Gourmandises et Friandises / Malices et Facéties [zone publique]

Un cri, un hurlement. Douleur intense. Grendelor se réveille en sursaut. Aveuglée par la souffrance d'autrui. Elle qui fait de son mieux pour ne pas entrer dans la vie des autres vient d'être éjectée du sommeil par ce sentiment d'urgence. Elle ne peut pas se couper de cette souffrance lui déchirant les entrailles. Cette fois quelque chose de grave se passe en Ter Aelis et elle ne peut rester sourde à cet appel. Elle ne sait pas qui, mais c'est loin. Et malgré ça elle gémit sur son lit tâtonnant pour trouver la lumière et ainsi reprendre pied. Enfin la douleur s'atténue. Elle revient dans son propre corps, haletante, les yeux écarquillés. Reprenant son souffle elle fouille les esprits.
*Là. Ça s'est rapproché. Oui à Wilwarin. Maintenant je le sens.*

Elle s'habille avec des mouvements d'automate, régulièrement pliée en deux par un spasme. Guidée par ses sens, elle parcourt les rues de la cité volante et arrive devant le magasin de friandise. Le spectacle qui s'offre à elle est apocalyptique. Teysa, grandes ailes déployées, porte Smirtnoff qui semble inconscient et délirant, dégageant une souffrance mentale insoutenable. A côté de lui un nuage porte Cassiopée. C'est d'elle que provient le mal physique que ressent la dame turquoise.

Teysa, dit-elle dans un souffle, affaiblie par les tortures infligées aux êtres près d'elle.

Le semi-elfe se retourna vers elle. Il semblait affolé mais pas encore en panique.

Pose Smirtnoff et aide moi.

Sa voix avait retrouvé son assurance. Maintenant qu'elle savait ce qu'il se passait, elle arrivait à prendre de la distance par rapport à la douleur. Le plus urgent était de traiter les blessures de Cassi. La jeune femme s'approcha du nuage et sortit une orbe de son sac.

*Heureusement je n'ai pas oublié de le prendre.*

Du regard puis elle palpant doucement elle évalua les dégâts.

Ca va être dur, je ne pourrais pas le faire toute seule. Je vois bien que tu as déjà fortement utilisé tes pouvoirs mais j'ai besoin de ton aide Teysa.

Le rêveur hocha la tête, déposant doucement le corps du vampire à terre, et se posta près de Grendelor. Celle-ci posa une main légère sur son bras, l'autre tenait l'orbe, d'une couleur rose tendre, et se déplaçait au-dessus de la blessure de Cassiopée. Se concentrant, la couleur de l'orbe vira à un rouge intense pendant que la guérisseuse opérait.

D'abord arrêter les hémorragies. Ensuite reconstruire ce qui a été défait.

Elle murmurait doucement, autant pour elle-même que pour Teysa, comme un mantra qu'elle faisait défiler. Quand elle commença à trembler, le semi-elfe sentit le flux de magie passer par lui, pompant sur ses capacités pour compenser la faiblesse de Grendelor. Très vite le contact fut rompu, la jeune femme s'était redressée et reprenait à nouveau sur ses propres forces pour finir la guérison. L'orbe virait petit à petit au noir profond. L'opération dura une bonne heure, pendant laquelle la dame turquoise prit régulièrement sur Teysa, sans jamais l'affaiblir, et quand l'orbe fut totalement noire, la jeune femme se laissa tomber à terre, essoufflée. Cassiopée avait retrouvé quelques couleurs et on ne voyait plus trace du coup fatal si ce n'est que la peau à cet endroit était plus pâle.

Smirtnoff n'avait eu aucune connaissance du voyage. Le sommeil nébuleux qui le tenait prisonnier l'avait coupé du monde tout ce temps.
Après le visage putréfié des morts, après que son résidu d'âme ait rampé dans chaque recoin de sa conscience, qu'il se soit battu avec des fantômes, que les édifices de son enfance soient tombés derrière lui dans un vacarme de tonnerre, finalement, la brume fièvreuse s'est dissipée.
Maitenant un noir intense et silencieux l'enveloppe intérieurement. Il gît à terre sans faire un geste, sans expression, le souffle imperceptible.
Il n'est nulle part. A ce moment, il ne pense même plus.
Son cerveau ne commence à se remettre en route qu'une bonne heure plus tard, alors que Grendelor et Teysa ont vaillament secouru Cassiopée, qui gît elle aussi, mais sur un nuage de brume, sauve et affaiblie.

Après un temps qui parut bien long, le vampire reprend contrôle de son cerveau. Ce bref sommeil sans rêve était un réflexe de survie. C'était ça ou devenir complètement dingue.

Il ouvre lentement les yeux. Sur son front ses cheveux noirs sont collés encore. Un ciel de nuit. Il voit d'abord les ailes de Teysa. Ce qui n'est pas vraiment pour lui plaire. Il se rappelle du cauchemar des heures précédentes. Ah tiens, il en revient même à la taverne, avec cette foule étouffante et l'odeur âcre de l'alcool. La glace goudronneuse revient se glisser dans le bas de son dos, elle ne se trouvait pas loin.
Mais il essaie de contrôler.
*gros soupir*

Il lève une main, puis deux, les bras sont lourds, les poignets tremblent, c'est pas top tout ça. Il se tourne d'un mouvement de l'épaule et bascule sur le ventre, se redresse sur les genoux et les mains. Il peut voir les diverses couleurs de la boutique d'en face. Et une flamme turquoise qui le fait cligner des yeux sur le coup. Une femme qu'il a déjà vue quelque part.
A la taverne, justement. Depuis le temps elle avait dû quitter le trou à saoûlards.
Elle semble épuisée, ses beaux yeux sont cernés de fatigue. A côté, il y a...Cassiopée. Sa robe d'étoile est déchirée et imbibée de sang. Mais la fille célèste est en vie. Elle dort profondément, du sommeil réparateur.
Son doux visage a repris quelques couleurs, elle respire, d'où il se trouve, Smirtnoff discerne immédiatement la face du sommeil de celle du mort.

Il reste dans cette position improbable un bout de temps, à fixer ses traits.
Elle n'est donc pas morte.
Il ne l'a pas détruite. Il n'a pas réussi. Voulait-il vraiment mettre fin à ses jours? N'est-ce pas un revers de la vie qui lui indique son erreur?

Il frissonne un peu puis regarde Grendelor et Teysa.

Grendelor s'approchait. Elle est épuisée et se traîne jusqu'à lui, néanmoins avec la ferme attention de lui venir en aide, sans doute. Elle conserve une force tendre dans la voix et lui entoure les joues de ses mains. Smirtnoff recule. Réflexe de cette distance qu'il impose corporellement de lui à autrui, tout le temps en toute occasion. Même sans faire de geste, cette limite est palpable. Les douves de son sinistre château intérieure, édifice en ruine, vide et troué par les vents du nord, autrefois. Les pierres sont-elles encore debout à présent?
Cette ruine lui a toujours paru étrange, puisque son existence n'est pas bien ancienne. C'est pourtant ce qui lui tient lieu de cage thoracique, avec des murs hantés où résonnent les voix lugubres de quelques silhouettes fantomatiques.

Son sang se refroidit petit à petit, il recouvre ses esprits pendant que les paroles de Grendelor frôlent son visage.
Elle effleure son esprit avec le sien. A ses derniers mots, elle s'est levée, péniblement, et commence à lui tendre la main.
Comment se permette-t-on de se promener ainsi entre ses murs? Et après qu'une telle tempête ait dévasté ses entrailles? Monsieur est pudique.
Avant que Grendelor ait fini sa phrase il s'est levé brutalement, et sa main droite terrible a dégaîné l'autre couteau qu'il porte dans le dos. Le jumeau du premier.
La lame aiguë a sifflé près des doigts de la nymphe turquoise. Mais Smirtnoff ne la regarde pas.
Il fait quelques pas jusqu'à Cassiopée, le corps tout raidi et reconstruit d'une froide pesanteur.

Ainsi équipé il l'observe par-dessus, le menton penché vers elle et le regard dans l'ombre de son front. Il ne semble pas se soucier des deux autres, vis-à-vis de son attitude potentiellement dangeureuse.
Bien avant une quelconque réaction de leur part il a levé le bras d'un geste bref et agressif, qui a jeté la lame vierge à côté de Cassiopée. L'acier résonne et se tord sur sa courbe fluide, martelant le pavé, puis s'immoblilise et se tait.

-...

Smirtnoff, ensuite, s'en détourne et s'éloigne dans la nuit.

Smirtnoff s'en était allé dans les ruelles de Wilwarin. Un quartier bien moins sinistre que Galvorn. Ici les bras entrelacés des bâtisses se serrent de splendides poignées de main, solides et porteuses du ciel endormi.
Le vampire marche sans penser jusqu'à une parcelle de terre qui borde le vide nuageux. Le vent d'altitude, pur et frais, caresse l'herbe, et l'écorce d'un jeune arbre enraciné là, qui serre de ses doigts les limites balconnées de l'édifice.
Smirtnoff reste longuement debout à cet endroit, dans une sorte de non lieu de l'esprit, entre la ville, le coin terreux où se reposer et sa conscience gémissante dont il ne capte pas vraiment le message.

Finalement il fait quelques pas de plus et s'isntalle dos à l'arbre, placé face à l'étendu du monde d'en bas.
La nuit touche à sa fin et le monde, justement, va bientôt se réveiller. Le monde, mais la nature la première, avant tous les hommes.
Smirtnoff ferme les yeux de temps en temps, pour dormir, peut-être, pour penser, on ne sait pas trop. Son esprit est encore brumeux et parcouru d'images troubles.
Il s'agit de remettre de l'ordre là-dedans. Encore secoué de quelques sursauts du manteau noir de sa cervelle.
Cette fin de nuit paraît longue et peinible. Mais enfin, après une éternité d'agonie et de renaissance la membrane translucide finit par laisser voir les premiers rayons du soleil.
C'est violent. Il se laisse tomber de côté comme un sac à patate pour disparaître sous l'ombre de la bordure. IL s'attendait pas à ce que la lumière le tape dans la gueule comme ça. Enfin bon. Il s'en remet, finalement ça l'a un peu réveillé.
Après lente réflexion glandouillante il se glisse sur le ventre et sort son carnet de croquis.

Il griffonne le portrait de Cassiopée, telle qu'il la concevait hier soir dans son manteau d'étoiles.

Lorsque la lumière du jour devient trop forte, le vampire plie bagages vers des lieux plus ombragés. Les lieux de cultes sont parfois les plus frais et les plus tranquilles, il a pris l'habitude de se glisser dans les ombres des bâtisses aux effluves spirituelles. Il se moque autant de ces dernières qu'il les croient présentes. Il est sensible aux choses. Parfois ce sont des esprits et de vagues forces abstraites, de ces voix qu'on ne sait si elles viennent du fin fond du monde ou bien de sous la mince surface de notre peau, si proches, si communes.
Si il existe un lieu de culte sur Wilwarin, le vampire est allé s'y promener, se baigner dans le silence noir et secret des murs.
Au coin d'une arcade ombrée la silhouette sombre et douce de la solitude l'enveloppe sous une manche, puis sous l'autre. Elle pose ses doigts sur son front, transparents, délicats, ses cheveux de canelle trébuchent sur sa joue froide. Le menton sur son épaule. Elle s'affaisse sur lui mais elle est seulement légère. Son contact bien connu le rassure. Son coeur ralenti enfin.

Sa pensée, trace d'encre noire à l'eau, peut couler sur l'absence de papier, liberée de son corps. Et la trace avance, épuise le liquide, devient rugueuse et rape, mais, restant voluptueuse elle dessine la courbe de Cassiopée, l'ombre d'un sourcil, une pupille, un vague, un creux, une ondulation de cheveux.

La nuit avait été longue mais le levé du soleil semblait redonner des forces à Cassiopée. Celle-ci était toujours confuse, en proie à des sentiments contradictoires. Grendelor la tenait toujours contre elle, la berçant comme une enfant effrayée. Petit à petit, la dame étoilée se détachait de son ancre, pour ne finir qu'en lui laissant une main en gage de lien. La jeune femme était contente de voir que sa protégée allait mieux, sa peau avait repris quelques couleurs, mais ses yeux étaient toujours hantés par l'incompréhension.

Je voudrais savoir, Grendelor… Je voudrais savoir ce qu’il a fait et pourquoi… Si je ne le sais pas, je serai incapable de comprendre… Je serai incapable de savoir si je dois le rejeter… Pour le moment je ne le peux pas… Aide-moi…

La dame turquoise poussa un soupir. Bien sûr elle comprenait son besoin de savoir. Elle-même en aurait eu la nécessité. Mais...
Elle regarda la femme en face d'elle.

Je ne sais si c'est une bonne idée, mais je peux te conduire à lui. Car bien sûr, je ne peux moi-même rien expliquer, la connaissance que j'ai de ses idées n'est que fragmentaire et correspond à son état mental après ce qu'il s'est passé. Lui-même n'a pas l'air de bien savoir pourquoi il a eu ce geste... murmura-t-elle. Bref, je ne pourrais rien te dire et je pense que c'est avec lui que tu dois résoudre ce mystère. Mais est-ce raisonnable d'y aller maintenant? Tu es encore faible et surtout je m'inquiète de la réaction qu'il pourrait avoir. Je me vois mal te laisser avec lui... en même temps, je n'ai pas à savoir ce que vous vous dites.

Grendelor parlait doucement, hésitant parfois, réfléchissant à voix haute. Elle était inquiète, véritablement. Elle aurait bien cherché l'esprit du vampire mais elle avait bien trop peur de ne pas résister à son contact vu l'état de fatigue dans lequel elle était. Elle aurait l'air fine si jamais Smirtnoff était en état de folie furieuse et qu'elle se laissait dominer par ces émotions. Elle hésitait sur la démarche à suivre. Pour finir elle serra la main de Cassiopée en lui disant qu'elle seule pouvait décider de ce qu'elle voulait faire. Elle l'emmènerait où elle voudrait.

Smirtnoff avait ruminé longtemps avec sa compagne de silence. Seul le crissement du crayon rapide sur le papier avait troublé la pesanteur des lieux. Néanmoins les traits noirs sur l'ombre blanche ne l'avaient pas convaincus.
Au croisement d'un angle rapeux son crayon s'arrête, dubitatif. Son regard est posé sur les formes doublement, sans bouger, sans comprendre. Le silence est alors total pendant près d'une minute. Jusqu'à ce que de faibles pas résonnent entre les murs de la chapelle.

Le vampire se retourne, jette un coup d'oeil au coin de la colonne qui l'abrite de son ombre. Il l'a senti à l'avance, c'est un parfum de femmes. Cassiopée et Grendelor. Elles l'ont déjà retrouvé, mais il a traîné là combien de temps?-ARF-
Il se recolle dos à sa colonne, feignant d'être invisible, et écoute attentivement le déplacement de ces dames. Le seul souffle de Cassiopée suffit pour lui faire revenir tout son désarroi sur la tête. -badaboum- -heuuaïe-
Il demeure ainsi, avec son carnet ouvert sur la main, le crayon levé dans l'autre et le menton baissé sur la poitrine, sans montrer de réaction.

Dame Solitude avait été chassée par les petits pas des femmes. Elle laissa les épaules de Smirtnoff sous les rayons légers qui arrivaient.
Le silence avait tendance à lui affiner l'ouïe et les sens. Le son de sa voix lui arracha un sursaut.

Smirtnoff ? Que crains-tu ?

Un bourdonnement à ses oreilles. Chaque syllabe est douloureuse, une palpitation contre ses tempes. Que de désagréments sociaux pouvait causer cet organe auditif contrariant! Des détails infimes qui expliquent des choses flagrantes...
Mais pourquoi ses sens s'étaient-ils affûtés en cet instant?
Il se sentait peut-être en danger, effectivement. Pourquoi donc? C'est lui qui avait transpercé la femme innocente. Elle n'avait même pas pu envisagé cette réaction, tant celle-ci s'injustifiait.
Il n'avait pas de raison de la craindre.
Ou peut-être si. Elle avait de l'emprise sur lui. Il ne pouvait pas l'accepter. Il ne pouvait pas faire confiance, impossible de donner un peu de lui-même, les ruines de son château-fort s'étaient dressées contre ça.

Il avait eu cette réaction de violence pour défendre ses murailles. Refuser la confiance. Refuser de livrer ses faiblesses, qui servent pourtant à partager.
A présent les murs étaient fissurés. Le vent s'y infiltrait, autant que la lumière du jour, d'un ocre pulpeux et tendre. Voulait-il encore la solitude? Encore se murer dans son manoir de brumes, invulnérable et seul?
Les choses lui rappelaient bien qu'il ne pouvait s'appuyer eternellement sur les mêmes bases. Toujours changger, toujours bondir vers une autre pierre. Stagner n'était pas une possibilité. Sinon le souffle gras des marais venaient rapidement l'étouffer, briser tous ses appuis. Il l'avait vécu, l'absence de repos pour l'esprit. Des années durant. Il avait dû se débattre pour échapper au néant. Et il s'en était pas trop mal sorti, on lui avait donné un répit.

Ce répit avait pris fin. Il fallait de nouveau abattre les fondations et fouiller, remuer dans la boue et les cendres pour tirer des gorges de la terre une nouvelle tour de guet, puis une nouvelle demeure où s'abriter de la pluie et du soleil coupant.
Telle était la vie.

C'est cela que craignait Smirtnoff.

Dans l'ombre de sa pensée désordonnée il tourne le visage, observe les deux femmes trébuchantes. Pâles et claires. Que se passait-il dans leur demeure à elles? Craignaient-elles encore l'orage du soir et le vent de l'hiver?
Elles avaient sans doute compris quelque chose qu'il n'avait pas saisi encore.
Le nez dissimulé dans son col, le regard du vampire était noir, perdu dans les mèches de son front et de son embarras. Le ton de la voix de Cassiopée lui avait puremetn et simplement coupé la gorge de toute parole. Encore une fois. Son corps fonctionnait contre lui.
Mais il l'observait. Il essayait.

Le vampire s'aperçu qu'il avait déjà fait son choix... Ses épées n'étaient plus. La fuite lui était interdite. La mort ou la destruction n'étaient pas une option. Très bien. Il était temps de faire face donc.

La main fragile de Cassiopée s'échappa de lui comme un petit volatile parfumé, mais la sienne, gantée de noir attrapa la paume entre trois doigts, l'empêcha de voler plus loin. Un second mouvement et il tient le bras fermement, presque trop fort, violent dans la concision du geste. Il fait un pas vers elle tout en la tirant à lui, brusquement, ils sont presque collés l'un à l'autre, presque. Encore un muret de froideur pour barrer la route.
Smirtnoff a l'étreinte saccadée. Il regarde Cassiopée droit dans les yeux comme la veille, mais son regard est plus noir, plus agressif. Encore une attaque délibérée?

-clap-
Le carnet qui frappe le sol, entre les bottes du vampire. Le seul coup qui fit sursauter Cassiopée. Les deux mains libres, Smirtnoff lui serre toujours un bras, enveloppe l'autre épaule sous son gan.
Et puis, la pression relache la chair meurtrie de la femme, les doigts s'ouvrent, glissent le long de ses épaules comme une fourrure de chat, délicate, oxygénée, presque sans la toucher, les bras viennent l'entourer par le dos.
La tenant contre elle il la serre un peu plus, dépasse son regard pour venir poser le menton, tout doucement, contre son cou, le nez dans ses cheveux d'aube.
Quel soulagement.
Il ferme les yeux, effaçant Grendelor qui veille là.

La bouche pendante, le crieur bavait devant la vitrine de friandises. Au sens propre comme au sens figuré. Une montagne de guimauves lui faisait face, accolée à une forêt de sucettes. Plus loin sur l’étalage, des flots de bonbons tentaient de provoquer une crue. Ce débordement de délices laissait muet le Crieur. Qui devait pourtant crier.

- Je… miam. Des caramels mous… Oh! Les sucres d’orge de mon enfance!

Comme c’était parti, le Crieur n’était pas près d’annoncer quoi que ce soit. Trop subjugué par la kyrielle de sucreries toutes plus alléchantes les unes que les autres.

-Screugneugneu! Des bouchées en chocolat!!! Rhââ… je me meurs! J’ai faiiiim!!!

Le Crieur est un bonimenteur. Regardez-le, devant l’étalage, se tordre comme réduit au supplice, les mains crispées sur son ventre. Et vas-y que je t’en rajoute une couche.

- Je me meurs! Je me répands en lamentations! Mon dieu, ces sucreries n’ont aucun intérêt à mourir en vitrine, il leur faut un estomac complaisant pour s’épanouir! Le mien!!! J’ai faiiim!

Marseillais dans l’âme, ce colporteur? Bref. Il va la cracher sa valda! Je suis narrateur à mes heures, mais pas au service de ce fainéant de crieur. Hé hé… et oui.

-Mmmmh… j’en perd mes mots! J’ai faiiiim!

-Ouais bah fais ton boulot on en parlera APRES de tes problèmes d’estomac!

-Qui t’es toi? Demanda ahuri le Crieur.

-Ton narrateur. Qui te demande très amicalement de l’ouvrir, pour que lui puisse enfin la fermer et se reposer! Naméo.

-Hum… soit. Adieu, douce friandise de mes rêves… C’est le moment de vous annoncer qu’une aventure a débuté. Voilà.

-Ho!! C’tout? Tu fais la grève?

- Naaaaan… je boude. Et toc.

Sacrebleu. Un crieur gréviste. V’là la meilleure. Qu’a cela ne tienne. Moi aussi je compte. Après tout, c’est bien moi qui raconte l’histoire!! Je laisse donc notre crieur boudeur se faire envie devant la boutique, et j’en profite pour vous demander d’aller voir ce chef d'oeuvre. Imaginez-vous le temps passé pour une telle réalisation. Une aventure comme vous en avez rarement vu. Puisqu’elle est unique. Hop, hop, hop, on se bouge, et on admire.

-C’est bon je boude plus! Alors moi je vous encourage à aller poster des commentaires pour cette merveille… qui laisse sans voix. Lez'Arts. Je n’en dirais pas plus.

Ouf. Fini.

- Et le concours miss et mister Aelis!!! ALLEZ VOOOTEZ!!!!

Hep coco. J'aurais le dernier mot. Nouvelle de dernière minute qui fera plaisir à quelqu'un Ingrid Betancourt a été libérée!

Gourmandises et friandises. Mmmmhh... quel joli nom pour une boutique! Nahïs n'allait sûrement pas y résister, à ces tendres coulis de chocolat, ces fondants de caramel agrémentés d'une pointe de cannelle, ces crêpes made in Bretagne, importées en Ter Aelis au vu de leur renommée, et...

-J'en veux pas.

... ???

-J'en veux pas. Cherche pas. Me cherche pas.

Ok. Nahïs boudait.

Oui, je boude. Et alors? Mon mentor a disparu...

S'asseyant lourdement devant la devanture, la miss croisa les bras, et attendit.