Le Vieux Port [zone publique]

C'était le Vieux Port.
Un joyaux des Bas-Quartiers.
Serti de perles rares que de longues années à caresser l'écume avaient enveloppé de rouille et de mousse marine. Ces frégates de prestige, qu'un siècle ou deux avaient pétris de vieillesse et de crustacés, chantaient du grincement de leurs écoutilles une histoire grandiose et oubliée dont seuls les plus vieux pirates de Galvorn se souvenaient. Ces navires de toute taille et de toute beauté avaient fendu tous les horizons visibles, tranchant la mer de leur ventre allongé, dressant le matin le drapeau de la marine de guerre, flanqués d'un crâne blanc et ricanant le soir et tonnant le canon entre les deux. Beaucoup de poudre avait brûlé à cette époque mais aujourd'hui les vieux mâts dressés sifflaient, tanguant dans leur profond sommeil, endormis sur ces quais devenus l'entrepôt des plus incroyables légendes. Le Vieux Port était, pour les natifs de la côte, un lieu sanctifié, une retraite sainte, une église relatant les exploits des héros d'une vieille et éblouissante piraterie.
C'était aussi un lieu touristique, aménagé pour la débauche et pour le gain. On rénovait l'avenue principale chaque année, que la renommée du port avait renommé l'Avenue Renommée, pour y ajouter quelques boutiques chics où personne n'achetait qui ne vint pas d'un pays très lointain et très friqué. Quelques tavernes fréquentées étaient devenues fréquentables, transformées en hôtel d'un luxe moyen, (il ne faut pas exagérer, Galvorn était Galvorn, quoi qu'on essaya d'en faire) on avait repoussé la crasse et la misère à deux blocs de distance pour garder le publique au chaud dans son cocon de doux préjugés. Accessoirement, on y goûtait de succulents fruits de mer.

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