[Divagation] Les courants d'air

Well, do you, punk ?
(ep 2)

... lorsque tout à coup le son de la macarena retentit du fond de sa poche revolver. La douce mélopée envahit le lieu lugubre et ses harmoniques ibériques se réverbèrent d'un mur à l'autre, semblant donner un peu de vie aux parois immaculées de carreaux de faïence blancs.

L'inspecteur Harry extirpa son téléphone cellulaire mais ne répondit pas immédiatement. Il adorait sentir les riffs puissants de Los Del Rio lorsqu'ils entamaient le début de refrain. Hélas pour lui, l'officier de police judiciaire de Saint Cadou savait pertinemment que s'il attendait trop longtemps la suite de la musique, il raterait son appel. Et il n'était vraiment pas d'humeur à composer le 888 en ce mercredi matin. Il se décida à décrocher.

A l'autre bout du fil (ouais je sais bande de connards ya pas de fil sur les téléphones portables sauf quand on les pose sur le buffet pour les brancher à la prise murale pour les recharger ! Et je brise le quatrième mur quand je veux, où je veux !) la voix nasillarde de Denver, le dernier dinosaure ne se fit pas entendre, car putain Denver le dernier dinosaure c'est un enfoiré de dessin animé des années quarante et qu'à cette époque les téléphones portables existaient pas sauf ceux du capitaine Kirk quand il tentait d'appeler Montgomery Scott à bord de l'Enterprise pour le downloader fissa de la planète pourrie sur laquelle il avait encore atterrit au début de l'épisode.

Au lieu de cela, la voix suave de Wanda Wilson (ouais l'histoire se passe bien sur Terre-3010 c'est bien t'as tout suivi, tu veux une médaille ?) se fit entendre à l'autre bout du fil (fais gaffe à ce que tu vas dire ! Tu veux une grosse part de cheesecake dans ta tronche de fouine ? C'est ça ? Tu veux vraiment m'énerver, putain !).

"Allô, Inspecteur Harry ? Ici la plus suave des bombasses blondes de ce feuilleton. Vous allez bien gros cochon ?
- On fait aller, M'dame, répondit Harry sur le ton nonchalant qu'on lui connait si bien .
- Tant mieux, mon choupinet. Dis, tu voudrais pas me rendre un super service ?
- Je vous écoute, M'dame.
- Tu voudrais pas aller me chercher des buritos à la crème anglaise et me louer le dvd de Zoolander au distributeur en revenant ? Si t'es sage je te ferai un gros câlin et tu pourras me prendre en levrette si le coeur t'en dit.
- Je crois pas, non. Là je suis genre super occupé, rétorqua l'inspecteur Harry, d'une voix insalubre.
- Oh, dommage, sanglota Wanda Wilson (aka Lady Deadpool pour les incultes qui auraient pas encore compris bordel de cul !) en se grattant les fesses à travers son pyjama dégueux.
- Car tu vois, poupée, 1) je suis au milieu d'une enquête qui flaire aussi bon le lys que tes menstrues séchées dans le petit panier en inox de tes chiottes et 2/ je suis au milieu d'un épisode moisi d'un feuilleton aussi pourri que le cérumen sec des coton-tiges dans le petit panier en inox sus-mentionné.
- Ok, je vois le genre, esquiva Wanda Wilson qui trempait ses doigts dans le saladier plein de pop-corn qui trônait sur la table basse face  au canapé où elle se tenait avchie depuis son réveil. Bon, ben moi je regarde les Anges de la Téléréalité sur la TNT.
- J'en ai rien à foutre.
- Après je pensais aller faire un truc cool, du genre sortir tard le soir pour aller dézinguer des punks à chiens ou dealer de la drogue.
- Passe une bonne soirée, chérie.
- C'est ça, gros flan.
- Je t'aime, ma poule.
- C'est ce qu'on dit. Ils disent tous ça. Et puis un jour ils arrivent bourrés à la Budweiser et ils font mine d'être des sex-symbols et de vouloir me faire l'amour comme des footballeurs américains gaulés comme dans American Pie, alors qu'en fait ils ont finit leur puberté depuis des siècles et ils sont à peine capable de dresser correctement leurs...
- Je vais raccrocher avant que tu dises encore de la merde.
- ... à moitié pas dures.


L'inspecteur Harry raccrocha à l'instant même où quelques part plus loin, Amélie Poulain se retenait de péter lors d'un rendez-vous galant à l'angle de la septième avenue et des Champs Elysées.


A cette heure tardive de tard le soir, Harry n'avait plus qu'une seule envie. Se taper un bon gros cheesecake aux buritos.

... à suivre

Well, do you, punk ?
(ep 3)

BLAST !

C'était son nom.
Son pseudonyme, son nom de scène, d'artiste, son surnom de super-vilain.

BLAST ! avait obtenu son bac ES mention passable à l'âge de dix-huit ans. Après avoir fêté comme il se devait la réussite de son diplôme sur une plage du Conquet en foutant des doigts à une rouquine et en buvant des bières sur le sable chaud de début juillet, il dut se rendre à l'évidence : cette vie qui s'offrait à lui ne lui augurait rien de bon. Il avait prévu d'entrer en fac de droit à la rentrée suivante dans l'espoir de se diriger vers une carrière de chargé de recouvrement contentieux. Sa voie était toute tracée. D'ici quelques années il serait gratte-papier dans un bureau austère, cravaté comme de juste et à peine révolté contre les directives sournoises d'une direction cacochyme.

Cette vision d'avenir sans surprise qui aurait dû le soulager, lui procura au contraire un vertige nauséeux. Troublé, il jeta sa bière vide dans une flaque de vomi autour de laquelle ses comparses dansaient, ivres et insouciants, prêts à se jeter à l'eau, à faire des mélanges d'alcool bizarres, à foutre des doigts à des filles et à tourner dans une publicité pour fanta.

BLAST ! mal à l'aise ôta la capuche de son sweat-shirt et mira la pleine Lune qui se levait à l'horizon, illuminant les vagues paisibles de l'Atlantique qui clapotaient à quelques mètres de lui. Il poussa un corps inerte, se leva et marcha vers le littoral. Il trempa ses pieds dans l'eau encore tiède et huma les embruns. Un doux frisson électrique le pénétra en même temps que l'air iodé et parcourut son corps fatigué.

Face à l'infini, là où la galaxie et ses étoiles se couchaient sur l'immensité océanique, sa vision se brouilla et la Lune bienveillante lui susurra ce conseil réconfortant : « tu dois devenir un Prince du Mal et répandre la haine et la violence tout autour de toi ».

L'idée l'amusa et il rit de bon cœur, les pieds dans l'eau. Il lui faudrait tout d'abord accepter d'aller à la fac pour dissimiler ses intentions malhonnêtes, s'efforcer de faire semblant de vivre comme un jeune homme lambda de dix-huit ans et mimer la normalité. Mais le plan n'était pas irréalisable.

Pour s'en convaincre il alla droit vers un de ses camarades avachi dans le sable, le nez coincé entre les nibards proéminents d'une blondasse. Il tapota l'épaule de la fille et lui avoua que le mec sur elle était un sale fils de pute déjà fiancé avec une autre bonasse. Le mec saoul, outré de cet étalage de vérité, s'offusqua, prétexta, mentit et se leva prêt à en découdre.

BLAST ! ébouriffa sa tignasse blonde crade de surfeur et lui révéla que seule la vérité blessait, ainsi qu'un bon coup de genoux dans les couilles.

L'adultère écrasé par la douleur, BLAST ! tendit une main amicale vers la fille déçue de s'être faite berner par un gougnafier, qui accepta bien volontiers avant de l'attirer vers les dunes pour lui montrer ses seins.

BLAST ! lui mit des doigts avant de l'abandonner à son sort, nue et lascive et surtout très frustrée, dans le petit matin où déjà des touristes allemands apparaissaient et poussaient du bout de la sandale les cadavres de bières et les jeunes bacheliers fins saouls.

Au passage BLAST ! Donna un coup de pied à un petit chien avant de se diriger vers le parking. Il vida sa vessie contre un combi Volkwagen. Il détestait les surfeurs, leurs véhicules antédiluviens et leurs absences de coupes de cheveux.

C'est ainsi qu'il commença une longue carrière de délinquant et de génie du mal qui le mènerait deux jours plus tard à dépecer des cochons-dindes à Saint Cadou, au grand dam de l'Inspecteur Harry, qui cherchait désespérément un dealer de cheese cake dans le froid de l'hiver glacial.

Well, do you, punk ?
(ep 4)

« Comment ça vous n'avez pas de cheese cake à la vanille ? maugréa l'Inspecteur Harry de mauvaise humeur. »

Le vendeur coréen s'excusa dans une langue étrangère et lui proposa un milk-shake à la vanille à la place de la pâtisserie.

« Regarde-moi bien dans l'oeil, face de sorbet : est-ce que j'ai une tête à siroter des boules vanilles ? Hein ? Dis-moi, punk ! »

Harry menaçait de son doigt calibre .44 le marchand de glace de la sixième avenue, en face du presbytère de Saint Cadou, Illinois.

Le policier, acerbe, abattit le pouce de son pistolet à main pour figurer l'impact de la détonation en direction de la trogne du pauvre commerçant.

« Je reviendrai, menaça-t-il en tournant les talons. »

Sitôt parvenu à sa voiture de service, la radio grésilla pour le prévenir d'une alerte niveau trois.

« Commissariat à toutes les unités en ville : un 6-2 est en cours à l'angle de WestBrigde et de Kermoysan. Je répète : 6-2 en cours »

Sans plus attendre, l'Inspecteur Harry se jeta dans l'habitacle de la conduite intérieure, R14, 1,4 litre , 1984 et mit les gaz en direction de WestBridge. Le crime n'attend pas pour être payé, se dit-il en enfonçant la cassette de Rednex dans la fente de l'auto-radio.

Well, do you, punk ?
(ep 5)

A peine le flic avait quitté sa boutique que le vieil artisan glacier coréen soupira d'aise et enleva son masque en polystyrène ignifugé. Les traits de BLAST ! apparurent alors, crispés par un rictus de haine et de satisfaction !

« Ah ah ! Je t'ai bien eu, Inspecteur Harry ! Tant que je serai en ville, personne ne boulottera de cheese cake ! J'en fais la promesse devant le cœur de la Lune et en souvenir de mon ami Pierrot, mort à la Guerre d'Indochine ! Ahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahah
ahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahahaha !»

La crise de rire fulminante du maître du Mal fut interrompue par l'irruption soudaine d'un couple de touristes japonais de cinq et sept ans, venus se repaître de spécialités locales.

« Bonjour, Monsieur le vendeur de glace. Nous voudrions nous repaître de spécialités locales. Qu'avez-vous à nous proposer en ce lumineux matin calme ?
— Euh... j'ai des milk-shakes à la vanille ou bien une part de tarte à la myrtille. C'est la meilleure tarte de tout le comté*, faites-moi confiance, récita BLAST ! qui avait appris son argument commercial par cœur (il venait de passer six mois en stage au Standford Darty Actor's Studio de Ris Orangis pour obtenir son BTS MUC).
— Nous pensions à quielques chose de plus typique. Comme du Kouign aux amandes ou bien du Kick à farce.
— C'est mon kick dans la face que tu vas prendre, enfoiré de Breton d'Outre-mer ! »

Dans une débauche de violence inouïe, le terroriste culinaire BLAST ! Sauta par dessus le comptoir du restaurant gastronomique et lança à toute volée sa Doc Marteen's dans le visage de l'enfant nippon. Il profita pour asséner un coup de poing dans le ventre de l'épouse nippone avant de les gazer tous deux avec une bombe de chantilly presque vide. Les deux touristes en lune de miel succombèrent quelques instants plus tard, suite à une séance de bracelet indien.

« Et maintenant à nous deux, sale fils de chacal d'Inspecteur Harry de mes trompes de phallus ! éructa BLAST ! en prise à la plus sourde des pulsions meurtrières. »






* la meilleure tarte au myrtille de tout le comté : voir le second volet de la tétralogie de Aillas Taunt « Un Bambou dans la Ruche »**



** « Un Bambou dans la Ruche » : suite du roman d'Ailas Tant « J'ai donné mon corps à la Nuit », écrit non paru car pas encore rédigé, mais qui a reçu un très grand succès critique grâce à sa somptueuse quatrième de couverture rédigée par dvb dans un courant d'air que vous pouvez retrouver en fouillant un peu les archives si vous avez que ça qu'à foutre. Ah et puis aussi j'en profite pour passer un petit message à Aillas, qui je suis sûr ne me lis pas : « je peux te sentir, biffleur de dragon... »