[Suivi] Erlidann

J'étais presque certain que tu choisirais le vers libre, pour une fois.

Alors, commençons par ce point que tu soulèves... La poésie est fait par et pour le rythme, la musique, etc. Un des facteurs principaux de celle ci se trouve dans la métrique, qu'elle soit classique ou non. Il faut donc bien réfléchir à l'effet de ses vers sur le lecteur. Que signifie un vers long ? Qu'est ce qu'il implique comme sensation ? Et un vers court ? On choisira fréquemment un vers long pour la langueur, les actions lentes ou la description ; on préfèrera les courts pour des actions vives, la chute, un effet marquant. Ceci n'est pas une règle stricte, mais c'est comme ça que je vois la chose en général. Il faut donc bien faire attention, objectivement ou instinctivement, à ce que tu écris lorsque tu t'orientes vers du vers non classique.

On a donc ici "mes pensées s'accélèrent"... puis des vers particulièrement long. Y as-tu réfléchi ? Un début de poème plutôt lent, langoureux, plein de participes présents et de vers plutôt long. Puis une annonce de vitesse, de souffle court, de pensée désordonnée...Et on retrouve les mêmes structures de phrase. Il faut savoir pourquoi on change de rythme, mais il faut aussi savoir pourquoi on le garde.

Un premier point à travailler, je pense. La forme même de tes poèmes. Ceci allié au travail du rythme.


Ensuite... De la même manière que la longueur de tes vers, tes rimes ne sont pas du tout recherchées. On peut ne pas adopter un schéma de rime classique sans pour autant qu'elles soient totalement désordonné et que leur effet ne soit pas étudié. Une majorité de rimes en "é", le plus souvent faibles, à la limite suffisantes. Ces rimes en "é" constituent des facilités. C'est une rime passe partout, que beaucoup de mots comportent. Mais c'est moche. Certes, ça sert l'intonation française qui se place le plus souvent sur la fin du mot. Cependant, ça ne dessert pas du tout ton rythme quand celui ci se veut plus lent. Les rimes en "é" "i" "oi" amènent une dynamique à la fin du vers, qui contredit totalement un esprit de lenteur généralisé.


Par ailleurs, comment formes-tu tes vers ? Pourquoi reviens-tu à la ligne ? Pourquoi n'y reviens-tu pas ? Questo te le disait dans un de ses commentaires au poème que tu as il y a déjà longtemps posté dans les bibliothèques : il faut penser ses vers comme des phrases. Dans un texte, dirais-tu : Ce cynique serpent s'insinue. Insidieusement en mon sein, m'amenant à une frénésie sans fin. Pourquoi sépares-tu l'adverbe de sa préposition originelle ? Ca casse le rythme, et ça va donc à l'encontre du sentiment de déplacement indolent du serpent. De plus, tu enchaînes tout ton poème sur... trois verbes d'action à l'indicatif (présent ici / je ne compte pas peut-elle comme réellement actif, étant donné que la construction de tes vers fait qu'il ne se rapporte enfait à rien.). Soit 1 verbe pour quatre vers. Ca fait peu non ? Enfin, je n'aurais rien contre le manque de verbe, si ça ne rendait pas bancal et le rythme et le sens. On atteint donc ici un catalogue, qui ne fait rien, qui ne dit rien, si ce n'est passivement par les participes présent. "Hyperactivité qui me tue", 3€, "Créativité de foire", 5€, qui veut mon "griffonage débile", ma "recherche de vacuité" ? Si je tourne cette partie de ton texte en ridicule ce n'est pas pour me moquer de toi, loin de là. Je voudrais te faire comprendre que ça amène une certaine absurdité. Ces choses posées qui ne sont rien, qui ne font rien. Elles sont là, c'est tout, posées entre deux vers, elles contemplent un univers auquel elles n'appartiennent pas. Ce qui donne un certain détachement, un certain absurde, qui par ailleurs casse le rythme. On a certaines phrases plutôt fluides, comme "Sifflant sans cesse ces choses insensées/Ce cynique serpent s'insinue", mais ces énumérations viennent totalement casser cette logique, sans pour autant apporter la vitesse attendue après "Mes pensées s'accélèrent".

Pour finir sur un point positif, je salue par contre un caractère de ce texte que j'aime assez bien, et que j'utilise moi même ; à savoir l'utilisation du participe présent (parfois un peu trop présent ici toutefois) dans une phrase lente puis son contrebalancement, sa chute, sur un vers court construit autour d'un verbe au d'action. "Sifflant sans cesse ces choses insensées/Ce cynique serpent s'insinue." On trouve aussi dans ces deux (voire le suivent) vers une jolie allitération, rappelant le serpent, et accompagnant ces vers de langueur. (C'est aussi un truc à travailler ça, la composition du poème autour des sons prédominants et leur influence)


Je te propose donc de travailler sur la structure de ton poème. Je te demande ainsi de retravailler ce texte sur certaines remarques soulevées ici, à corriger, en l'écrivant en prose et non en vers. Ce qui inclue un certain oublie des rimes imposées. Après l'avoir écrit en une prose qui te convienne, tu me proposeras un découpage en vers qui réponde aux exigences suivantes : Respect du sens (on ne coupera donc que dans de très rares cas une proposition), du rythme (on ne coupe pas son vers juste avant un temps fort, on ne fait pas des vers longs quand on veut dire qu'on halète, ou alors construits grâce à une ponctuation appropriée).

Je pense que je vais m'arrêter là pour cet essaie, qui m'a permis de cerner un de tes défauts principaux, à savoir la construction même de ton poème, qui entraine un problème de rythme.
Si tu as la moindre question par rapport à une de mes remarques ou du travail à faire, la moindre objection, contacte moi