La Digue de St Adobe [zone publique]

L’onde, enchanteresse, berçait Cassiopée qui se laissait doucement porter par les flots.
Seuls les cris des mouettes venaient répondre à la brise venant battre l’écume et elle pouvait entendre l’eau se mêler au vent. Ce repos fut pourtant de courte durée tant l’envie de s’immerger totalement la taraudait. Plongeant et glissant entre les plis des vagues, elle acquit, peu à peu, la vigueur qu’elle était venue chercher.
Elle se décida donc à rejoindre le rivage. Alors qu’elle émergeait d’une dernière plongée, son visage ruisselant d’eau, elle se trouva face à un individu qui l’observait.
Les visites sur la digue étaient rares depuis les derniers combats qu’elle avait vécus. Aussi, fut-elle intriguée par la présence de cet homme au bel aspect.
Comme elle l’observait à son tour, l’homme, bien que gêné et rougissant, ne détourna pas son regard et la salua d’un bonjour faiblement prononcé.
Cassiopée ne répondit pas tout de suite, prenant le temps de sortir de l’eau pour approcher l’homme. Ce n’est qu’une fois à ses cotés, alors qu’elle laissait la chaleur des soleils sécher les ruisseaux d’eau salée qui dégoulinaient sur sa peau, qu’elle lui adressa la parole :

- Bonjour … Je suis Cassiopée… J’aime me retrouver en ces flots.

Comme elle montrait la mer qui s’étendait devant eux, elle remarqua le calepin encore ouvert sur un croquis à peine ébauché.

-Vous êtes élève peintre ? Graphiste ? Vous connaissez Smirtnoff alors ?

Son regard, appuyé, l’encourageait à lui révéler qui il était. Cet homme avait un air timide, comme étonné d’être là.

Nombre de messages : 971 Age : 30 Date d'inscription : 20/02/2009

Overdead resta sans bouger devant la nymphe ruisselante d’eau, il resta paralysé pendant quelques instants puis le regard appuyé de Cassiopée l’obligea à continuer la conversation malgré ses joues qui le brulaient et l’envie de courir pour partir de là. Le vent faisait flotter ses cheveux et claquer les pages de son calepin ou l’esquisse restée, tout comme lui immobile sur la feuille en mouvement.

Il revint alors à lui et, maladroitement, il essaya de prononcer une phrase :

« Oui … Oui, je suis élève graphiste. Je sors tout juste du collège et le bruit des vagues m’a attiré jusqu’ici car moi aussi j’aime me retrouver sur cette plage. Mais il est rare que je rencontre quelqu’un. »

Il se rappela de la question quelle lui avait posé à propos de Smirtnoff, alors il continua de parler et sentit ses muscles tranquillement se décontracter. Pourtant, il n’était pas encore tout à fait à l’aise. En effet, Overdead était un jeune homme plutôt réservé.

« Oui, je connais Smirtnoff, comme toutes les personnes fréquentant le collège des arts graphiques, je suppose donc que vous aussi vous fréquentez le collège vous êtes graphiste ? peintre ? Je serais ravi que vous me montriez quelques unes de vos créations.»

Je m'arrêtais, moi, Loélia Kaitlin, devant cette digue, ce bout de monde surnaturel, où Mère Nature venait nous confronter à son pouvoir. Les vagues enragées et écumeuses venaient déchaîner toute leur haine sur cette digue construite de pierres sombres rongées par le sel et le temps. Justement ici, celui ci ne semblait pas s'écouler. Les embruns salés venaient me fouetter le visage et humidifier mes cheveux longs. Les nuages noirs menaçaient à tout moment d'éclater en orage. C'est l'endroit idéal pour trouver mon inspiration. Je lâchais mon sac de cuir à terre, l'ouvrit afin d'en sortir un carnet aux coins mangés, et aux pages noircies d'encre. Sauf quelques unes, vers la fin, restées blanche et qui aujourd'hui vont subir le supplice de ma plume. Je m'assis contre la paroi, laissant libre cours à mon imagination..

Les secondes coulent par soixante, ensemble, les unes contre les autres. Jamais elles ne se quittent. Ensemble, elles tombent, ensemble elles meurent.

L’ombre vague d’un loup frôlait les rives inconstantes. Un moment hésitant, il finit par filer, hâtif, vers le bout de la digue, sous la faible lueur des cieux voilés. Son museau blanc se leva comme pour humer l’air salé. Puis semblant confiant, il se coucha en boule sur la pierre usée, laissant sa queue battre le lent tempo du vent qui frappe sans repos la Digue de Saint Adobe.

Imagine-t-on ce qu’est un loup endormi sur une digue ? Presque rien. Sinon l’image d’une présence cachée au fond du paysage. Et qui reste, secret souvenir, à contempler les flots bleus, du plus profond de ses terres exilées.

Et souvent dans son sommeil, le loup crie aux passants :

« Dessinez moi une Mer tranquille, en son sein l’éveil, en son sein l’Orage »

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Egorann marchait sur la digue, doucement, faisant attention à ne pas perdre l'équilibre. Elle contemplait la mer qui s'agitait, qui léchait la pierre de a langue couverte d'écume, avant de s'en aller pour toujours revenir, plus forte, plus douce. Elle manqua de tomber. Un instant, un instant seulement, son coeur s'affola avant quelle ne se rétablisse. Elle s'assit sur l'étroit passage, laissant ses jambes dans le vide. Elle inspira longuement l'air marin, et entendit alors un léger pas derrière elle. Elle se retourna pour contempler la petite lutine qui s'approchait.

Bonjour!

La petite lutine avançait à pas feutrés. Elle n'avait pas déjà fait un pas qu'elle en faisait un autre, sans jamais vraiment fouler le sol. Son regard, d'un chocolat au lait exquis, se perdait vers cette mer si vaste. Une légère brise vint se glisser dans sa chevelure, et un frisson la parcouru. Elle avais avait l'air si petite, un peu perdue. Au loin, elle aperçut la petite Egorann qui perdait l'équilibre et retint un petit cri en pressant le pas. Quand elle arriva auprès d'elle, la petite Elfe qui lui tournait le dos se retourna et dit:

Bonjour !

Bonjour, petite Elfe !

Alors que Brennie allait s'assoir, elle aperçut au loin Tàrànis.

Dressé sur la pointe de son rocher, embrassé par le vent, le Prince aux yeux brulés fixait l’horizon tel l’Ange prophétique aux portes des infinies probabilités. Ses cheveux noirs se mêlaient à l’air nocturne dans un balancement discret, portant en leur lente ballade l’embrun des mers houleuses. Sanz semblait attendre, le visage rongé par une fatigue inextinguible qui creusaient ses joues et déformaient ses arabesques noires. Durant tous ses longs voyages il n’avait pas eu d’occasion pour se reposer. Histoire le suivait comme une traqueuse du destin qui lui murmurait sans cesse : « Tel est le poids de la Destinée sur tes épaules fragiles, tel est la malédiction sur ceux qui osent défier les Dieux et leur Immortalité ».

Shyon, fils du néant mêlé aux vagues qui heurtaient les murailles de pierre , murmurait des chansons oubliés semblable à des plaintes longues et entêtes. Si son double était perdu au fond des miasmes du doute, le Dieu ancien couvrait ses égarements d’une indifférence coutumière. Le monde tel qu’il est n’est plus le sien, et s’il traîne encore dans cette vision de la réalité, ce n’est que parce que l’âme du Prince était mêlée à la sienne.

Mû par un silence trop lourd la voix de Sanz s’éleva dans l’air :

« Nous avons été loin depuis que ce Père nous a jeté de son nuage, Shyon.

Le Dragon cessa ses chansons et le fixant lui répondit dans un grognement :

« Ce n’est que ton Dieu »
« Ce n’est que mon Père ».

« Que vaut un Père sans visage, caché tel une larve au fond de sa grotte, emmuré dans ses ambitions ? Que vaut un père qui n’est que l’idée d’un Père ? Au moins, nous ne nous réclamons de personne sinon de notre origine, et bien peu oseraient crier que nous sommes de quelqu’un. Nous sommes bien de quelque part, même les Dieux doivent avoir une origine. Mais nommer un Père… »

Shyon étendit ses ailes, frappant l’espace d’une bourrasque pluvieuse.

« Ce serait avouer que nous avons un commencement, et donc une fin ».

Soudain La Bête couvrit le cri océan d’une rage sourde et menaçante. En face de lui se tenait prudent l’Issac. Sanz ne l’avait pas entendu dans le remuement des espaces et l’enfer de ses doutes. Il ouvrit un peu plus ses perceptions et sentit la présence voilée de Cassiopée dans l’ombre de son inverse. Presque indistincte elle semblait flotter autant qu’une goutte vaporeuse perdue dans l’espace.

« Tu as encore du chemin avant de tromper l’Attention de Shyon »
Le Prince s’assit sur son rocher dans une nonchalance provocante. Son épée plantée dans le sol à sa gauche rayonnait d’une aura sombre qui se confondait avec l’aube indécise pointant à l’horizon. Dans un murmure à peine perceptible il s’adressa à Cassiopée :

« Comment va l’Enfant ? »

Cassiopée savait le trouver là, près de la digue. Sanz aimait à ressasser les souvenirs anciens qui avaient marqués son âme au fer blanc, effaçant son nom pour le signer d’un autre mais ne réussissant jamais à gommer les fondements de son être. C’est quand il avait besoin d'être seul avec lui-même qu'il restait à contempler la mer sans bouger.
Elle sentait qu’Issac était impatient de se retrouver face à Shyon et sa précipitation pour le rejoindre était si grande qu’il commit l’erreur qui les fit être découverts. Cassiopée aurait voulu rester là, à le contempler plongé dans ses profondes pensées et voir les émotions passer sur son visage.
A sa vue, son sourire se fit moqueur et Cassiopée encore marquée par les évènements qui avaient marqués la naissance de Sargas, ne s’approcha pas tout de suite de lui. Elle sentait son pouvoir au travers du lien qui les nouait et n’était pas prête à affronter son humeur contrariée par leur venue.
Ce n’est que lorsqu’il lui demanda ce que devenait l’enfant qu’elle s’adressa à lui :

- L’enfant va bien… On ne peut pas dire que ce soit grâce à toi. Grendelor est maintenant dans une rage terrible. Elle jure de se venger un jour de toi.
Le voulais-tu ainsi ? J’ai promis de veiller sur Sargas, de le protéger et d’être à ses côtés tout au long de sa vie.

Cassiopée parlait, exprimait son inquiétude. Mais elle savait qu’elle ne s’adressait qu’au vent. Sanz avait agi sans colère, avec la volonté d’atteindre un but et son corps en avait encore souffert. Il avait vieilli et les marques sur sa peau étaient aussi brutales que celles laissées sur ses yeux lorsqu’elle lui avait arraché le feu d’Orion.
La digue, les traces, tout ici lui remémorait les combats qu’ils avaient menés l’un contre l’autre pour finalement se trouver liés jusque dans la mort.
Issac gronda de contentement.

Elle me tuera.

Sa voix était roque et prophétique. Lentement, le ton plongea dans le ressac et finit dans un murmure étouffé.

Longtemps le Sang fut un empire fait de vastes cités unies les unes aux autres par cette foi d'anciens Dieux. Des Princes ça et là tenaient des siècles dans leurs mains et finissaient, un jour, par les lâcher... . Après tout je ne devais être qu'un successeur parmi d'autre, une nouvelle tête accrochée aux couloirs, un nouveau nom dans les registres. Et ces mondes finirent par s'endormir, les Princes furent les un après les autres décimés par des Anges ou autre prédicateurs nouveaux soutenus par des Dieux nouveaux. Quand j'arrivai j'étais à la fois le successeur et le dernier. Il y avait ce registre, une plume, de l'encre et une page blanche. J'ai trempé la plume et je me suis autoproclamé Prince Régnant. Régnant de quoi?

Il se tut une seconde tandis que d'incessantes vagues jetaient des murs d'eaux sur lui. Puis il reprit, lentement.

Régnant de rien, sinon de ruines, de plaines désertes, de terres gelées ou consumés par des feux insatiables. J'avais adopté un désert, instinctivement, sans réfléchir : le cimetière du Passé était mon Empire, ce qu'aujourd'hui les vieilles âmes appellent les Mondes Endormis. Ceux qui attendent quelque part que reviennent leurs Dieux légitimes.

Alors, le Prince se releva et reprenant son arme qu'il rangea dans son fourreau il conclua:

Quand je mourrai il sera le Sucesseur de ce Désert. Et ce sera à lui de germer l'Avenir sur ses terres. Et pour cela il faudra l'éduquer tel un Prince qu'il sera : le Prince d'une nouvelle Vision... . Cet Enfant est ce qu'il nous restera... quand il n'y aura plus rien.

La mer…
Les deux soleils de Ter Aelis venaient reposer leur joues rebondies et joyeuses sur la surface de l’onde. Pas un souffle de vent ne parvenait à rayer l’immense miroir de l’océan. Seul le ciel miroitait sur les eaux, se mêlant aux reflets rosés des faces rondes et lumineuses qui comblaient l’horizon.
Cassiopée se tenait face à l’eau, la tête plongée dans des rêveries d’un autre âge, d’un temps ancien où les cheveux pouvaient voler au vent sans risquer la tempête, d’un temps où l’écume venait se mêler aux vagues pour exploser de joie.
Un sourire éclairait son regard aux souvenirs qui s’amoncelaient alors que sans bruit le clapot caressait ses pieds. Elle laissait l’eau monter doucement autour d’elle. Elle aimait sentir l’onde chatouiller sa peau avant de la rafraichir.
Lentement, elle pénétra plus avant vers le large, permettant à l’eau salée de goûter à la peau de ses cuisses qui réagirent aussitôt d’un long frisson. Quand l’onde atteint sa taille, son ventre se rétracta, immobilisant l’air dans sa poitrine bloquée. Le passage était difficile car il réveillait la chaleur de son corps et les regrets d’un confort bienveillant.

Elle nageait sereinement, semblant perdue, seule au milieu d’un reflet cuivré, quand elle aperçut la silhouette fort reconnaissable d’une jeune personne qu’elle avait croisé voici peu de temps dans d’autres eaux, moins tranquilles et plus peuplées. Elle glissa donc rapidement dans sa direction, espérant qu’elle l’atteindrait avant de la voir disparaître à sa vue.

Elle sortit de l’eau en courant et toute ruisselante héla la jeune femme :

-Oh ! Jeune guerrière !! Ne pars pas !

Seemy marchait d'un pas rapide, encore toute en colère de ce qui venait de se passer dans son petit coin de paradis. Elle n'en revenait pas que cette chose ait osé faire ça. Sa démarche était raide et l'air se glaçait autours d'elle.

- Oh! Jeune guerrière !! Ne pars pas !

Seemy s'arrêta net, cligna plusieurs fois des yeux et découvrit qu'elle était arrivée, elle ne savait comment, au bord de la mer. Elle tourna plusieurs fois sur elle-même comme pour se convaincre. Puis elle entendit des pas de courses et se tourna vers leur propriétaire.

Seemy reconnu tout de suite Cassiopée.

- Euh, tu sais où nous sommes là? Je suis complétement perdue, j'ai marché sans me soucier de l'endroit où j'allais et me voilà je-ne-sais-où.

Cassiopée regarda, étonnée, la femme qui lui faisait maintenant face. Son visage d’ange se teintait de la ferme détermination guerrière qui brillait dans ses yeux.
Comment ses pas l’avait menée sur les berges de la Digue, ce lieu privilégié où la porte s’ouvre vers les étoiles ? Elle-même ne le savait pas trop. Elle avait suivi la trace dans les cieux, jusqu’à venir se baigner dans le reflet des astres qui inondaient Ter Aelis d’une bienheureuse douceur matinale.

- Vois Seemy ! la Digue de Saint Adobe !

Elle enveloppa l’espace autour d’elles d’un geste ample et lent.

- Ce lieu est le berceau de tous les combats. Perçois-tu ceux qui marquèrent le Sang jusqu’a l’expurger de toute trahison ? Ils furent si violents et si cruels qu’aujourd’hui encore nous gardons leur odeur dans les veines et que les cris nous parviennent en échos.

Comme la fraîcheur du petit matin venait se mêler à l’eau encore ruisselante sur sa peau nue, Cassiopée se couvrit d’un voile de brume claire dans laquelle les rayons cuivrés des soleils venaient glisser des perles brillantes et rosées.

Seemy, toujours troublée mais recouvrant peu à peu son aplomb, observa les alentours et admira le paysage avant de fermer les yeux et de prendre de grandes respirations. Elle libéra son esprit des chaînes de sa vue pour l'ouvrir aux énergies environnantes. Et elle sentit.

- Hmmm oui, ce lieu semble avoir été le théâtre de nombreux combats. Mais cela ne répond pas à ma question... Est-il difficile d'atteindre ce lieu? Est-ce loin du lac que je viens de quitter?

Et jetant un œil à Cassi, elle baissa rapidement les yeux sur elle-même pour découvrir qu'elle était toujours dans le plus simple appareil. Elle demanda mentalement à la pierre incrustée à la base de son cou de la recouvrir d'habits légers, quoique épais, à cause de la fraîcheur environnante.

- Sinon, quelles nouvelles depuis que nous nous sommes quittés précipitamment de ce merveilleux lac dans les hauteurs?

Un dragon d'argent vole haut dans le ciel, jouant peut-être à traquer les nuages. Le soleil brille, éblouissant, et impose son règne bénit. Au bord de l'eau, sur quelques rochers bas que l'on n'atteint que par une marche acrobatique, une jeune femme est accroupie, recroquevillée, le menton posé sur ses genoux et les yeux perdus dans les écumes de la mer. Elle laisse pendre sa main dont les doigts effleurent parfois une vaguelette plus haute que les autres. Il n'y a pas de vent, ou presque pas. Juste assez pour rider légèrement la surface des flots.
Dans son autre main, coincée entre son ventre et ses jambes, elle serre une flûte de bois. Un bel instrument gravé d'arabesques argentées.

C'était ici...

Pas plus haute qu'un murmure, pas plus forte que le doux ressac des vagues, sa voix s'élève vers le dragon, là-haut, qui rivalise de cabrioles avec le vent. Il n'a pas l'air d'y prendre garde, mais il entend les mots et les comprend. Il n'a juste rien à répondre, rien qu'à continuer son jeu.

Tàranis ferme les yeux, se concentre sur ses sensations, sur cette chaleur dans sa poitrine qui pulse comme un second cœur. Il est là, son compagnon d'autrefois, coincé entre ses côtes, pas plus consistant qu'un souffle mais plus présent qu'elle-même. Elle sait aujourd'hui qu'elle est capable de continuer sans son aide, elle ne sait juste pas comment le libérer. C'est pour cela qu'elle est là, revenue à l'origine chercher une solution. Peut-être...

Elle lève le visage vers le ciel, cherche Sirona des yeux et la trouve sur la digue, tranquillement installée à l'attendre, le regard fixé sur elle. La jeune femme se relève pour la rejoindre et, une fois à ses côté, pose la paume de sa main sur son front.

Tu m'aideras, toi, n'est-ce pas ?

Dans les prunelles de la dragonne : une moquerie, presque du dédain qui provoque un sourire de Tàranis.

Prends pas la mouche, va, je peux bien me poser des questions.

Ne va pas trop loin.

Un avertissement. C'est tout ce que Sirona pouvait donner pour le moment. La jeune femme laissa glisser sa main le long de l'encolure de la bête, s'assit contre son flanc et laissa choir dans un soupir quelques mots.

J'y arriverai.

- Ou pas !

La voix venait de derrière elle, feutrés, douce, suave et mélancolique. Elle l'avait déjà entendue, elle connaissait des hautes tours de l'orgueil. Elle se retourna promptement, derrière elle, elle vit l'ange au six ailes assit sur le sable, son regard perdu dans les éternités des cieux. Il semblait différent de la fois ou ils c'étaient rencontrés, au conseil du Sang et pourtant... Il persistait en lui se coté malsain, cette impression de toujours être en danger, qui contrastait avec la douceur et la sensualité du primera.

- Je suis désolé, j'interromps vos pensées sans même me présenté. Je suis Teysa le sombre, le prince des rêves.

Sur ce il se releva lentement, se retourna et tendit une main amicale a l'elfe en face de lui.

Ou pas !

La jeune femme se remet sur pieds dans un sursaut, cherchant d'un regard inquiet l'origine de la voix qu'elle trouve derrière elle, en la personne d'un ange à l'aura peu engageante. Il lui tourne le dos et semble être là depuis quelques temps déjà alors que Tàranis était certaine d'être seule. Elle sent un frisson lui parcourir l'échine en le reconnaissant : Teysa, dit le Sombre, un fils de la Lune.

Je suis désolé, j'interromps vos pensées sans même me présenter. Je suis Teysa le sombre, le prince des rêves.

Alors qu'elle ne bouge pas, lui se lève et se tourne vers elle, une main tendue en guise de bonjour. Elle prend sa main d'un geste assuré, gardant dans le regard et dans la voix sa prudence première.

Teysa le Sombre... Je vous avais reconnu. Mais... Pourquoi donc pensez-vous que je n'y arriverai pas ? Et savez-vous seulement de quoi il s'agit ?

Teysa fit un grand sourire :

- Aucunement, par quel artifice pourrais-je donc connaître vos troubles.

Teysa s’assit de nouveau sur la digue, en tailleur, scrutant les mers de Ter Aelis, le reflet des astres de la nuit sur le bleu azur des étendues aquatiques, donnait au silence nocturne une impression de calme propre aux confidences.

- Mais peut-être pourriez vous m’en parlez …

Il laissa sa phrase en suspend, comme s’il scrutait l’horizon à la recherche d’une suite logique.

- Et ainsi pourrais-je apporter mon aide quelconque à votre personne.

Il tourna ses yeux violets pour les plonger dans le regard de Tàranis, troublant ainsi la consœur du sang bien plus qu’elle ne s’y était attendue.
Il y avait toujours quelque chose de dérangeant quand le prince des rêves se mêlait des affaires du monde. Comme si tout d’un coup chaque choix que l’on faisait, contenait le destin du monde… Et pourtant tout ce passait avec une telle légèreté, une telle simplicité

Tàranis connait mal Teysa. Elle l'a croisé à de rares reprises, mais jamais dans des conditions propices à un échange serein. Malgré ses réticences et sa méfiance naturelle vis à vis de l'ange, l'idée qu'il pourrait éventuellement lui être utile commence à germer dans son esprit quand il plonge son regard dans le sien. Elle ressent un malaise venant du plus profond d'elle même, furtif, qui disparait aussitôt qu'il tourne les yeux. Elle fronce légèrement les sourcils, surprise.

Vous pourriez peut-être m'aider, en effet...

La jeune femme s'installe aux côtés du prince, en tailleur elle aussi, pour tenter de s'expliquer.

J'abrite en moi une âme qui n'est pas mienne et qui me lie plus que je ne devrais l'être au Prince du Sang. J'aimerais m'en libérer, seulement je ne la contrôle pas. Elle, au contraire, prend en certaines circonstances le contrôle de mon corps, ou me guide, mais sans me laisser le choix. Il s'agit de l'âme d'un renard qui m'a sauvé en prenant possession de mon corps il y a de cela un long moment.

Elle se tait un instant, pensive, les yeux fixés sur ses mains. Enfin, elle demande :

Pensez-vous pouvoir m'aider ?

Fier, Teysa se redressa, majestueux d’arrogance, il pointa son pouce vers sa poitrine avant de parler.

- Mais très chère, je peux tout faire !

Il souriait de tout ses crocs, donnant a son sourire un coté prédateur.

- bien sur il faudrait que vous soyez prêtes à cheminer avec moi le long des chemins de l’âme.

il tendit son bras sur le coter déchirant l’air vers un monde de brume colorée. Les brumes se déversait, par le portail, dans le monde réel, tapissant le sol sablé de la digue. Teysa étira l’ouverture avant d’entrer à l’intérieur de se monde étrange une fois son corps disparue à l’intérieur il sortie un bras du portail faisant signe a Taranis de le suivre.

Le Primera est loin d'être engageant, mais Tàranis considère qu'elle n'a rien à perdre. Toujours assise, elle le regarde se redresser, ouvrir un passage d'un geste ample du bras et pénétrer à l'intérieur sans hésitation. Quand l'air s'est déchiré, elle n'a pu retenir un sursaut de surprise. Elle se relève doucement, les yeux fixés sur cette brume étrange au bords flous. Qu'y-a-t-il de l'autre côté ? Elle n'en a aucune idée, et si elle pouvait, l'imaginer rien de rassurant ne se présenterait à son esprit. Elle tend la main vers les contours du passage. Quand ses doigts entrent en contact avec la brume, elle est saisie par le froid de la substance et les retire aussitôt.
C'est alors que le bras de Teysa émerge et lui fait signe de le suivre. Ignorant les alertes de Sirona qui s'agite et hurle dans son esprit de ne pas y aller, elle pénètre dans le monde onirique à la suite de l'ange.

Teysa attendait Taranis tranquillement assis dans un fauteuil de brumes violacées, à son arrivée il sourit calmement, dégageant une étrange aura de folie brute, tandis que derrière l'elfe, le passage se refermait.

- Voici le pays onirique, c'est dans ce monde, pauvre petite être que tu va découvrir le tréfonds de ton âme et affronter tes peurs, c'est ici que ton avenirs se joue.

Teysa découvrit alors ses crocs dans un sourire qui lui défigura son visage dans une grimace malsaine, emblème même de la folie qui règne en ce monde.
Autour de Taranis les brumes changeaient, tandis que les murmures du passé emplissaient ses oreilles.

- Que veux-tu exactement ?

Demanda le visage de Teysa juste en face d'elle alors que ses yeux violet brillaient d'une lueur délétère et enivrante.

Le portail passé, Tàranis se retrouve dans un monde de brumes étranges aux couleurs moirées. Face à elle, tranquillement installé dans un nuage aux formes de fauteuil, Teysa lui adresse un sourire mi engageant, mi effrayant. Elle jette autour d'elle un regard intrigué avant de revenir au Prince Sombre.

Voici le pays onirique, c'est dans ce monde, pauvre petit être que tu vas découvrir le tréfonds de ton âme et affronter tes peurs, c'est ici que ton avenir se joue.

A ces mots, un flot de voix et d'images déferlent sur la jeune femme qui tombe à genoux. Elle porte dans le même temps les mains à ses tempes, serrant sa tête pour la libérer de l'étau douloureux des souvenirs. Les yeux fermés, crispés, elle respire à grandes bouffées l'air étrange qui l'entoure. Et doucement les souvenirs refluent tandis que ses traits se détendent. Quand, enfin, elle rouvre les yeux, ils sont plein d'une inquiétude mêlée de méfiance à l'égard du Primera.
Il s'approche soudain, ou peut-être seulement son visage, faisant reculer Tàranis d'un sursaut.

Que veux-tu exactement ?

Elle penche légèrement la tête à la question, se demandant si, réellement, cet être étrange a l'intention de l'aider. Mais au point où elle en est, elle se dit qu'elle n'a rien à perdre et, tendant ses deux mains devant elle, elle ferme les yeux. Alors, doucement, naissent au creux de ses paumes deux bulles floues et tournoyantes. Elles sont claires et se ressemblent, mais pourtant différentes. Celle qu'elle tient dans sa main droite porte des reflets d'argent et s'enlace à son poignet, à ses doigts, ne garde pas une forme lisse. L'autre, dans la main gauche, en revanche, reste bien ronde et délimitée, sans filaments extérieur pour s'accrocher au corps, et ses reflets portent vers le noir.

Voici les deux âmes que j'abrite dans mon corps en plus de la mienne. L'une m'est intimement liée et fait presque partie intégrante de la mienne. L'autre n'est qu'une hôte un peu trop encombrante.

Tandis qu'elle parle, les liaisons entre sa main et la bulle aux reflets argentés s'élargissent, se fondent entre elles et finissent par former un gant brumeux.

Vous l'aurez compris, j'imagine, l'âme intruse est celle qui se tient dans ma main gauche. Je n'ai pas su, seule, lui rendre un corps. Il s'agit d'un animal mystique, un renard en l'occurrence, qui m'a rendu la vie et refuse de me la laisser libre. Il m'est cher pour bien des raisons, mais il m'incommode en tant qu'hôte et me force à des actions qui m'importunent.

Elle fixe enfin les yeux du Prince et son regard s'affirme, fier, quand elle lui demande :

Que comptez-vous faire ?

Un éternel recommencement.

Il avait déjà parcouru La Digue. Tous prétendent qu'on en ressort à jamais changé. Il n'avait jamais vu, lui, la véritable différence. Ce si intense chamboulement cosmico-psychologique... Il l'y avait cependant rencontrée, à son arrivée. La première de ses véritables interlocutrices. L'échange avait été bref mais brutal. Quelques piques, une mandale. Rien d'extraordinaire, ou presque. Une routine dans son existence.

Puis il était parti. Définitivement, pour ce qu'il en pensait alors. Et puis, pas un manque, mais des interrogations. Qu'existait-il encore de Ter Aelis ? Il avait bourlingué, bataillé, arraché, décapité, volé parfois même.

Du sang et des larmes.

Il était revenu. Et elle était toujours là. Ils avaient naturellement repris leurs "gentillettes" chamailleries jusqu'à ce qu'il la mette en danger. Et lui aussi par la même occasion. Oh, ils s'en étaient finalement plutôt bien sorti. Disons qu'ils avaient encore tous leurs membres. Et puis il avait "gagné" une moto. Il aurait pu la garder, la désosser, s'enfuir avec... tant de choses absurdes. Il allait juste attendre.

La Digue de Saint Adobe, inoffensive à sa première visite, déchainait aujourd'hui ses effets déroutants. Était-ce le lieu, ou simplement l'instant, le moment, un alignement, une série d'événements ? Il avait abandonné sa monture mécanique dès les premières dalles du chemin. Il avait eu besoin de marcher. De ressentir toute la puissance des eaux et du vent, amplifiée par cette barrière artificielle, ce monceau de caillasses qui défigurait le paysage. Et puis, le bout du monde. Avec Galvorn en ligne de mire, ses lumières. Son territoire ! Sa maisonnette, ses aventures, l'iroquois, les gamins, les embruns, la poussière.

Le sang, et les larmes.

Assis par terre, adossé au muret, il semblait contempler sa hache, abandonnée au sol. Les yeux dans la vide, l'esprit dans les vagues, il jonglait d'une main avec un demi pavé érodé par les allées et venues de l'eau. Et, alors que le soleil tirait sa révérence, une unique larme s'écoula le long de sa joue pour venir mourir sur le tranchant de sa lame ensanglantée.

- Pitoyable.

Cassiopée ne désirait pas être dérangée et pourtant…
Pourtant, comment ne pas l’être quand on venait se réfugier près de la Digue ? Lieu de tant de combats. Lieu d’Histoire.
Elle était assise, les bras autour des genoux, le dos collé au froid du muret de pierres humides et le crâne tourné vers les étoiles. Elle écoutait la mer.
Mais, l’homme avait pénétré sa bulle et les mots venaient chahuter ses oreilles :

Du sang et des larmes

Elle aurait pu répondre et lui conter les récits des anciens. Cependant, quel intérêt ?
Alors, elle était restée silencieuse, se contentant de hocher la tête en glissant un regard dédaigneux vers l’arme jeté aux pieds d’un barbare.
Le temps avait le pâle reflet des eaux. Un immense miroir où l’on pouvait se perdre.

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