A la découverte de Telek-F'ator [Expédition publique]

Telek-F'ator... La contrée oubliée. C'était un matin de brouillard que Cocoon se trouvait là, debout face aux eaux infinies de la mer Aelissienne. Respirant l'odeur marquée d'iode et de feux de cheminée à peine refroidis par la nuit, il fixait la coque du navire face à lui.

"L'imperturbable".

Fier bateau mouillant tranquillement au port, il n'attendait plus que ses passagers pour prendre le large. Ce vieux gréement en avait connu des aventures, il portait encore les marques de ses voyages. Coque rafistolée, eraflures de toutes tailles et de tous genres, on ne l'aurait pas dit de premier abord, mais pourtant ce tas de bois était encore largement capable de flotter. Les lourdes planches de chêne tenaient encore bon, et ne semblaient pas prêtes à rendre l'âme de sitôt.

L'homme regardit l'esquif d'un air satisfait, la moitié basse du visage masquée par une écharpe.

-Le vieux, il n'y a que ça de vrai...

*Et c'est lui seul qui passera la frontière* Murmura une voix intérieure.

Montant par une planche sur le pont, il explora rapidement les lieux et posa son sac ainsi que quelques affaires de navigation dans la cabine de pilotage. Il y faudrait se pousser un peu pour dormir, mais tout le monde devrait tenir dans le bateau.

Ne restait plus qu'à attendre les autres.

-Espérons qu'ils ne tarderont pas. Soupira Cocoon dans le silence de la brume matinale.

*La mort, elle n'est jamais en retard* Compléta dans son esprit la voix féminine et éthérée.

Laissant ses yeux trainer sur le port, il attendait ceux qui répondraient à l'appel.Ayant laissé la rumeur de ce voyage trainer un peu partout, plusieurs aventuriers se transmettaient l'information. Aux plus courageux aelissiens était proposé de partir explorer le continent perdu, Telek-F'anor. Terre aux milles dangers, les seules récompenses promises étaient ce qui serait trouvé là-bas, GDI (Gold and Death Included).

L'annonce du départ était pour aujourd'hui, et il espérait ne pas partir seul, après tout, l'aventure n'est trépidante que lorsqu'elle est partagée.

Notfallspür n'avait pas beaucoup d'amis dans les Cités de Ter Aelis. Mais s'il en avait qui, parmi une poignée, recevait sa parfaite confiance, c'était bien Axel "Le Lombard". Celui-ci, arrivée à Belthil à la même époque que le gobelin était un voyageur originaire des lointaines contrées septentrionales, au delà des chaînes de montagnes qu'on qualifiaient souvent d'infranchissables.

Ce son périple, Axel avait ramené un tempérament froid de prime abord, pour qui ne le connaissait pas vraiment, mais aussi une quantité faramineuse de récits et de légendes, glanée au fil des ans et des pays qu'il traversait.

Et de ces mythes, tous plus fabuleux les uns que les autres, il y en avait un tout particulièrement qui avait attiré l'attention de Notfallspür : celui d'un ancien continent oublié, une île sauvage où aurait vécu une civilisation ancestrale, mère de toutes les merveilles d'Aelis.

Telek F'ator.

Axel avait évoqué les mystères de cet endroit oublié. Là auraient vécu plusieurs peuples aujourd'hui disparus. Ils vivaient en paix dans ce havre, certains maîtrisant le pouvoir mystique des arcanes, d'autres les forces primales de la nature et d'autres encore le feu des étoiles, la technologie la plus puissante et la plus avancée que le Monde avait connu. Tous vivaient en harmonie avec leur savoirs et leurs compétences complémentaires.

Jusqu'au jour où...

Nul ne sut jamais ce qu'il advint de cette île, mais à un moment de leur histoire, les peuples furent confrontés à un "phénomène", une intervention divine, ou un puissance telle, qu'elle anéantit des siècles de prospérité. Les peuples quittèrent leur continent paradisiaque et essaimèrent aux quatre coins du monde, donnant vie aux nations et aux races actuelles.

Là bas, quelque part, le mythe existait toujours. Dans les ruines d'antiques cités, dans les cercles de pouvoirs et les esprits des forêts, demeuraient les traces et les trésors de ces ancêtres d'Aelis.

Lorsque Notfallspür écoutait ces légendes, les oreilles bien dressées, enregistrant le moindre détail, il s'imaginait tant et tant de merveilles que celà finit par accaparer toute son attention.

Des mois durant il se rendit au cabinet de géographie, cet étrange alcôve poussiéreuse au sein de la Bibliothèque de Wilwarin. Là il étudia les vieux tomes de géographie, les comptes rendus d'exploration maritime, la cartographie antique, à la recherche d'indices qui lui permettrait de retrouver la trace du continent mystérieux.

Jusqu'au jour où il découvrit enfin les relevés d'une île répertoriée quatre cent ans plus tôt, à plusieurs semaines de navigation à l'Ouest de Galvorn. Les premiers explorateurs de l'époque n'y avait passé que quelques jours, tentant de faire des relevés du contour du littoral, visitant les paysages sauvages à proximité des côtes.

Une note du capitaine, simple annotation sur une marge du livre de bord, donna à Notffalspür la certitude d'avoir trouver ce qu'il cherchait :

"présence de ruines anciennes et abandonnées depuis des âges"

Les semaines qui suivirent furent parmi les plus extatiques de sa courte vie à Belthil. Il parvint à réunir en secret différents dignitaires, il fit jouer ses relations et parvint à convaincre l'administration de Wilwarin de faire affréter un navire pour mettre en place cette nouvelle expédition.

Si les légendes disaient vraies, alors les découvertes scientifiques et les trésors invraisemblables qui devaient encore se trouver sur cette île, couvriraient allègrement le coût d'une telle expédition. Sans compter sur le retentissement que celà aurait dans tout Ter Aelis.

Dans sa précipitation, il fut fort dommageable que Notffallspür ne releva cette autre émargement dans le cahier du capitaine de l'époque :

"présence d'artéfacts dangereux et de manifestations surnaturelles. Conseillons fortement à la Compagnie des Mers et Océans de ne pas ouvrir de voie maritime vers cet endroit maudit. Perte du quart de l'équipage en moins de cinq jours attaqué par des animaux et Monstres en quantité ainsi que par des Phénomènes maléfiques et des machines étranges"

Fort dommageable en effet, car tout ce qui allait suivre aurait pu bien mieux se dérouler.

Mike avait tout d'abord glané la rumeur d'un voyage dangereux et risqué, par une vieille femme pleine de compassion qui n'hésitait pas à venir le trouver afin de lui dévoiler où se cachait les ennemis du Culte. Par la suite, cela était revenu sur le tapis alors qu'il arrangeait une petite frappe dans une ruelle dans le but, non caché, d'obtenir des informations. Curieux que ce sujet refasse surface, Mike s'était enquis à obtenir de plus amples détails. Il eut la date et le lieu du départ, fixés deux jours plus tard, mais ce ne fut pas tout. L'homme qui avait subi son interrogatoire lui dévoila qu'il avait appris d'un ami, qui lui même l'avait entendu d'un autre et que ce dernier connaissait quelqu'un qui travaillait au port, avait écouté une conversation entre l'armateur et l'homme étant la source de l'expédition. Celle-ci aurait traité de sombres menaces et de terribles monstres vivant depuis des temps perdus sur cette île, que les marins disaient maudite. Intrigué par cela, Mike se dit que cette excursion serait un bon moyen d'éprouver sa foi. Que ce n'était que face à la mort qu'on pouvait connaître son véritable amour en l'Unique.

Désireux de partir, mais soucieux de la hiérarchie il alla voir son Primat, qui lui refusa de s'en aller, sous les raisons "d'effectifs bien douteux, souvent ne pensant qu'à manger ou détruire à force d'inventions explosives". Ce n'était pas dans les habitudes du Fremen de désobéir à un ordre, mais exceptionnellement il le fit. Ce fut une décision difficile à prendre et il savait qu'il devrait en assumer toutes les conséquences s'il s'en sortait vivant. Vouloir se confronter à un ennemi qui faisait fuir les plus intrépides marins d'Aelis depuis... - depuis quand d'ailleurs ? - l'obnubilait. Il mit ses maigres biens dans un baluchon mais dû laisser de côté sa robe, qui aurait été tapageuse à porter pour son périple et ne symbolisant que trop son appartenance au Culte ; alors qu'il devrait certainement traverser des lieux où un serviteur de l'Unique voyageant seul se ferait vite pendre bien haut. Cela était, certes, légèrement en contradiction avec son désir d'affronter moultes ennemis et les terrasser mais il ne s'en soucia pas. Et de fait, il prit en remplacement sa vieille cape de voyage de couleur brune à capuche.

Deux jours plus tard, il était devant le navire qui accueillerait les membres de l'expédition. Il en avait vu certains en meilleur état et en avait vu d'autres en de pire. Cela fera l'affaire.
Il emprunta la passerelle et monta à bord du bateau.

Jarwill, longtemps resté tapis dans son atelier, entendait en ces jours une rumeur résonner dans les rues. Expédition ... Port ... Bateau ... Lointain ... Mais ces mots alléchants n'étaient rien à coté du dernier. Telek F'ator. Il n'avait jamais entendu ce nom auparavant et pourtant il fit écho dans son esprit.

"Et si ..."

Jarwill n'étant pas né à Ter Aelis, il a toujours voulu courir au delà des murs de la cité et de respirer un nouvel air. Même s'il n'aime pas le poisson et l'odeur salée de la mer, l'idée de partir vagabonde en lui et reviens sans cesse au même point :

- J'y vais.

Réveillé en sursaut, il courra chercher un sac en toile et y fourra vêtements et vivres en vitesse. L'excitation montait en lui. Des images d'immenses forêts, de rivages infini, de terre asséchées sautaient à ses yeux. Après un moment de silence et de calme face à son sac, il porta son regard sur la gauche du paquetage.

- Bien sur que je t’emmène !

Sur la commode était posé, sur un tissu aux couleurs de braise, une dague à la courbure élancée. Cette dague avait son tranchant de la concavité fait d'un matériau translucide. Nul, même pas lui, ne savait de quoi était fait ce tranchant.

Quelques heures plus tard, l'odeur de la mer envahissant son nez annonçait une excellente à Jarwill : il allait partir

Adossé à la charpente pentue du clocher, Notfallspür consultait une énième fois les notes qu'il avait jadis recueilli de la bouche de son ami humain.

Citation :: L'Ire des Dieux très Anciens, extrait des Légendes d'outre-Aelis par Axel Le Lombard, dit l'Orfèvre.

A une époque où ni les hommes ni les elfes, ni aucune des autres races n'était encore debout, vivaient au coeur du Monde, sur une île centrale siégeant au milieu des mers et des brumes, les Dieux Très Anciens. Ces premiers nés du Monde étaient dotés d'un sagesse et de pouvoirs sans commune mesure avec le commun des mortels.

Cependant ils vivaient en harmonie avec ceux-ci, partageant le Monde et ses richesses et s'entraidant à l'occasion.

Il existait trois tribus en ces temps anciens :

Les chtoniens, trapus, bourrus mais travailleurs. Attachés à la Terre, ils connaissaient les secrets du feu et du métal, et en alliant les deux, ils honoraient les Dieux en leur érigeant des idoles et en leur offrant des bijoux sertis de joyaux tirés des profondeurs. Pour les récompenser, les Dieux leur offrirent les plans de machines incroyables, capables d'excaver encore plus de richesses et de construire toujours plus d'outils.

Les séléniens quant à eux vivaient en retrait des autres peuples. Il leur fut donner le pouvoir mystique de se déplacer par leur propre volonté de la Terre au Ciel, où ils résidaient habituellement dans de gigantesques cités flottantes, bien plus vastes que Belthil ou le Colisée Céleste. Ils se tournaient naturellement vers les choses de l'esprit, ne vivant que pour mieux maîtriser et exploiter leur dons. Ils entretenaient une relation privilégiée avec les Dieux Très Anciens, puisqu'ils partageaient avec ceux-ci leurs découvertes magiques et les milles façons de se servir des pouvoirs mystiques. En échange les Dieux leurs offraient des cristaux de pouvoirs, dans lesquels il était possible d'enfermer la puissance mystique afin de catalyser ou diriger leur capacité psioniques.

Les animistes par contre vivaient dans les forêts et près des côtes, en parfaite symbiose avec la Nature. Ils avaient appris à tirer profit de chaque chose vivante, de chaque créature. Ainsi ils connaissaient les secrets des plantes et des coraux, savaient domestiquer les animaux, et parler aux esprits primordiaux. Ils se soignaient et se nourrissaient grâce à ces connaissances et offraient aux Dieux les préparations de fruits et de poissons les plus raffinés, mais aussi le bétail nécessaires.

Chacune de ces races se connaissaient et se respectaient mutuellement selon la volonté de leur Dieux communs. Ils échangeaient entre eux les fruits de leur pouvoirs et participaient ensemble à la construction des temples et des Cités Ouvertes, ces lieux d'échange où ils venaient souvent en pèlerinage.

De ces temps anciens ne reste aujourd'hui plus que le souvenir d'un monde où ma paix et l'harmonie était règle, un monde qui ne connaissait ni la guerre, ni la cupidité.

De ce monde enseveli par les millénaires, demeurent encore quelques traces dans les ruines les plus reculées ou dans les esprits primordiaux, qui se terrent ou hantent certains lieux. Les créatures de cette époque lointaine ont pratiquement toutes disparues. Celles qui ont survécu sont devenues folles, corrompues par une force démoniaque.

Une force qui a parcouru l'Univers et a dévasté l'Ancien Monde. Qui a brisé l'île des Dieux et des premiers nés pour engendrer le Chaos et les races actuelles.

Cependant les Dieux Très Anciens, avant de mourir, laissèrent derrière eux un héritage de haine et de colère dirigé contre leurs agresseurs et leurs descendance. Cette Ire, cette vengeance, attend patiemment qu'on la réveille afin qu'à son tour elle vienne dévaster le monde. Nul ne sait ce que les Dieux Très Anciens ont disséminé et enfoui, et à peine se souvient-on à quel point ils étaient puissants.

Des objets de pouvoirs, des machines fabuleuses, des forces mystiques et des esprits puissants. Le gobelin repensait à sa prime jeunesse, lorsqu'il avait du fuir la forêt qui l'avait vu naître. Il se souvenait de ces jeunes années passées à explorer le continent, les volcans, les forêts. Il se souvenait avoir découvert ce temple mystérieux, désormais connu de lui seul. Il se souvenait des étranges bas-reliefs qu'il avait longuement étudiés.

A présent tout prenait son sens.

Il lui fallait découvrir cette île où avaient séjournées des créatures grandioses. Il lui fallait acquérir ces antiques sagesses.

Il prit donc la décision de se joindre à l'équipage, malgré les affaires courantes qui auraient du le retenir en ville. Tant pis pour le Journal et les tracas administratifs habituels, les secrétaires et les attachés aux bibliothèques s'en chargeraient très bien durant son absence. Et après tout, quelque part il se fichait pas mal de l'avis de la plupart de ses concitoyens !

L'homme attendait, assis sur le bord du bateau. Les jambes pendantes dans le vide, le corps emmitouflé par un grand manteau d'un noir aux lueurs argentées, presque pluie. Les oiseaux du port criaient à tout va, cherchant à se nourrir de quelque restes de poissons, rapidement chassés par les marins tenant au fruit de leur travail en mer.

Les yeux dans le vague, il songeait. Cocoon rêvait à ces contrées oubliées, cette terre qui l'appelait depuis des semaines déjà, et qui lui tardait de rejoindre. Mais n'était-ce pas folie ?

Nombreux furent ceux qui restèrent interdits parmi les siens le jour de son départ, le jour où il leur annonça qu'il irait rejoindre Telek-F'ator. Qu'il comptait rejoindre le coeur de son royaume, et il n'eut même pas à faire l'effort de finir sa phrase que déjà l'assistance le méprisait du regard. Tous savaient ce qui attendait le fou s'aventurant sur ce sol maudit. Mort, douleur, terreur, une lente agonie de l'âme comme du corps étaient promise à ceux-là qui venaient défier ce que le temps lui même avait finit par abandonner.

Certains pleurèrent en avance la perte d'un des leurs, d'autres se moquèrent ouvertement, mais beaucoup gardaient le silence. Car ils savent. Ils savent tous ce qui se terre là-bas, la pourriture latente qui se nourrit des égarés, les légions de pièges et de créatures blasphématoires rodant dans les environs. Qui sait ce qui y vit désormais ? Ce qu'est devenue l'ancienne gloire du monde ?

Les Dieux maudirent cette région à cause d'un mal méconnue, mais si les hommes ont la mémoire courte, les dieux, eux, sont extrêmement rancuniers.

Ainsi le départ de Cocoon pour Ter Aelis fut prit comme un suicide par les siens, et pourtant...

Tripotant machinalement son médaillon, cristal d'émeraude, de saphir, cerclé d'or et d'argent, sorte de montre éventrée aux traits de monde sans réelle forme. L'objet, pendant autour de son cou, avait un relief et une épaisseur assez prononcée, et ses couleurs semblaient passer sur la pierrerie comme des nuages dans un ciel venteux.

Les longs cheveux noirs de l'homme semblaient garder avec eux une partie de la nuit qui venait de s'achever, coulant sur son dos comme pour mieux fuir le soleil, désireux de se couler dans le sol. Ses mains, gantées de mitaines de cuir usé, avaient l'habitude de l'aventure comme des arcanes, et en portait même quelques traces.

Lorsque son esprit revint du pays des pensées, quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il vit quelqu'un monter sur le pont, aux traits visiblement bronzés et aux yeux sentant le sable. Il venait probablement d'un pays chaud. Même si ses vêtements ne le distinguaient pas d'un autre aelissien, il paraissait évident que le nouveau venu n'était pas un "natif".

Fixant ce nouveau compagnon, il abaissa son écharpe, laissant voir des traits fins, presque hermaphrodites, car à dominante néanmoins masculine. Ses propres yeux virèrent au cyan pâle quand il observa celui qui lui faisait face, et Cocoon prit la parole tout en tendant une main solide et amicale:

-Paix sur toi et ton peuple, tu viens pour l'expédition vers l'ouest, j'imagine ? Je suis Cocoon.

- Paix sur toi et ton peuple, tu viens pour l'expédition vers l'ouest, j'imagine ? Je suis Cocoon.

Mike nota immédiatement le changement de couleur des yeux de Cocoon. Vint alors le point fatidique, auquel il avait travaillé pendant deux jours. Les allanthropes et autres non humains. Comment réagir avec eux alors qu'il ne pouvait supporter leur présence ? De sorte que Mike avait pris des bains de foules, pendant les deux jours qui le séparaient du départ, au milieu de ceux-ci afin de s'y habituer. Il allait devoir jouer un double jeu, afin de cacher son appartenance au Culte et sa haine des non humains. Mais ce Cocoon était-il un humain ou non ? Lui même avait des yeux bleus sur fond bleu et était tout à fait membre de cette race. Alors, il serra cette main tendue.

- En effet, je viens pour ceci. Je me nomme Mike. Apparemment je suis le premier arrivé.

A la découverte de Telek-F'ator [Expédition publique] Maelunpe

Le rat vola. Un vol rapide et violent qui lui extirpa un cri strident.
« Fous le camp de là ! C’est ma place. »
Maelun était fatigué. Il avait la tête encore branlante des beuveries de la nuit. Mais il aimait l’abus. Et il avait bu. Bu pour oublier. Pour oublier que la vie était chienne. Et il n’aimait pas les rats.
Les vapeurs de l’alcool ingurgité le conduisaient toujours vers des vices ou la luxure lui gonflait longtemps les lèvres. Il avait débordé sans retenue mais n’en avait aucun remord. Tout ceci n’était que juste revanche. Il voulait ne plus avoir à penser.

Ce matin, il avait signé. Un geste obscène pour lui.
Et maintenant, il était là, en train pisser de l’eau-de-vie sur un quai quasiment désert devant un rafiot qui n’en était pas vraiment un.

Les seuls souvenirs qu’il avait étaient les yeux torves du Capitaine qui lui avait promis des souterrains remplis de trésors fabuleux au milieu d’une jungle fantastique en l’arrosant de marc de Sul Nar. La goutte avait eu raison de ses doutes et Maelun l’avait écouté lui conter le chant des sirènes en imaginant sa propre épopée.

Il remit sa besace sur l’épaule et s’avança sur la passerelle en quête de la silhouette tordue de son embaucheur.

Il faisait froid aux abords de la mer. Jarwill était emmitouflé dans une longue écharpe blanche mais peinait à trouver de la chaleur. Son sac était plein d’habits chauds mais il avait hâte de gagner le bateau.
Les mâts enficelés se dessinaient par dessus les maisons de bois blanc et semblaient caresser le soleil.

- Mais comment ils font les marins pour supporter ces piafs ...

Les mouettes riaient en le voyant monter sur le ponton du port, comme si un citadin ne pouvait pas prendre le large. Jarwill en tout cas le voulait, non pas par obligation pour gagner quelques pièces mais pour gagner la richesse de nouvelles terres.

Tout en serrant la main tendue, le nouveau venu se présenta à son tour.

- En effet, je viens pour ceci. Je me nomme Mike. Apparemment je suis le premier arrivé.

-En effet, répliqua le capitaine du vaisseau, Nous attendrons jusqu'à midi que d'autres viennent au rendez vous, puis nous mettrons les voiles, je ne tiens pas à rester moisir ici trop longtemps.

Il guida Mike sur le bateau, après une rapide visite du pont, ils passèrent par un étroit petit escalier afin d'inspecter l'intérieur du monstre d'un autre âge. Une odeur forte de rhum, de tabac et de vieux bois planait autour d'eux. On entendait les poutres grincer au rythme des vagues soulevant le navire. Il n'y avait que trois "chambres" à disposition, une chambre pour le capitaine, une pour d'éventuelles invitées, et le dortoir, pour le reste de l'équipage. Ici, on naviguait à la vieille école, et si la répartition des places pouvait sembler injuste, il faudrait bien s'y adapter.

Les cales, elles, contenaient assez de vivres pour le voyage qui était sensé durer trois jours, quatre tout au plus. Mike put remarquer que certaines cales semblaient verrouillées plus que nécessaire, mais Cocoon sembla les ignorer, pour le moment. Ce qui était sur, était qu'il valait mieux se méfier, impression ~~peut-être~~ sûrement par les signes de mort peints au rouge, les "DEFENSE D'OUVRIR" et quelques signes obscurs ne laissant rien présager de bon. Un tel étalage d'avertissements semblait totalement décalé par rapport au reste de l'endroit, le rouge criard dont était faite la peinture pour tracer ces signes y aidait beaucoup à vrai dire.

Après cette courte visite, le capitaine du vaisseau parla d'un ton joyeux, ses yeux prenant une chatoyante couleur vert d'herbe.

-Bon, et bien mon ami, je vous laisse le choix, soit vous prenez le dortoir, comme surement plusieurs autres le feront, soit vous prenez la chambre des dames, au risque de paraître pour un privilégié, un opportuniste, ou un sexiste averti. Les chambres sont vides pour le moment, vous avez le choix, mais je dégage toute responsabilité quant à ce qui arrivera à votre personne pendant le voyage, noyades, coups de couteaux,étranglements ou bizutages humiliants.

Suite à ce petit discours il partit d'un grand éclat de rire, tout en marchant vers la sortie, laissant quelques secondes Mike seul dans le couloir. Son rire était teinté de féminisme, d'une voix presque enfantine, qui troublait généralement ceux qui pouvaient l'entendre sur l'âge et le sexe de Cocoon, mais il ne s'en souciait jamais. Les autres... c'est tellement surfait !

Tout en remontant les marches pour retrouver le pont, sa voix parvint encore à Mike avant de quitter l'intérieur du bateau :

-Je vous laisse vous installer, prenez votre temps, nous avons jusqu'à midi et il n'y a rien à faire sur cette vieille coque de noix avant l'arrivée de tout les convives ! Faites comme chez vous !

En traversant le pont, il entendit quelques gémissements dans la brume du matin, un bruit de fontaine ? Non, visiblement, quelqu'un urinait près de son bijou, comment osait-il ?! Après réflexion, il songea que le visage pâteux et semi-endormi de cet homme lui rappelait étrangement ...MAELUN !!! Mais oui !!!

Il eut un rire intérieur tellement fort et sournois qu'on aurait presque put l'entendre publiquement. Maelun... Ce cher Maelun...

Un peu plus tôt, dans la soirée de la veille, il avait eut comme idée d'aller visiter les tavernes locales, pour trouver quelques candidats pour partir avec lui à l'aventure. Répandre la rumeur d'un voyage était une chose, avoir l'accord signé par un homme, avec ou sans consentement, en était une autre. Il se décida donc à passer de taverne en taverne, saoulant les pauvres hommes afin de leur faire miroiter montagnes d'or et de vierges à conquérir.

C'était une technique triviale, peu subtile, mais pourtant ô combien payante ! Ainsi donc, il avait trouvé Maelun, un converti à la luxure, gisant entre trois pintes de pisse-de-rat (surnom affectueux qu'il donnait aux breuvages du port) et deux dames de compagnie. Elles le regardaient comme un bourgeois bouffi regarde une cuisse de porc fumé. Et ses trois bourses (2+1) étaient certainement ce qui lui valait cet intérêt soudain de la part des employées de ce trou puant.

Décidant de le sauver généreusement de son lamentable état, il fit signe aux prostituées d'aller voir ailleurs, et prit place auprès de sa future victime.

-Bonsoir Maelun (il avait entendu les femmes roucouler ce prénom), je me présente, Cocoon, capitaine de mon état. Je vois que tu aimes la bière et les femmes, alors laisse moi t'apporter les deux...

Claquant des doigts, il fit apporter une pinte pleine et prit discrètement une pinte vide dans sa main. L'ivrogne ne se rendrait pas compte de la supercherie. Trinquant à sa santé, il fit mine de boire de l'air alors que l'homme se rafraichissait le gosier sans aucune mise en scène.

Une fois les pintes posées sur la table, Cocoon reprit.

-Alors, je suis venu te voir car j'ai une offre pour toi, une offre que tu ne pourras pas refuser. Je compte partir demain matin pour une contrée oubliée et pleine de dangers. J'imagine que cela ne te fais pas peur, le danger ?

(Nouvelle rasade de bière agrémentée de grognements tant virils qu'affirmatifs)

-Bien, ce que je te propose, c'est de venir avec moi et d'autres compagnons pour "explorer" cette terre. On raconte qu'elle est très dangereuse, mais aussi qu'elle est truffée de tas d'or cachés dans d'anciens bâtiments. Ils seraient sûrement bien gardés, mais c'est pour une bonne raison, tu ne penses pas ?

(hochement de tête de Maelun)

-Sauf qu'on m'a dit aussi qu'une expédition y a déjà été envoyée, avec plein de vierges en guise de présent pacifiste pour les autochtones, mais qu'elle n'est jamais revenue. DONC, si tu suis mon raisonnement, on pourra trouver là-bas de l'or en masse, ET de nombreuses vierges. Et vu comment tu attires ces "dames" ici, je te laisse imaginer ce que ces charmantes vierges seraient prêtes à faire pour toi en "remerciement" de tes actes héroïques...

Il laissa la phrase en suspend, le regard entendu et le rictus quasi pervers.
Un rire gras s'échappa des deux protagonistes, l'affaire semblait entendue.

-La seule chose qu'il me faudrait, pour officialiser notre accord, serait juste une petite signature sur ces deux contrats, afin de garantir qu'on se retrouve demain au port, mais ce contrat dit aussi que tu auras droit de prendre là-bas ce que tu trouveras, vierges et or inclus. C'est d'accord ? Juste deux petites signatures, juste en bas, ici !

Tendant les papiers et un stylo, Cocoon regardait Maelun signer son propre destin avec un plaisir et des yeux quasi démoniaques. On aurait presque put voir des crocs lorsqu'il sourit jusqu'aux oreilles, fixant la lente main griffonnant le papier.

A peine les signatures étaient-elles apposées qu'il prit son exemplaire, et s'en alla sans demander autre chose.

Le lendemain, Maelun était là, complètement abattu par l'alcool, mais il était là. Comme quoi, la méthode payait... Afin de "réveiller" un peu ce nouveau compagnon, il se dirigea précipitamment vers les cales, où se trouvaient les canons, et se plaça devant celui où urinait Maelun. Ouvrant violemment la fenêtre de bois cachant l'artillerie, il hurla à travers l'orifice, tout en sortant le bout de l'engin pour bien faire apparaître la menace, pile en face du nouvel arrivant.

-JVAIS T'APPRENDRE A PISSER SUR MON RAFIOT TOI ! BOUGE PAS QUE J'AI LE TEMPS DE FAIRE FLAMBER LA POUDRE !

Si il avait vraiment eu l'intention de tirer, Maelun n'aurait rien put esquiver, mais il n'était pas sensé savoir que le canon n'était pas chargé, surtout dans son état...

Son long manteau la protégeait du vent. Le vêtement marron était chaud. Emmitoufflée ainsi dans sa laine, Idrial regardait quelques passagers monter à bord du vaisseau qui allait les conduire en terres oubliées.
Elle avait décidé de se joindre à eux. Les dieux seuls savaient à quel point elle était impulsive et changeante, surtout depuis que la Nymphe avait posée sa marque sur elle.
L'elfe était passée si près la mort...Enfin, elle l'avait effleurée et senti son contact froid. Le cadeau que Cassiopée lui avait fait, elle ne pourrait jamais l'en remercier tant qu'elle l'aurait pas, elle aussi, l'occasion de lui sauver la vie. Elle priait pour qu'elle n'ait jamais à le faire quoiqu'il arrive mais avec cette guerre qui se profilait...Les choses pouvaient bien mal tourner.

Elle mit le pied sur le ponton et s'engagea sur le bateau. Elle doutait d'être bien accueillie sur ce rafiot en tant que membre du sexe féminin mais elle ne s'en fichait.

- JVAIS T'APPRENDRE A PISSER SUR MON RAFIOT TOI ! BOUGE PAS QUE J'AI LE TEMPS DE FAIRE FLAMBER LA POUDRE !

Elle blêmit. Le voyage ne serait sûrement pas des plus agréable au milieu de ces saoulards puant le rhum. Elle espérait toutefois que l'expédition avait attiré un autre genre de personnage.

Le vent soufflait sur son visage quand un cri attira son attention :

- JVAIS T'APPRENDRE A PISSER SUR MON RAFIOT TOI ! BOUGE PAS QUE J'AI LE TEMPS DE FAIRE FLAMBER LA POUDRE !

Il tourna la tête en direction du bateau d'où venait la voix et repéra la passerelle pour monter à bord. Il aperçu une personne cachée par un long manteau de laine. Était-ce le capitaine du "rafiot" recherché par Jarwill ?

Il passa sur la longue planche de bois et gagna le bord du navire. Il monta sur le pont et se planta à coté de la silhouette brune, sans tourner la tête.

- Est-ce bien ici pour l'expédition ?

LE sac chargé de clubs de golf et de son attirail habituel, le gobelin traversait d'un bon pas les remugnles de Galvorn aussi bien que sa foule bigarrée et dégénérée.

POUAH ! qu'il détestait cet endroit. Et pourtant il s'y sentait comme chez lui, parmi les rebuts et la vilénie qu'avait engendrés l'intolérable arrogance d'Aelis. Les puissants, les cupides, les vicieux encapuchonnées dans leurs broderies ou engoncée dans leurs armures dorées, tout ce qui constituait l'élite des bien pensants et de l'élite, qu'ils soient mages, prélats, dragons déguisés ou semi-dieux condescendants, tous ceux-là avaient enfanté la lie de Galvorn, du haut de leurs tours et de leurs palais, déversant sur le monde leur concupiscence.

Même s'il était habituellement juché au sommet du somptueux clocher de la Cathédrale de l'Unique, et qu'il fréquentait la plupart du temps la bourgeoisie aélissienne qui l'avait finalement presque supporté plus qu'accepté, Nottfallspür n'en oubliait pas ses origines et son passé.

Mais aujourd'hui, sous le soleil de midi, à l'heure où les derniers soulards croisaient les premiers défroqués, le gobelin avançait de bonne allure sur les pavés crasseux du port. Il allait embarqué sur le seul navire que l'Académie avait pu armer pour le compte de l'expédition. Comme personne à Wilwarin n'avait la moindre confiance en les ressortissants de Galvorn, ce fut avec plaisir que les instances dirigeantes confièrent au seul volontaire la délicate mission de veiller à leurs intérêts.

Une fois empochées les lettres de changes, et fait son paquetage, Notfallspür s'apprêta à monter à bord.

Il trottina donc sur la mince planche qui servait de passerelle sans prêter attention aux matelots qui s'échinaient sur le quai, et encore moins aux quelques humains et elfes qui se prélassaient sur le pont.

Une fois parvenu à bord, il déposa son sac de golf au pied d'un mât (mais néanmoins à portée de vue). Il se délassa un moment pour reprendre son souffle et s'étira pour faire craquer ses articulations mises à mal par sa longue marche matinale.

"Et bien ! en voilà des manières ! Qu'est-ce qu'ils ont tous ses grands dadais à se reluquer les uns les autres, tous autant emmitouflés dans leurs longues guenilles alors qu'on crève de chaud sous ce soleil estival ! HEY ! faut vous détendre les gens ! vous passerez jamais le méridien si vous restez suer là dessous... à moins que vous ne soyez tous trop chic pour vous dévêtir ! Pédants !"

Assez content de son petit effet rhétorique, le gobelin, sauta lestement sur le bastingage proche, s'agrippa au grément.

Il eut un sourire satisfait à l'encontre du capitaine et lui tendit à la volée l'ordre de mission, soigneusement rédigée sur un beau vélin enroulé et scellé aux armoiries de Wilwarin.

"Tiens c'est pour toi ça ! Il y a tout écrit ce qu'on a besoin et ce qu'il faut faire une fois parvenu à destination. En attendant..."

... et au gobelin de sautiller agilement vers le mât, d'empoigner son sac et de grimper plus vite que personne ne l'en aurait cru capable vers le sommet.

"... si on me cherche, je suis à la vigie !"

-JVAIS T'APPRENDRE A PISSER SUR MON RAFIOT TOI ! BOUGE PAS QUE J'AI LE TEMPS DE FAIRE FLAMBER LA POUDRE !

Comme saisi par le col, Maelun s’arrêta net. Il resta sans bouger, le corps légèrement penché en avant et le pied posé sur la passerelle. De l’œil, il cherchait l’origine de l’agression verbale qui lui chatouillait les narines mais ne l’inquiétait pas outre mesure. Il avait trop roulé sa bosse auprès de malfrats de toutes sortes pour savoir qu’un individu désirant réellement agir ne prévenait pas.
Il avait reconnu la voix éraillée et gutturale du triste Sire qui l’avait conduit à se retrouver la tête dans le cul et les pensées chiffonnées.

Les lèvres serrées, il s’apprêtait à tenter une réponse quand un drôle de gnome vert, attifé d’un immense sac presque plus grand que lui et rempli de clubs de golf, se précipita sur la passerelle. Sa démarche dynamique et son envolée encombrante dégagea l’espace autour de lui et Maelun en profita pour monter dans sa foulée.

Il n’appréciait pas particulièrement la race gobeline souvent menteuse, voleuse et perverse, mais celui-ci avait une manière tellement désinvolte de s’adresser au capitaine du rafiot qu’il aurait souri s’il n’avait eu tant mal au crâne. Il n’eut même pas l’envie de lever les yeux vers le gobelin qui s’envolait dans les vergues comme un singe pendu à sa liane.

Maelun s’était placé en position d’attente derrière un homme désireux de s’entretenir avec l’affreux bonhomme qui allait lui servir de garde chiourme pendant la traversée. Il n’était pas pressé de l’entendre vociférer des ordres qu’il connaissait déjà par cœur : « Qu’est-ce que tu fous là à ne rien branler ? Magne-toi on va appareiller ? Parer à larguer ! etc…. » La gouaille de la matelote, il connaissait. Les Navires de toutes sortes avaient toujours été son seul logis et peu lui importait le patron tant qu’il pouvait tirer sur une écoute ou larguer un ris en épousant les flots.

Soudain, un parfum de violette vint se substituer aux relents puants de la bête verte et le regard bleu profond du marin se posa sur une femme d’une délicatesse si sensible et d’une majesté si souveraine qu’il en resta pétrifié.

J'm'ennuie ! Quand est-ce qu'on appareille ? , hurla la vigie.

J'm'ennuie ! Quand est-ce qu'on appareille ?

Jarwill leva la tête vers le mat nu et découvrit le gobelin les yeux rivés sur le pont et la bouche encore grande ouverte.

- Et tu viendrais pas nous montrer où s'installer par hasard ?!

Le sac était finalement lourd après une heure de marche pour gagner le port. Mais l'envie de partir lui avait fait oublier le poids de son départ.

Cinq personnes étaient désormais à bord du vieux navire. Mike, Maelun, deux étrangers qui ne s'étaient pas présentés, et un gobelin surexcité. D'un seul coup, l'équipe semblait déjà plus crédible pour une aventure en pleine mer. Qui sait ce qui les attendait au-delà de l'horizon ?

Marchant calmement vers le bord du bateau, un rapide coup d'oeil lui apprit que, mit à part les poivrots habituels trainants sur la pierre froide et humide, personne ne s'avançait vers le petit groupe Lui et les cinq autres suffiraient, probablement...

Jetant à l'eau le papier que lui avait transmit le gobelin, il quitta le rempart de bois contre lequel il s'appuyait pour se diriger vers la barre. Ses pas firent grincer les planches du pont, grimpant les quelques marches menant jusqu'à la barre de commandement. La fière roue renforcée de fer usé par le temps et l'air marin gardait néanmoins de sa superbe. Son épaisseur la gardait des tempêtes, elle portait les stigmates de nombreux voyages, et de quelques "énervements", mais dans l'ensemble, elle ressemblait au bateau lui-même: Vieux, mais incroyablement résistant.

Une fois positionné en hauteur, et bien à la vue de tout les membres de son équipage, Cocoon prit la parole d'une voix enjouée:

-Bien, bonjour à tous, je suis Cocoon, capitaine de ce navire, du moins jusqu'à notre retour de voyage... Je vous remercie d'avoir répondu présents à mon appel, nous allons passer quelques jours ensemble, donc faîtes comme chez vous ! Les dortoirs sont en bas, les dames ont leur propre chambre. Le vent se lève, nous partons !

Levant les yeux vers la vigie où s'installait déjà confortablement le gobelin, Cocoon cria:

-Eh, là haut ! Fais voir un peu à quoi ressemblent des voiles déployées !

Cocoon a écrit:: -Eh, là haut ! Fais voir un peu à quoi ressemblent des voiles déployées !

Le sourire béat et visiblement très satisfait de pouvoir se rendre utile, Notfallspür, dégaina un fer 7 et d'un coup sec le fit s'abattre sur le bout qui retenait la grand-voile juste derrière lui.

Emerveillé par le mouvement élégant de la voilure se déversant le long du mât, le gobelin sautilla de plaisir.

Voulant en voir d'avantage, il attrapa une balle à ailettes courbes (celle avec le double retour d'hélice... n°8 ) et échangea son fer 7 contre un wedge. Il estima le vent, l'angle de la drisse métallique du premier foc, puis celle de l'artimon. Un double coup pareil (heureusement il y avait peu de vent) était des plus osés. Lui même avait quelque doute quant au troisième trajet que ferait la balle pour lui revenir après le double impact qu'il préparait.

Finalement il se dit qu'avec un minimum d'effet celle-ci ne tomberait pas forcément très loin de la vigie, et au pire irait-elle finir sa course dans la coursive en dessous de lui.

Ainsi le gobelin prit sa respiration, ferma les yeux et imagina la course de la balle un instant avant de frapper. Il se maintint ainsi debout en parfait équilibre sur le garde-corps étroit.

Dans un mouvement sec mais incroyablement agile pour une créature aussi hideuse, il frappa la balle posée à ses pieds. Celle-ci vint frapper la drisse du foc comme prévue, avant de repartir dans un mouvement circulaire vers la seconde qui retenait la voile d'artimon. Elle revint finalement vers le lanceur qui n'eut qu'à tendre son sac pour l'attraper au vol.

"ET HOP ! On est parti mon capitaine ! "

Les réflexes sont ce qu’ils sont et Maelun riposta au geste de Notfallspür aussi vite que les voiles furent déferlées par le bête shoot d’une balle de golf…

-Mais Mordiou de Pisse-queue !! Qu’est-ce que ce coupe-devant ?!!! A-t-on idée de lancer un navire sans larguer les amarres !!!

En effet, les voiles commençaient à peine à se dérouler que les bouts très largement détendus se raidissaient dangereusement.
Maelun réagit au quart de tour et se précipita à la proue du bateau pour se jeter sur l’élingue et détacher le lien qui les retenait encore au quai.

Pourtant, malgré son record de vitesse, il ne put détacher en même temps l’amarre qui retenait la poupe. Celle-ci se tendit rapidement et se mit à vibrer avec une intensité telle qu’elle émit un sifflement strident.

Les voiles se gonflèrent sous le souffle venant de terre… et la tension monta en une seconde qui arrêta le temps… Avant que le cordage ne cède.

Il éclata en émettant un bruit comparable à celui de l’explosion d’un baril de poudre et les plus prudents se jetèrent au sol.
L’extrémité de l’amarre encore attachée au rafiot fut propulsée tel un fouet vers le mat central qui sembla ployer sous sa force. Il résista pourtant puisqu’il était prévu pour des tempêtes autrement plus violentes mais il fit se balancer dangereusement le navire.

Si bien que le gobelin encore tout fier de son exploit et qui n’avait pas encore constater les dégâts prévisibles à l’arrière, fut éjecté de son clocher pour venir s’écraser au pied du capitaine.

AÏE !

Sa chute à peine amortie par le sac d'un des voyageurs, Notfallspür adressa un regard mauvais au matelot responsable de sa descente vertigineuse.

"Grmbljhmbreuhmblblhbl"

- Et tu viendrais pas nous montrer où s'installer par hasard ?!

"Hein ? si si ! viens ! on va descendre dans les coursives, la compagnie n'en sera que meilleure loin de ces pue-la-sueur !"

"Hein ? si si ! viens ! on va descendre dans les coursives, la compagnie n'en sera que meilleure loin de ces pue-la-sueur !

- Ce n'est pas pour m'échapper l'ami, juste pour me décharger et pouvoir vous aider. Nous sommes bien là pour naviguer non ?"

Jarwill empoigna son paquetage et le balança sur son épaule pour mieux supporter le poids important du bagage. Il suivit Notfallspür qui visiblement connaissait bien les lieux. Les planches grinçaient sous leurs pas.

- Tu connais bien ce rafiot ?

" Tu connais bien ce rafiot ?"

Notfallspür prit quelques secondes de réflexion intense avant de pouvoir répondre à la question.

"Jamais mis les pieds !"

Mais après tout qu'importait, puisque tous les bateaux se ressemblaient. N'étaient-ils pas tous pourvus d'un équipage crasseux présent pour manoeuvrer et amener les passagers à bon port ? N'étaient-ils pas tous habités par des commandants légendaires particulièrement aptes à dégoiser des heures durant sur leurs sempiternelles marivaudages opportunément transformés en gestes épiques ?

Le gobelin imagina l'espace d'un instant ce que seraient les nobles endentelés de la haute société aélissienne si par un coup du sort ils se retrouveraient instantanément changés en habiles écumeurs. Très certainement les bourgeoises éleveuses de dragonnets se révèleraient d'infatigables matelots jurant et crachant à tout va, alors que les hauts dignitaires du Culte de l'Unique feraient de parfaits barreurs fin saouls. En vérité cela s'avèrerait très drôle. Assurément.

"Mais qu'importe : un navire est un navire. Et je soupçonne celui-ci d'avoir une belle et confortable cabine chichement décorée et impatiente de nous accueillir. Voudriez-vous goûter à un vin fin cher ami ? Je dois pouvoir nous en apporter une bouteille sur le champs (ça doit traîner là-dedans quelque part au fonds de mon sac)."

Ce disant, les deux compères empruntèrent les escaliers menant à la coursive principale, celle donnant sur les cabines.

"Celle-ci ? Ah non ! pas elle... ça pue l'ivraie macérée dans le tafia : sans doute la suite de notre honoré commandant !"

Les deux voyageurs, après avoir ouvert et estimé chacune des chambrées, arrêtèrent leur choix sur l'une, tout de satin et de boiserie (du bois de rose sans doute ?).

"Celle-ci fera l'affaire ! Elle ressemble à s'y méprendre à un hall de lupanar, mais je me contenterai de ce luxe de pacotille (la garçonnière du commandant à n'en pas douter !). Au moins ça sent bon et les tentures me semblent époussetées de frais. Vous prenez le lit ou le sofa, moi je prends la penderie... si vous n'y voyez pas d'inconvénient bien entendu. C'est que voyez-vous, je niche en hauteur. Ca me permet de préparer ma chute lorsque je tombe de haut !"

Joignant le geste à la parole, l'affable gobelin s'empara de ladite penderie, et du trousseau de fausse vierge peu farouche qui traînait là, se fit un nid douillet. Un bonnet de giron rembourré de soierie, et voilà qui ferait un parfait oreiller.

"Mais dites-moi, puisque nous sommes destinés à partager cette opulence factice dans les effluves de patchouli, quel est votre nom cher ami ? Et d'avantage encore : quel bon vent vous amène à bord ?"

Après quelques échanges aux parfums de printemps et aux noms d'oiseaux, le capitaine largua les amarres avec son équipages tout fraichement recruté.

L'ancre s'éleva des eaux, l'animation gagna le pont, et chacun s'attela aux tâches habituelles. Surveiller la coque, attacher les voiles, aménager les stocks de nourriture, et y prendre quelques réserves pour d'autres...Bref, tout ce petit monde se mit en route vers Telek-F'ator...

Les deux jours qui suivirent se passèrent sans trop d'embûches, chacun grognant sur l'autre et tentant de garder sa part de ration jusqu'à l'arrivée à bon port. Sait-on jamais ? Un petit détour engendre vite des grignotages dans les provisions prévues. Alors que chacun se préparait et méditait sur ses propres objectifs, le capitaine réfléchissait à sa prochaine aventure... Par où commencer l'expédition ? Où chercher dans une terre totalement vide de tout repères ? En terrain inconnu ? Il faudrait bien se débrouiller après tout, et puis il lui restait ses capacités.

Tout en jouant des doigts avec son médaillon, fier symbole de sa patrie, brillant de l'éclat de la gemme incrustée, Cocoon entendait des chahuts ça et là sur son navire...

Grand dieu, comment aillaient-ils pouvoir survivre avec une équipe aussi...soudée?

Le troisième soir vint bien vite, et il décidait d'arrêter le navire pour passer la nuit en sécurité sur le bateau. Lors du repas commun dans la salle à manger de l'Imperturbable, il toussota pour attirer l'attention de tous entre deux bouchées de viande graisseuse, et s'adressa aux siens:

-Mes amis, nous y sommes. Comme l'a signalé le gobelin tout à l'heure: terre en vue. Nous voici aux portes de Telek-F'ator, nous partirons demain, à l'aube, alors veillez à tenir vos bagages prêts, la petite "promenade" de demain s'annonce risquée, et il faudra toutes vos forces pour s'aventurer dans cette jungle...

Une voix s'éleva alors de la troupe ... :

"BWEUHAAAAAA !" rôta fort bruyamment le plus vert et le plus petit des convives attablés. "Excusez-moi... c'est le coca ! vous disiez ?"

"Mais dites-moi, puisque nous sommes destinés à
partager cette opulence factice dans les effluves de patchouli, quel est
votre nom cher ami ? Et d'avantage encore : quel bon vent vous amène à
bord ?"

Jarwill fixa le petit homme amusé et souri.

- Je m'appelle Jarwill, mais tu peux m'appeler comme tu le souhaite si ça ne te convient pas. Je viens ici pour changer d'air, changer d'habitudes et voir autre chose que la ville. Je suis en quête de nouveau.

Il leva la tête et inspira une grande bouffée d'air à l'odeur boisée et légèrement salée pour ensuite revenir Notfallspür. En clignant l'oeil il lui dit :

- Ah et, je prendrai le sofa

Quelques jours passèrent sur le navire depuis ce moment, quand vint le discours du soir.

* Telek-F'ator ... Demain ... Bagages ... Jungles ...*

Ces mots résonnaient en cœur dans son esprit, des mots qu'ils avait longtemps espéré entendre. Rester sur le bateau à tendre les voiles ou le pont ne lui posait pas de problème mais l'idée qu'un jour il pourrait courir dans les hautes herbe lui donnait envie.

- Il disait que nous partirons demain. Répondit-il avec un large sourire.

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