La forêt des mille Sapins [zone publique]

L'air se fit plus doux mais Hedoniste ne put savoir si cela était dû à sa concentration sur sa découverte ou à un changement climatique.
Il observait les elfes sylvestres effectuer leurs tâches quotidiennes. Tous souriaient et s'entraidaient. Une joie de vivre communicative envahissait cette partie de la forêt.

L'heure de repas approchait et tous se réunir. Hedoniste savait qu'il allait devoir s'occuper de se nourrir mais il ne pouvait détacher ses yeux de ce spectacle enchanteur.
C'est alors que son esprit aiguisé repéra une présence.

Grendelor arrêta Nichiren d'un geste de la main, lui faisant signe de rester silencieux. Une main sur son bras, elle lui partagea ce qu'elle ressentait. Ouvrant un peu plus son esprit, elle le tendit vers la présence qu'elle avait senti. Cette flamme ne lui était pas totalement inconnue. Ce devait donc être quelqu'un de TA qu'elle avait déjà croisé. Cependant quelque chose la titillait. Relachant totalement ses dernières barrières, assurée qu'en la présence du chevalier rien ne pouvait lui arriver, la jeune femme se mit au diapason de la nature. C'est ainsi qu'elle put les percevoir. Les elfes sylvestres étaient là. Elle n'avait pu les repérer avant car ils étaient tellement proches de la nature que leur présence se confondait presque avec celle des arbres.

Un sourire aux lèvres, elle communiqua mentalement avec son mari.

Veux-tu que nous allions les voir?

Nichiren n'ayant que l'empathie pour détecter les gens, n'avait bien évidemment pas la compétence pour trouver ces elfes au combien dissimulés, et juste à quelques mètres. C'est Grendelor qui les avaient détecté en premier, ses sens biens plus affutés venait de prouver que la gardienne de la paix, impératrice et femme du chevalier n'était pas à prendre à la légère.

La nature avait mis à couvert les elfes qui avaient observé depuis le début et sans perdre une seconde ni une seule miette de la recherche.

Avec hésitation et appréhension c'est vrai, le chevalier répondit alors à sa femme avec un grand sourire heureux.

"Oui pourquoi pas, c'est toujours bien et poli de dire bonjour aux résidents des lieux."

Grendelor fit un sourire rassurant à son mari et lui prit la main. Avançant doucement vers le groupe d'elfes qui les regardaient avec circonspection, la jeune femme émit des ondes apaisantes, englobant le chevalier, liant fermement son esprit au sien. Petit à petit la méfiance des elfes diminua et bientôt ils reprirent leur repas. Le chevalier et sa femme s'approchèrent à quelques mètres, sans les déranger et s'installèrent sur une souche pour les regarder.

Une autre personne observait, un peu plus loin. Un elfe aussi semblait-il.

La présence qu'avait remarqué Hedoniste se montra. Il reconnut Grendelor. Elle était avec un homme qu'il n'avait jamais vu.
Les deux semblaient très liés, sans doute étaient-ils ensemble.
Ils s'avancèrent doucement et s'approchèrent des elfes. Ceux-là les fixèrent un moment puis reprirent leur repas.

Hedoniste était là à regarder cette scène si peu croyable. Devait-il y aller?
Il avait peur d'être mal reçu par ces "ancêtres".

Après avoir cherché quelques instants dans sa mémoire, Grendelor finit par retrouver le nom de l'elfe qui regardait, Hedoniste. Il semblait hésiter, et de la nervosité se dégageait de lui. Alors que la jeune femme allait se lever pour le rejoindre, un évènement inattendu la retint. Du cercle des elfes en plein repas se détacha... un enfant. Elle savait que les elfes se reproduisaient peu et le comportement qu'ils eurent lui confirma toute l'importance de cet être : tous le suivirent des yeux, attentifs, quand il se dirigea vers le couple. Si les elfes sylvestres étaient souvent qualifiés de sauvages, c'était uniquement par la difficulté de les rencontrer. Ils étaient sinon de très bons juges de la nature des gens et s'ils vous laissaient approcher, ils vous accueillaient bien souvent comme l'un des leurs.

A mi-chemin, l'enfant hésita et se retourna vers le groupe d'adultes. Grendelor, elle, continuait à émettre des ondes rassurantes tout en retenant son souffle. Ayant visiblement décidés que ces deux humains ne constituaient pas un danger immédiat, les elfes hochèrent la tête à l'adresse de l'enfant tout en continuant leur surveillance. Un sourire illumina son visage et il trottina vers Grendelor et Nichiren, tenant à deux mains un bol rempli d'un liquide cristallin. A quelques pas d'eux, il s'arrêta et leur adressa quelques mots, en elfique. Malheureusement, ni le chevalier ni la dame turquoise ne le comprenait et encore moins le parlait. Bien que se doutant que c'était quelques paroles de bienvenue, la jeune femme était troublée par l'idée de ne pouvoir communiquer avec lui. Elle eut alors une idée, qu'elle mit en oeuvre avec précautions.

Doucement, elle envoya son esprit à la rencontre de celui de l'enfant. Avec prudence et beaucoup d'amour, elle y pénétra et, à son grand étonnement, s'y trouva pleinement acceptée. Elle put alors communiquer directement, sans passer par des mots, avec l'enfant. Lié comme il l'était à sa femme, Nichiren put en profiter pleinement même s'il ne pouvait prendre la "parole". L'enfant, ravi, leur tendit la coupe emplie d'eau pure, symbole d'amitié, dans laquelle ils burent à tour de rôle. Riant, il retourna voir les adultes, conversant rapidement avec eux dans leur langue chantante. Ayant apparemment obtenu leur accord, il revint vers le couple. Grand bavard, ou peut être simplement excité par sa première rencontre avec des étrangers, il commença à leur parler de sa vie quotidienne, questionnant sur ce qu'ils faisaient. Souriante et ravie, Grendelor le prit sur ses genoux, levant un regard émerveillé vers Nichiren. Mentalement, elle envoya un flot rassurant vers Hedoniste.

Un enfant s'était détaché du groupe pour se diriger vers le couple humain.
Aucun mot ne fut prononcé mais un échange invisible eu lieu entre le couple et l'enfant.

Hedoniste avait assisté à la scène sans bouger. L'enfant avait tendu une coupe à Grendelor et son mari qui y burent.

L'ambiance était bien plus détendue maintenant. Soudain, Hedoniste sentit un sentiment étrange l'envahir. Il éprouva alors une confiance en lui plus qu'à l'habitude. Il n'eut pas à chercher longtemps la source de cette sensation. Il croisa le regard de la jeune femme qui hocha la tête.

Hedoniste enjamba le monticule derrière il était caché et commença à descendre doucement vers le couple et les elfes.

Une question tournait tout de même dans sa tête :

Comment allait-il être reçu?

Quand Hedoniste apparut, les elfes ne bronchèrent pas. En vérité, ils sentaient sa présence depuis longtemps. Ils parurent même légèrement rassurés par le fait qu'il se montre enfin. Alors qu'il s'approchait, le jeune ambassadeur sauta des genoux de Grendelor pour aller à la rencontre de l'elfe.

La jeune femme se tourna en souriant vers son mari.

C'est un moment rare, nous avons beaucoup de chance aujourd'hui. lui murmura-t-elle à l'oreille.

La jeune femme se blottit dans les bras de Nichiren et contempla cette scène de rencontre, presque des retrouvailles.

Fébrile, l'elfe patientait. Idrial faisait les cents pas sous l'arbre où elle se tenait. S'il tardait encore, elle ne pourrait plus se retenir et ne lui laisserait rien ! Elle s'étirait, vérifiait la solidité de son arc, s'étirait encore, tapait du pied sur le sol. Bref, elle s'impatientait. Elle s'accrocha à une branche, puis se hissa sur une autre plus large et épaisse pour scruter les alentours. Rien. Elle soupira.
Toutefois, le soleil n'était pas bien haut dans le ciel. Le rendez-vous fixé un peu avant midi. L'elfe s'était peut-être un peu trop précipité pour rejoindre le parc...Un peu...Enfin, beaucoup. Trop emballée par la perspective de se dérouiller un peu pour une partie de chasse, Idrial n'avait pas pris les choses à la légère. Elle était sur le qui-vive, pressée de commencer.
Cependant, Aspharoth ne risquait pas d'arriver pour le moment et, ayant constaté sa précipitation, l'elfe alla s'adosser au tronc de l'arbre. Résignée, elle chasse toutes pensées de son esprit pour faire le vide et se détendre. Elle ferma les yeux pour se reposer. Elle ne dormait pas. Elle élargissait sa conscience pour sonder la vie qui grouillait autour d'elle et s'amuser à effleurer l'esprit de quelques êtres. C'était un exercice simple et distrayant qui l'aida à tuer le temps.

Aspharoth se levait péniblement dans sa grotte. La nuit avait été courte, il avait flanché sur son devoir pour le collège. Il se passa de l’eau sur le visage pour se réveiller et se prépara.

Nan mais qu’est ce qu’il m’a pris de lui dire oui pour une partie de chasse… Namé j’ai pas chassé depuis plus de quinze ans…

Il s’habilla léger avec des vêtements de tissu vert et marron. Il s’équipa de ses dagues et se dirigea dans un coin reculé de la grotte. Il fouilla dans ses affaires et sortit d’un sac un bâton d’argent ni trop court ni trop long. Il pressa une sorte d’anneau au milieu du manche et dans un bruit métallique une lame courte sortit d’une extrémité. L’air satisfait de voir que son javelot fonctionnait toujours il rentra le bout de l’arme. Il se posait la question de savoir comment il allait s’y rendre. Dragonnes ou à pieds. Vu l’heure qu’il était il avait le temps et il opta pour la marche.

Il partit, marchant sur l’eau, il prit la direction des neiges éternelles où Idrial lui avait donné rendez-vous. Il s’amusait en dessinant des arabesques dans l’eau, créant des remous ici où là. Après deux heures de marche il arriva à la lisère du bois. Regardant fixement une branche, il semblait septique.

Aller ca ne peut pas me faire de mal…

Un sourire se dessina sur son visage. Aspharoth attacha son arme dans le dos. Il s’approcha de l’arbre et sauta pour prendre appui sur le tronc, avec une seconde impulsion il attrapa une branche sur laquelle il se hissa. Puis pour se rendre au point de rendez-vous il sauta de branches en branches tombant parfois juste dessus, se rattrapant avec les bras. Pour le fun il lui arrivait de se balancer comme si il était sur un trapèze. Bref il se dégourdissait les muscles. Il s’arrêta sur une branche d’où il pouvait apercevoir l’elfe. Une pomme de pin lui souriait à côté de lui. Il l’a prit dans sa main et hésita longuement. Tête ou épaule ? Il opta pour l’épaule et d’un geste vif il la lança en direction de sa mentorette.

Alors que l'elfe observait distraitement les réactions d'un couple d'oiseaux à quelques branches de là, une aura beaucoup plus imposante que les autres semblait s'avancer dans sa direction. Nul doute que son padawan arrivait. Elle ressentait son aura et celle de l'autre dérangé qui avait élu domicile dans son corps. Elle interrompit son intrusion chez les volatiles et élargit sa conscience à son élève. Monsieur semblait s'amuser.
Les yeux toujours fermés, elle intercepta la pomme de pin d'un geste sur. Elle sourit puis se releva et se laissa tomber de l'arbre alors qu'il arrivait.

Ne crois pas que mes réflexes sont aussi longs à venir que mes créations.

Sur ce, elle lui renvoya la pomme de pin qui rebondit sur le haut de son crâne.

Bon allez ! Ne trainons pas, je suis déjà trop impatiente de commencer. J'ai déjà repéré quelques proies intéressantes en sondant les environs. Elles ont peut-être bougé depuis le temps mais c'est mieux que rien. On a au moins une direction où aller. Suis-moi et pas un bruit. Tu me fais rater mon coup et je te fais manger cette pomme de pin, compris ?

La menace ne serait pas mise à exécution évidemment. C'était juste une manière de lui faire comprendre qu'elle comptait bien profiter un maximum de cette après-midi. Ce n'est pas tous les jours qu'on peut s'amuser ici.
Quoiqu'il en soit, elle mit en route en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Aspharoth n'avait qu'à suivre. L'avantage de cet endroit, c'est que la paysage offrait un magnifique terrain de jeu. Les arbres étaient haut et épais et les branches étaient assez basses pour y grimper. En outre, l'espace entre chaque était assez réduit pour se mouvoir d'un arbre à un autre sans difficultés.
Ses mouvements étaient fluides et souples. Elle avançait aussi aisément que si elle marchait sur un chemin dégagé. Elle s'élançait de branche en branche sans peine et ils eurent parcouru la distance souhaité en un laps de temps raisonnable ; quoique le temps n'importait plus désormais. Seul le plaisir comptait. Elle échoua sans bruit sur le sol et se déplaçait désormais avec prudence. Le moindre caillou que l'on cogne ou la moindre brindille que l'on écrase par inadvertance pouvait alerter le gibier. Et elle le sentait tout près.
Ici, le sol n'était pas plat du tout. La forêt avait continué à s'étendre sur le versant d'une des montagnes d'Echoriath. La pente était raide et le sol ressemblait à des butes de terre que l'on aurait retourné encore et encore. Il y avait aussi une étonnante prolifération de fougère dans ces bois et les arbres gagnaient en hauteur à cet endroit.
L'elfe ne se trompait pas. Du moins, sa conscience ne l'avait pas trahi. Ils s'étaient rendu là où elle avait ressenti l'essence de quelques êtres de tailles imposantes ; un peu plus tôt, alors qu'elle attendait Aspharoth. Se tournant vers celui-ci, elle lui indiqua les traces de sabots au sol. Les empreintes étaient encore fraiches, ce qui ne faisait que la conforter dans sa position. Les traces montaient et contournaient un gros rocher planté près d'un arbre. Idrial s'avança et jeta un coup d'œil par dessus la masse rocheuse.

Hep ! Aspha...Regarde, chuchota-t-elle.

Aspha suivait sa mentorette la tête en l'air. Il observait ici ou là les oiseaux chanter et volait légèrement dans la brise du matin. Puis il remarqua la terre retournée en contre bas. Indice qui ne trompait pas, sa mentorette n’était pas nul à la chasse. Elle était sur la trace d’un gibier. C’est pourquoi il ne fut pas étonné de voir un gros sanglier lorsqu’elle interpella. Il attrapa sa lance, la fit tourner entre ses doigts et appuya sur l’anneau pour que la lame sorte. Sauf que du coup le cochon entendit le bruit métallique et commença à courir entre les arbres. Aspha essaya de lancer son arme mais elle se planta dans le bois…

Ouuupss.

Oh...Le boulet !

Oh ça va hein, on a plus qu’à courir derrière lui lança-t-il avec un grand sourire

Eh bien vas-y ! Par contre, ce n'est pas dit que c'est toi qui l’auras.

C’est ce qu’on verra…

Aspharoth sauta de l’arbre pour aller récupérer sa lance et coursa l’animal. Les arbres empêchaient sa progression si bien qu’il décida de remonter dans les branches sauf que du coup Idrial l’avait devancé… Il accéléra le mouvement mais rien à faire, il était presque à bout de bras de l’elfe mais il ne pourrait pas la doubler. Reste plus qu’à espérer qu’elle le loupe.

Au cliquetis produit par l'arme, le sanglier avait dressé la tête et détalé sans réfléchir. L'elfe le prit en chasse. Sans réfléchir, elle aussi. Ses instincts refaisaient surface et elle se surprit à n'avoir aucunes difficultés à le suivre. Il la tenait à quelques mètres de distances encore. Aussi, dès qu'elle en eut l'occasion, elle grimpa dans les hauteurs des arbres pour essayer de se faire oublier. Elle le suivait toujours et le sanglier, quant à lui, ralentit l'allure quelques minutes après qu'elle eut disparu dans les arbres. Alors, elle le dépassa d'une assez bonne distance et anticipa sa trajectoire. Elle se posta à mi hauteur d'un arbre de façon à être hors de son champ de vision et ne pas être gênée elle-même. Là, elle prit une flèche dans son carquois et l'encocha en attendant le moment propice. Une seule ne suffirait pas, elle en était consciente. Deux non plus. Mais cela le ralentirait considérablement.
Alors, il se présenta à elle, offrant une cible parfaite. Quoique parfaite vaut mieux pour une cible immobile. Elle décocha une première flèche qui s'enfonça dans sa cuisse avant exposée. La deuxième, elle l'envoya se ficher dans une autre. L'animal déséquilibré s'écrasa au sol mais trop robuste pour être immobilisé par deux flèches, il se releva avec peine et continua son chemin sous la douleur, ralenti.

Voila quelques temps qu'Hedoniste n'était pas venu se balader entre les pins centenaires. La dernière fois, il avait aperçut, de loin, ses ancêtres elfes forestiers.
Ils ne s'étaient pas parlés et il avait senti qu'il n'était pas le bienvenue chez les elfes. Ceux qui avaient quitté l'enceinte protectrice de la forêt n'étaient plus considérés comme des amis.
Hedoniste savait qu'il ne serait donc pas accepté en revenant et n'avait pas insisté. Il avait quitté ses racines petit et se considérait plus comme un humain que comme un elfe.

Il était revenu dans cette forêt une nouvelle fois pour se ressourcer. Il allait au gré de son envie, épiant les petits oiseaux qui se pourchassait. Le printemps était revenu et la saison des amours allait voir apparaitre ses premières naissances.

Il posa un genou à terre machinalement, geste qu'il tenait de son père pisteur. Il passa sa main sur la terre. Quelques aiguilles de pin roulèrent sous ses doigts. Il rapprocha ces derniers de son nez et les renifla.
Quelque chose le gênait, cette odeur n'était pas habituelle. Il examina le sol et trouva ce qu'il cherchait : une trace de pas.
Il la frotta doucement.

*Pas plus de deux jours. Surement un.*

Il se releva et partit sur la piste des traces, la main sur le pommeau de son épée.

Quand Cassiopée se dirigeait vers les hautes cimes, c’est qu’elle avait besoin d’ouvrir son esprit au vent. Elle se dressait alors sur le faîte de la longue arrête qui dominait Echoriath et de ce sommet laissait ses sens percevoir tout ce que l’air pouvait véhiculer. Surplombant le monde, elle avait alors la sensation de ne plus subir. Les évènements survenus sur la digue avaient considérablement martelé son âme et elle gardait gravé sur son corps les traces du dragon de ses nuits.
Le vent était doux en cette journée de Mai et la brise obéissait à la douceur ambiante, ne véhiculant que l’harmonie.
Aussi, c’est détendue et le sourire aux lèvres qu’elle dirigea ses pas vers la forêt des mille sapins.
Le contraste entre l’éclat bleu du ciel et la pénombre envahissante des arbres fut brutal et Cassiopée en eut le souffle coupé. Un silence opaque régnait et seul résonnait l’écho de ses pas. Le contraste entre la lumière et la nuit était aussi cru et tranchant que celui de son âme double qu’elle ne parvenait pas encore à bien comprendre.
Avançant toujours plus vers le cœur de la forêt, elle oublia ses sombres pensées pour respirer l’odeur sucrée des aiguilles quand elle entendit distinctement le bruissement d’une branche écrasée par le poids d’une bête ou d’un homme.

Hedoniste suivit la piste, examinant les branches cassées des buissons. Pas de traces de sang mais le pisteur sentait que la créature qu'il suivait cherchait à fuir quelque chose.

*Surement ne voulait-elle pas se faire voir des autres visiteurs*

Les traces n'étaient pas difficile à suivre et renseignaient le jeune homme sur ce qu'il traquait. La bête était lourde, au vu de la profondeur des traces. Elle était sûrement grande, ce qui expliquerait leur largeur.
Aucun poil ni aucune écaille ne venait lui dire précisément ce qu'il pistait.
Il était concentré sur sa piste mais une présence le sortit de ses pensées.

Cassiopée ne portait jamais d’arme sur elle, elle n’aurait su s’en servir. Elle n’avait pour seule défense que son savoir et sa conscience étroitement liée aux trois fondements de la Nature. Elle était au centre du triskell, les pieds ancrés en Terre et ses seules armes prenaient souvent la forme de trois spirales composées de l’eau, de l’air et du feu.

Aujourd’hui, pourtant, l’inquiétude la gagnait alors qu’elle écoutait attentivement le monde obscur de l’immense forêt. L’inconnu érigeait la crainte dans son esprit ne sachant comment s’en défendre.

Les sens en éveil, elle avait stoppé ses gestes, attendant le prochain craquement afin de pouvoir l’identifier. En cet instant qui semblait durer une éternité, un silence envahissant plombait tout l’environnement accentuant encore l’angoisse qui croissait instinctivement chez Cassiopée.

Il était clair que l’elfe avait un instinct chasseur plus développé que le peintre. Ce dernier descendit sur la terre ferme, suivant du regard les actions de l’elfe. Il tourna la tête alerté par des auras qui venait de rentrer dans la forêt. C’est alors qu’il aperçut les bois magistraux d’un grand cerf. A chacun sa cible pensa-t-il. Il laissa Idrial achever sa proie et se dirigea vers le cerf qui se baladait. Ce dernier s’approcha d’un cour d’eau pour se désaltérer. L’instinct de guerrier et de stratège du prince se réveilla. Il se déplaça vers la droite à une distance suffisante pour ne pas que l’animal l’entende entrer dans l’eau. Il prit une grande inspiration et se déplaça sous la surface jusqu’à être en face de sa cible. Il sortit sa lame, fixa son but. Attendre le bon moment. Se concentrer et frapper. L’animal rassasié leva la tête tendant bien son coup.

* Maintenant ! *

Aspharoth prit une impulsion et sortit dans l’eau. D’un geste vif et précis il lança puissamment sa lance. L’animal eu à peine le temps de réagir que le javelot cisela la peau et pénétra dans les chaires. L’animal majestueux se cabra de douleur. Le poitrail dévasté par la lame la proie s’écroula sur la rive. Une coulée de sang se jetait dans l’eau. Le prince récupéra son arme, la nettoya puis la remis à sa place dans son dos. Il prit la bête sur ses épaules.

- Bon allons voir où en es la mentorette avec son sanglier.

C’est trempé, le dos dégoulinant de sang bestial qu’il entreprit de rejoindre sa camarade de chasse.

La bête s'éloigna, chancelante, sous l'œil d'une Idrial distraite. L'elfe avait senti qu'Aspharoth lui avait abandonné le sanglier au profit d'une autre créature. Déçue de ne pas avoir plus de concurrence, elle haussa les épaules et descendit tranquillement de son arbre pour suivre sa proie. Celle-ci s'éloignait de plus en plus difficilement. La respiration saccadée, chaque pas lui coutait un peu plus que l'autre. La bête s'écroula, toujours vivante mais respirant bruyamment. L'elfe s'approcha doucement, sans affoler la bête plus qu'elle ne l'était, et lui donna le coup de grâce. Ses membres se raidirent et l'animal mourut, échappant ainsi à une lente agonie. L'elfe extirpa le long couteau de l'animal et essuya la lame. Elle le rangea et poussa un soupir en se laissant tomber au sol.

Assise, en face de l'imposante carcasse du sanglier, elle paraissait légèrement mécontente. Malgré que la traque se soit déroulée sans encombres, elle n'en tirait aucune satisfaction. Si ce n'est la poussée d'adrénaline qui l'avait envahie lors de la traque. Cette poussée même qui lui avait donné tant d'énergie. Maintenant, il ne lui restait plus...Plus rien. Si ce n'est quelques souvenirs qui remontaient à la surface. Des souvenirs qui la ramenaient à l'époque de sa vie où tout était beaucoup plus mouvementée que ça. Que cette sensation qui l'avait prise plus tôt la plongeait dans les réminiscences de sa vie avant Ter Aelis...Avant Atalante, le Collège, Aillas, Sul-Nar, les Ateliers...Elle ne savait pas si cette vie lui manquait ou non. Ter Aelis lui avait apporté des choses bien différentes qu'elle n'échangerait pas contre celle d'avant. Néanmoins, tout était trop paisible et facile parfois...

Cela faisait longtemps que la petite planète n'avait pas mit les pieds dans la forêt. Elle se souvenait avec amusement de sa première virée dans cet endroit. Une virée qui avait fini contre un arbre.

Elle avançait tranquillement sous les arbres majestueux. Sa compagne habituelle pour une fois muette observait avec attention tout se qui pouvait faire du bruit. l'endroit était toujours aussi paisible.

Alwenn posa sa main sur le tronc d'un arbre comme si elle se reposait. Finalement elle arrivait dans une clairière, ou le soleil donnait violemment. cela contrastait avec la douceur de la lumière sous les feuillages. Elle s'installait sur un tapis de mousse a l'orée de la clairière et décidait finalement d'y faire la sièste.

Idrial semblait fâchée. En fait non, elle était plutôt boudeuse. Un truc clochait dans cette forêt. Le peintre ne savait pas quoi mais ca clochait. Des auras raisonnèrent dans sa tête d'autres personnes étaient rentrées dans la forêt. Puis tout à coup des présences apparurent au milieu des sapins. Une, puis deux, puis trois. Très vite il y a avait une trentaine de personnes qui les encerclaient et se rapprochaient. Aspharoth posa le cerf sur le sol et prépara sa lance.

Ca sent pas bon ca.

Puis un sifflement, une flèche qu'il eut juste le temps d'éviter. Des elfes les tenaient enjoue. Les pointes d'aciers des projectiles brillaient un peu partout dans les alentours.

Oook. On se caaalme.

Aspha arrivait pas à palper sa mentorette. Il ne savait pas comment elle se sentait. D'ailleurs aussi bizarre que cela puisse paraitre il avait toujours eu du mal a lire en elle. Cela dépendait des jours mais le plus souvent il n'y arrivait pas.

Oh...On dirait qu'il suffit d'y penser pour que les ennuis apparaissent.

Ce qui l'intriguait, ce n'était pas tant qu'ils soient si nombreux, c'est qu'elle n'ait pas pressentit leur arrivée plus tôt. Un groupe de cette taille se remarque habituellement. S'interrogeant sur leur nature, l'elfe commençait à être agacée par son padawan qui venait chatouiller ses barrières mentales, comme une mouche qui vous tourne inlassablement autour.

*Ça va Aspha ! Je suis là ! Arrêtez-ça, je ne supporte pas !

...

Euh...Pardon. Désolé.*

Elle respira lentement et se reprit. Visiblement, Idrial semblait plus alarmée qu'elle ne voulait le croire. Des elfes. Voilà ce qui leur tournait autour. Des elfes.
En voilà qui ne devaient guère approuver leur petite partie de chasse, entre autre. Leur présences, ils ne l'approuvaient pas non plus.

*Aspha, ils sont déjà sur toi ?

...Bouge pas, j'arrive.*

Laissant la carcasse qui lui servait de butin, elle partit là où la conscience d'Aspha s'agitait.

*Du calme, du calme. Depuis quand on se laisse intimider par des êtres aux oreilles pointus ? Ca n'a jamais marché avec moi...Cela dit, JE n'étais pas un groupe tout entier d'elfes.

Ouais...Bon bref.*

* Ouais tu n’étais pas un groupe, pis t’avais pas un arc pointé sur moi… Et puis eu non j’avais pas mon épée. Mais la ca me serais utile…*

Trente secondes s’écoulèrent.

* Attends, depuis quand on se comprend par télépathie ??? *

Trop préoccupé par les elfes autour de lui il ne s'attarda pas plus sur la question.

*Si on brûlait leur forêt ? Ils seraient à découvert. *

* Oui, nous aussi idiot, pis c’est pas trente elfes qu’on aura après mais une centaine…

Nan faut une vraie solution… *

Ce coup ci deux flèches arrivèrent en même temps. Puis une troisième. Le peintre les évita sans mal.

Nan mais c’est bon ! On peut peu être discuter naan ?

Discuter avec un braconnier jamais.

Une autre slave de flèches plus importante arriva. Aspharoth fit un mouvement vif du bras. Des éclairs interceptèrent chacun des projectiles.

Maintenant je suis énervé. La voix cristalline des deux voix mélangées raisonnait à présent dans la forêt. Les elfes encerclaient maintenant le prince et certains commençaient à sortir des dagues.

* Idri’, fuit. Je me charge d’eux. Et je te rejoins à la lisière du bois. *

Il était persuadé qu’elle ne l’écouterait pas, mais au moins il aurait essayé. Aspha planta sa lance dans le sol et sortit ses deux dagues.

Que la danse commence.

Fuir....Et puis quoi encore. Non, vraiment, c'était louche que les elfes soient aussi directs. Idrial avait beau ne pas avoir grandi parmi eux, elle savait que ce n'était pas un peuple agressif. Leur amour pour la Nature ne pouvait les pousser à s'élancer aussi nombreux à la poursuite de deux individus dont les actes leur déplaisaient. Il y avait forcément autre chose, sans quoi, ils se seraient contentés de les avertir. Pourtant, là, leur intention était clairement hostile.

*Aspha, ne les attaque pas. J'arrive. Leur attitude est étrange, j'ai besoin de comprendre.*

Tout en se mettant en chemin, l'elfe s'arrangea pour faire le plus de bruit possible afin d'annoncer son arrivée aux oreilles pointues. Tant qu'une partie de leur attention se portait sur elle, Aspharoth aurait un peu de répit.
Lorsqu'elle aperçut un premier elfe qui la tenait en joue, elle ralentit sa course et marcha calmement vers eux, armes rangées.

Inutile de tirer, lança-t-elle, je ne suis pas là pour me battre. Où est mon compagnon ?

L'elfe eut un moment d'hésitation mais s'éloigna sans dire un mot. Idrial lui emboita le pas et se retrouva bientôt aux côtés d'Aspharoth entourée d'une bonne tripotée d'oreilles pointues.

C'est bon. Range tes armes.

Elle posa une main sur son bras pour qu'il obtempère. Il devait avoir confiance en elle.

J'aimerais parler à votre chef si vous me le permettez.

Et pour quelles raisons devrions-nous vous écouter ? Nul besoin de discuter. Vous êtes un danger, l'élimination s'impose.

Un instant ! Tuer deux animaux ne devrait pas être une raison suffisante pour nous tuer ; quand bien même notre acte peut vous paraitre révulsant.

Il suffit !

NON ! A quoi rime tout ce cirque ? Quelque chose d'étrange se passe dans cette forêt pour que vous vous comportiez ainsi et ce n'est certainement pas notre faute !

Idrial montait le ton, la patience n'avait jamais été son fort. Elle se rapprochait aussi de l'elfe qui osait lui parler comme à une moins que rien. Il la regardait d'un air méprisant, visiblement agacé par son comportement insolent.

Peu importe les raisons, vous n'avez pas à les connaitre puisque vous allez périr.

Attends Eriel. J'ai le sentiment que nous n'en avons pas après la bonne cible.

Idrial fit volte-face et se retrouva nez-à-nez avec un autre elfe. Il mesurait une tête de plus qu'elle et était d'une grande beauté. Surprise, elle eut un mouvement de recul. Elle ne l'avait du tout entendu arriver.

Comment...

Eriel, elle ne m'a pas l'air si terrible que ça. Je doute qu'elle ait pu commettre ces atrocités. Son ami non plus bien qu'il a l'air beaucoup plus instable.

Mais quelles atrocités ?!

Il souriait mais cela était presque effrayant. Cet elfe dégageait une aura très mystérieuse et son esprit était impénétrable.
Impossible. Elle ne comprenait rien. Comment avait-il fait pour qu'elle ne s'aperçoive pas de sa présence ? De quelles genres d'horreurs les accusaient-on ?
Il posa sur elle un regard perçant. Idrial eut la désagréable sensation qu'il pouvait percevoir bien plus que ce que sa simple vue lui offrait. Soutenir son regard lui était pénible, aussi détourna-t-elle rapidement les yeux, troublée. Amusé, il l'abandonna là et commença à partir.

Suivez-moi.

Comme il s’en doutait Idrial était venue le rejoindre. Elle était elle aussi au milieu des elfes, en position de cible pour leurs flèches. Elle posa sa main sur son bras droit et elle lui demanda de ranger ses armes. Surpris il lui jeta un regard. Il comprit ce qu’il lui passer par la tête et décida de lui faire confiance. Au grand dame de Steleroth. Faire confiance à une femme était pour lui très dur.

* Tu es certain de ce que tu fais ? *

* Ecoute, si je ne lui avais pas fait confiance depuis mon arrivé sur Ter Aelis, je n’en serais surement pas là. Et puis c’est Idrial. L’une des rares personnes en qui j’ai confiance, donc je m’en remet à elle sans craintes. *

Steleroth semblait septique mais Aspha restait ferme. Il rangea ses dagues pendant que sa mentorette commençait, du moins essayait de dialoguer avec ces oreilles pointues quelque peu dérangées. Apparemment ils n’étaient pas aptes à discuter. Et Idri’ perdit vite patience… Au moment même où l’elfe annonçait leurs fins certaines, ce qui fit sourire Steleroth de l’intérieur, un elfe élancé vint se coller dans le dos d’Idrial. Surprise celle si ce retourna et recula. Mais qui était-il ? Comment avait-il pu arriver si proche sans qu’Aspharoth ne s’en aperçoive ? Une aura mystique émanait de lui, une sorte de pouvoir ancien. L’attention du Prince était portée sur lui.

* Aspha ? *

* Oui je le ressens aussi, cet elfe n’est pas comme les autres, je n’ai pas ressenti une telle sensation depuis que je t’ai affronté. *

Son corps tremblait. La peur ? L’angoisse ? L’émotion ? Peu importe, cet elfe était puissant. Et pour le bien de sa mentorette, et de lui aussi même si ça l’importait moins, il fallait coopérer. C’est pourquoi qu’il suivit sans broncher lorsque l’elfe leur ordonna. Malgré sa remarque désobligeante. Il prit juste ca lance au passage. Les deux amis furent escortés au travers de la forêt, il marchèrent une bonne demie heure puis les elfes s’arrêtèrent. Rien. Il n’y avait rien, juste des arbres à perte de vu. Seul deux vieux sapins, beaucoup plus gros et grand que leurs congénères, venaient troubler le paysage par rapport à ce qu’il avait pu voir durant leur marche.

- Mais il n’y a rien ici…

A peine eut-il fini sa phrase qu’il vu Idrial s’effondrer par terre. Il n’eut pas le temps de réagir qu’il reçût un coup violent sur la nuque et perdit conscience.

Au bout d’une bonne heure, il se réveilla en clignant des yeux. Au vu du plafond il devait être dans une hutte. Il se redressa quelque peu et vu Idri’ assise dans un coin. Songeuse, la main se tenant le coup. Il porta sa main sur sa nuque où la douleur venait de se réveiller. Il fit craquer ses vertèbres et il se leva. Evidemment il était désarmé et la hutte ne comportait qu’une seule issu, certainement gardée. Il fit tourner une dernière fois son regard. L’entrée n’était pas seulement gardée, la hutte complète était cernée. Il s’adressa alors à Idrial :

- Ca va ?

- Comme quelqu’un qui s’est fait assommer idiot !

- Eu… Oui, pas faux.

- Je ne comprends pas leurs réactions, il doit avoir quelque chose qui ne tourne pas rond…

Il se retint de sortir une connerie. Le mystérieux elfe rentra.

- Vous êtes enfin réveillé ?

- Qui es-tu ?

- Je suis Aznasel, le fils du roi de notre tribu. Mon père veut vous voir.

Ils le suivirent donc, ils étaient dans une citée dans les arbres. Après avoir franchi quelques ponts de cordes ils arrivèrent devant l’entrée d’une maison plus imposante. Cette ville rappelait la forêt des anciens au Prince. Ces elfes seraient-ils liés au Gold ? Nan ce n’était pas possible, juste un concours de circonstance. Si c’était le cas, tout les elfes aurait des pouvoirs et non pas seulement deux auras puissantes. Une fois à l’intérieur il firent face à un vieille elfe siégeant dans un trône en bois.

- Voici donc la cause de tous nos problèmes. Vous êtes condamné à mort pour vos infamies.

Cette fois ci c’est Aspharoth qui perdit patience.

- Bon écoute moi le vieux. Déjà, je n’aime pas être considéré comme un gibier pour des archers du dimanche. Deuxièmement, je ne supporte pas qu’on me donne des ordres. Troisièmement, j’ai horreur qu’on m’assomme, encore moins quand on le fait par derrière. Alors avant de devoir mourir, laissez moi rire, j’aimerais bien savoir de quoi on nous accuse ?!

Ses mains commençaient à le démanger et son aura, qui était pour l’instant était caché de telle façon à ce qu’il passe pour une personne banale, commençait à monter.

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