Il en va des univers fantastiques comme des blagues carambar : des fois on tombe sur de l'inédit surprenant !
Aussi il m'a été donné de vivre un épisode lovecraftien dans les ruelles d'Arkham des plus inattendus. Alors que je déambulais le long de la Miskatonic, mes bouquins d'étudiantes sous le bras, je décidai de m'armer comme il le faut pour affronter les goules, les dholes et autres sorcières suicidaires.
Seulement voilà, sans le sous il me fallait trouver un moyen de gagner quelques dollars. C'est à ce moment là que le journaliste Aillas, rencontré au relai routier, eut la truculente idée de faire feu de son appareil photo de professionnel de l'information pour exercer ses talents d'artiste démoniaque sur la pauvre fille que j'étais.
Et voilà pas que les photos de mes nichons se retrouvent entre les mains d'un rédacteur en chef indélicat, incapable de prendre la mesure du danger cyclopéen qui, tapis dans les profondeurs de R'lyeh, menace de s'abattre sur le Massachusetts en cette année 1926 !
Qu'importe avec l'argent gagné grâce à mes charmes voluptueux, je me rends à la boutique du coin et dépense tous mes dollars durement acquis. J'ai de la chance, c'est les soldes et il y a une promo sur les calibre 45 : deux pour le prix d'un !
C'est un peu lourd dans ma veste, du coup j'en mets un dans mon sac d'écolière, et je m'en retourne en cours à la fac.
En chemin je croise une bande de jeunes de première année qui manifeste contre la prohibition et la présence dans l'aile scientifique d'artefacts égyptiens ayant appartenu au Pharaon Noir en personne.
Qu'importe, je dois poursuivre mes études en parallèle des monstres et des Grands Anciens. Alors que je traine dans les couloirs déserts, je tombe nez à nez avec un rat de bibliothèque, un thésard timoré qui me regarde droit dans le décolleté avant de déguerpir, impressionné par cette vision profonde. il laisse tomber une pile de bouquins. J'aurai dû écouter les conseils de Teysa : ne jamais lire de vieux manuscrits ésotériques dans cette fichue ville : ça vous fait perdre votre santé mentale !
Et me voilà quelques instants plus tard dans le bâtiment administratif à la recherche de précieux indices sur mon cursus. Ici aussi c'ets désert. Un autre binoclard empourpré me prend pour l'intendante et veut me payer ses droits d'inscription. Après tout je suis plus à ça près et j'ai déjà gagné de l'argent de façon tout aussi indécente depuis le début de l'aventure... Je n'empoche pas l'argent et je vais directement à la case prison : la vraie intendante a découvert in extremis ma supercherie. Fichu facteur chance qui m'échappe à chaque fois !
Du coup pendant que je me fais les ongles en taule, là on d'autre se les rongerais, je vois à travers les barreaux de la fenêtre, une sombre population pas nette qui psalmodie des cantiques insensés
Ph'nglui mglw'nafh Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn
Ouai ! si j'avais empoché un dollar à chaque fois que j'avais entendu ça, je serai pas obligée de retrousser mes bas devant des photographes lubriques !
Bah c'est comme ça !
Les flics en ont un peu rien à carrer de moi, vu comment ils sont débordés avec tous les évènements de la soirée, du coup on me relâche. Il me reste pas grand chose à faire, vu que le quartier est bouclé par un attroupement d'enragés célestes. Et aucun investigateurs digne de ce nom n'est capable de nous débarrasser de cette vermine.. .et surtout pas Cassie qui est plus ou moins perdue dans l'espace et le temps depuis son départ pour les Plateau de Leng.
Au nord de la ville, il y a la banque. C'est classe les banque ! Et c'ets parce que je suis une fille classe que je bosse à mi-temps là bas.
Alors que je monte les escaliers extérieurs, une espèce de clochard égyptien - genre arabe fou - m'arrête et me prends le bras pour me tenir le crachoir. Il baragouine des trucs hallucinés à propos de déserts, de chameaux et de vieux livres interdits. Je l'écoute patiemment et au bout de quelques minutes il s'en va en me laissant son livret d'épargne ! Ca va pas chercher loin, mais c'est toujours ça de pris !
Comme tous ces évènements m'ont un peu mise à cran, pour ne pas dire rendue gaga, je fais un saut à l'asile psy d'Arkham, qui est à deux pas de la banque.
J'ai dans l'idée de demander un doliprane à une infirmière, mais à peine entrée dans un couloir qui sent l'urine et le pentothal, une porte s'ouvre pour vomir un fou furieux qui s'agrippe à moi et plonge littéralement dans mon corsage !
Mais il n'y a donc que des pervers dans cette ville ?!
Lui aussi est à moitié habité par le démon. Il me hurle qu'il ne faut pas s'approcher du Nécronomicon sous peine dde se faire posséder sur le champs par des entités malveillantes.
Ca tombe mal, j'ai oublié de le rendre à la bibliothèque... je vais me faire gronder par le professeur Armitage !
Bah... je lui montrerai une ou deux photos, ça égaiera un peu son vieux slip décalcifié et ça lui rappellera ses escapades à Dunwich.
Au final en sortant de la maison d'aliénés je me rends compte que j'ai rien foutu de trépidant de la nuit alors que mes comparses tirent à gogo sur des portails, des Mi Go, des chèvres des bois et tout le tralala. Je recroise une dernière fois le photographe déluré Aillas alors que, attirée par des cris inhumains, je me suis dirigée vers l'île qui se trouve en plein dans la Miskatonic. Là il me regarde d'un air entendu en tripotant les ampoules de son flash... j'ai bien compris l'allusion, mais il fait vraiment trop froid pour retrousser quoi que se soit ! En plus, j'ai plus envie.
Comme il insiste je lui montre ma paire de gros calibre. Là il change de discours et me dit qu'on a besoin de moi pour sceller le dernier portail au square de l'Indépendance, à l'autre bout du quartier.
Ca c'est dans mes cordes, je peux le faire. Après tout je me suis engagée sur cette voie pour ça.
D'un bon pas je me dirige vers le jardin en question, je descends deux ou trois chiens vampirisés en chemin, et je pénètre, avec un soupçon d'excitation dans le portail magique qui me mène tout droit dans les contrées du rêve.
Et en fait là bas c'ets chiant. Il se passe rien du tout. Je croise un vieux cacochyme qui s'est vautré en trébuchant sur un caillou, je lui pique son portefeuille et descends un cultiste totalement envoûté.
Je ressors de là. Je dézingue le fatras de trucs magiques et j'assure, en héroïne que je suis, la pérennité de l'espèce humaine face à l'indicible volonté destructrice et vengeresse d'Azatoth le bien nommé. C'est pas encore pour cette fois qu'il mangera la Terre avec tout ce qu'il y a dessus.
Je me retourne en ville, guillerette, m'attendant à être célébrer comme celle qui a sauvé le Monde, mais au lieu de ça, je comprends que tous les autres sont partis boire des coups à la Loge du Crépuscule où toutes les conversations convergent une fois de plus vers mes nibards !
Nan mais sérieux !
Arkham c'est vraiment un nid de pervers !