[Lunaires] La ville souterraine

L'elfe restait songeur, emboitant le pas à son confrère. Que diable faisait la louve aussi proche de la ville, les rares fois ou il avait ressentit des présences autres que celles des lunaires, ce n'était que des nains venus marchander ou alors dans les souterrains beaucoup plus lointain.

Un simple coup d’œil lui permit de voir un Erlidann songeur suivant inconsciemment la troupe. A quoi pensait donc ce mange magie, il n'avait pas besoin d'une autre catastrophe dans l’immédiat. Et les autres se contentaient de marcher suivant Teysa, qui respirait une joie de vivre affolante.

Sur un simple sourire, l'elfe continua d'avancer, pourtant il lui semblait qu’ils ne se rapprochaient pas des deux autres. La distance semblait se stabiliser, se concentrant il sentit leur présence près de la caverne. La louve les pistait donc pour leur amener Jarwill ? Ou tentait-il simplement de les retrouver.

L'elfe passa devant son confrère et pris un embranchement qui les ramènerait vers la caverne aux cristaux. Un jeu de piste ne l’intéressait guère.

Décidement, ils ne tiennent pas en place. Je crois que Lùthien, hésita-t-il et jeta un coup d'œil à Grendelor pour en être sur, essaye de nous ramener Jarwill. Un petit raccourci, voir un nouveau passage aux milieux des cristaux semblent de mise.

L'elfe siffla légèrement et dans un léger éclair d'or son phénix apparut à ses côtés. Il lui murmura quelques paroles et l'oiseau fila dans les souterrains vers les deux âmes. Ainsi ils devraient se rejoindre au plus vite.

Spoiler:

Un oiseau de feu parti en reconnaissance dans un tunnel aux parois de cristal, faisant fuir les ténèbres relatives de ce lieu. Décidément, la magie était empreinte partout où le groupe posait le pied. Quelles surprises réservait encore le bastion lunaire ? Quoi qu'il en soit, ils avaient déjà trop erré dans ces boyaux souterrains, Cocoon s'impatientait de découvrir les deux nouveaux arrivants, et se décida à faire marche forcée. Histoire de jouer un petit tour aux nouveaux arrivants, il décida de s'amuser un peu.

Fermant les yeux tout en marchant droit devant, il posa ses doigts sur la surface rutilante de son pendentif, et visionna l'air qui les entourait. Il était calme, stable, sans grandes perturbations mis à part celles que provoquaient leurs déplacements et les quelques courants d'airs apportant du vent frais.

Du vent... Cela ferait un bon exercice, ce n'est pas parce qu'il n'était plus dans son pays qu'il ne devait plus pratiquer son air. S'étirer les arcanes régulièrement était l'une des leçons de base qu'on apprenait très tôt parmi son peuple. Cela pouvait vous sauver la vie d'être plus réactif, ou de savoir lancer un sort une seule seconde plus vite...

A cette pensée, le groupe put entendre un lointain écho venant d'en face. Comme un cri éthéré venant du fond de ce réseau souterrains, ou serait-ce de la surface ? Peu à peu, le son prit en ampleur, jusqu'à clairement s'annoncer comme fonçant dans leur direction. Qu'importe ce qui se trouvait en face, et qui ils étaient, la rencontre était sur le point d'avoir lieu.

Quelques murmures lointains et inquiets se répercutèrent en écho sur les murs du tunnel, portés par le vent qui se faisait plus fort que la simple bise habituelle. Puis ce furent des cris d'étonnement, légèrement teintés de paniques qui devinrent eux aussi de plus en plus audibles. Pour finir, deux corps passèrent à l'horizontale en parallèle du phénix envoyé quelques instants à peine, si bien que le pauvre volatile ne dut pas comprendre pourquoi ce qu'il était censé chercher venait de lui passer par dessus la tête. Le vent aidant, l'oiseau de feu dut également faire marche arrière, mais s'en sortit avec une grâce toute naturelle. A contrario des deux "invités" qui ne pouvaient plus poser un pied au sol, sans contrôle sur l'élément qui les arrachait de la terre ferme.

Enfin, le pic étonnamment fort et rapide de vent sembla disparaître comme s'il n'avait jamais existé. Se calmant tout aussi vite qu'il était venu, le courant d'air fit faire aux deux inconnus une gracieuse cuillère pour les poser tout tranquillement sur le sol, abasourdis. Le voyage avait été quelque peu "express", mais au moins les derniers 500 mètres de pénible marche et d'inquiétude avaient été avalés d'un coup sec.

Ils étaient donc là, tout deux, un homme et une femme, devant eux, à la lumière du phénix qui virevoltait joyeusement après ce petit tour de manège, heureux d'avoir put profiter d'un vent puissant pour se dégourdir les plumes.

Satisfait de son tour, Cocoon arrêta sa marche, tenant toujours Pandore près de lui, et leur dit d'un regard farceur mais amical:

-Coucou !

Avançant toujours, Erlidann sentit une bourrasque se lever. En se concentrant, il vit qu'un entrelacs de magie émanant de Cocoon était à l'origine de ses manifestations. Il s'arrêta pour le regarder faire.

Essayant de toucher les volutes de vent qui circulait aux alentours, Erlidann sentit que le flux faiblissait au contact de sa main. Il la retira vivement et attendit patiemment que quelque chose se produise.

Il vit arriver deux personnes qu'il ne connaissait pas dans un souffle d'air. Ce devait être ces étrangers dont parlaient ses compagnons depuis quelques temps.

- Hum... Bonjour ... lança-t-il d'un air pas très rassuré en regardant la femme qui se dressait devant lui. Avec un effort de mémoire, il se souvint des noms qu'avaient prononcés Sephi et Grendelor.

- Tu es donc... Jarwill dit-il en souriant au sus-nommé et ... toi ... Lùtine ? rajouta-t-il d'un air incertain.

Jarwill ne savait pas de quelle façon il avait parcouru ce tunnel, tout lui semblait si féérique ... Mais le principal était qu'à présent il se trouvait face à quelques visages connus et il avait la conviction que ce groupe était bel et bien les Lunaires qu'il cherchait tant.

Il tenta de mettre quelques noms sur leurs visages qui lui semblaient familier, mais il fut incapable de retrouver chacun d'eux. Tout avait été si bref qu'il avait l'impression que ce fut un rêve.

Après s'être brièvement incliné, il sourit et leur dit :

- Merci pour ce jeu de cache-cache ! Je suis bien Jarwill, désormais des vôtres il me semble.

Il lui revint soudainement qu'il n'était pas arrivé ici seul, Luthien était encore à coté de lui.

- Ah et voici Luthien, c'est un peu grâce à elle que je suis là. Peut-être la connaissez-vous déjà ?

Si Jarwill n'avait pas parlé en premier avec la candeur qui semblait le caractériser, l'elfe aurait simplement étripé le responsable de leur voyage par les airs. Lùthien détestait être prise par surprise, encore plus avec de la magie. Mais vu les circonstances, elle se contenta de gronder d'une voix animale.

La prochaine fois, prévenez, je prendrais un tapis.

Et sur cette pauvre tentative d'humour alors qu'elle serrait les mâchoires pour ne pas les refermer sur la gorge de l'impudent mage (tout à fait reconnaissable à l'odeur de la magie qui l'entourait), la chasseuse foudroya du regard Cocoon avant de parcourir de ses yeux dorés le reste du groupe.
Comme elle s'y attendait, Grendelor était présente, mais celle-ci n'avait pas l'air de se préoccuper de l'elfe pour le moment et son attention semblait entièrement tournée vers Jarwill. A côté de la guérisseuse, se tenait un elfe sur l'épaule duquel vint se poser un phénix. Son odeur lui rappelait vaguement quelque chose, elle l'avait sûrement déjà croisé, mais il était pas difficile de reconnaître l'un des fondateurs de l'Effronterie Lunaire. D'ailleurs, le grand escogriffe qui se marrait et qui était entouré d'une aura sombre devait être Teysa. Quant aux autres... elle n'avait aucune idée de qui ils pouvaient bien être, si ce n'était qu'ils faisaient partie des Lunaires. Et qu'ils étaient un peu trop nombreux à son goût.

Bon, bah maintenant que vous êtes réunis, je vais vous laisser et retourner à mes occupations...

Et sans vraiment attendre de réponse, Lùthien essaya de s'esquiver de la compagnie lunaire.

Grendelor regardait Jarwill d'un air curieux. Les nouveaux lunaires semblaient tous aussi différents que les phases de la lune, ce qui la fit sourire. Le prenant par le bras, elle l'entraina vers le groupe d'explorateurs tout en se présentant, laissant Teysa avec la chasseuse.

Bonjour Jarwill, je suis Grendelor. Le voyage n'a pas été trop difficile? Arrivant près des autres, elle continua son rôle d'hôtesse. Voici Sephi, le co-fondateur de notre Confrérie, Cocoon, qui t'a ramené prestement jusqu'à nous, Pandore, une petite lutine qu'il ne faut pas perdre de vue, et Erlidan, qu'il ne faut pas hésiter à secouer de temps en temps sinon il s'endort. Nous étions partis en exploration de nos méconnus souterrains, un peu une visite guidée pour nos nouveaux confrères, voudrais-tu te joindre à nous?

La Dame turquoise avait parlé avec légèreté, un sourire aux lèvres. Voir tant de monde la réjouissait et les emmener dans les recoins insoupçonnés du monde lunaire faisait naitre une certaine excitation chez elle.




Je me nomme Teysa Netzach, et vous êtes...

Lùthien retint un soupir quand elle vit qui lui barrait la route. Evidemment, il fallait que ce soit celui qui avait la pire réputation qui remarque son départ. Elle n'hésita qu'une micro-seconde avant de serrer la main pâle qu'on lui tendait. De toute façon, elle n'était pas vraiment en danger, elle pouvait donc prendre le temps de ne pas être impolie. L'elfe glissa donc sa fine main dans celle de Teysa.

Lùthien (elle ne donnait son nom complet qu'auprès de l'administration qui avait un don pour s'attacher à ce genre de détail). Enchantée.

Ses yeux dorés fixèrent leurs homologues violet. Une couleur assez rare, même sur Ter Aelis. La chasseuse détailla l'ange noir lentement, de son sourire, à sa longue silhouette, de ses vêtements à ses mains.

Pas désagréable à regarder, pensa-t-elle.

L'attitude de Teysa l'invitait à tester ses charmes mais en même temps son instinct la mettait en garde contre cet être qualifié de fou par la plupart des gens. Cependant, cela avait aussi son piment. Elle décida donc d'entrer dans le jeu.

C'est bien la première fois que je te croise dans ces tunnels, tu ne dois pas y aller bien souvent, je n'en ai pas senti trace, fit-elle en se penchant vers Teysa afin de respirer pleinement son odeur. C'est pourtant un parfum marquant. S'approchant un peu plus, elle continua. On y ressent un soupçon d'angélisme, mais très lointain. Non, ce qui est présent, c'est l'odeur du vent, des arbres, des étoiles et de la lune. Une odeur rare et précieuse. Ha, et tu devrais sortir plus souvent tes ailes ! fit-elle en éternuant alors qu'elle était dans le dos de l'ange, seulement à quelques centimètres de lui.

Surpris de l’enthousiasme de la dénommée Grendelor, Jarwill se laissa entrainer tranquillement auprès du reste du groupe. Au fur et a mesure des présentation, il classa mentalement toutes ces données, ces conseils, qui affluaient. Ils lui seront surement précieux pour l'avenir. Petit, grand, étrange, souriant, endormi ... Ils étaient tous différents. Très différents.

- Enchanté de vous avoir enfin trouvé ! Je serai heureux de me joindre à vous pour cette étrange exploration, c'est très probablement plus sûr que de continuer tout seul !

L'elfe sourit à la remarque de Jarwill, cependant ses yeux observaient le manège entre la louve et Teysa. Sephi la connaissait de réputation, et via les quelques allusions que Kordrok y avait faite, après ses soirées beuveries dans les tavernes de Galvorn.

Plus sur en effet, surtout qu'apparemment tu n'allais pas dans la meilleure des directions. Cela dit heureusement que Luthien t'as rencontré et qu'elle t’a ramené vers nous.

Sur ces paroles il salua la femme qui rodait autour de Teysa, il se doutait bien qu'elle l'apercevrait.

Sur ces paroles, je vous propose de continuer la visite, Teysa s'occupera de conduire ta guide autre part visiblement.

Le regard de Teysa était étrange après ces quelques remarques anodines. L'elfe se retourna et s'en fut dans les couloirs, tournant le dos aux deux protagonistes. Elle saurait éviter les pièges pensa-t-il, son phénix resta quelques temps en arrière, l'oiseau serait compris de la chasseuse et ce dernier dans un léger chant lui intima de faire attention, surtout aux rêves en présence de son hôte. Il rejoignit Sephi et se reposa sur l'épaule de l'elfe.
Ce dernier rentra dans un boyau obscur descendant vers les profondeurs et le cœur de la ville souterraine.

Grendelor, elle, était ravie que Lùthien reste en arrière avec Teysa, cela lui évitait de se pencher sur son cas. Ce fut donc sans plus de considération qu'elle se replongea dans l'exploration des souterrains avec la petite troupe. Ils avaient passé deux coudes, reprenant leur descente, quand un sourire lumineux passa sur son visage. Elle proposa à Sephi, à haute voix pour que les autres l'entendent.

Et si nous les amenions à la Voûte des Chants? Là-bas, il n'y a pas de magie, donc pas de risque extérieur, ajouta-t-elle avec un regard pour Erlidann.

La Voûte des Chants tirait son nom de son acoustique particulière : le moindre son y était amplifié mais aussi légèrement déformé, se transformant en un chant. C'était une salle de grands jeux pour les Lunaires.




Lùthien n'était pas insensible au charme que dégageait l'ange déchu. Toutefois, tous ses instincts lui commandaient de fuir tant qu'elle le pouvait encore. Sauf qu'elle ne le pouvait pas car ce serait déclencher les hostilités. La louve suivit donc Teysa avec grâce et entreprit de continuer la conversation d'une façon anodine alors même que ses poils se hérissaient au contact de la folie suintante.

Je ne pense pas qu'elle ait peur. Simplement ma... situation est un peu particulière et m'ignorer apaise ses angoisses, fit-elle en posant son regard sur la silhouette aux longs cheveux turquoise. Et soupir s'échappa de ses lèvres alors qu'elle se résignait à s'expliquer. Je vis à Galvorn depuis que je suis arrivée en Ter Aelis, et je ne suis affiliée à personne. Je vais là où me portent mes envies. Seulement avec la guerre, tout le monde ne voit pas d'un bon oeil mes déplacements. C'est ainsi que cela fait plusieurs mois que j'explore ces souterrains, qui font plus ou moins partis de mon territoire lupin. Je n'y croise que très rarement des lunaires, et en général je les évite, justement à cause des conflits que cela peut générer. La guerre ne m'intéresse pas, mais je suis curieuse.

Il était rare qu'elle s'exprime si sérieusement et autant, et d'ailleurs la chasseuse s'arrêta là. Elle laissa passer un long silence, marchant simplement à côté de Teysa. Elle paraissait songeuse alors que ses nerfs étaient à vif tellement son envie de détaler était impérieuse.

Lùthien n'avait pas répondu à Teysa quant aux problèmes liés à sa neutralité. Ils avaient pénétré une salle ronde et elle s'était laissée gagner par les sentiments qui s'en dégageait.

Un instant de calme et de fragilité.

La sculpture intriguait l'elfe et l'invitation de l'ange déchu la fit avancer. La folie avait reculé et elle put s'approcher de Teysa sans problème. Se coulant contre lui, elle murmura d'une voix douce et rauque.

Qui sont-ils?

Ressortant de ses réflexions intérieures, Erlidann regarda autour de lui. L'étrangère était partie avec Teysa tandis que Grendelor, Sephi, Pandore, Jarwill et Cocoon était à ses côtés.


"Et si nous les amenions à la Voûte des Chants? Là-bas, il n'y a pas de magie, donc pas de risque extérieur" lança Grendelor en le regardant.

"Chanter ? Je n'ai pas particulièrement de talents en la matière mais ... Hum... C'est une idée ! Par où est-ce ?" répondit-il d'une voix enjouée, laissant de côté ses pensées précédentes et se ré-intéressant à ses compagnons.

La réponse d'Erlidann valut pour les autres. En souriant, Grendelor entoura d'un bras les épaules du dormeur.

Nul besoin de talent là-bas, tu verras.

La jeune femme mena alors la petite troupe d'explorateurs. Le tunnel se fit de plus en plus travaillé, gagnant en régularité. De petits globes de lumière magique se mirent en route à leur passage, éclairant d'une douce lueur leur chemin. Grendelor gardait un contact avec Erlidann, l'empêchant de trop se pencher sur les phénomènes magiques qu'ils rencontraient afin de limiter tout risque de bêtise. De plus, cela semblait le maintenir dans un état d'éveil plus constant. Le tunnel qu'ils suivaient descendaient régulièrement, parfois d'une simple pente, parfois d'une volée de marches sculptées dans un sol de plus en plus clair, s'approchant du marbre. La Dame turquoise ignorait chaque croisement et conduisait les lunaires toujours plus bas. Les murs commencèrent à présenter des bas-reliefs, saltimbanques dansant, dieux répandant leurs dons sur la terre...

Au bout d'une heure de marche environ, le couloir s'élargit et deux linteaux marquèrent l'entrée de la Voûte des Chants. Gravés du symbole lunaire, l'un était blanc et l'autre noir. Ils entrèrent alors dans une vaste salle. Vaste n'était pas le mot juste. Gigantesque était plus proche. Ils ne voyaient pas les contours de la grotte. D'énormes stalactites descendaient du plafond perdu dans l'ombre. Certaines rejoignaient leurs consoeurs au sol pour former de grands piliers. D'autres, fines comme un fil d'araignée, semblaient vouloir se rompre au moindre souffle d'air. Pourtant leur longueur témoignait de leur robustesse. Au centre, un autel de marbre blanc marqué d'une lune.

Aucun son ne sortait du groupe lunaire. Malgré cela, une douce mélopée emplissait l'air. Grendelor sourit et fit un clin d'oeil à ses compagnons. Elle s'avança jusqu'à l'autel et là, fit claquer ses doigts. Le bruit se répercuta sous la Voûte, s'amplifia et fut transformé par ses multiples répercussions. Ce simple claquement devint une cascade d'eau joyeuse.






Se battre contre ses frères est toujours un déchirement pour celui qui a un coeur. Ne pas avoir le choix ne signifie pas que l'on apprécie ce que l'on fait. Et je préfère saigner de devoir tuer plutôt que de ne rien en ressentir.

Lùthien était plus détendue depuis leur arrivée dans cette salle. Elle touchait un endroit vrai dans chacun de leur coeur. Fermant les yeux, l'elfe se laissa porter par la mélopée échappée de la flûte de Teysa. Lente, emplie d'un passé douloureux, elle lui rappela l'une des danses qu'elle avait apprise pour prier les dieux. Celle-ci était pour accorder le pardon aux âmes des défunts. Cela lui sembla approprié. Aussi son corps se mit en mouvement, tout en retenue et grâce. L'air sembla s'alléger, devenir limpide et cristallin. Une présence éthérée se fit sentir, joyeuse et radieuse. Lùthien reconnut la projection de Clementia et sourire dans sa danse. La Déesse avait toujours été sensible aux prestations de l'elfe. La présence vint déposer un baiser fantôme sur les lèvres de la danseuse avant d'approcher l'ange déchu.

Avisant la musicalité de la salle, Erlidann commença à tester ce nouveau sujet d'intérêt. Une caverne qui faisait de la musique, c'était pittoresque ! Le semi-elfe avança vers l'autel près duquel Grendelor s'était dirigée. Amusé par l'écho du claquements de doigts, il tenta un léger sifflement pour voir l'effet déclenché.

Ce sifflement fut reprit à l'identique une première fois puis, les premières notes d'un chant dans une langue ésotérique s'éleva dans l'air, s'interrompant bien vite.

"Impressionnant..." murmura Erlidann.

Modulant quelques notes improvisées, le rêveur siffla quelques notes sans suites, espérant un écho majestueux. Ses notes résonnèrent dans le silence avant d'être muées en une mélopée enjouée qui berçait les oreilles d'une chaude musique, celle des rêves, de l'enfance, de la douceur maternelle ressentie par un enfant mais aussi une note plus triste de souffrance masquée dans un tourbillon de tendresse. Comme une sucrerie au cœur acidulée pour les oreilles.

Ainsi donc, la salle des chants était une sorte d'hommage à la lune...

En entrant dans la salle richement décorée, de par les gravures, les piliers, l'autel et le marbre rutilant qui donnait tout son éclat à la salle, et les gravures de lune visibles un peu partout, on pouvait dire que cet endroit était le sanctuaire des lunaires. Leur refuge et leur temple le plus précieux. Ici, chaque son se transformait en chant, chaque voix devenait de l'or blanc, ou du marbre peut être, sorte de nouvelle fantaisie de l'effronterie, jeu de mot subtil qui s'amusait encore des mots et des manières.

Ce genre de blagues n'étonnait même plus Cocoon, qui se complaisait dans cette ambiance sereine.

Voyant Erlidann siffler quelques notes hésitantes, et provoquer par la suite un chant mélodieux, le terraformeur s'amusa du concept de la salle. De ce qu'il en comprenait, qu'importe ce qui était fait ici, il était question d'honnorer leur dame blanche, mère protectrice et gardienne de leurs nuits. Grendelor avait offert son cadeau, et le lunaire au polochon en avait fait de même.

Peu à peu, Cocoon se rapprochait de l'autel, prenant soin de garder un certain retrait dans l'ombre des stalactites, et autres piliers naturels. Longeant sur l'extérieur de la nef principale, il s'approcha de l'autel, le contournant par la gauche. Ce dernier était vierge de tout décor, hormis le marbre taillé et le dessin de lune marqué dessus. Rien autour, ni derrière, ni devant...

Fixant le mur du fond avec un regard vague, presque perdu, les yeux du lunaire changèrent d'éclat pour prendre une nuance grisée, presque brume. Il voyait quelque chose que les autres ne pouvait apercevoir, il contemplait ce qu'il manquait à la salle. Curieusement, ses pieds avancèrent d'eux même, l'amenant derrière la masse blanche de l'autel, et ses mains se levèrent pour se poser, du bout des doigts, sur le rempart inviolé.
Aucune marque, aucune effigie, aucun signe de l'appartenance aux lunaires. Pourquoi cette pièce n'était pas plus revendiquée que cela ? Où était leur mère ? N'avait-elle point de visage ? Il leur manquait ceci: un visage.

Posant sa paume le plus respectueusement possible sur la pierre, l'homme ferma les yeux et resta plusieurs minutes, concentré, méditatif. Les mouvements mirent du temps à se faire remarquer, mais après quelques instants on pouvait, à l'oeil nu, voir des vaguelettes se dessiner sur la surface. Des mouvements, des ondes, des reliefs se dessinèrent lentement, avec un bruit très léger, un peu comme une brise d'été. Celle-ci se transforma en un chant lointain, très doux, très discret, comme le bruit que provoquait la transformation des pierres.

Peu à peu, on distinguait des formes, les traits et les ondes se croisaient, se rassemblaient et dessinaient un visage, des doigts, des membres, puis ce fut un corps entier qui se sortit de la masse. Derrière, on voyait la matière fondre, disparaitre pour créer un début de statue en ronde-bosse. Et c'est là que le plus dur du travail se fit. Les traits de la statue de pierre s'affinèrent, se précisèrent de plus en plus. On finit par en distinguer le sexe, la posture, les habits, et enfin l'expression dans ses yeux et ses lèvres. Doucement, le chant se tut, comme rasséréné, ou après que l'enfant agité se soit finalement endormit.

Elle était là, leur mère à tous. Une dame au visage fin, et gracile. Un sourire et des yeux magnifiques, pleins de compassion et d'amour, était baissé sur les occupants de la salle. Ses bras, dévoilés entre deux pans d'une longue robe raffinée, étaient tendus, ouverts, comme pour accueillir ses enfants contre son sein. Ses cheveux argentés, descendants jusqu'aux reins, coulaient sur son dos comme une rivière d'argent.

La dame était d'un blanc écarlate, ses yeux, d'un gris sublime, aux reflets presque métalliques, on les aurait dit faits du métal le plus pur. Ses lèvres, généreuses, auraient donné envie de les embrasser à pleine bouche, de se noyer dedans. Elle représentait avec grâce l'astre lunaire qu'elle représentait, et semblait luire de l'intérieur, une étoile, une lune à elle seule.

Mais sa peau de marbre changerait avec le temps,la pleine lune cèderait sa place à la lune sombre, et plus ce jour approcherait, plus l'épiderme de la dame virerait à l'ébène le plus noir. En hommage aux cycles lunaires, la statue de leur mère changerait d'aspect, chaque jour, au rythme du ciel nocturne. C'était là le présent que Cocoon se décida d'offrir: Un visage à leur mère commune.

Il se retira de quelques pas derrière l'autel, et s'inclina légèrement, face à ce nouvel être, qui ne semblait pas si dénué de vie que ce qu'une simple pierre pouvait laisser croire...

Sephi avait suivit Grendelor qui menait les nouveaux dans la salle des chants. L'idée était intéressante comment chacun d'entre eux réagirait-il devant cette dernière.
L'elfe avait assisté à la sublime création réalisée par Cocoon, voir un visage si beau donné à la lune l'emplissait de divers sentiments. A la fois heureux de la voir représenter, ébahi par la grâce qui en sortait et déçu d'en perdre l'imagination qu'il avait de sa déesse.
Il n'hésita qu'un cours instant avant de suivre Cocoon et de passer juste devant Jarwill et Pandore qui semblait quelques peu médusé par l’œuvre de ce dernier. Il s'approcha lentement de l'autel, songeant à ce qu'il offrirait sur ce sanctuaire, quel chant allait-il offrir à la lune devant ses confrères ? Plusieurs idées lui traversèrent l'esprit jusqu'à ce qu'il en garde une, une unique qui forgerait encore plus la beauté de cette salle.

Il leva le regard vers la voute, lentement l'air semblait s'accélérer autour de lui alors qu'il approchait de l'autel. En réponse, une myriade de sons cristallins se mit à résonner dans la salle, suivant la lente accélération du courant d'air qui enveloppait l'elfe. L'air semblait chanter en harmonie se répercutant sur chaque partie de la salle, chaque courant d'air bondissait entre les stalactites, se cognait contre les parois. Produisant non pas un vacarme assourdissant mais une musique d'une limpidité et d'une beauté sans pareil.
Alors qu'il posait sa main sur l'autel, le son s'amplifia quelques peu et se mit à tourbillonner avec plus de vivacité dans la caverne, entourant d'une mélodie chacun des membres. La déesse sculptée par Cocoon sembla s'animée un court instant, un sourire éclatant, des yeux plus brillant que jamais devant la mélopée qui lui était adressé.

Il enleva sa main de l'autel et le chant s’atténua peu à peu, l'air perdit en puissance aussi et lentement le chant approcha de la fin, laissant chacun émergé à sa manière de la transe qui s'était plus ou moins emparé d'eux. Alors que la dernière note s'achevait, son phénix lança une dernière note qui se transforma en une douce musique apaisante, endormante. L'oiseau donnait lui aussi son présent à la Lune.

L'elfe s'éloigna de l'autel, heureux du résultat, il avait bien choisit. La lune était heureuse de ces présents.

La déesse s'approcha doucement de l'ange déchu, gagnée par la douceur de l'instant. D'une caresse légère sur sa joue, elle souffla une onde de repos et d'apaisement. Puis elle disparut, son rôle accompli.
Lùthien, encore tout à sa danse, sentait l'atmosphère changer. Lentement, elle sortit de sa transe. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, l'elfe croisa le regard violet de Teysa, proche. Très proche. Enveloppée de brume, sa présence semblait diluée, évanescente, irréelle.
Lùthien sourit.

Lùthien se laissa un moment porter par la brume, à se perdre dans les yeux d'améthyste du Priméra. Un fin sourire flottait sur les lèvres de l'elfe, qui reconnaissait en l'ange un subtil enjôleur. Elle fit durer ce moment fragile jusqu'à la limite de l'insupportable, ne bougeant pas, respirant calmement et profondément, s’enivrant du parfum de la brume et de Teysa, léger et piquant, tinté de ce soupçon d'angélisme que même un Prince déchu ne perdait jamais. Un éclair de malice passa dans le doré de ses iris. Se haussant légèrement (même si elle était une elfe, l'ange était plus grand qu'elle), la Chasseuse déposa un tendre baiser sur les lèvres de Teysa avant de s'enfoncer dans les volutes de brume et de disparaitre.

Le priméra ne l'avait pas lâchée, simplement, il avait senti les mains de l'elfe fondre avant de simplement ne plus être là.

La chasse était lancée.

Jarwill ne savait pas exactement s'il rêvait ou si tout cela était bien réel. Il n'avait pas de doute quant à l'existence de la magie, au dessus de tout ces phénomènes purement physiques ... Mais tout cela semblait poussé à l’extrême du rêve. Les couleurs, la sérénité, la pureté des formes, la grandeur ...

Après quelques temps de pure contemplation, il s'approcha un peu plus de l'autel qui s'élevait dans cette salle d'un pas léger mais certain. Il ne savait pas si c'était ses jambes qui l'emmenaient ou l'autel qui l'attirait. Il n'avait également aucune idée de quel hommage il pourrait rendre à la Lune, qui était a présent au dessus de lui où qu'il soit. La magie que pouvait exercer ses compagnons était un bon exemple de présent digne, mais il n'avait aucun don en la matière ...

Une fois devant l'autel, il sortit une de ses dagues, Elisa, profitant du glissement dans son fourreau pour voir quelle mélodie lui réservait cette salle mystérieuse. Le son de fer-contre-fer s'amplifia peu à peu et changea. Fer devînt sable et frottement devînt souffle du vent. Il sentit une légère brise balayer ses cheveux puis repartir d'où elle était venue.

- Quand je vagabondais dans Sul-Nar,
Je t'ai aperçu entre les dunes.
J'ai marché, et arriva le soir :
Tu étais là ma Lune.

Il exécuta une large révérence et se rapprocha de ses compagnons, serein et tranquille.