La grotte sacrée de Sha'nayen [zone publique]

Le destin c'était mis en marche quand Hell avait pris pour cible de sa puissante hache une jeune salamandre. Novice et fonceur, le joyeux coupeur de membre n'avait aucunement pensé qu'une salamandre d'un mètre de long pouvait n'être qu'un tout jeune bébé, perdu à la sortie du nid. Quand les parents, environ cinq mètre de long et trois de haut, avaient senti l'odeur de leur progéniture cuite, ils avaient été pris de rage. Ce qui se comprend. Le couple fonça donc sur Zéa et Hell, bien décidé à en faire de la charpie.





De leur côté, le Pr. Lim et Laylay arrivèrent sur les lieux du crime après une recherche méthodique pour retrouver leurs compagnons : la recherche concentrique. Le dernier élément qui les avaient conduit sur les lieux de l'attaque des parents en furie était bien évidemment le feu de Hell. Ils arrivèrent donc juste à temps pour voir les salamandres géantes se précipiter sur Zéa et Hell. Contrairement à ce qu'on aurait pu penser de l'érudit, celui-ci n'hésita pas une seconde : il sauta de son dromeau et se porta à l'assaut. Il sortit de son pantalon un lourd pistolet qu'il arma rapidement. Il visa la tête de ce qui devait être la femelle : légèrement plus petite que son compagnon, elle semblait encore plus déterminée que celui-ci. La balle fit mouche et se logea dans l'oeil de la bête qui poussa un hurlement terrible. Pas encore abattue mais sérieusement affaiblie, la salamandre changea rapidement de trajectoire pour venger sa blessure. Le professeur rechargea, visa à nouveau, d'un calme olympien face à son énorme adversaire. Cette fois, la balle traversa l'os frontal et tua la bête. Malheureusement, celle-ci s'était beaucoup approchée et s'affala dans le sable juste aux pieds de l'érudit. L'odeur de la bête fit s'enfuir l'un des dromeaux avant que quiconque ait le temps de réagir. Le professeur eut juste le temps d'attraper le sien.

Restait toujours le mâle qui se jetait sur la fille du désert.

Le grand mâle dominant avait les yeux rivés sur la jeune hybride. Il avait stoppé sa course juste avant de la percuter. Sûrement intrigué par son attitude intrépide, il la jaugeait, son regard rivé dans le sien.

C'est dans un mouvement aussi souple et rapide que celui qu'elle avait exécuté pour les gazelles, que Zéa saisit son Arahzôl, Bâton qui murmure, qui lui servait aussi de bâton de marche. Une légère rotation de la hampe, exécutée simultanément d'un saut périlleux arrière suffit à produire un ultrason de courte portée qui paralysa la salamandre.
L'hybride en profita pour escalader le géant et lui passa un licou de fortune en corde de cuir autour de sa gueule. En profitant des dernières secondes d'immobilisation, elle planta à nouveau son regard dans celui de la créature et dit à voix haute en élevant à hauteur des yeux, un crochet d'une taille respectable :

-Si tu t'avises de faire un pas de travers, je remplace ta muselière par ces crochets plantés dans tes joues.

Lorsque la salamandre fût de nouveau mobile, elle ne broncha pas.
-Hell, interdiction d'y toucher, il remplacera mon dromeau. Sa taille me servira de pare-vent pour remplacer mon paquetage perdu. Professeur, étant donné que la bête risque d'agiter vos montures, je partirai en éclaireuse quelques mètres devant vous.

La troupe repartit en toute hâte pour profiter des dernières heures de la nuit. L'avantage du grand mâle était sa connaissance du terrain actuel. Il lui permettrai d'éviter les territoires sauvagement gardés ou les marais sableux.
Après la marche forcée de toute un nuit, hommes et bêtes commençait à faiblir, quand tout à coup, la salamandre commença à s'agiter. Étonnée, Zéa fixa l'horizon aux alentours et entr’aperçu une tempête de sable. Elle arrivait bien trop vite pour qu'ils n'aient le temps d'installer les tentes. Ils continuèrent donc jusqu'à une zone rocailleuse que la salamandre s'empressa de débarrasser de son surplus de sable. La bête avait mit à jour un boyau étroit qui semblait en partie éboulé mais qui les abriterai suffisamment, le temps de la tempête.

Occupé à retenir sa monture, le Pr. Lim n'avait pu profiter de la démonstration de dompteuse de la jeune Zéa. Cependant, il pu pleinement apprécier le résultat : la frêle silhouette montée sur l'énorme salamandre était impressionnante. Ils reprirent donc leur route, menant un train soutenu afin de rattraper leur retard. Alors que le petit jour pointait, la Salamandre s'agita et Zéa leur annonça qu'une tempête de sable arrivait. Le petit groupe où juste le temps se glisser dans un abris avant que la tempête ne s'abatte.

Hommes et bêtes étaient serrés dans l'étroite entrée. Les dromeaux ne savaient plus s'ils devaient être affolés par la tempête ou la Salamandre et restaient pétrifiés de terreur, roulant des yeux fous et tremblant. Le Professeur craignait pour leur santé mais ne pouvait rien faire de plus pour le moment. Il fallait attendre que la nature ait fini son ouvrage avant de rejoindre l'air libre. Alors ils pourraient installer un campement et laisser les bêtes se reposer.

Tenant d'une main sa monture, l'érudit sortit une lampe de son sac et éclaira leur abris de fortune. C'était l'entrée d'une grotte, à moitié éboulée sur son côté est, réduisant la largeur du boyau. Le Professeur tira son dromeau et avança vers le fond.

"Je vais voir s'il y a plus de place vers le fond et si par hasard nous ne trouvons pas des indices sur la grotte de Sha'Nayen."

Sur ces simples paroles, il avança, nullement perturbé par le bruit du sable sifflant avec rage à l'extérieur. Deux mètres après l'éboulis, l'entrée s'évasait légèrement, révélant un cul de sac. La cavité était petite, mais ils seraient plus à l'aise qu'au niveau de l'entrée. Promenant le faisceau lumineux sur les murs, le chercheur ne repéra rien, ni glyphe, ni dessin, pas même une pierre taillée.

"Bon, on pouvait toujours rêver, fit-il avec un fatalisme joyeux. De toute façon, il nous reste bien deux jours de marche avant d'atteindre la zone présumée de localisation de la grotte. J'espère que la tempête ne durera pas trop longtemps, car nous n'avons pas des réserves énormes. Je propose d'essayer de se reposer en attendant, ça économisera nos forces, notre eau et nos rations, ajouta encore le Professeur avec un sourire entendu à Hell."

Sur ces mots, il poussa son dromeau contre la paroi, le força à s'asseoir et s'en servit d'oreiller. La Salamandre était du côté de l'entrée, abaissant la nervosité des autres bêtes. Le Pr. Lim ferma les yeux.

Ce qui le réveilla fut l'absence de bruit. La tempête était finie. Le petit groupe se prépara à nouveau et jeta un oeil dehors. Ils durent pour cela dégagée l'entrée de leur abris, pris dans les sables. L'aide de la Salamandre s'avéra à nouveau bienvenue. Quand ils débouchèrent à l'air libre, le soleil entamait sa descente. La tempête avait duré une bonne partie de la journée. Restaurés et abreuvés, ils reprirent leur route. Le Professeur se servait du soleil mais aussi d'une boussole pour maintenir leur cap. De temps en temps il s'arrêtait pour faire le point et déterminer leur position avec exactitude. Grâce aux cartes, il avait connaissance d'une oasis qui serait parfait pour leur prochain campement et les placerait à quelques heures de marche du territoire des F'rii.

C'est ainsi qu'au milieu de la nuit, ils arrivèrent à la fameuse oasis. Ils montèrent les tentes. Le Professeur rappela qu'il était plus prudent de ne pas s'écarter du camp, d'autant que la présence de ruines à moins d'un kilomètre rendait possible la visite de démons du désert. Ils avaient devant eux quelques heures de sommeil avant que le jour ne se lève et qu'ils continuent leur périple pour la matinée.

- Qui m'a réveillé ? QUI ?

Le sourire ravi du Pr. Lim accueillit l'éveil de Hell.

Debout là-dedans, fit-il joyeusement. Nous repartons !

La nuit avait été calme. Aucun esprit n'était venu les déranger et le petit jour commençait à poindre. La petite troupe repartit en silence, Hell ruminant ses rêves de nourriture, Laylay perdu peut être dans une prière. Zéa semblait aussi dans ses pensées. malgré la distance qui les séparait de leur éclaireuses, ils pouvaient tous voir que sa vigilance n'était pas l'égale de celle de la dernière journée. Peut être que le désert lui parlait dans ses souvenirs.

S'il pouvait lui dire où se trouve la grotte, pensa le Professeur.

Le soleil se levait rapidement, réchauffant l'air glacial de la nuit. L'hiver approchait et cela se ressentait dans le désert. Il n'était pas rare d'avoir des chutes de neige, surtout aussi près des contreforts. Le journée se passa dans un rythme de croisière. Ils s'arrêtèrent vers midi pour la pause de la mi-journée et ne ressortirent que vers 18h quand le soleil devint moins brûlant. La route et l'ambiance étaient monotones, silencieuses. Et c'est parce que leur vigilance baissait que le désert les surprit avec violence. Un feulement sur l'arrière de la colonne les fit se retourner. Une Grande Panthère des Sables les regardaient d'un air gourmand.

Ils étaient tous fous dans cette équipe. Ce fut ce que pensa la Professeur en voyant Laylay se précipiter aux devants de l'énorme Panthère. Mais la suite des évènements lui apprit que la folie de ce groupe était particulière : tout leur réussissait. L'une domptait des Salamandres géantes et l'autre adoptait des bébés panthère des sables. Le troisième était prêt à tout pour un repas de viande. Des fous !

Cependant, le Pr. Lim se garda bien de livrer le contenu de ses réflexions à ses compagnons. La folie a cet inconvénient qu'on ne sait jamais comment les gens vont y réagir. L'érudit avait donc suivi les recommandations du peintre en retenant Zéa et Hell près de lui. Les trois s'étaient approchés prudemment et avaient pu observer l'adoption d'un nouveau membre pour l'expédition. Pas un n'approcha pour aider Laylay dans sa tâche d'inhumation. Cela semblait faire partie de ses devoirs. Mais tous restèrent solennels. Même le fou à la hache, bien que bavant devant ce monceau de viande qu'on enterrait sans en profiter. Peut être que la folie de l'Enfant de l'Unique était perceptible même pour lui. Le Professeur maintient la paix en donnant sa dernière ration à Hell.

La nuit était tombée quand la troupe reprit la route. Le Pr. Lim espérait un autre miracle pour la découverte de la grotte. Demain, ils n'auraient plus rien à manger ni à boire.

Zéa n'appréciait pas outre mesure Laylay, bien qu'elle respecta les croyances et croyants de tous les peuples, celui-ci semblait particulièrement animé d'une pointe de folie. Il avait eu un de ses regards étranges lorsqu'il s'était dirigé vers la panthère des sables, torse dégagé. Et peu après son regard légèrement éteint, caractéristique de la semi-perte de conscience. Comme à son habitude la jeune hybride s'était bien gardée d'émettre une réflexion.
Le devoir de chacun lui était propre, et s'il estimait qu'en ce félin se trouvait sa destinée, alors elle ne se mettrait pas en travers de son chemin.
La Chasseresse dû cependant retenir la salamandre qui ne semblait demander qu'une seule chose : achever la bête dont le flan suintait maintenant abondamment. Ils attendirent tous patiemment que le peintre finisse l'inhumation de la créature.

Ils purent ensuite reprendre leur route.

Le niveau des rations, pour l'heure inexistant, semblaient inquiéter le professeur. Il est vrai que le fou à la hache avait un appétit sans fin. Zéa ferma alors un instant les yeux, mobilisant toute sa mémoire afin d'y trouver des informations sur le territoire q'ils parcouraient.
Dans son époque lointaine, elle avait parcouru tout le désert qu'elle connaissait par coeur. Cette mer de sable était le seul endroit où elle se sentait chez elle.
Les images tournaient et viraient devant ses yeux. Il faudra impérativement qu'elle s’entraîne à maîtriser ses souvenirs afin de les rendre plus facilement accessibles et sans qu'elle se noie dans leur flux agressif.
LA! Elle reconnu la configuration rocheuse de la région qu'ils foulaient actuellement. Il y avait bien un point d'eau plus au nord-ouest de leur position.
La jeune femme à la peau partiellement écailleuse prévint ses partenaire qu'elle allait remplir leurs outres et de quoi refaire leurs provisions, qu'ils pouvaient poursuivre leur route, elle retrouverait aisément leur piste.

Par chance le point d'eau existait toujours et une abondante végétation s'était développée à proximité. Par le biais de la même technique qu'elle avait utilisé auparavant, Zéa fit subir aux baies un séchage accéléré. Elle conserva cependant des parties charnues de cactus en l'état afin de permettre à ses coéquipiers de se désaltérer en préservant l'eau des outres. En chemin pour rejoindre l'équipée, elle débusqua quelques rats des sables. Tout juste de quoi mettre la faim d'Hell en veilleuse pour quelques heures.

Soudain, passant devant une conformation rocheuse quelque peu particulière, un souvenir s'imposa à elle. La Grotte. Celle que le professeur lui avait décrite selon les rares ouvrages la mentionnant. Pas doute possible, sur la roche centrale, le glyphe du clan Nayen était clairement reconnaissable. Le serpent symbolique, crocs sortis pour mordre sa proie. Le tout surmonté de deux traits. Deux mains spécifiant que le lieu indiqué était un lieu de culte. La disposition des roches indiquait la direction à suivre pour se rendre à la Grotte de Sha'nayen.

- Tu souhaitais tout oublier mais tes souvenirs ont fini par te rattraper. Tu t'es promise de les aider si tes souvenirs sur la grotte te revenaient; voici le moment te tenir ta promesse.

- C'est bien ce que je comptais faire, je vais juste devoir les surveiller plus étroitement pour qu'ils ne détériorent pas l'endroit et que les secrets enfouis ne soient pas mis à nus par n'importe qui et n'importe comment.

- On dirait que ta langue ssse délie de temps zà autres ! Fait attentssion ou tu finiras avec la langue aussi longue et fourchue que la mienne. C'est bon de pouvoir parler un peu avec toi, sscelà faiszait sssi longtemps,

- Arrête ton cirque.

- Eh bien, comptes-tu contempler encore longtemps ssce tas de pierre ? sssSSSSSsss. Lui siffla-t-il à l'oreille.

- Qu'est qu'il te prend ! Et pourquoi es tu aussi pressé que je leur montre que j'appartiens au peuple du désert qu'ils pensent disparus et qu'ils redoutent?

- Pour rien ... Et Sû s'immobilisa.

- Et après c'est moi qui ait un sale caractère. Marmonna Zéa dans sa barbe.

Comme elle l'avait prévu, elle retrouva aisément la piste de la petite caravane et informa le professeur qu'elle avait découvert un chemin plus rapide pour se rendre à la Grotte, et qu'il s'agissait de la voie initiatique pour se rendre au lieu de culte. Le seul problème qui persistait, était que le lieu se trouvait en territoire F'rii.
Elle n'avait pas informé le Professeur Lim qu'elle ne connaissait pas le peuple actuel. Aussi, elle le luit avoua et ajouta qu'il se pouvait qu'ils soient les descendants des Il'frii.
Zéa garda pour elle que les siens étaient en guerre contre eux par le passé. Elle ne se souvenait pas qu'une trêve eut été conclue.

Si la grotte avait été découverte par un novice il se pouvait que les F'rii aient déjà profané la Grotte Primaire.
Fort heureusement les autres étaient intelligemment cachées de telles sorte qu'un non-initié ne puisse pénétrer au delà de la première embouchure.

Enfin, ils touchaient au but. Les dieux, quels qu'ils soient, étaient avec eux. La présence de Zéa au sein de l'expédition était une vraie bénédiction. La jeune fille n'avait pas voulu expliquer comment elle avait reconnu la piste de la grotte, disant juste avoir identifié le glyphe du clan Nayen. Le Pr. Lim n'avait même pas connaissance de ce clan! Il était mortifié et terriblement excité. Il lui avait fait décrire avec précision ce glyphe, dessinant et annotant le carnet qu'il tenait depuis le départ de la mission. Le commentaire de Zéa sur l'origine des F'rii fit tiquer l'érudit. A nouveau, il n'avait jamais entendu du clan Il'Frii. Le jeune fille semblait avoir accès à des connaissances perdues depuis bien longtemps. Le professeur se promit de l'interroger en profondeur dès qu'ils seraient sur place.

Les quatre explorateurs repartirent donc, Zéa ouvrant le chemin sur sa salamandre, suivie du Pr. Lim et de Hell qui grommelait tout en mangeant avec enthousiasme le produit de la chasse de la jeune fille. Laylay et son nouveau compagnon fermaient la marche. Une distance respectable était nécessaire entre le félin et la salamandre, les deux prédateurs, malgré la jeunesse de l'un d'eux, essayant constamment de s'attaquer. Il fallait toute l'autorité des deux maîtres pour les contenir.
Ils voyagèrent rapidement, même au coeur de la nuit, à l'heure à laquelle ils faisaient habituellement halte. Savoir la grotte proche les poussait, les aiguillonnait toujours plus loin. Leurs souffles blanchissaient la nuit et la fatigue alourdissait leurs sens. Des cris de chasse transperçaient l'air cristallin, les faisant parfois sursauter tant ils semblaient proches. La lune gibbeuse éclairait leur chemin fait de sable et de pierraille. Ils approchaient des contreforts qui formaient une imposante silhouette devant eux. L'air froid et sec leur fouaillait les poumons à chaque inspiration, ne leur portant comme seule senteur que celle du sable qui roulait sous les pieds des bêtes. Leur rythme ralentissait malgré les encouragements des cavaliers.

Régulièrement, Zéa trouvait la marque du serpent et indiquait au groupe la direction à suivre. A chaque fois, le Pr. Lim notait précisément leur position et le symbole, s'appliquant à cartographier leur itinéraire. Le jour pointait quand Zéa indiqua avec fébrilité qu'ils étaient face au dernier symbole avant la grotte elle-même. Sa voix contenait autant d'impatience que d'angoisse. Mais cette nouvelle apporta un regain d'énergie à ses compagnons et ils trouvèrent l'entrée alors que le soleil caressait l'anfractuosité où elle se cachait. A première vue, ce n'était qu'un simple affleurement rocheux alors que les contreforts eux-mêmes commençaient à un ou deux kilomètres de là. Une fine ouverture, environ cinquante centimètres de hauteur sur quatre mètres de longueur, la traversait. Discret, un serpent surmonté des deux traits symbolisant les Nayens était entouré de deux mains se refermant. Ils étaient arrivés.

Si le Pr. Lim prit le temps de contempler cette entrée, de noter le symbole et de relever leur position, quand il releva la tête, Hell s'était déjà introduit par la fente, suivi de près par les deux autres. Quand l'érudit les rejoint, suivant un long boyau descendant, ils contemplaient tous les trois le soleil qui tombait du plafond crevé. Tous se demandaient comment il n'était pas visible depuis l'extérieur. Leur regard fut ensuite attiré par l'autel que le soleil du matin illuminait. Situé à la sortie de la rivière souterraine, juste avant le grand bassin qui occupait une large partie de la grotte d'entrée, il était surmonté de quatre symboles eux-mêmes coiffés d'un cinquième. Ces quatre symboles se retrouvaient sur les quatre tunnels partant de la salle principale.

Spoiler:

En partant de la gauche vers la droite, on trouvait comme symbole :

Sur l'autel, le dernier symbole était ainsi :

Sur les murs, des peintures rupestres attiraient l’œil, tableaux de chasse dans une savane depuis longtemps disparue, portraits d'êtres bipèdes au corps écailleux... Le professeur se mit tout de suite au travail sur les glyphes, comparant avec ce qu'il connaissait, totalement oublieux de ses compagnons.

Cela faisait trois mois que la grotte avait été découverte par ce groupe improbable mené par le Pr Lim. En revenant à Sûl-Nar, ils avaient reçu les honneurs de la ville et un cadeau correspondant à chacun. Le professeur ne savait pas ce qu'étaient ensuite devenu Hell, Zéa et Laylay. Lui, avait passé une semaine à régler des affaires et former un groupe de scientifiques avant de repartir dans le désert avec la troupe chargée d'établir un chemin balisé jusqu'à la grotte de Sha'Nayen. Il ne s'était pas laissé ralentir par celui-ci d'ailleurs et avait très vite rejoint son nouveau lieu de vie depuis : un petit campement au pied des contreforts montagneux où coulait une rivière qui assurait le ravitaillement en eau potable. Le campement ne se trouvait qu'à un kilomètre de la grotte.

Après bien des semaines d'étude, crayonnant toutes les parties de la salle d'entrée, essayant d’établir des corrélations entre ce qu'on savait du désert de Sûl-Nar et ce qui était représenté, entre les dessins et les glyphes, le groupe d'érudits était arrivé à traduire grossièrement les glyphes surmontant l'entrée des tunnels et l'autel. Personne n'avait encore osé partir en exploration, tous se demandant quelle mise en garde contenaient ces symboles. Ils furent étonnés de leur conclusion, qu'ils vérifièrent plusieurs fois :


-> vie/naître


-> chéri/bien aimé


-> esprit compagnon


-> crâne/mort


-> ciel/serpent

Ils n'avaient pas encore découvert comment fonctionnaient ces glyphes et leur traduction ne reposait que sur l'étude des peintures rupestres présentes dans l'entrée. Toutefois, ils étaient relativement sûrs de ce qu'ils avaient déduit.

Le Pr Lim contemplait l'autel, les sourcils froncés.

Énormément d'hypothèses se formaient dans son esprit. Ces antiquités étaient-elles vouées à avertir les étrangers qu'ils foulaient une terre sacrée? Ou alors, étaient-ce là des indications à suivre pour se rendre à un endroit mis à l'écart pour nul ne sait quelle raison? Y avait-il seulement un fabuleux monstre magique au bout de cette grotte ou une pièce renfermant les objets les plus rares, les plus précieux? Toute divagation contribuait à rafraîchir la citrouille professorale qui, fait admis par l'ensemble de l'équipe, n'attendait non plus des questions mais des réponses.

Le professeur Lim sortit de la grotte à l'heure où l'horizon borde le soleil, quand la couverture de l'air sur la peau redevient supportable et quand les torrents de transpirations se résignent à disparaître au profit d'une timide rosée sudorale. Le sable orange sombre des dunes au milieu desquelles était implanté le campement donnait la sensation d'être dans une prison à ciel ouvert. C'était une pénitence acceptée par chacun de ceux ayant souhaité participer à l'expédition. Les derniers rayons solaires perdaient en puissance à chaque seconde, se résignaient et laissaient de plus en plus la victoire glisser vers les éclairages artificiels clairsemant les environs. C'était un doux instants que le professeur aimait savourer seul, légèrement à l'écart du groupe de scientifiques, techniciens et chercheurs sans oublier les cuisiniers et les guides.

Si la nuit tombait à peine, il fit demi tour et revint sans tarder au sein du campement, protégé autant que possible des dangers environnants par de hauts grillages électrifiés destinés à rembarrer la majorité des créatures qui peuplaient ce désert. Retomber face à ces bestioles n'étaient pas une chose à laquelle le professeur Lim tenait particulièrement ; il avait suffisamment donné, pensait-il.
Les lourdes tentes étaient dressées régulièrement, proches les unes des autres et en cercles concentriques autour d'une petite place centrale où était tenue l'abri qui servait de réfectoire. L'entrée de la grotte était située à l'extérieur du campement par principe de précaution : ne sachant pas ce qu'il s'y trouvait, agglomérer le camp autour de son entrée aurait été complètement inconscient.

Durant le repas, certains parlaient boulot et exposaient à leurs associés leurs avancées quotidiennement. D'autres préféraient éviter de parler travail et se rabattaient d'avantage sur des sujets tout venant allant des résultats sportifs à l'état de leur famille, de la santé de la grand-mère à la sexualité des autruches d'ici et là. Si le professeur Lim s'adonnait souvent à ces discussions banales mais nécessaires à la cohésion du groupe, le silence lui convenait parfois mieux, silence durant lequel il pouvait essayer de savourer les pâtes pas assez cuites ou les purées trop floconneuses que les cuisiniers tentaient de rendre appétissantes malgré les restrictions en terme de ressources. Ces circonstances propices à l'observation de ses semblables lui permirent de distinguer un individu qu'il n'avait pas remarqué jusqu'ici. Curieux, il se leva de son coin de coffre pour aller se poser à côté de l'inconnu.

Sacrée histoire n'est-ce pas? Ces subventions soit disant accordées mais qui ne servent à rien, qui n'existent même pas à vrai dire. Ah... les politiques. Un beau sourire, une belle carotte pour obtenir nos voix et une fois qu'ils ont eu ce qu'ils convoitaient, ils oublient leurs promesses passées pour les remplacer par de nouvelles promesses censées mettre à leur portée de nouvelles convoitises.

Il marqua une pause. Celui qui l'intéressait, sans qu'il ne puisse en préciser la raison, devait avoisiner la quarantaine d'années. Son mètre quatre-vingt et sa fierté apparente contrastait avec le regard qu'il porta au professeur : une profondeur insondable, trouble habitait l'éclat de ses prunelles noisettes. Ses longs sourcils immobiles apportaient une douceur, une tempérance à la fierté qu'il revêtait et la transformait alors en une assurance inébranlable mêlée à l'expression posée d'un humain forgé par l'expérience et dans la sagesse.
Passé ce premier contact, l'homme adoucit ses traits en un petit sourire, suite à quoi il déglutit sa bouchée et prit la parole.

L'histoire de la vie, oui. Il se tourna vers le professeur.
Bien le bonsoir professeur Lim. Nous n'avons pas eu l'occasion de nous rencontrer depuis mon arrivée ce matin. Je me présente : Freuzne. J'étais en Echoriath lorsque la nouvelle de votre découverte m'est parvenue et voyez-vous, étant un fanatique d'escalade et de spéléologie passionné par les civilisations perdues, j'ai fait tout mon possible pour vous rejoindre à mes risques et périls dans l'espoir de vous être utile. J'ajoute, avant de vous rendre la parole, qu'en dépit du risque toujours présent sinon plus encore que dans ce désert, je serais honoré de pouvoir intégrer votre équipe et participer à l'avancé des recherches que vous avez entrepris ici même.

Le professeur avait écouté et observé son interlocuteur avec un intérêt non dissimulé. Si l'érudit n'avait que ce don de la connaissance, il savait reconnaitre ceux qui avaient plus que cela. Et l'aura que dégageait Freuzne, si elle n'était pas imposante car en rien elle n'écrasait, n'en était pas moins palpable. Le vieil homme se perdit dans ses pensées, comme cela lui arrivait de plus en plus souvent. Il revit ceux qui l'avaient accompagné dans la découverte de la grotte. Eux aussi avaient possédé cette aura qui fait que le destin change à leur contact, d'un manière bien moins subtile que celle des découvertes linguistiques du Pr. Lim. Les yeux dans le vague, il pensait à ce qu'il savait de cet antre mystérieuse. Pour sa part, il voyait dans cette grotte un lieu d'initiation mystique. D'autres collègues, moins optimistes sur la nature humaine, avaient évoqué un lieu de sacrifices rituels. On disait les tunnels hantés ou peuplés de monstres dévoreurs. Quelques curieux et aventuriers étaient venus. Aucun n'était resté, prétextant que la proximité des scientifiques leur gâchait tout le plaisir. Mais le professeur les avaient observés. Après quelques minutes ou heures dans les replis de la grotte, tous étaient repartis avec la chair de poule et les yeux fous. Ce qu'il raconta à Freuzne.

Toutefois, je pense qu'il est temps d'étudier ces tunnels. Evidemment, il reste encore beaucoup à faire au niveau de la première salle. Rien que l'étude de l'autel demandera encore des années. Mais pour vraiment comprendre ce qu'est Sha'nayen, il faut avoir une vue d'ensemble. Et ce n'est pas en restant peureusement dans son ventre que nous l'aurons. Il va falloir explorer ses entrailles profondes.

Le regard brun du Pr s'était fait perçant, perdant la vacuité due à ses divagations. Il sondait l'homme en face de lui, pesant le pour et le contre afin de déterminer s'il pouvait l'emmener avec lui. ce qui l'emporta, ce fut justement cette aura qu'il décelait. Et le calme dont faisait preuve son interlocuteur alors que le Pr. Lim avait bien du mettre cinq bonnes minutes avant de lui répondre. Cela le changeait de ces jeunes impatients.

Si vous voulez tenter d'en savoir plus, venez donc avec moi. Demain matin à l'aube, nous prendrons le tunnel de la vie. Cela me parait de bonne augure. Nous y trouverons peut être une seconde naissance, fit l'érudit avec un sourire pétillant.

Là-dessus, il alla laver ses couverts, qu'il replaça soigneusement dans sa cantine avant de regagner sa tente. Il s'allongea tout habillé sur sa couchette, prit un paquet de feuilles de notes et se plongea dans leur étude. En moins de trente minutes, un ronflement léger et régulier s'élevait de la toile.

Environ une heure avant le lever du soleil, soit 4h du matin, le Pr. Lim ressortit de son logement, les cheveux en bataille malgré leur longueur militaire, le visage aussi fripé que ses vêtements. Se rendant au réfectoire, il trouva de quoi se faire un café bien fort, qui lui permit de se rendre compte d'une autre présence : Freuzne. L'érudit lui sourit et le salua d'un geste de sa tasse. Enfin bien éveillé, il lança :

On se retrouve en bas dans une heure !

Malgré son âge, le professeur était encore alerte. Le plus long fut de préparer les affaires dont il pensait avoir besoin pour la journée. D'un pas trottinant, sifflotant, il se rendit jusqu'à la grotte en moins de dix minutes. Freuzne l'attendait déjà.

Êtes-vous prêt? Comme vous vous en doutez, ceci est surtout une étude scientifique, je ne cherche pas la grande aventure mais à comprendre ce qu'est ce lieu et ce qu'il peut nous apprendre. Tout en parlant, le Pr. Lim entrainait son compagnon vers l'entrée du tunnel sur leur gauche. Aussi, le rythme d'exploration n'est-il pas celui de ces fous d'aventuriers. Alors qu'ils franchissaient l'arche, un courant d'air chaud les fouetta. On pouvait y reconnaitre une légère odeur de souffre. Vous sentez? Voilà un indice précieux.

Dans le boyau, il y avait peu de lumière, aussi le professeur alluma une lampe afin de pouvoir examiner les parois à la recherche de gravures ou de peintures. Il explorait aussi le sol.

L'odeur n'avait par l'air de l'inquiéter le moins du monde.

Effectivement, ça ressemble à de l’œuf pourri. Ils marchèrent quelques pas, Freuzne s'arrêta.
Je ne suis pas inquiet, non non, mais j'ai souvenir de certains parfums bons à interpréter comme des alertes. De la même façon qu'une odeur de gaz doit faire rechercher une fuite, aérer la pièce voire l'évacuer, une odeur de soufre mérite d'envisager un minimum de précaution, non? Je veux dire, il y a peut-être un risque qu'il y ait des émissions asphyxiante de sulfure d'hydrogène.

Le Pr Lim s'arrêta, conscient des risques qu'ils pourraient prendre.
Haha! fit-il avec un agréable sourire.
Oui, je vois là où vous voulez aller. Un minimum d'équipement est à prévoir, en effet. Ce serait dommage qu'il nous arrive malheur avant d'avoir vraiment commencé le travail!

Freuzne était soulagé de sa réponse. Devant l'engouement de cette exploration, beaucoup d'explorateurs, et surtout des scientifiques conscients du danger mais obnubilés par leurs découvertes se laissaient piéger par leur soif de trouvaille.

Ou comme des les mines, avec le coup de grisou...

Le ton était donné. Le Pr Lim sentait que son assistant optait pour la prudence. "Tout vient à point à qui sait attendre" pensait-il, à raison. Il y avait tout un tas de gadgets parfois utiles, parfois inutiles entassés dans de grosses malles au campement, dont des détecteurs à particules volatiles, des analyseurs liquides, des masques catalyseurs à chaux ou encore des recycleurs d'air portatifs dotés de bonbonnes d'oxygène miniatures en cas d'impossibilité d'avancer dans une atmosphère irrespirable.

Le Professeur était vraiment heureux du comportement de Freuzne. Il avait bien jugé l'homme qui n'était pas l'un de ces aventuriers sans tête. Ils repartirent donc tous deux au campement, prirent quelques petites bouteilles d'oxygène (de quoi tenir 4h environ) et surtout un analyseur d'atmosphère, qui les préviendrait lorsque l'air sera toxique. Ainsi parés, les deux explorateurs retournèrent dans la grotte.

Lors de leur marche, ils déposaient régulièrement des marques au sol afin de ne pas se perdre si jamais ils étaient désorientés ou s'ils rencontraient d'autres tunnels. Bizarrement, pour le moment, ce n'était pas le cas. Leur chemin restait résolument identique, descendant lentement. Même les murs étaient vides de tout changement. Après plus d'une heure de marche ils n'avaient toujours pas vu le moindre dessin ou pictogramme. Le Pr. Lim commençait à se poser des questions.

L'odeur de souffre se faisait de plus en plus tenace mais l'air était toujours respirable. Simplement désagréable. Enfin, ils aperçurent une lueur rougeoyante. Elle semblait émaner du bout du tunnel. A mesure qu'ils approchaient, la température s'élevait rapidement. Le taux de souffre aussi. Bientôt ils durent mettre en route les respirateurs. Ils transpiraient abondamment mais la chaleur n'était pas un danger. Pas encore. Passant une nouvelle arche comme celle à l'entrée du tunnel, surmontée du même glyphe, les deux hommes pénétrèrent dans une salle impressionnante.

Elle n'avait pas de plafond, ou plutôt, celui-ci se perdait dans les hauteurs vertigineuses. Elle était circulaire d'un diamètre qui devait avoisiner les 100m et les parois semblaient bombées. Comme dans un ventre. Le sol ne couvrait pas toute la salle mais formait seulement une corniche tout juste suffisante pour laisser passer un homme seul. Et au centre. Au centre se tenait le bouillonnement primaire de la terre, une masse rouge de magma. Mais en réalité, celui-ci tirait plutôt sur le brun et paraissait étrangement inerte.

Un volcan endormi? s'étonna l'érudit.

Il aperçut alors, à gauche de l'entrée, un dessin représentant cette grotte et un homme debout.

Ha, enfin quelque chose ! s'exclama le Pr. Lim qui entreprit aussitôt de copier leur trouvaille. Apparemment, d'autres dessins se trouvaient tout autour de la salle. Que pouvaient-ils représenter? Quelle utilité avait cet endroit pour les Anciens. Car le Professeur ne doutait pas un instant qu'ils étaient en face d'éléments laissés par les Anciens.

Est-ce que vous pensez que cette salle a été creusée à la main? s'exclama-t-il.

Si le plus jeune des deux hommes avait déjà pu visiter beaucoup de cavernes et de grottes, il ne pouvait masquer son étonnement. Malgré l'absence de détail, de sculptures ou de bas-reliefs, la régularité des parois était bien supérieure à tout ce qui lui avait été donné de voir jusqu'ici et c'était précisément sur ce point que son attention s'était portée.

Mmh... Attendez un instant.

Le professeur prenant soin de terminer son dessin, Freuzne s'en alla inspecter au plus près les murs. La roche était si fine qu'il lui fallait s'approcher du plus qu'il lui était possible pour en deviner la structure, faisant immédiatement plisser ses yeux de fatigue. Son visage tout proche en détectait une fraicheur humide qui contrastait avec l'atmosphère ambiante. Le nez tout contre, l'odeur soufrée disparaissant de la même manière que la haute température l'incita à poser, avec une légère réserve perceptible, sa langue sur la surface examinée.

Alors? Mr Lim regardait son collègue utiliser ses sens pour décrypter son environnement.
Qu'en déduisez-vous?

Freuzne fit demi-tour puis se rapprocha du scientifique avant de commencer.
Hé bien cette roche m'intrigue. A l’œil, sa couleur rouille évoque une importante teneur en fer, ses inclusions de micro-cristaux suggère une roche effectivement volcanique tandis que le bain minéral qui l'entoure ressemblerait plutôt à une variété de grès. Ce qui n'est pas cohérent.

le Pr Lim répondit avec les sourcils levés.
Nous effectuerons des prélèvements afin d'analyser son ultra-structure sous microscopie optique à lumière polarisée. Je doute qu'il soit nécessaire d'embêter tout de suite les chimistes, et puis ils ont la fâcheuse tendance à devenir grognons quand on leur demande de sortir une liste d'éléments classifiés!
Ils eurent un petit rire commun.
Qu'avez-vous retenu d'autre?

La chaleur se fait moins ressentir à sa proximité, elle semble rester humide, fraiche. Je me demande quelles sont nos chances de découvrir une source souterraine. A part ça, l'odeur de soufre se dissipe lorsque l'on s'y colle et la surface de la roche a un goût métallique. Ce qui conforte l'idée d'une haute teneur en fer.
Il changea de sujet pour s'intéresser à la figure immortalisée sur son carnet.
Et vous? Avez-vous une idée de ce qu'indiquerait ces représentations? On parle facilement d'anciennes peuplades qui vivaient jadis dans ces contrées difficiles mais sans jamais apporter de précisions quant à leur mode de vie, leurs croyances ou leur rites. Je ne vous cache pas que malgré le côté "légende" de ces histoires, je ne peux m'empêcher d'y penser.

Pr Lim

Est-ce que vous pensez que cette salle a été creusée à la main? avait demandé Freuzne. Le professeur n'avait pas directement répondu, préférant se garder le temps de la réflexion et de l'étude. A première vue, la caverne semblait effectivement d'une telle régularité qu'elle ne paraissait pas naturelle. Cependant, sur les parois, nulle trace d'outils. La nature faisait parfois de véritables chefs-d'oeuvre qui bouleversaient l'homme.

L'anomalie de la roche relevée par son compagnon relançait la question. Avant d'y répondre, il fallait une étude précise. Ils relevèrent donc des échantillons, prirent des photos et continuèrent à s'intéresser à la grotte. Le Pr. Lim venait de finir son dessin, il préférait cette méthode car elle permettait de s'imprégner du sujet, quand Freuzne posa une autre question pertinente.

Et vous? Avez-vous une idée de ce qu'indiquerait ces représentations? On parle facilement d'anciennes peuplades qui vivaient jadis dans ces contrées difficiles mais sans jamais apporter de précisions quant à leur mode de vie, leurs croyances ou leur rites. Je ne vous cache pas que malgré le côté "légende" de ces histoires, je ne peux m'empêcher d'y penser.

Dans toute légende, il y a un fond de vérité. Découvrir cette vérité est une recherche prenante et minutieuse. Et pour cela, il faut se baser sur ce qu'on connait avec certitude et avec les liens qui existent entre le passé et le présent.

Le professeur s'animait. Comme tout homme de connaissances, les sujets les plus divers le passionnaient.

Ici, nous sommes dans un cas délicat. Si, jusqu'à présent, rien n'avait étayé la présence de ces Anciens, la grotte nous fait part de l'existence d'une peuplade inconnue. Ce qu'il nous faut savoir, c'est la situer dans le temps. Et c'est là que nous bloquons. L'écriture, que nous avons en partie pu déchiffrer grâce à d'autres basée sur la même façon de représenter, n'est en lien direct avec aucune civilisation de notre connaissance. Les peuples du désert sont peu enclin aux études scientifiques. Ils ont bien une tradition orale mais aucun écrit. Ceux de Sûl-Nar ont leur parlé mais écrivent en langue commune. Cette grotte semble donc une bulle sans lien avec l'extérieur. Ce qui est faux, bien entendu. Cela prouve juste la nature secrète de ces liens. Ce qui est en faveur de ma théorie sur l'utilisation de cette grotte.

Encouragé par l'attention de Freuzne, l'érudit continua.

Je pense que c'est un lieu d'initiation. A quoi, je ne sais pas, mais on ne cache pas une telle merveille sans une bonne raison. Je me demande vraiment quels Mystères peuvent être cachés ici...

La voix du Pr. Lim se perdit dans ses réflexions. Cependant, ils ne pouvaient s'éterniser dans cette atmosphère surchauffée et saturée d'éléments toxiques. Leurs respirateurs leur assuraient encore un peu moins de 2h d'autonomie. Ce fut ce qui décida le professeur.

Faisons rapidement le tour pour relever les autres dessins et revenons à l'entrée pour reprendre notre souffle.

Son compagnon approuva d'un signe de tête. Ils entamèrent donc le tour de la salle volcanique, prenant par la gauche, reproduisant, sans le savoir, les gestes des novices amenés depuis la nuit des temps. Régulièrement, un nouveau dessin était apposé sur la paroi. Le Pr. Lim le copiait pendant que Freuzne l'étudiait d'un air concentré. Les figures variaient peu. En réalité, même, sur chacune d'elle, un seul élément changeait : un cercle et le glyphe associé qui changeait selon la localisation sur la silhouette de l'homme.

Ils en étaient au troisième, le cercle se trouvait au niveau du plexus solaire, associé au symbole

quand ils remarquèrent que le magma brun semblait s'échauffer et se mettre à rougir. Eux-même se sentaient ârcourus d'un flux étrange qui faisait hérisser les poils du professeur.

Freuzne ressentait lui aussi de son côté une curieuse sensation parcourant son corps, une sorte de brise électrique soufflant sur sa peau des poussières d'étoiles, un sable invisible balayé par un vent qui traversait les vêtements sans faire bouger les cheveux. Il était conscient de l'honneur qui lui avait été fait par le Pr Lim lorsqu'il lui donna son accord pour l'accompagner dans son expédition, l'assister dans ses recherches. C'était la raison pour laquelle il fit silence sur ses sensations nouvelles, de crainte d'alarmer son hôte sur un éventuel malaise qu'il pourrait faire et qui engendrerait une interruption dans son travail. Or, il savait très bien que tout travail interrompu ne reprenait jamais comme s'il n'avait jamais été interrompu.

Il prit sur lui et se reconcentra.
Je suppose que ceci illustre l'humain, au premier plan.
Une courte pause, un instant de réflexion puis il reprit.
L'élément principal là, cette forme mi sphérique mi carrée, ressemble à un tête humaine. Cela se voit sans trop se forcer.

Les yeux plissés, il s'approcha du glyphe, passant devant le professeur.
Voyez ces formes, ici et là, ces gros points. Des yeux? Sans doute. De part et d'autre d'un épais sillon, symétriquement. Ce doit être le nez, juste au dessus d'une ouverture circulaire ; la bouche j'imagine.

Son collègue restait immobile, plongé dans un profond état de calme et d'observation. Freuzne n'était pas certain que son discours était entendu mais peu importe. Chacun avait bien le droit de se faire son propre avis ; il fallait juste surveiller les niveaux d'oxygène pour ne pas avoir à sortir en catastrophe au dernier moment.

Ce qui m'intrigue plus que le reste, ce sont les formes en dessous de cette supposée tête, ainsi que les proportions. Voyez vous? Ces petites formes, ces volutes symbolisent-elles un piédestal? Ou sont-ce là des bras de chaque côté d'un corps menu.

Il s'emporta cette fois-ci sans retenue dans ses explications.
L'hypothèse du corps et des bras est la plus simple mais pas la plus séduisante car l'autre idée, le piédestal, c'est un peu comme si cette peuplade mettait sur un promontoire la tête, siège de l'intelligence et de la pensée. NÉANMOINS! Ce sont des choses qui nous paraissent évidentes à nous, aujourd'hui. Mais était-ce le cas à leur époque? Pourquoi et comment auraient-ils pu savoir que la tête renferme le cerveau et que c'est cet organe qui est à la source de notre psyché? Pensaient-il que les yeux, la bouche et le nez étaient un lien vers notre pensée? Le visage, en son ensemble, détermine l'individu et permet à chacun de différencier l'un de l'autre. Par la vue plus que par l'ouïe certes. Et d'ailleurs, nous pouvons noter que dans cette optique, les oreilles n'ont pas été symbolisées. Haha!

Le Pr Lim avait maintenant le regard posé sur Freuzne. Il l'avait écouté. Mais qu'en avait-il pensé?

Le Pr avait écouté Freuzne avec intérêt et étonnement, même s'il avait pris soin de le cacher pendant qu'il dessinait. Il était ébahi qu'un profane, mais l'était-il vraiment?, déduise autant de choses et surtout remarque un détail tel que l'absence d'oreille, chose pourtant évidente mais toujours oubliée par les débutants. Il hocha donc lentement la tête avec un sourire de satisfaction.

Mon cher, vous êtes étonnant. Et si votre interprétation du symbole n'est peut être pas la bonne, mais pour le savoir il faudra que j'en parle avec mes collègues spécialisés, elle a le mérite d'être cohérente et de prendre en compte à peu près tous les éléments du dessin. Cependant, je tiens à vous faire remarquer un point : la couleur. S'il n'était pas rare de voir des dessins colorés, les couleurs ont toujours eu un vrai rôle : qu'elles reproduisent strictement la réalité ou qu'elles ajoutent une symbolique. Ici, nous avons un "visage" jaune. Il ne semble pas que les peuplades du désert aient une peau jaune, il est donc fort probable que cette couleur ajoute une symbolique à cette représentation. Les anciens peuples, bien souvent, déifiaient des éléments de la nature. Quel élément, jaune, pourrait être ainsi représenté? Je vous laisse à cette réflexion.

Et comme si de rien n'était, l'érudit reprit le tour de la salle. Surveillant leur niveau d'autonomie, il prit soin de ne pas renouveler ce genre d'échange qui, si instructifs qu'ils soient, n'en prenaient pas moins beaucoup de temps et de consommation d'oxygène. Ils continuèrent à parler, mais en se contentant de quelques remarques.

A chaque nouvelle étape, la sensation d'énergie se faisait plus forte, au point que le professeur commençait à se sentir mal. Au septième et dernier dessin, le vieil homme, car il faut bien le rappeler, le professeur Lim n'était plus tout jeune, la ressentait comme une douleur lui parcourant chaque nerf. Il ne pouvait s'empêcher de grimacer. Pour autant, il ne s'arrêtait pas et continuait farouchement à dessiner et à s'imprégner de la salle pour pouvoir retransmettre le maximum d'informations à ses collègues. Alors qu'il terminait son croquis, un geyser de lave s'éleva brusquement au centre de la salle, plaquant les deux hommes contre le mur. Mais ils ne furent pas touchés et le magma rougeoyant reprit lentement sa place.

Effrayé, le Pr. Lim ne remarqua pas tout de suite que la douleur avait disparu. A la place, il lui restait une sensation de bien-être, de complétude. Il se sentait bien. Bien mieux que depuis plusieurs années. Il n'en dit rien, mais son pas était encore plus alerte lorsqu'ils ressortirent de la salle pour rejoindre leur camp. Ils avaient beaucoup à étudier rien qu'avec cette première salle. Et l'érudit était impatient de connaitre les idées de son protégé, ainsi que celles de ses collègues émérites.

Le soir même, après s'être reposé sur les chaises alignées de la cantine et s'être  lavé avec l'équivalent de quelques verres d'un bidon d'eau partiellement emprunté au service d''infirmerie, Freuzne entreprit de retrouver le professeur Lim pour discuter, si possible autour d'une assiette remplie de bonne charcuterie, de féculents et d'herbes. Les fruits n'étaient pas une denrée que laquelle il était bon de compter : les hautes températures qui régnaient sur le désert la journée les faisaient tourner beaucoup trop rapidement.

Après avoir un minimum soigné son apparence _ce qui revenait à avoir à peu près peigné sa longue chevelure brune avec sa main_ l'homme quitta la tente qu'il occupait jusqu'alors.
Le campement était désert. Avançant sans presser le pas, Freuzne ne vit qu'une femme, se croyant cachée entre deux toiles, aux innombrables tâches de rousseur affûter le tranchant d'une longue lame type machette mais d'apparence plus légère, plus fine que l'arme classiquement reconnue. Cette vision peu accueillante ne le poussa pas à s'attarder dans les parages ; si les assassins n'étaient pas une espèce fréquemment rencontrée, les pouvoirs religieux en place un peu partout avaient vite fait d'avoir vent d'une expédition scientifique cherchant à dénaturer un de leurs mystères, violer leurs mythes. Et envoyaient logiquement un assassin aux trousses de l'homme de connaissance, faisant avorter à coup sûr cette entreprise.
Il déguerpit sans un bruit.

Le professeur Lim et les érudits partageaient la plus grande tente habitable du campement. La plus vaste était celle du compartiment restauration mais elle n'était franchement pas confortable, ce n'était qu'un abri où entreposer du bazar, des tables et des chaises ainsi que la cuisine.
Ces vieilles barbes ne bougeaient pas dans les environs, exception faite du Pr Lim, justement, et des rares fois où les toilettes du camp étaient toutes occupées en même temps. Un rocher voisin gagnait un soudain intérêt pour ceux-ci qui partaient systématiquement à son exploration, muni d'une bouteille d'eau et d'un paquet de mouchoir. Hormis ça, le néant.
Freuzne connaissait déjà l'un d'entre eux, pour avoir exploré une partie de la grotte avec lui le jour même. Il avait entendu parlé d'autres vénérables, les professeurs A'ong, Qcurden et le curieux Ignes Fatui.

Arrivant devant leur tente, il se retourna brièvement. Avait-il été suivi? Impossible de s'empêcher de penser à cette vision de tout à l'heure, cette femme... Il devait se faire des idées.
Des tapisseries lourdes et sophistiquées faisaient office de murs et de plafond. Après en avoir écarter un pan, Freuzne découvrit un intérieur raffiné composé de meubles en bois fruitier orange et or, de lampes à naphte dissipant une lumière tendre et enveloppante ; des piles de livres, véritables colonnes disposées sur quelques dessertes ça et là improvisaient une salle hypostyle.

Le professeur ne s'aperçut pas tout de suite de la présence de Freuzne. Il était en grande conversation avec un nain aux cheveux de feu. Ils étaient en train d'examiner les photos et les échantillons de roche prélevés dans la grotte. Les autres érudits levèrent rapidement les yeux sur le nouvel arrivant et s'en désintéressèrent aussitôt, replongeant dans leurs ouvrages respectifs.

Enfin le vieil homme vit son compagnon d'exploration, debout à l'entrée de la grande tente. Il lui fit un geste pour l'inviter à les rejoindre, notant au passage les traits inquiets de l'homme. Le Pr. Lim pensa qu'il devait l'interroger à ce sujet mais oublia dès qu'il fit les présentations.

Qcurden, voici Freuzne, avec qui j'ai visité une partie de la grotte aujourd'hui. Freuzne, je vous présente le Professeur Qcurden, éminent spécialiste des roches mais surtout de tout ce qui est ésotérisme. Il est très enthousiaste concernant la salle que nous avons découverte. Pour lui, il est évident que c'est un lieu d'initiation. A quoi, c'est encore un mystère mais l'exploration du reste de la grotte nous éclairera peut être.

Le professeur reprit son souffle. Il était exalté par toute cette histoire et depuis qu'ils étaient sortis, il se sentait rempli d'une énergie nouvelle. Ses collègues avaient remarqué ce nouvel entrain et secouaient intérieurement la tête devant cet homme exubérant qui ne semblait pas appartenir à leur monde de livres et de théories.

Il pense que ce premier lieu est un lieu de purification. La purification par le feu est quelque chose de répandu dans les diverses civilisations. Cela se tient... Mais partagez donc vos impressions avec nous ! Qcurden serait ravi de connaître vos idées, il adore débattre sur la formation des roches et sur leur façonnage.

Le nain regardait Freuzne d'un regard vert assez rare chez cette race. Si son visage était aussi bourru que celui de ses congénères, ses yeux exprimaient une ouverture d'esprit et une curiosité insatiable.

Malgré ce côté intimidant, Freuzne n'eut pas l'occasion de s'accorder une hésitation avant de délivrer ses impressions, ses sensations à cette nouvelle tête.

Et bien, j'ignore ce dont vous avez déjà parlé ensemble mais parmi ce que nous avons exploré aujourd'hui ses yeux fixèrent un bref instant le Pr Lim, la tête légèrement baissée. l'odeur de soufre, sentie dès notre entrée m'a surprise. Nous sommes donc repartis nous équiper en conséquence ; par la suite aucune alarme ne nous a avertie d'une surdose gazeuse.

Qcurden avait le visage figé, l'air attentif. Ses yeux brillants laissaient entrevoir que pratiquement chacun des mots énoncés agitaient en sa cervelle un large bataillon de neurones à peine hyper exités.

Par la suite, la roche rouge, que je suspecte être riche en fer, dissipait l'odeur de soufre à sa proximité directe.

Nous avons fait une douzaine de prélèvements rocheux qui ont déjà été analysés et qui confirment vos impressions. Il s'agit bien d'une roche sédimentaire ferrugineuse, un type de grès à haute teneur en hématite.

Sous le coup d'une excitation croissante, le nain pris la parole.
Ce qui ne m'étonne pas... enfin pour le grès. Mais de là à expliquer d'un claquement de doigt il fit s'entrechoquer ses doigts, petits et robustes, sur sa paume pour illustrer, comment ce pigment là s'est retrouvé ici en si grande quantité!

Le professeur Qcurden était un petit homme à la voix bourrue et aux traits sans finesse. Pourtant la finesse des étoffes qu'il portait en guise de vêtements, d'une rare richesse en couleurs vives et en fins liserés dorés indiquait un soin différent de celui que tout à chacun aurait attendu d'un tel personnage.

Il se tourna un bref instant vers les deux érudits qui n'avaient pas encore pris part à la conversation puis reprit un ton plus bas :
Cette hématite dont vous parlez cher professeur Lim, j'ai l'intuition plus vivace que jamais que cette salle où vous vous êtes rendus aujourd'hui étaient non seulement un lieu d'initiation mais aussi de sélection. Dans ces civilisations là, la nature est une véritable divinité. Mais elle est beaucoup plus crainte, redoutée qu'autre chose! La sélection est par ailleurs un des points communs les plus redondants parmi elles.

Freuzne, interloqué, coupa le nain dans sa lancée.
Attendez, vous parlez de quelle type de sélection? Ce n'est pas un lieu de massacre tout de même?

Non, je n'irais pas jusque là. Mais l'histoire de l'Homme n'est pas rose, au contraire, elle est plutôt rouge. Rouge sang. Voyez-vous, j'étais sur le point de m'expliquer : la sélection est un des plus importants processus naturels par lequel la Vie perdure. Je sais, c'est assez paradoxal. Mais laisser les faibles mourir, voire les y amener prématurément est le meilleur moyen retenu, et par la nature, et par ces civilisations pour conserver une sens favorable dans l'évolution. Au fur et à mesure que passent les décennies survivent les meilleurs. C'est le principe de sélection.

Le professeur Lim embraya immédiatement derrière lui.
Nous sommes donc d'accord vous et moi quant à l'hypothèse selon laquelle cette première salle est un lieu d'initiation...

Où le sang aurait coulé depuis des générations et des générations.

C'était cruel mais les analyses allaient dans ce sens, aussi invraisemblable que ça aurait pu le paraître avant.

Aussi, j'ai beaucoup repensé à ce qu'il s'est produit juste avant que l'on ressorte. Cette explosion de magma, ce... bien être. L'avez-vous ressenti comme je l'ai ressenti?

Le professeur Qcurden s'approcha de Freuzne, un sourire confiant et malicieux dissimulé sous sa barbe broussailleuse.

Vous n'êtes pas morts tous les deux? Et bien c'est que vous avez été sélectionnés.

Cette affirmation eut le même effet que le coup de marteau enfonçant pour de bon le clou dans une planche. Maintenant, ils savaient concrètement vers quoi ils marchaient.