était passé à un nombre de machines supérieur à celui d‘humains, humains qui avaient soufferts de mutations multiples comme l’explique…
Dictionnaire Universel. Edition n°54.8.14. Livre II, page 348. Extrait de l’Article « Extinction Sociale de Deneb ». Suite.L’ancêtre de mon très estimé collègue [l'amiral Syllas]a fait face à l’évolution, ou plutôt la non-évolution, d’une humanité corrompue et réduite à l’état animal d’un monde manifestement stérile. Certains parlent de de rayonnements inconnus ayant influencé le cerveau de l'homme. Sottises. On ne veut juste pas s’avouer à quel pour nous sommes proche de cela, et quelle rigueur est nécessaire afin de l’éviter. J’ai demandé une autorisation afin d’examiner les unités cybernétiques — carnivores, extraordinaire! — prises lors de l’expédition auprès de l’administration du musée ducal. J’espère que cette visite sera fructueuse. Amiral Liung Wu Xun, Ministre d’état à la propagande et à la culture de l’Union. Note griffonnée en marge de son exemplaire du Dictionnaire Universel, page 348.
Il ferma brutalement la portière verticale de son antigrav en prenant sa petite lampe ionique, laissant le véhicule ouvert, sachant que de toute façon, il n’y avait rien à craindre de se le faire voler ici, au milieu de rien, en pleine nuit, sans même une des deux lunes pour éclairer le sinistre spectacle. Ca n’était même pas un parking de toute façon, juste un terre-plein boueux entouré de la forêt sombre et humide de la région montagneuse où le fleuve Fynn prenait sa source. Ca puait l’herbe mouillée et le conifères à cent-cinquante kilomètres à la ronde, un endroit terrible, pas un pékin à l’horizon. Il frotta son front où l’impression rougie des machines l’irritait tout autant que l’odeur infâme qui ne lui rapportait que plus de mauvais souvenirs. D’ailleurs, si ceux-ci étaient exacts, il n’aurait qu’à descendre d’une centaine de mètres le long de ce sentier—Correction, cette cascade de boue—, et il y serait. Soudain, tout le chemin en toute hâte depuis Alttoria à bord d’un cercueil volant remplis de cagots de poules, le loueur d’antigrav braqué—un SIP sur la tempe est toujours un bon argument pour se faire offrir un mois de conduite gratuite, mais quand on sait où on va aller, on s’en fiche de risquer de se retrouver en taule à un hypothétique retour—, et au final huit heures de route dans les pires coins d’Acre, planète où il avait pourtant juré de ne jamais remettre les pieds, même si on lui offrait Falco Scaliger pieds et points liés, prêt à être charcuté. Tout cela semblait chavirer dans son esprit à l’instant, et il se demandait soudain pourquoi il avait accepté de venir. Il y avait quand même une merveilleuse alternative; s’embarquer sur une autre ruine à cagots, et partir pour le néant, quelque part entre la galaxie 8 et la galaxie du triangle, dans l’amas voisin, en espérant se perdre en route. Même, Custer était capable de le retrouver, et de lui foutre une raclée qui ferait parler encore d’elle des siècles après—en admettant qu’il y ait encore quelqu’un pour en parler. Il n’avait pas le choix, foutu passé. Des fois, on n’a envie de s’exploser le cervelle pour être enfin débarrassés de toutes ces histoires. Des fois…souvent. Il sursauta quand il perçut derrière lui un mouvement, puis la lumière d’une pair de phares. Il se retourna juste à se vite pour voir s’arrêter une véritable antiquité antigravitationnelle, un Tchekers qui aurait pu être placé au musée ducal de Christiansa à côté du premier vaisseau hyperspatial, de Spoutnik et d’une montgolfière antique sans risquer de briser le tableau. Il y eut un instant de flottement à l‘intérieur, alors que la silhouette dans le noir derrière les commandes—mêmes pas automatiques ni neurotactiles, une misère— restait immobile, sans qu’on puisse déterminer si elle le regardait, ou la forêt humide et fétide qui rappelait dans le cerveau de chacun qui y avait été une première fois à quoi on aboutissait quand on entrait une fois. On n’en sort plus jamais, répondit une petite voix au fond de sa tête, et il s’efforça de la réprimer en s’imaginant en train de tordre le coup à un poulet. Enfin, la portière s’ouvrit, et un homme en débarqua. Lui aussi la quitta sans la fermer ni rien. Enfin, d’un autre côté, qui, à part des maniaques du musée de Christiansa fort opportunément en maraude dans le moins probable des endroits iraient voler ce sac à boulons sautés? Il pointa sa petite lampe vers la silhouette.
-Jarren, ça faisait un bail dis donc.
Sans dire un mot, il se rapprocha, jusqu’à ce qu’il fut à moins d’un mètre de lui. La lumière ionique blanchâtre éclairait tout son corps, recouvert des mêmes vêtements qu’alors. Du même baudrier. Seul son visage avait prit dix ans, et s’était creusé. S’était rangé. Aux dernières nouvelles, il tenait toujours les archives de son Bled—avec une majuscule—. Alors que la plupart des gars des forces spéciales et de l’infanterie de marine avaient vécus des choses moins étranges, et terminaient par crever, flingué par une demi-portion alttorienne, il restait là à classer des dossiers. Destin ironique. Lui avait reconnu son interlocuteur dans le faisceau qui les éclairait tout les deux, et finit par dire d’une voix plus faible, comme grincheuse:
-Lubbock, vieille crapule, ils t’ont aussi tiré de ta naphtaline. Ca n’a pas du être facile d’te faire venir. -Pas qu’j’ai plus l’choix qu’toi, répondit sans animosité le vieux mercenaire, avant d’interroger, sincèrement: les gosses vont-bien? Sont pas trop embêtés d’avoir un parrain invisible?
Tout en commençant la tentative—qui n’aboutirait sûrement pas sans casse—de descendre le « sentier », à la lumière de l’unique lampion ionique de Lubbock, il continuait de parler tranquillement, comme si ils s’étaient retrouvés à la fête du village, à Ploraff.
-Ils ne se posent pas trop de questions, pas encore. J’appréhende le moment où je vais devoir leur parler de tout ça. J’espère seulement qu’ils finiront pas comme nous, à patauger dans la boue, un soir sans lune, à plus de cent kilomètres de la saurisserie la plus proche.
Lubbock eut un petit sourire invisible dans les ténèbres, alors qu’il tentait de contourner ce qui ressemblait à une tourbière en état de formation avancée. Jarren continua, s’attaquant lui aussi au dangereux passage:
-Qui est-ce qui t’a sonné? J’te pensais sur Alttoria, ou dans l’coin du moins. -Oh…bas, t’sais, cet an ci je me suis mis un peu Réseau, histoire de me relaxer les méninges. Parait qu’ça fait des miracles. -Toi, le Réseau? Je n’aurais jamais cru vivre assez vieux pour voir ça…Attention, la branche là n’est pas solide, ne t’y appuie pas.
Lubbock exécuta une figure gymnastique qui aurait été tout à fait digne de Hel, avant de se rétablir, et de dire:
-Faut bien un début à tout, mec. Puis, c’était cette nuit, j’ai reçu c’t’appel bizarre d’une relais. Devine qui est allé me cherché jusqu’au fond de cette merde, devine un peu…petit indice: l’vieux colonel est toujours en service.
Sans pour autant qu’il s’arrête dans la descente, où il avait prit la tête, la voix de Jarren changea:
-Non, quand même pas lui…enfin, doit être le seul a savoir où te trouver…aussi que tu existe p’t’être. -P’t’être, p’t’être, en tout cas, j’me suis retrouvé dans un astronef à cagots, puis jusqu’ici…Voilà, on y est.
Il s’était arrêté sur le petit coin herbeux sur le côté du sentier, qui descendait encore jusqu’à la berge du fleuve Fynn, encore étroit à cet endroit. Sans échanger un mot de plus, ils se penchèrent, et tâtèrent dans les plantes, un peu à l’écart du chemin boueux. Cela dura de longues minutes, jusqu’à ce que Jarren pousse un petit cri. Son vieil ami le rejoignit, et ensemble, ils ouvrirent une lourde trappe de métal vert, rendue invisible par un camouflage holographique habile. Revoir les échelons s’enfoncer dans les ténèbres du tube ramena dans les cerveaux de tout deux des souvenirs jusqu’alors profondément enfouis. Et la Peur, cette peur si particulière, qui leur prenait chaque minute de leur vie depuis plus de dix ans déjà, sommeillant en eux, qu’il connaissait si bien, mais qu’ils avaient voulus oublier. Maintenant, elle serait permanente, jusqu’à la fin, quelle qu’elle soit. | |
| | | Syllas
Nombre de messages : 529 Localisation : Aux premières loges de la Révolution Militaire Date d'inscription : 13/12/2007
| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Mer 11 Fév - 19:50 | |
| La réflexion, quand elle est détachée du contexte, ou alors placée dans un contexte inapproprié, est nulle et non avenante autant qu’absurde. Et les agents de la situations sont des sots. Il n’existe pas une vérité, mais des vérités. Annales d’Hagia Triada. Ajout d’Ignacius XI l‘Olympien.
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An 3873, E.d.U (Eon de l’Union). Acreopolis Pendant les dernières heures du voyage à bord du transporteur de cagots, Hel avait cru qu’elle allait définitivement craquer et devenir folle. En plus des piaillements insupportables des poules qui pénétraient jusqu’au plus profond du cerveau, des messes basses du prêtre qui devait à la longue en être à sa cinquième lecture consécutive des livres saints, il y avait eut la violente dispute entre le bonhomme à chapeau et un gars qui avait embarqué à Alttoria, un escogriffe à l’air de soldat ayant repris du service, prêt à massacrer à tout bout de champ, cachant à peine un gros SIP à sa ceinture. Il s’était installé deux rangées derrières elles, pour, après quelques temps, en avoir marre des ronflements du bonhomme à chapeau, et ne se priva pas de lui dire. Celui-ci répliqua—crument—qu’il n’en avait absolument rien à faire, et que— toujours avec un vocabulaire tout à fait tribal —, le gêneur pouvait aller se rhabiller, et même sortir par le sas si ça le chantait. Le dernier venu était devenu rouge, et avait déclaré—à sa façon—qu’il n’allait pas laisser un individu pareil le traiter de cette façon, et tout les passagers par le même occasion. L’homme au chapeau eut un geste obcène dans sa direction, et fit mine de replacer son couvre-chef pour dormir. Il se serait prit une raclée terrible si Kerstin n’avait pas sauté sur ses pieds et empêché l’homme d’agir dans « l’intérêt général » —. Quelle n’avait pas été la surprise de Hel et de Kerstin lorsqu’elles se sont retrouvée avec le même personnage dans le transporteur continental, installé à l’extrémité d’une banquette, observant les ténèbres du tunnel d’un œil absent. Comme elles, il était descendu à Kamensk, et avait disparu en direction de la consigne des véhicules de location. Quoique fatiguées par leur voyage—a côté duquel les banquettes de la troisième classe du Transporteur avaient parues être la salle de bal du Buccentaure—, elles prirent néanmoins la route d’un de leurs contacts dans la ville basse, prêt des docks, où elles faisaient leur bout de chemin autrefois. Hel n’était plus revenue ici depuis bien longtemps; elle avait trouvé d’autres fournisseurs que les H & K d’Acre, plus proche, et inconsciemment avait évité le lieu. Redécouvrir ces trottoirs défoncés, cette crasse, ces gens louches les observant d’un air non moins louche leur donnait une impression étrange de retour dans le passé. Peu de choses avaient changées ici, en fait, l’ensemble se décrépitait, mais lentement, au rythme de la désagrégation du métagranit massif des barres de constructions géantes, même si celles-ci semblaient minuscules à côté de ce que Hel connaissait dans les bas-fonds de Tsarysyn. En fait, elle découvrait que Kamensk n’était rien à côté, une sorte de pays de Cocagne où on pouvait se risquer dehors sans devoir se préparer à l’éventualité d’être attaqué par une horde d’êtres blafard comme ils en parcouraient les avenues vides de l’ancienne cité d’Askay, au dernier sous-sol de Tsarysyn. Depuis voilà un an, de gros mouvements parmi les Epaves avaient commencé, et il fallait se montrer de plus en plus prudent lors des excursions en bas. Plusieurs fois, les ténors avaient même envoyé la troupe dégager des gens coincés par les créatures des fonds. Cela l’avait surprise, finalement, ils pensaient au moins un minimum à eux pour ne pas laisser d’éventuels contribuables se faire dévorer vifs—tout à fait le raisonnement de l’amiral Law, dieu sait qu‘elle le connaissait. Alors que ici, les rues semblaient si calme et pacifiques. Bon, il y avait eut, à la sortie d’un bar, une petite empoignade presque amicale où une belle paire ivrognes ont renversés deux synthétiseurs, se sont copieusement insultés, et, après avoir ensuite également insultés les autres clients, sont repartis ensemble en riant, bras dessus bras-dessous. Elle songea de nouveau à la violence totale régnant dans certains coins des souterrains de Tsarysyn, où un mouvement de travers peut valoir une mort tout à fait atroce, et eut un léger soupir. Une connaissance, un docker, qui était d’chez les Scaliger, leur adressa de loin un signe de la main, et plus tard, deux miliciens affiliés au même clan hochèrent la tête à leur encontre en passant. On ne les avait finalement pas oubliées, extraordinaire. Elle aurait bien fait un tour voir quelle tête aurait tiré Falco, mais n’avaient guère le temps, à ce que disait Kerstin. Hel sentait chez elle un trouble, son attitude avait changé après l’escale d’Alttoria. Il y avait quelque chose de nouveau, et elle ne voulait pas le dire à son amie…enfin, quoique. Il y avait toujours quelques minutes à grappiller, et plus, si Kers ne se montrait pas coopérative.
En y réfléchissant, on voit bien que la vie n’est qu’un unique requiem. Chaque instant qui fuit entre nos doigts n’est qu’une note qui nous rapproche davantage de l’échéance fatale. Seuls ceux qui ont confiance en le Seigneur voient cela se dérouler de jour en jour, d’heure en heure, avec sérénité. Annales d’Hagia Triada. Ajout Raphaël II le diadoque.-- -- --
An 3862, E.d.U (Eon de l’Union). Badlands d’Acre Kamensk -Vous emmener là-bas? Marmonna Lubbock, lançant à ses interlocuteurs un regard suspicieux dans la mesure que lui permettait la pénombre de l’égout putride où ils se trouvaient, uniquement éclairés par des lampes ioniques qui évitaient soigneusement de se braquer sur les visages, avant d’ajouter: Qu’est-ce que vous y cherchez? J’pense pas qu’les Galts’ y aient un maison d’joie, v’savez.
Antonelli Scaliger fit tomber le mégot d’une de ses minuscules cigarette au tabac d’Emor, puis l’écrasa de toutes ses forces. Ca n’était pas nécessaire, même l’humidité ambiante aurait réglé ça, mais une petite manifestation de puissance n’était jamais de trop. Il porta sa main à ses cheveux, et y passa ses doigts en peigne, fixant le mercenaire, sans rien dire. Un pas derrière lui, le hetman Janeshki, dont le bloc en partie rétracté révélait toute la tête, fit une moue désapprobatrice en balançant ses bras, doucement. Toute un spectacle, songea Hel, qui, derrière eux et deux autres hommes de main, observait tout, ses yeux bleu clair brillant d’intérêt. Le chef des motards commença sa tirade, menaçant:
-C’qu’on veut y faire, ça t’concerne pas. On t’demande seulement d’nous y emmener, point barre. Sinon, on… -…on met mille crédits en plus là-dessus, et tu nous fous la paix, interrompit Scaliger, avec un soupir
Lubbock resta indécis, fixant tour à tour le co-patron du clan de la pègre, puis le « chef de la sécurité » de celui-ci. Il parut réfléchir pendant de longs instants, alors que la lumière de sa torche partait en balade sur les tuyauteries qui courraient le long des murs saturés d’humidité jusqu’à en être verdis. Ils étaient tous les six dans un tunnel de traverse entre deux plus gros, supposés être les voies principales du réseau souterrain avant l’abandon du projet, et un peu à l’étroit à l’instant, d’autant plus qu’il avait fallut chasser à coup de pieds les hommes des égoûts qui défendaient âprement leur bout de béton fétide, hommes qui risquaient de revenir, plus nombreux, et chacun savait ce qui arrivait lorsque quelque tombait entre les mains des Epaves, même lorsqu‘il s‘agissait de la version « civilisée » des mondes de province.
-Bon, j’accepte. Mais j’vous préviens une dernière fois, même si j’sais qu’c’est inutile. J’vais vous dire, qu’avant qu’j’soit allé là, je n’étais pas croyant. Depuis, je vais à l’église tout les jours pour les types qui y sont restés. J’vous aurait prévenu…
Scaliger eut un geste de mépris non voilé, fit volte-face, en hochant la tête à l’adresse du hetman, qui s’avança, alors que lui partait avec ses deux hommes de main, les laissant seuls dans l’horrible atmosphère des souterrains de Kamensk.
-J’ai entendu parler d’tes exploits, Janeshki, fit avec un peu d’ironie Lubbock, le sourire énigmatique déchirant son visage marqué par la violence, mais rien de c’que t’a connu jusqu’ici te préparera à c’que tu verras là-bas. -Mêle-toi d’tes affaires, grinça le motard en retenant une insulte qui était tout ce qu’attendait l’autre crapule pour mettre les voiles—et Ant’ serait furieux, lui qui avait fait des pieds et des mains pour trouver le seuls qui ne soit pas revenu de là-bas pour finir à l’asile, ce qui n‘était assurément pas bon pour lui—, et soit demain, à l’endroit convenu, ramène ta cervelle pour une fois, on t’en d’mande pas plus.
Il se retourna à son tour, tandis que Lubbock les observait toujours, en allumant une de ses toutes petites cigarettes d’import, et souffla en passant devant la jeune femme:
-Viens, on se casse, Hel.
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| | | Syllas
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| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Mer 11 Fév - 19:51 | |
| Depuis un mois et demi qu’elle était à Kamensk, Hel, en dehors des heures de doutes et d’incertitude, n’avait pas été inactive. Ses premières préoccupations avaient étés de se faire une position, et de se trouver un coin où nicher. Pour le second, elle avait finit par trouver un autre bureau abandonné, pas très loin de l’endroit où elle était allée le premier jour avec son amie, qu’elle avait sommairement réaménagé, et auquel elle a même réussit à donner l’électricité grâce à une dérivation pirate de la conduite de plasma issue de la Cracheuse bricolée par un gars qu’elle avait réussit à payer en dessous du prix qu’aurait facturé un travailleur normal. Aussi, elle avait pour la première fois de sa vie réellement tué de sang-froid. Ca a été une expérience…troublante, sans être proprement dit choquante. Sur le retour, un soir, alors qu’elle s’était attardée à suivre les histoires des Scaliger au grand Casino qu’ils avaient sur les rives de la Fynn, elle avait perçut des mouvement derrière elle. Malgré son habillage furtif—elle avait opté pour des vêtements gris et noirs discrets et pratiques tout les jours, pour éviter des désagréments comme celui-là, en partie—, il semblait qu’on la suivait. Elle fit tourner en rond dans les quartiers des docks ce qui s’avéra être un homme seul à la carrure massive, et à la tête rasée, ne sachant absolument pas être discret — le crime organisé avait un immense pouvoir sur la cité, mais n‘était pas majoritaire: effectivement, c‘était la petite criminalité, individuelle ou en bandes réduites qui était omniprésente et générait le plus d‘argent, dument taxé par les clans, sans parler des psychopathes et individus dangereux attirés de toute la planète dans ces lieux, ou alors atteints après une réaction aux gaz neurotoxiques qui émanaient de certaines usines—, en rond pendant un bon quart d’heure dans les méandres des docks, avant de, dans une ruelle sombre et isolée, se retourner, les yeux fixés sur lui. Il avait poussé un gargouillement répugnant, dégainé un couteau de boucher, un classique du fou furieux s'était-elle dit, le hachoir, d’une taille impressionnante d'ailleurs, et avait commencé courir. Après tout ce qu’elle avait entendu, elle savait ce qui allait suivre, et qu’un des deux ressortirait de là les pieds devant. Sûre d’elle, elle avait esquivé sans trop de mal cette montagne de chair bête lancée à un train d’enfer, et avant qu’il ne puisse se retourner, le long couteau télescopique en titane de Hel lui pénétrait profondément dans le dos, jusqu’à la garde. Vigoureusement, elle l’avait retiré, et était repartie, sachant que le meurtre ne serait jamais élucidé de toute façon — si on le remarquait même. Une fois le couteau lavé de son sang de retour chez elle, elle l‘avait rétracté, et caché sur elle à la place habituelle, et commencé à réfléchir à la chose. Une autre fois, ça avait été avec ce gars…quelqu’un de suspect. Peut-être payé pour la suivre…elle ne voulait pas prendre de risquer, et de toute façon, était lancée. Après une longue nuit avec elle, il s’était retrouvé dans un caniveau, le dos labouré, aussi. Finalement, de toute façon, sa famille avait une histoire violente. Aetius Syllas avait fait la guerre, et tué. Eudes Syllas a fait des victimes lors de ses actions pendant le conflit galactique, et même son oncle, Nikolaï, avec son calme pourtant olympien et son expression froide et vide, avait des milliers de morts sur la conscience—s‘il en avait une, car parfois, elle se le demandait—, voire des dizaines, des centaines de milliers. C’était bien pire qu’elle, se défendant contre un fou furieux ayant éprouvé l’envie irrépressible de faire d’elle un morceau de viande impossible à différencier avec les gigots qu’offraient tout synthétiseur digne de ce nom, ou encore ce qui ressemblait à un gars d‘un autre clan, ou de la Sûreté, la surveillant de trop près pour son goût, quoique novice, manifestement, pour se faire attirer dans le lit de celle qu‘il était sensé surveiller. La prochaine fois—car il y en aurait une, à Kamensk où ailleurs, étant donné la vie qu’elle s’était choisie—elle n’en serait que d’autant plus prête, et recevrait les choses, en tachant de s’en sortir. Pour son premier objectif, elle a finit par se tourner entièrement vers ce qui la fascinait tant depuis des années—au point de lui faire suivre sous pseudonyme plusieurs formations et « expériences » auparavant, qui portaient leurs fruits maintenant—, l’armement de toutes sortes, et s’était fait un contact solide avec le gars de l’usine H & K, Fed’ Kirts, qui l’avait déjà introduite sur place plusieurs fois. Et à chaque fois, des chargements entiers ont disparus sans causer de conséquences autres qu‘un rapport archivé au fin fond des étagères de l‘entreprise, grâce à un malin petit jeu d’influences et de mystification. Chaque fois, elle en avait tiré un joli profit…qui avait fini dans sa poche en grande majorité, alors que les Scaliger n’en avaient même pas le quart, en plus de quelques « cadeaux publicitaires ». Un petit jeu dangereux, mais d’autres services, comme quelques documents dérobés à la procuration à la suite d’une aventure nocturne mémorable, et cette remarquable maturité et intelligence qui semblait fasciner Antonelli Scaliger lui avaient permis d’enfin apaiser les derniers soupçons de Falco, et d’être plus tranquille—même si elle s’arrangeait toujours pour bien verrouiller son trou pendant la nuit, car même, les deux autres clans étaient encore des inconnues, malgré quelques tentatives d’approches pour sonder le terrain, presque timidement elle pourrait dire. Elle ne pouvait vraiment dire si toutes ses initiatives suivaient un plan, conscient ou inconscient, mais n’était sûr que d’une chose: qu’elle allait prouver à toute sa famille qu’elle s’en tirerait sans le capital du fullakomtarque d‘Acre. D’ailleurs, les demie-semaines passées dans la Milice s’étaient finalement révélées des séances d’intégration dans le tissu local plus que tout autre action, et l’institution se révélait une part de l’échiquier souterrain de Kamensk où les trois clans de la pègre et la Milice combattaient sans pitié pour le contrôle des quartiers, et d’immenses masses monétaires, sans compter le Cartel, quoique moribond, qui était au dessus d’eux, et qui contrôlait de larges parts du commerce non-officiel. Son influence dix ans auparavant en avait fait une institution contrôlant de larges pans de la nation, mais depuis que les Ténors étaient en place, et que la moitié des gens à la tête de cette supra-organisation avaient étés envoyés « servir la science » dans d’occultes bases gouvernementales, sans qu‘on n‘entende plus jamais parler d‘eux — Hel savait bien que son oncle était au courant —, elle faisait profil bas, ce qui permettait aux chefs locaux de s’émanciper. Car en plus, elle avait subit un sacré revers pendant le soulèvement de Kamensk, en 47. Personne ne savait vraiment ce qui s‘était passé à ce moment là. Et ensuite, il y avait la Famille, qui n’intervenait que quand elle jugeait bon de la faire, rarement, mais chaque fois durement. Peu de temps auparavant, un soir qu’elle rentrait chez elle, passant discrètement de ruelle en venelle, elle avait assisté à une scène assez extraordinaire: elle venait à peine de traverser une large avenue pour replonger dans le dédale des petites rues, qu’un véhicule passa derrière elle, plus un autre, et encore un. Depuis l’ombre, elle les vit s’arrêter devant un immeuble un peu plus loin. C’étaient des gros antigravs de la Sûreté, noirs, aux vitres entièrement polarisées. Une douzaine d’hommes disposant d’équipement militaire étaient sortis. Paralysée, elle les a vu enfoncer la porte sans peine, et se répandre à l’intérieur. Après un bref combat, une véritable petite foule en sortit, sous la garde vigilante des hommes de la Famille. Ils furent fourrés dans un panier à salade qui était arrivé à la traîne, sauf trois. Celui qui était apparemment le chef des comandos leur gueula quelques instants dessus, puis, tira son SIP, et, coup sur coup, les tua chacun d’une décharge dans la nuque, et les laissa là, à perdre leur sang à travers la blessure qui les perçait de part et d’autre, sur le pavé. Ils étaient restés là pourrir une journée, puis, le matin du surlendemain de l’intervention, tout avait été nettoyé, plus aucune trace. Les personnes emportées ne sont plus apparues. Personne ne posait de question, on ne pouvait pas, car on en connaissait les conséquences C’était ici ce que les gars de la mafia craignaient le plus, car la Famille n’avait besoin ni des mandats, ni des procédures qui handicapaient et paralysaient les forces de sécurité régulière, et si ça les chantaient, ils pouvait se pointer, descendre tout le beau monde, et emporter ceux qui restent, et repartir en sifflotant, laissant les autre clans dévorer la charogne. D’ailleurs, ça n’était pas la seule chose réellement louche qui se tramait ici. Il y avait autre chose, des gens paraissaient être à la fois au courant, et dans la plus profonde ignorance, et cela tournait en partie autour de Lubbock qui ne parlait qu’en énigmes. Mais Hel était certaine aujourd’hui qu’elle allait enfin en apprendre plus, alors qu’elle marchait d’un pas alerte vers le point de rendez-vous, sa sacoche indéchirable sous le bras, contenant un FAM1 bricolé par ses soins pour être lui aussi téléscopique, et tout un attirail supplémentaire emmené par prudence, comprenant des rations pour un temps, des petits outils, une com. de rechange, etc... D’après Janeshki, ils allaient aller dans les Badlands, et il faudrait être prudent. | |
| | | Syllas
Nombre de messages : 529 Localisation : Aux premières loges de la Révolution Militaire Date d'inscription : 13/12/2007
| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Mer 11 Fév - 19:51 | |
| Ledit point de rendez-vous était un carrefour au milieu des docks. Il y avait là deux antigravs robustes faits pour sortir des chemins balisés, les bâches à moitié relevées révélant un intérieur vide. Pour l’instant, il n’y avait que les chauffeurs et quelques hommes de main des Scaliger. Elle fit un signe à l’un d’eux qui la connaissait, et alla s’adosser au poids lourds de queue, en profitant pour sentir sur sa peau blafarde, à cause du peu de temps passé au soleil, les rayons chaud d’un matin où le vent d’ouest avait balayé pour un temps le nuage de smog qui occupait d’habitude les cieux de Kamensk. Tout en faisant cela, sa combinaison entre-ouverte sur le haut du torse barré du FAM1 en bandoulière révélant le haut du vêtement beige léger qu’elle portait en dessous sur lequel se balançait au grès de ses mouvement son pendentif vert qui était à la fois son bloc et son unique bijou, elle songeait que bientôt elle aurait assez de chaleur et de soleil dans les Badlands…Enfin bon. Une rumeur de conversation saccadée la tira de son repos éphémère. Lubbock et le hetman arrivait, marchant côte à côté, s’épiant mutuellement. Le mercenaire se sépara de lui quand il fut assez près du convoi, et alla inspecter le poids lourd de tête. Il était habillé d’un vieux treillis couleur sable usé de l’infanterie de marine, et portait plusieurs armes à sa ceinture, en plus qu‘un chapeau à larges bords qui lui ombrageait le visage. Seule sa tête à la fois violente et marquée par le passée troublait l’image du soldat à la retraite ayant repris du service. Janeshki quand à lui ne semblait presque jamais quitter son équipement motard, de nouveau seule sa tête en dépassait, et était chaussée de grosses lunettes aux verts noirs, et il scrutait tout ceux qui étaient présent. Comme beaucoup de motards ayant participés à des actions ressemblant à celle ponctuant son passé avant l’arrivée chez les Scaliger, il n’aimait pas qu’on le regarde dans ses yeux, et était mal à l’aise quand il n’avait pas la verrière de son casque pour cacher son visage; le bloc devenait rapidement une seconde peau, qui augmentait les capacités humaines... Au risque de laisser tomber son possesseur dans la dépendance. Hel n’avait pas se problème: depuis le plus jeune âge, elle avait conscience que ses yeux d’une teinte bleu clair très spéciale étaient capables de leurrer et d’induire en erreur n’importe qui, elle avait apprise en fait à jouer perpétuellement un rôle, et en était parfaitement capable; elle s’adaptait à chaque instant, manipulait les émotions des gens. C’était si facile quand on avait compris le truc. Elle l’avait saisi une journée lointaine dans le passée, elle devait alors avoir cinq ans tout au plus, et observait de loin son oncle jouer avec un fonctionnaire. Celui-ci était venu pour l’intimider, le menacer de quelques dégradation, la petite fille l’avait senti, mais l’amiral avait subtilement joué entre la violence, l’influence et le mystère. Peu à peu, il l’avait travaillé, utilisant chaque occasion pour glisser une allusion à une quelconque brutalité, et au final, il était resté assis en le regardant partir, fixant le visiteur avec un regard qui avait brisé définitivement celui-ci, un froid de glace, totalement immuable, et véritablement dangereux. La jeune Cassandre d’alors avait tout suivi depuis le fauteuil derrière lequel elle était cachée, et le soir même, avait commencé, devant un miroir à essayer de faire jouer les différentes émotions sur son visage. Au fil des ans, elle s’était améliorée, et manifestement, seul son oncle avait été dupe. Ca aussi, elle l’avait compris le jour où il avait remis les pendules à l’heure, juste avant l’arrivée de Calender, qu’il avait avec cette méthode aimablement éconduit. Après une longue discussion avec les hommes de main, le hetman, qui aurait préféré avoir ses propres gars, mais qui n’avait sur l’instant que Hel à qui faire confiance, s’approcha et l’apostropha brièvement:
-Alors, t’est prête? -Ca m’aiderait si je savais ce qui nous attends, répliqua-t-elle en posant une main sur sa hanche, tout en faisant une moue soigneusement et inconsciemment calculée. -T’inquiète, tu le sauras bien trop tôt, et je sais comme tu aime les surprises, répondit Janeshki, avant de jeter un coup d’œil furtif à Lubbock, qui était dans une cabine à examiner les commandes, puis ajouter: mais honnêtement, j’peux pas dire qu’j’ai un très bon sentiment avec cette histoire… -Et t’fais absolument pas confiance à Lubbock, conclut Hel, avec un petit sourire. -Ca se voit tant que ça? Fit le hetman, en répondant à son sourire, enfin, y a Scal‘ qui arrive.
Effectivement, Antonelli et Falco Scaliger, accompagnés d’un garde du corps musculeux, venaient d’apparaitre avec toute la discrétion dont-ils étaient capables au coin d’une des rues, et se dirigeait vers les camions. Janeshki allant au devant d‘eux, et ils commencèrent une âpre discussion que Hel suivit de loin. Cela dura cinq minutes, avant que Lubbock lui-même ne se pointe, et leur touche un mot, avant de repartir sans plus vers les machines. Bientôt, le hetman les abandonnant également, pour revenir vers les hommes en armes qui attendaient, alors que les frères restaient à parler à voix basse. Finalement, Falco fit volte-face, en disant un dernier « fais gaffe à toi, et méfie-toi des motards, frangin » que personne d‘autre qu‘elle, soigneusement indiscrète avec son air de femme ne s’intéressant pas, n‘entendit, et s’en alla sans un regard pour l’expédition. Antonelli alla rejoindre le mercenaire. Mais, alors qu’elle allait retomber dans sa torpeur en se disant que c’était le dernier moment de repos avant longtemps, un petit mouvement à l’angle du camion où elle se trouvait attira son attention. Il n’y avait plus personne là, tout le monde était parti au véhicule de tête où ils parlaient avec animation, et elle trouva ça suspect. A pas de loup, ses chausses intégrées dans sa combinaison ne faisant absolument aucun bruit, le long de la bâche à peine installée, elle s’avança vers le coin, l’arme prête, sous le bras. Parvenue à quelques centimètres du bord, elle s’arrêta, et écouta attentivement, croyant discerner une respiration haletante réprimée. Ca en était assez, ses mains se serrèrent sur la crosse FAM1, et elle se propulsa à l’angle de l’arrière de l’antigrav lourd. Juste sous le nez de son arme se trouvait un gosse en haillons sales, qui, les yeux exorbités, tremblaient comme une feuille en fixant l’extrémité du canon, aplatit contre le clapet métallique qui servait à refermer l‘arrière de l‘antigrav. Un instant désarçonnée, Hel, d’un geste foudroyant, agrippa fermement le petit avant qu‘il ne réussie à sa cabrer et s‘enfuir, — il ne devait pas avoir huit ans— par le col de son vêtement à la nature et la couleur méconnaissable, et le tira brutalement alors qu’elle revenait sur ses pas. Puis, la jeune femme appela sans détourner les yeux le hetman. Le bloc au chausses mal réglées de ce dernier crissant contre l’asphalte renforcé salit de sable, il arriva en courant, suivit de Scaliger, Lubbock, et les quelques hommes de main. Hel jeta véritablement le mioche au sol d’une vive détente, au milieu d’eux, puis fixa le chef des motards, et demanda d’une voix chargée de son plus bel exemplaire de mépris:
-J’l’ais trouvé en train d’espionner d’puis derrière l’camion. J’savais pas qu’les Hunsa les envoyaient si jeunes.
Ant’ et Janeski échangèrent un regard.
-Si ils sont au courant, il pourraient être tentés de se mettre en route avant nous, ou de nous empêcher d’arriver, remarqua le second. -Oui. Il faudra être sur le qui-vive. D’puis une semaine, mes sources disaient qu’il se tramait quelque chose de ce côté-là…continua Scaliger.
Hel lâcha d’une main son arme, et posa celle-ci sur sa hanche, l’air sévère de soldate opérationnelle — finalement son oncle aurait eut ce qu‘il voulait —, en voilant légèrement ses yeux avec ses cils longs et noir, avant de demander, sans même regarder sa capture, qui été demeurée muette de terreur pendant tout ce temps:
-Dans tout ça, qu’est-ce qu’on fait du gamin?
Antonelli Scaliger lança un bref regard à la misérable créature, puis se gratta la tempe gauche, visiblement embêté:
-Pas l’temps d’le donner à un gars pour qu‘Falco l‘travaille, on doit partir immédiatement. On l’emmène, puis, en chemin si on a le temps, ou alors au retour sinon, on en apprendra certaines choses en utilisant les…bonnes techniques. Là-dessus, il est temps d’y aller. Montez dans les camions, on doit être sorti de Kamensk dans dix minutes.
Le temps qu’une des brutes de main s’empare du gamin et le jette dans le deuxième camion, le hetman et l’unique motarde qui restait avec lui pour l’instant étaient déjà dans celui de tête, installés contre une pile de gros sacs vides — à quoi pourraient-ils servir? —, à l’arrière, tandis qu’à l’avant, Scaliger et ses types se serraient sur la banquette défoncée. Lubbock était également derrière, mais plus loin, manifestement assoupi, son chapeau sur la tête. Bientôt, Janeshki fit de même, tandis que seule Hel restait éveillée, rêvassant à ce qu’ils allaient rencontrer, dans les cahots causés par le générateur antigravitationnel plus ou moins efficient. | |
| | | Syllas
Nombre de messages : 529 Localisation : Aux premières loges de la Révolution Militaire Date d'inscription : 13/12/2007
| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Sam 14 Fév - 15:46 | |
| L’avenir est en marche. Au final, malgré nos craintes et nos tentatives pour l’influencer, il est inexorable. Amiral Korigan Cetreçesçu, Paroles.-- -- --
An 3873, E.d.U (Eon de l’Union). Extrême sud des Badlands d’Acre La dernière porte blindée alors entrouverte donnait accès à une immense salle souterraine aménagée en base militaire , où déjà une douzaine d’impulsoplans, ailerons repliés, attendaient sur une rampe bétonnée, au milieu de l’activité grouillante; des hommes en armes circulaient, transportaient des caisses sur des plateaux anti-G, préparaient l’expédition, depuis les entrepôts adjacents. Sous l’immense voute, une série de plate-formes donnaient une vue plongeante sur ce spectacle dantesque. Lubbock et Jarren s’avancèrent sur la superstructure métallique en laissant la porte se refermer doucement derrière eux, replongeant lentement dans le bain de leurs souvenirs. Ils se seraient crus revenus un quart de siècle en arrière, alors fringuant et jeunes militaires dont l’avenir semblait ouvert à tout. Et le Cavalierre, qui n’était pas du tout le même homme que l’on voyait un pas derrière l’amiral Von Heigins lors des célébrations officielle, austère et vide, prononçant des discours d‘une voix sèche où la puissance d‘autrefois perçait néanmoins. Enfin, il ne serait pas là, aujourd‘hui. Ils avaient traversé sans se rendre compte la moitié de la salle par le passage aérien, et venaient d’arriver à la petite plate-forme à partir de laquelle un escalier hélicoïdal descendait vers le sol, quand ils virent une silhouette accoudée à la rambarde, paraissant rêver. Ils se rapprochèrent d’elle, sa voix s’éleva doucement:
-Bonjour les gars…ça f’sait longtemps, n’est-ce pas?
Elle se redressa, et se retourna. Ils découvrirent…
-Ishaa! Ils t’on sonnée toi aussi! S’exclama Jarren, en fixant l’uniforme gris-noir sur lequel quelques chevrons argent indiquaient le grade de commandant de vaisseau, puis le visage doux et allongé encadré de cheveux brun sombre fendu d’un petit sourire. -Et c’est qu’t’a t’nu parole, et pris du galon, ajouta Lubbock, les yeux à moitié fermés.
Ishaa Stavanger leur fit signe de la suivre dans l’escalier tournant, et confirma, toujours de sa voix paisible:
-Oui, j’ai tenu bon, même après l’histoire d’la dernière fois. J’étais sur le Kama, et ais reçu c’t’appel urgent du type là, Custer, comme quoi il fallait faire r’venir la cavalerie. -Pareil, ajouta Lubbock, quelle galère, moi qui m’étais juré de plutôt crever que d’y retourner…
La commandante eut un petit sourire, et jeta un coup d’œil par-dessus la rambarde, dans la dizaine de mètres de vide qui les séparaient encore du sol, avant de dire:
-Tu n’as pas changé, Stepan. Mais y a encore moyen d’faire. -Ishaa, tu n’saurais pas par hasard qui est aux commandes, vu qu’le Cavalierre n’est plus là? Demanda Jarren avec instant de silence uniquement troublé par les cris brefs qui retentissaient de temps en temps en bas, et le grincement de leurs pas sur le métal de l’escalier. -D’après ce que j’ai compris, ça sera Cirileis, ils ne vont pas faire venir des nouveaux de toute façon. Pour Faiel…ya une drôle d’histoire, assez sordide, qui court parmi les officiers dans la marine. On n’a même pas retrouvé son vaisseau, un cauchemar ça.
L’archiviste de la Sûreté acquiesça, même si les autres ne pouvaient le voir car il était derrière eux. Sur ces bonnes paroles, la descente se poursuivit sans qu’on devise, jusqu’au terre-plein. Là, Ishaa se sépara d’eux un instant avec un sourire doux. La plupart des anciens d’la Cavalerie étaient d’accord sur le point qu’elle irait loin, et c’était ce qui était en train de se passer. Certain disaient même qu’elle le méritait plus que le reste du ramassis de soldats vieillis et traumatisés qu’était devenu la LXIème de Cavalerie Ailée, mais c’étaient des calomnies. Les deux compères attendirent patiemment, examinant les impulsoplans de combat Condor V « Hekate », des modèles tout neufs issus des dernières technologies de maîtrise antigravitationnelle, d’aérodynamisme et de combat air-air et air-sol. De vrais petits bijoux, sur les flans desquels des renflements à peine suggérés indiquaient la présence de tout une panoplie d’armes de tout genres, et d’autres dispositifs qui devaient leur faciliter la tache. L’intérieur, spacieux et d’apparence confortable—ce serait une première dans l’histoire de la Cavalerie—, était tout équipé. D’ailleurs, quelque chose leur disait qu’ils ne trouveraient pas ces modèles ailleurs. Rapidement, ils virent des visages connus apparaitre parmi les personnes présentes, la plupart en uniforme d’intervention déjà—le leur devait être dans les vestiaires ici, attendant patiemment depuis la dernière fois—, qu’ils saluèrent. Ils le leur rendirent, mais il n’y avait néanmoins pas de chaleur. La plupart des gens ici n’avaient pas eut le choix de venir, et avaient probablement enterré cette partie du passé, ne souhaitant aucunement le voir ressurgir. Quand on a des femmes — ou maris — et des enfants, une vie, et qu‘on sait qu‘elle peut s‘arrêter à tout moment à partir du moment où le message de T2 arrive, on n‘est guère enthousiaste. Finalement, Ishaa revint, une arme en bandoulière, une fusil d’assaut long, au design effilé et métallisé presque aérodynamique, sur le côté duquel une sorte de cellule allongée brillait doucement d’une lueur jaune, barré par trois barrettes de métal. La crosse, également en duranium, était manifestement laquée de plaques neurocorticales sans qu’il n’y ait de gâchette apparente.
-Bienvenue dans l’ère de la modernité, déclara l’heureuse propriétaire de l’étrange fusil, finit nos bon vieux FAM1 qui désintégraient tout ce qui passe à portée de tir sans distinction, j’vous présente son p’tit frère, le FAM6.
Lubbock fit une tête abasourdie, en examinant l’apparition sous toutes les coutures, son nez bougeant doucement comme s’il essayait de le renifler, tandis que Jarren se contentait d‘une moue méfiante face à ce gadget. Finalement, alors qu’ils se mettaient en routes vers les quartiers, le mercenaire dit sur un ton toujours troublé:
-Je pensais que le seul projet dans les cartons était le…FAM5. Et juste pour quelques truc privilégiés, mais même pas encore en phase d’essai. -J’ai été aussi surpris que toi en voyant cette petite merveille, Stepan, le rassura Ishaa,[olor=teal] mais ça sera cette fois-ci un de nos meilleurs atouts si ça tourne comme y a onze ans. Les charges Tachyoniques que tire ce truc traversent tout, même des dizaines de mètres de blindage, pour exploser au corps de la cible. Et avec une sacré puissance. Devant un truc pareil, il n’y a pas de couvert, on peut juste se rendre ou crever. [/color]
Lubbock siffla.
-Avec ça j’comprends qu’les ténors n’veulent pas qu’on en entende trop parler. Si j’avais un truc pareil en… -Tss, tu n’as pas changé, vraiment, l’interrompit la commandante, de nouveau souriante, mais t’dois t’douter qu’on rendra sagement tout c’t’attirail à la fin d’la mission, et qu’on tachera de l’oublier. Enfin, ça dépend, si tu tiens à ta vie… -Si on s’en sort cette fois, corrigea Heinz Jarren, sans même regarder Ishaa, fixant le mur grisâtre qui lui rappelait déjà certains souvenirs désagréables — euphémisme, ce qui fit passer un frisson au dessus de la nuque de celle-ci.
Elle avait en effet entendu que Heinz s’était aigri au cours des années passées sans promotion ni actions aux archives de la Sûreté. Lui, qui avait été tout ceux de Track 2. Quelle ironie cruelle, elle aurait bien voulu l’aider d’une façon ou d’une autre, mais déjà elle avait de nombreux problèmes à régler. Enfin, à son retour—elle ne se permettait pas de douter de ne pas revenir—elle embarquerait sur le Kama avec tout l’équipage qu’elle connaissait déjà bien, et le capitaine Rudolf Herre qui s’était avéré un bon soutient et un ami indéfectible, et partirait suivant les ordres en éclaireur en galaxie 10. Faire partie des premiers à explorer une galaxie que le Plan avait décidé de libérer à la colonisation, ça a été un rêve d’enfance, et allait se réaliser. Elle refusait de se faire tuer en avance par une terreur ancestrale, et même, si elle mourrait au combat, c’est qu’elle n’avait pas eut le choix. Bien entendu, elle ferait tout son possible pour s’en tirer, et avoir le privilège d’explorer des contrées encore totalement inconnues, revenir au pays après une carrière bien remplie, et ensuite…Et bien, faire ce qu‘elle veut, tranquille. Tout un programme. Tout en pensant cela, et devisant distraitement avec ses vieux amis—ils étaient même dans Track 2 depuis avant qu‘elle n‘y entre, à l’époque de l’incident de 59, quand tout avait commencé, mais elle était montée en grade, alors qu’ils étaient partis de l‘armée—, ils arrivaient devant les locaux du LXIème de Cavalerie, au fond de la caverne naturelle aménagée, là où des parois rocheuses se dégageaient des murs de bétons et donnaient une idée de la taille de ce qui se cachait encore derrière du complexe. Sans hésiter, elle monta la rampe menant à l’entrée, et passa la porte blindée ouverte. L’intérieur était une long couloir de béton nu, éclairé par des lampes collées au mur gauche, et reliée par un fil électrolasmique. Ils durent s’écarter pour laisser passer des hommes chargés d’une lourde caisse hâtivement fermée. Cela intrigua Ishaa; elle apostropha avec quelques secondes de décalage l’un des déménageurs d’élite:
-Attendez!
Ils s’arrêtèrent, celui qui leur tournait le dos se retourna:
-Oui, commandante? -Qu’est-ce que vous transportez là? Je pensais que tout avait déjà été chargé.
Ils échangèrent un bref regard, et ce fut l’autre, plus petit et très brun, qui répondit:
-C’est le capitaine Cirileis qui nous a dis d’emballer ses effets personnels et de les mettre à la consigne.
Ishaa eut une expression mystifiée, et après quelques secondes, le premier déménageur demanda s’ils pouvaient continuer. Elle acquiesça, tout en se demandant qu’est-ce que c’était que ce cirque. Elle consulta ses deux amis du regard, et ils confirmèrent muettement ses doutes. Tout trois pressèrent le pas, passèrent deux portes blindés, et tournèrent à gauche dans le couloir central. Elle s’arrêta devant la première entrée qu’il rencontrèrent, et l’officier de garde frappa au battant, doucement. Une voix fit un « entrez » bref, et ils obtempérèrent. C’était un bureau, relativement exigu. Sur les murs, de grandes armoires occupaient beaucoup d’espace, ainsi qu’un générateur électrolasmique dans un coin. Le seul mur vierge se trouvait derrière un petit bureau pouilleux de duranium sur lequel reposait une autre caisse semblable à celle qu’ils avaient vu plus tôt, ainsi qu’une grande quantité de bibelots, d’appareils électroniques et porteurs de données, ainsi que des papiers. Sur l’unique chaise de bois était assis un homme maigre au dos vouté, l’uniforme flottant sur ses épaules, le visage creusé et ceint de quelques rides précoces. Il releva le nez de sa besogne en les voyant entrer, et il eut un regard bienveillant.
-Ah, Heinz, Lobbock, cela faisait longtemps. Ishaa! Je suis content de vous avoir vu au moins…
Cirileis avait toujours mal prononcé le nom de Lubbock, soulignant un o inexistant à cette place là. Mais le mercenaire respectait beaucoup celui qui avait été son mentor, et lui avait sauvé la vie jadis. Mais déjà, Ishaa lui demanda brutalement:
-Mais qu’est-ce que sont ces caisses là que vous mettez à la consigne? Vous ne… -Oh que si, commandante Stavanger.
Il se releva, contourna son bureau, sans laisser toutefois Ishaa de se reprendre pour autant, et alla jusqu’à la dernière armoire fermée. Il l’ouvrit, et en tira quelques paperasses restantes, revint sur ses pas, et les jeta sans plus de précaution dans la caisse, soulevant un petit nuage de poussière.
-Vous savez, Ishaa, continua-t-il en utilisant une dénomination plus informelle, depuis les dix ans que je suis ici, j’ai eut le temps de réfléchir. Réfléchir beaucoup. J’ai demandé cette nomination, et le Cavalierre m’avait prévenu, mais j’ai insisté. Ca s’est révélé être un « cadeau » empoisonné que je l‘ais formé à me faire.
Il entreprit de fourrer sans discernement tout ce qui restait dans la caisse, dans laquelle le niveau de ces trouvailles archéologiques se rapprochait dangereusement du bord, reprit son souffle, et continua:
-J’ai réfléchi, donc. Il fallait quelqu’un pour faire ce boulot, mais il m’a sucé dix ans de ma vie, telle une sangsue. Maintenant, je n’ais plus de sang. Ma famille n’existe probablement plus, je n‘en sais rien en fait. J’ai longuement médité sur ce jour, car je savais qu’il arriverait, où ça recommencerait, mais je me rends compte qu’aujourd’hui, je n’ais plus la force. Track 2 était ma famille, mais je n’ais pas su être digne d’elle en quelques sortes.
Les deux soldats déménageurs entrèrent sans se faire annoncer, s’approchèrent de la caisse, qu’ils soulevèrent sans trop de problèmes. Mais alors qu’ils étaient sur le point de partir, Cirileis les arrêta d’un geste, et se releva de nouveau, et alla doucement jusqu’à eux. Puis, il prit, toujours très lentement, sous les yeux des trois anciens, la bague de fiançailles dorée qui était à sa main, et la posa au sommet de la caisse. Sans que son expression ne change, il donna ses instructions au sergent:
-Vous emmènerez tout cela à l’incinérateur atomique, et l’y jetterez.
Le soldat le regarda un instant, et finalement, réussit à dire un « oui, capitaine » étranglé, avant de sortir avec son collègues.
-Mais à quoi tout cela rime-t-il, Francis? S’exclama Jarren, entre l’incrédulité et un étrange regret, tordant nerveusement ses mains.
Le capitaine marcha tranquillement jusqu’à son bureau, et s’installa sur la chaise, qu’il repoussa en arrière, tranquillement, le visage serein.
-Heinz, je t’ais toujours beaucoup estimé. Tout comme toi Stepan, et aussi toi, Ishaa, tu as d’l’avenir, on l‘a t‘jours dit.
Il ouvrit son tiroir avec un sourire étrange, et en tira son arme, un SIP à impulsion parfaitement entretenu, brillant d‘un noir éclat dans la lumière de la vieille ampoule ionique qui était la seule source d‘éclairage de la pièce, qu’il chargea d’un geste vif, avant que quiconque n‘ait eut le temps de dire un mot.
-Qu’est-ce…haleta Ishaa en avançant d’un pas, puis s‘arrêtant, paralysée.
Le sourire de Cirileis se fit bienveillant:
-Vous pourrez dire au Cavalierre que je suis mort à mon poste.
Et, avant que la commandante n’ais réussi à se jeter sur lui, il se tira une décharge à pleine puissance dans le crâne, qui en fut pulvérisé. | |
| | | Syllas
Nombre de messages : 529 Localisation : Aux premières loges de la Révolution Militaire Date d'inscription : 13/12/2007
| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Sam 14 Fév - 15:47 | |
| Notre époque ne peut impliquer que trois gouvernements différents. En effet, la technologie est développée au point d’affecter les systèmes de fonctionnement humain, et en devenir le principal facteur. L’intégrisme récessif est la première possibilité, comme cela a déjà été vu. Les humains s’enferment alors que une contemplation stérile du passé couplée à une vocation religieuse extrême qui aboutissent irrémédiablement à la récession sur tout les plans. Le deuxième est encore plus extrême; c’est le tribalisme. La structure de l’univers a tendance à fractionner les hommes, et lorsque ceux-ci se retrouvent en groupes inférieurs à mille individus, des véritables tribus se forment, et accélèrent la régression technologique avec le retour à la terre et l’annihilations de toute vocation scientifique. Ici aussi, l’importance de la religion devient de plus en plus grande. La dernière voie est celle d’un gouvernement à vocation universelle, bureaucratique, voire technocratique, qui peut être aussi bien une république démocratique qu’un dictature, qui met tout son poids et son énergie dans la balance pour maintenir le niveau de la société et de la technologie conformément à la Doctrine. Pour suivre la grande mission de notre temps, nous ne devons pas être tentés par les autres formes d’organisation. Communication interne de la cellule 11, rattachée au Départements non-organisés. Niveau de sécurité SG.-- -- --
An 3862, E.d.U (Eon de l’Union). Badlands d’Acre L’atmosphère dans le camion était étouffante; l’air lourd de poussière était chauffé à blanc sous la bâche, malgré les efforts héroïques de deux condensateurs largement surannés installés à l’arrière de la cabine. Après cinq heures de route, c’était vraiment irrespirable, une véritable fournaise. En plus, chaque cahot devenait un supplice, et les ronflements de Lubbock ajoutaient la cerise sur le gâteau de l‘horreur. Lentement, Hel se demandait d’ailleurs si le hetman n’était pas évanoui, tellement son sommeil dans le bloc semblait lourd. A force de suer dedans, il pourrait presque mourir de déshydratation — de noyade? Songea-telle avec ironie. Elle-même avait totalement retirée sa combinaison, puis se l’était nouée autour de la taille, supportant bien mieux la chaleur dans son vêtement beige plus ample et léger qu’elle portait en dessous, mais malgré cela, de grosses gouttes perlaient encore sur son front. Par désœuvrement, elle tournait dans l’habitacle, se tenant aux rebords de métal lorsque les cahots devenaient trop intenses, sans n’avoir rien à faire. Déjà, elle avait démonté son FAM1, deux fois, et refait son sac. Mais ça n’était que des broutilles, elle aurait mieux fait de prendre un livre. Quoique, si elle arrivait à trouver un libraire à Kamensk, cela aurait été digne de figurer au panthéon de l’humanité, au côté des travaux d’Hercules et du nombre de victimes du festival annuel de la musique country. Mais le problème restait le même: que faire? Un coup d’œil envieux du côté du mercenaire lui montra une nouvelle fois son image, étalé de côté, ronflant comme un pot, une vraie souche. Souche pourrie. Hel tacha de reprendre son équilibre après une terrible embardée—Lubbock grogna un coup, mais sans plus, alors que Janeshki, dans son équipement de protection, n‘avait rien senti—, et, s’appuyant contre les cercles métalliques qui de chaque côté retenaient la bâche, réussi à avancer jusqu’à la petite cloison qui les séparait de la cabine, et tira le rideau de plastique, faisant grincer ses tringles magnétiques. Trois hommes de main étaient entassés sur la banquette arrière, tandis que Ant’, à la place du passager, pestait contre le conducteur, qui était prostré en face du gros levier de commande. Manifestement, le dernier mouvement brusque avait eut des conséquences aussi douloureuse à l’avant qu’à l’arrière. Le souffle frai en provenance des vitres ouvertes fit un bien fou à Hel.
-Crétin, tu ne sais pas tenir un volant, bordel!? Se déchaîna le patron en levant un bras, le visage rouge de colère ruisselant de sueur et d’énervement. -Désolé monsieur, mais avec c’camion, j’peux pas faire de miracles. En plus, la route est mauvaise, répliqua la chauffeur avec un geste d‘impuissance, une seconde avant de cabrer le véhicule pour suivre le tracé sinueux de la route.
Il consulta un instant le tableau de bord, puis déclara avec un soupir de soulagement:
-De toute façon nous sommes presque arrivés…le lac devrait apparaitre d’un instant à l’autre.
Effectivement, à peine eut-il terminé sa phrase qu’une immense mer qui apparaissait dans le soleil comme faite de mercure liquide apparut derrière une dernière crête, au centre de laquelle une forme se détachait. Elle était entourée de hautes collines rocailleuses, et donnait une impression d’immobilité et de grande profondeur. Dans le soleil couchant, tout cela semblait en feu.
-C’est là où on va, Monsieur Scaliger? Se hasarda la jeune femme, en montrant du doigt l‘île, les yeux fixées dessus comme par un étrange magnétisme. -Exact, confirma Antonelli qui venait juste de la remarquer, l’Île-longue. Un coin où il n’y a pas grand monde…mais beaucoup de choses intéressantes.
Il se tourna de nouveau vers le chauffeur, qui avait eut le vague espoir d’être oublié:
-Combien de temps encore? -Oh…il faudra une bonne demi-heure quand même, marmonna le bonhomme, les yeux fixés sur la route, pour l’moment on est à dix kilomètres du v'llage côtier d’cent âmes, Tiszat, qu’on va d’voir éviter. Je ne pense pas que…
Il n’eut pas le temps de finir que le camion faisait une violente embardée, quittant largement la route, vibrant de toutes ses tôles. Scaliger poussa un hurlement, et se jeta sur le manette, qu’il tira vers lui aussi fort que possible. L’antigrav regagna le route avec une autre courbe où les passagers crurent un instants qu’il allait se renverser, qui se stabilisa, dans un terrible crissement de ses vérins. Alors qu’ils continuaient de filer à tombeau ouvert dans la descente vers le lac, le visage du patron se tordit de haine:
-Qu’est-ce qui vous prends, espèce d’abruti? Vous voulez tous nous tuer où quoi, bordel de bordel!?
Le chauffeur était soudain devenu blanc, et ses yeux exorbités, alors que son corps n’arrivait pas à déraidir. Ses mains totalement crispées sur les contrôles bougeaient à peine, quand il murmura:
-Vous ne l’avez dont pas vu, patron…? -Voir quoi, à part un petit merdeux qui ne sait pas conduire!? Glapit Scaliger, postillonnant une terrible averse par-dessus les hommes de main sur sa victime.
Mais ce fut une autre voix qui répondit, plus grave et fatiguée, juste derrière l’épaule de Hel, où la peau à peine couverte par le fin voile beige mouillé de sueur de son vêtement sous-combinaison se glaça:
-Moi aussi j’ai vu.
Le Co-chef de clan se retourna brusquement, et demanda plus sérieusement, troublé à présent:
-Mais voir quoi à la fin, dites-moi Lubbock, car je n'tirerais rien d’cet imbécile!
La jeune femme réussit à se tordre assez la tête—une nouvelle fois ses années de gymnastiques en apesanteur lui servaient—pour voir le visage du mercenaire faire un petit sourire, alors qu’il fixait son interlocuteur, sans toutefois qu’on ne perçut d’humour ni même de rire jaune dans ses yeux:
-Vous n’avez toujours pas compris monsieur Scaliger. Sachez que ce n’est que le début. Appelez moi pour qu’on n’en finisse, si on arrive vivants.
Puis, sans même répondre à l’ « expliquez-vous, bordel!? » du patron, il se retourna et alla de nouveau de s’allonger dans un coin, manifestement pour retourner dormir. Le mafieux frappa son accoudoir de rage, mais ne put rien faire d’autre. Hel retourna à l’arrière, priant pour que le chauffeur n’ait plus de vision, et qu’ils arrivent sains et saufs où il devaient aller. Elle se sentait somnolente tout à coup, même si elle aurait préféré rester éveillée. Lasse, elle s’installa non loin de Janeshki, et se laisser également aller au sommeil dans la chaleur lourde du camion.
Dernière édition par Syllas le Sam 14 Fév - 15:48, édité 1 fois | |
| | | Syllas
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| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Sam 14 Fév - 15:47 | |
| Lorsque Hel se réveilla—ou plutôt fut réveillée par un puissant choc qui avait fait rebondir son crâne contre une barre de fer derrière elle, laissant apparaitre quelques gouttes de sang dans ses cheveux bruns ondulés—elle eut immédiatement la certitude qu’elle avait eut un sommeil agité. Des cauchemars, ou du moins des rêves inquiétants. Mais elle aurait été incapable de se rappeler du moindre détail de ceux-ci. Seule la certitude subsistait. A l’avant, une rumeur de conversation résonnait, tandis que Lubbock et le Hetman étaient encore endormis. Elle se releva péniblement, chercha sa sacoche qui était au sol à quelques pas d’elle, et en tira un appareil médical de contrebande après une brève recherche. Au premier coup d'oeil, ce petit objet allongé avec uniquement deux boutons paraissait très simple, mais il lui fallut une bonne minute pour comprendre le fonctionnement du menu de mise en route, et une autre pour le système d’application. Puis, doucement, elle passa le régénérateur cellulaire sur sa tête, à l’endroit où une violente douleur lui perçait le crâne. L’appareil vibra et siffla, et après quelques instants d’exposition à un rayon mystérieux, la souffrance cessa. La plaie s’était manifestement refermée et cicatrisée. Les merveilles de la modernité, même si certains religieux tordus selon son avis voyaient ces machines d’un mauvais œil. Puis, se sentant mieux, elle fourra de nouveau tout dans la sacoche, et retourna prudemment à l’avant, et tira de nouveau de le rideau. Quelle ponctualité. A peine elle eut jeté un regard à l’extérieur qu’avec un dernier—et puissant—cahot, la ruine roulante s’arrêta sur un terre-plein rocailleux descendant en pente douce vers les eaux bleu sombre calmes du lac dans la lumière faible et orangeâtre du soleil sur le point de disparaitre au loin, à l‘est, dans le désert.. Scaliger poussa un gémissement de soulagement et d’impatience en sautant du camion de son côté, bientôt suivi par ses gorilles, tandis que le chauffeur, les yeux toujours grands ouvert et exorbités, s’était effondré contre son tableau de bord, comme sur le point de faire une crise d’apoplexie. Hel fit volte-face, et alla chercher sa sacoche. Plus loin, le mercenaire commençait à grogner en s’éveillant—ce type avait décidemment les réflexes et l’inconscient d’un soldat d’infanterie de marine qu’il était, malgré le temps—, mais ce fut une petite tape du bout des chausses d’hexanox solide de Hel qui réveilla Janeshki, depuis le début profondément assoupi. Les yeux encore ensommeillés comme on le voyait à travers la visière rétractée, il hocha la tête à l’intention de sa collègue, et se releva, d’abord péniblement, mais néanmoins assisté par les systèmes de son bloc. Il suait effectivement très fort, mais refusa en hautssant les épaules de le retirer lorsqu’elle l’interrogea du regard. En même temps que l’autre mercenaire, ils sautèrent sur le sol rocailleux du terre-plein, dans l‘air enfin rafraichi du soir. Ici, le silence n’était d’habitude troublé que par le vent qui sifflait entre les étranges formations rocheuses affleurant à la surface des collines seiches. Elles n’étaient plantées que par quelques plants vivaces ne nécessitant pas beaucoup d’eau; les territoires au-delà du fleuve Fynn étaient très arides, et les quelques affluents dudit fleuve provenant de cette rive n’étaient que de maigres ruisseaux; le lac était la seule vraie étendue d‘eau, mais la terre buvait mal, ce qui limitait la vie végétale. Malgré des grandes réserves de lignite et de nickel, peu de monde venait ici. Même les rares gens du combinat étaient à peine visible. La plupart des mines anciennes, datant de l’époque suivant tout juste la colonisation, et dont les galeries trouaient le sol comme un gruyère par endroits, étaient depuis longtemps tombées en ruine, et fréquentée uniquement par quelques jeunes gens inconscients. Plusieurs étaient d’ailleurs déjà morts, soient dans des éboulements comme il y en avait de loin en loin, quand un sustentateur magnétique ancestral lâchait, soit dans un coup de grisou, mauvaise surprise pour ceux tentant de fumer un joint à l’abri des regards indiscrets des autorités de la sécurité sanitaire, ou des tyes assurant en ville le monopole du cartel. On voyait à intervalles réguliers des structures bétonnées massives dont les angles singuliers sortaient des reliefs, au fond de vallées. Pour alimenter toutes ces industries qui avaient jadis fait la prospérité de grandes cités aujourd’hui réduites à l’état de ville-fantômes, on avait fait sauter de larges flans de montagnes, et établi le barrage-poids de Tisça, retenant tout un lac dans une dépression naturelle attribuée à un cratère d‘impact météoritique, long de près de cent-cinquante kilomètres, et large de vingt. La cité de Nickelsk se trouvait jusqute côté de l’immense ouvrage hydroélectrique, et possédait la plus grande exploitation de nickel de l’Union en son temps. Mais depuis près de cinq cent ans, seul un gardien y séjournait, surveillant des milliers de gigantesques immeubles de métagranit salis par les ans, au pied desquels d‘immenses haute-herbes disputaient du terrain au sable s‘amoncelant en gros monticules. Quand ça n‘étaient pas les congères pendant l’hiver particulièrement rigoureux des Badlands — quelle région maudite —. Il était chargé de « foutre l’squatteurs et l’curieux dehors », comme on disait dans la profession. Au centre du lac, loin de Nickelsk, se trouvait l’Île-Longue. Comme son nom l’indiquait, elle était très étirée, mais également relativement large, et avait un relief très étrange, avec des hauteurs sur la côte, puis se creusant à l’intérieur, pour terminer en dessous du niveau de l’eau du lac. L’accès en était interdit, et l’on avait aucune autre information sur l’île. Comme toujours, des curieux s’étaient tentés, mais étaient revenus bredouilles, sans avoir pu accoster, pour diverses raisons. Depuis l’abandon de la région, personne ne passait pas là. Enfin, personne n’était sensé. Mais Antonelli Scaliger ne faisait pas partie des personnes qui suivaient les bon conseils des vieux du coin, et dès qu’il avait entendu parler de cet endroit…il avait monté cela. Déjà que l’histoire du chauffeur en route n’avait pas plu à Hel, quand elle vit cette immense rocher posé au milieu du lac de retenue, dans la lueur mauve démoniaque du coucherde soleil, un mauvais sentiment la submergea. De l’appréhension, très forte. Pour se distraire de cela, l’arme en bandoulière, elle alla inspecter les environs, alors que les autres avaient l’air de faire quelque chose autour du deuxième camion — peut-être cuisinaient-ils le gamin, en tout les cas, cela ne l‘intéressait pas. Au bord de l’eau, il y avait quelques roseaux, et une végétation un peu plus importante. Dans les endroits où une fosse au milieu de la formation rocheuse au sol protégeait les végétaux du vent, de petits arbustes parvenaient même à pousser, mais du reste, c’était une flore composée principalement de plantes basses et robustes, poussant sur une berge à l’allure peu fertile, entre quelques bris d’herbe seiche. Au loin, on apercevait—et entendait—un petit troupeau de chèvres sauvages, trésor de l‘exotisme, couronnement d'un safari pour des citadins, mais rien de très intéressant pour Hel, qui avait grandi près d‘Eupatoria, dans une région à majorité rurale. Après avoir fait un tour de l’endroit plat, probablement un ancien terre-plein de débarcadère, où ils s’étaient arrêtés, entouré de cette petite végétation, elle était sur le point de retourner à leur caravane quand ses chausses de matière synthétique foulèrent quelque chose qui sonna étrangement, sous de l’herbe sèche. Intriguée, elle dégagea un peu avec le pied, distingua une surface. La jeune femme continua, et lorsqu’elle vit tout, fut sur le point d’appeler le hetman…puis se ravisa. Non, il ne valait mieux pas leur rappeler. Si on ne lui avait pas dit, il y avait une raison, et Scaliger serait mécontent en apprenant qu’elle est au courant. Par contre, pour la suite, il faudrait être prudente. Car, sous les bruyères et le sable se trouvait un panneau renversé, annonçant, en grosses lettres rouges et noires surmontées d’un symbole morbide: « ZONE MILITAIRE - ACCES INTERDIT - LES FORCES PRESENTES TIRERONT SANS SOMMATION SUR LES CONTREVENANTS ». | |
| | | Syllas
Nombre de messages : 529 Localisation : Aux premières loges de la Révolution Militaire Date d'inscription : 13/12/2007
| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Mer 18 Fév - 19:22 | |
| La plèbe est sotte, se laissa abuser et diriger. Une foule dangereuse. Seuls les individus importent. Et la gloire de la nation, pour le bien de tous, même si les gens refusent cette idée, et agissent même contre elle. Remarque de l’Amiral Von Heigins.-- -- --
An 3847, E.d.U (Eon de l’Union). Badlands d’Acre Kamensk Le Cavalierre fulminait, et ressassait sa rage tout en marchant en long et en large à côté du coupable. Un sustentateur défectueux sur un half-track bloquait toute leur colonne au beau milieu des docks de Kamensk, une vrai plaisanterie de mauvais goût, qui mettait l’officier dans une colère noire, alors que ses subordonnés tenant à leur grade restaient debout à distance respectueuse, faisant mine d’examiner la machine, même si le mécano était déjà à l’œuvre, et promettait d’avoir très bientôt réglé ça en quelques coups de riveteuse magnétique. Nikolaï Syllas était déjà venu plusieurs fois à Kamensk, aussi bien en visite officielle que plus informellement, et il devait avouer que cette cité putride le répugnait profondément. Elle représentait beaucoup de choses qu’il abhorrait, de la corruption au trafic en passant par la traite humaine et le proxénétisme. Un endroit cauchemardesque où vivre, et tant que personne ne réglait les choses à la dure ici, rien ne changerait. Le Cartel la contrôlait par le biais des trois clans ancestraux, dont le plus fort du moment, celui des Hunsa, était renommé pour sa barbarie exceptionnelle. Déjà des gars dudit Cartel avait exigé la « taxe douanière » d’entrée—s‘ils avaient eu une once d‘intelligence, il aurait mis les voiles illico en voyant arriver un pareil convoi, enfin…—, et le commandant ne s’était pas retenu d’expédier personnellement une décharge énergétique entre les deux yeux de la crapule, avant de convaincre ses deux sbires de ramasser son corps, de le jeter par-dessus le pont, puis de le suivre dans l’eau verdâtre. Personne dans le groupe ne s’était opposé, ils avaient même pris visiblement plaisir. Il faut dire qu’il y avait parmi eux des gars du coin fallait dire, qui avaient subis les humiliations de ces types toute leur jeunesse, et qui voyaient cela non sans joie. D’ailleurs, il était sûr que quelqu’un l’avait vu, il y avait tout le temps quelqu‘un à regarder ici, mais de toute façon cela ne changerait rien, la carte banche du plus haut lieu dont ils disposaient, et le fait qu’on n’ait aucun moyen de les reconnaitre permettait d’agir sans problèmes. Néanmoins, il aurait préféré déjà avoir quitté la cité, qui ne lui inspirait pas confiance. Il y avait quelque chose dans l‘air, de malsain, comme un malheur imminent, un silence et un calme particulièrement suspects, alors que d‘ordinaire les nuits ici étaient toujours agitées, mais là, rien. C’est à peine s’il avait en plus vu des gamins roder aux alentours du coin de rue où ils étaient à l’arrêt, et cela ne présageait rien de bon, car c‘étaient sûrement des mouchards à la solde du Cartel. Il n’avait jamais véritablement aimé les enfants, même s’il était content d’avoir eut récemment une nièce qui perpétuerait la Lignée. Mais il ne lui ferait pas de cadeau, quand elle entrerait à l’académie de Marine, puis dans la flotte. Car lui-même comptait bien ne pas rester pourrir à un petit rang subalterne à écumer les coins les moins recommandables de l’Union pour réparer les conneries monumentales du département scientifique—sauf la Chancellerie, qui en faisait encore partie pour l’instant, mais qui serait tôt ou tard nettoyée par le fond, et il espérait bien être de la partie. Derrière lui, il y eut une petite clameur.
-Commandant, on est de retour aux affaires, fit la voix satisfaite du mécanicien, qui rangeait déjà son équipement alors que le puissant half-track accidenté se rétablissait à l’horizontale. -Parfait, on a déjà perdu assez temps, fit Syllas, enfin soulagé en prenant déjà la direction de la cabine, tout en ajoutant, à voix plus haute: Tout le monde remonte, il va falloir rattraper le retard. On met les bouchées doubles!
Il grimpa sur le marchepied du véhicule de tête, ouvrit la portière, disparut dans la cabine, à côté du chauffeur, et quand tout le monde eut fait de même, le convoi s’ébranla dans la nuit de Kamensk, au cœur de laquelle il disparut bientôt, laissant ce coin de rue uniquement éclairé par un lampadaire tordu. Mais bientôt il fut traversé en courant par une frêle silhouette, qui trébucha au milieu de la rue sur une flaque de méthanol laissée par le half-track endommagé, et s’étala au sol, barbouilla tout ses vêtements pourtant déjà très sales. Il resta un instant abattu, mais le grondement se rapprochant d’une cavalcade fit se relever la silhouette comme seul un gosse d’une dizaine d’années à peine pouvait le faire, puis repartir en dehors de la lumière du réverbère fêlé, de l’autre côté de la rue, sur le trottoir, qu’il prit, toujours en courant. Derrière lui, les pas se faisaient plus rapides…et menaçants. Mais alors qu’il avait atteint le coin de la rue, et pensait pouvoir leurs échapper, son pied glissa cette fois dans une fente dans le béton, et s’étala en plein dessus, causant une vive douleur à son menton, et à son bras. L’instant d’après, une semelle venait de passer le coin et s’arrêtait juste sous son nez saignant. Les pas derrière qui le poursuivaient déjà plus tôt, à quelques centimètres de lui, s’était immobilisés, puis furent suivis du violent contact d’un pied contre son tibias, qui fut déchiré par une flamme d’une puissance qu’il n’avait jamais encore connue durant sa jeune existence.
-Dégage de là, Janeshcon, j‘ai envie de finir ça tranquillement, fit le poursuivant, un garçon ayant à peine cinq ans de plus que sa proie, habillé de vêtements rouges et noir contrastant habilement avec son visage émacié et cruel. Autour de lui, toute une troupe d’une demi-douzaine d’autres petits caïds se serraient.
De l’autre côté du corps, un autre adolescent, pas beaucoup plus vieux, battait également le pavé. Il était habillé d’un justaucorps gris strié de noir, et qui portait au bras le brassard caractéristique du Cartel…Et du clan Scaliger. Ses cheveux noirs se confondaient avec la nuit, et contrastaient avec un visage étonnement fin, mais néanmoins ferme et impitoyable. Un petit sourire barrait son visage moqueur, et il se tourna à moitié vers ses suivants, un peu plus nombreux, peut-être une dizaine, refermant le cercle:
-Vous avez entendu? On passe le coin d’une rue, chez nous, et sur quoi on tombe? Un p’tit gars qui sait même pas prendre les autres chez lui, car ils veulent tous se barrer, et ils n’arrive pas à les attraper.
Il y eurent quelques rires ironiques et moqueurs, mais l’atmosphère était trop tendue pour s’y adonner pleinement. Le jeune chef revint à son adversaire:
-Allez, barre-toi toi même, j’sais qu’t’attend qu’ça.
L’autre serra les poings, et répliqua:
-Et t’crois qu’tu peux m’dire c’que j’dois faire, pauvre merdeux? Si t’étais pas qu’une demi-portion, tu t’promènerais pas avec autant de types autour d’toi.
Il lança un regard féroce au reste de ses adversaires, qui l’observaient avec des expressions allant de la haine au dégoût en passant par l’amusement, celle qu’il haïssait le plus. Puis il ajouta:
-Va t’faire foutre, et laisse moi cuisiner l’gamin, faute d’pouvoir avoir ta face n’extra.
Une fille de l’autre camp posa avec nonchalance sa main sur ses hanches couvertes par un veston léger en plasto, et siffla avec un accent plein d‘ironie cruelle:
-Sinon t’appelleras papa, pauv‘ p‘tit chou?
Hinc Hunsa eut un geste aussi violent qu’obscène dans sa direction:
-La ferme, Stavanger, si y avais qu’moi, tes remarques à la con t’les sentirais passer comme ça.
Mais déjà il jaugeait une dernière fois la situation, immobile, sans lâcher un pouce de terrain. Voyant cela, Janeshki porta sa main à l’une de ses poches, et en tira lentement un manchon de métal. Alors que son adversaire s’apprêtait à faire une remarque sur la façon dont il lui ferait mal avec ça, une longue lame effilée en jaillit, brillant dans la lueur lointaine du lampadaire de l’éclat vif et puissant du dutane, l’alliage duranium-titane qui rendait ces armes particulièrement meurtrières. Cela provoqua quelques remous dans le camp adverse, manifestement pas aussi armé, et après avoir fixé pendant de longue secondes le chef de cette bande de Scaliger dans les yeux, il finit par siffler:
-Venez, j’ai mieux à faire qu’perdre mon temps avec ces merdes.
Lentement, dardant leurs adversaires de regards haineux, les Hunsa reculèrent, et finirent par s’évanouir dans les ténèbres. Janeshki, sans rétracter sa lame, posa un genoux à terre, et retourna violement le gamin sur le dos. Haletant, sa face blême aux endroit où elle n’était pas rougie—voire bleuie—de contusions et sang, il les regardaient avec un air de terreur totale.
-Bon, qu’est-ce qu’on en fait maintenant qu’on l’a? V’pensez qu’il pourrait nous servir?
Un gars à côté de lui déclara, l’air d’avoir déjà fait son avis, en tortillant un des lacets tombant de son col étroit:
-Si ç’avait été une meuf, l’aurait bien envoyé chez les Galtieri contre quelques crédits, mais là…crève-le, qu’on en finisse, si ça continue les types louches avec les gros flingues d’t’à-l’heure vont revenir… -…et après c’qui z’ont fait sur l’pont, j’sens qu’on risque d’être leur dessert, compléta un autre type, à la crinière rousse flamboyante, Fed Kirts, ayant jugé bon d‘ajouter sa formulation remarquable. -]Mouais…Qu’est-ce que t’en pense Nico, d’habitude t’a d’bonnes idées en la matière? demanda néanmoins Janevski à une garçon habillé d’un long manteau en cuir, un peu à l’écart, ayant suivi toute la scène comme depuis des milliers de kilomètres -Il n’est pas nécessaire de tuer cette petite chose, réfuta Nico en faisant un pas en avant pour mieux voir le sujet de leur débat, les yeux brillants d‘un éclat étrange, on peut toujours le retaper à peu près… et ensuite en faire ce qu’on veut.
Ils lui jetèrent des regards intrigués. Il faisait partie de leur groupe depuis le tout début, mais n’avait jamais été totalement semblable à eux, et parfois avait des idées étranges.
-Et qu’est-ce qu’on voudrait en faire? Demanda Ishaa, avec une grimace en observant le sang coulant sur la chaussée, près de ses bottines. -Bah, il existe de nombreuses choses. Il pourra bosser…et vous donner le fric. Quand vous n’aurez plus besoin de lui, n’aurez qu’à j’ter. Mais tant qu’ils sont p’tits, y a moyen d’en faire quelque chose…d’utile. De les formater…comme ça.
Il claqua des doigts, puis conclut:
-…Comme un ordinateur, si on s’y prend correctement.
Janeshki et plusieurs autres hochèrent la tête avec approbation, n‘ayant pas réfléchit aussi loin auparavant. Le garçon fut rudement soulevé, et remis sur ses pieds. Il commença à se cabrer, incapable de tenir sur sa jambe, mais une autre main vint le saisir à l’épaule, tellement fermement qu’il sentit une nouvelle douleur s’adjoindre à la souffrance. Mais déjà, il remarquait autre chose. Une odeur très forte de tabac submergeant la puanteur des immondices traînant sur le côté des immeubles à quelques mètres de là.
-Avance, et qu’ça’saute, p’tit veinard, glapit Ishaa Stavanger derrière lui.
Valentino Zokki lança un dernier regard en direction du lampadaire, et fut surpris de découvrir une silhouette en dessous. Une silhouette grise. L’instant d’après, les souffrances et épreuves des semaines passées le submergèrent, et il perdit connaissance. | |
| | | Syllas
Nombre de messages : 529 Localisation : Aux premières loges de la Révolution Militaire Date d'inscription : 13/12/2007
| Sujet: Re: Réminiscences (Union IV) Mer 18 Fév - 19:23 | |
| La guerre résulte d’une instabilité dans la balance du pouvoir, soit, comme nous l’avons vu, les forces brutes et matérielles, en plus de la noosphère, dans une section précise de l‘univers, celui-ci était globalement stable et neutre. Celle-ci, du fait des cinq mécanismes humains élémentaires, a tendance à toujours se rééquilibrer. Aucune paix n’est possible tant que ce rééquilibrage n’est pas effectué. On peut se l’imaginer comme un pendule; celui-ci bouge, il s’éloigne de la verticale exacte où il est au repos, mais il tendra toujours à y revenir, même si des énergies extérieures l’affectent pour qu’il continue de bouger. Le fait est que ce point est très difficile à atteindre à cause desdits éléments extérieurs qui peuvent surgir—et surgissent assurément—à tout moment. Ce principe peut s’appliquer également dans une certaine mesure à la Stratégie militaire; le chef doit être capable d’anticiper ces éléments nouveaux, et, à défaut de pouvoir en tirer éventuellement profit, les empêcher de lui nuire. Amiral Nikolaï Syllas d’Acre, extrait de l’introduction de « La guerre moderne » .-- -- --
An 3873, E.d.U (Eon de l’Union). Badlands d’Acre Rive gauche de la Fynn, à l’ouest de Kamensk La com., dont la lumière verdâtre de l’écran était l’une des seules à l’intérieur de l’habitable, grésilla longuement alors qu’ils entraient dans la zone touchée, ce bruit désagréable et inquiétant se prolongeant longuement du fait du grand silence des propulseurs à impulsion. Dehors, dans la nuit opaque, on arrivait uniquement à entrevoir de temps en temps le sommet d’une des collines entre lesquelles ils volaient à basse altitude à une vitesse formidable. Ils n’étaient pas encore partis de la base depuis cinq minutes, mais déjà les hommes lourdement armés en uniformes noirs à l’intérieur de la cabine s’agitaient, sentant le passé se rapprocher. Ishaa, qui était maintenant aux commandes du groupe, serrait l’accoudoir de son siège, juste derrière celui du pilote, dont le visage, caché derrière son casque de timonerie, était totalement inexpressif, uniquement concentré, et avait déjà jeté un coup d’œil à Lubbock et Jarren, installés un rang derrière, à sa droite, contre le fuselage, faisant bouger les marques argentées de grade sur son épaule. On aurait presque entendu le souffle des autres dans la cabine…Quand soudain, la fréquence subspatial de la com. se stabilisa et les voix des équipages des autres impulsoplans s’élevèrent:
-Ici Hussard 1, confirmons trajectoire. Paré. -Ici Hussard 2, confirmons trajectoire. Paré.
Lâchant l’accoudoir, Ishaa, coiffée d’un casque de contrôle également, s’empara du petit micro:
-Ici Dragon, nous avons émergé une seconde la couverture thermique, assez pour recevoir une injonction du contrôle planétaire. Est-ce que l’un de vous est monté trop haut? -Négatif, répondirent les voix en concert.
Mais une nouvelle voix, celle du pilote, utilisait cette fréquence:
-Ici Dragon. Changement en 4-7-21-54. Confirmez. -Confirmé.
Les passagers ressentirent un petit changement de cap, et bientôt, le petit convoi aérien s’engagea dans un défilé, une gorge profonde dans le tissu montagneux des Badlands. A partir de là, leur vol se fit plus mouvementé, slalomant entre les aiguilles acérées qui dardaient le fond, avant de s’élever en chandelle en dehors, pour arriver exactement à la verticale d’une route où l’on voyait quelques lumières des véhicules qui y voyageaient.
-Ici Dragon, fit leur pilote, nous avons le rail, on peut mettre le paquet. On le garde jusqu’au point B. ensuite on vire et prend la direction de C. En douceur là. -Hussard 2 confirme. -Hussard 1 confirmé.
Le pilote s’empara d’un grand levier noir au bout rouge, et d’un vif mouvement, le poussa aussi loin que possible de lui. En un instant, tout les passagers furent plaqués contres leurs sièges par la formidable puissance des réacteurs à impulsion, alors que les lumières de la route en bas défilaient à une vitesse terrifiante; on ne voyait presque plus qu’une ligne jaune floue sans points distincts. Cela ne dura pas une minute, mais déjà, à l’avant, le timonier tendait la main, et ramenait le levier. Ce fut là par contre bien plus progressif. Mais avant même qu’ils n’aient finis de ralentir, la com. transmettait déjà:
-Ici Hussard 1. J’ai un spot suspect en 5-7-21-13. Demande confirmation.
Ishaa pianota sur la petite console qui sortait de l’accoudoir gauche de son siège, et une image tridimensionnelle se matérialisa, une représentation des Badlands. Plusieurs agrandissements se firent automatiquement, et on aboutissait à une carte bien plus proche, où des minuscules images de leurs trois impulsoplans étaient visibles, sur le coin gauche.
-Demande confirmation, réitéra leur interlocuteur de sa voix froide et professionnelle. -[colo=teal]Ici Cavalierre, [/color]confirma Ishaa en utilisant son nom de code personnel, conformément à la tradition désormais implantée des commandants de Track 2, affirmatif, je l’ais aussi. Une idée ce que c’est? -Négatif, mais les capteurs révèlent un important flux Tetryonique. -C’est louche, commenta Hussard 2, avant d’ajouter, d’une voix un peu plus empressée, où un peu d’émotion perçait: et j’ai l’impression que ça a commencé à se diriger vers nous. Demande confirmation.
Une nouvelle fois la commandante vérifia sur son écran, où ses hommes distinguèrent un point rouge bouger doucement vers leur trois figurés.
-Affirmatif. Il est rapide, vitesse, six cent soixante-deux nœuds, vecteur 7-9-8, il est en 5-7-17-01. L’ordinateur dit qu’il sera sur nous dans trois minutes, expliqua leur pilote, Tanit.
Dans la lumière diffuse de l’écran de la com., ils virent Ishaa faire une moue sceptique, et quelques rides de réflexion apparaitre sur son front. Finalement, et dit:
-Si c’est c’qu’j’pense, c’est que ça sort du périmètre de la dernière fois, et vite. On contourne, et ne prend pas de risques, ce machin sur l’radar est potentiellement très dangereux. Vecteur…2-5-1-7. -Affirmatif. -Confirmé.
De nouveau, leur pilote poussa au maximum le levier des réacteurs, et ils furent collés à leurs sièges, alors que l’impulsoplans prenait une trajectoire courbe, quittant la route qui traversait les Badlands. Ils restèrent à pleine vitesse pendant plusieurs minutes, mettant déjà à l’épreuve le physique des passagers, puis ils commencèrent à ralentir. Le poste fréquentiel subspatial de la com. grésilla de nouveau, et la voix de Hussard 2 s’éleva:
-Ici Hussard 2, j’ai toujours le spot suspect…il a changé de de trajectoire. Demande confirmation.
Ishaa était déjà en train de réexaminer l’écran tridimensionnel, mais elle hochait sa tête avec véhémence. Alors qu’elle réexaminait encore, leur, pilote déclara:
-[olor=aquamarine]Idem, je l’ais en visuel. Faut faire vite, je n’sais pas c’que c’est, mais ça vient droit sur nous.[/color]
Leur commandante s’arrêta net, et débita rapidement:
-Objet d’une nature inconnue, envergure: au moins vingt mètres, vitesse huit cent nœuds vecteur 7-5-6. Il s’approche sur la grille 7. Il accélère, le salaud.
A cet instant, Jarren perçut un mouvement sur sa droite, et un coude vint se planter dans ses côtes, alors que Lubbock lui soufflait:
-Purée, regarde ça Heinz!
A travers la vitre allongée vers l’arrière selon un design aérodynamique servant le cas échéant à être ouverte, pour tirer depuis l’intérieur à basse altitude, on voyait au loin, dans les ténèbres de la nuit des Badlands, arriver quelques chose sur yeux. On ne distinguait pas vraiment si c’était entouré de cette étrange lueur verdâtre, ou si celle-ci imprégnait tout l’objet volant, mais elle rendait impossible à distinguer celui-ci, a l‘exception de quelques ombres noires menaçantes. Il était grand, et se rapprochait à vue d’œil de leur appareil. D’autres avaient suivis le regard de Jarren, et vu l’étrange bolide, mais déjà Ishaa criait dans sa com.: -Vecteur 9-2-4, 9-2-5 et 9-2-6, pleine puissance, on se disperse et se retrouve en grille 5. N’approchez sous aucune prétexte ce machin. -Confirmé. -Okay.
Comme si tout ce qui avait précédé n’avait été au fond qu’un petit jeu et que les choses sérieuses ne faisaient que commencer, la première acrobatie aérienne fut une quadruple tonneau alors même que leur impulsoplan piquait à quelques quatre cent nœuds vers le sol, et après une fraction de secondes, se rétablissait et remontait en chandelle. Heureusement que tout le monde avait été attaché, mais un FAM6, mal tenu en main par son possesseur, était partie en ballade dans la cabine, et avait heurté l’épaule d’un autre soldat avant d’être finalement rattrapé. Mais déjà les réjouissances continuaient, alors que Ishaa et le pilote s’assommaient à coup de vecteurs; l’appareil s’éleva, puis redescendit brutalement dans un canyon, dans lequel il entra de biais, et slaloma entre les aiguilles rocheuses acérées, avant de passer sous une arche de granit, et de remonter doucement, sous les yeux ébahis des gens se trouvant sur le parking d’une petite étape routière de cet endroit. Il suivit un autre vecteur, reprenant une vitesse phénoménale, tout en commençant une grande boucle dans laquelle ils s’inclinèrent jusqu’à effectuer un demi-tonneau, et enfin se rétablirent à une vitesse bien plus basse et constante.
-On est en 2-7-1, grille 5, vitesse: cent-soixante-dix nœuds, vecteur 9-2-4, déclara Ishaa dans le circuit Com., plus de trace du spot suspect; en n’en n’a qu’un seul autre. Dragon a appareil en 9-2-5, me recevez-vous?
La Com. grinça de nouveau pendant un temps bien plus long, signe que les troubles de l‘espace-temps augmentaient dans ce secteur, mais finalement une voix tordue par les interférences leur répondit:
-Ici Hussard 2. L’Apparition n’est plus sur nos écrans, Dragon. Avez-vous des nouvelles de Hussard 1?
Leur pilote se retourna, et adressa un hochement de tête résigné à Ishaa, qui se pinça la lèvre inférieur, avant de dire:
-Négatif. J’pense qu‘il s‘est fait avoir.
Après avoir ménagé un instant de silence, elle finit par relancer:
-Bon, on poursuit la mission. ¾ du max jusqu’à la grille 4, ensuite on tache d’atterrir sans encombres sur le site. Ouvrez l’œil pour d’autres Apparitions, je n’ais pas envie d’vous perdre aussi…
Mais avant qu’elle n’ais terminé de donner ses instructions, il y eut un cri étouffé en provenance de Hussard 2. Ishaa les interpela, leur demande immédiatement de s’expliquer.
-Nous avons quelque chose d’indéfini en visuel, c’est sur bâbord, mais les senseurs n’indiquent rien!
Le commandante lança instinctivement un regard à son tableau de bord, mais, comme dit, ne remarqua rien. Puis, elle tordit son coup en avant, pour voir derrière le casque du pilote, sur la vitre bâbord du cockpit. Son mouvement s’interrompit, et elle cria:
-On descend, en vitesse! | |
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