Qui a volé Edéa ? [Enquête]

"Carne ... Crocs ..."
...
SNIKT.

L'adjonction de deux mots précis avait provoquée l'ouverture automatique des mâchoires de Julius, en bon Carnicureuil attaché à ses valeurs ancestrales. Le souci étant que : Julius n'était pas vraiment éveillé, et qu'il se trouvait présentement propulsé à l'horizontale à la vitesse moyenne d'un pigeon unilatéral.
Ce qui lui donnait l'allure d'un piège à loups surmonté d'une boule de fourrure bleue.

Un instant plus tard, les mâchoires se refermèrent dans un claquement. Au contact de la chair du bras d'Aspharoth.
Ce fut le filet de sang coulant sous sa truffe qui dégrisa finalement Julius. Comme des sels. Il ouvrit les yeux, les leva vers le plafond et se mit soudain à hurler la bouche pleine, les yeux fous. Il griffa, gesticula, gigota puis arracha sa gueule ouverte de l'avant-bras, dans un "POC" assez caractéristique d'un débouchage de bonne bouteille.

Le Carnicureuil retomba au sol, cette fois sur ses pattes.
Il avisa tour à tour les filles derrière et le Peintre devant, visiblement gêné.
Les filles.
Aspharoth.
Les filles.
Aspharoth.
Les pouliches.
Le benêt.

Et d'une petite voix secrète, il murmura ...

Heuuuuuuu ... Scuse, hein, c'est le ... cran de sécurité qui a sauté.
T'inquiètes, hein, ça repousse, l'épiderme. Les poils sur les bras aussi.
Heu ...
Que ce soit bien clair entre nous : tu diras rien à l'ôt, hein ?
Il ne s'est rien passé, je ne suis pas ici et je ne t'ai pas ... disons ...goûté ?

Eda restait immobile, statufiée par la surprise et l'incertitude. Son doux visage n'avait jamais été aussi pâle. Aspharoth semblait aussi confus que ses propos. Son cerveau semblait une bouillie de pensées incohérentes. La morsure du carnicureuil parut le faire émerger dans la réalité et sa réaction instinctive fut d'enflammer la queue de la peluche.

Malgré l'enchainement étrange, Nahis regardait la scène stoïque. La rapide course dans le tunnel l'avait épuisée, elle reprenait lentement son souffle.

Tobine profita du désordre pour s'approcher discrètement de la toile blanche. Mais elle fit l'erreur de ne pas regarder où elle posait ses pieds et trébucha sur une pierre légèrement disjointe. Lors de sa chute, elle s'accrocha au tissu et le fit glisser découvrant par l'occasion une petite partie de l'énigmatique surprise.

Dégourdissant ses mains, Aspha regard Cassiopée. A première vu, ca sentait pas très bon. Il ne l'avait jamais affrontée, mais elle semblait très puissante. Son aimé aussi avait l'air puissante et semblait renfermer des pouvoirs mythiques dont il n'avait pas encore eu joie de découvrir.

- En fait, à force de prendre de multiple coups, j'ai la chair un peu tanné. C'est pas très goûtu pour un carnicureuil.

Cassiopée s'avançait vers eux, enfin plutôt faire la toile à moitié découverte. Pour l'instant c'était pas vraiment reconnaissable. Mais ca s'annoncer plutôt mal pour leurs matricules. Il allait falloir improviser. Là, maintenant très vite. Utiliser ses pouvoirs n'était surement pas la bonne solution. Le feu risquait de tout carboniser, la foudre de blesser la femme qu'il aime. Sans eau dans les parages, il ne restait plus que le vent... Chouette, ca va nous emmenait loin. La téléportation, était pas recommandait non plus, trop de témoin. Le vent? Poussière? E=MC2.
Eureka.

- Julius, court.

Le carnicureuil ne sembla pas entendre ce que le peintre lui disait.

- Couuuurt.

Toujours aucune réaction.

- Bon tant pis.

Aspharoth se concentra sur sa main droite, une aura blanchâtre se forma. Elle n'avait pas le moindre attribut menaçant. Cela semblait juste faire naitre une légère brise de printemps.

- Mesdames, j'ai été ravis de vous rencontrer en ce lieu, mais malheureusement, nos chemins doivent se quitter ici.

Aspharoth fit un geste ample de la main droite, qui fit naitre une mini tornade au milieu de la salle, rien de bien puissant mais suffisante pour soulever tout la poussière des alentours. Et les mentors savent ô combien cette pièce n'a jamais était nettoyé depuis des dizaines d'années. Par conséquent, de la poussière il y en avait et cela devenait irrespirable et surtout aussi épais qu'un brouillard. On n'y voyait rien à un mettre. Aspha attrapa Julius par la queue et le tableau par l'autre main. Il se téléporta ensuite juste derrière les quatre femmes et commença une course effréné vers la sortie du collège, avec un tableau dans une main et un carnicureuil dans l'autre. Il fallait absolument atteindre la mer avant eux. Et puis il fallait trouver X. Où est ce qu'il pouvait bien être, pourquoi n'était-il pas là, à l'heure prévu?

Tout était allé bien trop vite pour les deux neurones asthmatiques du Carnicureuil, qui scrutait alternativement l'homme et la femme d'un air contrit.
Debout sur ses pattes arrière, les bras ballants, il assistait à la scène.
Tout au plus, il avait retenu quelques bribes de phrase dont il essayait d'extraire un sens ...

... Julius ... rattraper ta connerie... lâcher ... tableau ...
Julius... oses faire ... jure ... sex appeal va ... prendre ... la jante féminine ... prise à lui..."
Réflexion intense. Concentration. Déclic.
Ok, compriiiiiiis.
Afin de prouver mon sex-appeal, lui prendre la jante féminine, ça rattrapera ma connerie du tableau. Vu !

Il supposa un peu rapidement l'emplacement de la "jante" sur une charnue, s'élança en un éclair et atterrit prestement sur Edea. Avant même qu'elle sente quoique ce soit de louche, ce dernier tirait déjà tellement fort sur la bride du soutien-gorge de la jeune femme qu'un fort claquement d'élastique résonna.
La bride s'était rompue, et avec elle, Julius fut propulsé en arrière, entraînant par un bel effet de cinétique vestimentaire, la jeune femme à la renverse.

Aspharoth, guère déséquilibré, reprit le tableau dans ses mains.
Edea chuta lourdement sur le sol, plus surprise qu'endolorie.
Julius voltigea quelques mètres plus loin, rebondit un moment sur le sol poussiéreux et alla s'encastrer dans un fatras sombre qui encombrait l'autre bout de la pièce.

Aspharoth pas mécontent d'avoir récupérer le tableau, se rua sur Julius pour l'attraper au passage et avant que sa belle n'ai le moindre temps de réagir se concentra pour se téléporter. Avant d'achever sa concentration, il lâcha quelques mots à l'elfe.

- Rendez vous avec les autres à la crypte à la sortie du collège.

A peine eut-il finit sa phrase que Carnicureuil, Peintre et tableau disparurent de la pièce.
Une fois arrivé dans la crypte, en entier, Aspha lâcha Julius qui s'empressa de vérifier que toute les parties de son corps avaient bien voulu suivre pendant le voyage.

Aspha jeta un œil autour du lui. Pourquoi avoir changé subitement de lieu de rendez-vous... Et surtout pourquoi avoir changé l'heure, j'ai bien failli me faire avoir sur ce coup là. Et même y perdre quelques plumes...

Le Carnicureuil lui jeta un œil mauvais. Et même les deux en fait.

- Désolé pour tes poils. Ils repousseront ne t'inquiète pas.

Tout à coup, le peintre détourna la tête. Enfin. Un ombre s'approchait vers lui. Une personne toute de noir vêtu. Aspharoth s'avança vers elle.

- Bon, j'ai ce que vous m'avez demandé. Ca n'a pas été de tout repos. Mais le voilà.

Il tendit le tableau à son interlocuteur qui l'attrapa.

- Et je compte sur vous pour vous savez quoi...

Les deux personnes continuèrent de discuter, traitant des détails de leur affaire. Cependant l'étranger vêtu de noir chuchotaient tellement que même Aspha avait du mal à discerner ce qu'il pouvait dire.

Aspharoth réussit à noyer la pièce dans un nuage de poussière blanche.

Tobine se dirigea vers l'endroit où se devait se tenir Aspharoth, Julius et le tableau. Mais elle entendit la voix du peintre nettement plus loin

- Rendez vous avec les autres à la crypte à la sortie du collège.

suivi du plop caractéristique d'une téléportation. La poussière commençait à retomber.

Aspharoth, Julius et le tableau avait disparu.

Edea était assise par terre. Cassiopée lui tendait la main pour l'aider à se relever.
Se tournant vers elles, tobine demanda :

- Que faire maintenant ? Savez-vous où se cache cette crypte ?

-Alors ? Que fait-on ?


- Comme tu le dis si bien, Cassiopée, le plus urgent est de sortir . Le tunnel ne posera pas de problème mais après tu devras nous guider.
Je crois que nous devrions visiter, en premier, l'antre des dragons ?
Qu'en pensez-vous Mesdemoiselles ?


Tobine réalisa alors que leurs deux complices étaient toujours à terre, totalement hébétées pas l'enchainement rapide des évènements.

- Allez, Nahis, Edea ! On se lève et on s'époussette !


Cassiopée et tobine leur tendirent la main et toutes quatre disparurent dans le passage secret.

Le manteau troublé de la nuit commençait à s'effilocher, il était convenu que le soleil allait rapidement gravir l'horizon. La crypte ne résonnait plus des murmures de connivence des deux humains.
Le premier, Aspharoth, s'était posté tout près d'un vitrail et guettait au-dehors.
Le second, l'être encapuchonné de noir, était immobile et silencieux au centre de la salle, tenant entre ses bras drapés le tableau volé.
Julius, quand à lui, trompait son ennui en dessinant dans la poussière du parvis un organe génital aux proportions cyclopéennes.

Un courant d'air froid traversa alors la pièce, soulevant légèrement le tissu de la toge noire.
La silhouette se mit à trembler quelque peu, comme saisie d'un frisson. Puis la longue cape se mit à onduler, puis à frissonner. Ce qui était maintenant un vibrato s'empara de toute la silhouette drapée.
Aspharoth tourna légèrement la tête et acquiesça lentement.
- Tu devrais effacer tes obscénités, Julius. Ça risque de l'énerver.
- Mêle-toi de ton charnu, c'est un speciale dedicazz pour son arrivée. Tu peux pas test ...

Les vibrations commençaient à s'estomper. L'être encapuchonné semblait à la fois plus grand et plus fin et s'anima enfin, comme reprenant possession de son corps. Il tenait toujours le tableau plaqué contre sa poitrine, son bras se leva lentement et repoussa la capuche en arrière : la pâleur lunaire de cheveux blancs brilla de son contraste dans l'obscurité.

Le carnicureuil leva un regard mielleux et dégaina sa rangée de poignards buccaux à l'encontre de son pseudo-maître.
- Ah bah quand même. J'étais justement en train de dire à Asphoune qu'il devait pas te traiter de "petite b...", alors je lui ai fait une représentation réaliste de ton attirail, pour qu'il se rende compte des soucis auquel il s'expose, tu vois ...
... Ca biche, Yaourt ?
Ramrod leva un sourcil d'étonnement en voyant la gravure poussiéreuse. Il ne prit pas la peine de s'énerver pour si peu et se tourna vers le Tutélaire.
- Damné Graal ... Bonsoir Aspha.
Heureux de voir que tu tiens le coup, avec ton ingérable acolyte.
Très pratique, ces petits drones-relais, pour la téléportation", fit-il en se tapotant le torse.
- Bon. Nous avons encore deux-trois choses à régler avant qu'elles arrivent.

Et ... Julius ? Vire-moi ce vagin du carrelage. MERCI.

Essoufflées d’avoir dévalé les escaliers de pierre, les quatre jeunes femmes sortirent du collège.
La petite Nahis avait du mal à suivre le rythme de ses consœurs mais ne lâchait pas la poursuite pour autant.

Tout en reprenant leur souffle, les enquêtrices observaient les alentours du bâtiment.
La plus grande partie de la cité était visible de l’entrée. Mais tout était calme et si aucune indication ne venait les aider, elles allaient devoir se séparer pour retrouver rapidement ce voleur.

Soudain, un mince filet argenté monta d’une construction légèrement isolée.

Comme chacun le sait, c’est le seul signe visible lors de l’arrivée d’une téléportation. Le signal du départ est un fin nuage doré.

« Notre voleur a du oublier ce détail dit tobine en montrant la trainée d’argent. Je ne pensais pas que nous aurions la chance de la voir »

A peine avaient-elles pénétré dans la crypte que la voix grave et familière de l’Ame Damnée retentissait sous la voute.
Le « Bonjour » était enjoué et Cassiopée se serait volontiers laissé aller à des retrouvailles joyeuses et cordiales. Mais en entrant dans la salle où régnait la pénombre, son regard enveloppa la haute silhouette de Ramrod pour atteindre celle plus petite et rectangulaire de ce qui aurait pu être un tableau. Il poursuivit sa course en suivant un fin filet sombre qui avançait vers elle. Alors il fit marche arrière.
Il remonta le petit ruisseau qui s’insinuait entre les pavés et s’arrêta brutalement sur la masse sombre et volumineuse d’un corps allongé au sol.
Le voyage des yeux fut rapide et leur agrandissement tout autant.
Incrédule, Cassiopée fixait la scène sans répondre.
Devant elle, Tobine n’était pas plus loquace. Toutes deux se taisaient, statufiées.

Quand Ramrod les invita à s’asseoir afin de se désaltérer, Cassiopée émergea. Brisant la paralysie qui l’avait pétrifiée, elle s’avança lentement vers lui, craignant par-dessus tout reconnaître le corps qui était étendu au sol. Son esprit était tellement perturbé par l’étendue des surprises qui s’offraient à lui, qu’elle ne vit pas la toge amassée à l'ombre de l'homme. Et, alors qu’elle fixait le visage presque souriant de Ramrod, elle s’y emmêla les pieds et serait tombée si elle n’avait pas attrapé le bras de l’Ame Damnée.

Celui-ci, la rattrapa à deux mains et la tint ainsi, face à lui, en plantant son regard dans le sien. Les yeux étaient d'acier trempé alors que les lèvres esquissaient un sourire.

Elle entendit le carnécureuil éclater de rire en formulant une réplique qu’elle ne comprit pas vraiment. Sans aucun doute, la situation lui échappait complètement. Elle formula enfin une réponse à l’accueil qu’on leur faisait :

- Oui… Je crois que boire serait nécessaire…. Avez-vous autre chose que du thé ou de l'eau ? Je voudrais bien une boisson forte. Très forte....

Malgré sa stupéfaction, tobine réussit à se glisser le banc le plus proche.

La scène dans cette crypte lui paraissait de plus en plus irréaliste. Que s'était-il donc passé juste avant leur arrivée ?
Le tableau, ou un objet lui ressemblant fort, appuyé le long d'un pilier, une forme humaine à terre d'où partait un filet sanglant, l'âme damnée parlant comme si tout était normal et maintenant l'agressivité du carnécureuil envers Cassiopée, tout cela n'apportait aucune réponse à leur enquête.

Bien au contraire, une multitude d'interrogations traversait l'esprit de tobine mais elle se sentait incapable de les formuler :
Qui a...? Pourquoi vouloir du mal à ... ? Que cache ... ? Quand est arrivé ... ?

Elle se tourna vers Cassiopée, toujours accrochée à l'âme damnée et dans un murmure, lui demanda :

"Tu crois qu'une Margarita va vraiment nous rafraichir ?"

Devant l'incongruité de cette question, elle éclata de rire.

Cassiopée ne souriait pas quand le carnicureuil la visa d’un air sournois et moqueur en passant la fenêtre. Elle ne sourit pas non plus quand Tobine éclata de rire. Rien n’était risible dans la scène qu’elle vivait. Rien ne lui paraissait appartenir à une réalité tangible.
Elle s’était assise tel un robot sur le banc froid et poussiéreux que Ramrod leur offrait d’un air jovial.
Elle ne pouvait pas s’empêcher de le regarder trop fixement, comme pour essayer de comprendre ce qu’elle n’arrivait pas à appréhender.
Pourtant son esprit ne réussissait pas à quitter la silhouette étendue au sol. Il lui paraissait totalement incongru d’être assise à attendre un « rafraichissement » au coté d’un cadavre.
Secouant la tête brusquement, elle parut émerger de son état comateux et se leva d’un bond.

Fixant toujours Ramrod, elle se mit à froncer dangereusement des sourcils et à serrer les mâchoires comme pour se préparer au combat qui suivrait. Puis les questions s’enchainèrent sans pause. Elle débita toutes ses interrogations sans se formaliser de la teneur de ses propos. Elle cherchait seulement à se vider la tête pour pouvoir réfléchir enfin.

-Qui est étendu ici ? Quel est tout ce sang qui coule de ce corps ? Que se passe-t-il ici ? C’est le tableau d’Edea qui est là contre le mur ? C’est vous qui l’avez tué ? Que faisait votre bestiole quand nous sommes arrivés ? Que s’est-il passé ? Que faisons-nous ici ?

Sur cette dernière demande, elle souffla bruyamment et se mit à marcher de long en large dans la pièce. Puis, elle se posta devant le corps étendu. Elle ne pouvait pas voir la face de l’homme qui était caché par sa capuche. Elle aurait voulu soulever le voile, mais avait peur de ce qu’elle y découvrirait….

Tobine était plus calme. Son éclat de rire avait évacué une grande partie de la tension accumulée ces derniers jours.
La voie de Cassiopée retentit dans la crypte:

-Qui est étendu ici ? Quel est tout ce sang qui coule de ce corps ? Que se passe-t-il ici ? C’est le tableau d’Edea qui est là contre le mur ? C’est vous qui l’avez tué ? Que faisait votre bestiole quand nous sommes arrivés ? Que s’est-il passé ? Que faisons-nous ici ?


Ramrod semblait n'avoir rien entendu et continuait à les fixer en souriant.
Cassiopée était maintenant près du corps et s'apprêtait à soulever la cape qui recouvrait le visage.

L'obstination de l’Âme Damnée, son immobilité surprenaient tobine. Tout était étrange dans cette pièce. Comme si le temps avait ralenti sa course. Tobine n'aima pas cette impression et décida de réagir.
Cassiopée allait découvrir le corps, elle se dirigea vers le tableau et commença à retirer la toile.

Elle espérait une réaction rapide de la part de Ramrod.