Les villages nains d'Abatlerein [zone publique]

Une grosse claque dans le dos ? Une hache qui vole à trois cheveux de votre crâne ? De la bière par tonneaux ? Des plafonds trop bas ? Des jurons et de la castagne ? Assurément, vous êtes dans une taverne ! Et pourtant... Non, vous venez de pénétrer dans un des villages nains d'Abatlerein ! Ceux-ci sont creusés à même les cavernes initiales enfermées dans les montagnes d'Echoriath, dont ils dépendent par le commerce. Il n'y fait jamais jour, la source de lumière provient des cristaux d'énergon qui ont la propriété de s'éclaire lorsque vous les touchez. C'est comme ça que les Nains ont appris à se fier aux sensations du toucher, habitués au fil des siècles à se promener la main sur les parois rocheuses, pour consécutivement allumer et éteindre les cristaux. Ainsi donc, les bonnes claques et les démonstrations physiques constituent selon eux un langage bien plus sûr et dénués de sous-entendus que la langue même ! Alors si vous rencontrez un nain Abatleroi, prenez sur vous mais ne refusez pas une bonne claque dorsale !

A l'origine de ces villages, l'antagonisme entre les elfes et les court-sur-pattes ! Ceux-ci, lors de la guerre qui les opposaient à la « belle race », s'enfermèrent dans les montagnes, celles-ci constituant leur gagne-pain et une muraille infranchissable. C'est d'ailleurs de là que vient leur nom, étroitement lié à Adalerin : les racines seraient les mêmes, à ceci près que la partie « Abat » signifierait « Contre », pour manifester leur antagonisme au territoire elfique ! Là où l'intelligence naine n'est plus à démontrer, c'est que ce nom de lieu transformé en adjectif pour désigner ses habitants devient « Abatleroi », faisant référence à leur volonté farouche de l'époque d'éliminer le Roi des elfes.

Beaucoup d'eau à couler sous les ponts depuis, et bien plus encore sous la montagne ! Les nains ont créé une mini-cité tentaculaire, constituée de plusieurs place-fortes où il n'est pas rare de croiser régiments militaires et marchés internes, tous deux à bord de lac menant vers l'extérieur !

La sagesse populaire prétend que si les nains étaient plus nombreux – et parfois avec un brin d'humour, moins petits – leurs cavernes suffiraient à leur donner l'avantage stratégique nécessaire à l'invasion totale de tout le canton d'Echoriath et une bonne partie de Sûl-Nar, tant elles sont étendues !

Les villages nains d'Abatlerein [zone publique] Zenitht

Mauveling

-Non d'un graal à peau de grizzly ! Où est cette fichue tunique ?

Pour un nain commun, il est toujours difficile de se rappeler où sont posées les affaires qu'il a quittées un peu éméché, mais pour Mauveling la tâche était plus rude encore. Il avait la fâcheuse manie de tout perdre. Ou plutôt il ne se rappelait jamais où il avait posé ce qu'il était contraint de chercher la minute suivante. Cette capacité à tout perdre le rendait ronchon et c'est bien souvent qu'il maugréait dans sa barbe sans qu'on comprenne ce qu'il disait.

Il finit donc par enfiler une tunique de cuir qui trainait par là plutôt que la tunique en laine que lui avait tissé Pavelow. Ce n'était pas bien important au fond. Il la porterait plus tard, quand elle aurait daigné montré le bout de son col.

Avant de quitter sa maisonnée il enfonça son bonnet bleu de manière à bien recouvrir les oreilles et en profita pour ajouter deux nouvelles tresses à sa barbe. Chaque jour, il ajoutait ou refaisait une dizaine de tresses belles et neuves afin de garder la barbe magnifiquement torsadée qui faisait rêver plus d'une naine. Il attrapa sa hache, seul objet qu'il n'égarait jamais car toujours il l'avait à ses côtés et sortit.

La rue était sombre comme bien des rues d'Abaltlerein, et l'air frais des Terres intérieures véhiculait les odeurs sucrées des champignons de l'Aberton. Il s'engouffra dans le tunnel, la tête rentrée entre les épaules et l'échine courbée. Il ne saluait personne sur son passage car les quelques égarés qui trainaient dans le coin luttaient tout autant que lui contre le froid courant d'air qui s'insinuait sous les replis du cou.

Il arriva au lieu de rendez-vous le premier et se frappa les bras pour se réchauffer. Mais il poursuivit une ronde incessante plutôt que s'assoir. L'impatience le gagnait.

Capitaine Urlet Rensour

- AU TRAVAIL MATELAS !!!!

Le rugissement d'un lion à la voix de stentor résonna dans toute la maisonnée. C'était toujours ainsi lorsque le Capitaine Urlet Rensour se réveillait. L'idée de se mettre au travail le rechignait et il préférait commander à son matelas lui-même plutôt que de s'auto-persuader de lever le pied du lit. Surtout que ce matin, un long chemin l'attendait. Sa femme, Gretchen, poussa un grognement très féminin étouffé sous sa barbe rousse qu'elle soignait depuis tant d'années. Il décida de ne pas tenter la diablesse et se laissa choir du lit. Un "BOUM" retentit quand il frappa la roche, ce qui eut fini de le réveiller.

Il se leva en maugréant, enfilant sa tunique, ses bottes en cuir usé, accrochant sa hache dans le dos et enfilant son modeste chapeau de capitaine orné de rubis echorinthiens. Il passa rapidement devant le miroir mais ne prit pas le temps de se faire la barbe: au contraire de ses semblables, il y attachait une importance toute relative, jugeant que plus elle avait l'air sauvage, plus on le redoutait.

C'est fort de cette conviction qu'il sortit dans les rues déjà bondées: les nains étaient décidément lève-tôt! Il croisa un groupe qui discutait et riait trop fort à son goût et ne put s'empêcher de leur adresser un bonjour:

- Poussez-vous de là, demi-nains, laissez faire les grands. J'ai un bateau qui m'attend et un équipage à réveiller!

Quelques grognements lui répondirent, bientôt remplacés par des provocations auxquelles il n'avait guère le temps de répondre. Il attendit quelques instants au point de rendez-vous avant d'apercevoir, au loin, celui qui l'attendait. Urlet n'en crut pas ses yeux: il s'était encore trompé d'endroit! (et par "il", il faut comprendre lui-même, bien qu'il ne l'admisse que rarement...):

- Mauveling, triple andouille, qu'est-ce que tu roupilles là-bas alors que je t'attends ici, hurla-t-il à travers la foule! C'est ti pas qu'on a une donzelle aelissienne qui nous attend, namé !

Lunn OGMI

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Lunn écouta des imprécations. Dans son sommeil, des voix inconnues, d'autres plus connues effleurent son sommeil et font immerger sa conscience dans le monde retrouvé. Ses yeux s'ouvrirent comme un premier rayon diurne qui balaye devant lui. Il sortit alors du rêve. Regarda par la fenêtre touchée par le soleil. Affina son ouïe et écouta une des voix, celle qui l'avait réveillé : le Capitaine. Bien entendu, ça ne pouvait être que lui.
Il aimait les levers le plus tôt possible. Lunn était un peu aventurier dans la vie. Il était travailleur et obligeait avec générosité ses collègues marins à le suivre en cette démarche. Mais ce matin, c'était vraiment tôt. Très tôt. Parce qu'aujourd'hui était le jour.
Le jeune nain enfila une tunique aux manches longues. Si ses manches l'étaient, c'est parce qu'il faisait souvent froid dans les méandres des cités naines. D'ailleurs, Lunn enfila par-dessus un manteau avec un fourrage aux poils d'ours à l'intérieur du vêtement. Cela lui empêcherait d'avoir trop froid au cours de la journée. Le nain se coiffa de son bonnet de marin bleu marine aux bordures vertes qui représentaient les couleurs du Capitaine. Bleu pour la mer et la nuit qui se confondent sur les lignes d'horizon quand il fait nuit, quand le temps est fiévreux. Vert pour le Capitaine, vert comme les arbres disait-il : "Faut pas oublier que, quoiqu'il arrive, on doit r'tourner sur la terre. Sentir l'odeur de la Terre profonde, les feuilles qui bougent, l'écho d'une voix dans une grotte." Alors l'équipée entière, quand il avait fallu choisir les couleurs, s'était mis d'accord fort rapidement et ce, à l'unanimité. Cette verte couleur était celle des joyaux les plus fascinants d'Echoriath : le vert était celui d'une feuille verte en bonne santé parcouru en tous sens de zébrures minuscules par millier qui donnait un aspect à la pierre précieuse d'être traversée de fins filets jaunes. Splendide, à chaque fois que Lunn avait eu l'occasion d'en voir de ses yeux voir, il avait contemplé l'objet sans se lasser comme s'il tenait dans le creux de ses mains le cœur tout chaud battant de l'univers.

Jeune Lunn était un matelot récent. On pouvait dire qu'il n'avait rien vu. Ou pas grand chose encore. Le navire avec lequel il travaillait échangeait des marchandises entre les cités souterraines naines. Il cheminait sur les rivières souterraines.
Les bateaux de rivières souterraines étaient vraiment particuliers. Ils étaient plutôt longs que larges, relativement assez profonds pour contenir un peu de marchandise, de vivres. Aussi, une sorte de rouage de bois était toujours installé sur l'arrière du bateau car les rivières souterraines n'étaient nécessairement peuplées de courants. La roue de bois s'activait manuellement mais les nains étaient bien assez forts, préparés et patients pour ce genre de travail.
C'était la saison de la fonte des neiges au-dessus, chez les humains. Alors, ils étaient tous de repos et les cargaisons calmes, se taisaient partiellement. Elles reprendraient bien assez tôt. Chez les matelots, on appelait ce temps, la saison de l'eau rouge. Pour tous ces nains probablement qui s'étaient crus plus forts et qui n'avait trouvé que la mort plutôt que l'autre rive, l'autre cité sans prendre garde des éléments de la Nature. Erreur fatale. Tout nain savait pourtant lire la Terre. Mais parfois, ses congénères oubliaient de lire le sens.

Habillé et débarbouillé à la hâte, Lunn sortit de sa toute petite maison aux parois peintes de vert de Lune - en réalité, il passait le plus clair de son temps à l'extérieur que chez lui. Il chercha du regard, de ses yeux noirs comme charbon le Capitaine Urlet qu'il repéra en présence d'une autre personne. Ils discutaient. Enfin, ils étaient réunis.

Lunn les salua :

- Bo'jour, vous êtes fins prêts à ce que je vois ! Comme hier j'n'avais rien à faire hier, je suis partie dans les Alambics de Fruhën au-dessus de la cité, je suis rentré un peu avant que l'aube ne se réveille. C'était magnifique. Et vous autres nains dormiez. Mais comme un lubrik, j'me suis endormi en attendant le soleil. 'fin, je vois que vous êtes prêts et moi, aussi. Alors, on part quand ?

Furka

Ké, Kélébelle la route, et puis kélébeau le quai, et puis la mer, et puis la vague, et puis la vague. Il renifla bruyamment, cracha la morve d'un geste élégant avant de s'essuyer avec sa manche trouée. Kélébelle la vie pour un clochard nain du coin. Assis contre la pierre brûlée par le soleil il regardait la vie se défroquer. La vie, elle était aussi belle que ses traits délavés, ses dents jaunies et ses mains tremblantes, défoncées par la bière de mauvaise qualités, toute tremblantes et toute ridées. Il tendit la main au nain qui passait par là, machinalement, mais il l'ignora superbement. Ca aussi, il avait l'habitude.

-Gnafron de nain qui croit que la vie, kélétrop belle alors il ignore la vie des zostres. Qui croit qu'la vie des zostres, elle vaut moins. Qu'il se murmura tout en reniflant encore une fois.

Les nuits étaient froide, ici, et les jours chaud, alors il avait surement pris le mal en passant et le voilà qui allait renifler, et morver toute la semaine.La vie, elle est bête parfois, comme un soulier troué.

Et tandis que passaient les nains, qui passaient comme des vagues, il tendait parfois la main, ou s'endormait aussi en rêvant de grandes aventures que la vie lui aurait gardé sous son coude.

Urlet avait la moustache qui frisait tant il était nerveux. C'était donc ça son équipage? Le Mauveling et le petit Lunn. Qu'est-ce qu'il allait faire de ça? Ils avançaient tous les trois vers le port Soutair et son angoisse grandissait. Il fallait aller la trouver. Comment allait-il s'y prendre pour la recevoir dignement s'ils n'avait qu'un équipage aussi réduit?

Il aperçut alors une apparition digne de la Providence. Tout le flaire d'Urlet s'exprimait dans ces choix qu'il avait l'habitude de faire, en y croyant dur comme fer, et que personne d'autre n'aurait fait, si tant est qu'il eut un peu de jugeote.

- Furka là-bas, lève ton gros cul de là et embarque. Tu auras de l'or et j'ai de la bonne bière! Je manque d'équipage, c'est ta chance! Tu sais hisser une voile hein matelot?

Sans même s'arrêter, il continua droit vers le bâteau qui faisait sa fierté: le Tacot. Et une chose était sûr: il portait bien son nom.

Le tacot était un bateau qui ne ressemblait plus à grand chose depuis longtemps. Un bout de rafiot que les matelots s'évertuaient à rafistoler pour continuer de voyager avec. Le Tacot n'était pas extraordinaire pour voyager. Mais ici, ce qui 'était important ce n'était le matériel, comment voyageait-on en revanche, c'est cela qui imprimait les esprits. S'ils parvenaient au bout de leur voyage avec toute la difficulté que le Tacot leur imputait alors ils seraient respectés comme aucun autre.
Les voiles trouées puis recousues flottaient, légères, dans l'air qui soufflaient leurs cheveux. Quelle danse que celle qui mélange le temps enfoui dans les vagues. Ils allaient le chercher, ce temps. Ils allaient jouer avec lui comme un enfant s'amuserait d'un bâton de bois. Dessiner des objets, des choses dans le sable dans la terre que le soleil illumine en touches de couleurs et en quelques ombres.
Les planches du rafiot étaient parfois branlantes lorsque Lunn marchait dessus mais peu s'en fallait ; un sourire pendait à ses lèvres sans pour autant s’atténuer. Il glissa donc sur le plancher de bois qui commençait presque à pourrir par endroit et se dirigea vers une trappe pour enfiler dans ce maigre espace, son sac.
Il jeta un coup d'oeil derrière lui, ce qui lui permit d'observer que tous étaient presque sur le Tacot. Furka avait un pied sauta du pont pour atterrir sur les planches qui craquèrent.

Tout de même, ils devraient être prudent avec le Tacot.

- Et pour les cordes, 'fait comment ? questionna le petit Lunn.

- Il y en a là, répondit Furka la morve gouttant de sa narine droite.

Le nain pointait de son index gauche une petite malle endommagée par le sel qui avait grignoté son bois non verni et donc, non protégé. Elle était légèrement ouverte et un bout de corde en pendait, discrètement.

- Oui !

Capitaine Urlot leva les deux bras vers le ciel.
Tout paraissait se passer pour l'instant à merveille.

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