Le Parc aux Mille Essences [zone publique]

De Vaanne regardait le répurgateur avec l'oeil que le scientifique a pour un spécimen atypique : de l'admiration teintée d'une (grande) part de froideur professionnelle. Mais, franchement... comment pouvait-on engouffrer de la nourriture à une pareille vitesse ? C'était proprement hallucinant : si cela pouvait être enseigné, la durée des pauses déjeuner pourraient être drastiquement réduites. L'inquisiteur, peu disposé à suivre sa propre idée, préféra picorer doucement dans les délicieuses mûres.

- une carte ou un carnet, dit-il entre deux fruits, le but en est le même : je crois qu'on appelle ça des caches de nourriture en cas de petit creux, n'est-ce pas ? Au moins, cela permet de rendre la visite du jardin pour tous les sens.

- Tout à fait, sourit Exodus. Je n'aurais pas mieux dit.

- Dame Grendelor, je crains que par cette visite ici, vous n'ayiez fait entrer le loup dans la bergerie. S'il est une chose pour laquelle notre ami répurgateur est plus dangereux que pour un hérétique, c'est bien la bonne nourriture.

De Vaanne rit de bon cœur : passé le fait qu'inquisiteurs et répurgateurs en règle générale se détestaient cordialement, les collègues et subordonnés de sa précédente affectation parlaient avec grand respect des récits d'Exodus. Ce type était en train de devenir une légende vivante : dommage qu'il ait disparu de la scène pour venir s'enterrer dans ce coin si calme et peu religieux. Quelque chose fit tiquer De Vaanne.

- Mais dis-moi... Adalerin, c'est bien ta juridiction ? demanda-t-il, les sourcils froncés.

- Oui, pourquoi ? répondit Exodus d'un air de sainte nitouche qui fit pouffer Grendelor.

- Non, rien du tout... Tu chercherais peut-être à me faire payer pour tout ce temps où tu t'es retrouvé de fait sous mon autorité ? Je vais y penser, mais je pense que Wilwarin est, pour l'instant, une cité où ma paranoïa sera moins mise à l'épreuve. Ne t'en déplaise, surtout, et sache que je reste ouvert à la persuasion. Qu'en pensez-vous, dame Grendelor ? A-t-il de bons arguments ?

La conversation était plus que plaisante entre les deux hommes et Grendelor s'en délectait comme une enfant. Les attentions de l'un et de l'autre lui étaient un baume rafraichissant.

Le loup dans la bergerie? reprit-elle en éclatant de rire. Ne vous inquiétez pas, le Parc est suffisamment pourvu pour répondre aux besoins notre répurgateur. Quant aux arguments qu'il peut avoir... La guérisseuse détailla ouvertement Exodus avec un sourire en coin. Je suis persuadée qu'ils seront efficaces.

Elle cueillit une nouvelle poignée de mûres. Si elle avait amené ces 2 compagnons ici, ce n'était pas seulement parce qu'elle voulait leur faire découvrir cet arbre méconnu, mais aussi parce qu'elle était à nouveau prise par une de ces envies étranges qui sont l'apanage des femmes dans son état. L'arbre rissquait de se voir bien dépourvu avant qu'elle ne s'apaise.

Wilwarin est une cité originale, mais je la connais peu. Evidemment, pour ma part, je vous recommanderais Sûl-Nar. Seulement, il ne faut pas craindre la chaleur et le sable, ce n'est pas forcément l'idéal pour votre armure. Sa voix était légèrement ironique, à l'image de ce qu'elle avait entendu entre ces 2 compagnons. De plus, je serais tentée de vous harceler régulièrement pour profiter de votre compagnie. Du coup, Wilwarin me semble une bonne solution.

Son visage était sérieux mais ses yeux bleu pétillaient de malice en regardant l'inquisiteur.

C'est raté songea le répurgateur. Mais bon, tant pis. Entre deux mûres au goût sucré, il s'amusait à imaginer la tête de DeVaanne si celui-ci s'était retrouvé son son autorité. Une image qu'il garderait dans un coin de sa mémoire, pour les jours de déprime.
Toutefois, l'intérêt était de sauver les apparences, ou tout du moins de faire semblant. Aussi, avec un ton faussement innocent, qui était presque devenue une seconde habitude lorsqu'il s'adressait à l'inquisiteur:

-Je ne vois absolument pas de quoi tu parle. Ta paranoïa te fait-elle fuir un simple et innocent village dans les cimes? En même temps, je comprend que Sul-Nâr puisse avoir pour toi plus d'attrait,dit-il avec un regard espiègle en direction de la Dame Turquoise.

Il reprit sa respiration ainsi que trois superbe mûres.

-Mais c'est pourtant un merveilleux endroit pour se ressourcer. Puis, avec un ton beaucoup plus sincère à Grendelor: D'ailleurs, si l'envie vous prenait de venir y passez un séjour, ma dame, sachez que je me ferait une joie de vous en faire découvrir les plus beaux endroits, comme vous me faites vous même découvrir les lieux les plus intéressant de ce fabuleux jardin.

Puis il se rendit compte que tout en parlant, il était en train de piller consciencieusement, et par un malheureux réflexe, le pauvre mûrier. Les fruits semblaient disparaitre par paquet de dix et il avait peur que dans sa gloutonnerie il ne tarisse cet arbre pourtant si généreux. De plus il s'inquiétait quelque peut de la fatigue que pourrait ressentir Grendelor, elle qui était debout depuis déjà un long moment.
Le problème était alors de trouver un endroit pourvue de banc...

-Dite-moi ma dame, avez vous fait découvrir à mon collègue le grand lac du parc? Il me semble de mémoire que l'endroit se doit d'être vu au moins une fois lorsque l'on visite les Jardins. Et je crois aussi me souvenir que des Lychees poussent à côté... Qu'en pense-tu DeVaanne?

Il lui lança en même temps un regard discret qui aurait pu se traduire verbalement par un "Dis oui, paladin endimanché!"

- Un lac ? Dans ce désert ? s'étrangla De Vaanne. Et pourquoi pas de la neige en plein mois d'août ? ajouta-t-il avant de rencontrer le regard noir d'Exodus et de se reprendre. Ce doit être une nouvelle merveille du monde connu, et je serais ravi d'y aller.

Il fit un geste désinvolte en direction de son collègue répurgateur.

- Tu as proposé et tu connais apparemment le chemin : mène nous donc là bas mon cher. (un ton plus bas) Que peut-il donc y avoir de si intéressant là bas ? Près d'une grand étendue d'eau... des pastèques ?

- je t'ai entendu ! grogna la voix peu amène de celui à qui la remarque n'était pas destinée.

- Je m'y attendais, répondit De Vanne. Voyez-vous, dame grendelor, dit-il d'un ton professoral, un bon répurgateur, s'il veut durer dans le métier, doit apprendre à se servir de tous ses sens. Jusqu'à, dans le cas d'Exodus, arriver à percevoir le bruit d'une pomme mûre tombant de son arbre à 500 mètres.

- uniquement les pommes ? demanda celle-ci avec un grand sourire.

- Non, je pense qu'il est multi-tâches. Enfin, multi-fruits serait un terme plus approprié...

Puis d'un ton plus sérieux :

- Nous nous mettons en route : il serait impoli de ne pas vous offrir mon bras, dit-il en faisant le geste consacré, mais je comprendrais que vous le refusiez. Cette armure a une fâcheuse tendance à être chauffée à blanc par le soleil.

L'étonnement de l'inquisiteur provoqua une crise de fou rire chez Grendelor, qui eut grand peine à la calmer entre les joyeuses piques que les 2 hommes échangeaient. Reprenant difficilement son sérieux, tenant son ventre aux abdominaux malmenés, la jeune femme posa sa main sur l'armure, sans broncher, puisque le dôme protégeait de l'action des rayons du soleil.

Mon cher Ex', c'est avec un plaisir sans partage que je viendrais visiter Adelarin en votre compagnie.

Pendant qu'ils marchaient vers l'oasis, la gardienne du parc expliqua comment était né ce prodige de verdure.

Sûl-Nar a été fondé près de l'oasis, seul point d'eau important à des kilomètres à la ronde. Grâce à la technologie, l'oasis a pu être agrandie, la ville s'est développée et est devenue riche grâce à la culture d'épices rares. Grendelor avala sa dernière mûre. La sortie du dôme approchait. Les "maîtres" de la ville ont alors décidé qu'il leur fallait une construction unique qui rappelle au monde entier la beauté et la force de Sûl-Nar. Ils ont donc décidé de bâtir cet immense parc, autour du joyau qui avait apporté la prospérité à la ville : l'oasis.

Ils atteignirent enfin l'extrémité du dôme. Derrière la fibre protectrice, le soleil se reflétait sur la surface plane du lac, océan de bleu au milieu des palmiers. Le joyau de Sûl-Nar.

Le choc va être rude en passant de l'autre côté. L'oasis n'est pas protégée par un dôme, elle est restée "naturelle" et c'est toute la chaleur du désert qui va nous tomber dessus. Heureusement, les palmiers apportent une fraîcheur relative. S'étirant vers Ex', elle ajouta. Et oui, il y a bien des lytchees. Moi aussi j'ai l'ouïe fine, conclut-elle, espiègle.

S'avançant encore d'un mètre, l'ouverture automatique se déclencha sans un bruit, libérant une bouffée d'air brûlant.

Lorsque la porte s'ouvrit, la chaleur fondit sur le trio avec autant de vitesse qu'un Exodus sur un buffet gratuit, ou qu'un DeVaanne sur une bouteille de vodka d'importation (la comparaison variant selon le sujet). En moins de cinq secondes, la température venait de passer du statut de "douce fraicheur bienfaisante" à celui de "cuisson-vapeur". La porte était en effet séparée de l'ombre salvatrice des palmier de au moins quatre mètres (qui semblaient en mesurer vingt) et un soleil de plomb s'amusait à inonder la zone d'une déferlante de rayons brulants, dans un but mutin et farceur, du genre de celui qui faisais franchement suer (au sens littéral).

-Nom de ... Le Répurgateur tourna son visage déjà rougissant en direction de la Dame Turquoise. Quand vous aviez parlé de toute la chaleur du désert, je pensais que c'était une façon de parler et non pas que tout les degrés existant au dessus de 30°C s'étaient effectivement donnés rendez-vous ici!

Son premier réflexe fut alors de retirer son lourd manteau de cuir et de le placer sur son épaule gauche, sous les regards amusés de Grendelor et de l'Inquisiteur DeVaanne, qui lui ne semblait pas plus que ça s'émouvoir de la chaleur si ce n'est une petite goutte de sueur. Son armure serait-elle isotherme, songea Exodus?

-Bon, je crois que le plus urgent est de trouver un coin à la fois à l'ombre, près du lac, et non loin des arbres fruitiers, ne croyez vous pas? Tout en marchant, il parcouru du regard les alentours avant de repérer un petit coin d'ombre, idéalement placé. Par là, cela me semble être un endroit approprié, dit-il en leur indiquant du doigt.

Ils se hâtèrent de se rendre au plus près du lac, Exodus en tête, dans le but très simple et très pressant d'y retirer ses bottes et d'y plonger ses pieds sans plus tarder. Il s'assit donc juste à quelques centimètres du bord, délaissant le banc qui était pourtant tout disposé à accepter son rôle, préférant le laisser à la Dame Grendelor et à son invité. Il lui suffisait, d'où il était placé, de tendre le bras pour cueillir les petits lychees et de les proposer à ses compagnons. La fraicheur commençait enfin à se faire sentir.

-Je crois, sans fausse modestie, que c'était une bonne idée de venir ici finalement. Qu'en pensez-vous? Puis, remarquant un homme seul occupé à lire un pavé monumental à quelques distances de là, il s'adressa à DeVaanne sur un ton plus bas. Dis-moi, ce type là-bas, bien habillé avec sa canne et son bouquin... Il me semble le connaitre mais je ne parvient pas à le remettre. Une idée?

- Au fait, Ecodus, pas de blasphème, grogna l'Inquisiteur. Je suppose que tu n'as pas envie d'user ton cuir à faire des génuflexions devant un autel ?

- Et qui y aurait-il pour me dénoncer à part toi, boîte de conserve ? Sans compter que tu ne réponds à la question.

De Vaanne leva les bras au ciel, sans pour autant jurer malgré l'envie féroce qui le tenaillait. Seul un vague grommellement sortit de sa bouche et lui attira un sourire ricanant d'Exodus.

- Tu ne vois pas que j'essaye de changer de sujet ? En tout cas, ils ne doivent pas être beaucoup à lire l'équivalent de Guerre et Paix par 45° à l'ombre en costume trois pièces.

Grendelor, très occupée depuis le début de la discussion à ouvrir et à manger délicatement quelques lychees, tourna rapidement la tête vers ledit personnage et sourit.

- Mais enfin, serait-ce la maladie d'Alzheimer qui vous guette ? Vous en avez forcément entendu parler...

Elle ne put s'empêcher d'éclater de rire devant l'impatience grandissante de ses deux interlocuteurs.

- C'est le président Rumulus de Jadis, voyons !

- Je le savais ! s'exclama Exodus en tapant du poing sur sa paume.

- Ben tiens, répondit De Vaanne en lui fourrant dans la bouche une poignée de lychees non décortiqués. Tu as une mémoire des noms complètement poreuse, à force de brûler tes dossiers et tes sujets dessus. Je n'ai pas peur d'assumer ma méconnaissance de la faune locale, moi, même si je me doute de l'auteur du livre.

L'inquisiteur, pour décrocher les fruits utilisait une autre tactique que le répurgateur : au lieu de lever les bras et de se servir, il faisait bon usage de son équipement. l'épée servait à secouer la branche et le casque qu'il tenait depuis le début à la main, et qui commençait à se faire lourd sans beaucoup servir, était utilisé pour recueillir la pluie de fruits rouges.

Avec un peu de chance, dit-il, je vais avoir un casque parfumé au lychee...

Ces deux là s’entendaient comme larrons en foire, pour la plus grande joie de Grendelor. Non seulement cette sortie lui changeait agréablement les idées, mais en plus elle lui permettait d’apprécier la présence de charmants compagnons tout en s’adonnant au plaisir de dévorer ce qui se présentait à sa portée. La dernière remarque du répurgateur à propose de son casque manqua faire étouffer la jeune femme qui se retrouva à rire tout en toussant, les larmes aux yeux. Les deux hommes lui jetèrent un regard inquiet qu’elle balaya d’un geste de la main tout en ajoutant entre 2 respirations sifflantes.

Comme ça… vous vous souviendrez… de cette journée toute votre vie !

Un nouvel éclat de rire s’empara de la dame turquoise qui s’assit lourdement sur le banc. Petit à petit son hilarité se calma, même si de petits sourires lui échappaient lorsqu’elle regardait de Vaanne. Elle en revint à Rumulus.

Si vous arrivez à le ramener en notre compagnie, je vous offre un repas, boisson comprise ! Il est plus insaisissable qu’un chat. Il erre dans le parc comme une ombre qui jamais ne s’arrête.

[ RP se situant juste après Le retour du Prince Démon ]

Le voyage de retour sembla plus long… Beaucoup plus long. Chaque seconde, la douleur était plus grande, chaque minute, la marque gagnait du terrain sur la peau du peintre. Aspharoth souffrait tellement du bras qu’il tenta, en oubliant sa promesse, de se soigner. Résultat il eut encore plus mal. Il ne voyait pas jusqu’où le sceau s’étendait, mais il le sentait. Les marques rougeoyantes le brulaient, comme si il était marqué au fer rouge. Elle avait maintenant recouvert la totalité de son dos, commençant à descendre le long de sa cuisse gauche. Le bras du même côté était totalement convertit et les lignes maudites s’étiraient jusqu’à la quasi extrémité de ses doigts.

Son poitrail gauche était recouvert lui aussi, ainsi que sa hanche. Le sceau commençait à s’attaquer à son ventre et à s’enrouler autour de son nombril. Mais ce n’était pas le plus inquiétant. Alors que les montagnes d’Echoriath étaient maintenant en vue, c’est son visage qui était le plus touché. La marque avait remonté le long de son cou, rongeant petit à petit sa joue gauche, puis passait sur le front. L’œil était salement touché. Son globe oculaire était injecté de sang et en était devenue pourpre. Son iris, si bleu à son habitude, était devenu sombre, presque noir et sa pupille totalement blanche. Comme si on lui avait percé et qu’elle s’était dévidée dans son iris.

Sa force vitale le quittait peu à peu. Le temps commençait à se faire meurtrier. Il devait trouver Grendelor, et vite. La dragonne argentée volait maintenant à la hauteur de Wilwarin et prenait la direction du désert de Sûl-Nar.

- Vole Nylawëen, et trouve la…

Le parc était en vue. L’instinct de son maitre se mêlait au sien et elle était persuadée de trouver la guérisseuse dans ce coin. Elle commença par tourner en rond au dessus du dôme, puis ne sentant aucune aura intéressante, elle décida d’agrandir ses recherches aux alentours. Elle était là, elle l’avait trouvé. Elle plongea pour aller atterrir à une distance raisonnable des promeneurs.

Aspharoth qui s’était à moitié endormis se réveilla avec l’impact au sol. Il se laissa tomber, rester debout était limite un combat avec la mort, son énergie était vraiment très basse… Grendelor était là, à une cinquantaine de pas…

Alors qu’elle souriait encore à ses compagnons, une ombre plana au-dessus de leur tête, en même temps qu’une main glacée s’emparait de son cœur. Le souffle de l’atterrissage de la dragonne fit voler le sable, mais Grendelor s’était déjà élancée, sans un mot d’explication.

Aspha, cria-t-elle en l’empêchant de totalement s’effondrer au sol. Que s’est-il passé ? Qu’y a-t-il ?

Alors qu’elle parlait, elle remarqua les marques qui lui rongeaient la chair, mouvantes, vivantes et suintant le mal. A chaque fois qu’elles s’étendaient sur la peau du peintre, la guérisseuse pouvait sentir son énergie s’affaiblir. Il y avait urgence. A ses deux compagnons qui se regardaient en se demandant que faire, elle dit juste

Je l’emmène. On se reverra quand vous me ferez visiter Adelarin.

Elle tenta un sourire mais ne réussit qu’à avoir l’air encore plus inquiète. Avec un murmure pour Aspha, elle disparut, les téléportant tous deux chez elle. La jeune femme avait utilisé ce sort sans hésitation, pourtant, dans son état, c’était celui qu’elle redoutait le plus d’utiliser. Heureusement, la distance parcourue était courte et donc la dépense d’énergie fut minime.

Sharah'In a écrit:

Les yeux dans le vague, Sharah'In avait entraperçu l'homme s'approcher lentement, une lueur de curiosité brillant dans son regard. Elle n'était plus vraiment attentive à ce qui se passait à l'extérieur. Au paysage du Parc se superposait des contrées lointaine qu'elle donnait à voir à son auditeur, charmé. Elle le faisait vogué doucement près des berges d'un fleuve aux teintes mauves d'un coucher de soleil, une légère brise charriant milles et une senteurs, enivrant leurs sens déjà titillés par la musique.

Puis elle avait entendu quelques notes se frayer un chemin jusqu'à elle. Elle le prit pour le chant d'un merle envoûté par la mélodie, avant de se rendre compte qu'il s'agissait d'un autre type d'oiseau. L'indien était assis en tailleur au milieu de ce désert nouvellement créé par le changement infime de rythme. Les yeux mi-clos, il jouait de la flûte, accompagnant au mieux la mélodie qu'elle-même adaptait à cette nouveauté. L'espace d'un temps, le Rêve en fut perturbé pour finalement se rétablir au beau milieu d'une oasis rafraichissante.

Puis doucement, le chant de l'Indien se tut, lui laissant l'honneur de terminer le morceau. Avec regret, elle esquissa les dernières notes, regrettant déjà de devoir quitter les limbes d'un Rêve jamais terminé. La dernière note libérée, elle retourna peu à peu à la réalité, presque douloureusement. Elle balaya alors le paysage autour d'elle pour y contempler Astriel, un sourire serein sur les lèvres, puis l'Indien, lui aussi souriant.


– Veuillez me pardonner ; je n'ai pas su résister.

- La musique n'appartient à personne et pourtant elle est à tout le monde. Ne vous excusez pas.

[HRP]Ahem la suite après tant de temps d'attente si tant ait de trouver toute idée parlante en titillant ma tête toute tournée à cette quête (et pardon pour l'allitération foireuse =°)[/HRP]


La mélopée s'éleva pour s'échapper du ciel sucré et les accompagna dans un océan d'onirisme énivrant. Les tons colorés muaient au gré des notes et du rythme que se proposaient l'indien et la jeune femme. Même en tant qu'auditeur, l'expérience était grisante. Elle lui rapelait ses premiers envols, en un peu plus posé mais tout aussi exquis. Nul besoins d'applaudissements, ils auraient briser de re-chef cette immersion déjà en partie dissipée par le souffle du vent.

- Magnifique, vous vous influencez et vous complétez à merveilles.

Il se redressa et s'assit lui aussi en tailleur.

- Hum, comment aurais-je pu oublier, c'est par la musique qu'on a le plus de chance de te trouver et de t'appeler cher fantômatique frère de pacotille, lançant l'ange avec un sourire malicieux. Et c'est un reproche ! Donne moi une raison de ne pas t'entartrer la tronche ou de te faire manger cette onctueuse herbe tiède ?

Il piqua une petite touffe d'herbe avec laquelle il s'amusa à enlever une part une les brins qui la composait.

- Où avez vous apprit à jouer ainsi ? , demanda l'ange à la jeune femme.

Elle observa l'Ange, avec amusement. Une fois encore elle avait transporté son auditoire sur les méandres de songes passés, présents ou futurs. Elle avait vécu avec délice, bien qu'un peu surprise au début, l'intrusion de l'Indien dans ses terres. Mais cela n'avait que peu d'importance désormais.

- Où avez vous apprit à jouer ainsi ? , demanda l'ange à la jeune femme.

- Au travers de différents voyages. Mon art ne se limite pas à la musique. Il touche aux rêves, au voyage... A tout cela en même temps, voyez-vous. Il est difficile de pouvoir dire comment on apprend. Il y a une part de don dans tout ça.

Elle passa ses doigts délicatement sur son instrument, lui arrachant quelques notes suaves qui semblèrent danser dans le vent pendant quelques secondes.

- Et puis... l'endroit est propice au rêve, n'est-il pas ?

La masse du dragon se posa au sol dans un aveuglant nuage de sable, surprenant tous les Aelissiens massés aux alentours de la grande oasis (soit pas plus de cinq personnes. Et un chimpanzé). Le répurgateur Exodus venait à peine de tourner la tête en direction du fabuleux animal que Grendelor s'était déjà précipité vers le dragonnier, le rattrapant juste avant qu'il ne chute sur le sable. Malgré la distance et la poussière tombante, le visage de l'homme qu'elle tenait dans se bras était parfaitement visible, de même que les affreux stigmates qui ondulaient sur sa peaux tels de sombres serpents, pris dans une danse frénétique. Exodus porta son regard vers son collègue, l'inquisiteur DeVaanne, mais celui-ci avait à son tour les yeux fixés sur l'ami de Grendelor et sur ses horribles marques.
Sans qu'il ai le temps d'échanger un mot, Grendelor venait de se retourner vers eux, tentant de cacher son inquiétude derrière un sourire hélas peu convaincant, et leur lança un bref adieu avant de disparaitre dans une brève lumière, emportant son compagnon avec elle. Le dragon repartit alors aussi vite qu'il était venu, laissant l'oasis dans un silence troublant. DeVaanne continuait à fixer l'endroit où se tenait il y a peu la Dame Turquoise sans dire un mot, tandis qu'Exodus restait à moitié assis dans le sable sans savoir s'il pouvait recommencer à respirer. Ce fut DeVaanne qui brisa le silence, le regard toujours braqué droit devant soi.

-C'était bien Aspharoth, le Gardien?

-Hum.

-Son arrivée n'a pas été des plus discrète. Et tu as remarqué les marques sur sa peau?

-Hum-hum.

-Ça ressemble de manière inquiétante à ce que nous avons l'habitude de combattre et pour tout te dire, ça ne plait pas du tout.

-Hum!

-Tu pourrais développer un peu ton argumentation, souligna DeVaane en soupirant, au lieu de communiquer par mono-syllabe?

-Hum-huuuuuum!

L'inquisiteur se tourna vers son collègue avec une irrépressible envie de faire cesser son stupide entêtement lorsque qu'il remarqua que le visage du répurgateur était en train de virer au bleu, se dernier portant une main à la gorge, l'autre tapant sur sa cage thoracique pour tenter, vainement, de faire sortir ce qui l'empêchait depuis plusieurs dizaines de secondes de retrouver sa respiration. Sans ménagement, DeVaanne lui administra un violent coup du plat de la main dans le dos et pu assister au plus impressionnant crachat de noyaux de lychee de toute sa carrière.
Exodus remplit avidement ses poumons tout en toussant, son visage reprenant peu à peu une couleur normale. Son collègue hésitait entre pitié et exaspération.

-J'avais encore un doute mais c'est confirmé: tu es la honte de la profession.

-Garde... Garde tes compliments... Dis moi plutôt ce que tu as pensé... De ce que tu as vu sur le corps d'Aspharoth.

-Je te l'ai déjà dis: je n'aime pas ça. Ça ressemble trop à ce que l'on voit dans notre métier pour qu'on puisse faire comme si de rien n'était, gardien ou pas.

-Bien d'accord. Surtout que cela impliquerait de laisser Dame Grendelor ou tout autre habitant de ce pays être exposé au risque qu'il représente. UN truc de ce genre, si c'est bien ce que l'on croit, peut exploser à n'importe quel moment. Puis, se tenant le menton et affichant un air de concentration, il ajouta. Le problème est que l'on ignore trop de chose à son sujet, et surtout où il va réapparaitre.

-Je pense que la Dame Turquoise devrait pouvoir nous éclairer à son sujet. Elle l'a sans doute emmené dans un endroit qu'elle estime sûr. Chez-elle peut-être? Se rendre là-bas nous donnerait une occasion d'en savoir plus.

-Certes... Mais je pense qu'il nous faudrait une raison autre de lui rendre visite si rapidement. Le regard d'Exodus revint sur DeVaanne. Une idée?


A suivre ici --> La Traque

Grendelor déambulait dans le parc, un enfant semblant avoir un an, aux cheveux d’un rouge flamboyant, dans les bras. A ses côtés, sa sœur l’accompagnait. Elles devisaient alors que Sargas dormait sur l’épaule de sa mère. Celle-ci avait perdu son air épuisé et désemparé mais une certaine fragilité se dégageait de sa silhouette, vestige des évènements survenus lors de l’accouchement.

C’est une tache difficile et je n’ai pas d’expérience dans ce domaine, disait la guérisseuse. Les premières semaines ont été épuisantes, aussi bien pour lui que pour moi. Le plus gros problème n’a pas été son dragon comme je le craignais au début, mais bien la magie. Elle n’est pas censée s’éveiller avant la puberté normalement, à un moment où la personne en laquelle elle sommeille est assez âgée pour comprendre et contrôler un tel don. Lui… Elle caressa doucement les cheveux de son fils, dégageant son visage, révélant les marques sur son front. Il a du apprendre à contrôler son énergie avant même de savoir parler ou marcher. D’un certain côté, son développement rapide nous a sauvé la vie car je n’aurais pas tenu le rythme un mois de plus et il aurait fini par nous faire partir en fumée.

Un sourire amusé passa sur ses lèvres. Elle pouvait se le permettre. Maintenant. Mais la catastrophe n’était pas passée loin et seule la présence du phénix de Sephi leur avait permis de survivre aux premiers jours de la naissance de l’enfant.
Le regard de la gardienne du parc s’arrêta sur une plante et ses sourcils se froncèrent. Grendelor se tourna vers Cassiopée et lui tendit doucement Sargas, qui bougea à peine, profondément endormi. Malgré son statut particulier, il restait un enfant.

Tiens, prends-le un moment. Je commence à avoir mal aux bras et il faut que je vérifie une chose.

Elle s’avança au milieu des plantes, observant le sol attentivement, frôlant les feuilles du bout des doigts.

Dans les bras de la nymphe, l’enfant remua. Elle pouvait sentir battre son cœur contre elle et la chaleur qui se dégageait de la marque du dragon sur sa poitrine.

Grendelor s'occupait d'une plante mal en point. Des visiteurs indélicats avaient arraché quelques fleurs en tirant violemment, maltraitant les racines et abîmant les rameaux. La guérisseuse s'employait à remettre délicatement tout en place, s'oubliant dans ce processus qui la détendait. La voix de Cassiopée la tira de sa concentration.


-Savais-tu que Sargas commence à vouloir parler ?

Elle revint vers sa sœur en s'époussetant, observant son fils qui souriait. Il n'y avait pas que la couleur de ses cheveux qui était remarquable, mais aussi celle de ses yeux. Avec un écho ironique qui pouvait rappeler le cas de sa mère, ses pupilles étaient d'un rouge sombre, braise couvante. Elle avançait la main pour ébouriffer sa douce chevelure quand elle capta l'éclair dans son regard. Le mouvement s'arrêta à quelques centimètres de la tête de Sargas qui se renfrogna. Grendelor sourit et porta son attention sur la nymphe.

Non, je ne savais pas. Malheureusement, à cause de mon empathie et de l'attention soutenue que je lui apporte, il n'a pas besoin de me dire quoi que ce soit. Mais ça n'est pas étonnant. Il marche déjà depuis quelques jours, sans être passé par une quelconque étape. Il s'est simplement levé et a été directement à la porte de mon atelier. Devant le regard interrogateur de Cassiopée, elle expliqua. C'est là que je garde mes potions. J'étais très fatiguée et agitée et il s'est inquiété. C'était sa façon de m'indiquer qu'il fallait que je fasse quelque chose. Tendresse et fierté étaient mêlées dans la voix de la dame turquoise. Elle croisa à nouveau le regard de Sargas qui était maintenant limpide. Ses lèvres se posèrent tendrement sur le jeune front, juste au niveau de la marque des pétales incrustés dans la peau. Je pense qu'il en sera de même pour la parole, quand il en aura besoin il le fera. C'est un économe, il ne fait pas les choses sans raison. Son ton devint plus sérieux. De toute façon, il faudra qu'il parle avec toi. Il va être temps qu'il commence sa seconde éducation et toi seule peut l'aider à comprendre cette âme double qu'il possède. C'est un recoin de lui auquel je n'ai pas accès, tout comme je suis incapable de lire en Issac ou Shyon. A nouveau, la jeune mère capta une infime variation dans le comportement de son fils et un sourire ironique s'empara de son visage. Je l'ennuie. Et je crois qu'effectivement il veut parler. Mais avec toi. Si ça ne t'embête pas, je te le confie un moment, je vais en profiter pour régler quelques affaires.

Le lien qui unissait mère et fils était si profond et puissant qu'aucune parole n'était nécessaire en effet pour qu'ils se comprennent. Bien que n'ayant lui-même aucun don d'empathie ou de télépathie, Sargas lisait en Grendelor aussi facilement qu'elle le faisait pour lui. Il était intelligent et observateur. Il en avait besoin pour survivre. Ces trois premier mois de vie, sa mère ne l'avait pas quitté plus de quelques minutes d'affilée, se dévouant corps et âme pour qu'il grandisse psychologiquement aussi vite que son corps se développait. L'un et l'autre avait fini par trouver un rythme et une entente pour que la mère ne s'épuise pas et que le fils apprenne tout de même l'essentiel à sa survie. Mais, comme l'avait souligné Grendelor, il y avait des zones d'ombre dans son éducation. Celles-ci, cependant, n'étaient pas uniquement dues à la présence du dragon en son sein mais aussi à cette masse noire qui le rongeait petit à petit. L'amour de la guérisseuse et ce qu'elle lui enseignait sur la vie et son respect contrait en partie l'action néfaste du "cadeau" de Sanz mais d'une manière indirecte, Grendelor n'ayant pas conscience de ce processus.

Alors que Grendelor s'éloignait, une angoisse sourde s'empara brusquement de Sargas, qui jeta maladroitement ses bras autour du cou de Cassiopée. En son sein, la présence qui n'avait pas encore de nom le poussait à rester avec la nymphe alors qu'elle lui était totalement inconnue, mis à part ce que lui en avait dit sa mère. Il savait pouvoir lui faire confiance mais la peur l'étreignait, menaçant de se transformer en l'une de ses colères qu'il ne comprenait pas.

Tata, fut le seul son qui franchit sa gorge nouée.

Le parc, avec la maison de Sûl-Nar et les bras de sa mère, était tout ce que connaissait du monde Sargas. D'une mémoire toute sauf enfantine, il avait retenu les moindres endroits que lui avait montrés la dame turquoise. Fils du désert, il était un endroit qu'il appréciait particulièrement et la nymphe avait habilement détourné son angoisse en lui donnant l'occasion d'être le maître de leur destination pour le moment. C'est presque courant qu'il fila sur les chemins, croisant de loin un homme avec une canne et un autre en admiration devant des Calliandra tweedi, ces jolies fleurs qui aiment la chaleur, comme lui.

Spoiler:

Filant comme une flèche, son coeur s'emballait et l'âme en son sein le poussait à aller plus vite, ouvrir grand ses ailes et s'envoler. Mais il ne pouvait pas voler! Et l'élant apporté rendit gauche sa course, emmêlant ses pas et l'envoyant le nez dans la poussière. Un grognement de colère et de frustration lui échappa et l'air crépita d'électricité autour de lui.

*Sargas, non!*

Le cri mental stoppa net les éclairs qui se formaient et des larmes coulèrent doucement sur le visage rond de l'enfant. Elle était loin encore, sachant très bien où il allait, mais elle avait senti son état tout de suite et lui avait rappelé les conséquences de ses colères non maîtrisées. Elle était sa barrière, son garde-fou, celle qui le protégeait contre lui-même. Une bouffée d'amour monta dans son coeur et Sargas se releva, reprenant plus doucement son chemin. En son for intérieur il pestait contre son dragon, puisque sa mère lui avait dit que c'était ça, avec lequel il n'arrivait à être en harmonie. Pourtant il devait y arriver s'il voulait un jour apprendre à maîtriser ses pouvoirs. Pour le moment, il ne savait que les brider, évitant ainsi que calciner tout ce qui se trouvait sur son passage. Grendelor avait été ferme, il n'apprendrait à s'en servir que lorsqu'il serait complet, en symbiose avec son dragon. C'est pour cela qu'il devait passer du temps avec Cassiopée.

Encore quelques pas et il franchit le sas menant à l'oasis, suivi plus loin par les deux femmes. L'air chaud lui brûla agréablement les poumons et il resta une minute sous les rayons puissants du soleil, ses cheveux flamboyant dans la lumière. Puis la morsure devint trop féroce et il rejoignit l'ombre des palmiers.

L’angoisse saisit Grendelor aux paroles de Cassiopée. C’était un moment qu’elle anticipait et craignait depuis la naissance de Sargas. Pourtant elle fit taire ses angoisses de mère et hocha la tête.

Oui, il est temps qu’il apprenne, je ne pourrais pas toujours le retenir, ni être auprès de lui. Il faut qu’il vole de ses propres ailes… Un rire désabusé s’échappa de la gorge de la dame turquoise. Dire ça alors qu’en vérité il n’a que quelques mois…

Tout en passant le sas, elle secoua la tête, résignée. L’air du désert l’enveloppa, cocon brûlant qui la fouetta tout en la détendant. En quelques pas, elle rejoignit son fils, assis à l’ombre des palmiers, contemplant la surface miroitante de l’oasis. Quand elle l’entoura de ses bras, il se tourna vers elle et sourit avant de s’installer confortablement dans le giron maternel.