Port-Liberté [zone publique]

Sephi avait été surpris de voir sa compagne rentré de cette manière dans la salle. Tout les convives avait le regard braqué sur elle, enfin sur son corps plutôt qu'ailleurs. L'elfe répondit d'une voix neutre :

Un peu ? J'aurais dit tellement trop qu'au moins trois ou autre types auront finit de perdre tout leurs sang d'ici une dizaine de minutes. Et cela dit si tu voulais impressionner, tu as réussis.

En souriant, il rajouta d'une voix légèrement charmeuse :

Tu es totalement ravissante comme cela.

Puis l'elfe appela le barman, afin de commander deux plats du soir, qui malheureusement serait du poisson.
En plus de passer la journée au milieu des poissons voilà qu'il devait en manger le soir aussi. Enfin demain ils auraient peut être le droit à un autre met.

Durant toute la durée du repas, les gens n’arrêtaient pas de tourner la tête vers leur table, en plus de la beauté étincelante de Grendelor, les deux lunaires disparaissaient dans des fous rires interminables ou semblaient par moment plonger dans un autre monde. Ces deux clients attiraient l'attention de la foule, le bouche à oreille avait du faire effet car nombre d'habitants de la ville tentait de venir voir cette sorte de spectacle et consommait. Le barman était certainement l'homme le plus heureux de l'arrivée de cette clientèle.
Sephi commençait être légèrement excédé du nombre de regard qui fixaient leur table. Après un regard fixé sur Grendelor, ou l'on pouvait lire son désarrois de la voir tant le centre d'attention, un peu trop d'ailleurs.
L'elfe sortit de ses vêtements un nombre de boule de jonglage aux différentes phases de la lune et les envoya tourner en l'air, les boules semblaient virevolter et passé de main en main à une telle vitesse qu'on pouvait voir le cycle de la lune se dessiné à toute vitesse devant les yeux.

Grendelor avait bien senti l'agacement de Sephi monter au fur et à mesure du dîner. Jalousie? Ou inquiétude pour sa personne? La jeune femme ne le savait mais elle ne s'en faisait pas. Dans un cas comme dans l'autre, un exutoire serait trouvé. Et se fut le cas quand l'elfe se mit à jongler à une allure vertigineuse, dessinant le cycle de la lune sous les yeux émerveillés des convives et de Grendelor. celle-ci appréciait toujours un bon spectacle et les dons de son compagnon la sidéraient. Dans le ciel, leur déesse-mère souriait, heureuse de la joie répandue par ses enfants.

Alors que Sephi changeait ses figures, emporté par le jeu, la dame turquoise n'y tint plus et se joignit à lui, gagnée par la fièvre de la jongle. Sans bouger de sa place, laissant l'elfe dans la lumière de l'attention générale, elle créa cinq petites boules de feu qui allèrent se mêler aux balles du jongleur. Elles virevoltaient autour, induisant de nouvelles arabesques sans perturber le mouvement de Sephi. Petit à petit, l'un et l'autre se laissèrent gagner par le bonheur de la manipulation et de l'échange, oubliant où ils étaient et les spectateurs.

Ils se livrèrent alors à une véritable danse de jongle, entremêlant leurs figures pour en créer de nouvelles ou bien exécutant les mêmes dans un ensemble parfait ou au contraire dans un décalage qui donnait le tournis. Ils envahirent la terrasse qui devint leur terrain de jeu, entre exclamations de joie et de frayeur quand les balles de feu frôlaient personnes et mobilier. Perdus dans leur monde, les deux lunaires faisaient la démonstration de leur Confrérie, apportant joie, animation et magie à ceux qui vivaient dans le marasme d'une gloire passée. Un souffle d'émerveillement enfantin.

Nul n'aurait su dire combien de temps cela avait duré quand les deux jongleurs s'arrêtèrent, essoufflés et souriant. L'étonnement se peignit sur leurs visages quand un tonnerre d'applaudissements les ébranla. Ils avaient complètement oublié les autres convives, ne voyant plus que l'autre et les balles de lumière. Grendelor se reprit la première et, attrapant la main de Sephi, fit une gracieuse révérence avant de retourner tranquillement à leur table où le tavernier vint leur offrir son dessert des grands soirs, une légèreté de chocolat mêlée de coco, ainsi qu'un verre de sa réserve personnelle. La jeune femme accepta avec joie, même si l'alcool, bien plus fort que celui auquel elle était habituée, lui brûla la gorge et lui fit tourner la tête, qu'elle avait déjà bien légère après leur démonstration. Ses joues se colorèrent joliment et ses yeux brillaient d'un feu contenu.

L'elfe était à la fois déçu de perdre son public, qui l'avait acclamé avec joie mais aussi heureux de pouvoir se poser et de récupérer de l'effort fourni pour combler une population qui n'avait pas du voir de spectacle de jonglerie de qualité depuis une bonne décennie au moins.
Il accepta avec joie le verre de digestif et dégusta avec bonheur son dessert. Le goût de la coco mélangé au chocolat l’enivra de bonheur, il ne sortit de sa rêverie qu'en voyant le regard et la figure de Grendelor qui montraient clairement l'influence de l'alcool.

L'elfe sourit en regardant sa compagne :

Dis moi la chaleur t'envahirait-elle ? Attention à ne pas succomber aux affres de l'alcool, enfin cela pourraient réjouir nos spectateurs.

L'elfe commanda un second verre pour lui même et regarda Grendelor.

Veux-tu m'accompagner ou un seul te suffira-t-il ?

Sur ces paroles Sephi regarda dans la salle, nombre des gens étaient retournés à leur table discutant de ce qu'ils venaient de voir, jetant de temps en temps un coup d'œil vers la table histoire de ne rien louper si quelque chose d'autre se passait.

Veux-tu m'accompagner ou un seul te suffira-t-il ?

Grendelor hésita un instant avant de hocher la tête pour donner son accord à un second verre.

Mais je te propose que nous le dégustions en profitant du petit jardin qui jouxte l'auberge. Il y aura moins de monde.

Ce que la jeune femme n'explicita pas, Sephi le comprit avec sa dernière phrase. En temps normal, la guérisseuse contrôlait très bien son empathie et sa télépathie, mais fatigue et alcool effritaient ses défenses et elle était bien plus vulnérable aux pensées et aux émotions des autres dans ces moments là. Et bien évidemment, plus la foule était nombreuse, plus il était difficile de ne pas se laisser submerger. Ce qui était un risque déjà bien embarrassant. Mais le problème était que l'influence marchait dans les deux sens et donc Grendelor laissait passer ses émotions, les diffusant largement sur ceux qui l'entouraient, ce qui pouvait être très gênant aussi. En s'éloignant dans le jardin, la jeune femme limitait les dégâts si elle venait à perdre le contrôle.

Une fois servis, les deux lunaires prirent donc la direction d'un petit sentier partant de la terrasse. La jeune femme attrapa le bras de l'elfe, ses pas n'étant déjà pas très assurés. Là, ils se promenèrent lentement, dégustant leur verre en silence, savourant l'air de la nuit, la lumière de la lune. Petit à petit, la guérisseuse sentait l'alcool faire son effet, ouvrant son esprit au monde et affectant sa vision ainsi que son sens de l'équilibre. Alors que Sephi n'aurait pas dû être encore troublé par les deux verres qu'il avait bus, il commença à voir trouble et sa démarche se fit plus hasardeuse. Une certaine euphorie le gagnait. Grendelor, qui pourtant avait bien conscience de l'influence qu'elle avait sur l'état de son compagnon, ne le lâcha pas pour autant, déjà trop grisée pour écouter la voix de la raison. Au contraire, elle s'accrocha plus fermement à son bras, favorisant la proximité de leurs esprits.

Je crois que finalement je n'aurais pas dû prendre ce second verre, il est vraiment fort ce truc... dit-elle juste avant de trébucher dans l'herbe.

Les deux lunaires s'étalèrent par terre, sans rien de la grâce qu'ils avaient pu montrer lors de leur spectacle. Grendelor éclata de rire tout en essayant de se dépêtrer de l'elfe.

Sephi se retrouva emmêlé entre les bras et les jambes de Grendelor, il commença par pousser un léger soupir d'agacement et pensa au verre de trop qu'il lui avait proposé de boire.
Il finit cependant très vite rejoindre sa compagne dans un rire inexplicable, les émotions de cette dernière l’envahissaient en permanence et l'elfe commençait à laisser le sceau de folie céder.

Sephi essayait vainement de se dépêtrer de Grendelor, mais jusqu'à présent il n'avait réussi qu'à s'empêtrer encore plus avec cette dernière et il commençait à pouvoir à peine bouger. Doucement, la lune blanche tatoué sur son cou s’effaça, et de l'autre côté une lune noire commençait à apparaitre...
Une lueur de folie éclaira les yeux de l'elfe, point de méchanceté y apparaissait juste une douce folie pouvant les emporter au loin.

Le vent commença à souffler autour d'eux légèrement, puis de plus en plus fort, l'elfe ne maitrisait plus ses pouvoirs, Grendelor était toujours perdu dans un rire innarrêttable et ses émotions semblaient volées en tout sens s’imprégnant dans tous les esprits qu'elles croisaient. Sephi en recevait une dose continuelle qui n'arrangeait en rien ce qui se passait, il ne comprenait pas tout ce qu'il recevait, la dame turquoise semblait perdue dans des limbes d'émotions aussi diverses qu'étrange, voir folle.

Une lente descente dans un monde d'une douce folie commença pour les deux lunaires.

Leurs émotions se renvoyaient l'un à l'autre, s'amplifiant et s'entremêlant intimement au point qu'ils ne savaient plus à qui elles appartenaient. La folie de l'elfe s'empara de la joie enfantine de l'humaine. Leurs esprits si proches se répondaient instantanément. Encore enlacés, le vent commença à les élever dans les airs en un tourbillon qui les plaça bien au dessus de la ville de Port-Liberté. Libérée de toute mesure, Grendelor laissait la bride à leurs pouvoirs. Des nuages noirs s'amoncelaient petit à petit dans le ciel, cachant la lune. Le vent sifflait dans les rues de Port-Liberté. Le tonnerre se fit soudain entendre, accompagné d'un éclair qui fendit la nuit.

La majorité des habitants avait mis le nez à la fenêtre, se demandant ce que présageait ce soudain changement de temps. Quelques uns remarquèrent les deux silhouettes dans le ciel, entourées d'un tourbillon qui entremêlait cheveux d'argent et de turquoise. Alors les gens commencèrent à sortir et à se rassembler en murmurant, inquiets et fascinés. Les éclairs se mirent à tomber plus régulièrement et un parfum entêtant envahit la ville.

Grendelor claqua des doigts.

La nuit s'embrasa de milliers d'étincelles qui se mirent à voltiger au gré du vent, au rythme des éclairs zébrant le ciel. Une symphonie sonore et visuelle.

Par le biais de Sephi, la guérisseuse contrôlait que les flammèches ne s'approchent pas des habitations. Bien que largement visible, l'orage ne menaçait pas la ville. Sans se rendre compte de ce qu'elle faisait, elle avait pris l'elfe sous sa coupe, le poussant à faire ce qu'elle voulait : donner un spectacle colossal. Elle alla plus loin et créa six grosses boules de feu, jonglant avec par la magie et les agitant de soudains mouvements par le vent.

Les habitants regardaient, émerveillés, nullement apeurés, la jeune femme diffusant largement ses émotions de joie et de plaisir. Toute la ville était influencée par sa présence. Elle aurait pu en faire n'importe quoi. Heureusement, la lunaire était d'un naturel joyeux.

Le spectacle ne dura pas aussi longtemps que le premier. Grendelor épuisa assez vite son énergie, dispersée dans les divers contrôles qu'elle exerçait. Petit à petit, le ciel s'éteignit. Seuls le vent et les nuages restèrent mais même les éclairs se turent. Acharnée à vouloir continuer, toujours inconsciente des dangers, la jeune femme en fit trop : une grande rafale de vent traversa Port-Liberté, faisant ployer ses habitants qui se retinrent les uns les autres. Complétement vidée, la dame turquoise s'effondra dans les bras de l'elfe. Son étreinte mentale se relâcha. Le vent aussi. Ils tombèrent, sous l’œil médusé de toute la ville.

L’elfe retrouva la maitrise de son corps au moment où Grendelor chut dans ses bras, commença alors une longue chute vers le sol où des dizaines de regards étaient portés sur eux, brillant d’un éclat de stupeur de voir ce spectacle si grandiose se finir d’une telle façon.
Sephi était encore assommés par la puissance des émotions de Grendelor qui l’avaient envahi, la lune noire étincelait sur son cou, ses yeux semblaient emplis d’une douce folie, un léger rictus s’imprima sur son visage alors qu’ils tombaient. Il n’avait point peur, il voulait créer une fois de plus la sensation. Il fallait juste qu’il parvienne à résister aux émotions de sa compagne, qui bien qu’évanouie lui envoyait des pulses involontaires chargés d’une puissance que l’elfe n’appréciait guère vu son état.

Il attrapa la dame turquoise sous les aisselles et se mit à plonger, fendant l’air de plus en plus rapidement.
Les gens, bien qu’effrayés, restaient scotché sur place incapable de faire le moindre geste. Médusés par la tournure que prenaient les évènements.

Dans le ciel la lune brilla de plus en plus fort, comme intimant ces enfants de stopper leurs folies, Sephi était cependant sous l’influence de la lune noire et de la folie que Teysa lui avait implantée, et il filait vers le sol à toute allure en riant gaiement. Grendelor émergeait lentement, la vitesse de la chute l’empêchant de rester inconsciente. Rien ne laissait supposer qu’ils n’allaient pas heurter la surface de la terre avec une violence inouïe, si ce n’était le rire joyeux de l’elfe. Cependant le côté enfantin de ce dernier laissait douter quant à la capacité de ce dernier à les sauver d’un choc mortel.

Alors que le sol approchait, l’elfe fit apparaître autour de lui ses 5 boules de jonglages, utilisant sa magie et les fit voltiger sous l’œil ravie et terrifié de Port-Liberté. Le cycle de la lune se dessinait clairement autour des deux lunaires les accompagnants dans leur descente vertigineuse.

Les pieds de Grendelor allaient toucher le sol avec fracas, lorsque la chute se stoppa avec une douceur impensable. Elle restait suspendue à quelques centimètres du sol, retenue par son confrère. Les deux comparses flottaient à la surface du sol, le cycle lunaire tournoyant gaiement autour d’eux. L’elfe les posa en souriant et partit d’un rire enfantin. Les habitants ébahis et rassurés, bien que tremblant de tout leurs membres pour une partie d’entre eux, applaudirent.

Ce fut le noir, d’un coup, la lune noire cédait sa place à la lune blanche sur le cou de l’elfe, alors que le sceau se reformait et il tomba au sol, épuisé, vidé de toute énergie. Grendelor restait là, immobile, visiblement atteinte par la chute et l’enchainement des évènements et probablement sous le coup des émotions de l’elfe qui avaient du l’envahir en vrille pendant la chute et à l’arrivée en plein Port-Liberté.

Grendelor était tout simplement retournée par ce qu'il venait de se passer. La chute l'avait en partie dégrisée, suffisamment pour qu'elle se rende compte du danger qu'elle leur avait fait courir. Son estomac n'était pas encore remis à sa place et les effets de l'alcool n'arrangeaient rien. Il lui fallut plusieurs secondes avant que le monde arrête de tourner et qu'elle puisse bouger sans risquer de tomber. Et encore le fit-elle précautionneusement.

Les habitants de Port-Liberté semblaient être retournés se coucher et les rares encore dans les rues ne faisaient pas mine de venir aider les deux lunaires. Toujours nauséeuse mais suffisamment remise pour aligner deux pensées claires, Grendelor s'accroupit auprès de Sephi. Celui-ci était simplement évanoui, ce qui rassura la jeune femme. Elle-même n'était pas vaillante et elle était reconnaissante du fait que personne ne les approcha. Quiconque aurait essayé se serait retrouvé dans un maelström d'émotions allant du soulagement à la culpabilité en passant par la joie et la fierté. Grognant sous l'effort, la guérisseuse souleva l'elfe avec difficulté, lui fit passer ses mains autour de son cou et le hissa sur son dos. Elle chancela et attendit de s'être stabilisée avant de tenter de marcher avec son fardeau.

C'était faisable. Le retour vers l'auberge se ferait avec une lenteur d'escargot mais il pouvait se faire. Il suffisait de se concentrer sur ses pieds. Ainsi le monde ne tournait pas. La dame turquoise prit donc le chemin du retour, chuchotant pour son compagnon.

Tu peux être fier de toi, tu as fait le clou du spectacle. Je suis sûre qu'ils en parleront encore pendant vingt ans. Ils n'ont pas du voir ça depuis au moins autant d'années. Tu as le sens du timing. Mais la prochaine fois, je pars avec Aikoh, elle est moins lourde.

Sur cette pique, la jeune femme se mit à fredonner des comptines. Quand ils arrivèrent en vue de l'auberge, le soleil pointait sur l'horizon. Grendelor déposa Sephi sur leur lit et s'effondra à ses côtés. Elle savait qu'elle aurait d'abord du manger, mais le sommeil la prit aussitôt.

L’elfe s’éveilla sous les rayons d’un soleil plus que matinal. A ses côtés, Grendelor dormait encore d’un sommeil paisible. Sephi se leva doucement, évitant de réveiller sa compagne. Il supposa qu’elle l’avait transporté de la rue jusqu’à l’auberge, vu qu’il ne se souvenait pas d’être lui-même rentré à l’auberge.
Il prit une douche rapide et descendit manger un morceau. La salle était encore vide, le barman servit l’elfe. Ne sachant visiblement pas comment aborder le lunaire, il préféra le laisser à son repas et se retirer dans son arrière boutique.
Une fois ravitaillé l’elfe remonta, sa douce compagne dormait encore, préférant ne pas la réveiller. Epuisée comme elle l’était, elle devait avoir besoin de repos. Il déposa un baiser sur sa joue, lui laissa un mot. Indiquant qu’il repartait à la pêche et qu’elle pourrait le rejoindre quand elle se sentirait prête.
Récupérant les aquariums encore vide, l’elfe se dirigea vers la plage, les transportant par magie. Une fois sur place, il ne perdit pas de temps et fila rejoindre la fraicheur de l’océan. Il nagea vers le large, longeant les fonds marins au milieu des algues, anémones et poissons y vivant.

Le soleil était déjà haut dans le ciel quand Grendelor ouvrit les yeux. Il lui fallut quelques instants avant de réaliser où elle était et de se rappeler les évènements de la veille. Son estomac lui assura la véracité de ses souvenirs : elle était affamée. Sans prendre le temps de se changer (elle s'était endormie dans sa tenue de dîner), la jeune femme descendit et commanda... deux déjeuners ! Il lui fallait bien ça pour compenser. Elle se dépêcha autant qu'elle put. Elle avait lu le mot de son compagnon et s'inquiétait un peu de le savoir seul dans les hauts fonds alors que des prédateurs rôdaient. Dans la salle, tout le monde chuchotait sur son passage et lui jetait des regards furtifs. La jeune femme fit de son mieux pour les ignorer sans paraitre autre chose que pressée.

Retournant dans la chambre, la guérisseuse se prépara rapidement et se téléporta directement sur la plage. Un sombre pressentiment l'agitait. Les aquariums étaient là, en partie remplis. Sephi, lui, n'était pas visible. Grendelor hésita un instant. Se téléporter auprès de lui n'était pas la meilleure idée car elle ne savait à quelle profondeur il se trouvait et le choc pouvait la mettre en danger. Elle se contenta donc de repérer sa présence et de nager vers elle. Quand elle arriva en vue de l'elfe se fut pour repérer un énorme carcharodon qui lui fonçait dessus. Un cri mental d'alerte lui échappa et elle se mit à nager plus vite.

L’elfe reçue le cri mental de sa compagne et se retournant cria aussi en voyant apparaître la créature devant lui. Il sentit la présence de Grendelor encore trop loin, qui s’approchait rapidement, la bête était presque sur lui.
Le corps de l’elfe coula à pic au moment où le carcharodon semblait le percuter. Le requin ne comprit pas pourquoi le corps coulait, il n’avait pas remarqué la dame turquoise qui accéléra en voyant le spectacle.

Sephi était simplement sorti mentalement de son corps, enfermant la tête dans une bulle d’air pour que celui-ci puisse survivre en attendant. L’elfe se mêla aux particules d’air dans l’eau, et réfléchit aux possibilités d’éloigner le carcharodon qui s’offraient à lui. Le temps pressait, la bête avait repéré le corps qui venait de se poser sur le fond marin. Elle fonça droit dessus, Sephi perçut le cri mental de Grendelor, qui semblait désemparée. Elle semblait totalement affolée.

De son côté Sephi attendait le meilleur moment pour agir, alors que le requin allait avaler son corps, l’air marin se comprima en un violent tourbillon qui força l’immense bête à s’écraser la tête la première contre le fond océanique. L’immense corps tomba lentement sur le côté, l’elfe ne remarqua pas que son corps allait être aplati par l’immense corps poissonneux s’étalant sans majesté. L’eau tourbillonnante se stoppa et se transforma en dizaine et dizaine de petites bulles d’air qui remontaient lentement vers la surface. L’elfe poussa un immense soupir de soulagement alors que le drame n’était pas fini. Epuisé il regagna son corps, et vit à ce moment son erreur monumentale, il pouvait à peine bouger et voyait le corps s’affaisser doucement mais surement sur lui.

Grendelor avait suivi les actions de Sephi tout en se rapprochant aussi vite qu'elle pouvait. Pendant un instant, elle crut l'elfe sauvé quand l'énorme requin s'assomma sur les fonds marins. Mais elle remarqua aussitôt la position du corps du lunaire, pile là où s'effondrait le carcharodon. En une fraction de seconde, la jeune femme décida de tenter le tout pour le tout. cela risquait d'être juste en timing pour eux deux mais elle ne pouvait pas utiliser sa magie de feu sous l'eau. Et le carcharodon inconscient, elle ne pouvait agir sur son esprit. Ne restait qu'une chance. Infime.

Sans prendre plus le temps de réfléchir, la guérisseuse se téléporta auprès de Sephi, l'attrapa alors que l'immense masse n'était qu'à quelques centimètres de lui (grâce soit rendue à l'eau qui ralentissait la chute du requin) et repartit aussitôt, emmenant son confrère avec elle. Ils apparurent sur la plage, près des aquariums. L'air entrant brutalement dans leurs poumons les suffoqua un instant avant que leurs organismes ne se remettent à fonctionner normalement. Grendelor avait encore les yeux dilatés d'effroi et ce fut d'un ton un peu rude qu'elle parla à l'elfe.

Tu n'es pas un peu fou d'être reparti seul alors que tu savais qu'il rôdait dans les parages? N'aurais-tu pu attendre mon arrivée avant de visiter les hauts-fonds, là où il aime à se promener? A moins que ce ne soit encore l'alcool d'hier soir qui ne te mette les idées à l'envers?

Ses paroles, bien que sèches, reflétaient la frayeur qu'avait eu la jeune femme. Ainsi qu'un fond de culpabilité, Grendelor se reprochant de n'avoir pas été éveillée au moment du départ de l'elfe.

L’elfe suffoqua un long moment, puis devant l’air un peu furieux de Grendelor se tassa complètement et marmonna quelques mots d’excuses peu audibles.

Désolé, je ne pensais pas tomber sur ce monstre, fin tu vois quoi …

Sa compagne le regardait durement puis finit par s’adoucir, voyant son air penaud et les piètres excuses, non moins sincères, de l’elfe.

Après un moment de repos, ils décidèrent d’allez explorer les hauts fonds, en faisant attention de ne point se quitter. Sephi lui promis au moins une bonne dizaine de fois qu’il ne s’aventurerait pas n’importe où et de faire attention. Puis tout deux retournèrent dans l’eau.

Ils nagèrent un moment avant d’arriver sur une crevasse sous-marine. Cette dernière devait surement cacher un nombre de trésors incalculable pensa Sephi, puis regardant Grendelor, lui parla mentalement :

On y va ou ?

On y va ou ?

Grendelor lança un sourire joyeux à son compagnon.

Évidemment qu'on y va, on ne va pas rester là comme deux enfants qui ont peur du noir !

Et sur ce défi, la jeune femme s'enfonça dans la faille.
Sa peur et sa colère l'avaient quittée devant le repentir de Sephi et son attitude par la suite lui avait montré qu'il n'avait pas pris à la légère l'attaque du carcharodon, ce qui avait fini de rassurer la lunaire.

Pénétrant dans les ténombres marines, elle attendit en vain que sa vision s'accoutume. Il faisait trop sombre. Peut être que l'elfe y voyait quelque chose mais pour l'humaine n'importe quoi aurait pu se trouver devant son nez, même un carcharodon, sans qu'elle le remarque. Avec ses perceptions mentales et beaucoup de travail, elle aurait pu définir où se trouvaient les divers poissons mais ça ne l'aurait pas empêchée de se cogner à la moindre occasion. Aussi sortit-elle de la ceinture qui ne la quittait jamais une petit lampe de plongée qu'elle s'empressa d'allumer. Aussitôt les ténèbres se parèrent de couleurs chatoyantes. Les poissons présents ne résidaient pas ici comme en témoignaient leurs parures. L'endroit devait toutefois receler des avantages aux vues du nombre de poissons présents.

Se déplaçant lentement pour ne pas les effrayer, Grendelor regardait avec de grands yeux émerveillés. Elle repéra quelques Yellow Wrasse et mit la main sur un superbe poisson combattant siamois qu'elle destinait à Aikoh. Du coin de l'oeil, elle surveillait son compagnon qui faisait aussi quelques prises. Enfin, la jeune femme dénicha un beau spécimen de poisson arc-en-ciel qui correspondait si bien à l'elfe. Le poisson fut attrapé en un tour de main, attiré par la lumière de la lampe. Le lunaire rejoint alors Sephi. Elle stimait pour sa part avoir assez pêché pour quelques mois.

Spoiler:

De son côté l'elfe avait trouvé plusieurs spécimens magnifique. Il en trouva un qui le ravit, il l'associa tout de suite à Grendelor, il était sure qu'elle serait enchanté de recevoir ce magnifique poisson perroquet.

Spoiler:

Continuant ses recherches il trouva un magnifique ange géographe qu'il décida d'ajouter à leur collection.

Spoiler:

Il vit que l'humaine se rapprochait doucement, tournant légèrement son regard pour vérifier qu'elle le rejoindrait en toute sécurité il aperçut un banc de poisson coraliens qui l'attira instantanément, il en attrapa plusieurs spécimen de couleurs différentes.

Spoiler:

Spoiler:

Au moment ou Grendelor arrivait vers lui, toute guillerette de ses trouvailles,il attrapa un magnifique pygoplite avant de se tourner vers elle.

Spoiler:

Avant de songer à remonter ils attrapèrent ensemble un banc de magnifique poissons papillons.

Spoiler:

Ils commencèrent à ressortir de la crevasse, puis l'elfe attrapa sa compagne et l'entraina à sa suite, il lui fit un clin d'oeil et sourit.
Le courant s’accéléra autour d'eux et les portaient de plus en plus vite, Sephi s'amusait à jouer de ses pouvoirs au fond de l'eau. Au moment où il passait à coté d'un massif corallien, l'elfe s’arrêta rapidement et montra à Grendelor un amas de bulle qui se déplaçait le long du massif, presque imperceptible à l’œil.

Se laissant porter par le courant, Grendelor savourait le plaisir de Sephi à jouer ainsi avec ses aptitudes. Quand il s'arrêta brusquement, la jeune femme fut un instant désorientée avant de remarquer ce que lui montrait l'elfe. Des poissons bulles. De véritables poissons bulles.

Elle tendit doucement son esprit vers eux, les effleurant délicatement. Besoin de sécurité, cohésion de groupe, crainte sous-jacente, voici ce qu'elle put ressentir. La lunaire souriait en les contemplant et arrêta d'un geste son compagnon quand il voulut les attraper.

Grendelor prit la main de Sephi et l'entraina à sa suite jusqu'à la surface. Alors qu'ils arrivaient à la plage, les deux lunaires eurent la surprise de voir une haute silhouette les attendre. Un homme, la cinquantaine, les cheveux gris très courts, des yeux noisettes, vêtu d'un costume gris perle très élégant. Debout près des aquariums, il regardait le couple sortir de l'eau, les laissant le rejoindre, ruisselants.

Bien que curieuse, la guérisseuse prit le temps d'attraper une serviette, d'enlever sa combinaison de plongée et de se sécher vigoureusement. L'homme les observait sans le moindre signe d'impatience. Grendelor passa une robe légère avant de s'avancer vers l'inconnu, le visage ouvert, affichant sa curiosité.

Madame, monsieur, fit l'homme d'une voix douce et raffinée, je me présente, Gaspard de la Goëlette. Je suis ici pour vous inviter au bal donné ce soir au manoir des Quatres. Nous avons eu vent de votre venue en notre ville et nous espérons que vous pourrez nous honorer de votre présence.

L'homme leur tendit une enveloppe marquée aux noms de Dame Grendelor et Sieur Sephiroth de l'Effronterie Lunaire. Les deux compères se regardèrent d'un air étonné avant de hocher la tête dans un parfait ensemble.

Je vous retrouverai donc ce soir, fit Gaspard avant de les saluer et de repartir aussitôt.

La Dame turquoise fronça les sourcils.

Qui sont ces nous? Tu crois que c'est à cause d'hier soir? Je me méfie de cette ville vouée à l'Unique depuis si longtemps....

L’elfe reste songeur un moment. Il entendit à peine la réflexion que fit l’humaine. Tout en songeant, il lui répondit distraitement :

Hum ! C’est étrange en effet. *Cela m’intrigue, qui sont-ils ? Découvrons le.* Cela dit une petite réception ne peut nous faire de al, et ça m’a l’air plutôt sympathique et certainement bien moins dangereux qu’un Carcharodon. M’y accompagneras-tu ?

Sephi était sortit de ses pensées sur la fin. Sans attendre la réponse de Grendelor, il fit s’envoler leurs trophées poissonneux, l’attrapa par la main et l’entraina à sa suite le long de la plage. Ils marchaient lentement, flânant tranquillement. L’humaine n’avait toujours pas répondus et semblait songeuse. Ils profitaient des derniers rayons du soleil. Sephi était de nouveau dans ses pensées, son regard flirtait avec le vide. Une légère tristesse était perceptible, il n’avait pu approcher les poissons bulles qu’il avait aperçut.

pourquoi m’avoir empêché d’approcher ses jolis poissons bulles ? Tu avais ressenti la présence de l’homme sur la plage ?

Il fit la moue et observa le soleil se poser sur l’océan dans le lointain. L’éclairant de milles et une couleurs, le faisant briller de flammes ensorceleuses et colorées.

Pourquoi m’avoir empêché d’approcher ses jolis poissons bulles ? Tu avais ressenti la présence de l’homme sur la plage ?

Grendelor secoua la tête.

Non, enfin je la sentais mais je n'y prêtais pas attention, après tout nous sommes sur une plage, n'importe qui peut s'y trouver. La jeune femme réfléchit un instant. Non, simplement, les poissons-bulles ne seraient même pas visibles dans l'aquarium, je l'ai compris en les touchant. Ils resteraient séparés car ne se sentiraient pas en sécurité. Quel intérêt d'en avoir si on ne les voit pas?

En même temps qu'elle parlait, la guérisseuse se laissait entrainer par les pas de l'elfe. Ils se dirigeaient vers l'ouest, dans le flamboiement du soleil couchant. Un phare abandonné se découpait dans le contrejour.

Un bal... remarque c'est encore une occasion pour se faire voir. Fit Grendelor avec un sourire mutin.

Tirant doucement Sephi, ils montèrent dans le phare, se retrouvant au sommet pour contempler la plongée finale du soleil dans l'océan.

Assis en haut du phare, les yeux rivés vers l’horizon, Sephi était plongé dans les méandres de ses pensées. Le soleil fusionnait avec l’océan, le teintant d’orange et de rouge, lui donnant l’aspect d’une mer de flamme. Au loin, la lune s’éveillait, sortant de l’écorce terrestre, signifiant l’heure de rentrer à l’auberge pour se préparer.
Grendelor tira l’elfe jusqu’à leur chambre, il semblait vogué dans un flux de pensée déchainées, s’entremêlant. Le tatouage de la lune blanche sur le cou de l’elfe brillait fort, éblouissant les alentours de sa clarté. Sephi sortit de sa rêverie, un sourire radieux aux lèvres. Après un rapide regard dans ses affaires, l’elfe adopta une tunique ample d’un bleu nuit, ainsi qu’une cape de la même couleur. Une ceinture de tissu bleu foncé incrusté de fragments de lune argenté lui ceignait la taille. Sephi rabattit sa capuche, cachant ses longs cheveux d’argent et son visage. Le tatouage de la lune blanche brillait d’une telle intensité que seule la lueur de ce dernier émanait de la capuche, le visage de l’elfe était caché derrière ce voile de lumière blanche.
Grendelor le regarda interloquée, la voix de Sephi émana de la capuche, on aurait dit que son esprit parlait :

Ce soir, la lumière de la lune envahira Port-Liberté et notre déesse se répandra doucement dans cette ville.

L’elfe parla d’un ton mystérieux, l’humaine sentit cependant que son ami souriait intérieurement. Sephi sortit sur le balcon, laissant sa compagne se préparer pour la soirée. Celle-ci s’annonçait radieuse et riche.

Grendelor eut un sourire en voyant la tenue de son compagnon. Cela l'inspira pour la sienne. En fouillant dans l'armoire qu'elle avait investie à leur arrivée, la jeune femme en sortit une longue robe fourreau d'un gris argenté rappelant la couleur de la lune mais aussi celle de la chevelure de Sephi. Les manches, longues, s'évasaient à partir des coudes, tandis que le fourreau se fendait sur le côté droit dès la mi-cuisse, laissant ainsi toute latitude aux enjambées de la guérisseuse. Ses chaussures étaient en accord et semblaient d'une fragilité effrayante, pourtant ses pas étaient sûrs et fluides, nullement gênés par la hauteur conséquente où était placée Grendelor qui, déjà grande pour une humaine, se retrouvait ainsi à égalité avec l'elfe, ou presque. Ce qui occupa longtemps la jeune femme, ce fut sa chevelure, qu'elle tressa finement pour la rassembler en un chignon complexe d'où ressortaient quelques boucles ainsi que deux nattes encadrant son visage. Elle compléta sa tenue avec une lourde cape assortie dont elle rabattit la capuche, pendant parfait de son compagnon.

Bon, je n'ai pas les effets spéciaux pour la lumière, fit-elle, taquine, en rejoignant Sephi. Mais je pense que notre arrivée sera suffisamment marquante ainsi.

Jetant un coup d'oeil à la lune, elle ajouta avec un sourire amusé.

Tout le monde doit être arrivé. C'est le moment idéal pour faire notre apparition.

Les deux silhouettes encapuchonnées traversèrent donc Port-Liberté pour rejoindre à l'extérieur nord de la ville le Manoir des Quatre.

Leur progression était entourée d’un vent hurlant, faisant voltiger leurs capes. Les deux lunaires atteignirent la bordure de Port-Liberté sans croiser âme qui vive. Le peuple semblait les éviter, probablement par peur, l’elfe ressemblait à un esprit rodant dans la ville.
Ils arrivèrent devant le manoir sous le clair de lune, sous l’impulsion de Sephi le vent se tut et disparut. Montant les marches menant à l’entrée, ils perçurent le bruit des invités et des réjouissances qui provenait de l’intérieur. L’elfe leva la main et frappa. Des pas retentirent derrière la porte, un cliquetis dans la serrure et la porte s’ouvrit. Révélant d’abord Grendelor, puis Sephi qui brillait toujours d’une blanche lueur. Le serviteur pâlit, puis retrouvant son sang froid les invita à entrer. Seuls les deux invités de dernière minutes pouvaient se pointer dans cet accoutrement devait-il penser.
Le hall présentait diverses variantes de pierre de qualité et de couleur variées, assortie de quelques touches de marbres. Bien que l’ensemble fut vieux, la gloire et la grandeur d’antan perçait ces murs et semblait y vivre.
Les deux compagnons suivirent l’homme, l’elfe en profita pour enlever sa capuche, le tatouage avait disparus pour le moment. La surprise serait remise à une heure plus tardive.

Le serviteur s'arrêta devant deux immenses battants de porte, encore dorés et gemmés de pierres précieuses. Poussant celui de droite, il révéla une immense salle de bal, fortement éclairée, en contrebas d'un double escalier. Quand la porte s'ouvrit, tous les regards convergèrent vers les deux lunaires. Contrairement à ce qu'ils auraient pu penser, le serviteur ne les annonça pas, se contentant d'attendre qu'ils s'avancent pour refermer. Avec un grand sourire charmeur, Grendelor abaissa aussi sa capuche et se dirigea vers l'escalier de droite, indiquant mentalement à Sephi de prendre l'autre.

Ce sera plus marrant de les voir passer de l'un à l'autre, fit-elle avec un rire.

Lentement, elle descendit les marches, son compagnon se calquant sur son rythme avec un grand sens du spectacle. Arrivés en bas, ils se rejoignirent, accueillis par Gaspard de la Goëlette, vêtu du même costume que lors de leur rencontre un peu plus tôt dans la journée.

Monsieur, Madame, fit-il cérémonieusement, bienvenue au Manoir. Merci d'être venus. Je vais vous présenter à l'assemblée.

S'ensuivit une ribambelle de noms et de visages, de phrases creuses et affables, que les deux lunaires supportèrent stoïquement, jouant leurs rôles en attendant d'en savoir plus sur ce qu'on voulait d'eux. Les seuls qui retinrent leur attention furent les trois autres membres formant le groupe des Quatre avec Gaspard : Étienne du Vaisseau, Carlos de la Starla, Trévor de l'Estante. Grendelor avait entendu parlé de l'histoire de l'arrivée des colons à Port-Liberté et de leur relation avec les quatre capitaines. Cependant elle n'avait pas pensé que la tradition se perpétuait toujours.

Une fois les présentations faites, on les laissa tranquille, et la jeune femme entraina son compagnon pour profiter de la soirée, pillant consciencieusement le buffet (fort bien garni) et dansant autant que possible avant que les choses ne se gâtent. Car l'ambiance qu'elle pouvait ressentir n'avait rien à voir avec la façade de festivité. Tout le monde était tendu et une certaine angoisse sourdait des Quatre. La guérisseuse ne savait ce qu'il se tramait mais elle restait sur le qui-vive et avait incité l'elfe à en faire autant. Les heures passaient et rien ne semblait ne vouloir changer.

Suivant les consignes de sa compagne, Sephi était resté sur le qui-vive pendant de nombreuses heures. Il ressentait bien la tension émanant de nombreuses personnes, mais il commençait en avoir marre. La lune s’élevait doucement vers son zénith et tout était trop calme, l’elfe avait l’impression de perdre son temps. A force de penser, de s’énerver quelque peu intérieurement, une lune noire commença à croire sur le côté gauche de son cou, devenant de plus en plus visible. Ses yeux virèrent tout doucement vers un rouge noirâtre, délaissant leurs teintes bleues sous la folie montante.

Une impulsion le prit, il s’approcha des Quatre, relevant lentement la tête, dévoilant ses yeux et un sourire assez déplaisant. Subitement il attrapa par le col Trevor de l’Estante et le souleva légèrement sous le regard apeurés des trois autres. L’homme ne semblait pas comprendre.

La voix nimbée d’une sonorité de folie maléfique l’elfe parla :

Assez de vos simagrées, que ce passe t-il ici ? Vous êtes tous dans un état d’angoisse excessive, nous ferions vous peur ?

Sephi sourit à ces paroles, intérieurement l’elfe se voyait devenir presque malsain sans pouvoir y changer quoique ce soit, cela étant peut être cela ferait réagir leur entourage.
Devant la frayeur qu’affichait Trevor, l’elfe ricana plus fort, puis le lâcha. Plusieurs boules de jonglage représentant des lunes rousses apparurent dans ses mains, accompagnées de boules d’un noir de jais représentant la nouvelle lune.
Il les lançait en l’air de manière négligente, puis regarda de nouveau les Quatre, qui semblaient reprendre tout doucement de la contenance. Il s’adressa de nouveau à eux.

Que voulez vous tester ? La malédiction de la lune rousse et les ténèbres de la nouvelle lune. Je suis sur que dans les deux cas vous apprécieriez ces expériences.

Son regard brillait d’excitation, une boule s’envola, se dirigeant doucement vers Gaspard qui recula de peur. Cette dernière l’effleura presque avant de retourner dans la main de l’elfe. Ce dernier lâcha un rire sinistre glaçant toute l’assemblée.

Intérieurement, l’elfe se demandait comment tout ça se terminerait, sa folie semblait devenir de plus en plus forte à chaque apparition, il allait devoir se pencher dessus. Puis doucement la folie l’envahis totalement, il ne se vit plus que nimbé d’une aura noire et rouge, une tornade émergent doucement alors qu’il faisait voltiger les boules, les lançant aléatoirement vers les Quatre les arrêtant in extremis. La salle était paralysée.

La tension était montée tout au long de la soirée et Sephi avait fini par craqué. Influencé par la Lune Sombre, il s'en était pris aux Quatre, et plus particulièrement à Trevor. La foule était figée de peur devant l'état de l'elfe. Grendelor, elle, s'avança sereinement pour rejoindre son compagnon, sur le bras duquel elle posa une main apaisante. L'emprise de la Lune Noire semblait très forte mais elle n'essaya pas de la contrarier, du moins pour le moment. S'adressant aux Quatre, elle reprit la première question de Sephi, le visage calme.

Je crois qu'il est effectivement temps de nous dire pourquoi vous nous avez faits venir ici ce soir.

Gaspard fut le premier à réagir, reprenant un semblant de contenance.

Peut-être pourrions-nous aller dans le bureau pour en discuter? Ainsi les autres invités pourraient reprendre les festivités.

Sa voix avait perdu son velouté de dandy mais la formule était bien tournée. Grendelor pensa qu'il devait avait appris à parler ainsi dès son plus jeune âge et que, même sous la torture, il serait incapable de faire autrement. Avec un sourire charmeur, la Dame Turquoise lui indiqua de leur montrer le chemin. Sous sa main elle sentait l'elfe vibrer d'impatience et de folie, peut-être rêvant de lacher ses balles de jonglage sur la tête de ces nobles désargentés et aux manières horripilantes pour les Lunaires. La guérisseuse se garda bien de rompre le contact physique avec Sephi, qui suivit le mouvement tout en continuant à faire virevolter ses balles. Les trois autres nobles leur emboitèrent le pas.

Une porte discrète fut ouverte sur le côté de la salle de bal, donnant sur un petit couloir qui rejoignit quelques mètres après celui, principal, du Manoir. Un tournant sur la droite les mena à une porte en bois sculpté. Derrière se trouvait un vaste bureau qui, comme tout le reste du Manoir, respirait la splendeur et la gloire passées. Gaspard les invita à prendre place sur les fauteuils et canapés qui étaient là. Tenant toujours Sephi par le bras, Grendelor s'installa dans un canapé de velours rouge qui plaça les deux Lunaires au milieu des Quatre. Les balles colorées les suivaient toujours et leurs trajectoires étaient de plus en plus rapides et erratiques à mesure que l'elfe perdait l'esprit.

Je vous suggère de faire vite, fit Grendelor avec flegme.

Rien dans son attitude ne laissait penser qu'elle surveillait étroitement son compagnon, prête à intervenir si les choses devenaient dangereuses. Les Quatre s'entre-regardèrent, la sueur perlant sur leurs visages, et se fut encore Gaspard qui prit la parole.

A croire qu'il n'y a que lui d'intéressant ici, pensa la Dame Turquoise.

En vérité... Gaspard hésita encore puis se jeta à l'eau. Nous voulons demander un "service" à l'Effronterie Lunaire. Comme vous le savez, notre ville périclite. Une fois lancé, il reprenait confiance et son rôle de gentleman. Bien que la population de Galvorn soit peu recommandable, les richesses affluent et permettent son développement. Port-Liberté a de nombreux atouts et un passé glorieux qui devraient lui permettre d'être autre chose qu'une bourgade désuète. Nous sommes conscients que nos ancêtres n'ont pas toujours fait les bons choix pour la gouvernance de la ville. Mais nous voulons que les choses changent. Belthil ne s'occupe pas du développement des autres villes temps que celles-ci ne menacent pas l'équilibre du pays. Nous sommes donc livrés à nous-mêmes. Dans un premier temps, nous voulons mettre en place des événements pour attirer les gens à Port-Liberté et relancer un peu l'économie. Jamais nous n'aurions osé nous adresser à votre Confrérie sans votre venue ici. Quand nous avons appris que vous étiez en ville, nous avons décidé de vous contacter. Seulement, il faut bien le dire, nous ne savions pas bien comment nous y prendre et nous voudrions que cette requête reste inconnue de la population.

Grendelor sentait l'impatience poindre et Sephi dégageait une aura de plus en plus folle qui l'entourait comme une épaisse brume.

Et donc, que voulez-vous exactement, fit-elle brusquement.

Gaspard comprit qu'il devait aller droit au but maintenant.

Nous voudrions que l'Effronterie organise une série de spectacles dans la ville, souffla-t-il d'une traite.

Grendelor éclata de rire. Pour autant, la tension ne diminua pas chez les Quatre qui regardaient les deux Lunaires avec angoisse.

Ce n'est que cela?! Toutes ces manigances pour des spectacles?!

Son rire se continua en un fou rire contagieux. Des esquisses de sourire apparurent sur les visages des Quatre.

Des spectacles lunaires, l’elfe hallucinait intérieurement, mais pour qui donc se prenaient ses gens. Ses yeux flamboyèrent, les boules accélérèrent frôlant les Quatre. Puis au cœur de cette folie furieuse, que la main de Grendelor ne parvenait à apaiser, une voix sensée parla. Sephi tentait de communiquer avec sa sombre folie, lui murmurant une idée qui parut forte intéressante à son sombre côté.
Les boules de jonglages s’éteignirent, les flammes se volatilisant et tombèrent au sol. La lune noire sur le cou de l’elfe perdit en intensité, tandis qu’à son opposé une lune blanche naissait. La main de sa compagne l’aidait à repousser sa folie, maintenant qu’il n’était plus sous son emprise totale. La lune blanche fit naitre en lui une folie plus douce, plus calme, qu’il contrôlait en partie. Ses yeux se remplirent d’un bleu pâle et se mirent à briller. Sephi regarda les Quatre et se mit à parler, ces derniers semblaient déboussolées par les changements qui s’opérait sur l’elfe.

L’effronterie peut offrir moult spectacle à vos yeux et ainsi amener nombre de gens à Port Liberté.

Sa voix raisonna dans la pièce et emplit celle-ci d’une étrange sensation. Trop réjouit par la réponse de l’elfe pour s’en rendre compte les Quatre montraient de timides sourires. Finalement l’Unique ne les avaient pas oublié pensa Gaspard de la Goélette. Puisque ce dernier avait du influencer les lunaires pour redonner à Port-Liberté un début de gloire d’antan. Alors que leurs exultations interne battaient leur plein, la voix de l’elfe s’éleva de nouveau, tel une voix prophétique.

Je vois à vos sourires que vous êtes satisfait de notre réponse. Cependant, j’appose une condition à notre aide. Pour influencer le cours des choses vous devrez vous convertir et oublier l’Unique pour vous retourner vers notre déesse mère la Lune. Au moins vous quatre, plus une partie des habitants mais cela viendra naturellement chez eux.

Les sourires s’affaissèrent, Gaspard semblait tomber dans un abîme si profond que ses yeux étaient vitreux, Trégor n’était guère plus présent. Les deux derniers se regardèrent interloqués. Ils ne savaient que faire. De leur choix semblait dépendre l’avenir de Port-Liberté.